13 Déc 2025, sam

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Un voyage peut changer la façon de voir les choses, surtout lorsqu’il traverse des réalités blessées mais encore vibrantes. L’expérience vécue par Milena, une jeune de l’animation missionnaire du centre de l’Italie, dans les œuvres salésiennes de Bogotá, Cúcuta et Medellín en est une preuve concrète : l’espoir naît précisément dans les périphéries les plus vulnérables. Dans des quartiers marqués par la violence, les migrations forcées et l’extrême pauvreté, le charisme de Don Bosco continue de générer des espaces d’accueil, d’éducation et de renaissance. À travers des rencontres, des histoires et de petits gestes quotidiens, Milena découvre une lumière capable de transformer la douleur et la solitude en un avenir partagé. Un récit qui invite à croire au bien qui grandit silencieusement.

En Colombie, dans des quartiers marqués par la violence, le trafic de drogue, la migration forcée et la précarité sociale, les œuvres salésiennes sont des points de lumière qui changent la vie de centaines de jeunes et de familles. Le charisme de Don Bosco devient ici accueil, éducation et avenir.
La première étape du voyage a été Bogotá, la capitale. Ici, la présence salésienne est enracinée surtout dans les zones les plus fragiles, y compris le quartier populaire de Ciudad Bolívar, où se trouve le centre « Don Bosco Obrero ». Une maison vivante, qui travaille chaque jour avec les jeunes et, le week-end, atteint également les réalités les plus périphériques. L’une d’elles est le « Rinconcito de Arabia », un bidonville fait d’habitations illégales, construites en tôle et souvent immergées dans la boue, sans routes, sans lumière, sans eau ni services hygiéniques.
C’est précisément là que j’ai vécu l’une des plus belles journées de mon voyage. Le samedi, en effet, Don Bosco Obrero « visita el territorio » : un groupe d’animateurs part à la rencontre des enfants des quartiers les plus pauvres en apportant des jeux, des chants et des moments de loisirs. On cherche un espace libre et sûr à proximité et là naît un petit oratoire à ciel ouvert. Ces simples visites deviennent ainsi un temps d’amitié, de distraction, de fraternité et de spiritualité, une façon de faire sentir à ces enfants qu’ils sont vus et aimés, comme pour dire : « Peu importe à quel point vous êtes loin ou la zone où vous habitez, nous venons quand même jouer avec vous ! »
Avant les jeux, ils m’ont invitée dans une petite maison en tôle. Quelques femmes (les mamás del Rinconcito) avaient préparé du café et des petites chaises pour discuter. Elles tenaient à me raconter à quel point les Salésiens avaient changé leurs vies : « Nous avons appris la fraternité, le soutien mutuel, la force de marcher ensemble. » L’une d’elles a parlé avec fierté de la « olla comunitaria », la marmite cuisinée dans la rue chaque samedi : chacun apporte le peu qu’il a chez lui et tout est cuisiné ensemble, de manière à ce que cela devienne un repas suffisant pour tous. Un geste simple mais puissant, signe d’une véritable communauté.
Ce jour-là, ils ont aussi préparé la olla pour moi et nous avons tous mangé ensemble. Après les jeux et la prière, je suis restée à parler avec certains des plus jeunes qui habitent le Rinconcito. Beaucoup d’entre eux m’ont frappée par leur désir d’étudier. Une jeune m’a dit que c’est grâce à l’œuvre de Don Bosco Obrero qu’elle a pu enfin se consacrer à l’étude et qu’elle sent maintenant qu’elle peut poursuivre ses rêves.
La maison de Don Bosco Obrero est bien plus qu’un centre éducatif : c’est un refuge et un laboratoire d’avenir. Pendant la journée, des cours d’alphabétisation et d’aide aux devoirs se succèdent, puis à partir de 17h00, les cours se remplissent de basket, de football, de jeux de cirque et d’ateliers de danse. Les cours, conçus pour différentes tranches d’âge, permettent aux jeunes de cultiver leurs talents et leurs passions, même à ceux qui viennent de situations d’extrême pauvreté.
La structure abrite également un internat ; certains enfants y vivent pendant la semaine parce que leurs familles ne peuvent pas garantir un environnement sûr ou parce qu’ils sont confrontés à des situations de violence ou de dépendance. Les chambres, simples mais ordonnées, avec des lits superposés et de petites armoires, sont un espace de protection et de sérénité. Les éducateurs se relaient la nuit, assurant une présence constante et affectueuse. Beaucoup d’enfants n’ont que sept ou huit ans ; certains rentrent chez eux le week-end, d’autres ne sont même plus recherchés par leurs parents. Ici, cependant, leur enfance est protégée et sauvée, et pour eux, l’école, le sport et l’art deviennent des outils pour rêver et construire un avenir différent.

Par la suite, j’ai passé quelques jours à Cúcuta, ville frontalière avec le Venezuela. Ici, le défi quotidien est d’accueillir des familles et des jeunes qui arrivent après de longs et douloureux voyages, souvent sans rien d’autre que le désir de recommencer. La plupart des jeunes accueillis par les Salésiens sont des jeunes Vénézuéliens qui vivent dans la rue, constamment exposés à la violence, à la drogue et à la prostitution.
Dans l’oratoire salésien, ils trouvent une alternative concrète, un lieu pour jouer, apprendre et grandir dans un environnement protégé. Beaucoup de ces enfants et adolescents n’ont jamais été scolarisés ; certains sont analphabètes, d’autres ont interrompu tôt leurs études pour fuir leur pays. L’œuvre s’occupe de gérer des cours d’alphabétisation, mais fait bien plus : il ne s’agit pas seulement d’instruction, beaucoup de jeunes n’ayant jamais reçu une véritable éducation comportementale. La violence est souvent leur première réponse car c’est la seule qu’ils ont connue. Dans l’oratoire, ils apprennent qu’il existe des règles, le respect et des relations saines. C’est un travail lent et constant mais fondamental pour leur vie.
Ici, j’ai vu naître le message évangélique de l’accueil, qui ne repousse jamais personne. Même ceux qui portent sur leurs épaules le poids de la drogue, de la prostitution ou de la violence extrême trouvent une place, un sourire, une possibilité. L’acceptation maximale, sans jugement, est la base sur laquelle les Salésiens de Cúcuta reconstruisent l’espoir pour ces jeunes de la frontière.
Une autre étape très significative de ce voyage a été Medellín, où se trouve l’une des œuvres salésiennes les plus connues : Ciudad Don Bosco. C’est une grande maison qui accueille des jeunes issus de contextes très complexes : anciens membres de la guérilla, jeunes retirés de leurs familles et confiés à l’État pour des problèmes de drogue, de violence ou de prostitution. Les Salésiens croient que rien n’est jamais perdu.
Avant de repartir, j’ai eu l’occasion de recueillir les paroles d’Esmeralda, une jeune volontaire qui a vécu quelques mois à Ciudad Don Bosco. Je me souviens de nos longs échanges et de ses belles réflexions : « Quand je suis arrivée, j’ai tout de suite senti que cet endroit avait une luminosité différente. Elle ne venait ni des bâtiments ni des personnes qui y travaillent, mais des jeunes eux-mêmes. En chacun d’eux, j’ai vu une petite lumière qui, mise ensemble avec les autres, illumine toute la maison. »
Dans son service, Esmeralda a appris que derrière chaque geste se cache une histoire de douleur et d’espoir : « J’ai écouté des récits très durs — disait-elle — mais j’ai aussi vu des sourires naître malgré tout. J’ai compris que là où abonde la douleur peut naître une gratitude plus profonde, celle qui t’apprend à apprécier des détails que d’autres ne remarquent pas. »
Puis elle a utilisé une image que je porte encore avec moi : « J’ai reconnu en chacun de ces jeunes, dans leur forme la plus authentique, comme des diamants ou, comme nous disons en Colombie, un diamante en bruto (un diamant brut). Pour moi, ce fut une grâce de savoir reconnaître en eux cette pureté cachée. »
Esmeralda concluait son récit par des mots qui résument l’essence de l’esprit salésien : « En trois mois à Ciudad Don Bosco, j’ai appris qu’un lien véritable ne dépend pas du temps passé ensemble, mais de la disponibilité à ouvrir son cœur. Les jeunes m’ont enseigné la force de l’amour qui ne juge pas, qui accueille et qui éduque. Et j’ai compris que l’on peut vraiment vaincre le mal par l’amour. »
Enfin, un jour, lors d’un simple déjeuner communautaire, il y a eu un moment qui a résumé le sens du voyage : un salésien a nommé deux églises d’une zone dont je ne me souviens plus, mais il a dit : « Paz ed Esperanza » (Paix et Espérance). Il parlait du fait qu’une œuvre salésienne se trouve entre ces deux points. Cela semblait un détail géographique, mais pour moi, c’est devenu une synthèse parfaite : les Salésiens travaillent avec espérance pour construire la paix.
Il a été émouvant de découvrir que, de l’autre côté du monde, après plus de deux cents ans, le charisme de Don Bosco est vécu à cent pour cent, exactement comme il l’avait imaginé : simple, joyeux et concret.

Milena D’Acunzo

Editor BSOL

Éditeur du site Web.