Maison Salésienne de Castel Gandolfo

Entre les vertes collines des Castelli Romani et les eaux tranquilles du lac Albano, se dresse un lieu où l’histoire, la nature et la spiritualité se rencontrent de manière singulière : Castel Gandolfo. Dans ce contexte riche en mémoire impériale, en foi chrétienne et en beauté paysagère, la présence salésienne représente un point d’ancrage d’accueil, de formation et de vie pastorale. La Maison Salésienne, avec son activité paroissiale, éducative et culturelle, poursuit la mission de saint Jean Bosco, offrant aux fidèles et aux visiteurs une expérience d’Église vivante et ouverte, immergée dans un environnement qui invite à la contemplation et à la fraternité. C’est une communauté qui, depuis près d’un siècle, marche au service de l’Évangile au cœur même de la tradition catholique.

Un lieu béni par l’histoire et la nature
Castel Gandolfo est un joyau des Castelli Romani, situé à environ 25 km de Rome, immergé dans la beauté naturelle des Collines d’Albano et surplombant le suggestif lac Albano. À environ 426 mètres d’altitude, ce lieu se distingue par son climat doux et accueillant, un microclimat qui semble préparé par la Providence pour accueillir ceux qui cherchent le repos, la beauté et le silence.

Déjà à l’époque romaine, ce territoire faisait partie de l’Albanum Caesaris, un ancien domaine impérial fréquenté par les empereurs depuis l’époque d’Auguste. Cependant, ce fut l’empereur Tibère qui, le premier, y résida de manière stable, tandis que plus tard Domitien y fit construire une splendide villa, dont les vestiges sont aujourd’hui visibles dans les jardins pontificaux. L’histoire chrétienne du lieu commence avec la donation de Constantin à l’Église d’Albano : un geste qui marque symboliquement le passage de la gloire impériale à la lumière de l’Évangile.

Le nom Castel Gandolfo dérive du latin Castrum Gandulphi, le château construit par la famille Gandolfi au XIIe siècle. Lorsque le château passa au Saint-Siège en 1596, il devint la résidence d’été des Pontifes, et le lien entre ce lieu et le ministère du Successeur de Pierre devint profond et durable.

La « Specola Vaticana » : contempler le ciel, louer le Créateur
L’observatoire astronomique du Vatican, fondé par le pape Léon XIII en 1891 et transféré dans les années 1930 à Castel Gandolfo en raison de la pollution lumineuse de Rome, revêt une importance spirituelle particulière. Elle témoigne de la manière dont la science, lorsqu’elle est orientée vers la vérité, conduit à louer le Créateur.
Au fil des ans, la Specola a contribué à des projets astronomiques majeurs tels que la Carte du Ciel et à la découverte de nombreux objets célestes.

Avec la détérioration continue des conditions d’observation, même dans les Castelli Romani, l’activité scientifique s’est principalement déplacée dans les années 1980 vers l’Observatoire du Mont Graham en Arizona (USA), où le Vatican Observatory Research Group poursuit ses recherches astrophysiques. Castel Gandolfo reste cependant un centre d’études important. Depuis 1986, il accueille tous les deux ans la Vatican Observatory Summer School, dédiée aux étudiants et diplômés en astronomie du monde entier. La Specola organise également des conférences spécialisées, des événements de vulgarisation, des expositions de météorites et des présentations de matériaux historiques et artistiques sur le thème astronomique, le tout dans un esprit de recherche, de dialogue et de contemplation du mystère de la création.

Une église au cœur de la ville et de la foi
Au XVIIe siècle, le pape Alexandre VII confia à Gian Lorenzo Bernini la construction d’une chapelle palatine pour les employés des Villas Pontificales. Le projet, initialement conçu en l’honneur de saint Nicolas de Bari, fut finalement dédié à saint Thomas de Villeneuve, religieux augustin canonisé en 1658. L’église fut consacrée en 1661 et confiée aux Augustins, qui la gérèrent jusqu’en 1929. Avec la signature des Accords du Latran, le pape Pie XI confia aux Augustins la charge pastorale de la nouvelle Paroisse Pontificale de Sant’Anna au Vatican, tandis que l’église de San Tommaso da Villanova fut ensuite confiée aux Salésiens.

La beauté architecturale de cette église, fruit du génie baroque, est au service de la foi et de la rencontre entre Dieu et l’homme. De nombreux mariages, baptêmes et liturgies y sont célébrés aujourd’hui, attirant des fidèles du monde entier.

La maison salésienne
Les Salésiens sont présents à Castel Gandolfo depuis 1929. À cette époque, le village connut un développement notable, tant démographique que touristique, également grâce au début des célébrations papales dans l’église Saint-Thomas-de-Villeneuve. Chaque année, lors de la solennité de l’Assomption, le pape célébrait la Sainte Messe dans la paroisse pontificale, une tradition initiée par saint Jean XXIII le 15 août 1959, lorsqu’il sortit à pied du Palais Pontifical pour célébrer l’Eucharistie parmi le peuple. Cette coutume s’est maintenue jusqu’au pontificat du pape François, qui a interrompu les séjours estivaux à Castel Gandolfo. En 2016, en effet, l’ensemble du complexe des Villas Pontificales a été transformé en musée et ouvert au public.

La maison salésienne a fait partie de l’Inspection Romaine et, de 2009 à 2021, de la Circonscription Salésienne Italie Centrale. Depuis 2021, elle est passée sous la responsabilité directe du Siège Central, avec un directeur et une communauté nommés par le Recteur Majeur. Actuellement, les salésiens présents proviennent de différentes nations (Brésil, Inde, Italie, Pologne) et sont actifs dans la paroisse, les aumôneries et l’oratoire.

Les espaces pastoraux, bien qu’appartenant à l’État de la Cité du Vatican et donc considérés comme des zones extraterritoriales, font partie du diocèse d’Albano- Les salésiens participent activement à la vie pastorale de ce diocèse. Ils sont impliqués dans la catéchèse diocésaine pour adultes, dans l’enseignement à l’école théologique diocésaine, et au Conseil Presbytéral en tant que représentants de la vie consacrée.

Outre la paroisse Saint-Thomas-de-Villeneuve, les Salésiens gèrent également deux autres églises : Marie-Auxiliatrice (également appelée « Saint-Paul », du nom du quartier) et Madone-du-Lac, voulue par saint Paul VI. Toutes deux furent construites entre les années 1960-1970 pour répondre aux besoins pastoraux d’une population en croissance.

L’église paroissiale conçue par Bernini est aujourd’hui la destination de nombreux mariages et baptêmes célébrés par des fidèles du monde entier. Chaque année, avec les autorisations nécessaires, des dizaines, parfois des centaines de célébrations y ont lieu.

Le curé est responsable de la communauté paroissiale, mais également aumônier des Villas Pontificales et il accompagne spirituellement les employés du Vatican qui y travaillent.

L’oratoire, actuellement géré par des laïcs, voit l’implication directe des Salésiens, notamment dans la catéchèse. Lors des week-ends, des fêtes et des activités estivales comme l’Estate Ragazzi, des étudiants salésiens résidant à Rome y collaborent également, offrant un précieux soutien. Près de l’église Marie-Auxiliatrice existe également un théâtre actif, avec des groupes paroissiaux qui organisent des spectacles, lieu de rencontre, de culture et d’évangélisation.

Vie pastorale et traditions
La vie pastorale est rythmée par les principales fêtes de l’année : saint Jean Bosco en janvier, Marie Auxiliatrice en mai avec une procession dans le quartier San Paolo, la fête de la Madonna del Lago – et donc la fête du Lac – le dernier samedi d’août, avec la statue portée en procession sur une barque sur le lac. Cette dernière célébration implique de plus en plus les communautés environnantes, attirant de nombreux participants, dont de nombreux motards, avec lesquels on a commené d’organiser des moments de rencontre.

Le premier samedi de septembre, la fête patronale de Castel Gandolfo est célébrée en l’honneur de saint Sébastien, avec une grande procession en ville. La dévotion à saint Sébastien remonte à 1867, lorsque la ville fut épargnée par une épidémie qui frappa durement les villages voisins. Bien que la mémoire liturgique tombe le 20 janvier, la fête locale est célébrée en septembre, à la fois en souvenir de la protection obtenue et pour des raisons climatiques et pratiques.

Le 8 septembre on célèbre le patron de l’église, saint Thomas de Villeneuve, coïncidant avec la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie. À cette occasion a également lieu la fête des familles, destinée aux couples qui se sont mariés dans l’église de Bernini : elles sont invitées à revenir pour une célébration communautaire, une procession et un moment convivial. L’initiative a eu d’excellents résultats et se consolide au fil du temps.

Une curiosité : la boîte aux lettres
À côté de l’entrée de la maison salésienne se trouve une boîte aux lettres, connue sous le nom de « Boîte des correspondances », considérée comme la plus ancienne encore en usage. Elle remonte en effet à 1820, vingt ans avant l’introduction du premier timbre au monde, le célèbre Penny Black (1840). C’est une boîte officielle des Postes Italiennes toujours active, mais aussi un symbole éloquent : une invitation à la communication, au dialogue, à l’ouverture du cœur. Le retour du pape Léon XIV à sa résidence d’été l’augmentera sûrement.

Castel Gandolfo reste un lieu où le Créateur parle à travers la beauté de la création, la Parole proclamée et le témoignage d’une communauté salésienne qui, dans la simplicité du style de Don Bosco, continue d’offrir accueil, formation, liturgie et fraternité, rappelant à ceux qui fréquentent ces lieux en quête de paix et de sérénité que la vraie paix et sérénité ne se trouvent qu’en Dieu et dans sa grâce.




Visiter Rome avec Don Bosco. Chronique de son premier voyage à Rome

C’est en 1858, du 18 février au 16 avril, que Don Bosco se rendit pour la première fois à Rome, accompagné du séminariste de vingt et un ans, Michel Rua. Quatre ans auparavant, l’Église avait célébré un Jubilé extraordinaire de six mois à l’occasion de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception (8 décembre 1854). Don Bosco saisit l’opportunité de cette grande fête spirituelle pour publier le volume « Le Jubilé et Pratiques dévotes pour la visite des églises ».
Lors de cette visite à la Ville Éternelle, la première de vingt visites, Don Bosco se comporta comme un véritable pèlerin jubilaire, se consacrant avec ferveur aux visites et aux dévotions prévues, jusqu’à participer aux solennels rites pascals officiés par le Pape. Ce fut une expérience intense, qu’il ne garda pas pour lui, mais qu’il partagea avec ses jeunes avec l’enthousiasme et la passion éducative qui le caractérisaient.
En décrivant minutieusement le voyage, les étapes et les lieux saints, Don Bosco avait un clair objectif apostolique et éducatif : faire revivre à ceux qui l’écoutaient ou le lisaient la même profonde expérience de foi, leur transmettant l’amour pour l’Église et pour la tradition chrétienne.
Nous invitons maintenant les lecteurs à s’unir spirituellement à Don Bosco, en parcourant idéalement les routes de la Rome chrétienne, pour se laisser fasciner par son élan et son zèle et, ensemble, renouveler notre foi.

À Gênes en chemin de fer
Le départ pour Rome était fixé au 18 février 1858. Cette nuit-là, il tomba presque un pied de neige sur les deux qui couvraient déjà le sol. À huit heures et demie, alors qu’il neigeait encore, avec l’émotion d’un père qui quitte ses enfants, je saluais les jeunes pour commencer le voyage vers Rome. Bien que nous fussions un peu pressés d’arriver à temps au train, nous nous attardâmes encore un peu pour faire notre testament : je ne voulais en effet laisser aucune affaire en suspens à l’Oratoire au cas où la Providence voudrait nous donner en pâture aux poissons de la Méditerranée […] Puis, en courant, nous nous rendîmes à la gare et, en compagnie de Don Mentasti […], nous partîmes en train à dix heures du matin.
Un incident désagréable se produisit ici : les wagons étaient presque complets, si bien que je dus laisser Rua et Don Mentasti dans un compartiment et trouver une place dans un autre […]

L’enfant juif
Je tombai par hasard près d’un garçon de dix ans. Remarquant son apparence simple et son bon visage, je me mis à converser avec lui et […] je remarquai qu’il était juif. Le père, qui était assis à côté de lui, m’assura que son fils était en quatrième année de primaire, mais il m’a semblé que son instruction n’allait au-delà de la deuxième. Cependant, il était d’esprit vif. Le père était content que je l’interroge, et il m’invita même à le faire parler de la Bible. Ainsi, je commençai à l’interroger sur la création du monde et de l’homme, sur le Paradis terrestre, sur la chute des ancêtres. Il répondait assez bien, mais je fus étonné quand je compris qu’il n’avait aucune idée du péché originel et de la promesse d’un Rédempteur.
– N’y a-t-il pas dans ta Bible la promesse de Dieu à Adam quand il le chassa du Paradis ?
– Non, dites-le-moi, répondit-il.
– Tout de suite. Dieu dit au serpent : puisque tu as trompé la femme, tu seras maudit parmi tous les animaux, et Un qui naîtra d’une femme te brisera la tête.
– Qui est ce Un dont on parle ?
– C’est le Sauveur qui devait libérer l’humanité de l’esclavage du démon.
– Quand viendra-t-il ?
– Il est déjà venu et c’est celui que nous appelons… 
Ici le père nous interrompit en disant :
– Ces choses-là, nous ne les étudions pas car elles ne concernent pas notre loi.
– Vous feriez bien de les étudier, car elles se trouvent dans les livres de Moïse et des prophètes auxquels vous croyez.
– D’accord, dit l’autre, j’y penserai. Maintenant, demandez-lui quelque chose en arithmétique. 
Voyant qu’il ne souhaitait pas que je lui parle de religion, nous conversâmes de choses agréables, si bien que le père, le fils et même les autres voyageurs commencèrent à se divertir et à rire de bon cœur. À la gare d’Asti, le garçon devait descendre, mais il n’arrivait pas à se décider à me quitter. Il avait les larmes aux yeux, me tenait la main et, ému, réussit seulement à me dire :
– Je m’appelle Sacerdote Leone di Moncalvo ; souvenez-vous de moi. En venant à Turin, j’espère pouvoir vous rendre visite. Le père, pour alléger l’émotion, dit qu’il avait cherché à Turin l’ »Histoire d’Italie » [que j’avais écrite]. Ne l’ayant pas trouvée, il me priait de lui en envoyer une copie. Je promis d’envoyer celle imprimée spécialement pour la jeunesse, puis je descendis moi aussi pour chercher mes compagnons afin de voir s’il y avait de la place dans leur compartiment. Je trouvai Rua qui avait les mâchoires fatiguées à force de bâiller, car de Turin à Asti, il s’était beaucoup ennuyé, ne sachant avec qui engager la conversation : ses compagnons de voyage ne parlaient que de bals, de théâtre et d’autres choses peu intéressantes […]

Vers Gênes
Nous arrivâmes vers les Apennins. Ils se dressaient devant nous, très hauts et très raides. Comme le train voyageait à grande vitesse, nous avions l’impression d’aller heurter les rochers, jusqu’à ce qu’il fasse soudainement noir dans le train. Nous étions entrés dans les tunnels. Ce sont des « trous » qui, passant sous les montagnes, font économiser plusieurs dizaines de milles […] Sans tunnels, il serait impossible de les franchir, et comme il y a beaucoup de montagnes, il existe plusieurs tunnels. L’un d’eux est long comme la distance entre Turin et Moncalieri ; ici le convoi resta dans l’obscurité pendant huit minutes, le temps nécessaire pour parcourir le tronçon de tunnel.

Nous fûmes surpris de constater que la neige diminuait à mesure que nous nous rapprochions de la riviera de Gênes. Mais quelle ne fut pas notre surprise lorsque nous aperçûmes les campagnes sans un fil de blanc, les rives verdoyantes, les jardins pleins de couleurs, les amandiers en fleurs et les pêchers avec des bourgeons prêts à s’ouvrir au soleil ! Alors, en faisant une comparaison entre Turin et Gênes, nous nous disions qu’en cette saison, Gênes est le printemps et Turin l’hiver le plus rude.

Les deux montagnards
J’oubliais de parler de deux montagnards qui montèrent dans notre compartiment à la gare de Busalla. L’un était pâle et maladif à faire pitié, l’autre avait un air sain et vif, et, bien qu’il approchât des soixante-dix ans, il montrait la vigueur d’un homme de vingt-cinq ans. Il portait des culottes courtes et des guêtres presque déboutonnées, si bien qu’il montrait ses jambes nues jusqu’au genou fouettées par le froid. Il était en manches de chemise avec seulement un pull et une veste de tissu grossier jetée sur les épaules. Après l’avoir fait parler de divers sujets, je lui dis :
– Pourquoi n’ajustez-vous pas vos vêtements pour vous protéger du froid ? Il répondit :
– Voyez-vous, cher Monsieur, nous sommes des montagnards, et nous sommes habitués au vent, à la pluie, à la neige et à la glace. Nous ne remarquons presque pas la saison hivernale. Nos garçons marchent pieds nus dans la neige, ils s’y amusent même sans se soucier du froid. Cela m’a fait comprendre que l’homme vit d’habitudes, et que le corps est capable de supporter selon les cas le froid ou la chaleur, et ceux qui voudraient se protéger de chaque petit inconfort risquent d’affaiblir leur condition physique au lieu de la renforcer.

L’arrêt à Gênes
Mais voici Gênes, voici la mer ! Rua s’agite pour la voir, allonge le cou : ici il remarque un navire, là quelques bateaux, plus loin la lanterne qui est un très haut phare. Nous arrivons entre-temps à la gare et descendons du train. Le beau-frère de l’abbé Montebruno nous attendait avec quelques jeunes, et à peine à terre, ils nous accueillirent avec joie, et portant nos bagages, ils nous conduisirent à l’œuvre des Artigianelli qui est une maison semblable à notre Oratoire. Les compliments furent brefs car nous avions tous une grande faim ; il était trois heures et demie de l’après-midi et je n’avais pris qu’une tasse de café. À table, il semblait que rien ne pouvait nous rassasier ; cependant, à force d’avaler, le sac se remplit.
Immédiatement après, nous avons visité la maison : écoles, dortoirs, ateliers. Il me semblait voir l’Oratoire d’il y a dix ans. Les pensionnaires étaient vingt ; vingt autres mangeaient et travaillaient sur place mais dormaient ailleurs. Quel est leur régime alimentaire ? À midi, un bon plat de soupe, puis… rien d’autre. Le soir, une petite miche de pain que l’on mange debout, puis au lit !
À la fin, nous sommes sortis pour une promenade en ville qui, à vrai dire, est peu attrayante, bien qu’elle ait de magnifiques palais et de grands magasins. Les rues sont étroites, tortueuses et raides. Mais la chose la plus agaçante était un vent désagréable ; soufflant presque sans interruption, il vous enlevait le plaisir d’admirer quoi que ce soit, même les plus belles […]

À Gênes, en somme, nos attentes furent déçues. Comme si cela ne suffisait pas, le vent contraire empêcha l’accostage du navire sur lequel nous devions embarquer, si bien que, malgré nous, nous dûmes attendre jusqu’au lendemain […] Le matin, j’ai dit la messe dans l’église des Dominicains à l’autel du Bienheureux Sébastien Maggi, un frère qui a vécu il y a environ trois cents ans. Son corps est un prodige continuel, car il se conserve tout entier, flexible et avec une couleur comme s’il était mort depuis quelques jours […] Puis nous allâmes faire valider, c’est-à-dire signer le passeport. Le consul pontifical nous accueillit avec beaucoup de courtoisie […] Il chercha aussi à nous obtenir une réduction sur le bateau, mais cela ne fut pas possible.

À Civitavecchia par mer. L’embarquement
À six heures et demie du soir, avant de nous diriger vers le bateau à vapeur Aventino, nous saluâmes plusieurs ecclésiastiques venus des Artigianelli pour nous souhaiter un bon voyage. Les garçons eux-mêmes, attirés par les bonnes paroles, mais surtout par quelques plats supplémentaires au repas du jour, étaient devenus nos amis et semblaient avoir du chagrin de nous voir partir. Plusieurs d’entre eux nous accompagnèrent jusqu’à la mer ; puis, sautant avec agilité dans une petite barque, voulurent nous escorter jusqu’au bateau. Le vent était très fort ; n’étant pas habitués à voyager par mer, nous craignions de chavirer et de sombrer à chaque mouvement de la barque, et nos accompagnateurs riaient de bon cœur. Après vingt minutes, nous arrivâmes enfin au navire.

À première vue, il nous semblait un palais entouré par les vagues. Nous montâmes à bord, et après avoir déposé nos bagages dans un logement assez spacieux, nous nous assîmes pour nous reposer et réfléchir. Chacun éprouvait des sensations particulières qu’il ne savait comment exprimer. Rua observait tout et tous en silence. Et voici le premier contretemps : à l’heure du déjeuner, nous ne sommes pas allés manger tout de suite, et quand nous l’avons demandé, tout était fini. Rua dut dîner avec une pomme, une petite miche de pain et un verre de Bordeaux ; quant à moi, je me contentai d’un morceau de pain et d’un peu de ce vin excellent. À noter que lorsque l’on voyage en bateau, les repas sont compris dans le billet, donc que l’on mange ou non, on paie de toute façon.

Après, nous sommes montés sur le pont pour nous rendre compte de ce qu’était cet « Aventino ». Nous avons ainsi appris que les navires prennent leur nom des lieux les plus célèbres des lieux vers lesquels ils se dirigent. L’un s’appelle Vatican, un autre Quirinal, un autre Aventin, comme le nôtre, pour rappeler les sept célèbres collines de Rome. Ce navire part de Marseille, touche Gênes, Livourne, Civitavecchia, puis continue vers Naples, Messine et Malte. Au retour, il répète le même parcours jusqu’à Marseille. On l’appelle aussi bateau postal car il transporte des lettres, des plis, etc. Qu’il fasse beau ou mauvais temps, il part de toute façon.

Le mal de mer
On nous avait assigné la couchette qui est une sorte d’armoire à étages où les passagers s’allongent sur un matelas dans chaque étage. À dix heures, on leva l’ancre et le bateau, poussé par la vapeur et un vent favorable, commença à filer à grande vitesse vers Livourne. Quand nous fûmes au large, je fus assailli par le mal de mer qui me tourmenta pendant deux jours. Ce désagrément consiste en des vomissements fréquents, et quand on n’a plus rien à rejeter, les efforts deviennent plus violents, si bien que la personne devient si épuisée qu’elle refuse tout aliment. La seule chose qui peut apporter un certain soulagement est de se mettre au lit et de rester le corps entièrement étendu, quand les vomissements le permettent.

Livourne
La nuit du 20 février fut une mauvaise nuit. Le danger ne venait pas de la mer agitée, mais le mal de mer m’avait tellement accablé que je ne pouvais rester ni couché, ni debout. Je sautai de ma couchette et allai voir si Rua était vivant ou mort. Cependant, il n’avait qu’un peu de fatigue, rien d’autre. Il se leva immédiatement, se mettant à ma disposition pour alléger les désagréments de la traversée. Quand Dieu le voulut, nous arrivâmes au port de Livourne. Par port, on entend une baie de la mer protégée de la fureur des vents par des barrières naturelles ou des bastions construits par l’homme. Ici, les navires sont à l’abri de tout danger, ici ils déchargent leurs marchandises et en chargent d’autres pour d’autres destinations, ici ils font leurs approvisionnements. Les passagers qui le désirent peuvent aussi descendre à terre pour faire un tour en ville à condition de revenir à l’heure […]

Je souhaitais descendre pour visiter la ville, dire la messe et saluer quelques amis, mais je ne pus le faire ; en fait je fus contraint de retourner dans ma couchette et d’y rester bien tranquille à jeun. Un serveur nommé Charles me regardait avec un œil de compassion et de temps en temps il s’approchait de moi en m’offrant ses services. Le voyant si bon et courtois, je commençai à converser avec lui, et parmi d’autres choses, je lui demandai s’il ne craignait pas d’être ridiculisé en assistant un prêtre sous le regard de tant de personnes.
– Non, me dit-il en français, comme vous voyez, personne ne s’étonne, au contraire, tout le monde vous regarde avec bonté et désire vous aider. D’autre part, ma mère m’a appris à avoir un grand respect pour les prêtres afin de gagner la bénédiction du Seigneur. Charles alla ensuite appeler un médecin : chaque navire a son médecin et les principaux remèdes pour tout besoin. Le médecin vint et ses manières affables me soulagèrent un peu.
– Comprenez-vous le français ? me dit-il. Je répondis :
– Je comprends toutes les langues du monde, même celles qui ne sont pas écrites, même le langage des sourds-muets. Je plaisantais pour me réveiller de la somnolence qui m’avait pris. L’autre comprit et se mit à rire.
– Peut-être, ce n’est pas impossible ! disait-il en m’examinant. À la fin, il m’annonça qu’au mal de mer s’était ajoutée la fièvre et qu’une boisson de thé me ferait du bien. Je le remerciai et lui demandai son nom.
– Mon nom, dit-il, est Jobert de Marseille, docteur en médecine et chirurgie. Charles, attentif aux ordres du médecin, me prépara rapidement une tasse de thé, puis une autre, puis encore une autre. Et cela me fit du bien, au point que je réussis à m’endormir.
À cinq heures [de l’après-midi], le bateau leva l’ancre. Quand nous fûmes en haute mer, j’eus de nouveau des nausées encore plus violentes, restant agité pendant environ quatre heures, puis, par épuisement – je n’avais plus rien dans l’estomac – et aidé par le roulis du navire, je m’endormis et reposai d’un sommeil tranquille jusqu’à notre arrivée à Civitavecchia.

Payer, payer, payer
Le repos de la nuit m’avait redonné des forces. Bien qu’épuisé par le long jeûne, je me levai et préparai mes bagages. Nous étions sur le point de descendre quand on nous informa d’une dette que nous ne savions pas avoir contractée. Le café n’était pas compris dans le prix des repas mais devait être payé séparément, et nous qui en avions pris quatre tasses, payâmes un supplément de deux francs, c’est-à-dire cinquante centimes par tasse. Le capitaine, après avoir fait viser les passeports, nous remit le permis de débarquement. C’est alors que commença la série des pourboires : un franc chacun aux bateliers, un demi-franc pour les bagages (que nous portions nous-mêmes), un demi-franc à la douane, un demi-franc à celui qui nous invitait dans la voiture, un demi-franc au porteur qui s’occupait des bagages, deux francs pour le visa sur le passeport, un franc et demi au consul pontifical. On n’avait pas le temps d’ouvrir la bouche qu’il fallait déjà payer. En ajoutant que les pièces de monnaie changeaient de nom et de valeur et que nous devions nous fier à ceux qui nous faisaient le change […] À la douane, ils respectèrent un paquet adressé au cardinal Antonelli avec le sceau pontifical, dans lequel nous avions mis les choses les plus importantes […]

Après avoir terminé les opérations, je me rendis chez le barbier pour me raser une barbe de dix jours. Tout se passa bien, mais dans le salon, je ne pus détacher mon regard de deux cornes sur une table. Elles mesuraient environ un mètre et étaient ornées d’anneaux scintillants et de rubans. Je pensais qu’elles étaient destinées à un usage particulier, mais on me dit qu’elles étaient de génisse, que nous appelons bœuf, mises là seulement comme ornement […]

Vers Rome en diligence
Entre-temps, don Mentasti était en colère parce qu’il ne nous voyait pas arriver, tandis que la voiture nous attendait déjà. Nous nous étions mis à courir pour arriver à temps. Montés dans la voiture, nous partîmes pour Rome. La distance à parcourir était de 47 milles italiens, ce qui correspond à 36 milles piémontais. La route était très belle. Nous avions pris place dans le coupé d’où nous pouvions contempler les prairies verdoyantes et les haies fleuries. Une curiosité nous divertit beaucoup. Nous remarquâmes que tout allait par trois : les chevaux de notre voiture étaient attelés par trois ; nous rencontrâmes des patrouilles de soldats qui allaient par trois ; même certains paysans marchaient trois par trois, tout comme certaines vaches et certains ânes qui paissaient par trois. Nous riions de ces étranges coïncidences […]

Une pause pour les chevaux
À Palo, le cocher accorda aux voyageurs une heure de liberté pour avoir le temps de reposer les chevaux. Nous en profitâmes pour courir à la taverne voisine et apaiser notre faim. Les affaires nous avaient presque fait oublier de manger ; depuis vendredi midi, je n’avais pris qu’une tasse de café au lait. Nous nous sommes attaqués aux petits pains que nous avons mangés, ou plutôt dévorés complètement. En voyant ensuite le serveur tout épuisé et pâle, je lui demandai ce qu’il avait.
– J’ai des fièvres qui me tourmentent depuis des mois, répondit-il. Je fis alors le bon médecin :
– Laissez-moi faire, je vous prescris une recette qui chassera la fièvre pour toujours. Ayez seulement confiance en Dieu et en saint Louis. Prenant alors un morceau de papier avec un crayon, j’écrivis ma recette, lui recommandant de l’apporter à un pharmacien. Il était hors de lui, tout heureux, et, ne sachant comment exprimer sa gratitude, il n’arrêtait pas de me baiser la main, et voulait baiser aussi celle de Rua, qui, par modestie, ne le lui permit pas.

Parmi les rencontres sympathiques il y eut celle d’un gendarme pontifical. Il pensait me connaître, et je croyais le connaître, alors nous nous saluâmes tous les deux en grande fête. Et quand nous nous rendîmes compte de l’équivoque, l’amitié et les expressions de bienveillance et de respect continuèrent. Pour lui faire plaisir, je dus permettre qu’il me payât une tasse de café, et pour ma part, je lui offris un petit verre de rhum. Puis, m’ayant demandé de lui laisser un souvenir, je lui offris la médaille de saint Louis de Gonzague. Le nom de ce bon carabinier était Pedrocchi.

Dans la ville des papes
Remontés à nouveau dans la voiture et volant plus vite par le désir que par les pattes des chevaux, nous avions l’impression à chaque instant d’être arrivés à Rome. La nuit tombée, chaque fois que l’on apercevait au loin un buisson ou un arbre, Rua s’exclamait aussitôt :
– Voici la coupole de Saint-Pierre. Mais avant d’arriver, nous avons dû patienter jusqu’à dix heures et demie du soir, et comme il faisait déjà nuit noire, nous ne pouvions plus distinguer aucun détail. Un certain frisson cependant nous prit à la pensée que nous entrions dans la ville sainte. […] Arrivés enfin à destination, et n’ayant aucune connaissance des lieux, nous cherchâmes un guide qui, pour douze baiocchi, nous accompagna chez les De Maistre, via del Quirinale 49, aux Quatre Fontaines. Il était déjà onze heures. Nous fûmes accueillis avec bonté par le comte et la comtesse ; les autres étaient déjà au lit. Après nous être un peu restaurés, nous nous souhaitâmes bonne nuit et allâmes dormir.

San Carlino
La partie du Quirinal que nous habitons est appelée Quattro Fontane parce que quatre sources permanentes proviennent de quatre contrées et se rejoignent ici. En face de la maison où nous avions pris domicile se trouvait l’église des carmes. Ceux-ci étaient tous espagnols et appartenaient à l’ordre dit de la Rédemption des Esclaves. L’église fut construite en 1640 et dédiée à saint Charles ; mais pour la distinguer d’autres dédiées au même saint, on l’appela S. Carlino. Nous nous sommes rendus dans la sacristie, avons montré le Celebret (document pour pouvoir célébrer n.d.r.) et ainsi nous avons pu dire la messe. […] Nous passâmes presque toute la journée à mettre en ordre nos papiers, faire des commissions, porter des lettres […]

Le Panthéon
Profitant d’une heure qui nous restait avant la nuit, nous nous nous sommes rendus au Panthéon qui est l’un des monuments les plus anciens et les plus célèbres de Rome. Il fut construit par Marcus Agrippa, gendre de César Auguste, vingt-cinq ans avant l’ère vulgaire (av. J.-C. n.d.r.). On croit que cet édifice a été appelé Panthéon, qui signifie tous les dieux, parce qu’en fait il était dédié à toutes les divinités. La façade est vraiment superbe. Huit grosses colonnes soutiennent une élégante corniche. Juste après, voici un portique formé de seize colonnes faites d’un seul bloc de granit, puis le pronaos, ou avant-temple, constitué de quatre piliers cannelés, dans lesquels sont creusées des niches anciennement occupées par les statues d’Auguste et d’Agrippa.
À l’intérieur on découvre une haute coupole ouverte au milieu, par laquelle pénètre la lumière, mais aussi le vent, la pluie et la neige, quand elle tombe par ici. Les marbres les plus précieux servent ici de pavé ou d’ornement tout autour. Le diamètre est de cent trente-trois pieds, correspondant à dix-huit trabucchi (environ 55 m). Ce temple servit au culte des dieux jusqu’en 608 après Jésus-Christ, lorsque le pape Boniface IV, pour empêcher les désordres qui se commettaient pendant les sacrifices, le dédia au culte du vrai Dieu, c’est-à-dire à tous les saints.

Cette église a connu de nombreuses vicissitudes. Lorsque Boniface IV obtint ce monument de l’empereur Phocas, il le dédia au culte de Dieu et de la Vierge et fit transporter de divers cimetières vingt-huit chariots de reliques qu’il plaça sous l’autel majeur. Depuis lors, on commença à l’appeler Santa Maria ad Martyres. Parmi les choses que nous avons beaucoup appréciées, il y eut la visite de la tombe du grand Raphaël […] Maintenant, cette église porte aussi le nom de Rotonde, en raison de la forme de sa construction. Devant s’étend une place dont le centre est occupé par une grande fontaine en marbre, surmontée de quatre dauphins qui jettent continuellement de l’eau.

Saint-Pierre-aux-Liens
Le 23 février […] nous avons été très contents de la visite à Saint-Pierre-aux Liens, église située au sud de Rome à la limite de la ville. Ce fut une journée mémorable car elle coïncidait avec l’une des rares fois où l’on exposait les chaînes de saint Pierre, dont les clés sont gardées par le Saint-Père lui-même. Une tradition soutient que c’est saint Pierre lui-même qui a érigé ici la première église en la dédiant au Sauveur. Détruite par l’incendie de Néron, elle fut reconstruite par saint Léon le Grand en 442 et dédiée au premier Pape. On l’a appelée Saint-Pierre-aux-Liens, car le Pape y a placé la chaîne avec laquelle le Prince des Apôtres avait été enchaîné à Jérusalem sur l’ordre d’Hérode. Le patriarche Juvénal l’avait offerte à l’impératrice Eudoxie, qui à son tour l’envoya à Rome à sa fille Eudoxie junior, épouse de Valentinien III. À Rome, on conservait aussi la chaîne avec laquelle saint Pierre avait été enchaîné dans la prison Mamertine. Lorsque saint Léon voulut faire la comparaison entre celle-ci et celle de Jérusalem, les deux chaînes s’unirent l’une à l’autre de manière prodigieuse, de sorte qu’aujourd’hui elles forment une seule chaîne, qui est conservée dans un autel spécial à côté de la sacristie. Nous avons eu la consolation de toucher ces chaînes de nos propres mains, de les embrasser, de les mettre autour de notre cou et de les approcher de notre front. Nous avons également soigneusement vérifié pour essayer de discerner le point d’union des deux, mais cela ne nous a pas été possible. Nous avons seulement pu constater que la chaîne de Rome est plus petite que celle de Jérusalem.
À Saint-Pierre-aux-Liens se trouve le magnifique tombeau de Jules II […] C’est l’un des chefs-d’œuvre du célèbre Michel-Ange Buonarroti, qui est considéré comme l’un des plus grands artistes du marbre, l’auteur de la statue de Moïse placée près de l’urne. Le patriarche est représenté avec les tables de la loi sous son bras droit, en train de parler au peuple qu’il regarde fièrement, car il s’était rebellé. L’église est à trois nefs, séparées par vingt colonnes de marbre de Paros, et deux de granit bien conservé.

Saint-Louis des Français
Vers neuf heures, nous nous sommes rendus à Santa Maria sopra Minerva, où nous avons été reçus en audience privée par le cardinal Gaude pendant environ une heure et demie. Il parla avec nous en dialecte piémontais, s’intéressant à nos oratoires […] L’après-midi, nous sommes allés rendre visite au marquis Giovanni Patrizi […]. En face de son palais se trouve l’église Saint-Louis des Français qui donne son nom à la place et au quartier voisin. C’est une église bien entretenue et enrichie de nombreux marbres précieux. Sa singularité réside dans les sépultures des Français célèbres morts à Rome. En effet, le sol et les murs sont couverts d’épitaphes et de plaques. […]

Sainte-Marie-Majeure sur l’Esquilin
Du Quirinal part une route qui mène à l’Esquilin, ainsi nommé à cause des nombreux chênes qui couvraient autrefois la colline. Sur la partie haute s’élève Sainte-Marie-Majeure, dont tous les historiens sacrés ont raconté l’origine de la manière suivante. Un certain Giovanni, patricien romain, n’ayant pas d’enfants, désirait employer ses biens dans une œuvre de piété […] La nuit du 4 août 352, la Vierge lui apparut en rêve et lui ordonna de lui élever un sanctuaire à l’endroit où il trouverait le lendemain de la neige fraîche. La même vision se manifesta au pape de l’époque, Libère. Le jour suivant, comme la rumeur se répandit qu’une abondante neige était tombée sur la colline de l’Esquilin, Libère et Giovanni s’y rendirent, et, constatant le prodige, ils s’activèrent à mettre en pratique le commandement reçu dans la vision. Le Pape traça le plan du nouveau sanctuaire, qui fut rapidement achevé avec l’argent de Giovanni, et quelques années plus tard, Libère put procéder à la consécration […]

Devant l’église s’étend une vaste place au centre de laquelle se trouve l’ancienne colonne de marbre blanc, provenant du temple de la paix. Le pape Paul V, en 1614, la dota d’une base et d’un chapiteau, sur lequel il plaça la statue de la Vierge avec l’Enfant. L’architecture de la façade est majestueuse et est soutenue par de grosses colonnes de marbre qui forment un vaste vestibule. Au fond de celui-ci a été placée la statue de Philippe IV, roi d’Espagne, qui fit de nombreuses donations en faveur de cette église et voulut lui-même être inscrit parmi les chanoines. Le sol est en mosaïque précieuse travaillée avec des marbres de différents types, tous d’une valeur inestimable.
La chapelle à droite de l’autel majeur conserve la tombe de saint Jérôme, la crèche du Sauveur et l’autel du pape Libère. L’autel papal est recouvert de précieux marbres de porphyre, et soutenu par quatre angelots en bronze doré. En dessous s’ouvre la Confession, qui est une chapelle dédiée à saint Matthias. Nous sommes allés la visiter le jour de la station de carême, ainsi nous avons eu la chance de trouver exposé sur un riche autel la tête de saint Matthias. Nous l’avons observée attentivement, et nous avons remarqué que la peau restait attachée à la tête, qu’on apercevait même quelques cheveux attachés au crâne vénérable.

La Vierge et la peste
Dans la chapelle à gauche de l’autel, on peut observer un tableau de la Vierge attribué à saint Luc, très vénéré par le peuple. L’image a été tenue en grande considération par les papes. Saint Grégoire le Grand, lors de la terrible peste de 590, la porta en procession jusqu’au Vatican. C’était le 25 avril. Lorsque le cortège arriva près du mausolée d’Hadrien, on vit un ange qui remettait l’épée dans le fourreau, indiquant ainsi la cessation de la peste. En mémoire de ce prodige, le mausolée fut appelé Château Saint-Ange, et depuis lors, la procession se répète chaque année le jour de saint Marc Évangéliste. À Sainte-Marie-Majeure, tout est majestueux et grand ; mais la parole et l’écrit ne parviennent pas à la décrire en vérité. Qui la voit de ses propres yeux fixe son regard émerveillé dans chaque coin.

Aujourd’hui, mercredi de carême ici à Rome, on jeûne et cela signifie que sont interdits non seulement les aliments à base de viande, mais aussi toute soupe ou plat à base d’œufs, de beurre ou de lait. Les assaisonnements utilisés en ces mercredis sont l’huile, l’eau et le sel. La pratique est strictement observée par toutes les classes de personnes, tant et si bien que dans les marchés et les boutiques, ce jour-là, on ne trouve ni viande, ni œufs, ni beurre.

La légende de saint Galgan
Le soir, madame De Maistre nous raconta une histoire digne d’être retenue. Elle dit : L’année dernière, le vicaire général de Sienne est venu nous rendre visite. Parmi les nombreuses choses dont il avait l’habitude de nous parler, il nous raconta l’histoire de saint Galgan, soldat. Ce saint est mort depuis des siècles, et sa tête est conservée intacte ; mais la plus grande merveille est que chaque année, on lui coupe les cheveux, qui poussent insensiblement et retrouvent la même longueur l’année suivante. Un protestant, après avoir écouté ce prodige, se mit à rire en disant : laissez-moi sceller l’urne où est conservée la tête, et si les cheveux poussent malgré tout, je reconnaîtrai le miracle et deviendrai catholique. La chose fut rapportée à l’évêque qui répondit : je mettrai les sceaux épiscopaux pour garantir l’authenticité de la relique, qu’il mette les siens pour s’assurer du fait. Ainsi fut fait. Mais ce monsieur, impatient de voir si le prodige commençait à se produire, après quelques mois demanda à ouvrir l’urne. Imaginez sa surprise lorsqu’il vit que les cheveux de saint Galgan avaient déjà poussé comme ils l’auraient fait s’il avait été vivant ! Alors c’est vrai ! s’exclama-t-il. Je deviendrai catholique. En effet, l’année suivante, le jour de la fête du Saint, lui et sa famille renoncèrent au luthéranisme et embrassèrent la religion catholique, qu’il professe aujourd’hui d’une façon exemplaire.

Sainte-Pudentienne au Viminal
Partant des Quatre Fontaines, on monte au Viminal, ainsi nommé à cause des nombreux osiers ou joncs, qui le recouvraient autrefois. Au pied de cette colline, dans la maison de Pudens, sénateur romain, saint Pierre logea lorsqu’il vint à Rome. Le saint apôtre convertit son hôte à la foi et transforma sa maison en église. Saint Pie I, vers 160, à la demande des vierges Pudentienne et Praxède, filles du sénateur Pudens, consacra cette église, qui […] fut ensuite dédiée à Sainte Pudentienne parce qu’elle y avait habité et y était morte. De nombreux papes ont entrepris la restructuration de ce lieu qui contient de précieux témoignages chrétiens. Le puits de sainte Pudentienne mérite une attention particulière. On croit qu’elle y enterra les corps des martyrs. Au fond, on peut remarquer une grande quantité de reliques ; l’histoire dit qu’il contient les reliques de trois mille martyrs.

À côté de l’autel majeur, il y a une chapelle de forme oblongue avec un autel sur lequel on admire un groupe en marbre représentant Jésus qui remet les clés à saint Pierre. On croit que cet autel est celui sur lequel saint Pierre a célébré la messe, et sur lequel, à ma grande consolation, j’ai pu célébrer moi-même. On y conserve des morceaux d’éponge dont se servait Pudentienne pour recueillir le sang des plaies des martyrs, ou de la terre qui en était imprégnée.
En continuant vers la gauche, on arrive à une chapelle qui conserve le témoignage d’un grand miracle. Alors qu’il célébrait la messe, un prêtre douta de la possibilité de la présence réelle de Jésus dans l’hostie sainte. Après la consécration, l’hostie lui échappa des mains et, tombant sur le sol, rebondit d’abord sur une marche puis sur une autre. Là où elle frappa la première fois, le marbre resta presque perforé, et sur la deuxième marche se forma une cavité très profonde en forme d’hostie. Ces deux marches en marbre sont conservées en ce même lieu et soigneusement gardées.

Sainte-Praxède
Partant de Sainte-Pudentienne, en montant vers l’Esquilin, à peu de distance de Sainte-Marie-Majeure, on trouve l’église Sainte-Praxède. Vers l’an 162 après J.-C., au-dessus de l’endroit où se trouvaient les thermes, c’est-à-dire les bains de Novatus, saint Pie I éleva une église en l’honneur de cette vierge, sœur de Novatus, Pudentienne et Théotilus. L’endroit servit de refuge aux anciens chrétiens en temps de persécution. La Sainte, qui s’employait à fournir ce qui était nécessaire aux chrétiens persécutés, s’occupait également de recueillir les corps des martyrs qu’elle enterrait ensuite, versant leur sang dans le puits qui se trouve au milieu de l’église. Celle-ci est riche en ornements et en marbres précieux, comme presque toutes les églises de Rome.
Il y a aussi la chapelle des martyrs Zénon et Valentin, dont les corps, transportés par saint Pascal I en l’an 899, reposent sous l’autel. Ici se conserve également une colonne en jaspe, haute d’environ trois coudées, qu’un cardinal nommé Colonna fit transporter de Terre Sainte en l’an 1223. On pense que c’est celle à laquelle le Sauveur fut attaché pendant la flagellation.

Le Caelius
Depuis l’Esquilin, en regardant vers l’ouest, on voit la colline du Caelius. Autrefois, elle était appelée Querchetulano à cause des chênes qui la recouvraient. Plus tard, elle fut nommée Caelius d’après Caeles Vibenna, capitaine des Étrusques venus en aide à Rome, et que Tarquinius Priscus fit loger sur cette colline. La première chose que l’on remarque est le plus grand obélisque que l’on connaisse. Ramsès, pharaon d’Égypte, le fit ériger à Thèbes en le dédiant au soleil. Constantin le Grand le fit transporter à travers le Nil jusqu’à Alexandrie, mais, après sa mort, ce fut son fils Constance qui le transporta à Rome. Pour le voyage, on utilisa un vaisseau de trois cents rames, et à travers le Tibre, il fut conduit dans la ville et placé dans un endroit appelé Circus Maximus. Là, il tomba à terre et se brisa en trois parties. Le pape Sixte V le fit restaurer et ériger sur la place du Latran en 1588. L’obélisque atteint une hauteur de 153 pieds romains. Il est entièrement orné de hiéroglyphes et surmonté d’une haute croix.

À droite de la place se trouve le baptistère de Constantin avec l’église Saint-Jean in Fonte. On dit qu’elle a été construite par Constantin à l’occasion du baptême qu’il reçut du pape saint Sylvestre en l’an 324. Elle possède deux chapelles, l’une dédiée à saint Jean-Baptiste, l’autre à saint Jean l’Évangéliste, d’où son nom d’église S. Giovanni in Fonte. Le baptistère, qui est une cuve de grande largeur revêtue de marbres précieux, se trouve au milieu. La petite chapelle dédiée à saint Jean-Baptiste est considérée comme une chambre de Constantin, transformée en oratoire et dédiée au saint Précurseur par le pape saint Hilaire.

Saint-Jean-de-Latran
En sortant du baptistère et en traversant la vaste place, on trouve la basilique Saint-Jean-de-Latran. Cette célèbre construction est la première et principale église du monde catholique. Sur la façade on peut lire : Ecclesiarum Urbis et Orbis Mater et Caput (mère et tête de toutes les églises de Rome et du monde). C’est le siège du Souverain Pontife en tant qu’évêque de Rome ; après son couronnement, il va en prendre solennellement possession. Elle fut également appelée Basilique constantinienne, car fondée par Constantin le Grand. Elle fut ensuite appelée Basilique du Latran parce qu’érigée là où se trouvait le palais d’un certain Plautius Lateranus, que Néron a fait tuer ; et aussi Basilique du Sauveur à la suite d’une apparition du Sauveur survenue pendant la construction. On l’appelle encore Basilique d’Or à cause des précieux dons dont elle a été enrichie, et Basilique San Giovanni parce qu’elle est dédiée à saint Jean-Baptiste et à saint Jean Évangéliste.
C’est Constantin le Grand qui la fit construire près de son palais, vers l’an 324. Agrandie ensuite avec de nouveaux corps de bâtiment, elle fut cédée au saint Pontife. C’est ici que les papes résidèrent jusqu’au temps de Grégoire XI. Lorsque celui-ci ramena le Saint-Siège d’Avignon à Rome, il transféra sa résidence au Vatican.
En 1308, un terrible incendie la détruisit, mais Clément V, qui était alors à Avignon, envoya immédiatement ses agents avec de grandes sommes d’argent, et en peu de temps, elle fut reconstruite. Le portique est soutenu par vingt-quatre gros piliers ; au fond se trouve la statue de Constantin trouvée dans ses thermes au Quirinal. La grande porte en bronze est d’une hauteur extraordinaire. Elle provient de l’église Saint-Adrien in Campo Vaccino et a été transportée ici. Elle constitue un rare exemple de portes anciennes dites Quadrifores, c’est-à-dire construites de manière à pouvoir s’ouvrir en quatre parties, une à la fois sans que l’une mette en danger la stabilité de l’autre. À droite, il y a une porte murée qui ne s’ouvre que pendant l’année du jubilé et qui est appelée Porte Sainte.

L’intérieur est à cinq nefs. La longueur, la hauteur, la richesse des pavements, des sculptures et des peintures sont un enchantement pour les yeux. Il faudrait en écrire de gros volumes pour en parler dignement. Parmi les reliques insignes de cette église il y a les têtes des deux princes des Apôtres Pierre et Paul. Elles sont conservées sous l’autel majeur et encastrées dans une autre tête d’or. Il y a aussi une relique insigne de saint Pancrace martyr, et on y conserve une table que l’on pense être celle même sur laquelle Jésus célébra la sainte cène avec ses Apôtres.

En sortant de l’église par la porte principale et en traversant la place, on trouve la Scala Santa, un bâtiment que le pape Sixte V fit ériger pour y conserver l’escalier, qui se trouvait auparavant en morceaux dans l’ancien palais papal du Latran. Il est formé de vingt-huit marches en marbre blanc provenant du prétoire de Pilate à Jérusalem et que Jésus monta et descendit plusieurs fois pendant sa passion. Sainte Hélène, mère de Constantin, les envoya à Rome avec beaucoup d’autres choses sanctifiées par le sang de Jésus-Christ. Ce célèbre escalier est tenu en grande vénération et c’est pourquoi on le monte à genoux, et on redescend par l’un des quatre escaliers latéraux. Ces marches se sont creusées à cause du grand afflux de chrétiens qui les ont montées, si bien qu’elles ont été recouvertes de planches de bois. Le même Sixte V fit placer en haut de l’escalier la célèbre chapelle privée des papes, qui est pleine des plus insignes reliques, et que l’on appelle Sancta Sanctorum.

Cité du Vatican. La construction
La colline du Vatican contient tout ce qui existe de plus excellent dans les arts, et de mémorable dans la religion ; c’est pourquoi nous en donnerons une description un peu plus précise. Elle a été appelée Vatican d’après Vagitanus, une divinité qui était censée surveiller le vagissement des enfants. En effet, la première syllabe Va (va n.d.r.) dont est composé le mot est aussi le premier cri des enfants. La colline acquit de la renommée lorsque Caligula y construisit le cirque auquel on donna ensuite le nom de Néron. Pour passer de la rive gauche à la rive droite du Tibre, Caligula construisit le pont du Vatican, dit aussi Triomphal, qui n’existe plus maintenant. Le cirque de Néron commençait là où se trouve aujourd’hui l’église Sainte-Marthe et s’étendait jusqu’aux marches de l’ancienne basilique vaticane. Dans ce cirque fut enterré le corps du Prince des Apôtres […]

Là furent également enterrées les ossements d’autres papes, dont Lin, Clément, Anaclet, Évariste et d’autres encore. Le Mémorial de S. Pierre, c’est-à-dire le petit temple construit sur sa tombe, dura jusqu’aux temps de Constantin qui, à la demande de saint Sylvestre, vers 319, entreprit la construction d’une église en l’honneur de l’Apôtre. Elle fut érigée précisément autour de ce petit temple, en utilisant des matériaux prélevés sur des édifices publics. La construction fut appelée Basilique constantinienne, et à cette époque, elle était considérée comme l’une des plus célèbres de la chrétienté. Au milieu de cette église, faite en forme de croix latine, se trouvait l’autel dédié à saint Pierre sous lequel son corps était enterré, protégé par des grilles ; cet espace était déjà appelé la Confession de saint Pierre. Une fois le temple achevé et doté de riches ornements, le pape Sylvestre le consacra le 18 novembre 324 […] Les pontifes qui vinrent par la suite l’ont embelli et l’agrandi. Pendant onze siècles, il fut l’objet de la dévotion et de l’admiration des chrétiens qui se rendaient à Rome.

Au XVe siècle, il commençait à se détériorer, c’est pourquoi Nicolas V pensa à le rénover, mais il n’eut que le mérite de commencer les travaux, car la mort lui fit suspendre tout. Jules II reprit la construction en changeant son nom, qui passa de Basilique constantinienne à Saint-Pierre du Vatican, et posa la première pierre le 18 avril 1506. Les architectes furent Bramante, puis Fra Giocondo Domenico et Raffaello Sanzio. Après eux travaillèrent les architectes les plus célèbres et les esprits les plus sublimes de l’époque.

La grande place
 […] Devant la basilique s’ouvre une vaste place dont la longueur dépasse la moitié d’un kilomètre. Elle est formée de 284 colonnes et de 64 piliers qui, disposés en demi-cercle de chaque côté en quatre rangées, forment trois voies dont la plus large, celle du centre, permet le passage de deux voitures. Au-dessus de la colonnade sont placées 96 statues de saints, en marbre, d’une hauteur d’environ 10 pieds. Au centre, s’élève l’obélisque égyptien. Il est d’une seule pièce, et c’est le seul qui soit resté entier. Il mesure 126 pieds de hauteur, y compris la croix et le piédestal. Il n’a pas de hiéroglyphes. Nucoreus, roi d’Égypte, l’avait érigé à Héliopolis, d’où il fut prélevé et transporté à Rome par Caligula l’an 3 de son règne. Il fut placé dans le cirque construit au pied de la colline du Vatican, comme le montrent les inscriptions qui y sont lues. Ce cirque fut appelé de Néron parce qu’il s’y rendait fréquemment ; c’est ici que ce cruel empereur fit un massacre de chrétiens, les accusant d’être les auteurs de l’incendie de Rome qu’il avait lui-même allumé.

En 1818, on construisit une horloge solaire sur la place. Sur le sol on dessina les douze signes du zodiaque. L’obélisque faisait office de gnomon, et son ombre indiquait les stations du soleil. Tout autour, on écrivit les noms des vents avec la direction dans laquelle chacun d’eux souffle. De chaque côté, deux fontaines semblables jettent perpétuellement de l’eau dont les jets peuvent monter jusqu’à soixante pieds. La reine d’Écosse, accueillie avec pompe en ce lieu, regarda avec émerveillement les deux fontaines, pensant qu’elles avaient été faites spécialement pour l’accueillir. Non, dit un monsieur qui était à ses côtés, ces jets sont perpétuels.

Visite à Saint-Pierre
En marchant vers la façade de la basilique, on arrive à un magnifique escalier flanqué de deux statues, l’une de saint Pierre et l’autre de saint Paul, installées là par le pape Pie IX. En montant les marches, on se trouve devant la façade qui porte cette inscription : En l’honneur du Prince des Apôtres Paul V, Souverain Pontife, en l’an 1612, 7e de son pontificat. Au-dessus du portique s’étend la grande Loggia des bénédictions. La façade est majestueuse et imposante. Le portique est entièrement orné de marbres, de peintures en mosaïque et d’autres travaux élégants. Au fond du vestibule à droite, on peut observer la magnifique statue équestre de Constantin en train de contempler la prodigieuse croix qui lui apparut dans le ciel avant la bataille finale contre Maxence.

Du portique, on entre dans la basilique par quatre portes, dont la dernière à droite ne s’ouvre que pour l’année sainte. La porte principale est en bronze, d’une grande hauteur, et il faut de nombreux bras forts pour l’ouvrir. L’intérieur se présente à cinq nefs en plus de la croisée qui se termine par la tribune. La curiosité et la surprise nous ont conduits au milieu de la nef principale. Ici, nous nous sommes arrêtés pour admirer et réfléchir sans dire un mot. Il nous sembla voir la Jérusalem céleste. La longueur de la basilique est de 837 coudées, sa largeur de 607. C’est la plus grande église de toute la chrétienté. Après Saint-Pierre, la plus vaste est celle de Saint-Paul à Londres. Si l’on ajoute à l’église Saint-Paul celle de notre Oratoire, on obtient la longueur précise de Saint-Pierre.

Après être restés immobiles pendant un certain temps, nous avons cherché le bénitier. Nous avons aperçu deux angelots, à première vue très petits, tenant une sorte de coquille dans le premier pilier de la basilique. Cela nous étonna qu’une église aussi vaste ait un bénitier si petit. Mais l’étonnement se transforma en surprise lorsque nous vîmes les angelots devenir de plus en plus grands à mesure que nous nous approchions. La coquille devint un vase d’environ six pieds de circonférence, et les angelots de chaque côté nous montraient leurs mains avec des doigts aussi gros que notre bras. C’est la preuve que les proportions de ce merveilleux édifice sont si bien réglées qu’elles rendent moins sensible son ampleur, que l’on découvre de mieux en mieux en examinant chaque détail. Autour des piliers de la nef principale, on voit les statues en marbre des fondateurs des ordres religieux.

Dans le dernier pilier à droite se trouve la statue en bronze de saint Pierre, tenue en grande vénération. C’est saint Léon le Grand qui la fit fondre avec le bronze de celle de Jupiter Capitolin. Elle rappelle la paix que ce Pontife obtint d’Attila qui faisait rage contre l’Italie. Le pied droit qui dépasse du piédestal est usé par les lèvres des fidèles qui ne passent jamais devant lui sans la baiser avec respect. Pendant que nous admirions la statue, l’ambassadeur autrichien à Rome passa en s’inclinant devant le prince des Apôtres et lui baisa le pied.

Nefs et chapelles
Disons maintenant quelques mots sur les nefs latérales et les chapelles qui s’y trouvent. À droite, on rencontre d’abord la chapelle de la Pietà. En plus des magnifiques mosaïques et des statues qui l’ornent, on admire au-dessus de l’autel le célèbre groupe sculpté par Michel-Ange en marbre blanc, alors qu’il n’avait que vingt-quatre ans. C’est peut-être la plus belle sculpture du monde. Le même Michel-Ange en était si satisfait qu’il la signa sur la ceinture de Marie.

À gauche de la chapelle de la Pietà se trouve celle dédiée au Crucifix et à Saint Nicolas. De là, on entre dans la petite Chapelle de la Sainte Colonne, où est conservée, protégée par une grille en fer, l’une des colonnes à vis qui se trouvaient autrefois devant l’autel de la Confession de Saint Pierre. C’est cette colonne sur laquelle Jésus-Christ s’appuya lorsqu’il prêcha dans le temple de Salomon. On s’émerveille devant la partie touchée par les épaules sacrées du Sauveur et jamais couverte de poussière, ce qui fait qu’on n’a pas besoin de la dépoussiérer comme le reste.

Après la chapelle de la Pietà, on rencontre le monument funéraire de Léon XII, érigé par Grégoire XVI. Le Pape est représenté en train de bénir le peuple depuis la loggia au-dessus du portique ; tout autour, on voit les têtes des cardinaux assistant à la cérémonie. En face de ce tombeau se trouve le cénotaphe de Christine Alexandra, reine de Suède, morte à Rome le 19 avril 1689. Celle-ci, protestante, convaincue de la faible consistance de sa religion, se fit instruire dans le catholicisme et fit la solennelle abjuration à Innsbruck le 3 novembre 1655. Divers bas-reliefs qui ornent le tombeau représentent cet événement.

Suit la chapelle de Saint Sébastien, elle aussi riche en peintures et en marbres. En sortant à droite, on trouve le dépôt funéraire d’Innocent XII des Pignatelli de Naples. En face se trouve le tombeau de la célèbre comtesse Mathilde, illustre bienfaitrice de l’Église et soutien de l’autorité pontificale. Urbain VIII fit transférer ici ses cendres, les retirant du monastère de Saint Benoît à Mantoue. Elle fut la première des femmes illustres qui ont mérité un tombeau dans la basilique vaticane. La comtesse est représentée debout ; le tombeau est orné d’un bas-relief représentant l’absolution donnée par Grégoire VII à Henri IV, empereur d’Allemagne, à la demande de Mathilde et d’autres personnages, le 25 janvier 1077 dans la forteresse de Canossa.

On arrive ensuite à la chapelle du Saint-Sacrement, riche en marbres et mosaïques. À côté de l’autel, un escalier mène au palais pontifical. Cet autel est dédié à Saint Maurice et à ses compagnons martyrs, patrons principaux du Piémont. Les deux colonnes torsadées d’un seul tenant qui ornent l’autel sont deux des douze qui sont censées avoir été amenées à Rome de l’ancien temple de Salomon. Sur le sol devant l’autel, on admire le tombeau en bronze de Sixte IV Della Rovere. Il fut exécuté sur ordre de Jules II, son neveu, et représente les vertus et la science propres au défunt. Il contient les cendres des deux papes.

En sortant de la chapelle, voici à droite le tombeau de Grégoire XIII Buoncompagni. Il est orné de deux statues, la Religion et la Force ; au centre un grand bas-relief représente la réforme du calendrier, dite grégorienne. Ici sont représentés une quantité de personnages illustres qui ont participé à cette œuvre, tous en train de vénérer le Pape. En face, dans une urne en stuc, reposent les ossements de Grégoire XIV de la famille Sfrondato. Ici se termine la nef latérale et on entre dans la croix grecque d’après le dessin de Michel-Ange.

En sortant de la nef, à droite se trouve la Chapelle Grégorienne. Au-dessus de l’autel est vénérée une ancienne image de la Vierge du temps de Pascal II. En dessous repose le corps de Saint Grégoire de Nazianze, transféré sur ordre de Grégoire XIII de l’église des moniales du Champ de Mars. En poursuivant le chemin, on arrive au monument funéraire de Benoît XIV Lambertini, érigé par les cardinaux qu’il avait créés. De chaque côté du tombeau s’élèvent deux magnifiques statues représentant le Désintéressement et la Sagesse, les deux vertus les plus lumineuses de ce pape. La statue du Pape, debout, bénit le peuple d’un geste majestueux. Ce travail est si bien exécuté que le simple regard sur le Pape nous fait reconnaître en lui la grandeur et l’élévation de son âme. En face, on reconnaît l’autel de Saint Basile le Grand avec au-dessus un précieux tableau en mosaïque de l’empereur Valens s’évanouissant en présence du Saint, tandis qu’il le regardait célébrer la messe.

On arrive ensuite à la tribune. Le premier autel à droite est dédié à Saint Venceslas martyr, roi de Bohême ; celui du milieu est consacré aux saints Processus et Martinien, gardes de la prison Mamertine, convertis à la foi par saint Pierre, lorsque l’Apôtre y était enfermé. Ces deux saints ont donné leur nom à l’emplacement ; leurs corps reposent sous l’autel. Trois précieux bas-reliefs représentent saint Pierre en prison libéré par l’Ange (celui du milieu), saint Paul prêchant à l’Aréopage (celui à droite), le troisième les saints Paul et Barnabé, pris pour des divinités par les habitants de Lystres. On rencontre ensuite le tombeau de Clément XIII Rezzonico, sculpture d’Antonio Canova. C’est un chef-d’œuvre. Le tableau de l’autel qui se trouve en face du monument représente saint Pierre en danger de se noyer, soutenu par le Rédempteur. Plus loin, voici l’autel de saint Michel, puis celui de sainte Pétronille, fille de saint Pierre. Cette sainte est représentée dans une mosaïque qui raconte le déterrage de son cadavre pour le montrer à Flaccus, noble Romain, qui l’avait demandée en mariage. Dans la partie supérieure est figurée son âme qui, par ses prières, obtint de mourir vierge et est accueillie par Jésus-Christ. Plus loin, on voit le sarcophage de Clément X Altieri ; le bas-relief représente l’ouverture de la porte sainte pour le Jubilé de 1675. L’autel est surmonté du tableau de saint Pierre qui, aux prières d’une foule de mendiants, ressuscite la veuve Tabitha.

En gravissant deux marches de porphyre qui faisaient partie de l’autel majeur de l’ancienne basilique, on monte à l’Autel de la Chaire. Un groupe surprenant de quatre statues en métal soutient le siège pontifical. Les deux de devant représentent deux Pères latins, Ambroise et Augustin ; les deux de derrière les Pères grecs, Athanase et Jean Chrysostome. Le poids de ces groupes s’élève à 219.161 livres de métal. La chaire en bronze recouvre, comme précieuse relique, celle en bois marqueté de divers bas-reliefs en ivoire. Cette chaise est celle du sénateur Pudens qui servit l’Apôtre Pierre et plusieurs papes après lui.

Au-dessus de l’autel de la Chaire, comme fond, est figuré sur toile le Saint-Esprit entre des vitraux colorés et rayonnants de sorte que celui qui le regarde semble voir une étoile d’or resplendissante. En dessous, à gauche de celui qui regarde, se trouve le magnifique tombeau de Paul III Farnèse, monument très précieux pour ses sculptures. La statue du Pape assis sur l’urne est en bronze, les deux autres statues, en marbre, représentent la Prudence et la Justice. En face est placé le tombeau du pape Urbain VIII dont la statue est en bronze. La Justice et la Charité sont de chaque côté, sculptées en marbre blanc. Sur l’urne on distingue l’image de la mort en train d’écrire dans un livre le nom du Pape. Ici nous avons interrompu la visite : nous étions fatigués, la visite avait duré de onze heures du matin à cinq heures de l’après-midi.

Rome. Sainte-Marie de la Victoire
Du Quirinal, en regardant vers le sud, on voit la rue de Porta Pia, ainsi nommée d’après le pape Pie IV qui, pour l’embellir, a réalisé de nombreux travaux. Le long de cette route, près de la fontaine de l’Acqua Felice, s’élève à gauche l’église de Sainte-Marie de la Victoire, édifiée par Paul V en 1605, et ainsi nommée à cause d’une image miraculeuse de la Vierge qui y fut transportée par le père Dominique des Carmes Déchaussés. C’est à cette image, ou plutôt à la protection de Marie que le duc Maximilien de Bavière dut la grande victoire remportée en quelques jours contre les protestants, qui avaient mis à mal le royaume d’Autriche avec une armée très nombreuse. L’image prodigieuse est conservée sur l’autel majeur. Aux corniches sont accrochées les bannières prises aux ennemis : glorieux monument à la protection de Marie.

En mémoire de la libération de Vienne, la fête du Nom de Marie a été instituée, célébrée par toute la chrétienté le dimanche dans l’octave de la naissance de Marie. Cela se produisit le 12 septembre 1683 sous le pontificat d’Innocent XI. Dans cette même église, une solennité spéciale est célébrée le deuxième dimanche de novembre en souvenir de la célèbre victoire remportée par les chrétiens contre les Turcs à Lépante le 7 octobre 1571, sous Pie V. Quelques bannières prises aux Turcs sont également accrochées comme trophées à la corniche de cette église.
Devant Sainte-Marie de la Victoire se trouve la fontaine de Termini, appelée fontaine de Moïse, car dans une niche est sculptée la statue de Moïse qui, avec le bâton à la main, fait jaillir l’eau de la pierre. Elle est également appelée Acqua Felice d’après le frère Félix, qui est le nom de Sixte V lorsqu’il était au couvent.

L’île Tibérine
Dans l’après-midi, nous avons décidé d’aller avec le comte De Maistre visiter la grande œuvre Saint-Michel de l’autre côté du Tibre. Nous devions donc traverser le fleuve à la hauteur d’une petite île appelée Tibérine ou aussi Lycaonienne, d’après un temple dédié à Jupiter Lycaonien. Voici l’origine de cette île. Lorsque Tarquin fut expulsé de Rome, le Tibre était presque à sec, laissant à découvert quelques bancs de sable. Les Romains, poussés par la haine contre ce roi, allèrent dans ses champs, coupèrent les blés et l’épeautre qui étaient proches de la maturité et jetèrent tout dans le Tibre. La paille alla s’arrêter sur le sable, et en se déposant, la boue de sable que l’eau faisait couler parvint à se consolider au point qu’on put y cultiver et y habiter. Sur cette île, les païens élevèrent un temple en l’honneur d’Esculape ; mais en 973, on y déposa le corps de saint Barthélemy qui repose dans l’urne sous l’autel majeur.

Après avoir traversé le Tibre et continuant vers l’hospice Saint-Michel, on rencontre à droite l’église Sainte-Cécile, édifiée à l’endroit où se trouvait sa maison. Urbain I, vers le milieu du troisième siècle, la consacra, et saint Grégoire le Grand l’enrichit de nombreux objets précieux. En entrant à droite on trouve la chapelle où était le bain de sainte Cécile, où on dit qu’elle a reçu le coup mortel. L’autel majeur, protégé par une grille en fer, garde le corps de la sainte. Au-dessus de l’urne une sculpture émouvante en marbre la représente allongée et vêtue comme on l’a retrouvée dans le tombeau.

Arrivés à l’hospice Saint-Michel, nous avons eu une audience du Cardinal Tosti qui nous raconta divers épisodes qui lui étaient arrivés à l’époque de la république. Lui aussi fut contraint de vivre un certain temps loin de l’hospice pour ne pas devenir la victime d’un attentat. Parmi les divers objets volés dans cette triste circonstance à ce pieux cardinal, il y avait trois tabatières très précieuses, surtout pour leur antiquité et leur provenance. Quand on les apporta aux membres du triumvirat, Mazzini pensa en garder une pour lui et offrir les deux autres à ses compagnons. Mais ceux-ci n’osèrent pas les prendre. Mazzini arrangea tout, et gracieusement se les mit toutes les trois dans la poche !

Le Capitole
Sur le chemin du retour, à mi-chemin, se dresse la colline la plus haute de Rome, le Capitole, ainsi nommée d’après caput Toli, tête de Tolus, qui fut découverte alors que Tarquin le Superbe faisait aplanir le sommet pour l’ériger en forteresse. Nous avons monté un long escalier au bout duquel se dressent deux statues colossales représentant Castor et Pollux. Le plan qui forme la place s’appelait autrefois inter duos lucos, car il se trouvait entre les bosquets qui recouvraient les deux sommets. C’est ici que Romulus avait créé un abri pour les peuples voisins qui souhaitaient s’y réfugier. Le Capitole d’aujourd’hui n’a plus l’imposante allure guerrière, mais c’est une place majestueuse entourée de palais qui abritent des musées, et où se traitent les affaires municipales. Dans une partie de cette place se trouvait le temple de Jupiter Feretrius, ainsi nommé d’après les armes des vaincus que les vainqueurs allaient accrocher à l’autel de ce temple.

Au milieu de la place s’élève la célèbre statue équestre de Marc-Aurèle en pacificateur. C’est la plus belle parmi les plus anciennes statues en bronze qui aient été conservées intactes. Une partie des grands bâtiments qui entourent la place constitue le palais sénatorial, fondé par Boniface IX en 1390 sur le terrain où se trouvait l’ancien sénat des Romains. Sur le côté se trouve la source de l’Acqua Felice, ornée de deux statues couchées du Nil et du Tibre. De là, par un petit escalier, on accède à la tour du Capitole, érigée sous forme de campanile à l’endroit même où autrefois montaient les observateurs pour admirer Rome et surveiller les ennemis qui tenteraient de s’approcher de la ville. […]
Dans la partie la plus élevée vers l’orient se trouvait le temple de Jupiter Capitolin, qui était appelé de Jupiter Optimus Maximus, et avait été érigé par Tarquin le Superbe sur les fondations préparées par Tarquin l’Ancien qui en avait fait vœu pendant la guerre contre les Sabins. C’était juste au moment où on effectuait les fouilles qu’on a découvert le caput Toli.

Sainte-Marie in Aracoeli
Là où se trouvait le temple de Jupiter Capitolin se dresse maintenant la majestueuse église de Santa Maria in Aracoeli, édifiée au VIe siècle de l’ère vulgaire. Pendant un certain temps, elle fut appelée Santa Maria in Campidoglio, à cause du lieu où elle se trouvait. Elle fut ensuite appelée Aracoeli en raison du fait suivant. La foudre ayant frappé le Capitole, Auguste, par crainte d’un malheur, envoya interroger l’oracle de Delphes […] Pour cette raison, et pour certains oracles des Sibylles concernant la naissance du Sauveur, Auguste fit élever un autel intitulé Ara primogeniti Dei, autel du premier-né de Dieu. C’est de là que dérive le nom de Santa Maria in Aracoeli, après qu’une église fut élevée en l’honneur de la Mère de Dieu. L’intérieur est à trois nefs divisées par 22 colonnes de marbre ayant appartenant au temple de Jupiter Feretrius. L’autel majeur mérite une attention particulière, car au-dessus de celui-ci on vénère une image de Marie, que l’on pense être de saint Luc. Celle-ci, aux temps de saint Grégoire le Grand, fut portée en procession à travers Rome pour obtenir la libération de la peste. Le fait est représenté dans une peinture sur le pilier à côté de l’autel. Au milieu de la croisée se trouve la chapelle de sainte Hélène, où fut érigée l’Ara Primogeniti. La table de l’autel est une grande urne de porphyre, dans laquelle ont été déposés les corps de sainte Hélène, mère de Constantin, et des saints Abbondio et Abbondanzio.

Dans une pièce près de la sacristie on conserve une effigie miraculeuse de l’Enfant Jésus. Les langes qui l’entourent sont ornés de pierres précieuses. Elle est exposée à la vénération pendant les fêtes de Noël, dans une belle crèche représentée dans l’église à l’intérieur d’une chapelle. Avec l’Enfant, on a placé également les figures d’Auguste et de la Sibylle en souvenir d’une tradition qui affirme que la Sibylle de Cumes avait prédit la naissance du Sauveur et c’est pourquoi Auguste y éleva un autel.

En sortant de l’Aracoeli et en se dirigeant vers la partie occidentale du Capitole, on rencontre la roche Tarpéienne qui occupait la partie vers le Tibre, et qui s’appelait ainsi d’après la Vierge Tarpeia, qui y fut tuée par trahison lors de la guerre des Sabins. Du haut de ce rocher, on précipitait les traîtres de la patrie. Ici, de nombreux chrétiens furent martyrisés et jetés en bas en haine de la foi. Non loin se trouvait la Curie, et la cabane de Romulus, où il aurait attendu la réponse des vautours […]

En descendant vers le bas, voici le temple de la Concorde, construit par Camille en l’an 387 de Rome. […] Près de ce temple, sur le côté gauche en descendant, se trouvait celui de Jupiter Tonnant, dont il reste trois colonnes de marbre. Il fut érigé par Auguste sur le flanc du Capitole et dédié à Jupiter en remerciement pour avoir échappé à la foudre qui tua le serviteur qui le précédait.

La prison Mamertine
Le matin du 2 mars, avec la famille De Maistre, nous sommes allés visiter la prison Mamertine, qui se trouve au pied du Capitole dans la partie occidentale. Cette prison est ainsi nommée d’après Mamertus, ou Ancus Martius, 4e roi de Rome, qui la fit construire pour répandre la terreur parmi le peuple, et ainsi empêcher les vols et les meurtres. Servius Tullius, 6e roi de Rome, ajouta en-dessous un autre cachot qui fut appelé Tullianus. Il a deux sous-sols, qui présentent dans la voûte une ouverture capable de laisser passer un homme. À travers celle-ci, on descendait les condamnés avec une corde […]

Ici jaillit une source d’eau que saint Pierre aurait miraculeusement fait jaillir lorsqu’il était emprisonné avec saint Paul. Le prince des Apôtres se servit de cette eau pour baptiser les saints Processus et Martinien, gardiens de la prison, ainsi que 47 autres compagnons tous morts martyrs. Cette eau présente des aspects miraculeux. Son goût est naturel. Elle n’augmente jamais, ni ne diminue jamais de volume, quelle que soit la quantité qu’on y puise. Deux gentlemen anglais, comme pour se moquer des catholiques, voulurent essayer de vider la petite fosse d’eau qui ressemble à un petit vase. Ils se fatiguèrent, eux et leurs amis, mais l’eau resta toujours au même niveau. On raconte de nombreuses guérisons miraculeuses obtenues par son usage. À côté de la source se trouve une colonne de pierre à laquelle furent liés les deux princes des Apôtres. À côté de la colonne se trouve un petit autel où, à ma grande consolation, j’ai célébré la messe, à laquelle ont assisté la famille De Maistre et d’autres personnes pieuses. Au-dessus de l’autel, un bas-relief représente Paul prêchant et Pierre baptisant les gardes […]

Dans un coin du 1er étage de la prison, on remarque sur le mur l’empreinte d’un visage humain. On dit que saint Pierre reçut une forte gifle d’un sbire, si bien qu’en frappant son visage contre le mur, il y laissa l’empreinte de son visage qui, de manière miraculeuse, s’est conservée. Au-dessus de cette figure est sculptée cette ancienne inscription : « Dans ce rocher, Pierre frappa la tête, poussé par un sbire et le prodige demeure« . Au-dessus de cette prison fut édifiée une église, et au-dessus de celle-ci une autre encore dédiée à saint Joseph. C’est ici que siège la confrérie des charpentiers. Les membres se réunissent les jours de fête, assistent aux fonctions sacrées et veillent à tout ce qui est nécessaire pour l’entretien de l’église et nécessaire pour le nettoyage de la prison. Autrefois, pour arriver à l’entrée de la prison, on descendait par un escalier au bout duquel se trouvait l’ouverture par laquelle on précipitait les condamnés. Ces escaliers furent appelés Gémonies, à cause des gémissements des condamnés […]

Cité du Vatican. Dévotions jubilaires
Le 3 mars était destiné à la visite à Saint-Pierre. Partis à six heures et demie de chez nous avec une fraîcheur qui réjouissait la vie et rendait nos pas rapides, nous prîmes la direction de la colline du Vatican. Arrivés au Pont Aelius, ou Pont Saint-Ange, par lequel on traverse le Tibre, nous avons récité le Credo. Les Papes accordent cinquante jours d’indulgence à ceux qui récitent le symbole des Apôtres en passant sur ce pont. Il est appelé Aelius d’après Hadrien Aelius qui l’a construit. Mais il est aussi appelé pont Saint-Ange à cause du Château Saint-Ange, qui est le premier édifice que l’on rencontre sur la rive opposée.

Nous dirons quelques mots de ce château. L’empereur Hadrien voulut ériger un grand sépulcre sur la rive droite du Tibre. En raison de sa largeur, de sa longueur et de sa hauteur, on l’appela Mole Adriana. Lorsque l’empereur Théodose fit prélever les colonnes du mausolée d’Hadrien pour en doter la basilique Saint-Paul, cette construction resta dépourvue de la moitié supérieure et sans colonnes. En l’an 537, les troupes de Bélisaire assaillirent les Goths pour les éloigner de Rome, et alors presque tous les vestiges de ce mausolée furent réduits en morceaux. Au Xe siècle, on l’appelait Castro et Torre di Crescenzio d’après un certain Cescenzio Nomentano qui s’en empara et le fortifia. Peu après, l’histoire lui donna le nom de Château Saint-Ange, peut-être à cause d’une église dédiée à l’ange Michel. […] Mais l’opinion la plus probable reste celle qui raconte une procession voulue par saint Grégoire le Grand pour obtenir de la Vierge la libération de la peste, au cours de laquelle un ange apparut au sommet du Mausolée remettant l’épée dans son fourreau, signe que le fléau était sur le point de cesser. Maintenant, le Château Saint-Ange est réduit à une forteresse et c’est la seule de Rome.

En poursuivant notre chemin, nous sommes arrivés sur la grande place Saint-Pierre. Passant devant l’obélisque, nous avons enlevé notre chapeau, car les papes ont accordé cinquante jours d’indulgence à ceux qui font une révérence ou se découvrent la tête en passant près de cet obélisque, au-dessus duquel a été appliquée une croix contenant un morceau du Saint Bois de la croix de Jésus.
Nous voici donc de nouveau dans la Basilique Vaticane. Nous avions déjà visité la moitié plus la tribune, qui forme comme le chœur de l’autel papal, situé au milieu de la croisée, en face de la chaire de Pierre. Ce chœur fut ordonné par Clément VIII et consacré par lui en 1594 ; il renferme l’autel qui avait déjà été édifié par saint Sylvestre. Étant l’autel papal, seul le Pape y célèbre, et lorsque quelqu’un d’autre veut l’utiliser, il faut pour cela un « Bref » apostolique. Aux quatre côtés s’élèvent quatre grandes colonnes torsadées qui soutiennent un baldaquin orné de frises entièrement en bronze. La hauteur de ce baldaquin depuis le sol égale celle des plus hauts palais de Turin.

La tombe de Pierre : curiosités d’un saint
Devant l’autel papal, par un double escalier en marbre, on descend au niveau de la Confession. À l’extrémité des escaliers se trouvent deux colonnes d’albâtre d’Orte, un matériau très rare, transparent comme un diamant. Cent douze lampes brûlent continuellement autour de ce lieu vénérable. Au fond, s’ouvre une niche, formée sur l’ancien oratoire érigé par saint Sylvestre, où saint Anaclet « érigea une mémoire à saint Pierre« . Ici repose le corps du Prince des Apôtres. Dans les parois latérales, deux portes munies d’un portail en fer mènent aux grottes sacrées. Juste en face de la niche, le 28 novembre 1822, fut placée la statue en marbre de Pie VI, qui, à genoux, est en fervente prière. C’est l’une des plus belles œuvres d’Antonio Canova. Pie VI avait l’habitude, de jour et parfois même de nuit, de se rendre près de la tombe de saint Pierre pour prier. De son vivant, il manifesta le vif désir d’y être enterré et, à sa mort, on voulut exaucer son souhait. Mais après un creusement peu profond, on découvrit une tombe sur laquelle était inscrit : Linus episcopus. Tout fut immédiatement remis en place, et le Pape fut enterré dans un autre coin de l’église. Dans celui qui fut choisi, on plaça, au lieu du corps, la statue dont nous avons parlé. Nous avons vu et touché de nos mains tout ce qu’il y a ici de précieux, mais nous n’avons pas pu voir le corps du premier pape, car depuis des siècles le sépulcre n’a plus été ouvert de peur que quelqu’un ne tente d’en briser quelque relique.

Au-dessus de cette tombe, on a construit un bel autel, sur lequel j’ai eu la consolation de célébrer la sainte messe. Cet autel, avec la chapelle attenante, reçoit la lumière de quelques hublots recouverts de grilles en métal. Pendant la construction de la basilique se produisit un fait prodigieux, rapporté par un témoin oculaire. Avant que le toit ne soit terminé, des pluies tombèrent si fort que les eaux inondèrent le sol de la basilique jusqu’à un pied de hauteur. Malgré cette abondance, l’eau n’osa s’approcher de l’autel de la Confession, et ne descendit pas non plus dans l’oratoire inférieur à travers les trois hublots susmentionnés ; arrivée à proximité, elle s’arrêta, restant suspendue de sorte qu’aucune goutte ne parvint à mouiller ce sanctuaire. Après avoir observé chaque objet, regardé chaque coin, les murs, les voûtes, le sol, nous demandâmes s’il n’y avait rien d’autre à voir.
– Rien d’autre, nous fut-il répondu.
– Mais la tombe du saint apôtre, où est-elle ?
– Ici en dessous. Elle est située au même endroit qu’elle occupait lorsque l’ancienne basilique était debout […]
– Mais nous aimerions voir jusque-là.
– Ce n’est pas possible […]
– Mais le pape a dit que nous pourrions tout voir. Si en revenant vers lui, il nous demandait si nous avons tout vu, je serais désolé de ne pas pouvoir répondre affirmativement.
Le monsignore [qui nous accompagnait] envoya chercher quelques clés et ouvrit une sorte d’armoire. Ici s’ouvrait une cavité qui descendait sous terre. Il faisait tout noir.
– Êtes-vous satisfait ? me dit monseigneur.
– Pas encore, je voudrais voir.
– Et comment voulez-vous faire ?
– Envoyez chercher une canne et une allumette
. Ils apportèrent une canne et une allumette, mais quand on la fit descendre, elle s’éteignit immédiatement dans l’air sans oxygène. La canne n’atteignait pas le fond. Alors, on amena une autre canne, qui avait à son extrémité un crochet en fer. Ainsi, on parvint à toucher le couvercle de la tombe de saint Pierre. Il était à sept/huit mètres de profondeur. En le frappant légèrement, le son qui remontait indiquait que le crochet heurtait tantôt le fer, tantôt le marbre. Cela confirmait ce que les historiens anciens avaient écrit.

Il faudrait tout un volume pour décrire les choses vues. Ce qui existait dans la basilique constantinienne se conserve en plaques latérales, ou sur les pavés ou dans les voûtes des sous-sols. Je retiens une seule chose : l’image de Sainte Marie de la Bocciata, très ancienne, placée sur un autel souterrain. Le nom vient du fait suivant. Un jeune homme, par mépris ou, peut-être, par inadvertance, frappa avec une boule un œil de la figure de Marie. Un grand prodige se produisit. Du sang coula du front et de l’œil qui, encore rouge, se voit au-dessus des joues de l’image. Deux gouttes jaillirent latéralement sur la pierre qui est conservée et jalousement protégée derrière deux grilles de fer.

Autels, chapelles, sépulcres
Au-dessus de l’autel papal et de la tombe de saint Pierre s’élève la vaste coupole qui émerveille quiconque l’observe. Quatre grands piliers la soutiennent : chacun d’eux a cent cinquante pas de circonférence (environ vingt-cinq trabucchi). Tout autour de cette haute coupole, il y a des ouvrages élégants en mosaïque réalisés par les auteurs les plus célèbres. Sur les pilastres sont creusées quatre niches dites Loges des Reliques, à savoir la Sainte Face de Véronique, la Sainte Croix, la Sainte Lance, et Saint André. Parmi elles, celle de la Sainte Face est célèbre, car on croit que c’est ce linge dont le Sauveur se servit pour s’essuyer le visage ruisselant de sang. Il y laissa imprimée son effigie qu’il offrit à Véronique qui, en pleurant, l’accompagnait au Calvaire. Des personnes dignes de foi racontent que cette Sainte Face a suinté du sang plusieurs fois en 1849, en changeant même de couleur au point de modifier ses traits. Ces choses ont été écrites, et les chanoines de Saint-Pierre en témoignent.

En partant de l’autel papal et en continuant vers la partie méridionale, on rencontre le sépulcre d’Alexandre VIII Ottobuoni. Il fut érigé par son neveu, le cardinal Pietro Ottobuoni. La statue du Pape assis sur un trône est en métal. Deux statues en marbre sont de chaque côté, représentant la Religion et la Prudence. L’urne, couverte du bas-relief de la canonisation de Laurent Giustiniani, Jean de Capistran, Jean de San Facondo, Jean de Dieu et Pascal Baylon, a été faite par Alexandre VIII en 1690. À côté se dresse l’autel de saint Léon le Grand sur lequel on admire le surprenant bas-relief du Pontife allant à la rencontre du féroce Attila. En haut sont représentés Pierre et Paul, le Pape à côté et Attila, effrayé par l’apparition des deux et en train de rendre hommage au Pontife. Dans une urne sous l’autel repose le corps du saint pape et docteur de l’Église. Devant se trouve la tombe de Léon XII, mort en 1829, qui avait tant de vénération pour ce glorieux prédécesseur qu’il voulut être enterré à ses côtés. […]

L’autel qui suit est dédié à la Vierge de la Colonne, ainsi nommée parce qu’on y vénère l’image de Marie peinte sur une colonne de l’ancienne basilique constantinienne. Elle y fut placée en 1607. L’autel abrite les corps de Léon II, III et IV. En continuant le tour sur la ligne méridionale, on rencontre à droite le sépulcre d’Alexandre VII Chigi avec quatre statues : JusticePrudenceCharité et Vérité. Comme ce pontife avait toujours dans son esprit la pensée de la mort, le sculpteur a étendu un drap en relief, sous lequel la Mort montre une clepsydre, qui est sur le point de se vider. Le Pape est en train de prier, les mains jointes, à genoux. L’autel à gauche est dédié aux apôtres Pierre et Paul. On y représente la chute de Simon le Magicien. En face se trouve l’autel des saints Simon et Jude qui reposent ici. L’autel à droite, quant à lui, est dédié à saint Thomas et abrite le corps de Boniface IV, tandis que celui de gauche conserve les dépouilles de Léon IX. Devant la porte de la sacristie, l’autel des saints Pierre et André représente en précieuse mosaïque la mort d’Ananie et Saphire.

On arrive ainsi à la chapelle Clémentine, dont l’autel, dédié à saint Grégoire le Grand, est surmonté d’une belle mosaïque du saint en train de convaincre les incrédules. Sous l’autel repose son corps. Au-dessus de la porte qui mène à l’orgue se trouve le monument sépulcral de Pie VII. Le Pontife, assis sur un noble siège et vêtu des habits pontificaux, est en train de bénir. Les statues placées de chaque côté représentent la Sagesse et la Force. Avant d’arriver à la nef latérale, on rencontre l’autel de la Transfiguration dont la mosaïque représente la transfiguration du Sauveur sur le mont Thabor.

La nef latérale de gauche
Quand on entre dans la nef latérale, on rencontre de chaque côté deux sépulcres, à droite celui de Léon XI des Médicis. Un bas-relief décrit le Pontife qui absout Henri IV roi de France. […] Plus bas, il y a des roses sculptées avec la devise : Sic floruit, pour indiquer la caducité de la vie et symboliser la brièveté du pontificat de Léon XI, qui ne dura que 21 jours.
Le sarcophage de gauche est celui d’Innocent XI Odescalchi. Le bas-relief superposé représente la libération de Vienne des Turcs, survenue sous son pontificat. En s’enfonçant le long de la nef, on arrive à la chapelle du chœur, enrichie de mosaïques et de peintures. Sous l’autel repose le corps de saint Jean Chrysostome. Cette chapelle a un sous-sol où sont conservées les cendres de Clément XI. Elle est appelée Chapelle Sixtine en l’honneur de Sixte IV qui en avait érigé une autre au même endroit que l’ancienne basilique. À droite, on accède à la tribune du chœur, et à la Chapelle Julia, parce que Jules II en fut l’instigateur. Au-dessus de cette porte se trouve une urne en stuc qui renferme les cendres de Grégoire XVI, mort en 1846. Cette urne est réservée pour accueillir le cadavre du dernier pontife jusqu’à ce qu’une sépulture lui soit érigée.

Le sépulcre d’Innocent VIII de la famille Cibo est en face. Ce Pape est représenté en deux figures : dans l’une il est assis avec le fer de la lance à la main, pour faire allusion à celle avec laquelle Jésus fut transpercé, offerte par Bajazet II, empereur des Turcs ; l’autre le montre étendu, sous la première. […] En face de la petite porte qui mène à l’escalier de la coupole se trouve le cénotaphe de Jacques III, roi d’Angleterre, de la famille Stuart, mort à Rome le 1er janvier 1766, et de ses deux fils, Charles III et Henri IX, cardinal, duc d’York. Les trois bustes en bas-relief sont de Antonio Canova. La dernière chapelle est celle du Baptême. La cuve baptismale est en porphyre et formait le couvercle de l’urne de l’empereur Otton II qui fut ici transportée lorsque ses cendres furent placées dans les grottes vaticanes […]

Rome. Saint-André du Quirinal
Le permis de visite se terminait à midi et demi, si bien que Monsieur Carlo, qui nous guidait, et nous aussi guidés par un bon appétit, avons remis à une autre fois la montée sur la coupole et la visite du palais du Vatican. Après le déjeuner, et quelques heures de repos, nous avons jeté un coup d’œil au Quirinal et aux choses les plus importantes près de notre demeure. Le Quirinal est l’une des sept collines de la Rome antique, ainsi nommée à cause des Quirites venus habiter ici, et d’un temple dédié à Romulus, vénéré sous le nom de Quirinus. À notre gauche, en nous dirigeant vers la place Monte Cavallo, se trouve l’église Saint-André, où se trouve aujourd’hui le noviciat des Jésuites. Elle abrite le corps du saint dans une chapelle dédiée à saint Stanislas Kostka, à l’intérieur d’une urne en lapis-lazuli ornée de marbres précieux. À côté de cette église se trouve le monastère des sœurs Dominicaines. On dit que ces deux constructions ont été élevées sur les ruines du temple de Quirinus. À droite de la rue s’élève le majestueux palais du Quirinal, commencé par Paul III il y a environ 300 ans, et terminé par ses successeurs. Il est orné d’architectures, de sculptures, de peintures et de mosaïques de grand prix. Le Pape y habite une partie de l’année. Le palais a un vaste jardin d’environ un mille de périmètre. Parmi les autres merveilles, on admire un orgue qui joue alimenté par la force de l’eau qui coule.

Devant le Quirinal s’ouvre la place Monte Cavallo, ainsi nommée à cause de deux chevaux colossaux en bronze représentant Castor et Pollux. Pie VI fit ériger un obélisque au milieu de cette place. C’est un travail exécuté sur ordre de Smarre et Efre, princes d’Égypte, et transporté à Rome par l’empereur Claude. Il ne porte pas de hiéroglyphes. Au sud domine le magnifique palais Rospigliosi, érigé là où se trouvaient autrefois les thermes de Constantin. Les amateurs des beaux-arts peuvent y visiter de nombreux chefs-d’œuvre de peinture et de sculpture.

Sainte Croix en Jérusalem
Le 4 mars était dédié à la basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem. Le temps était nuageux, et après avoir fait un peu de chemin, nous fûmes surpris par la pluie. Ne disposant pas de parapluie, nous arrivâmes trempés comme deux souris ; mais la consolation éprouvée lors de la visite nous compensa tant de l’eau que du désagrément subi. C’est l’une des sept basiliques que l’on visite pour gagner des indulgences. Fondée par Constantin le Grand, là où se trouvait le palais dit Sassorio, elle fut appelée Basilique Sassoriana et érigée en mémoire de la découverte de la sainte Croix faite par sainte Hélène, mère de l’empereur, à Jérusalem. Cette princesse fit transporter beaucoup de terre du Calvaire, prélevée à l’endroit où fut retrouvée la Croix du Christ. L’édifice prit le nom de Sainte-Croix en raison d’une partie considérable du saint Bois qui y est conservée, et on ajouta de Jérusalem parce que cette sainte relique, avec beaucoup d’autres, provenait de cette ville. L’église fut consacrée par le pape saint Sylvestre. Sous l’autel majeur reposent les corps de saint Césaire et de saint Anastase, martyrs […].

Devant l’autel se trouve la chapelle Grégorienne, dite privilégiée car on peut y gagner l’indulgence plénière applicable aux âmes du purgatoire, tant pour ceux qui célèbrent la messe que pour ceux qui l’écoutent. À cet autel, à ma grande consolation, j’ai également célébré. À côté de l’église se dresse le couvent des Cisterciens. Le père Abbé est un certain Marchini, piémontais, qui nous a témoigné beaucoup de courtoisie. Entre autres choses, il nous a fait visiter la bibliothèque, riche de vieux parchemins et d’autres œuvres […].

Un jour de pluie
Le 5 mars fut un jour pluvieux, c’est pourquoi nous l’avons presque entièrement consacré à écrire. Il y a quelque chose de singulier à Rome : il pleut et il y a du soleil en même temps, si bien qu’à certaines époques de l’année, il faut être continuellement muni d’un parapluie pour se protéger soit du soleil, soit de la pluie. À dix heures ce jour-là, le père Lolli, recteur du noviciat des Jésuites, passait à meilleure vie, à l’église Saint-André à Monte Cavallo ; étant piémontais, il demeura longtemps à Turin où il se rendit célèbre par sa prédication et son zèle dans l’apostolat du confessionnal. La reine de Sardaigne, Marie-Thérèse, l’avait choisi comme son confesseur […].

Ce jour-là, nous avons appris que les maladies à Rome s’étaient multipliées, et que la mortalité actuelle était quatre fois supérieure à la moyenne. Rien qu’au cours des mois de janvier et février, environ 6600 personnes sont mortes ; c’est un nombre très élevé, compte tenu de la population qui s’élève à environ 130 000 habitants. Vers le soir, je suis sorti pour me faire raser la barbe. Je suis allé dans une boutique et j’ai été servi assez bien ; mais j’ai pris la résolution de ne jamais y retourner, car les coups et les secousses que me donna ce barbier avec ses grandes mains étaient tels qu’il m’aurait déplacé dents et mâchoires, s’ils n’avaient pas eu des racines bien solides.

L’Hospice Saint-Michel
Répondant à l’invitation du cardinal Tosti, le 6 mars, nous sommes allés avec la famille De Maistre visiter l’Hospice Saint-Michel. En plus de ce que j’ai dit la fois précédente, je peux ajouter ce qui suit. Le premier acte de courtoisie dont nous avons été l’objet fut un somptueux petit déjeuner, auquel nous n’avons cependant pas pu participer, car nous l’avions pris avant de partir, et étant jour de jeûne, nous ne pouvions plus manger jusqu’au déjeuner. Aussi nous sommes-nous contentés d’une petite tasse de chocolat, que Son Éminence nous a dit être compatible avec le jeûne. On nous a également servi une boisson au goût excellent à la mandarine, une sorte de vin fait avec des fruits séchés et infusés avec de l’eau et du sucre. Seul Rua, qui n’était pas obligé au jeûne, mangea quelque chose de plus solide.

Puis nous avons commencé la visite de cet hospice spacieux où sont accueillies plus de huit cents personnes. Le cardinal Tosti nous accompagna partout. Nous nous sommes arrêtés particulièrement pour considérer le travail des jeunes. Ici, ils apprennent les mêmes métiers que ceux qu’ils apprennent chez nous : la plupart s’occupent de dessin, de peinture, de sculpture ; et beaucoup travaillent dans une imprimerie interne. Le Saint-Père, pour aider l’Hospice, lui a accordé le privilège d’imprimer en exclusivité les livres scolaires utilisés dans les États Pontificaux. Au-dessus de l’édifice, il y a une terrasse avec une vue magnifique. En regardant à l’ouest, on aperçoit le campement des Français venus libérer Rome […]. À midi et demi, lorsque les garçons étaient déjà à table, le cardinal étant lui aussi très fatigué, nous avons pris congé […].

Santa Maria in Cosmedin et la Bouche de la Vérité
Comme d’habitude, il pleuvait à merveille, et Rua et moi avions un seul parapluie très petit, nous avons trouvé le moyen de nous mouiller tous les deux. Nous avons traversé le Tibre sur un pont appelé Ponte Rotto parce qu’il s’était effondré, et a été remplacé par un pont en fer très semblable à celui que nous avons sur le Pô à Turin. Autrefois, il s’appelait pont Coclite, car c’est celui-là même où Horatius Coclès opposa une résistance héroïque à l’armée de Porsenna ; quand le pont fut coupé, il se jeta dans le Tibre, passant à la nage sur l’autre rive parmi les flèches des ennemis émerveillés.

On trouve ici une rue appelée Bouche de la Vérité, car au bout de celle-ci se trouvait l’endroit où l’on conduisait ceux qui devaient prêter serment. Maintenant, il y a une église appelée Santa Maria in Cosmedin, mot qui signifie ornement, car elle fut magnifiquement ornée par le pape Adrien I. À l’intérieur, on conserve la chaire que Saint-Augustin utilisa lorsqu’il enseignait la Rhétorique. Sous le vestibule, nous nous sommes retirés en attendant que cesse l’averse qui inondait toutes les rues. Pendant que nous étions là, nous avons jeté un coup d’œil sur la place appelée également Bouche de la Vérité.

Les bouviers
Il y avait de nombreux bœufs attelés qui paissaient, exposés à la pluie, à la boue et au vent. Les bouviers s’étaient abrités sous le même vestibule, se mettant à déjeuner avec un appétit enviable. Au lieu de la soupe et du plat, ils avaient un morceau de morue crue, dont chacun arrachait un morceau. Quelques petits pains de maïs et de seigle étaient leur pain. L’eau était leur boisson. Voyant en eux un air de simplicité et de bonté, je m’approchai et engageai cette conversation.
– Avez-vous bon appétit ?
– Beaucoup, répondit l’un d’eux.
– Est-ce que ce repas vous suffit pour apaiser votre faim et vous sustenter ?
– Cela nous suffit, grâce à Dieu, quand nous pouvons en avoir, car étant pauvres, nous ne pouvons prétendre à plus.
– Pourquoi ne conduisez-vous pas ces bœufs dans les étables ?
– Parce que nous n’en avons pas.
– Les laissez-vous toujours exposés au vent, à la pluie, à la grêle jour et nuit ?
– Toujours, toujours.
– Faites-vous de même dans votre village ?
– Oui, nous faisons de même, car là-bas non plus nous n’avons pas d’étable, et donc qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, jour et nuit, ils restent toujours dehors.
– Et les vaches et les veaux sont-ils également exposés à ces intempéries ?
– Certainement. Chez nous, il est d’usage que les animaux de l’étable restent toujours dans l’étable et ceux qui commencent à être dehors restent toujours dehors.
– Habitez-vous très loin d’ici ?
– Quarante milles.
– Les jours de fête, pouvez-vous assister aux fonctions sacrées ?
– Oh ! qui en doute ? Nous avons notre chapelle, le prêtre qui nous dit la messe, fait le sermon et le catéchisme, et tous, même ceux qui sont loin, s’efforcent d’y assister.
– Allez-vous aussi parfois vous confesser ?
– Oh ! Sans aucun doute. Y a-t-il des chrétiens qui n’accomplissent pas ces saints devoirs ?
 Maintenant, nous avons le jubilé et tous, nous nous efforcerons de bien le faire.
De cette conversation apparaît la bonne nature de ces paysans, qui dans leur simplicité vivent contents de leur pauvreté et heureux de leur état, tant qu’ils peuvent accomplir les devoirs de bon chrétien et s’acquitter de ce qui concerne leur commerce.

Santa Maria del Popolo
Le dimanche 7 mars était destiné à la visite de Santa Maria del Popolo. Des personnes pieuses de la noblesse désiraient que nous allions là célébrer la messe, afin de pouvoir faire la communion. C’était une pieuse dévotion. À neuf heures, M. Foccardi, personne serviable et pleine de foi, vint nous chercher avec sa propre voiture pour nous porter au lieu indiqué. Cette église fut construite sur le lieu où avaient été enterrés Néron et la famille Domitia. La tradition dit qu’y apparaissaient continuellement des spectres qui terrifiaient les habitants au point que personne ne voulait habiter dans les environs. Le pape Pascal II, en l’an 1099, y fit élever une église, et pour éloigner l’infestation diabolique, la dédia à la Très Sainte Vierge Marie. En 1227, l’ancienne église menaçait de s’effondrer et le peuple romain contribua généreusement aux frais de reconstruction. C’est pour cela qu’elle fut appelée Santa Maria del Popolo. Une église grandiose, riche en marbres et en peintures. Au maître-autel on vénère une image miraculeuse de la Vierge, que Grégoire IX fit venir de la chapelle du Sauveur au Latran. À côté se trouve le couvent des pères Augustins.

La Porte du Peuple s’appelait autrefois Porte Flaminia, parce qu’elle était au départ de la Via Flaminia […]. De cette porte, en tournant à droite, se trouve la Villa Borghèse, un majestueux édifice digne d’être visité par les touristes en raison des nombreux objets d’art qui y sont conservés. La Porte du Peuple délimite une grande place appelée Piazza del Popolo, embellie par de nombreuses fontaines et des obélisques, qui, comme chacun le sait, sont des monuments d’une haute antiquité érigés par les rois d’Égypte pour rendre immortelle la mémoire de leurs actions. Le superbe obélisque qui s’élève au milieu de la place fut construit à Héliopolis par ordre de Ramsès, roi d’Égypte, qui régna en 522 av. J.-C. L’empereur Auguste le fit transporter à Rome ; mais par malheur, il se renversa, se brisa et fut recouvert de terre. Le pape Sixte V, en 1589, le fit déterrer et l’éleva sur la place, après l’avoir doté au sommet d’une haute croix en métal. Ses quatre faces sont couvertes de hiéroglyphes, c’est-à-dire de symboles mystérieux que les Égyptiens utilisaient pour exprimer les choses sacrées et les mystères de leur théologie.

Au fond de la place s’élève l’église Santa Maria dei Miracoli, construite par Alexandre VII, et appelée ainsi à cause d’une image miraculeuse de la Vierge qui était auparavant peinte sous un arc près du Tibre. À gauche se trouve une autre église, Santa Maria di Monte Santo, parce qu’elle a été édifiée sur une autre église qui appartenait aux carmes de la province de Monte Santo. Elle fut inaugurée en 1662. Ayant ainsi satisfait notre dévotion et notre curiosité, nous sommes de nouveau montés en voiture qui nous a conduits chez la princesse Potoska, des comtes et princes Sobieski, anciens souverains de Pologne. Le petit déjeuner préparé pour nous était somptueux, mais trop raffiné, donc peu adapté à notre appétit. Nous nous sommes arrangés du mieux que nous avons pu. Nous sommes cependant restés très satisfaits de la conversation véritablement chrétienne que ces dames ont tenue pendant le temps que nous avons passé chez elles.
Une chose suscita notre étonnement. Une fois le repas terminé, la maîtresse de maison se fit apporter un bouquet de cigares et se mit à fumer. Malgré une conversation très animée, elle continua insatiablement à fumer un cigare après l’autre, et cela me mit mal à l’aise, étant contraint de supporter l’odeur de fumée qui imprégnait toute la maison. Cela me provoquait des nausées insupportables […].

Cité du Vatican. L’ascension de la grande coupole
Nous avons réservé le 8 mars pour visiter la célèbre coupole de Saint-Pierre. Le chanoine Lantieri nous avait procuré le billet nécessaire pour satisfaire cette curiosité. L’heure à laquelle l’ascension est permise va de 7 heures à 11 heures et demie du matin. Le temps était serein et donc propice. Après avoir célébré l’eucharistie dans l’église du Gesù, où se trouvent les Jésuites, à l’autel de saint François-Xavier, nous sommes arrivés au Vatican à 9 heures en compagnie de M. Charles De Maistre. Après la remise du billet, une petite porte s’est ouverte et nous avons commencé à monter par un escalier très confortable en forme de terrasse en pente. En montant, on rencontre diverses inscriptions qui rappellent le nom et l’année de tous les papes qui ont ouvert et fermé les années jubilaires. Près du palier de la terrasse sont inscrits les personnages les plus célèbres, rois ou princes, qui sont montés jusqu’à la coupole. Nous avons également eu le plaisir de lire le nom de plusieurs de nos souverains et de la famille royale.

Nous avons jeté un coup d’œil sur la terrasse de la basilique. Elle se présente comme une vaste place pavée où l’on peut jouer à la balle, aux boules et autres. Ici habitent quelques personnes chargées de l’entretien de la partie supérieure de la basilique : menuisiers, ferronniers, travailleurs de l’asphalte. Vers le centre de la terrasse se trouve une fontaine toujours ouverte, où Rua est allé boire.
Depuis la place en contrebas, nous avons observé les statues des douze apôtres qui ornent la haute corniche de la basilique. De là-haut, elles apparaissaient petites, mais en regardant de près, nous avons remarqué qu’un gros orteil avait la taille du corps d’un homme. Cela fait comprendre à quelle hauteur nous étions. Nous avons également visité la grande cloche qui a un diamètre de plus de trois mètres, ce qui équivaut à trois trabucchi de circonférence (environ 9 mètres n.d.r.).

Une vue qui nous a beaucoup intrigués fut le jardin du Vatican où le pape a l’habitude d’aller se promener à pied. On estime qu’il a la longueur qui va de la Porta Susa au début de la Via Po. Au sud, on apercevait de vastes campagnes. Notre guide nous a dit : – Tout ce terrain était couvert de soldats français quand ils sont venus libérer notre ville des rebelles. Et il nous montrait la basilique Saint-SébastienSaint-Pierre in Montorio, Villa Panfili, Villa Corsini, tous des bâtiments qui ont subi des dommages très graves en tant que champs de bataille.
Un escalier en colimaçon sur le flanc de la coupole nous a conduits jusqu’à la première balustrade. De ce palier, il nous semblait que nous volions haut et nous éloignions de la terre. Le guide nous a ouvert une petite porte qui menait à une balustrade intérieure qui faisait le tour de la coupole. J’ai voulu la mesurer, et marchant comme un bon voyageur, j’ai compté 230 pas avant de compléter le tour. Une curiosité : à n’importe quel point de la balustrade où vous vous trouvez, en parlant même à voix basse le visage tourné vers le mur, le moindre son se communique clairement d’un mur à l’autre. Nous avons également remarqué que les mosaïques de l’église qui apparaissaient très petites vues d’en bas prenaient là-haut des formes gigantesques.
– Courage, nous exhorta le guide, si nous voulons voir d’autres choses. C’est ainsi que nous avons emprunté un autre escalier en colimaçon et sommes arrivés à la deuxième balustrade. Ici, il nous semblait que nous nous étions élevés vers le Paradis, et lorsque nous sommes entrés dans la balustrade intérieure et que nous avons abaissé notre regard sur le sol de la basilique, nous avons réalisé l’extraordinaire hauteur à laquelle nous étions parvenus. Les personnes qui travaillaient ou marchaient là en bas semblaient des petits enfants. L’autel papal, surmonté d’un baldaquin en bronze qui dépasse en hauteur les plus hautes maisons de Turin, semblait un simple fauteuil.

Le dernier étage auquel nous sommes montés est celui qui repose sur la pointe de la coupole, d’où l’on jouit peut-être de la vue la plus majestueuse qui soit au monde. Tout autour, le regard se perd dans un horizon formé par les limites de la vue humaine. On dit qu’en regardant vers l’est, on peut voir la mer Adriatique, à l’ouest la Méditerranée. Quant à nous, nous n’avons pu apercevoir que le brouillard que le temps pluvieux des jours passés avait répandu un peu partout.

Il restait la sphère, un globe qui vu d’en bas semble une des balles que nous utilisons pour passer un peu de temps ; vue de près, elle apparaissait immense. Les plus courageux, passant par un petit escalier perpendiculaire et marchant comme dans un sac, se sont hissés comme des chats à une hauteur de deux trabucchi, soit six mètres. Certains n’ont pas eu assez de courage. Nous, qui étions un peu plus téméraires, y sommes parvenus. Dans cette boule tout apparaît merveilleux. On m’avait dit qu’elle pouvait contenir seize personnes ; mais il m’a semblé que trente pouvaient y tenir confortablement. Quelques trous, comme de petites fenêtres, permettent d’observer la ville et la campagne. Mais la grande hauteur donne une certaine sensation et ne rend pas la vision tout à fait agréable. Nous pensions qu’il faisait froid là-haut. Tout le contraire : le soleil frappant sur le bronze de la boule la réchauffait à tel point qu’il nous semblait être en plein été. Je crois que c’est l’une des raisons pour lesquelles après le déjeuner, il n’est pas permis de monter là-haut à cause de la chaleur insupportable. Là, après avoir parlé de diverses choses concernant les jeunes de l’oratoire, satisfaits de notre entreprise, presque comme si nous avions remporté une grande victoire, nous avons commencé la descente d’un pas lent et grave, pour ne pas nous casser le cou, et sans plus nous arrêter, nous sommes arrivés au sol.

Pour nous reposer un peu, nous sommes allés écouter le sermon qui venait de commencer dans la basilique. Le prédicateur nous a plu. Bonne langue, beaux gestes, mais le thème ne nous intéressait pas beaucoup car il traitait de l’observance des lois civiles. Mais ce qui n’a pas servi à nourrir l’esprit a très bien servi à donner du repos au corps. Comme il nous restait encore un peu de temps, nous l’avons utilisé pour visiter la sacristie qui est une véritable magnificence digne de Saint-Pierre.
Alors il était déjà onze heures et demie, et à cause du jeûne et de toutes nos marches, nous avions un grand appétit et c’est pourquoi nous sommes allés faire une petite collation. Comme Rua, insatisfait, jugea bon d’aller déjeuner, je suis resté seul avec M. Charles De Maistre, compagnon inséparable de cette journée. Après nous être un peu restaurés, nous sommes allés rendre visite à Mgr Borromeo, majordome de Sa Sainteté, qui nous a très bien accueillis, et, après avoir parlé du Piémont et de Milan, sa patrie, il a noté nos noms pour nous inscrire sur le catalogue des personnes qui souhaitent recevoir la palme du Saint-Père lors de la cérémonie du Dimanche des Rameaux.

Dans les célèbres musées
À côté de la loggia de ce prélat, autour de la cour du palais pontifical se trouvent les Musées du Vatican. Nous y sommes entrés et avons vu des choses vraiment exceptionnelles. J’en décris seulement quelques-unes. Il y a une salle d’une longueur extraordinaire enrichie de marbres et de peintures très précieuses. Au milieu de la deuxième arcade se dresse une fontaine d’environ un mètre et demi, faite de malachite, un des marbres les plus précieux du monde. C’est un don fait par l’empereur de Russie au Souverain Pontife. Il y a divers autres objets de ce genre. Au fond de cette grande salle à gauche s’ouvre une sorte de long couloir qui abrite le musée chrétien […] Dans ce musée se trouve la Bibliothèque Vaticane, où sont conservés les manuscrits les plus célèbres de l’antiquité […].

En parcourant Rome
Du Vatican en allant vers le centre de Rome, nous sommes arrivés à la place Scossacavalli où travaillent les rédacteurs du célèbre périodique La Civiltà Cattolica. Nous nous sommes arrêtés pour leur rendre visite et avons éprouvé un véritable plaisir à observer que les principaux soutiens de cette publication sont piémontais. Je ressentais désormais un vif désir de rentrer chez moi, surmontant toute hésitation, et nous étions presque arrivés au Quirinal, lorsque M. Foccardi nous a vus passer devant sa boutique et nous a appelés à l’intérieur. À force d’invitations et de courtoisie, il nous a retenus un moment, et au moment où nous avons demandé à partir, il nous a dit :
– Voici la voiture, je vous accompagne jusqu’à chez vous. Tout en montant dans la voiture à contrecœur, je consentis pour lui faire plaisir. Mais Foccardi, désireux de rester plus longtemps avec nous, nous fit faire un long tour, si bien que nous sommes arrivés chez nous tard dans la nuit.

À mon arrivée, on m’a remis une lettre. Je l’ouvre et la lis. Il est notifié à M. l’Abbé Bosco que Sa Sainteté a bien voulu l’admettre à l’audience demain, neuf mars, de onze heures et quart à midi. Cette nouvelle, attendue et très désirée, me procura une révolution intérieure et pendant toute la soirée, je ne parvins à parler d’autre chose que du Pape et de l’audience.

L’audience papale. Santa Maria sopra Minerva
Le 9 mars était arrivé, le grand jour de l’audience papale. Mais d’abord, j’avais besoin de parler avec le cardinal Gaude ; c’est pourquoi j’allai dire la messe dans l’église Santa Maria sopra Minerva, où le cardinal avait sa demeure. Autrefois, c’était un temple que Pompée le Grand avait fait édifier à la déesse Minerve ; elle a été appelée Santa Maria sopra Minerva parce qu’elle a été construite précisément sur les ruines de ce temple. En l’année 750, le pape Zacharie l’a donnée à un couvent de moniales grecques. En 1370, elle est passée aux pères Dominicains qui l’officient encore aujourd’hui. Devant cette église s’ouvre une place où nous avons admiré un obélisque égyptien avec des hiéroglyphes, dont la base repose sur le dos d’un éléphant en marbre. En entrant, nous avons pu admirer l’un des édifices sacrés les plus beaux de Rome. Sous l’autel majeur repose le corps de sainte Catherine de Sienne. Après avoir célébré la messe et m’étant rendu en toute hâte auprès du cardinal Gaude, je lui ai parlé, puis nous sommes partis en direction du Quirinal.

Le petit menteur
En chemin, nous avons rencontré un garçon qui, avec bonne grâce, nous a demandé l’aumône et pour nous faire connaître sa condition, il nous a dit que son père était mort, sa mère avait cinq filles et qu’il savait parler italien, français et latin. Étonné, je lui ai adressé un discours en français auquel il a répondu par un seul oui sans comprendre ce que je disais, ni articuler d’autres expressions ; je l’ai alors invité à parler latin, et il, sans prêter attention à mes paroles, il s’est mis à réciter de mémoire les mots suivants : ego stabam bene, pater meus mortuus est l’annus passatus et ego sum rimastus poverus. Mater mea etc. À ce moment-là, nous n’avons pas pu nous empêcher de rire. Cependant, nous l’avons ensuite averti de ne pas dire de mensonges et nous lui avons offert un baiocco.

L’antichambre
Cependant, l’heure de l’audience approchait […] Arrivés au Vatican, nous montâmes les escaliers machinalement. Partout, il y avait des gardes nobles, habillés de manière à ressembler à des princes. Au premier étage, on nous ouvrit la porte qui menait aux salles pontificales. Gardes et valets, vêtus avec grand luxe, nous saluaient avec de profondes révérences. Après avoir remis le billet pour l’audience, nous fûmes conduits de salle en salle jusqu’à l’antichambre papale. Comme il y avait plusieurs autres personnes qui attendaient, nous avons attendu environ une heure et demie avant d’être reçus.

Nous avons utilisé ce temps à observer les personnes et le lieu où nous nous trouvions. Les domestiques du Pape étaient habillés presque comme les évêques de nos pays. Un monsignore, à qui l’on donne le titre de prélat domestique, introduisait à tour de rôle les personnes pour l’audience au fur et à mesure que se terminait la précédente. Nous avons admiré de grandes salles bien tapissées, majestueuses, mais sans luxe. Un simple tapis de drap vert couvrait le sol. Les tapisseries étaient en soie rouge mais sans ornements. Les chaises étaient en bois dur. Un fauteuil placé sur une estrade quelque peu élégante indiquait que c’était la salle pontificale. Tout cela nous a fait plaisir, car avec nos propres yeux, nous avons pu nous rendre compte de la fausse réputation que certains répandent contre l’espace et le luxe de la cour pontificale. Alors que nous étions plongés dans diverses pensées, la clochette sonna, et le prélat nous fit signe d’avancer pour nous présenter à Pie IX. À ce moment-là, je restai vraiment confus et je dus me faire violence pour rester calme.

Pie IX
Rua me suivit en apportant une copie des Lectures Catholiques. Une fois entrés, nous fîmes la génuflexion au début, puis au milieu de la salle, enfin, la troisième, aux pieds du Pape. Toute appréhension cessa lorsque nous aperçûmes dans le Pontife l’aspect d’un homme affable, vénérable, et en même temps le plus beau que puisse peindre un peintre. Nous ne pûmes pas baiser le pied, car il était assis à la petite table ; nous lui baisâmes cependant la main, et Rua, se souvenant de la promesse faite aux clercs, la baisa une fois pour lui et une fois pour ses compagnons. Alors le Saint-Père fit signe de nous lever et de nous mettre devant lui. Moi, selon l’étiquette, j’aurais voulu parler en restant à genoux.
– Non, dit-il, levez-vous. Il convient de noter qu’en nous annonçant au Pape, notre nom fut mal lu. En effet, au lieu d’écrire Bosco, on avait écrit Bosser, c’est pourquoi le Pape commença à m’interroger :
– Vous êtes piémontais ?
– Oui, Sainteté, je suis piémontais, et en ce moment je ressens la plus grande consolation de ma vie, me trouvant aux pieds du Vicaire du Christ.
– De quoi vous occupez-vous ?
– Sainteté, je m’occupe de l’instruction de la jeunesse et des Lectures Catholiques.
– L’instruction de la jeunesse a été un apostolat utile en tous temps, mais aujourd’hui elle l’est beaucoup plus. Il y en a aussi un autre à Turin qui s’occupe de jeunes. Alors je me rendis compte que le Pape avait sous la main un nom erroné, mais, sans savoir comment, lui aussi se rendit compte que je n’étais pas Bosser, mais Bosco ; ainsi il prit un aspect beaucoup plus festif et demanda beaucoup de choses concernant les jeunes, les clercs, les oratoires […]. Ensuite, avec un visage souriant, il me dit :
– Je me souviens de l’offrande qui m’a été envoyée à Gaète et des sentiments affectueux avec lesquels ces jeunes l’accompagnèrent. J’en profitai pour lui exprimer l’attachement de nos jeunes à sa personne et je le priai d’accepter une copie des Lectures Catholiques :
– Sainteté, lui dis-je, je vous offre une copie des petits volumes parus jusqu’ici au nom de la direction ; la reliure est l’œuvre des jeunes de notre école.
– Combien sont ces jeunes ?
– Sainteté, les jeunes de la maison sont environ deux cents, les relieurs sont quinze.
– Bien, répondit-il, je veux envoyer une médaille à chacun. Puis, étant allé dans une autre pièce, après quelques instants, il revint portant quinze petites médailles de la Conception :
– Celles-ci seront pour les jeunes relieurs, dit-il en me les tendant. Se tournant ensuite vers Rua, il lui en donna une plus grande en disant :
– Celle-ci est pour votre compagnon. Puis, se tournant à nouveau vers moi, il me tendit une petite boîte qui en renfermait une plus grande :
– Et celle-ci est pour vous. Nous nous étions agenouillés pour recevoir les cadeaux mais le Saint-Père nous invita à nous lever, et croyant ensuite que nous voulions partir, il était sur le point de nous congédier, quand je commençai à lui parler ainsi :
– Sainteté, j’aurais quelque chose de particulier à vous communiquer.
– Très bien, répondit-il […].
Le Saint-Père est très rapide à comprendre les questions et très prompt à donner les réponses, c’est pourquoi avec lui on traite en cinq minutes ce qui avec d’autres demanderait plus d’une heure. Cependant, la bonté du Pape et mon vif désir de rester avec lui prolongèrent l’audience de plus d’une demi-heure, un temps très considérable tant en ce qui concerne sa personne que l’heure du déjeuner qui, à cause de nous, avait été retardée […].

Le Janicule
À 13h30 du 10 mars, le père Giacinto des Carmes Déchaux venait nous chercher avec une calèche pour nous transporter à la basilique Saint-Pancrace et à San Pietro in Montorio. Ce sont deux églises situées sur le Janicule, appelé ainsi à cause de Janus qui, dit-on, y habitait. Au sommet de cette colline, de l’autre côté du Tibre, se trouve la basilique Saint-Pancrace, construite par le pape Félix II en 485, environ 100 ans après le martyre de Pancrace. Le général Narsès, ayant vaincu les Goths, fit une solennelle procession avec le pape Pélage depuis Saint-Pancrace jusqu’à Saint-Pierre. Saint Grégoire le Grand, qui avait une grande vénération pour cette église, y célébra plusieurs fois la messe et y tint quelques homélies, enfin il la donna aux moines bénédictins. En 1673, elle fut confiée aux Carmes Déchaux avec le couvent attenant et un séminaire pour les missions des Indes […]

Sous l’autel majeur, il y a un autre autel souterrain où était anciennement conservé le corps du Saint, protégé par une grille en fer. Il y avait l’usage de conduire ceux qui étaient soupçonnés de parjure devant cette grille, car s’ils étaient coupables, ils étaient pris d’un tremblement visible ou d’un autre accident.

Les Catacombes
– Venez avec moi, nous dit le père Giacinto, nous allons dans les catacombes. Il avait préparé une lampe pour chacun. Nous nous sommes mis à le suivre. Au milieu de l’église, il nous indiqua une trappe. Quand on souleva le couvercle, apparut une cavité sombre et profonde : c’étaient les catacombes qui commençaient. À l’entrée, il était écrit en latin : « En ce lieu a été décapité le martyr du Christ Pancrace« . Nous voilà dans les catacombes. Imaginez de longs couloirs, tantôt étroits et bas, tantôt hauts et spacieux, tantôt coupés par d’autres couloirs, tantôt en descente, tantôt en montée, et vous aurez la première idée de ces souterrains. À droite et à gauche, il y a de petites tombes creusées parallèlement dans le tuf. Ici, anciennement, on enterrait les chrétiens, surtout les martyrs. Ceux qui avaient donné leur vie pour la foi étaient désignés par des emblèmes particuliers. La palme était le signe de la victoire remportée contre les tyrans ; l’ampoule indiquait qu’il avait versé son sang pour la foi ; le « χ » signifiait qu’il était mort dans la paix du Seigneur ou qu’il avait souffert pour le Christ. Dans d’autres apparaissaient les instruments avec lesquels ils avaient été martyrisés. Parfois, ces emblèmes étaient enfermés dans la petite tombe du saint. Quand les persécutions n’étaient pas trop sévères, on écrivait le nom et le prénom du martyr et quelques lignes soulignant une circonstance importante de sa vie. […]
– Voici, nous dit le guide, voici le lieu où était enterré saint Pancrace, à côté de lui saint Denis son oncle et près d’ici un autre de ses parents. Puis nous avons visité quelques tombes réunies dans une petite chambre dont les murs portaient des inscriptions anciennes que nous n’avons pas su lire. Au milieu de la voûte était peint un jeune homme qui nous parut représenter saint Pancrace […].
Cette fois, le guide nous indiqua une crypte. Crypte, mot grec, signifie profondeur. C’est un espace plus grand que d’ordinaire où les chrétiens avaient l’habitude de se rassembler, en temps de persécution, pour écouter la Parole, assister à la messe et aux fonctions sacrées. D’un côté, il y a encore un ancien autel où il est possible de célébrer. D’ordinaire, c’était la tombe d’un martyr qui servait d’autel. Après un bout de chemin, on nous montra la chapelle où saint Félix, pape, avait l’habitude de se reposer et de célébrer l’Eucharistie. Son sépulcre est à peu de distance. Partout, on voyait des squelettes humains réduits en morceaux par le temps. Notre guide nous assura que dans peu de temps nous arriverions à un endroit où se conservaient des pierres tombales avec les inscriptions intactes.

Mais nous étions très fatigués, aussi parce que l’air souterrain et les difficultés du chemin nous avaient beaucoup fatigués. Chacun devait faire attention à ne pas se cogner la tête, à ne pas heurter avec les épaules et à ne pas glisser avec les pieds. Le guide nous avertissait que les souterrains sont très nombreux et que certains s’étendent jusqu’à quinze/vingt milles. Si nous étions allés seuls, nous aurions pu chanter le requiescant in pace, car il aurait été très difficile de retrouver le chemin pour revenir à la lumière. Cependant, notre guide était très pratique et en peu de temps nous ramena au point d’où nous étions partis […].

San Pietro in Montorio
Remontés dans la voiture avec le père Giacinto, nous nous dirigeâmes vers San Pietro in Montorio. Le mot est une corruption de « mont d’or », car ici le sol et le gravier prennent une couleur jaune semblable à l’or. Il a également été appelé Castro Aureo, forteresse d’or, en raison des vestiges de la forteresse d’Ancus Martius encore existants au sommet. C’est l’une des églises fondées par Constantin le Grand, riche en statues, peintures et marbres. Entre l’église et le couvent attenant se dresse un bâtiment appelé Tempietto de Bramante de forme ronde. Il s’agit de l’un des travaux les plus remarquables de Bramante. Il a été édifié à l’endroit où saint Pierre a été martyrisé. À l’arrière, un escalier mène à une chapelle souterraine circulaire, au milieu de laquelle se trouve un trou où brûle continuellement une lumière. C’est l’endroit où fut enfoncée la pointe de la croix sur laquelle saint Pierre fut cloué la tête en bas. L’église est située là où se termine le Janicule et commence le Vatican.

Près de San Pietro in Montorio se trouve la magnifique Fontana Paolina, construite par Paul V en 1612. L’eau jaillit de trois colonnes qui semblent un fleuve. Elle arrive de Bramario, un lieu distant à 35 milles de Rome. Ces eaux, en tombant, servent à faire tourner des meules de moulin et d’autres machines et se ramifient avantageusement en divers points de la ville […].

Une mésaventure
Le 11 mars, nous avons été occupés à écrire et à faire des commissions. L’épisode de ma mésaventure à Rome mérite d’être mentionné. Je suis allé rendre visite à monsignor Pacca, prélat domestique de Sa Sainteté. Au retour, j’étais accompagné du père Bresciani, ayant envoyé Rua chercher le père Botandi à Ponte Sisto. Le bon Bresciani me conduisit jusqu’à l’académie de la Sapienza puis m’indiqua où passer pour arriver au Quirinal :
– Traversez ce quartier, puis restez toujours à droite. Au lieu de prendre à droite, je pris à gauche, si bien qu’après une heure de marche, je me retrouvai à la Piazza del Popolo, distante de presque un mille de chez moi. Pauvre de moi ! Au moins si j’avais eu Rua avec moi, nous aurions pu nous consoler mutuellement, mais j’étais seul. Le temps était nuageux, un vent fort soufflait et il commençait à pleuvoir. Que faire ? Je n’avais guère envie de dormir au milieu de cette place. Alors en toute patience je montai sur le Pincio, appelé ainsi d’après le palais d’un seigneur nommé Pincio […]. Cette colline n’est pas très habitée et n’est pas l’une des sept collines de Rome […]

Sant’Andrea della Valle
Vendredi 12, je suis allé célébrer la messe à Sant’Andrea della Valle pour la distinguer d’autres églises consacrées au même Apôtre. Valle lui fut ajouté à la fois parce que la basilique se trouve au point le plus bas de Rome et aussi à cause d’un palais appartenant à la famille Valle. Autrefois, l’église était dédiée à saint Sébastien qui avait souffert le martyre ici. Près de là, on en construisit une autre, dédiée à saint Louis roi de France. Mais en 1591, un riche seigneur nommé Gesualdo la restructura en renouvelant entièrement son plan. C’est l’une des premières églises de Rome. Sa coupole mesure 64 palmes de diamètre, et donc après Saint-Pierre au Vatican, c’est la coupole la plus grande de toutes les coupoles de la ville.
La première chapelle en entrant à gauche a une grille en fer qui indique l’endroit du cloaque où l’on croit que le corps du martyr saint Sébastien a été jeté. Presque en face de cette église se trouve le palais Stoppani qui servit de résidence à l’empereur Charles V lorsqu’il vint à Rome, comme l’indique une inscription sur le mur au pied de l’escalier.

Saint-Grégoire-le-Grand
Une heure et demie après midi, avec M. François De Maistre, notre guide, nous sommes partis pour visiter l’église Saint-Grégoire-le-Grand. Elle est construite sur une partie du mont Caelius, anciennement appelée clivus Scauri, c’est-à-dire descente de Scaurus, et était la maison habitée par saint Grégoire et les siens. C’est lui qui l’a convertie en monastère, où il a ensuite résidé jusqu’à l’année 590, d’abord comme simple moine, puis comme abbé du monastère. Lorsqu’il fut élu pape (en 590), il dédia ce bâtiment à l’apôtre saint André, transformant une partie des locaux en église. Après sa mort, elle fut dédiée à lui-même.

C’est certainement l’une des plus belles églises de Rome. La première chapelle en entrant à gauche est dédiée à sainte Sylvie, mère de saint Grégoire. La dernière à droite est celle du S. Sacrement ; sur cet autel, saint Grégoire célébrait la messe. […]. C’est cet autel, vénérable par son titre et le patronage du saint Pape, qui a été rendu célèbre dans le monde entier par les privilèges accordés par de nombreux papes. Il arriva le fait suivant : sur l’ordre du saint un moine du monastère avait offert la messe pendant trente jours consécutifs en suffrage de l’âme de son frère défunt, à la suite de quoi un autre moine vit cette âme libérée des peines du purgatoire.

À côté de cette chapelle, il y en a une autre plus petite, où saint Grégoire se retirait pour se reposer. On montre encore avec précision l’endroit où se trouvait son lit. À côté se trouve la chaise en marbre sur laquelle il s’asseyait aussi bien pour écrire que pour annoncer la parole de Dieu au peuple.
Après l’autel majeur, on rencontre la chapelle qui abrite une image très ancienne et miraculeuse de la Vierge. On croit que c’est celle que le Saint gardait chez lui et chaque fois qu’il passait devant, il la saluait en disant « Ave, Maria ». Un jour cependant, le bon Pape, pressé par des affaires urgentes, sortit sans adresser la salutation habituelle à la Vierge. Et elle lui fit ce doux reproche : « Ave, Gregori ». Par ces mots, elle l’invitait à ne pas oublier la salutation qui lui était si agréable.

Dans une autre chapelle trône la statue de saint Grégoire, un travail conçu et dirigé par Michel-Ange. Le Saint est assis sur le trône avec une colombe près de l’oreille, ce qui rappelle ce que dit Pierre Diacre, familier du Saint, à savoir qu’à chaque fois que Grégoire prêchait ou écrivait, il avait toujours une colombe qui lui parlait à l’oreille. Au centre de la chapelle se trouve une grande table en marbre sur laquelle le Pape offrait chaque jour à manger à douze pauvres, les servant de ses propres mains. Un jour, un ange sous la forme d’un jeune homme s’assit à table avec les autres, puis disparut soudainement. Depuis lors, le Saint augmenta à treize le nombre des pauvres qu’il nourrissait. Ainsi naquit l’usage de placer treize pèlerins à la table que le Pape sert chaque année de sa main le jeudi saint. Au-dessus de la table est gravé le distique suivant : « Ici Grégoire nourrissait douze pauvres ; un ange s’assit à table et compléta le nombre de treize ».

Les Saints-Jean-et-Paul
En sortant de cette église et en tournant à droite, on rencontre celle des Saints-Jean-et-Paul. L’empereur Jovien permit au moine saint Pammachius de la construire en 400 en l’honneur de ces deux frères martyrs. Elle fut édifiée sur leur habitation, précisément là où ils subirent le martyre. Elle fut ensuite restaurée par saint Symmaque Pape vers 444 […] En entrant, un majestueux bâtiment se présente à la vue. Au milieu, une grille en fer délimite l’endroit où les saints furent tués. Leurs corps, enfermés dans une urne précieuse, reposent sous l’autel majeur. Dans la chapelle à côté, sous l’autel, est conservé le corps du bienheureux Paul de la Croix, fondateur des passionnistes, à qui l’église est confiée. Ce serviteur de Dieu est un Piémontais, né à Castellazzo dans le diocèse d’Alexandrie. Il mourut en 1775 à l’âge de 82 ans. Les nombreux miracles qui se produisent à Rome et ailleurs par son intercession ont fait croître la congrégation des passionnistes, ainsi nommés en raison du quatrième vœu qu’ils font, c’est-à-dire promouvoir la vénération envers la passion du Seigneur.

Un de ces religieux, un Génois, frère André, après nous avoir accompagnés pour voir les choses les plus importantes de l’église, nous conduisit au couvent, un bel édifice qui abrite environ quatre-vingts de ces Pères, en grande partie piémontais.
– Voici, nous dit frère André, la chambre où mourut notre saint Fondateur. Nous y sommes entrés et avons admiré dans un recueillement dévot le lieu d’où partit son âme pour s’envoler au ciel.
– Là se trouve la chaise, les vêtements, les livres et d’autres objets qui ont servi au Bienheureux. Chaque objet est placé sous scellé et est distribué comme relique aux fidèles chrétiens. Cette chambre est aujourd’hui une chapelle où on célèbre la messe.

Arcs de Constantin et de Titus
Après avoir salué l’aimable frère André, nous nous sommes dirigés vers Saint-Laurent in Lucina. Mais après avoir fait un peu de chemin, nous nous sommes retrouvés sous l’Arc de Constantin. Cet arc est conservé presque intact. Une inscription du sénat et du peuple romain indique qu’il fut dédié à l’empereur Constantin à l’occasion de la victoire remportée sur le tyran Maxence. Cet empereur, devenu chrétien, fit placer au-dessus de l’arc une statue tenant une croix en main en mémoire de la croix qui lui apparut devant l’armée, pour rappeler à tout le monde qu’il professait la religion de Jésus crucifié.
Après avoir fait un autre bout de chemin, voici un autre arc, l’Arc de Titus. Il existe trois arcs à Rome et celui de Titus est le plus ancien et le plus élégant. Il est orné de bas-reliefs qui commémorent les victoires remportées par ce valeureux guerrier, et parmi eux est sculpté le chandelier du temple de Jérusalem en mémoire de la chute de cette ville et de son temple. Sous cet arc passait la célèbre Voie Sacrée, l’une des plus anciennes de Rome, ainsi appelée parce que c’est par elle qu’on portait chaque mois les choses sacrées sur la Forteresse, et parce qu’elle était parcourue par les augures pour aller prendre leurs réponses.

Arrivés à Saint-Laurent in Lucina, nous n’avons pas pu entrer à cause des travaux qu’on y effectuait. […] Cette église est l’une des plus vastes paroisses de Rome ; elle fut érigée par Sixte III avec le consentement de l’empereur Valentinien en l’honneur de saint Laurent martyr. Pour la distinguer des autres églises élevées en l’honneur de ce lévite, elle fut nommée in Lucina, soit à cause de la sainte martyre de ce nom, soit peut-être d’après le lieu qui s’appelait ainsi. Annexé à cette église, vers le cours, se trouve le palais Ottobuoni, construit vers l’an 1300 sur les ruines d’un grand édifice ancien appelé Palais de Domitien. Comme nous étions fatigués et que l’heure du déjeuner approchait, nous sommes rentrés chez nous […].

Sainte-Marie-des-Anges
[…] Le 13 mars, la station de carême était à Saint-Marie-des-Anges, et nous y sommes allés pour gagner l’indulgence plénière et pour prier Dieu en faveur de notre maison. Pour distinguer cette église d’une autre du même nom, on la situe près des Thermes de Dioclétien, car elle est construite sur le lieu où s’élevaient autrefois les célèbres thermes, c’est-à-dire les bains de l’empereur Dioclétien. Le souverain pontife Pie IV confia au vaste génie de Michel-Ange Buonarroti la mission de transformer en église une partie de ces superbes édifices. Dans un salon des thermes, il y avait déjà une petite église dédiée à saint Cyrille martyr. Celle-ci fut incluse dans la nouvelle église, que le Pape dédia à sainte Marie des Anges, pour faire plaisir au duc et roi de Sicile, dévot des Anges, qui coopéra beaucoup à sa construction.

Le jour de la station de carême, l’église est ornée avec une élégance particulière, et les reliques les plus insignifiantes sont exposées à la vénération publique. Dans une chapelle à côté de l’autel majeur se trouvait le reliquaire avec de nombreuses reliques parmi lesquelles nous avons remarqué les corps de saint Prosper, saint Fortunat, saint Cyrille, de plus la tête de saint Justin et de saint Maxime martyrs et de nombreux autres. Ainsi, notre dévotion satisfaite, nous sommes rentrés chez nous vers six heures, très fatigués et avec un bon appétit.

Sainte-Marie-du-Chêne
Dimanche 14 mars, nous avons célébré à la maison, puis nous sommes allés visiter un oratoire, selon les indications reçues du marquis Patrizi. L’église où se rassemblent les jeunes s’appelle Saint-Marie-du-Chêne. Voici son origine, qui remonte aux temps de Jules II. Une image de Marie avait été peinte sur une tuile par un certain Battista Calvaro, qui la plaça sur un chêne dans sa vigne à Viterbe. Cette image resta cachée pendant soixante ans, jusqu’à ce qu’en 1467 elle commence à se manifester en accordant tant de grâces et de miracles que les fidèles qui venaient la visiter élevèrent avec leurs offrandes une église et un monastère. Le Pape Jules II souhaita qu’il y ait aussi à Rome un sanctuaire dédié à Marie du Chêne, qui est celui dont nous parlons.
Entrés dans l’église, et arrivés dans la spacieuse sacristie, nous fûmes réjouis par la vue d’une quarantaine de garçons. Par leur vivacité, ils ressemblent beaucoup aux espiègles de notre oratoire. Leurs fonctions sacrées se déroulent toutes le matin. Messe, confession, catéchisme et une brève instruction, c’est ce qu’on fait pour eux […].

Après-midi, les jeunes vont à Saint-Jean-des-Florentins, un autre oratoire où il n’y a que la récréation sans fonctions à l’église. Nous y sommes allés et avons vu environ une centaine de jeunes qui s’amusaient à perdre haleine. Leurs jeux étaient la tombola et la cloche, connues aussi chez nous. Ils pratiquent également le jeu du trou qui consiste en cinq trous assez larges dans lesquels on met deux châtaignes ou autre chose. D’une distance de six pas, on fait rouler une boule. Celui qui réussit à la faire entrer dans l’un des trous gagne ce qu’il y a à l’intérieur. Nous fûmes très déçus par le fait qu’ils n’avaient que la récréation. S’il y avait un prêtre parmi eux, celui-ci pourrait faire du bien à leurs âmes, car il y a un grand besoin. D’autant plus que nous avons trouvé chez eux de bonnes dispositions. Plusieurs prenaient plaisir à dialoguer avec nous. Ils nous baisaient plusieurs fois la main, à moi et aussi à Rua qui, malgré lui, était contraint d’acquiescer […]

De retour à la maison, nous reçûmes la visite de Mgr Mérode, maître de chambre de Sa Sainteté. Après quelques politesses, il m’annonça que le Saint-Père m’invitait à prêcher les exercices spirituels aux détenues dans les prisons près de Sainte-Marie-des-Anges aux thermes de Dioclétien. Chaque désir du Pape est pour moi un commandement et donc j’acceptai avec un véritable plaisir […]

À la prison des femmes
À deux heures de l’après-midi, je me rendis chez la supérieure de la prison pour convenir du jour et de l’heure pour commencer la prédication. Elle me dit :
– Si cela vous convient, vous pouvez commencer tout de suite, car les femmes sont à l’église et il n’y a personne pour prêcher. Ainsi, j’ai commencé tout de suite et la semaine fut presque entièrement consacrée à ce ministère. La maison de correction s’appelle Aux Thermes de Dioclétien car elle est située au même endroit où se trouvaient les thermes de cet empereur célèbre. Y étaient hébergées 260 détenues coupables de graves délits et condamnées à la prison […]. Les exercices se déroulèrent avec satisfaction. La prédication simple et populaire que nous utilisons chez nous s’est révélée fructueuse dans cette prison. Le samedi, après la dernière prédication, la mère supérieure m’annonça avec grand plaisir qu’aucune des condamnées n’avait omis de s’approcher des Sacrements.

Deux épisodes
Un épisode agréable est arrivé au Saint-Père cette semaine. Le comte Spada lui rendit visite et engagea cette conversation :
– Sainteté, j’aimerais vous demander un souvenir de cette visite.
– Demandez ce que vous voulez et j’essaierai de vous satisfaire.
– Je voudrais quelque chose d’extraordinaire.
– Très bien, demandez donc.
– Sainteté, je souhaiterais avoir comme souvenir votre tabatière.
– Mais elle est pleine d’un tabac de qualité inférieure.
– Peu importe ; elle me sera très chère.
– Prenez-la, je vous en fais cadeau avec plaisir
. Le comte Spada partit plus heureux avec cette tabatière qu’avec un grand trésor. Elle est simple, en corne de buffle, reliée par deux anneaux en laiton et ne vaut pas quatre sous, mais elle est très précieuse en raison de sa provenance. Le bon comte la montre à ses amis comme un objet digne de vénération […]

Une autre anecdote m’a été racontée sur ce vénérable Pontife. L’année dernière, alors que le Saint-Père voyageait à travers ses États, il se trouva à proximité de Viterbe. Une petite fille portant un fagot de bois, voyant que la voiture pontificale s’était arrêtée, pensa que ces messieurs voulaient acheter son fagot. Elle courut vers eux :
– Monsieur, dit-elle au Saint-Père, achetez-le, le bois est très sec.
– Nous n’en avons pas besoin, 
répondit le Pape.
– Achetez-le, je vous le donne pour trois 
baiocchi.
– Prends les trois 
baiocchi et garde ton fagot. Le Saint-Père lui donna trois écus, puis se prépara à remonter dans la voiture. Mais la petite fille voulait que le Saint-Père prenne son fagot.
– Prenez-le, vous serez contents ; dans votre voiture, il y a beaucoup de place. Pendant que le Pape et sa cour riaient de cette affaire, la mère de la fillette, qui travaillait dans un champ voisin, accourut en criant :
– Saint-Père, Saint-Père, pardonnez ; cette pauvre fille est ma fille. Elle ne vous connaît pas. Ayez pitié de nous qui sommes dans une grande misère. Le Pape ajouta encore six écus et continua son chemin […]

Saint-Paul hors les murs
Le 22 mars, dimanche, Don Bosco se rendit chez le cardinal vicaire, l’éminentissime Costantino Patrizi […] Sorti du Vicariat, il se rendit à Saint-Paul-hors-les-Murs pour vénérer le tombeau du grand Apôtre des Gentils et admirer les merveilles de cette immense basilique. Après avoir marché un mille, il arriva au célèbre endroit appelé Ad Aquas Salvias, où saint Paul versa son sang pour Jésus-Christ. C’est précisément à cet endroit, où se trouvent trois sources d’eau miraculeuses, jaillies des mottes sur lesquelles la tête tranchée du saint Apôtre fit trois bonds, qu’une église a été construite. Don Bosco pria également dans l’église voisine de Sancta Maria Scala Coeli, de forme octogonale, édifiée sur le cimetière de saint Zénon, un tribun qui subit le martyre sous Dioclétien, avec 10203 de ses compagnons d’armes […]

Le Colisée
Le 23 mars, son regard ébahi contempla les gigantesques ruines de l’amphithéâtre Flavien ou Colisée, de forme ovale, avec une circonférence extérieure de 527 mètres, et encore haut de cinquante mètres par endroits. À l’époque de sa splendeur, il était couvert de marbres, orné de colonnades, de centaines de statues, d’obélisques, de quadriges en bronze ; et à l’intérieur, il soutenait tout autour d’immenses gradins, qui pouvaient contenir environ 200000 personnes, pour assister aux combats de bêtes féroces et de gladiateurs, et aux massacres de milliers de martyrs. Don Bosco entra dans l’arène des spectacles qui mesure 241 mètres de circonférence […]

Saint-Clément
Le 24, Don Bosco se rendit à la basilique Saint-Clément pour vénérer les reliques du quatrième pape après saint Pierre, et celles de saint Ignace martyr, évêque d’Antioche ; ainsi que pour admirer l’architecture de l’antique église à trois nefs. Dans celle du milieu, devant l’autel de la Confession, un enclos en marbre blanc délimite le chœur pour le clergé. Il est doté de deux pupitres, l’un pour le chant de l’évangile, près duquel se dresse la petite colonne du cierge pascal, et l’autre pour la lecture de l’épître. À côté de ce dernier se trouvait le lutrin pour les chanteurs et lecteurs des prophéties et des autres livres des Écritures ; autour de l’abside, les sièges des prêtres, et, au fond, au centre sur trois marches, la chaire épiscopale […].

De là, Don Bosco se dirigea vers l’église des Quatre-Couronnés, pour visiter les tombeaux des martyrs Sévère, Séverin, Carpophore et Victorin, tués sous Dioclétien. Il passa ensuite à Saint-Jean devant la Porte Latine, près de laquelle se dresse une chapelle sur le lieu où saint Jean Évangéliste fut plongé dans la chaudière d’huile bouillante ; de là, il continua jusqu’à la petite église Quo Vadis, ainsi nommée parce qu’à cet endroit le Seigneur apparut à saint Pierre qui sortait de Rome pour échapper à la persécution :
– Seigneur, où vas-tu ? s’écria l’Apôtre étonné. Et Jésus lui répondit :
– Je vais pour être crucifié une nouvelle fois. Saint Pierre comprit et retourna à Rome où l’attendait le martyre. Après avoir vu cette petite église, Don Bosco refit le chemin, après avoir jeté un coup d’œil sur la Via Appia, le long de laquelle on compte de nombreux mausolées de l’époque du paganisme, qui rappellent la fin de toute grandeur humaine.

Don Bosco… salésien !
Une scène charmante se produisit le matin du 25 mars. Après avoir traversé le Tibre, Don Bosco vit sur une petite place une trentaine de garçons qui s’amusaient. Il se dirigea vers eux sans hésiter et eux, suspendant leurs jeux, le regardaient émerveillés. Il leva alors la main en tenant entre ses doigts une médaille, puis s’exclama :
– Vous êtes trop nombreux et je suis désolé de ne pas avoir assez de médailles pour en offrir une à chacun d’entre vous. Ceux-ci, prenant courage, tendaient leurs mains en criant à pleine voix :
– Ça ne fait rien, ça ne fait rien… à moi, à moi ! Don Bosco ajouta :
– Eh bien, comme je n’en ai pas pour tous, je veux offrir cette médaille au plus gentil. Qui parmi vous est le plus gentil ?
– C’est moi, c’est moi !
 crièrent-ils tous ensemble. Il continua :
– Comment puis-je faire, si vous êtes tous également gentils ? Alors je la donnerai au plus espiègle ! Qui parmi vous est le plus espiègle ?
– C’est moi, c’est moi !
 répondirent-ils avec des cris assourdissants.
Le marquis Patrizi et ses amis, à une certaine distance, souriaient tout émus et stupéfaits de voir Don Bosco traiter si familièrement ces garçons, qu’il rencontrait pour la première fois ; et ils s’exclamaient :
– Voici un autre saint Philippe Néri, ami de la jeunesse. Don Bosco en effet, comme s’il avait été un ami déjà connu de ces enfants, continua à les interroger, s’ils avaient déjà assisté à la messe, dans quelle église ils avaient l’habitude d’aller, s’ils fréquentaient les oratoires qui étaient dans ces parages. […] Le dialogue était animé. Après les avoir exhortés à être toujours de bons chrétiens, Don Bosco promit qu’il passerait une autre fois par cette place et offrirait une médaille à chacun ; puis, les saluant affectueusement, il retourna vers ses accompagnateurs en montrant la médaille. Il n’avait rien donné aux garçons, et pourtant il les avait laissés contents.

Santo Stefano Rotondo
Le 26 mars, Don Bosco retourna au Caelius dans la spacieuse église Santo Stefano Rotondo, ainsi nommée à cause de sa forme ronde. Le corniche circulaire est soutenue par 56 colonnes. Tout autour des murs sont peintes les scènes des atrocités que subirent les martyrs. Elle est ornée de mosaïques du VIIe siècle, représentant Jésus crucifié, avec quelques saints, et conserve les corps de deux confesseurs de la foi : saint Primus et saint Félicien. De là, Don Bosco passa à Sainte-Marie in Dominica, ou de la Navicella, la barque en marbre qui se trouve sur la place. Elle a trois nefs séparées par 18 colonnes et contient des mosaïques du IXe siècle. Parmi celles-ci, la Vierge est à la place d’honneur parmi de nombreux anges et à ses pieds est agenouillé le pape Pascal […].

Cependant, le Saint-Père avait exprimé le désir que Don Bosco assiste au Vatican au dévot et magnifique spectacle des cérémonies de la Semaine Sainte. Il avait donc chargé monsignor Borromeo de l’inviter en son nom, et de lui procurer une place d’où il puisse assister confortablement aux rites sacrés. Ce monsignor le fit rechercher toute la journée sans succès. Enfin, à une heure très tardive, le messager le trouva chez De Maistre où il était retourné après une journée de visites. En disant qu’il venait par ordre du Pape, il fut introduit et présenta à Don Bosco la lettre d’invitation, par laquelle il était admis à recevoir la palme bénie des mains mêmes du Pape. Don Bosco la lut immédiatement et s’exclama qu’il irait avec grand plaisir.

Pâques romaines de Don Bosco. Le Dimanche des Rameaux
Dimanche 28 mars, avec le clerc Rua, il entra dans la basilique Saint-Pierre bien avant le début des fonctions. Le comte Carlo De Maistre l’accompagna à sa place, dans la tribune des diplomates. Il était très attentif car il connaissait l’importance des cérémonies de l’Église. À ses côtés se tenait un milord anglais protestant, émerveillé par tant de solennité. À un certain moment, un chanteur de la chapelle Sixtine exécuta un solo tellement bien que Don Bosco en fut ému aux larmes et le milord se tourna vers lui en s’exclamant en latin, car dans une autre langue il ne savait pas comment se faire comprendre :
– Post hoc paradisus ! Ce monsieur, après un certain temps, non seulement se convertit au catholicisme, mais devint prêtre et évêque. Après avoir béni les rameaux, le corps diplomatique défila à tour de rôle devant le Pontife, et chaque ambassadeur et ministre reçut la palme de ses mains. Don Bosco et le séminariste Rua s’agenouillèrent également aux pieds du Pape et reçurent la palme. Ainsi le voulut Pie IX : Don Bosco n’était-il pas l’ambassadeur de Dieu ? Le séminariste Rua retourna chez les Rosminiens et offrit la sienne au père Pagani, qui l’apprécia beaucoup […].

Don Bosco caudataire
Le cardinal Marini, l’un des deux assistants au trône, prit Don Bosco comme caudataire afin qu’il puisse assister à toutes les fonctions de la semaine sainte, Ainsi, en robe violette, il se tenait tout le temps presque à côté du Pape, et put apprécier les chants grégoriens et les musiques d’Allegri et de Palestrina.
Le jeudi saint, le cardinal Mario Mattei, étant le plus ancien des évêques suburbicaires, pontifia à la place du cardinal doyen empêché. Don Bosco suivit le Pontife qui portait processionnellement le Saint-Sacrement dans la chapelle Pauline pour le placer dans l’urne spécialement préparée ; il l’accompagna jusqu’à la Loggia vaticane d’où le Pape bénit Rome et le monde ; il assista au lavement des pieds fait par le Pontife à treize prêtres, et participa à la cène commémorative, servie par le Vicaire de Jésus-Christ lui-même.

La bénédiction Urbi et Orbi
[…] Le 4 avril, les salves d’artillerie du Château Saint-Ange annonçaient le jour de Pâques. Pie IX descendit dans la basilique vers dix heures pour la messe pontificale. Immédiatement après, précédé par le cortège des évêques et des cardinaux, il se rendit à la Loggia pour la bénédiction Urbi et Orbi. Avec le cardinal Marini et un évêque, Don Bosco resta un instant près du rebord recouvert d’un magnifique drap, sur lequel avaient été déposés trois Trirègnes d’or. Le cardinal dit à Don Bosco :
– Observez le spectacle ! Don Bosco parcourait la place de ses yeux ébahis. Une foule de 200.000 personnes s’y entassait, le visage tourné vers la Loggia. Les toits, les fenêtres, les terrasses des maisons, tout était occupé. L’armée française remplissait une partie de l’espace compris entre l’obélisque et l’escalier de Saint-Pierre. Les bataillons de l’infanterie pontificale étaient alignés à droite et à gauche. Derrière, la cavalerie et l’artillerie. Des milliers de voitures étaient arrêtées sur les deux côtés de la place, près des portiques de Bernini, et au fond près des maisons. Surtout sur les voitures à louer se tenaient des groupes de personnes qui semblaient dominer la place. C’était un vacarme assourdissant, un piétinement de chevaux, une confusion incroyable. Personne ne peut se faire une idée d’un tel spectacle.

Pris au piège
Don Bosco avait laissé le Pape dans la basilique pendant qu’il vénérait les reliques précieuses, croyant qu’il mettrait du temps à apparaître. Absorbé dans contemplation de tous ces gens de toutes nationalités, il ne remarqua pas l’arrivée de la sedia gestatoria sur laquelle était assis le Pape. Il se trouva dans une position difficile ; coincé entre la sedia papale et la balustrade, il pouvait à peine bouger ; tout autour, des cardinaux, des évêques, des cérémoniaires et des porteurs étaient entassés, si bien qu’il ne voyait aucune issue pour se tirer d’affaire. Tourner le visage vers le Pape était inconvenant ; lui tourner le dos était incivil ; rester au centre du balcon était ridicule. Ne pouvant faire mieux, il se tourna sur le côté ; alors la pointe d’un pied du Pape se posa sur son épaule.

À ce moment-là, un silence solennel régnait sur la grande place au point qu’on aurait pu entendre le bourdonnement d’une mouche. Les chevaux eux-mêmes restaient immobiles. Don Bosco, pas du tout troublé et attentif à chaque détail, remarqua qu’on n’entendit qu’un seul hennissement et le son d’une horloge qui sonnait les heures pendant que le Pape récitait les prières rituelles. Voyant que le sol de la Loggia était couvert de feuillages et de fleurs, il se pencha et ramassa quelques fleurs qu’il mit entre les pages du livre qu’il tenait à la main. Enfin, Pie IX se leva pour bénir : il ouvrit les bras, leva les mains vers le ciel, les étendit sur la multitude qui baissa le front, et sa voix sonore, puissante et solennelle en chantant la formule de la bénédiction s’entendait au-delà de la place Rusticucci et depuis le grenier des Pères de la Civiltà Cattolica.

La foule répondit par une immense ovation. Alors le cardinal Ugolini lut en latin le Bref de l’indulgence plénière et tout de suite après le cardinal Marini le répéta en italien. Don Bosco s’était agenouillé, et quand il se releva, le cortège papal avait déjà disparu. Toutes les cloches sonnaient à fête, le canon tonnait depuis le Château Saint-Ange, les musiques militaires faisaient résonner leurs trompettes. Le cardinal Marini, accompagné du caudataire, descendit et se dirigea vers sa voiture. À peine celle-ci se mit-elle en mouvement, que Don Bosco se sentit pris d’un malaise provoqué par ce mouvement qui lui retournait l’estomac ; ne pouvant plus résister, il manifesta au cardinal son incommodité. Sur son conseil, il monta à côté du cocher, mais le malaise ne diminua pas. Alors il descendit pour marcher à pied. Étant en habit violet, il aurait été l’objet de curiosité ou de moquerie s’il avait traversé Rome ainsi ; c’est pourquoi le secrétaire descendit gentiment de la voiture et l’accompagna au palais […].

Le souvenir du Pape
Le 6 avril, Don Bosco retourna à une audience particulière de Pie IX avec le clerc Rua et le théologien Murialdo, admis au Vatican par l’intercession de Don Bosco lui-même. Ils entrèrent dans l’antichambre à neuf heures du soir, et immédiatement Don Bosco fut introduit. Dès que le Pape le vit devant lui, lui il dit d’un air sérieux :
– Abbé Bosco, où vous êtes-vous caché le jour de Pâques pendant la bénédiction papale ? Là, devant le Pape, l’épaule sous son pied comme si le Pontife avait besoin d’être soutenu par Don Bosco.
– Saint-Père, répondit-il calmement et humblement, j’ai été pris par surprise et je demande pardon si je vous ai offensé d’une manière ou d’une autre !
– Et vous ajoutez encore l’affront de me demander si vous m’avez offensé ? Don Bosco regarda le Pape et il eut l’impression qu’il faisait semblant : un sourire commençait à apparaître sur ses lèvres. Mais qu’est-ce qui vous a pris de ramasser des fleurs à ce moment-là ? Il a fallu toute la gravité de Pie IX pour ne pas éclater de rire. […]
– Maintenant, Très Saint-Père, supplia Don Bosco, ayez la bonté de me suggérer une consigne que je puisse répéter à mes jeunes, comme souvenir du Vicaire du Christ.
– La présence de Dieu ! répondit le Pape. Dites à vos jeunes qu’ils se comportent toujours avec cette pensée !… Et vous n’avez rien à me demander ? Vous désirez certainement quelque chose aussi.
– Saint-Père, Votre Sainteté a bien voulu m’accorder ce que j’ai demandé, maintenant il ne me reste plus qu’à vous remercier du fond du cœur.
– Et pourtant, et pourtant, vous désirez encore quelque chose. À ces mots Don Bosco se tenait là comme suspendu sans prononcer un mot. Le Pontife ajouta :
– Mais comment ? Vous ne désirez pas faire en sorte que vos jeunes soient joyeux, quand vous serez de retour parmi eux ?
– Sainteté, cela oui.
– Alors attendez. Quelques instants auparavant étaient entrés dans cette pièce le théologien Murialdo, le clerc Rua et don Cerutti de Varazze, chancelier à la Curie Archiépiscopale de Gênes. Ils restèrent stupéfaits de la familiarité avec laquelle le Pape traitait Don Bosco et de ce qu’ils voyaient dans cette circonstance. Le Pape avait ouvert le coffre, en avait tiré une poignée de pièces d’or et sans les compter les avait portées à Don Bosco en disant :
– Prenez et donnez ensuite un bon goûter à vos garçons. Chacun peut imaginer l’impression que fit sur Don Bosco cet acte de bonté de Pie IX. Avec une grande bienveillance le Pape s’adressait aussi aux ecclésiastiques arrivés, bénissait les chapelets, les crucifix et d’autres objets de dévotion qui lui étaient présentés, et donnait à tous une médaille souvenir.

Le défi éducatif de Don Bosco
Parmi les cardinaux à qui il voulut rendre hommage, il y avait l’Éminentissime Tosti, qui lui avait permis de parler aux jeunes de l’Hospice Saint-Michel. Celui-ci, satisfait de la courtoisie de Don Bosco, voulut l’avoir comme compagnon à l’heure de sa promenade. Ainsi tous deux montèrent en voiture. On commença à parler du système le plus adapté à l’éducation des jeunes. Don Bosco restait persuadé que les élèves de cet hospice n’avaient pas de familiarité avec les supérieurs ; au contraire, ils les craignaient ; cela ne convenait pas, car les éducateurs étaient des prêtres. C’est pourquoi il disait :
– Voyez-vous, Éminence, il est impossible d’éduquer correctement les jeunes s’ils n’ont pas confiance en leurs supérieurs.
– Mais comment, répliquait le cardinal, peut-on gagner cette confiance ?
– En faisant en sorte qu’ils s’approchent de nous, en éliminant toute cause qui les éloigne.
– Et comment peut-on faire pour les rapprocher de nous ?
– En nous approchant d’eux, en cherchant à nous adapter à leurs goûts, en nous rendant semblables à eux. Voulez-vous que nous fassions un essai ? Dites-moi : à quel endroit de Rome peut-on trouver un bon nombre de garçons ?
– À la Piazza Termini et à la Piazza del Popolo, répondit le cardinal.
– Eh bien, allons à la Piazza del Popolo.

Le cardinal donna l’ordre au cocher. À peine arrivés, Don Bosco descendit de voiture, et le prélat resta à l’observer. Ayant vu un groupe de jeunes qui jouaient, il s’approcha, mais les espiègles s’enfuirent. Alors il les appela avec de bonnes manières et ceux-ci, après quelques hésitations, s’approchèrent. Don Bosco leur offrit quelques petites choses, demanda des nouvelles de leurs familles, demanda quel jeu ils faisaient et les invita à continuer. Il s’arrêta d’abord pour les regarder, puis il commença à y participer. Alors d’autres qui observaient de loin accoururent en grand nombre des quatre coins de la place autour du prêtre, qui accueillait tous avec affection et qui avait pour chacun une bonne parole et un petit cadeau. Il demandait s’ils étaient bons, s’ils disaient les prières, s’ils allaient se confesser. Quand il voulut s’éloigner, ils le suivirent sur une bonne distance, le laissant seulement lorsqu’il remonta en voiture. Le cardinal était émerveillé.
– Avez-vous vu ?
– Vous aviez raison !
 s’exclama le cardinal […].

Les dernières visites
Les dernières visites de Don Bosco furent réservées à la Confession de Saint Pierre et aux Catacombes. Après avoir prié dans la basilique Saint-Sébastien, ayant vu deux des flèches qui blessèrent le saint tribun et la colonne à laquelle il fut attaché, il descendit dans les galeries souterraines qui abritèrent les os de milliers de martyrs, et où saint Philippe Néri passa tant de nuits en prière. Il passa ensuite aux Catacombes Saint-Calliste. Là l’attendait le chevalier Jean-Baptiste De Rossi, qui les avait découvertes, et auquel monsignor di San Marzano l’avait présenté.
Quiconque entre dans ces lieux éprouve une telle émotion, qu’elle lui reste toute sa vie. Don Bosco était absorbé dans des pensées saintes en parcourant ces souterrains, où les premiers chrétiens avaient trouvé la force nécessaire pour affronter le martyre dans la messe, les prières en commun, le chant des psaumes et des prophéties, la communion eucharistique, l’écoute des évêques et des papes. Il est impossible de contempler sans émotion ces loculi qui avaient renfermé les corps ensanglantés ou brûlés de tant de héros de la foi, les tombes de quatorze papes qui avaient donné leur vie pour témoigner de ce qu’ils enseignaient, et la crypte de sainte Cécile.

Don Bosco observait les très anciennes fresques qui représentaient Jésus-Christ et l’Eucharistie, les images du mariage de la Sainte Vierge avec saint Joseph, l’Assomption de Marie au ciel, la Mère de Dieu avec l’enfant dans les bras ou sur les genoux. Il était ravi par le sentiment de modestie qui brillait dans ces images, dans lesquelles l’art chrétien primitif avait su reproduire la beauté incomparable de l’âme et de l’idéal très élevé de la perfection morale qui doit être attribuée à la Vierge. D’autres figures de saints et de martyrs ne manquaient pas non plus. Don Bosco sortit des catacombes à 18 heures. Il y était entré à 8 heures du matin […]

Retour à la maison
Le 14 avril, Don Bosco partit de Rome avec le clerc Rua, heureux d’avoir pu jeter les bases de la Société de Saint François de Sales. […] Il prit une voiture à louer, fit une brève halte à Palo où il trouva l’aubergiste parfaitement délivré de ses fièvres : sa guérison avait été instantanée. Celui-ci n’oubliera jamais ce qui s’est passé, et vers 1875 ou 1876, arrivé à Gênes pour des raisons commerciales, il voulut continuer son voyage jusqu’à Turin. Ayant demandé et su par télégraphe que Don Bosco était à l’Oratoire, il y alla ; mais ce jour-là, il était à déjeuner chez M. Occelletti Carlo. Alors il se rendit là pour le trouver et lui faire fête sans fin. M. Occelletti se souvint toujours avec grand plaisir du récit qu’il avait entendu de cette guérison. Arrivé à Civitavecchia et ayant rendu visite au délégué pontifical, Don Bosco se rendit au port pour embarquer.

Les vagues cette fois-ci étaient calmes et le temps était beau, si bien qu’il put descendre à Livourne, s’entretenir avec quelques amis et visiter quelques églises. Ils reprirent la mer au crépuscule, et don Rua se souvient que le navire arriva au port de Gênes à l’aube d’une splendide aurore qui illuminait le magnifique panorama de cette superbe ville. Ayant à peine mis le pied sur terre, Don Bosco se rendit au collège des Artigianelli, où l’attendaient Don Montebruno et M. Giuseppe Canale. Après-midi, il monta dans le train. En traversant la ville, il éprouva une agréable surprise : lorsque les cloches sonnèrent l’Angelus, de nombreuses personnes dans les rues et sur les places se découvraient la tête, et mêmes les porteurs s’étaient levés de leurs bancs pour réciter la prière. Plus d’une fois, il raconta le fait pour l’édification de ses élèves. Il arriva à Turin le 16 avril, accueilli par les jeunes avec tant de fête et d’affection, qu’aucun père ne pourrait en souhaiter davantage de ses propres fils.




Le titre de Basilique au Temple du Sacré-Cœur à Rome

A l’occasion du centenaire de la mort de Don Paul Albera, on a souligné comment le deuxième successeur de Don Bosco a réalisé ce que l’on pourrait qualifier de rêve de Don Bosco. En effet, trente-quatre ans après la consécration du temple du Sacré-Cœur à Rome, qui eut lieu en présence de Don Bosco, désormais épuisé (mai 1887), le pape Benoît XVI – le pape de la célèbre et inouïe définition de la Première Guerre mondiale comme « massacre inutile » – conféra à l’église le titre de Basilique mineure (11 février 1921). Pour sa construction, Don Bosco avait « donné son âme » (et son corps aussi !) au cours des sept dernières années de sa vie. Il avait fait de même au cours des vingt années précédentes (1865-1868) pour la construction de l’église Marie Auxiliatrice de Turin-Valdocco, la première église salésienne élevée à la dignité de basilique mineure le 28 juin 1911, en présence du nouveau Recteur Majeur, le Père Paul Albera.

Le résultat de la supplication
Mais comment en est-on arrivé là ? Qui en est à l’origine ? Nous le savons désormais avec certitude grâce à la découverte récente du brouillon dactylographié de la demande de ce titre par le Recteur Majeur, le Père Paolo Albera. Il est inclus dans un livret commémorant le 25e anniversaire du Sacré-Cœur, édité en 1905 par le directeur de l’époque, le père Francesco Tomasetti (1868-1953). Le tapuscrit, daté du 17 janvier 1921, comporte des corrections minimes de la part du Recteur Majeur mais, ce qui est important, porte sa signature autographe.
Après une description de l’œuvre de Don Bosco et de l’activité incessante de la paroisse, probablement tirée de l’ancien dossier, le Père Albera s’adresse au Pape en ces termes

« Alors que la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus grandit et se répand dans le monde entier, et que de nouveaux Temples sont dédiés au Divin Cœur, également grâce à la noble initiative des Salésiens, comme à S. Paolo au Brésil, à La Plata en Argentine, à Londres, à Barcelone et ailleurs, il semble que le premier Temple-Sanctuaire dédié au Sacré-Cœur de Jésus à Rome, où une dévotion aussi importante a une affirmation si digne de la Ville Éternelle, mérite une distinction spéciale. C’est pourquoi le soussigné, après avoir entendu l’avis du Conseil supérieur de la pieuse Société salésienne, prie humblement Votre Sainteté de daigner accorder au Temple-Sanctuaire du Sacré-Cœur de Jésus au Castro Pretorio à Rome le titre et les privilèges de Basilique mineure, espérant que cette honorable élévation augmentera la dévotion, la piété et toute activité catholique bénéfique ».

La supplique, en belle copie, signée par le père Albera, fut vraisemblablement envoyée par le procureur, le père Francesco Tomasetti, à la Sacrée Congrégation des Brefs, qui l’accueillit favorablement. Il s’empressa de rédiger le projet de Bref apostolique à conserver dans les Archives du Vatican, le fit transcrire par des calligraphes experts sur un riche parchemin et le transmit à la Secrétairie d’État pour la signature du titulaire du moment, le cardinal Pietro Gasparri.
Aujourd’hui, les fidèles peuvent admirer cet original de l’octroi du titre demandé, joliment encadré dans la sacristie de la basilique (voir photo).
Nous ne pouvons qu’être reconnaissants à la Dr Patrizia Buccino, spécialiste en archéologie et en histoire, et au père Giorgio Rossi, historien salésien, qui ont diffusé la nouvelle. C’est à eux qu’il revient de compléter l’enquête entamée en recherchant dans les archives du Vatican l’intégralité de la correspondance, qui sera également portée à la connaissance du monde scientifique par le biais de la célèbre revue d’histoire salésienne « Ricerche Storiche Salesiane ».

Le Sacré-Cœur : une basilique nationale au rayonnement international
Vingt-six ans auparavant, le 16 juillet 1885, à la demande de Don Bosco et avec le consentement explicite du Pape Léon XIII, Monseigneur Gaetano Alimonda, archevêque de Turin, avait chaleureusement exhorté les Italiens à participer au succès de la « noble et sainte proposition [du nouveau temple] en la qualifiant de vote national des Italiens ».
Or, le Père Albera, dans sa demande au pontife, après avoir rappelé l’appel pressant du Cardinal Alimonda, rappelle que toutes les nations du monde ont été invitées à contribuer économiquement à la construction, à la décoration du temple et des œuvres annexes (y compris l’inévitable oratoire salésien avec hospice !) afin que le Temple-Sanctuaire, en plus d’un vœu national, devienne une « manifestation mondiale ou internationale de la dévotion au Sacré-Cœur ».
À cet égard, dans un article historico-ascétique publié à l’occasion du premier centenaire de la consécration de la basilique (1987), l’érudit Armando Pedrini l’a définie comme : « Un temple qui est donc international en raison de la catholicité et de l’universalité de son message à tous les peuples », compte tenu également de la « position proéminente » de la basilique à côté de la gare ferroviaire dont l’internationalité est reconnue.
Rome-Termini n’est donc pas seulement une grande gare avec des problèmes d’ordre public et un territoire difficile à gérer, dont on parle souvent dans les journaux et comme les gares de nombreuses capitales européennes. Mais c’est aussi la Basilique du Sacré-Cœur de Jésus. Et si le soir et la nuit, la zone n’apporte pas la sécurité aux touristes, pendant la journée, la Basilique distribue la paix et la sérénité aux fidèles qui y entrent, s’y arrêtent pour prier, y reçoivent les sacrements.
Les pèlerins qui passeront par la gare de Termini dans une année sainte pas trop lointaine (2025) s’en souviendront-ils ? Ils n’auront qu’à traverser une rue… et le Sacré-Cœur de Jésus les attend.

PS. À Rome, il existe une deuxième basilique paroissiale salésienne, plus grande et plus riche sur le plan artistique que celle du Sacré-Cœur : il s’agit de celle de Saint Jean Bosco à Tuscolano, qui est devenue telle en 1965, quelques années après son inauguration (1959). Où se trouve-t-elle ? Évidemment dans le quartier Don Bosco (à deux pas des célèbres studios de Cinecittà). Si la statue du clocher de la basilique du Sacré-Cœur domine la place de la gare Termini, la coupole de la basilique de Don Bosco, légèrement inférieure à celle de Saint-Pierre, la regarde en revanche de face, bien que depuis deux points extrêmes de la capitale. Et comme il n’y a pas deux sans trois, il y a une troisième splendide basilique paroissiale salésienne à Rome : celle de Santa Maria Ausiliatrice, dans le quartier Appio-Tuscolano, à côté du grand Institut Pio XI.

Lettre apostolique intitulée Pia Societas, datée du 11 février 2021, par laquelle Sa Sainteté Benoît XV a élevé l’église du Sacré-Cœur de Jésus au rang de Basilique.

Ecclesia parochialis SS.mi Cordis Iesu ad Castrum Praetorium in urbe titulo et privilegiis Basilicae Minoris decoratur.
Benedictus pp. XV

            Ad perpetuam rei memoriam.
            Pia Societas sancti Francisci Salesii, a venerabili Servo Dei Ioanne Bosco iam Augustae Taurinorum condita atque hodie per dissitas quoque orbis regiones diffusa, omnibus plane cognitum est quanta sibi merita comparaverit non modo incumbendo actuose sollerterque in puerorum, orbitate laborantium, religiosam honestamque institutionem, verum etiam in rei catholicae profectum tum apud christianum populum, tum apud infideles in longinquis et asperrimis Missionibus. Eiusdem Societatis sodalibus est quoque in hac Alma Urbe Nostra ecclesia paroecialis Sacratissimo Cordi Iesu dicata, in qua, etsi non abhinc multos annos condita, eximii praesertim Praedecessoris Nostri Leonis PP. XIII iussu atque auspiciis, christifideles urbani, eorumdem Sodalium opera, adeo ad Dei cultum et virtutum laudem exercentur, ut ea vel cum antiquioribus paroeciis in honoris ac meritorum contentionem veniat. Ipsemet Salesianorum Sodalium fundator, venerabilis Ioannes Bosco, in nova Urbis regione, aere saluberrimo populoque confertissima, quae ad Gastrum Praetorium exstat, exaedificationem inchoavit istius templi, et, quasi illud erigeret ex gentis italicae voto et pietatis testimonio erga Sacratissimum Cor Iesu, stipem praecipue ex Italiae christifidelibus studiose conlegit; verumtamen pii homines ex ceteris nationibus non defuerunt, qui, in exstruendum perficiendumque templum istud, erga Ssmum Cor Iesu amore incensi, largam pecuniae vim contulerint. Anno autem MDCCCLXXXVII sacra ipsa aedes, secundum speciosam formam a Virginio Vespignani architecto delineatam, tandem perfecta ac sollemniter consecrata dedicataque est. Eamdem vero postea, magna cum sollertia, Sodales Salesianos non modo variis altaribus, imaginibus affabre depictis et statuis, omnique sacro cultui necessaria supellectili exornasse, verum etiam continentibus aedificiis iuventuti, ut tempora nostra postulant, rite instituendae ditasse, iure ac merito Praedecessores Nostri sunt » laetati, et Nos haud minore animi voluptate probamus. Quapropter cum dilectus filius Paulus Albera, hodiernus Piae Societatis sancti Francisci Salesii rector maior, nomine proprio ac religiosorum virorum quibus praeest, quo memorati templi Ssmi Cordi Iesu dicati maxime augeatur decus, eiusdem urbanae paroeciae fidelium fides et pietas foveatur, Nos supplex rogaverit, ut eidem templo dignitatem, titulum et privilegia Basilicae Minoris pro Nostra benignitate impertiri dignemur; Nos, ut magis magisque stimulos fidelibus ipsius paroeciae atque Urbis totius Nostrae ad Sacratissimum Cor Iesu impensius colendum atque adamandum addamus, nec non benevolentiam, qua Sodales Salesianos ob merita sua prosequimur, publice significemus, votis hisce piis annuendum ultro libenterque censemus. Quam ob rem, conlatis consiliis cum VV. FF. NN. S. R. E. Cardinalibus Congregationi Ss. Rituum praepositis, Motu proprio ac de certa scientia et matura deliberatione Nostris, deque apostolicae potestatis plenitudine, praesentium Litterarum tenore perpetuumque in modum, enunciatum templum Sacratissimo Cordi Iesu dicatum, in hac alma Urbe Nostra atque ad Castrum Praetorium situm, dignitate ac titulo Basilicae Minoris honestamus, cum omnibus et singulis honoribus, praerogativis, privilegiis, indultis quae aliis Minoribus Almae huius Urbis Basilicis de iure competunt. Decernentes praesentes Litteras firmas, validas atque efficaces semper exstare ac permanere, suosque integros effectus sortiri iugiter et obtinere, illisque ad quos pertinent nunc et in posterum plenissime suffragari; sicque rite iudicandum esse ac definiendum, irritumque ex nunc et inane fieri, si quidquam secus super his, a quovis, auctoritate qualibet, scienter sive ignoranter attentari contigerit. Non obstantibus contrariis quibuslibet.

            Datum Romae apud sanctum Petrum sub annulo Piscatoris, die XI februarii MCMXXI, Pontificatus Nostri anno septimo.
P. CARD. GASPARRI, a Secretis Status.

***

L’église paroissiale du Sacré-Cœur de Jésus, située près du Castrum Praetorium dans la ville, est honorée du titre et des privilèges de Basilique Mineure.
Benoît XV

Pour la mémoire éternelle de cette chose.
La Pieuse Société de Saint François de Sales, fondée par le vénérable Serviteur de Dieu Jean Bosco à Turin et aujourd’hui répandue dans les régions les plus éloignées du monde, a acquis des mérites reconnus de tous, non seulement en s’engageant activement et habilement dans l’éducation religieuse et honnête des enfants orphelins, mais aussi dans le progrès de la cause catholique, tant parmi le peuple chrétien que parmi les infidèles dans les Missions lointaines et très difficiles. Les membres de cette même Société possèdent également dans cette Ville Éternelle Notre église paroissiale dédiée au Sacré-Cœur de Jésus, dans laquelle, bien que fondée il n’y a pas si longtemps, sur l’ordre et sous les auspices de Notre éminent Prédécesseur le Pape Léon XIII, les fidèles urbains, grâce à l’œuvre de ces mêmes membres, sont tellement exercés au culte de Dieu et à la louange des vertus, qu’elle rivalise même avec les paroisses plus anciennes en termes d’honneur et de mérites. Le fondateur lui-même des Salésiens, le vénérable Jean Bosco, a commencé la construction de ce temple dans un nouveau quartier de la Ville, à l’air très sain et très peuplé, situé près du Castrum Praetorium, et, comme s’il l’érigeait selon le vœu du peuple italien et comme témoignage de piété envers le Sacré-Cœur de Jésus, il a recueilli avec zèle des aumônes principalement auprès des fidèles d’Italie ; cependant, des personnes pieuses d’autres nations n’ont pas manqué, qui, enflammées par l’amour envers le Sacré-Cœur de Jésus, ont contribué une somme d’argent considérable à la construction et à l’achèvement de ce temple. En l’an 1887, ce même édifice sacré, selon la belle forme dessinée par l’architecte Virginio Vespignani, fut enfin achevé et solennellement consacré et dédié. Nos Prédécesseurs se sont réjouis à juste titre et à bon droit de ce que les Salésiens aient ensuite, avec une grande habileté, non seulement orné ce même édifice de divers autels, d’images habilement peintes et de statues, et de tout le mobilier nécessaire au culte sacré, mais aussi qu’ils l’aient enrichi de bâtiments contigus pour l’éducation de la jeunesse, comme l’exigent nos temps, et Nous approuvons cela avec non moins de joie. C’est pourquoi, puisque notre cher fils Paul Albera, actuel recteur majeur de la Pieuse Société de Saint François de Sales, en son nom propre et au nom des religieux qu’il dirige, afin d’accroître au maximum la splendeur du temple susmentionné dédié au Sacré-Cœur de Jésus, et de favoriser la foi et la piété des fidèles de cette même paroisse urbaine, Nous a humblement demandé de daigner accorder à ce même temple la dignité, le titre et les privilèges de Basilique Mineure par Notre bienveillance ; Nous, afin d’inciter de plus en plus les fidèles de cette paroisse et de toute Notre Ville à cultiver et à aimer plus intensément le Sacré-Cœur de Jésus, et aussi pour manifester publiquement la bienveillance que Nous portons aux Salésiens en raison de leurs mérites, Nous estimons qu’il faut accéder volontiers et de bon gré à ces pieux vœux. C’est pourquoi, après avoir consulté Nos Vénérables Frères les Cardinaux de la Sainte Église Romaine préposés à la Congrégation des Sacrés Rites, de Notre propre Motu proprio et de Notre science certaine et mûre délibération, et en vertu de la plénitude de la puissance apostolique, par la teneur des présentes Lettres et de manière perpétuelle, Nous honorons le temple susmentionné dédié au Sacré-Cœur de Jésus, situé dans cette Ville Éternelle et près du Castrum Praetorium, de la dignité et du titre de Basilique Mineure, avec tous et chacun des honneurs, prérogatives, privilèges, indults qui reviennent de droit aux autres Basiliques Mineures de cette Ville Éternelle. Nous décrétons que les présentes Lettres sont et demeurent toujours fermes, valides et efficaces, qu’elles produisent et obtiennent toujours leurs pleins effets, et qu’elles profitent pleinement à ceux qu’elles concernent maintenant et à l’avenir ; et qu’il doit en être ainsi jugé et défini, et que tout ce qui serait tenté autrement à ce sujet, par quiconque, sous quelque autorité que ce soit, sciemment ou par ignorance, est nul et non avenu dès maintenant. Nonobstant toute disposition contraire.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, sous l’anneau du Pêcheur, le 11 février 1921, la septième année de Notre Pontificat.
P. CARD. GASPARRI, Secrétaire d’État.




Les prophéties de Malachie. Les papes et la fin du monde

Lesdites « Prophéties de Malachie » représentent l’un des textes prophétiques les plus fascinants et controversés sur le destin de l’Église catholique et du monde. Attribuées à Malachie d’Armagh, archevêque irlandais ayant vécu au XIIe siècle, ces prédictions décrivent brièvement, à travers d’énigmatiques devises latines, les souverains pontifes depuis Célestin II jusqu’au dernier pape, le mystérieux « Pierre Second ». Bien qu’elles soient considérées par les chercheurs comme des falsifications modernes remontant à la fin du XVIe siècle, les prophéties continuent de susciter débats, interprétations apocalyptiques et spéculations sur de possibles scénarios eschatologiques. Au-delà de leur authenticité, elles représentent néanmoins un puissant appel à la vigilance spirituelle et à l’attente consciente du jugement dernier.

Malachie d’Armagh. Biographie d’un « Boniface d’Irlande »
Malachie (en irlandais Máel Máedóc Ua Morgair, en latin Malachias) naquit vers 1094 près d’Armagh, dans une famille noble. Il reçut sa formation intellectuelle du savant Imhar O’Hagan et, malgré sa réticence initiale, fut ordonné prêtre en 1119 par l’archevêque Cellach. Après une période de perfectionnement liturgique au monastère de Lismore, Malachie entreprit une intense activité pastorale qui le conduisit à occuper des postes à responsabilité croissante. En 1123, comme Abbé de Bangor, il initia la restauration de la discipline sacramentelle ; nommé Évêque de Down et Connor en 1124, il poursuivit la réforme liturgique et pastorale et en 1132, devenu Archevêque d’Armagh, après de difficiles conflits avec les usurpateurs locaux, il libéra le siège primatial d’Irlande et promut la structure diocésaine sanctionnée par le synode de Ráth Breasail.

Durant son ministère, Malachie introduisit d’importantes réformes en adoptant la liturgie romaine, en remplaçant les héritages monastiques claniques par la structure diocésaine prescrite par le synode de Ráth Breasail (1111) et promut la confession individuelle, le mariage sacramentel et la confirmation.
Pour ces interventions réformatrices, saint Bernard de Clairvaux le compara à saint Boniface, l’apôtre de la Germanie.

Malachie effectua deux voyages à Rome (1139 et 1148) pour recevoir le pallium métropolitain pour les nouvelles provinces ecclésiastiques d’Irlande, et fut à cette occasion nommé légat pontifical. Au retour de son premier voyage, avec l’aide de saint Bernard de Clairvaux, il fonda l’abbaye cistercienne de Mellifont (1142), la première de nombreuses fondations cisterciennes en terre irlandaise. Il mourut lors d’un second voyage vers Rome, le 2 novembre 1148 à Clairvaux, dans les bras de saint Bernard, qui écrivit sa biographie intitulée « Vita Sancti Malachiae ».

En 1190, le pape Clément III le canonisa officiellement, faisant de lui le premier saint irlandais proclamé selon la procédure formelle de la Curie romaine.

La « Prophétie des Papes » : un texte qui apparaît quatre siècles plus tard
À la figure de cet archevêque réformateur fut associée, seulement au XVIe siècle, une collection de 112 devises qui décriraient autant de souverains pontifes : de Célestin II jusqu’à l’énigmatique « Pierre Second », destiné à assister à la destruction de la « ville aux sept collines ».
La première publication de ces prophéties remonte à 1595, lorsque le moine bénédictin Arnold Wion les inséra dans son ouvrage Lignum Vitae, les présentant comme un manuscrit rédigé par Malachie lors de sa visite à Rome en 1139.
Les prophéties consistent en de brèves phrases symboliques censées caractériser chaque pape par des références à son nom, son lieu de naissance, ses armoiries ou des événements significatifs de son pontificat. Ci-dessous sont rapportées les devises attribuées aux derniers souverains pontifes :

109 – De medietate Lunae (« De la moitié de la lune »)
Attribuée à Jean-Paul Ier, qui régna seulement un mois. Il fut élu le 26.08.1978, alors que la lune était au dernier quartier (25.08.1978), et mourut le 28.09.1978, quand la lune était au premier quartier (24.09.1978).

110 – De labore solis (« Du labeur du soleil »)
Attribuée à Jean-Paul II, qui guida l’Église pendant 26 ans, le troisième plus long pontificat de l’histoire après saint Pierre (34-37 ans) et le bienheureux Pie IX (plus de 31 ans). Il fut élu le 16.10.1978, peu après une éclipse solaire partielle (02.10.1978), et mourut le 02.04.2005, quelques jours avant une éclipse solaire annulaire (08.04.2005).

111 – Gloria olivae (« Gloire de l’olivier »)
Attribuée à Benoît XVI (2005-2013). Le cardinal Ratzinger, engagé dans le dialogue œcuménique et interreligieux, choisit le nom de Benoît XVI en continuité avec Benoît XV, pape qui œuvra pour la paix durant la Première Guerre Mondiale, comme il l’expliqua lui-même lors de sa première Audience Générale du 27 avril 2005 (la paix est symbolisée par le rameau d’olivier apporté par la colombe à Noé à la fin du Déluge). Ce lien symbolique fut ultérieurement renforcé par la canonisation, en 2009, de Bernard Tolomei (1272-1348), fondateur de la congrégation bénédictine de Sainte-Marie-du-Mont-Olivet (Moines Olivétains).

112[a] – In persecutione extrema Sanctae Romanae Ecclesiae sedebit
Celle-ci n’est pas proprement une devise, mais une phrase introductive. Dans l’édition originale de 1595, elle apparaît comme une ligne à part, suggérant la possibilité d’insérer d’autres papes entre Benoît XVI et le pape prophétisé sous le nom de « Pierre Second ». Cette interprétation contredirait celle qui identifie nécessairement le Pape François comme le dernier souverain pontife.

112[b] – Petrus Secundus
Fait référence au dernier pape (l’Église a eu comme premier pontife saint Pierre et aura comme dernier pape un autre Pierre) qui guidera les fidèles en des temps de tribulation.
Le paragraphe entier de la prophétie dit :
« In persecutione extrema Sanctae Romanae Ecclesiae sedebit Petrus Secundus, qui pascet oves in multis tribulationibus; quibus transactis, Civitas septicollis diruetur, et Iudex tremendus judicabit populum suum. Amen. »
« Pendant l’ultime persécution de la Sainte Église Romaine siégera Pierre Second, qui paîtra les brebis au milieu de nombreuses tribulations ; à la fin de celles-ci, la ville aux sept collines [Rome] sera détruite, et le Juge redoutable jugera son peuple. Amen. »
« Pierre Second » serait donc le dernier souverain pontife avant la fin des temps, avec une claire référence apocalyptique à la destruction de Rome et au jugement dernier.

Spéculations contemporaines
Au cours de ces dernières années, les interprétations spéculatives se sont multipliées : certains identifient le pape François comme le 112e et dernier pontife, d’autres supposent qu’il est un pape de transition vers le véritable dernier pape, et certains vont même jusqu’à prévoir 2027 comme possible date de la fin des temps.
Cette dernière hypothèse se base sur un curieux calcul : de la première élection papale mentionnée dans la prophétie (Célestin II en 1143) jusqu’à la première publication du texte (durant le pontificat de Sixte V, 1585-1590) s’écoulèrent environ 442 ans ; en suivant la même logique, et en ajoutant 442 autres années depuis la publication, on arriverait à 2027. Ces spéculations, toutefois, manquent de fondement scientifique, car le manuscrit original ne contient aucune référence chronologique explicite.

L’authenticité contestée
Dès l’apparition du texte, de nombreux historiens ont exprimé des doutes sur son authenticité pour diverses raisons :
– absence de manuscrits anciens : il n’existe aucune copie datable d’avant 1595 ;
– style linguistique : le latin utilisé est typique du XVIe siècle, non du XIIe ;
– précision rétrospective : les devises se référant aux papes antérieurs au conclave de 1590 sont étonnamment précises, tandis que celles qui suivent s’avèrent beaucoup plus vagues et facilement adaptables à des événements postérieurs ;
– finalités politiques : à une époque de fortes tensions entre factions curiales, une telle liste prophétique aurait pu influencer l’électorat cardinalice lors du Conclave de 1590.

La position de l’Église
La doctrine catholique enseigne, comme le rapporte le Catéchisme, que le destin de l’Église ne peut être différent de celui de son Chef, Jésus-Christ. Les paragraphes 675-677 décrivent « L’ultime épreuve de l’Église » :

Avant l’avènement du Christ, l’Église doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants. La persécution qui accompagne son pèlerinage sur la terre dévoilera le « mystère d’iniquité » sous la forme d’une imposture religieuse apportant aux hommes une solution apparente à leurs problèmes au prix de l’apostasie de la vérité. L’imposture religieuse suprême est celle de l’Anti-Christ, c’est-à-dire celle d’un pseudo-messianisme où l’homme se glorifie lui-même à la place de Dieu et de son Messie venu dans la chair.
Cette imposture antichristique se dessine déjà dans le monde chaque fois que l’on prétend accomplir dans l’histoire l’espérance messianique qui ne peut s’achever qu’au-delà d’elle à travers le jugement eschatologique. Même sous sa forme mitigée, l’Église a rejeté cette falsification du Royaume à venir sous le nom de millénarisme, surtout sous la forme politique d’un messianisme sécularisé, « intrinsèquement pervers ».
L’Église n’entrera dans la gloire du Royaume qu’à travers cette ultime Pâque où elle suivra son Seigneur dans sa mort et sa Résurrection. Le Royaume ne s’accomplira donc pas par un triomphe historique de l’Église selon un progrès ascendant mais par une victoire de Dieu sur le déchaînement ultime du mal qui fera descendre du Ciel son Épouse. Le triomphe de Dieu sur la révolte du mal prendra la forme du jugement dernier après l’ultime ébranlement cosmique de ce monde qui passe.

En même temps, la doctrine catholique officielle invite à la prudence, se fondant sur les paroles mêmes de Jésus :
« Plusieurs faux prophètes surgiront, et ils séduiront beaucoup de gens » (Mt 24,11).
« Car il surgira des faux Christs et des faux prophètes; ils feront de grands prodiges et des miracles, au point de séduire, s’il était possible, même les élus » (Mt 24,24).

L’Église souligne, suivant l’Évangile de Matthieu (Mt 24,36), que le moment de la fin du monde ne peut être connu des hommes, mais seulement de Dieu lui-même. Et le Magistère officiel – Le Catéchisme (n. 673-679) – réaffirme que personne ne peut « lire » l’heure du retour du Christ.

Les prophéties attribuées à Saint Malachie n’ont jamais reçu d’approbation officielle de l’Église. Cependant, au-delà de leur authenticité historique, elles nous rappellent une vérité fondamentale de la foi chrétienne : la fin des temps arrivera, comme Jésus l’a enseigné.

Depuis deux mille ans, les hommes réfléchissent à cet événement eschatologique, oubliant souvent que la « fin des temps » pour chacun coïncide avec le terme de sa propre existence terrestre. Qu’importe si notre fin de vie coïncidera avec la fin des temps ? Pour beaucoup, ce ne sera pas le cas. Ce qui compte vraiment, c’est de vivre authentiquement la vie chrétienne au quotidien, en suivant les enseignements du Christ et en étant toujours prêts à rendre compte au Créateur et Rédempteur des talents reçus. L’avertissement de Jésus reste toujours actuel : « Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur viendra » (Mt 24,42).
Dans cette optique, le mystère de « Pierre Second » ne représente pas tant une menace de ruine qu’une invitation à la conversion constante et à la confiance dans le dessein divin de salut.




Habemus Papam : Léon XIV

Le 8 mai 2025, jour de la mémoire de la Bienheureuse Vierge du Rosaire de Pompéi, le cardinal Robert Francis Prevost (69 ans) a été élu 267e pontife. Il est le premier pape né aux États-Unis et a choisi le nom de Léon XIV.


Voici son profil biographique essentiel

Naissance : 14 septembre 1955, Chicago (Illinois, États-Unis)
Famille : Louis Marius Prevost (d’origine française et italienne) et Mildred Martínez (d’origine espagnole) ; ses frères Louis Martin et John Joseph
Langues : anglais, espagnol, italien, portugais et français ; lit le latin et l’allemand
Surnom au Pérou : « Latin Yankee » – synthèse de sa double culture
Nationalité : américaine et péruvienne

Formation
– Petit séminaire augustinien (1973)
– Licence en mathématiques, Université de Villanova (1977)
– Master en théologie, Catholic Theological Union, Chicago (1982)
– Licence en droit canonique, Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin – Angelicum (1984)
– Doctorat en droit canonique, Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin – Angelicum (1987), avec une thèse intitulée : « Le rôle du prieur local de l’Ordre de Saint-Augustin »
– Profession religieuse : noviciat Saint-Louis de la province Notre-Dame du Bon Conseil de l’Ordre de Saint-Augustin (1977)
– Vœux solennels (29.08.1981)
– Ordination sacerdotale : 19.06.1982, Rome (par l’archevêque Jean Jadot)

Ministère et fonctions principales
1985-1986 : Missionnaire à Chulucanas, Piura (Pérou)
1987 : Directeur des vocations et directeur des missions de la province augustinienne « Mère du Bon Conseil » d’Olympia Fields, dans l’Illinois (États-Unis)
1988 : Envoyé en mission à Trujillo (Pérou) comme directeur du projet de formation commune des aspirants augustiniens des vicariats de Chulucanas, Iquitos et Apurímac
1988-1992 : Directeur de la communauté
1992-1998 : Enseignant des profès
1989-1998 : Vicaire judiciaire de l’archidiocèse de Trujillo, professeur de droit canonique, de patristique et de morale au Grand Séminaire « San Carlos y San Marcelo »
1999 : Prieur provincial de la province « Mère du Bon Conseil » (Chicago)
2001-2013 : Prieur général des Augustins pour deux mandats (environ 2 700 religieux dans 50 pays)
2013 : enseignant des profès et vicaire provincial dans sa province (Chicago)
2014 : Administrateur apostolique du diocèse de Chiclayo et évêque titulaire de Sufar, Pérou (nomination épiscopale le 03.11.2014)
2014 : consécration épiscopale, en la fête de Notre-Dame de Guadalupe (12.12.2014)
2015 : nommé évêque de Chiclayo (26 septembre 2015)
2018 : 2e vice-président de la Conférence épiscopale du Pérou (8 mars 2018 – 30 janvier 2023)
2020 : Administrateur apostolique de Callao, Pérou (15 avril 2020 – 17 avril 2021)
2023 : Archevêque ad personam (30 janvier 2023 – 30 septembre 2023)
2023 : Préfet du Dicastère pour les Évêques (30.01.2023 [12.04.2023] – 09.05.2025)
2023 : Président de la Commission pontificale pour l’Amérique latine (30 janvier 2023 [12 avril 2023] – 9 mai 2025)
2023 : Créé cardinal-diacre, titulaire de Sainte-Monique des Augustins (30.09.2023 [28.01.2024] – 06.02.2025)
2025 : Promu cardinal-évêque du diocèse suburbicaire d’Albano (06.02.2025 – 08.05.2025)
2025 : Élu Souverain Pontife (08.05.2025)

Service dans la Curie romaine
Il a été membre des dicastères pour l’Évangélisation, Section pour la première évangélisation et les nouvelles Églises particulières ; pour la Doctrine de la Foi ; pour les Églises orientales ; pour le Clergé ; pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique ; pour la Culture et l’Éducation ; pour les Textes législatifs, et de la Commission pontificale pour l’État de la Cité du Vatican

Que le Saint-Esprit illumine son ministère, comme il l’a fait pour le grand saint Augustin.
Prions pour un pontificat fécond et riche d’espérance !




Élection du 266e successeur de saint Pierre

Chaque décès ou renonciation d’un Pontife ouvre l’une des phases les plus délicates de la vie de l’Église catholique : l’élection du Successeur de saint Pierre. Bien que le dernier conclave remonte à mars 2013, lorsque Jorge Mario Bergoglio est devenu le pape François, comprendre comment on élit un pape reste fondamental pour saisir le fonctionnement d’une institution millénaire qui influence plus de 1,3 milliard de fidèles et — indirectement — la géopolitique mondiale.

1. La vacance du siège
Tout commence par la vacance du siège, c’est-à-dire la période qui s’écoule entre la mort (ou la renonciation) du Pontife régnant et l’élection du nouveau. La Constitution apostolique Universi Dominici Gregis, promulguée par Jean-Paul II le 22 février 1996 et mise à jour par Benoît XVI en 2007 et 2013, établit des procédures détaillées.

Constatation de la vacance
En cas de décès, le Cardinal Camerlingue — aujourd’hui le cardinal Kevin Farrell — constate officiellement le décès, ferme et scelle l’appartement pontifical, et notifie l’événement au Cardinal Doyen du Collège cardinalice.
En cas de renonciation, la vacance du siège prend effet à l’heure indiquée dans l’acte de démission, comme ce fut le cas à 20h00 le 28 février 2013 pour Benoît XVI.

Administration ordinaire
Pendant la vacance du siège, le Camerlingue gère matériellement le patrimoine du Saint-Siège mais ne peut accomplir d’actes qui relèvent exclusivement du Pontife (nominations épiscopales, décisions doctrinales, etc.).

Congrégations générales et particulières
Tous les cardinaux — électeurs ou non — présents à Rome se réunissent dans la Salle du Synode pour discuter des questions urgentes. Les « réunions particulières » incluent le Camerlingue et trois cardinaux tirés au sort à tour de rôle ; les « générales » convoquent l’ensemble du collège cardinalice et sont utilisées, entre autres, pour fixer la date de début du conclave.

2. Qui peut élire et qui peut être élu
Les électeurs
Depuis le motu proprio Ingravescentem aetatem (1970) de Paul VI, seuls les cardinaux n’ayant pas atteint 80 ans avant le début de la vacance du siège ont droit de vote. Le nombre maximum d’électeurs est fixé à 120, mais peut être temporairement dépassé en raison de consistoires rapprochés.
Les électeurs doivent :
– être présents à Rome au début du conclave (sauf raisons graves) ;
– prêter serment de garder le secret ;
– loger à la Domus Sanctae Marthae, la résidence voulue par Jean-Paul II pour garantir dignité et discrétion.
La clôture n’est pas un caprice médiéval : elle vise à protéger la liberté de conscience des cardinaux et à préserver l’Église de toute ingérence indue. Violer le secret entraîne l’excommunication automatique.

Les éligibles
En théorie, tout baptisé de sexe masculin peut être élu pape, puisque la charge de Pierre est de droit divin. Cependant, du Moyen Âge à aujourd’hui, le pape a toujours été choisi parmi les cardinaux. Si un non-cardinal ou même un laïc était choisi, il devrait immédiatement recevoir l’ordination épiscopale.

3. Le conclave : étymologie, logistique et symbolisme
Le terme « conclave » vient du latin cum clave, « avec clé » : les cardinaux sont « enfermés » jusqu’à l’élection, pour éviter toute pression extérieure. La clôture est garantie par plusieurs règles :
– Lieux autorisés : Chapelle Sixtine (votes), Domus Sanctae Marthae (logement), un parcours réservé entre les deux bâtiments.
– Interdiction de communication : appareils électroniques remis, interdiction de signaux, contrôle microspy.
– Secret assuré aussi par un serment prévoyant des sanctions spirituelles (excommunication latae sententiae) et canoniques.

4. Ordre du jour typique du conclave
1. Messe « Pro eligendo Pontifice » dans la Basilique Saint-Pierre le matin de l’entrée en conclave.
2. Procession dans la chapelle Sixtine en récitant le Veni Creator Spiritus.
3. Serment individuel des cardinaux, prononcé devant l’Évangéliaire.
4. Extra omnes ! (« Tous dehors ! ») : le Maître des Célébrations liturgiques pontificales congédie les non-électeurs.
5. Premier vote (facultatif) l’après-midi du jour d’entrée.
6. Double vote quotidien (matin et après-midi) suivi du dépouillement.

5. Procédure du vote
Chaque tour suit quatre étapes :
5.1. Praescrutinium. Distribution et remplissage en latin de la bulletin « Eligo in Summum Pontificem… ».
5.2. Scrutinium. Chaque cardinal, portant le bulletin plié, prononce : « Testor Christum Dominum… ». Il dépose le bulletin dans l’urne.
5.3. Postscrutinium. Trois scrutateurs tirés au sort comptent les bulletins, lisent à haute voix chaque nom, l’enregistrent et perforent le bulletin avec une aiguille et du fil.
5.4. Incinération. Bulletins et notes sont brûlés dans un four spécial ; la couleur de la fumée indique le résultat.
Pour être élu, il faut la majorité qualifiée, c’est-à-dire les deux tiers des voix valides.

6. La fumée : noire pour l’attente, blanche pour la joie
Depuis 2005, pour rendre le signal sans équivoque aux fidèles place Saint-Pierre, un réactif chimique est ajouté :
– Fumée noire (fumata nera) : aucun élu.
– Fumée blanche (fumata bianca) : pape est élu, les cloches sonnent.
Après la fumée blanche, il faut encore 30 minutes à une heure avant que le nouveau pape soit annoncé par le Cardinal Diacre sur la place Saint-Pierre. Peu après (de 5 à 15 minutes), le nouveau pape apparaîtra pour donner la bénédiction Urbi et Orbi.

7. « Acceptasne electionem ? » – Acceptation et nom pontifical
Quand quelqu’un atteint le seuil nécessaire, le Cardinal Doyen (ou le plus ancien par ordre et ancienneté juridique, si le Doyen est l’élu) demande : « Acceptasne electionem de te canonice factam in Summum Pontificem ? » (Acceptes-tu l’élection ?). Si l’élu consent — Accepto ! — on lui demande : « Quo nomine vis vocari ? » (Sous quel nom veux-tu être appelé ?). L’adoption du nom est un acte chargé de significations théologiques et pastorales : il rappelle des modèles (François d’Assise) ou des intentions réformatrices (Jean XXIII).

8. Rites suivants immédiatement
8.1 Vestition.
8.2 Entrée dans la Chapelle des Pleurs, où le nouveau pape peut se recueillir.
8.3 Oboedientia : les cardinaux électeurs défilent pour le premier acte d’obéissance.
8.4 Annonce au monde : le cardinal Protodiacre apparaît sur la Loggia centrale avec le célèbre « Annuntio vobis gaudium magnum : habemus Papam ! ».
8.5 Première bénédiction « Urbi et Orbi » du nouveau Pontife.

À partir de ce moment, il prend possession de la charge et commence officiellement son pontificat, tandis que le couronnement avec le pallium pétrinien et l’anneau du Pêcheur a lieu lors de la messe d’inauguration (généralement le dimanche suivant).

9. Quelques aspects historiques et évolution des normes
I–IIIe siècle. Acclamation du clergé et du peuple romain. En l’absence de réglementation stable, l’influence impériale était forte.
1059 – In nomine Domini. Collège cardinalice. Nicolas II limite l’intervention laïque ; naissance officielle du conclave.
1274 – Ubi Periculum. Clôture obligatoire. Grégoire X réduit les manœuvres politiques, instaure la réclusion.
1621–1622 – Grégoire XV. Scrutin secret systématique. Perfectionnement des bulletins ; exigences des deux tiers.
1970 – Paul VI. Limite d’âge à 80 ans. Réduit l’électorat, favorisant des décisions plus rapides.
1996 – Jean-Paul II. Universi Dominici Gregis. Codification moderne du processus, introduit la Domus Sanctae Marthae.

10. Quelques données concrètes de ce conclave
Cardinaux vivants : 252 (âge moyen : 78,0 ans).
Cardinaux votants : 134 (135). Le cardinal Antonio Cañizares Llovera, archevêque émérite de Valence, Espagne, et le cardinal John Njue, archevêque émérite de Nairobi, Kenya, ont annoncé qu’ils ne pourront pas participer au conclave.
Sur les 135 cardinaux votants, 108 (80 %) ont été nommés par le pape François. 22 (16 %) ont été nommés par le pape Benoît XVI. Les 5 restants (4 %) ont été nommés par le pape saint Jean-Paul II.
Parmi les 135 cardinaux votants, 25 ont participé comme électeurs au conclave de 2013.
Âge moyen des 134 cardinaux électeurs participants : 70,3 ans.
Années moyennes de service comme cardinal des 134 cardinaux électeurs participants : 7,1 ans.
Durée moyenne d’un pontificat : environ 7,5 ans.

Début du conclave : 7 mai, Chapelle Sixtine.
Cardinaux votants au conclave : 134. Nombre de votes requis pour l’élection : 2/3, soit 89 votes.

Horaire des votes : 4 votes par jour (2 le matin, 2 l’après-midi).
Après 3 jours complets (ou à définir), le vote est suspendu pendant une journée entière (« pour permettre une pause de prière, une discussion informelle entre les électeurs et une brève exhortation spirituelle »).
Suivent 7 autres tours de scrutin et une autre pause jusqu’à une journée entière.
Suivent 7 autres tours de scrutin et une autre pause jusqu’à une journée entière.
Suivent 7 autres tours de scrutin puis une pause pour évaluer la suite.

11. Dynamiques « internes » non écrites
Malgré le cadre juridique strict, le choix du pape est un processus à la fois spirituel et humain influencé par :
– le profil des candidats (« papabili ») : origine géographique, expériences pastorales, compétences doctrinales.
– les courants ecclésiaux : curial ou pastoral, réformiste ou conservateur, sensibilités liturgiques.
– l’agenda global : relations œcuméniques, dialogue interreligieux, crises sociales (migrants, changement climatique).
– les langues et réseaux personnels : les cardinaux ont tendance à se regrouper par régions (groupe des « Latino-américains », « Africains », etc.) et à échanger informellement lors des repas ou des « promenades » dans les jardins du Vatican.

Un événement à la fois spirituel et institutionnel
L’élection d’un pape n’est pas un simple acte technique comparable à une assemblée d’entreprise. Malgré sa dimension humaine, c’est un acte spirituel guidé essentiellement par l’Esprit Saint.
Le soin apporté aux règles minutieuses — du scellement des portes de la Sixtine à la combustion des bulletins — montre comment l’Église a transformé sa longue expérience historique en un système aujourd’hui perçu comme stable et solennel.
Savoir comment on choisit un pape n’est donc pas qu’une curiosité : c’est comprendre la dynamique entre autorité, collégialité et tradition qui soutient la plus ancienne institution religieuse encore active à l’échelle mondiale. Et, à une époque de changements vertigineux, cette « fumée » qui s’élève du toit de la Sixtine continue de rappeler que des décisions séculaires peuvent encore toucher le cœur de milliards de personnes, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Église.
Que cette connaissance des données et des procédures nous aide à prier plus profondément, comme il convient de le faire avant chaque décision importante qui affecte notre vie.




L’héritage du Pape François

Au milieu du flot d’articles et de commentaires qui ont accompagné ces jours-ci, nous souhaitons simplement exprimer notre gratitude au Pape François pour le patrimoine humain et spirituel qu’il nous laisse :

1. Pour la Miséricorde divine. Merci de nous avoir rappelé sans relâche que « Dieu ne se lasse pas de pardonner » et pour le Jubilé extraordinaire de la Miséricorde.

2. Pour la joie de la foi. Merci de nous avoir enseigné que la foi en Jésus-Christ permet de vivre « sur les ailes de l’espérance » : vraiment Spes non confundit.

3. Pour la dévotion à Marie. Merci pour le témoignage d’une dévotion filiale à la Mère de Dieu, la Très Sainte Vierge Marie.

4. Pour la simplicité désarmante. Merci pour un style de vie sobre qui a traversé chaque geste de son pontificat.

5. Pour la primauté des derniers. Merci d’avoir placé au centre les pauvres, les sans-abri, les réfugiés, les migrants et les prisonniers.

6. Pour la dénonciation de la « culture du déchet ». Merci d’avoir condamné l’exploitation et l’instrumentalisation des personnes, le profit sans scrupules et la consommation effrénée.

7. Pour la valeur de la famille. Merci de nous avoir avertis que les animaux de compagnie ne peuvent pas remplacer les enfants.

8. Pour l’attention aux personnes âgées. Merci d’avoir rappelé que la vie fragile ne doit pas être rejetée : les personnes âgées ne sont pas à euthanasier parce qu’elles seraient inutiles ou non productives, mais elles sont des témoins de paix, d’amour et de bénédiction.

9. Pour la synodalité. Merci d’avoir montré que le christianisme n’est pas un « bricolage », mais une communion avec Dieu et avec les frères.

10. Pour l’ouverture œcuménique. Merci d’avoir recherché l’unité entre les chrétiens par des gestes concrets et courageux.

11. Pour la lutte pour la paix. Merci d’avoir élevé la voix dans un monde déchiré par une « troisième guerre mondiale morcelée ».

12. Pour le regard prophétique sur le temps présent. Merci de nous avoir fait comprendre que nous ne vivons pas simplement une époque de changements, mais le changement d’une époque.

Merci. Que Dieu récompense tout le bien semé sur la terre.




Le Jubilé de 2025 et les basiliques jubilaires

Le 24 décembre 2024, Veille de Noël, le Pape a ouvert la Porte de Bronze dans la Basilique Saint-Pierre, marquant ainsi le début du Jubilé de 2025. Ce geste a été répété par la suite dans d’autres basiliques : le 27 décembre, à l’occasion de la fête de Saint Jean Apôtre et Évangéliste, dans la Basilique du Latran (dont il est co-patron) ; le 1er janvier 2025, solennité de Sainte Marie Mère de Dieu, dans la Basilique Sainte-Marie-Majeure ; enfin, le 5 janvier, Veille de l’Épiphanie, dans la Basilique Saint-Paul hors les Murs.
Ci-dessous, nous expliquons brièvement ce qu’est le Jubilé et quelles sont les basiliques jubilaires où il est possible d’obtenir l’Indulgence plénière.

Origine
Parfois, on confond le premier Jubilé et la première Bulle qui en établit la cadence, mais le Jubilé trouve ses racines dans la législation biblique. C’est Dieu lui-même qui a ordonné à Moïse de célébrer une année « jubilaire » tous les cinquante ans (Lévitique 25). Au fil des siècles, cette pratique a été transmise à la communauté chrétienne, s’adaptant progressivement aux besoins et aux traditions de l’Église.

En 1300, face à l’afflux massif de pèlerins à Rome, le pape Boniface VIII a publié la bulle Antiquorum habet fida relatio, qui n’instituait pas le Jubilé ex novo, mais reconnaissait la tradition séculaire déjà existante. Il mena plusieurs enquêtes, interrogeant même des personnes très âgées, comme un Savoyard de 107 ans qui se souvenait d’avoir été porté à Rome par son père cent ans auparavant, pour obtenir « de grandes Indulgences ». Cette conviction diffuse poussa Boniface VIII à déclarer par un acte solennel ce qui était transmis oralement, à savoir la possibilité d’obtenir l’Indulgence plénière en visitant la Basilique Saint-Pierre durant l’année « séculaire ».

À l’origine, selon la bulle de Boniface VIII, le Jubilé devait être célébré tous les cent ans. Cependant, les échéances changèrent au fil du temps :
– Le pape Clément VI le réduisit à tous les cinquante ans (reprenant ainsi la cadence de l’Ancien Testament) ;
– Le pape Grégoire XI le fixa tous les trente-trois ans, en mémoire des années de vie de Jésus ;
– Le pape Paul II établit finalement la cadence de vingt-cinq ans, afin que le plus de fidèles possible, y compris les jeunes, puissent bénéficier de cette grâce au moins une fois dans leur vie (compte tenu de la faible espérance de vie de l’époque).

En plus des Jubilés « ordinaires » (tous les 25 ans), des Jubilés « extraordinaires » sont parfois proclamés pour des circonstances particulières ou des nécessités de l’Église. Les trois derniers Jubilés extraordinaires ont été :
– 1933-1934 : Jubilé extraordinaire de la Rédemption (1900e anniversaire de la Rédemption du Christ, traditionnellement datée de l’an 33 après J.-C.) ;
– 1983-1984 : Jubilé extraordinaire de la Rédemption (1950e anniversaire de la Rédemption du Christ) ;
– 2015-2016 : Jubilé extraordinaire de la Miséricorde (pour mettre au centre le thème de la Miséricorde).
Comme tous ne pouvaient se rendre à Rome, les Papes ont accordé la possibilité d’obtenir l’Indulgence plénière également à ceux qui, pour des raisons économiques ou d’autre nature, ne pouvaient pas voyager. À la place du pèlerinage, d’autres œuvres de piété, de pénitence et de charité pouvaient être accomplies, comme cela se fait encore aujourd’hui.

Signification et esprit du Jubilé
Le Jubilé est un temps fort de pénitence et de conversion, visant à la rémission des péchés et à la croissance dans la grâce de Dieu. En particulier, l’Église nous invite à :

1. Renouveler la mémoire de notre Rédemption et susciter une vive gratitude envers le Divin Sauveur.
2. Raviver en nous la foi, l’espérance et la charité.
3. Nous prémunir, grâce aux lumières particulières que le Seigneur accorde en cette période de grâce, contre les erreurs, l’impiété, la corruption et les scandales qui nous entourent.
4. Réveiller et accroître l’esprit de prière, arme fondamentale du chrétien.
5. Cultiver la pénitence du cœur, corriger les comportements et réparer par les bonnes œuvres les péchés qui attirent sur nous la colère de Dieu.
6. Obtenir, par la conversion des pécheurs et le perfectionnement des justes, que Dieu anticipe dans sa miséricorde le triomphe de la vérité enseignée par l’Église.

Un des moments culminants pour le fidèle durant le Jubilé est le passage par la Porte Sainte, geste qui doit être précédé d’un parcours de préparation lointaine (prière, pénitence et charité) et d’une préparation proche (l’accomplissement des conditions pour recevoir l’Indulgence plénière). Il est important de rappeler qu’on ne peut pas recevoir l’Indulgence plénière si l’on se trouve en état de péché grave.

Les conditions pour recevoir l’Indulgence plénière sont :
1. Confession sacramentelle.
2. Communion eucharistique.
3. Prière aux intentions du Saint-Père (un Notre Père et un Je vous salue).
4. Disposition intérieure de total détachement du péché, même véniel (c’est-à-dire la ferme volonté de ne plus vouloir offenser Dieu).
Si la pleine disposition fait défaut ou si toutes les conditions ne sont pas respectées, l’indulgence est seulement partielle.

Informations sur le Jubilé de 2025
Comme d’habitude, ce Jubilé a également été convoqué par une Bulle d’Indiction, intitulée Spes non confundit, consultable ICI. Des Normes sur la Concession de l’Indulgence durant le Jubilé Ordinaire de 2025 sont également disponibles et lisibles ICI. Le site web officiel du Jubilé de 2025, avec des informations sur l’organisation, les événements, le calendrier et plus encore, se trouve ICI.

Dans la tradition jubilaire de l’Église Catholique, les pèlerins, arrivés à Rome, effectuent un « pieux pèlerinage » dans les églises enrichies d’indulgence. Cette coutume remonte à l’époque des premiers chrétiens, qui aimaient prier sur les tombes des apôtres et des martyrs, certains de recevoir des grâces particulières par l’intercession de Saint Pierre, de Saint Paul et des nombreux martyrs qui ont imprégné la terre de Rome de leur sang.

En 2025, plusieurs parcours de pèlerinage ont été proposés, et dans chacune des églises signalées il est possible d’obtenir l’Indulgence plénière. Toutes les basiliques et églises mentionnées ci-après ont été enrichies de cette grâce jubilaire.

1. Itinéraire des quatre Basiliques Papales
Les quatre Basiliques Papales de Rome sont :
1.1 Saint-Pierre au Vatican
1.2 Saint-Jean de Latran
1.3 Sainte-Marie-Majeure
1.4 Saint-Paul hors les Murs

2. Pèlerinage des 7 églises
Le pèlerinage des Sept Églises, initié par Saint Philippe Néri au XVIe siècle, est l’une des traditions romaines les plus anciennes. L’itinéraire, long d’environ 25 km, traverse toute la ville, comprenant également la campagne romaine et les catacombes. En plus des quatre Basiliques Papales, il inclut :
2.5 Basilique Saint-Laurent hors les Murs
2.6 Basilique Sainte-Croix de Jérusalem
2.7 Basilique Saint-Sébastien hors les Murs

3. « Iter Europaeum »
L’Iter Europaeum est un pèlerinage à travers 28 églises et basiliques de Rome, chacune associée à un des États membres de l’Union Européenne pour sa valeur artistique, culturelle ou pour la tradition d’accueil des pèlerins venant de ce pays spécifique.

4. Femmes Patronnes d’Europe et Docteurs de l’Église
Ce parcours offre l’opportunité de mieux connaître les saintes européennes, en particulier celles reconnues comme Patronnes de l’Europe ou Docteurs de l’Église. L’itinéraire conduit les pèlerins à travers les ruelles du Rione Monti, la Piazza della Minerva et d’autres lieux emblématiques de Rome, à la découverte de figures féminines de grande importance dans l’histoire du catholicisme.

5. Catacombes chrétiennes
Lieux à la fois historiques et sacrés, où sont conservés les restes mortels de nombreux saints et martyrs.

6. Autres Églises Jubilaires
Dans ces églises, des catéchèses en différentes langues permettent de redécouvrir le sens de l’Année Sainte. Il sera également possible de s’approcher du sacrement de la Réconciliation et d’enrichir son expérience de foi par la prière.

Basiliques ou églises enrichies d’Indulgence plénière
Pour faciliter la visite et la dévotion, nous présentons ici la liste de toutes les basiliques et églises enrichies d’Indulgence plénière pour le Jubilé de 2025, accompagnée de liens vers les sites du Jubilé, Google Maps, les pages web officielles des lieux de culte et d’autres informations utiles. Trois d’entre elles ont été répétées car elles sont incluses dans deux catégories (Basilique Sainte-Marie sopra Minerva, Saint-Paul alla Regola et Sainte-Brigitte au Campo de Fiori).





Basiliques
papales (4)

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1

Basilique
Saint-Pierre au Vatican

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2

Archibasilique
Saint-Jean du Latran

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3

Basilique
Saint-Paul hors les Murs

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4

Basilique
Sainte-Marie-Majeure

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Pèlerinage
des sept Églises (4 papales+3)

5

Basilique
Saint-Laurent hors les Murs

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6

Basilique
Sainte-Croix de Jérusalem

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7

Basilique
Saint-Sébastien hors les Murs

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Catacombes
chrétiennes visitables (7)

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8

Catacombes Saint-Pancrace (Via Vitellia)

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9

Catacombes Domitilla (Via Ardeatina)

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10

Catacombes Saint-Calixte (Via Appia)

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11

Catacombes Saint-Sébastien (Via Appia)

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12

Catacombes Saints Marcellin et Pierre (Via
Labicana)

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13

Catacombes Sainte-Agnès (Via Nomentana)

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14

Catacombes Priscille (Via Salaria nova)

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Iter
Europaeum (28)

15

Basilique
Sainte-Marie in Aracoeli

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16

Saint-Nom-de-Marie
au Forum de Trajan

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17

Saint-Julien
des Flamands

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18

Saint-Paul
alla Regola

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19

Basilique
Sainte-Marie in via Lata

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20

Saint-Jérôme
des Croates

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21

Sainte-Marie
in Traspontina

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22

Basilique
Sainte-Sabine sur l’Aventin

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23

Basilique
Sainte-Marie sopra Minerva

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24

Saint-Louis
des Français

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25

Sainte-Marie
dell’Anima (Institut Pontifical Teutonique)

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26

Saint-Théodore
au Palatin

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27

Saint-Isidore
a Capo le Case

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28

Basilique
Sainte-Marie des Anges et des Martyrs

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29

Basilique
des Quatre-Saints-Couronnés

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30

Saint-Nom-de-Jésus
(Il Gesù)

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31

Basilique
du Sacré-Cœur de Jésus à Castro
Pretorio

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32

Saint-Paul
aux Trois-Fontaines

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33

Saints
Michel et Magne

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34

Saint-Stanislas
des Polonais

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35

Saint-Antoine
des Portugais

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36

Basilique
Saint-Clément du Latran

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Saint-Sauveur
alle Coppelle

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Basilique
Sainte-Praxède

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39

Basilique
Sainte-Marie-Majeure

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Saint-Pierre
in Montorio

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41

Sainte-Brigitte
au Campo de Fiori

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Basilique
Saint-Étienne Rotondo del Monte Celio

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Femmes
Patronnes d’Europe et Docteurs de l’Église (7)

43

Basilique
Sainte-Marie sopra Minerva (Sainte Catherine de Sienne)

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44

Sainte-Brigitte
au Campo de Fiori (Sainte Brigitte de Suède)

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45

Sainte-Marie
della Vittoria (Sainte Thérèse d’Avila)

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46

Trinité-des-Monts
(Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus)

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47

Basilique
Sainte-Cécile du Trastevere (Sainte Hildegarde de Bingen)

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Basilique
Saint-Augustin in Campo Marzio

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49

Saint-Yves
de la Sagesse (Sainte Thérèse-Bénédicte
de la Croix, Edith Stein)

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Les
Églises jubilaires (12)

50

Saint-Paul
alla Regola

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51

Saint-Sauveur
in Lauro

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52

Sainte-Marie
in Vallicella

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53

Sainte-Catherine
de Sienne

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54

Saint-Esprit
des Napolitains

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55

Sainte-Marie
du Suffrage

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Basilique
Saint-Jean-Baptiste des Florentins

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57

Basilique
Sainte-Marie de Montserrat des Espagnols

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58

Basilique
des Saints Sylvestre et Martin

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59

Sainte
Prisca

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60

Basilique
Saint-André delle Fratte

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61

Sanctuaire
Notre-Dame del Divino Amore

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Autres
églises indulgenciées (1)

62

Santo
Spirito in Sassia

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Les cardinaux protecteurs de la Société Salésienne de Saint Jean Bosco

Dès le début, la Société salésienne a eu, comme beaucoup d’autres ordres religieux, un cardinal protecteur. Au fil du temps, jusqu’au Concile Vatican II, il y a eu neuf cardinaux protecteurs, un rôle d’une grande importance pour la croissance de la Société salésienne.

L’institution de cardinaux protecteurs pour les congrégations religieuses est une tradition ancienne qui remonte aux premiers siècles de l’Église, lorsque le pape nommait des défenseurs et des représentants de la foi. Au fil du temps, cette pratique s’est étendue aux ordres religieux, auxquels un cardinal a été assigné pour protéger leurs droits et leurs prérogatives auprès du Saint-Siège. La Société salésienne de Saint Jean Bosco a également bénéficié de cette faveur, puisque plusieurs cardinaux l’ont représentée et protégée dans les affaires ecclésiastiques.

Origine du rôle de cardinal protecteur
La coutume d’avoir un protecteur remonte aux premiers siècles de l’Empire romain, lorsque Romulus, le fondateur de Rome, créa deux ordres sociaux : les patriciens et les plébéiens. Chaque plébéien pouvait élire un patricien comme protecteur, établissant ainsi un système d’avantages mutuels entre les deux classes sociales. Cette pratique a ensuite été adoptée par l’Église. L’un des premiers exemples de protecteur ecclésiastique est saint Sébastien, nommé défenseur de l’Église de Rome par le pape Caïus en 283 après J.-C.

Au XIIIe siècle, l’attribution de cardinaux protecteurs aux ordres religieux est devenue une pratique établie. Saint François d’Assise fut l’un des premiers à demander un cardinal protecteur pour son ordre. À la suite d’une vision dans laquelle ses frères étaient attaqués par des oiseaux de proie, François demanda au pape de leur assigner un cardinal comme protecteur. Innocent III accepta et nomma le cardinal Ugolino Conti, neveu du pape. Dès lors, les ordres religieux ont suivi cette tradition pour obtenir protection et soutien dans leurs relations avec l’Église.

Cette pratique s’est répandue presque par nécessité, car les nouveaux ordres mendiants et itinérants avaient un mode de vie différent de celui des moines à résidence fixe, bien connus des évêques locaux. Les distances géographiques, les différents systèmes politiques des lieux où les nouveaux ordres religieux opéraient et les difficultés de communication de l’époque nécessitaient une figure d’autorité qui connaissait parfaitement leurs problèmes et leurs besoins. Cette personnalité pouvait les représenter auprès de la Curie romaine, défendre leurs droits et leurs intérêts et intercéder auprès du Saint-Siège en cas de besoin. Le cardinal protecteur n’avait pas de juridiction ordinaire sur les ordres religieux ; son rôle était celui d’un protecteur bienveillant, même si, dans des circonstances particulières, il pouvait recevoir des pouvoirs délégués.

Cette pratique s’étendit également aux autres ordres religieux et, dans le cas de la Société salésienne, les cardinaux protecteurs ont joué un rôle crucial en assurant la reconnaissance et la protection de la jeune congrégation, en particulier dans ses premières années, lorsqu’elle essayait de se consolider au sein de la structure de l’Église catholique.

Le choix du cardinal protecteur
Les relations entre Don Bosco et la hiérarchie ecclésiastique étaient complexes, surtout dans les premières années de la fondation de la congrégation. Tous les cardinaux et évêques ne voyaient pas d’un bon œil le modèle éducatif et pastoral proposé par Don Bosco, en partie à cause de son approche novatrice et en partie à cause de son insistance à s’adresser aux classes les plus pauvres et défavorisées.

Le choix d’un cardinal protecteur ne s’est pas fait au hasard, mais avec beaucoup de soin. En général, on cherchait un cardinal qui connaissait l’ordre ou qui avait montré de l’intérêt pour le type de travail effectué par la congrégation. Dans le cas des Salésiens, il s’agissait de trouver des cardinaux qui s’intéressaient particulièrement à la jeunesse, à l’éducation ou aux missions, car il s’agissait des principaux domaines d’activité de la Société. Bien entendu, la nomination finale dépendait du pape et de la Secrétairerie d’État.

Le rôle du cardinal protecteur pour les salésiens
Pour la Société salésienne, le cardinal protecteur était une figure clé dans son interaction avec le Saint-Siège, servant de médiateur en cas de conflit, assurant l’interprétation correcte des règles canoniques et veillant à ce que les besoins de l’ordre soient compris et respectés. Contrairement à certaines congrégations plus anciennes, qui avaient déjà établi une relation solide avec les autorités ecclésiastiques, les Salésiens, nés à une époque de changements sociaux et religieux rapides, ont eu besoin d’un soutien important pour faire face aux défis initiaux, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

L’un des aspects les plus importants du rôle du cardinal protecteur était sa capacité à soutenir les salésiens dans leurs relations avec le pape et la Curie. Ce rôle de médiateur et de protecteur a fourni à la congrégation un canal direct vers les échelons supérieurs de l’Église, leur permettant d’exprimer des préoccupations et des demandes qui, autrement, auraient pu être ignorées ou reportées. Le cardinal protecteur était également chargé de veiller à ce que la Société salésienne se conforme aux directives du pape et de l’Église, en s’assurant que leur mission restait conforme à l’enseignement catholique.

Lors d’une de ses visites à Rome en février 1875, Don Bosco demanda au Saint-Père Pie IX la grâce d’avoir un cardinal protecteur :

« Au cours de la même audience, il demanda au Pape s’il devait, comme les autres congrégations religieuses, demander un cardinal protecteur. Le Pape lui répondit textuellement : Tant que je vivrai, je serai toujours votre protecteur et celui de votre congrégation » (MB XI, 113).

Cependant, conscient de la nécessité de disposer d’une personne de référence ayant l’autorité nécessaire pour accomplir diverses tâches pour la Société salésienne, Don Bosco revint en 1876 demander au Pape un cardinal protecteur :

« Ayant alors demandé que, pour démêler nos affaires ecclésiastiques à Rome, il nous assigne un cardinal protecteur pour plaider nos causes auprès du Saint-Siège, comme le font tous les autres ordres et congrégations, il me dit en souriant : – Mais combien de protecteurs voulez-vous ? Vous n’en avez pas assez d’un ? – Il m’a fait comprendre : je veux être votre cardinal protecteur ; en voulez-vous encore plus ? En entendant des paroles d’une telle bonté, je l’ai remercié de tout cœur et je lui ai dit : – Saint-Père, quand vous dites cela, je ne cherche plus d’autre défenseur. » (MB XII, 221-222).

Après cette réponse satisfaisante, Don Bosco obtint cependant un cardinal protecteur au cours de la même année 1876 :

« 3° J’ai demandé un cardinal protecteur pour me mettre en communication avec Sa Sainteté. Au début, il m’a semblé qu’il souhaitait lui-même être notre protecteur, mais lorsque je lui ai fait remarquer que le cardinal protecteur était en fait un référendaire des choses salésiennes auprès de Sa Sainteté, que nous ne pouvions pas traiter ces questions dans les Sacrées Congrégations parce que nous étions loin, Sa Sainteté serait notre Protecteur de facto et le Cardinal s’occuperait de nos affaires dans les différents dicastères et qu’il en référerait ensuite à Sa Sainteté. – Dans ce sens, tout va bien, a-t-il ajouté, et je communiquerai tout cela à la Congrégation des Évêques et Religieux.Le cardinal Oreglia sera le protecteur de nos Missions, des Coopérateurs salésiens, de l’Œuvre de Marie-Auxiliatrice, de l’Archiconfrérie des Dévots de Marie-Auxiliatrice et de toute la Congrégation salésienne pour les affaires qui devront être traitées à Rome auprès du Saint-Siège ». (MB XIII, 496-497)

Don Bosco mentionne ce cardinal dans son écrit « La plus belle fleur du collège apostolique ou l’élection de Léon XIII » (pp. 193-194) :

« XXVIII. Cardinal Luigi Oreglia
Luigi Oreglia dei Baroni di S. Stefano honore le Piémont comme le cardinal Bilio, car il est né à Benevagienna dans le diocèse de Mondovì le 9 juillet 1828. Il fit ses études de théologie à Turin sous la direction de nos valeureux professeurs, qui admiraient son esprit de discernement et son infatigable amour du travail. Il se rendit ensuite à Rome, à l’Académie ecclésiastique, où il acheva avec brio son éducation religieuse et se consacra à l’étude des langues, en particulier de l’allemand, langue dans laquelle il est très doué. Entré dans la prélature, il fut nommé le 15 avril 1858 référendaire de la Signature, puis envoyé comme internonce à La Haye en Hollande, d’où il se rendit au Portugal, après avoir été préconisé archevêque de Damiette, succédant dans cette importante charge diplomatique au très éminent cardinal Perrieri. Au Portugal il trouva certaines traditions de Pombal encore vivantes, qu’il combattit avec beaucoup d’intelligence et de courage. Ce qui lui valut de ne pas être trop apprécié par les gouvernants de l’époque. Il retourna à Rome et pour montrer que si s’il cessait de représenter le Saint-Siège au Portugal, ce n’était pas pour un quelconque démérite, le Saint-Père le créa et le publia cardinal au Consistoire du 22 décembre 1873, en lui donnant le titre de Sainte-Anastasie et en le nommant préfet de la Sacrée Congrégation des Indulgences et des Saintes Reliques. Le cardinal Oreglia allie aux nobles manières du gentilhomme les vertus du prêtre exemplaire. Il a été toujours cher à Pie IX, qui aimait sa conversation pleine de réserve et de grâce. Il va lentement avant de s’engager dans une affaire, mais lorsqu’il donne sa parole, il ne craint ni la fatigue ni les ennuis pourvu que tout aille bien. Il est très généreux en aumônes. Le nouveau Pontife le tient en haute estime et l’a confirmé dans la charge de préfet de la Sacrée Congrégation des Indulgences et des Saintes Reliques ».

Le cardinal Luigi Oreglia fut protecteur des Salésiens de 1876 à 1878, bien qu’il ait déjà exercé cette fonction de manière informelle avant 1876.

Mais le premier cardinal protecteur officiel des Salésiens fut Lorenzo Nina, qui exerça cette fonction de 1879 à 1885. Léon XIII accéda à la demande de Don Bosco d’avoir un cardinal protecteur pour la Société, et la notification officielle arriva après l’audience du 29 mars 1879 :

Six jours après cette audience, dans une note de la Secrétairerie d’État portant la signature de Mgr Serafino Cretoni, Don Bosco fut officiellement informé de la nomination du Protecteur, en ces termes fort honorables : « La Sainteté de Notre-Seigneur, souhaitant que la Congrégation salésienne, qui acquiert chaque jour de nouveaux titres à la bienveillance spéciale du Saint-Siège pour ses œuvres de charité et de foi implantées dans plusieurs parties du monde, ait un protecteur spécial, a daigné confier cet office au Cardinal Lorenzo Nina, son Secrétaire d’État  ». À l’époque de Pie IX, le cardinal Oreglia exerçait la fonction de Protecteur, mais seulement à titre officieux, car ce Pontife s’était réservé la protection de la Société, qui avait besoin d’une assistance spéciale et paternelle à ses débuts. Mais à présent, elle avait un Protecteur proprement dit, à l’instar des autres congrégations religieuses. Le choix ne pouvait pas tomber sur un prélat plus bienveillant, qui avait connu Don Bosco avant le cardinalat, le tenait en très haute estime et avait pour lui une affection sincère. Sollicité par Don Bosco pour être le Protecteur des Salésiens, il se montra très disposé, en lui disant : – Je ne pourrais pas me proposer moi-même au Saint-Père pour cet office, mais si le Saint-Père me le dit, j’accepte tout de suite. – Il donna une preuve éloquente de ses bonnes dispositions lorsque le Bienheureux proposa à Son Éminence, qui avait tant à faire, de lui adjoindre une personne qui s’occuperait de l’affaire des Missions. Le Cardinal répondit : – Non, non ; je veux que nous nous en occupions directement ; venez demain à quatre heures et demie, et nous en parlerons mieux. C’est un miracle de voir une Congrégation s’élever en ces temps sur les ruines des autres, à une époque où l’on voudrait tout détruire. – Le Bienheureux a pu constater souvent combien cette protection affectueuse lui était bénéfique. De retour à Turin et après avoir informé le Chapitre Supérieur de la désignation pontificale de Protecteur, il envoya au Cardinal, au nom de toute la Congrégation, une lettre de remerciement pour avoir daigné accepter cette charge, et d’hommage très cordial et de prière pour les Missions et peut-être aussi pour les privilèges. C’est ce que nous laisse supposer la réponse de Son Éminence ». (MB XIV, 78-79)

Désormais, la Congrégation salésienne aura toujours un cardinal protecteur très influent au sein de la Curie romaine.

Outre cette figure officielle, il y a toujours eu d’autres cardinaux et hauts prélats qui, comprenant l’importance de l’éducation, ont soutenu les Salésiens. Il s’agit des cardinaux Alessandro Barnabò (1801-1874), Giuseppe Berardi (1810-1878), Gaetano Alimonda (1818-1891), Luigi Maria Bilio (1826-1884), Luigi Galimberti (1836-1896), Augusto Silj (1846-1926) et bien d’autres encore.

Liste des Protecteurs de la Société salésienne de Saint Jean Bosco :

  Cardinal Protecteur SDB Période Nomination
  Le bienheureux pape Pie IX    
1 Luigi OREGLIA 1876-1878  
2 Lorenzo NINA 1879-1885 29.03.1879 (MB XIV,78-79)
3 Lucido Maria PAROCCHI 1886-1903 12.04.1886 (ASV, Segr. Stato, 1886, prot. 66457 ; ASC D544, Cardinal Protecteurs, Parocchi)
4 Mariano RAMPOLLA DEL TINDARO 1903-1913 31.03.1093 (lettre du cardinal Rampolla à Don Rua)
5 Pietro GASPARRI 1914-1934 09.10.1914 (AAS 1914-006, p. 22)
6 Eugenio PACELLI (Pie XII) 1935-1939 02.01.1935 (AAS 1935-027, p.116)
7 Vincenzo LA PUMA 1939-1943 24.05.1939 (AAS 1939-031, p. 281)
8 Carlo SALOTTI 1943-1947 29.12.1943 (AAS 1943-036, p. 61)
9 Benedetto Aloisi MASELLA 1948-1970 10.02.1948 (AAS 1948-040, p.165)

Le dernier protecteur des Salésiens a été le cardinal Benedetto Aloisi Masella. Le rôle des protecteurs a été annulé en 1964 par la Secrétairerie d’État lors du Concile Vatican II. Les protecteurs en exercice sont restés jusqu’à leur mort, et avec eux la charge qu’ils avaient reçue a également disparu.

Cela est arrivé parce que, dans le contexte contemporain, le rôle du cardinal protecteur a perdu de sa pertinence formelle. L’Église catholique a connu de nombreuses réformes au cours du XXe siècle, et nombre des fonctions autrefois déléguées aux cardinaux protecteurs ont été intégrées dans les structures officielles de la Curie romaine ou ont été rendues obsolètes par les changements intervenus dans la gouvernance ecclésiastique. Cependant, même si la figure du cardinal protecteur n’existe plus avec les mêmes prérogatives que par le passé, le concept de protection ecclésiastique reste important.

Aujourd’hui, les Salésiens, comme beaucoup d’autres congrégations, maintiennent une relation étroite avec le Saint-Siège à travers divers dicastères et bureaux de la Curie, en particulier le Dicastère pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique. En outre, de nombreux cardinaux continuent à soutenir personnellement la mission des Salésiens, même sans le titre officiel de protecteur. Cette proximité et ce soutien restent essentiels pour que la mission salésienne continue à répondre aux défis du monde contemporain, en particulier dans le domaine de l’éducation des jeunes et celui des missions.

L’institution des cardinaux protecteurs de la Société salésienne a été un élément crucial de sa croissance et de sa consolidation. Grâce à la protection offerte par ces éminentes personnalités ecclésiastiques, Don Bosco et ses successeurs ont pu accomplir la mission salésienne avec plus de sérénité et de sécurité, sachant qu’ils pouvaient compter sur le soutien du Saint-Siège. Le rôle des cardinaux protecteurs s’est avéré essentiel non seulement pour défendre les droits de la congrégation, mais aussi pour favoriser son expansion dans le monde, en contribuant à la diffusion du charisme de Don Bosco et de son système éducatif.




Un cœur grand comme les rivages de la mer

Un temps nouveau nous est donné : du Cœur de Dieu au cœur de l’humanité, dans le miroir du grand cœur de Don Bosco.

Chers amis et lecteurs ! Dans ce numéro de décembre, je vous adresse mes meilleurs vœux pour le Nouvel An. Vœux pour le temps nouveau qui nous est donné à vivre avec intensité et dans une « nouveauté de vie ». Et, comme vœu propice et opportun, je fais mien le don que le Saint-Père nous a fait ces derniers jours : la Lettre encyclique Dilexit Nos sur l’amour humain et divin du Cœur de Jésus-Christ.
Nous, salésiens, avons l’habitude de chanter : « Dieu t’a donné un cœur grand / comme le sable de la mer / Dieu t’a donné son esprit / il a libéré ton amour ».
Le pape Pie XI, qui l’a bien connu, disait de Don Bosco qu’il avait une « très belle particularité » : il était « un grand amoureux des âmes » ; il voyait les âmes « dans la pensée, dans le cœur, dans le sang de notre Seigneur Jésus-Christ ». Après tout, dans les armoiries de notre Congrégation, il y a un cœur enflammé.
Dans le numéro 2 de Dilexit nos le Pape François présente ainsi le thème de son encyclique : « Pour exprimer l’amour de Jésus, on utilise souvent le symbole du cœur. Certains se demandent s’il a encore un sens aujourd’hui. Mais quand nous sommes tentés de naviguer en surface, de vivre dans l’urgence sans savoir finalement pourquoi, de devenir des consommateurs insatiables et des esclaves des rouages d’un marché qui ne s’intéresse pas au sens de notre existence, nous avons besoin de retrouver l’importance du cœur ».
Combien forte est cette indication de notre Pape pour nous indiquer une nouvelle manière de vivre, dans le temps nouveau qui nous est donné, l’année à venir.
Au n° 21, le pape François écrit : « Le noyau de tout être humain, son centre le plus intime, n’est pas le noyau de l’âme mais de toute la personne dans son identité unique qui est à la fois âme et corps. Tout s’unifie dans le cœur qui peut être le siège de l’amour avec la totalité de ses composantes spirituelles, émotionnelles et même physiques. En définitive, si l’amour y règne, la personne réalise son identité de manière pleine et lumineuse, car tout être humain a été créé avant tout pour l’amour, il est fait dans ses fibres les plus profondes pour aimer et être aimé. »
Et il ajoute au numéro 27 de la même encyclique : « Devant le Cœur de Jésus vivant et présent, notre esprit comprend, éclairé par l’Esprit, les paroles de Jésus. Notre volonté se met donc en mouvement pour les mettre en pratique. Mais cela pourrait rester une forme de moralisme autosuffisant. Sentir et goûter le Seigneur, et l’honorer, est une affaire de cœur. Seul le cœur est capable de mettre les autres facultés et passions, et toute notre personne, dans une attitude de révérence et d’obéissance amoureuse au Seigneur. »
Je ne m’attarde pas davantage, espérant vous avoir mis en appétit pour lire cette splendide Lettre encyclique, qui n’est pas seulement un grand cadeau pour vivre de façon nouvelle le temps qui nous est donné – ce qui serait déjà suffisant – mais aussi une indication profondément « salésienne ».
Combien Don Bosco a écrit et travaillé pour diffuser précisément la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, comme amour divin qui accompagne notre réalité humaine !

Un magnifique encouragement
Dans les Mémoires biographiques au volume VIII, 243-244, nous trouvons cette affirmation concernant Don Bosco : « La dévotion au Sacré-Cœur, si ardente dans son cœur, animait toutes ses œuvres, donnait de l’efficacité à ses propos familiers, à ses sermons et à l’exercice de son ministère, de sorte que nous en étions tous enchantés et convaincus (témoignage de Don Bonetti). D’autre part, il nous semblait que le Sacré-Cœur coopérait avec lui dans l’accomplissement de sa difficile mission, y compris par des aides surnaturelles ».
Ce témoignage sur la dévotion de Don Bosco au Sacré-Cœur s’identifie « plastiquement » à la Basilique du même nom, construite par Don Bosco à Rome à la demande du Pape de l’époque.
L’édifice matériel rappelle et nous rappelle à tous la dévotion « monumentale » de Don Bosco au Sacré-Cœur. Comme pour la Vierge, comme pour le Sacré-Cœur, la dévotion de Don Bosco se manifeste dans les églises qu’il a construites. Car la dévotion au Sacré-Cœur, c’est l’Eucharistie, c’est le culte eucharistique.
Le cœur de Don Bosco, toujours amoureux de l’Eucharistie, est pour nous un magnifique encouragement personnel pour rendre tout cela vivant et vrai au cours de la nouvelle année. À vous tous mes souhaits sincères et profonds, pour que la nouvelle année soit vécue en plénitude. Comme le dit l’hymne : « Tu as formé des hommes / au cœur sain et fort : / tu les as envoyés dans le monde pour proclamer / l’Évangile de la joie ».
J’aime conclure ce bref message, en souhaitant à tous une bonne année, en citant l’image que le pape François évoque dans les premières pages de l’encyclique à propos des enseignements de sa grand-mère sur la signification du nom des biscuits de carnaval, les busie (mensonges) : lorsqu’ils sont cuits, la pâte gonfle et reste vide… il y a une apparence extérieure, mais qui correspond à un vide à l’intérieur ; ils ont l’air d’être vus de l’extérieur mais ils n’y a rien, ce sont des « mensonges ».
Que la nouvelle année soit pour nous tous pleine, riche de substance, et qu’elle se concrétise dans l’accueil de Dieu qui vient parmi nous.
Que Sa venue apporte la paix et la vérité, et que ce qui se voit de l’extérieur corresponde à ce qui est à l’intérieur !
À vous tous, de tout cœur, mes meilleurs vœux !