Apparition de la Bienheureuse Vierge sur la montagne de La Salette

Don Bosco propose un récit détaillé de l’ « Apparition de la Bienheureuse Vierge sur la montagne de La Salette », survenue le 19 septembre 1846, basé sur des documents officiels et les témoignages des voyants. Il reconstitue le contexte historique et géographique – deux jeunes bergers, Maximin et Mélanie, sur les hauteurs des Alpes – la rencontre prodigieuse avec la Vierge, son message d’avertissement contre le péché et la promesse de grâces et d’aides providentielles, ainsi que les signes surnaturels qui accompagnèrent leur manifestation. Il présente les circonstances de la diffusion du culte, l’influence spirituelle sur les habitants et sur le monde entier, et le secret révélé seulement à Pie IX pour revigorer la foi des chrétiens et témoigner de la présence continuelle des prodiges dans l’Église.

Protestation de l’Auteur
            Pour obéir aux décrets d’Urbain VIII, je déclare que je n’entends attribuer qu’une autorité humaine à tout ce qui sera dit dans ce livre au sujet de miracles, de révélations ou d’autres faits ; et en donnant à quelqu’un le titre de Saint ou de Bienheureux, je n’entends le donner que selon l’opinion commune ; excepté les choses et les personnes qui ont déjà été approuvées par le Saint-Siège Apostolique.

Au lecteur
            Un fait certain et merveilleux, attesté par des milliers de personnes, et que tous peuvent encore vérifier aujourd’hui, est l’apparition de la bienheureuse Vierge, survenue le 19 septembre 1846. (Sur ce fait extraordinaire, on peut consulter de nombreux livres et plusieurs journaux contemporains du fait, notamment : Notizia sull’apparizione di Maria SS. (Turin, 1847) ; Sunto officiale dell’apparizione, etc., 1848 ; le livret imprimé par les soins du P. Giuseppe Gonfalonieri, Novara, chez Enrico Grotti).
Notre bonne Mère est apparue sous la forme et la figure d’une grande Dame à deux petits bergers, un enfant de 11 ans et une jeune paysanne de 15 ans, là-haut sur une montagne de la chaîne des Alpes située dans la paroisse de La Salette en France. Elle est apparue non seulement pour le bien de la France, comme le dit l’évêque de Grenoble, mais pour le bien du monde entier. Elle est venue pour nous avertir de la grande colère de son Divin Fils, provoquée spécialement par trois péchés : le blasphème, la profanation des fêtes et le fait de manger gras les jours défendus.
À cela s’ajoutent d’autres faits prodigieux recueillis également par des documents publics, ou attestés par des personnes absolument dignes de foi.
Ces faits servent à confirmer les bons dans la religion, à réfuter ceux qui, peut-être par ignorance, voudraient mettre une limite à la puissance et à la miséricorde du Seigneur en disant : Nous ne sommes plus au temps des miracles.
Jésus a dit qu’il y aura dans son Église des miracles plus grands que ceux qu’il a accomplis, sans fixer le temps et le nombre. C’est pourquoi, tant qu’il y aura l’Église, nous verrons toujours la main du Seigneur manifester sa puissance par des événements prodigieux. Car hier et aujourd’hui et toujours, Jésus-Christ sera celui qui gouverne et assiste son Église jusqu’à la consommation des siècles.
Mais ces signes sensibles de la Toute-Puissance Divine sont toujours le présage d’événements graves qui manifestent la miséricorde et la bonté du Seigneur, ou bien sa justice et son indignation, mais en vue de sa plus grande gloire et pour le plus grand bien des âmes.
Faisons en sorte qu’ils soient pour nous une source de grâces et de bénédictions. Qu’ils servent d’incitation à une foi vive, à une foi laborieuse, à une foi qui nous pousse à faire le bien et à fuir le mal pour nous rendre dignes de sa miséricorde infinie dans le temps et dans l’éternité.

Apparition de la Vierge Marie sur les montagnes de la Salette
            Maximin, fils de Pierre Giraud, menuisier du village de Corps, était un enfant de 11 ans. Françoise Mélanie, fille de parents pauvres, native de Corps, était une fille de 15 ans. Ils n’avaient rien de singulier : tous deux ignorants et frustes, tous deux occupés à garder le bétail sur les montagnes. Maximin ne savait que le Pater et l’Ave ; Mélanie en savait un peu plus, mais à cause de son ignorance, elle n’avait pas encore été admise à la sainte Communion.
Envoyés par leurs parents pour conduire le bétail dans les pâturages, ce fut par pur hasard que le 18 septembre, veille du grand événement, ils se rencontrèrent sur la montagne, tandis qu’ils abreuvaient leurs vaches à une fontaine.
Le soir de ce jour, en rentrant chez eux avec le bétail, Mélanie dit à Maximin : « Demain, qui sera le premier sur la Montagne ? » Et le lendemain, 19 septembre, qui était un samedi, ils y montèrent ensemble, chacun conduisant quatre vaches et une chèvre. La journée était belle et sereine, le soleil brillait. Vers midi, en entendant sonner la cloche de l’Angélus, ils firent une courte prière avec le signe de la sainte Croix. Puis ils prirent leurs provisions de bouche et allèrent manger près d’une petite source, qui était à gauche d’un ruisseau. Ayant fini de manger, ils traversèrent le ruisseau, déposèrent leurs sacs près d’une fontaine sèche, descendirent encore quelques pas, et, contrairement à leur habitude, s’endormirent à quelque distance l’un de l’autre.
Écoutons maintenant le récit des bergers eux-mêmes, tel qu’ils le firent le soir du 19 à leurs maîtres, puis mille fois à des milliers de personnes.
« Nous nous étions endormis, raconte Mélanie. Je me suis réveillée la première et, ne voyant pas mes vaches, j’ai réveillé Maximin en lui disant : Allons chercher nos vaches. Nous avons traversé le ruisseau, nous sommes montés un peu, et nous les avons vues couchées de l’autre côté. Elles n’étaient pas loin. Alors je suis redescendue quand tout à coup, à cinq ou six pas avant d’arriver au ruisseau, j’ai vu une clarté comme le Soleil, mais encore plus brillante et pas de la même couleur, et j’ai dit à Maximin : Viens, viens vite voir là-bas une clarté. (Il était entre deux et trois heures de l’après-midi).
Maximin descendit aussitôt en me disant : Où est cette clarté ? Et je la lui indiquai avec le doigt tourné vers la petite fontaine. Quand il la vit, il s’arrêta. C’est alors qu’au milieu de la lumière nous avons vu une Dame. Elle était assise sur un tas de pierres, le visage dans les mains. Prise de peur, j’ai laissé tomber mon bâton. Maximin me dit : tiens le bâton ; si elle nous fait quelque chose, je lui donnerai un bon coup de bâton.
Ensuite, la Dame se leva, croisa les bras et nous dit : « Avancez, mes enfants. N’ayez pas peur ; je suis ici pour vous donner une grande nouvelle. » Alors nous traversâmes le ruisseau, et elle s’avança jusqu’à l’endroit où nous nous étions endormis. Elle était au milieu de nous deux et elle pleurait tout le temps qu’elle nous parla (j’ai très bien vu ses larmes). Elle nous dit : « Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis contrainte de laisser aller la main de mon Fils. Elle est si forte, si lourde, que je ne peux plus la retenir. »
« Il y a longtemps que je souffre pour vous ! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je dois le prier constamment ; et vous autres n’en tenez pas compte. Vous aurez beau prier et agir, jamais vous ne pourrez compenser les préoccupations que j’ai pour vous. »
« Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis réservé le septième, et on ne veut pas me l’accorder. C’est ce qui rend la main de mon Fils si lourde. »
« Si les pommes de terre se gâtent, c’est entièrement de votre faute. Je vous l’ai fait voir l’année dernière (1845), et vous n’avez pas voulu en tenir compte, et en trouvant des pommes de terre gâtées, vous blasphémiez en y mêlant le nom de mon Fils. »
« Elles continueront à se gâter, et cette année pour Noël vous n’en aurez plus (1846). »
« Si vous avez du blé, vous ne devez pas le semer. Tout ce que vous sèmerez sera mangé par les vers, et ce qui naîtra ira en poussière, quand vous le battrez. »
« Il arrivera une grande famine. » (Il y eut en effet une grande famine en France, et sur les routes on trouvait des troupes de mendiants affamés, qui se rendaient par milliers dans les villes pour mendier. Pendant que chez nous en Italie le prix du blé augmentait au début du printemps 1847, en France, pendant tout l’hiver 1846-1847, on souffrit beaucoup de la faim. Mais la véritable pénurie d’aliments, la véritable famine eut lieu lors des désastres de la guerre de 1870-1871. À Paris, un grand personnage offrit à ses amis un somptueux repas gras le Vendredi Saint. Quelques mois plus tard, dans cette même ville, les citoyens les plus aisés furent contraints de se nourrir d’aliments grossiers et de viandes d’animaux parmi les plus répugnants. Nombreux furent ceux qui moururent de faim).
« Avant que la pénurie d’aliments n’arrive, les enfants de moins de sept ans seront pris d’un tremblement et mourront entre les mains des personnes qui les tiendront. Les autres feront pénitence pour la pénurie. »
« Les noix se gâteront, et les raisins pourriront… » (En 1849, les noix se gâtèrent partout ; quant au raisin, tous se plaignent encore des dommages et des pertes subies. Chacun se souvient de l’immense dommage que la cryptogame causa au raisin dans toute l’Europe pendant plus de vingt ans, de 1849 à 1869).
« S’ils se convertissent, les pierres et les rochers se changeront en tas de blé, et les pommes de terre seront produites par la terre elle-même. »
Puis elle nous dit :
« Dites-vous bien vos prières, mes enfants ? »
Nous répondîmes tous deux : « Pas très bien, Madame. »
« Ah ! mes enfants, vous devez bien les dire le soir et le matin. Quand vous n’avez pas le temps, dites au moins un Pater et un Ave Maria : et quand vous aurez le temps, dites-en plus. »
« À la Messe, il n’y a que quelques vieilles femmes, et les autres travaillent le dimanche tout l’été. En hiver les jeunes, quand ils ne savent que faire, vont à la Messe pour ridiculiser la religion. Pendant le carême, on va à la boucherie comme des chiens. »
Puis elle dit : « N’as-tu jamais vu, mon garçon, du blé gâté ? »
Maximin répondit : « Oh ! non, Madame. » Ne sachant à qui elle posait cette question, je répondis à voix basse :
« Non, Madame, je n’en ai pas encore vu. »
« Vous devez en avoir vu, mon garçon (s’adressant à Maximin), une fois vers la commune de Coin avec votre père. Le propriétaire du champ a dit à votre père d’aller voir son blé gâté ; vous y êtes allés tous les deux. Vous avez pris quelques épis dans vos mains ; en les frottant, ils sont tous tombés en poussière, et vous êtes revenus chez vous. Quand vous étiez encore à une demi-heure de Corps, votre père vous a donné un morceau de pain en vous disant : Prends, mon fils, mange encore du pain cette année ; je ne sais pas qui en mangera l’année prochaine, si le blé continue à se gâter ainsi. »
Maximin répondit : « Oh ! oui, Madame, maintenant je me souviens ; il y a quelque temps, je ne m’en souvenais plus. »
Après cela, la Dame nous dit : « Eh bien, mes enfants, vous le ferez savoir à tout mon peuple. »
Puis elle traversa le ruisseau, et à deux pas de distance, sans se tourner vers nous, elle nous dit de nouveau : « Eh bien, mes enfants, vous le ferez savoir à tout mon peuple. »
Elle monta ensuite une quinzaine de pas, jusqu’à l’endroit où nous étions allés chercher nos vaches. Mais en marchant sur l’herbe, ses pieds ne touchaient que le sommet. Nous l’avons suivie. Je suis passée devant la Dame et Maximin un peu de côté, à deux ou trois pas de distance. Et la belle Dame s’est élevée ainsi (Mélanie fait un geste en levant la main d’un mètre et plus). Elle resta suspendue dans l’air un moment. Ensuite Elle tourna son regard vers le Ciel, puis vers la terre. Après quoi nous ne vîmes plus la tête… plus les bras… plus les pieds… Elle semblait se fondre. On ne vit plus qu’une clarté dans l’air, et après cela la clarté disparut.
Je dis à Maximin : « C’est peut-être une grande sainte ? » Maximin me répondit : « Oh ! si nous avions su que c’était une grande sainte, nous lui aurions dit de nous emmener avec elle. » Et je lui dis : « Et si elle était encore là ? » Alors Maximin tendit vivement la main pour avoir un peu de cette clarté, mais tout avait disparu. Nous avons bien observé, pour savoir si nous ne la voyions plus.
Et je dis : « Elle ne veut pas se montrer pour ne pas nous faire savoir où elle va. Après cela, nous sommes allés derrière nos vaches. »
Tel est le récit de Mélanie, Quand on l’interrogea sur la façon dont cette Dame était vêtue, elle répondit :
« Elle avait des chaussures blanches avec des roses autour… Il y en avait de toutes les couleurs. Elle avait des bas jaunes, un tablier jaune, une robe blanche toute parsemée de perles, un fichu blanc au cou entouré de roses, un grand bonnet qui pendait un peu en avant avec une couronne de roses autour. Elle avait une chaînette, à laquelle était suspendue une croix avec son Christ : à droite une tenaille, à gauche un marteau. À l’extrémité de la Croix pendait une autre grande chaîne, comme les roses autour de son fichu au cou. Elle avait le visage blanc, allongé. Je ne pouvais pas la regarder longtemps, car elle nous éblouissait. »
Interrogé séparément, Maximin fait exactement le même récit, sans aucune variation, ni sur la substance ni même sur la forme, ce qui nous dispense de le répéter ici.
Infinies et extravagantes sont les questions insidieuses qui leur furent posées, surtout pendant deux ans, et au cours d’interrogatoires de 5, 6 ou 7 heures de suite, dans l’intention de les embarrasser, de les confondre, de les amener à se contredire. Il est certain que jamais peut-être aucun coupable n’a subi un interrogatoire aussi difficile devant les tribunaux de justice concernant le crime qui lui était imputé.

Secret des deux petits bergers
            Immédiatement après l’apparition, Maximin et Mélanie, en rentrant chez eux, se sont interrogés mutuellement : pourquoi la grande Dame, après avoir dit que « les raisins pourriront », a tardé un peu à parler et ne faisait que bouger les lèvres, sans faire entendre ce qu’elle disait ?
En s’interrogeant à ce sujet l’un l’autre, Maximin dit à Mélanie : « Elle m’a dit quelque chose, mais elle m’a interdit de te le dire. » Ils se rendirent compte tous les deux qu’ils avaient reçu de la Dame, chacun séparément, un secret avec l’interdiction de le révéler à d’autres. Mais crois-tu, mon cher lecteur, que les enfants peuvent se taire ?
Il est impossible de dire combien d’efforts et de tentatives ont été faits pour leur arracher ce secret d’une manière ou d’une autre. Il est étonnant de lire les mille et une tentatives employées à cette fin par des centaines et des centaines de personnes pendant vingt ans. Prières, surprises, menaces, injures, cadeaux et séductions de toutes sortes, tout fut vain ; ils restent impénétrables.
L’évêque de Grenoble, un vieillard de quatre-vingts ans, crut de son devoir d’ordonner aux deux enfants privilégiés de faire au moins parvenir leur secret au Saint-Père Pie IX. Au nom du Vicaire de Jésus-Christ, les deux petits bergers obéirent promptement et décidèrent de révéler un secret que rien n’avait pu leur arracher jusqu’alors. Ils l’ont donc écrit eux-mêmes (à partir du jour de l’apparition, on les avait mis à l’école, et chacun séparément). Puis ils ont plié et scellé leur lettre, et tout cela en présence de personnes respectables, choisies par l’évêque lui-même comme témoins. Ensuite, l’évêque envoya deux prêtres porter cette mystérieuse dépêche à Rome.
Le 18 juillet 1851, ils remirent à Sa Sainteté Pie IX trois lettres : une de Monseigneur l’évêque de Grenoble, qui accréditait ses deux envoyés, et les deux autres qui contenaient le secret des deux enfants de La Salette. Chacun d’eux avait écrit et scellé sa lettre contenant son secret en présence de témoins qui avaient déclaré l’authenticité de celles-ci sur la couverture.
Sa Sainteté ouvrit les lettres, en commençant à lire celle de Maximin. « Il y a vraiment ici, dit-il, la candeur et la simplicité d’un enfant. » Pendant cette lecture, une certaine émotion se manifesta sur le visage du Saint-Père ; ses lèvres se contractèrent, ses joues se gonflèrent. « Il s’agit, dit le Pape aux deux prêtres, il s’agit de fléaux dont la France est menacée. Elle n’est pas la seule coupable. L’Allemagne, l’Italie, l’Europe entière le sont aussi, et elles méritent des châtiments. Je crains beaucoup l’indifférence religieuse et le respect humain. »

Concours de fidèles à La Salette
            La fontaine, près de laquelle la Dame, c’est-à-dire la Vierge Marie, s’était reposée, était à sec, comme nous l’avons dit, et de l’avis de tous les bergers et habitants des environs, elle ne donnait de l’eau qu’après d’abondantes pluies et après la fonte des neiges. Or cette fontaine, qui était à sec le jour même de l’apparition, commença à jaillir le lendemain, et depuis cette époque, l’eau coule claire et limpide, sans interruption.
Cette montagne nue, escarpée, déserte, habitée par les bergers à peine quatre mois de l’année, est devenue le théâtre d’un immense rassemblement de foules. Des populations entières affluent de toutes parts vers cette montagne privilégiée. Pleurant de tendresse, et chantant des hymnes et des cantiques, on les voit s’incliner sur cette terre bénie où a résonné la voix de Marie. On les voit embrasser respectueusement le lieu sanctifié par les pieds de Marie, et ils en descendent remplis de joie, de confiance et de reconnaissance.
Chaque jour, un nombre immense de fidèles va visiter pieusement le lieu du prodige. Lors du premier anniversaire de l’apparition (19 septembre 1847), plus de soixante-dix mille pèlerins de tout âge, de tout sexe, de toute condition et même de toute nation occupaient la surface de ce terrain…
Mais ce qui fait sentir encore plus la puissance de cette voix venue du Ciel, c’est qu’il s’est produit un admirable changement de mœurs chez les habitants de Corps, de La Salette, de tout le canton et de tous les environs ; il se répand et se propage dans des régions lointaines… Les gens ont cessé de travailler le dimanche, ils ont abandonné le blasphème… Ils fréquentent l’Église, accourent à la voix de leurs Pasteurs, s’approchent des saints Sacrements, accomplissent avec édification le précepte de Pâques jusqu’alors généralement négligé. Je passe sous silence les nombreuses et éclatantes conversions, et les grâces extraordinaires d’ordre spirituel.
Au lieu de l’apparition s’élève maintenant une majestueuse Église avec un très vaste bâtiment, où les voyageurs peuvent se restaurer confortablement et même y passer la nuit à leur gré, après avoir satisfait leur dévotion.

Après l’événement de La Salette, Mélanie fut envoyée à l’école où elle fit des progrès merveilleux dans les connaissances et dans la vertu. Mais elle se sentit toujours si enflammée de dévotion envers la Bienheureuse Vierge Marie qu’elle décida de se consacrer entièrement à Elle. Elle entra de fait chez les Carmélites déchaussées parmi lesquelles, selon le journal Echo de Fourvière du 22 octobre 1870, elle sera appelée au ciel par la Sainte Vierge. Peu avant de mourir, elle écrivit la lettre suivante à sa mère.

11 septembre 1870.

Ma très chère mère bien-aimée,

Que Jésus soit aimé de tous les cœurs. – Cette lettre n’est pas seulement pour vous, mais pour tous les habitants de mon cher village de Corps. Un père de famille, plein d’amour pour ses enfants, voyant qu’ils oubliaient leurs devoirs, méprisaient la loi que Dieu leur avait imposée, et devenaient ingrats, résolut de les châtier sévèrement. L’épouse du Père de famille demandait grâce, et en même temps elle se rendait auprès des deux plus jeunes enfants du Père de famille, c’est-à-dire ceux qui étaient les plus faibles et les plus ignorants. L’épouse qui ne peut pleurer dans la maison de son époux (qui est le Ciel) trouve dans les champs de ces misérables enfants des larmes en abondance. Elle expose ses craintes et ses menaces si l’on ne revient pas en arrière, si l’on n’observe pas la loi du Maître de maison. Un très petit nombre de personnes embrasse la réforme du cœur, et se met à observer la sainte loi du Père de famille. Mais, hélas, la majorité reste dans le mal et s’y enfonce toujours plus. Alors le Père de famille envoie des châtiments pour les punir et pour les tirer de cet état d’endurcissement. Ces malheureux enfants, qui pensent pouvoir se soustraire au châtiment, saisissent et brisent les verges qui les frappent au lieu de tomber à genoux, de demander grâce et miséricorde, et surtout de promettre de changer de vie. Enfin le père de famille, encore plus irrité, prend une verge encore plus forte. Il frappe et frappera jusqu’à ce qu’on le reconnaisse, qu’on s’humilie et qu’on demande miséricorde à Celui qui règne sur la terre et dans les cieux.
Vous m’avez comprise, chère mère et chers habitants de Corps : ce Père de famille, c’est Dieu. Nous sommes tous ses enfants. Ni moi ni vous ne l’avons aimé comme nous aurions dû. Nous n’avons pas accompli, comme il convenait, ses commandements ; maintenant Dieu nous châtie. Un grand nombre de nos frères soldats meurent, des familles et des villes entières sont réduites à la misère, et si nous ne nous tournons pas vers Dieu, ce n’est pas fini. La ville de Paris est très coupable parce qu’elle a récompensé un homme mauvais qui a écrit contre la divinité de Jésus-Christ. Les hommes n’ont qu’un temps pour commettre des péchés, mais Dieu est éternel, et il châtie les pécheurs. Dieu est irrité par la multiplicité des péchés, et parce qu’il est presque inconnu et oublié. Or, qui pourra arrêter la guerre qui fait tant de mal en France, et qui recommencera bientôt en Italie ? etc. etc. Qui pourra arrêter ce fléau ?
Il faut 1° que la France reconnaisse que dans cette guerre il y a uniquement la main de Dieu ; 2° qu’elle s’humilie et demande avec l’esprit et le cœur le pardon de ses péchés ; qu’elle promette sincèrement de servir Dieu avec l’esprit et le cœur, et d’obéir à ses commandements sans respect humain. Certains prient, demandent à Dieu le triomphe pour nous, les Français. Non, ce n’est pas ce que veut le bon Dieu : il veut la conversion des Français. La Bienheureuse Vierge est venue en France, et celle-ci ne s’est pas convertie : elle est donc plus coupable que les autres nations. Si elle ne s’humilie pas, elle sera grandement humiliée. Paris, ce foyer de vanité et d’orgueil, qui pourra la sauver si des prières ferventes ne s’élèvent pas au cœur du bon Maître ?
Je me souviens, chère mère et chers habitants de mon cher village, je me souviens de ces pieuses processions que vous faisiez sur la sainte montagne de La Salette, afin que la colère de Dieu ne frappe pas votre pays ! La Sainte Vierge a écouté vos ferventes prières, vos pénitences et tout ce que vous avez fait par amour de Dieu. Je pense et j’espère qu’actuellement vous devez d’autant plus faire de belles processions pour le salut de la France, c’est-à-dire pour que la France revienne à Dieu, car Dieu n’attend que cela pour retirer la verge dont il se sert pour flageller son peuple rebelle. Prions donc beaucoup, oui, prions. Faites vos processions, comme vous les avez faites en 1846 et 1847. Croyez que Dieu écoute toujours les prières sincères des cœurs humbles. Prions beaucoup, prions toujours. Je n’ai jamais aimé Napoléon, car je me rappelle toute sa vie. Puisse le divin Sauveur lui pardonner tout le mal qu’il a fait, et qu’il fait encore !
Rappelons-nous que nous sommes créés pour aimer et servir Dieu, et qu’en dehors de cela il n’y a pas de vrai bonheur. Que les mères élèvent chrétiennement leurs enfants, car le temps des tribulations n’est pas fini. Si je vous révélais leur nombre et leur nature, vous en seriez horrifiés. Mais je ne veux pas vous effrayer. Ayez confiance en Dieu, qui nous aime infiniment plus que nous ne pouvons l’aimer. Prions, prions, et la bonne, la divine, la tendre Vierge Marie sera toujours avec nous. La prière désarme la colère de Dieu, la prière est la clé du Paradis.
Prions pour nos pauvres soldats, prions pour tant de mères désolées par la perte de leurs enfants, consacrons-nous à notre bonne Mère céleste, prions pour ces aveugles qui ne voient pas que c’est la main de Dieu qui frappe maintenant la France. Prions beaucoup et faisons pénitence. Restez tous attachés à la sainte Église, et à notre Saint-Père qui en est le Chef visible et le Vicaire de Notre Seigneur Jésus-Christ sur la terre. Dans vos processions, dans vos pénitences, priez beaucoup pour lui. Enfin, maintenez-vous en paix, aimez-vous comme des frères, promettez à Dieu d’observer ses commandements et de les observer vraiment. Et par la miséricorde de Dieu vous serez heureux, et vous ferez une bonne et sainte mort, que je souhaite à tous en vous plaçant tous sous la protection de l’auguste Vierge Marie. J’embrasse de tout cœur (les parents). Mon salut est dans la Croix. Le cœur de Jésus veille sur moi.

Marie de la Croix, victime de Jésus

Première partie de la publication « Apparition de la Bienheureuse Vierge sur la montagne de La Salette avec d’autres faits prodigieux, recueillis de documents publics par le prêtre Giovanni Bosco », Turin, Typographie de l’Oratoire Saint François de Sales, 1871.




La conversion

Dialogue entre un homme récemment converti au Christ et un ami incroyant :
– Alors tu t’es converti au Christ ?
– Oui.
– Alors tu dois savoir beaucoup de choses sur lui. Dis-moi, dans quel pays est-il né ?
– Je ne sais pas.
– Quel âge avait-il quand il est mort ?
– Je ne sais pas.
– Combien de livres a-t-il écrits ?
– Je ne sais pas.
– Tu en sais décidément bien peu pour un homme qui prétend s’être converti au Christ !
– Tu as raison. J’ai honte du peu que je sais sur lui. Mais ce que je sais, c’est qu’il y a trois ans, j’étais un ivrogne. J’étais très endetté. Ma famille s’effondrait. Ma femme et mes enfants redoutaient mon retour à la maison tous les soirs. Mais aujourd’hui, j’ai arrêté de boire, nous n’avons plus de dettes, notre foyer est heureux, mes enfants attendent avec impatience que je rentre le soir. Tout cela, le Christ l’a fait pour moi. Voilà ce que je sais du Christ.

Ce qui importe le plus, c’est précisément la manière dont Jésus change notre vie. Il faut le souligner avec force : suivre Jésus, c’est changer notre regard sur Dieu, sur les autres, sur le monde et sur nous-mêmes. C’est une autre façon de vivre et une autre façon de mourir que celle préconisée par l’opinion courante. C’est le mystère de la « conversion ».

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Le syndrome de Philippe et celui d’André

Dans le récit de l’Évangile de Jean, chapitre 6, versets 4-14, qui présente la multiplication des pains, nous trouvons certains détails sur lesquels je m’attarde un peu longuement chaque fois que je médite ou commente ce passage.

Tout commence lorsque, face à la « grande » foule affamée, Jésus invite les disciples à prendre la responsabilité de leur donner à manger.
Le premier de ces détails est la réaction de Philippe, qui affirme qu’il est impossible de répondre à cet appel en raison de la multitude présente. André, quant à lui, tout en faisant remarquer qu’« il y a ici un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons », sous-estime ensuite cette même possibilité par un simple commentaire : « mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ? » (v.9).
Je souhaite simplement partager avec vous, chers lecteurs et lectrices, comment nous, chrétiens, qui sommes appelés à partager la joie de notre foi, pouvons parfois être contaminés sans le savoir par le syndrome de Philippe ou celui d’André. Parfois même par les deux !
Dans la vie de l’Église, comme aussi dans la vie de la Congrégation et de la Famille Salésienne, les défis ne manquent pas et ne manqueront jamais. Notre vocation n’est pas de former un groupe de personnes où l’on cherche seulement à être bien, sans déranger et sans être dérangé. Ce n’est pas une expérience faite de certitudes préfabriquées. Faire partie du corps du Christ ne doit pas nous distraire ni nous éloigner de la réalité du monde, telle qu’elle est. Au contraire, cela nous pousse à être pleinement impliqués dans les événements de l’histoire humaine. Cela signifie avant tout regarder la réalité non seulement avec nos yeux humains, mais aussi, et surtout, avec les yeux de Jésus. Nous sommes invités à répondre aux défis, guidés par l’amour qui trouve sa source dans le cœur de Jésus, c’est-à-dire vivre pour les autres comme Jésus nous l’enseigne et nous le montre.

Le syndrome de Philippe
Le syndrome de Philippe est subtil et c’est pourquoi il est aussi très dangereux. L’analyse que fait Philippe est juste et correcte. Sa réponse à l’invitation de Jésus n’est pas fausse. Son raisonnement suit une logique humaine très linéaire et sans défaut. Il regardait la réalité avec des yeux humains, avec un esprit rationnel et, en fin de compte, sans issue. Face à cette manière de procéder « raisonnable », l’affamé cesse de m’interpeller, le problème est le sien, pas le mien. Pour être plus précis à la lumière de ce que nous vivons quotidiennement : le réfugié aurait pu rester chez lui, il ne doit pas me déranger ; le pauvre et le malade se débrouillent seuls et il ne m’appartient pas de faire partie de leur problème, encore moins de leur trouver la solution. Voilà le syndrome de Philippe. C’est un disciple de Jésus, mais sa manière de voir et d’interpréter la réalité est encore figée, non remise en question, à des années-lumière de celle de son maître.

Le syndrome d’André
Vient ensuite le syndrome d’André. Je ne dis pas qu’il est pire que le syndrome de Philippe, mais il s’en faut de peu pour qu’il soit plus tragique. C’est un syndrome subtil et cynique : il voit une opportunité possible, mais ne va pas plus loin. Il y a une toute petite espérance, mais humainement, elle n’est pas réalisable. Alors on en vient à disqualifier aussi bien le don que le donateur. Et le donateur à qui, dans ce cas, échoit la « malchance », est un jeune garçon qui est simplement prêt à partager ce qu’il a !
Deux syndromes qui sont encore avec nous, dans l’Église et aussi parmi nous, pasteurs et éducateurs. Étouffer une petite espérance est plus facile que de laisser place à la surprise de Dieu, une surprise qui peut faire éclore une espérance, même petite. Se laisser conditionner par des clichés dominants pour ne pas explorer des opportunités qui défient les lectures et interprétations réductrices, est une tentation permanente. Si nous ne faisons pas attention, nous devenons les prophètes et les exécuteurs de notre propre ruine. À force de rester enfermés dans une logique humaine, « académiquement » raffinée et « intellectuellement » qualifiée, l’espace pour une lecture évangélique devient de plus en plus limité, et finit par disparaître.
Lorsque cette logique humaine et horizontale est mise en crise, l’un des signes qu’elle suscite pour se défendre est celui du « ridicule ». Celui qui ose défier la logique humaine parce qu’il laisse entrer l’air frais de l’Évangile, sera couvert de ridicule, attaqué, tourné en dérision. Quand cela arrive, nous pouvons dire que nous sommes face à une voie prophétique. Les eaux sont agitées.

Jésus et les deux syndromes
Jésus dépasse les deux syndromes en « prenant » les pains considérés comme peu nombreux et par conséquent insignifiants. Jésus ouvre la porte à cet espace prophétique et de foi que nous sommes appelés à habiter. Face à la foule, nous ne pouvons pas nous contenter de faire des lectures et des interprétations autoréférentielles. Suivre Jésus implique d’aller au-delà du raisonnement humain. Nous sommes appelés à regarder les défis avec ses yeux. Quand Jésus nous appelle, il ne nous demande pas des solutions mais le don de tout nous-mêmes, avec ce que nous sommes et ce que nous avons. Le risque est que, face à son appel, nous restions immobiles, esclaves par conséquent de notre pensée et avides de ce que nous croyons posséder.
Ce n’est que dans la générosité fondée sur l’abandon à sa Parole que nous parvenons à recueillir l’abondance de l’action providentielle de Jésus. « Ils les ramassèrent et remplirent douze paniers de morceaux qui, des cinq pains d’orge, étaient restés de ceux qui avaient mangé » (v.13). Le petit don du garçon fructifie de manière surprenante uniquement parce que les deux syndromes n’ont pas eu le dernier mot.
Le Pape Benoît commente ainsi ce geste du garçon : « Dans la scène de la multiplication, la présence d’un jeune garçon est également signalée, qui, face à la difficulté de nourrir tant de monde, met en commun le peu qu’il a : cinq pains et deux poissons. Le miracle ne se produit pas à partir de rien, mais d’un premier partage modeste de ce qu’un simple garçon avait avec lui. Jésus ne nous demande pas ce que nous n’avons pas, mais il nous fait voir que si chacun offre le peu qu’il a, le miracle peut toujours se reproduire : Dieu est capable de multiplier notre petit geste d’amour et de nous rendre participants de son don » (Angélus, 29 juillet 2012).
Face aux défis pastoraux que nous avons, face à tant de soif et de faim de spiritualité que les jeunes expriment, cherchons à ne pas avoir peur, à ne pas rester attachés à nos affaires, à nos façons de penser. Offrons-Lui le peu que nous avons, confions-nous à la lumière de sa Parole. Et que la Parole, et seulement elle, soit le critère permanent de nos choix et la lumière qui guide nos actions.

Photo : Miracle évangélique de la multiplication des pains et des poissons, vitrail de l’abbaye de Tewkesbury dans le Gloucestershire (Royaume-Uni), œuvre de 1888, réalisée par Hardman & Co.




Les « Stations romaines ». Une tradition millénaire

Les « Stations romaines » sont une ancienne tradition liturgique qui, pendant le Carême et la première semaine du Temps de Pâques, associe chaque journée à une église spécifique de Rome, dans le cadre d’un chemin de pèlerinage. Le terme « statio » (du latin stare, s’arrêter) renvoie à l’idée d’une halte communautaire pour la prière et la célébration. Au cours des siècles passés, le Pape et les fidèles se déplaçaient en procession, partant de l’église dite « collecta » jusqu’à la station du jour, où l’Eucharistie était célébrée. Bien qu’ayant des racines dans les premiers siècles du christianisme, ce rite conserve une vitalité encore aujourd’hui, quand l’indication de l’église de la Station figure encore dans les livres liturgiques. C’est un véritable pèlerinage vers les basiliques et les sanctuaires de la Ville Éternelle que l’on peut effectuer en cette année jubilaire non seulement comme un chemin de conversion, mais aussi comme un témoignage de foi.

Origine et diffusion
Les origines des Stations romaines remontent au moins au IIIe siècle, lorsque la communauté chrétienne subissait encore des persécutions. Les premiers témoignages font référence au Pape Fabien (236-250) qui se rendait dans les lieux de culte situés près des catacombes ou des sépultures des martyrs, où il distribuait aux nécessiteux ce que les fidèles offraient comme aumônes et célébrait l’Eucharistie. Cette coutume s’est renforcée au IVe siècle, avec la liberté de culte accordée par Constantin. De grandes basiliques furent érigées, et les fidèles ont commencé à se rassembler certains jours pour la célébration de la Messe dans les sites liés à la mémoire des saints. Au fil du temps, l’itinéraire a pris un caractère plus organique, créant un véritable calendrier de stations dans les différents quartiers de Rome. La dimension communautaire – avec la présence de l’évêque, du clergé et du peuple – est ainsi devenue un signe visible de communion et de témoignage de la foi.

C’est le Pape Grégoire le Grand (590-604) qui a donné structure et régularité à la tradition des Stations, surtout pendant le Carême. Il fixa un calendrier qui, jour après jour, assignait à une église particulière la célébration principale. Sa réforme n’est pas née de rien, mais a organisé une pratique déjà existante. Grégoire a voulu que la procession parte d’une église mineure (collecta) et se termine dans un lieu plus solennel (statio), où le peuple, uni au Pape, célébrait les rites pénitentiels et l’Eucharistie. C’était une manière de se préparer à Pâques. Le chemin indiquait le pèlerinage terrestre vers l’éternité ; les églises, avec leur architecture sacrée et leurs œuvres d’art, jouaient une fonction pédagogique à une époque où tous ne pouvaient pas lire ou accéder à des livres ; les reliques des martyrs conservées dans ces églises témoignaient de la foi vécue jusqu’à donner la vie et leur intercession apportait des grâces à ceux qui les demandaient ; la célébration du Sacrifice de la Messe sanctifiait les fidèles participants.

Au cours du Moyen Âge, la pratique des Stations romaines se répandit de plus en plus, devenant non seulement un événement ecclésial, mais aussi un phénomène social de grande importance. Les fidèles, venant des différentes régions d’Italie et d’Europe, se joignaient aux Romains pour participer à ces rassemblements liturgiques.

Structure de la célébration
L’élément caractéristique de ces célébrations était la procession. Le matin, les fidèles se réunissaient dans l’église de la collecta, où, après un bref moment de prière, ils se mettaient en cortège vers l’église de la Station, chantant des litanies et des chants pénitentiels. Arrivés à destination, le Pape ou le prélat chargé de la fonction présidait la Messe, avec des lectures et des prières propres au jour. L’usage des litanies avait un fort sens spirituel et pédagogique : tout en marchant au long des rues, on priait pour les besoins de l’Église et du monde, invoquant les saints de Rome et de toute la chrétienté. La célébration culminait dans l’Eucharistie, conférant à cette « halte » une valeur sacramentelle et de communion ecclésiale.

Le Carême devint le temps privilégié pour les Stations, à partir du Mercredi des Cendres jusqu’au Samedi Saint ou, selon certaines coutumes, jusqu’au deuxième dimanche après Pâques. Chaque journée était marquée par une église désignée, souvent choisie pour la présence de reliques importantes ou pour son histoire particulière. Des exemples notables incluent Sainte-Sabine sur l’Aventin, où commence généralement le rite du Mercredi des Cendres, et Sainte-Croix de Jérusalem, liée au culte des reliques de la Croix du Christ, destination traditionnelle du Vendredi Saint. Participer aux Stations de Carême signifie entrer dans un pèlerinage quotidien, qui unit les fidèles dans un parcours de pénitence et de conversion, soutenu par la dévotion envers les martyrs et les saints. Chaque église raconte une page d’histoire, offrant des images, des mosaïques et des architectures qui communiquent le message évangélique sous une forme visuelle.

L’un des traits les plus significatifs de cette tradition est le lien avec les martyrs de l’Église de Rome. Pendant la période des persécutions, de nombreux chrétiens ont trouvé la mort à cause de leur foi ; à l’époque constantinienne et par la suite, des basiliques ou des chapelles ont été érigées sur leurs tombes. Célébrer une statio dans ces lieux signifiait rappeler le témoignage de ceux qui avaient donné leur vie pour le Christ, ce qui renforçait la conviction que l’Église est édifiée aussi sur le sang des martyrs. Chaque visite liturgique devenait ainsi un acte de communion entre les fidèles d’hier et ceux d’aujourd’hui, unis par le sacrement de l’Eucharistie. Ce « pèlerinage de la mémoire » reliait le chemin de Carême à une histoire de foi transmise de génération en génération.

Du déclin à la redécouverte
Au Moyen Âge et dans les siècles suivants, la pratique des Stations a connu des fortunes diverses. Parfois, en raison d’épidémies, d’invasions ou de situations politiques instables, elle a été réduite ou suspendue. Les livres liturgiques, cependant, ont continué à indiquer les églises des Stations pour chaque jour, signe que l’Église en conservait au moins le souvenir symbolique. Avec la réforme liturgique du concile de Trente (XVIe siècle), la centralité du Pape dans de telles célébrations est devenue moins fréquente, mais l’usage de citer l’église de la Station est resté dans les textes officiels. Avec le nouvel intérêt pour l’histoire et l’archéologie chrétienne, la tradition des Stations été redécouverte et proposée comme voie de formation spirituelle.
À l’époque moderne, surtout à partir de Léon XIII (1878-1903) et par la suite avec les papes du XXe siècle, on a assisté à un intérêt croissant pour la récupération de cette tradition. Divers ordres religieux et associations laïques ont commencé à promouvoir la redécouverte du « pèlerinage des stations », organisant des moments communautaires de prière et de catéchèse dans les églises désignées.

Aujourd’hui, à une époque caractérisée par la frénésie et la vitesse, la statio propose de redécouvrir la dimension de la « halte » : s’arrêter pour prier, contempler, écouter, faire silence et rencontrer le Seigneur. Le Carême est par définition un temps de conversion, de prière plus intense et de charité envers autrui ; accomplir un itinéraire entre les églises de Rome, même seulement pendant quelques jours significatifs, peut aider le fidèle à redécouvrir le sens d’une pénitence vécue non pas comme une renonciation en soi, mais comme une ouverture au mystère du Christ.

Aujourd’hui encore, le Calendrier romain indique l’église de la Station pour chaque jour. Cela rappelle l’unité du peuple de Dieu, rassemblé autour du successeur de Pierre, et la mémoire des saints qui ont consacré leur vie à l’Évangile. Quiconque participe à ces liturgies – même de manière occasionnelle – découvre une ville qui n’est pas seulement un musée à ciel ouvert, mais un lieu où la foi s’est exprimée de manière originale et durable.

Quiconque souhaite redécouvrir le sens profond du Carême et de Pâques peut donc se laisser guider par l’itinéraire de la Station, unissant sa voix à celle des chrétiens d’hier et d’aujourd’hui dans le grand chœur qui conduit à la lumière pascale.

Nous présentons ci-dessous l’itinéraire des Stations romaines, accompagné de la liste des églises et de leur localisation géographique. Il est important de noter que l’ordre de la liste reste inchangé chaque année ; seule la date de début du Carême varie, et par conséquent, les dates suivantes. Nous souhaitons un fructueux pèlerinage à ceux qui voudront parcourir, même seulement en partie, ce chemin durant l’année jubilaire.


     

Station
romaine

Martyrs
et saints conservés ou reliques

1

03.05

Me

Sainte-Sabine
sur l’Aventin

Sainte Sabine et Sainte Sérapie, martyre († 126) ; Saints
Alexandre, Évence et Théodule, martyrs

2

03.06

Je

Saint-Georges
au Vélabre

Saint Georges,
martyr († 303)

3

03.07

Ve

Saints-Jean-et-Paul
au Celio

Saints Jean
et Paul
,
martyrs († 362) ; Saint Paul
de la Croix
(† 1775), fondateur de la Congrégation de la Passion
du Christ (les Passionistes)

4

03.08

Sa

Saint-Augustin
in Campo Marzio

Sainte Monique († 387), mère de Saint Augustin ; reliques de Saint Augustin († 430)

5

03.09

Di

Saint-Jean
de Latran

Têtes
de Saint
Pierre et de Saint Paul,
reliques conservées dans des bustes en argent placés
au-dessus de l’autel papal, visibles à travers une
grille dorée ; la Scala
Santa
(dans la chapelle voisine Sancta Sanctorum) ; la Table de la
Dernière Cène, sur laquelle fut célébrée
la Dernière Cène, selon la tradition (relique
importante qui se trouve sur l’autel du Saint-Sacrement)

6

03.10

Lu

Saint-Pierre-aux-Liens
au Mont Oppio

Chaînes
de Saint Pierre ; reliques attribuées aux Sept Frères
Maccabées, personnages de l’Ancien Testament vénérés
comme martyrs

7

03.11

Ma

Sainte-Anastasie
sur le Palatin

Sainte Anastasie
de Sirmium
(† 304) ; reliques du Saint Manteau de Saint Joseph ; une
partie du Voile de la Vierge Marie

8

03.12

Me

Sainte-Marie-Majeure

Le
Bois Sacré de la Crèche (la mangeoire du Jésus
enfant) ; le Panniculum (un petit morceau de tissu, faisant partie
des langes avec lesquels le nouveau-né Jésus fut
enveloppé) ; Saint
Matthieu,
apôtre († 70 ou 74) ; Saint Jérôme († 420) ; Saint Pie
V
,
pape († 1572)

9

03.13

Je

Saint-Laurent
in Panisperna

Lieu
du martyre de Saint
Laurent († 258) ; Saint Laurent, martyr ; Sainte Crispine,
martyre († 304) ; Sainte Brigitte
de Suède
(† 1373)

10

03.14

Ve

Basilique
des Douze Apôtres au Forum de Trajan

Saint Philippe,
apôtre († 80) ; Saint Jacques
le Mineur
,
apôtre († 62) ; Saints Chrysanthe
et Darie
,
martyrs († vers 283)

11

03.15

Sa

Saint-Pierre
au Vatican

Saint Pierre († 67) ; Saint Lin († 76) ; Saint Clément († 92) ; Saint Évariste († 105) ; Saint Alexandre
I
(† 115) ; Saint Sixte
I
(† 126–128) ; Saint Télesphore († 136) ; Saint Hygin († 140) ; Saint Pie
I
(† 155) ; Saint Anicet (†166) ; Saint Éleuthère († 189) ; Saint Victor
I
(† 199) ; Saint Jean
Chrysostome
(† 407, parties, dans la Chapelle du Chœur) ; Saint Léon
I, le Grand
(† 461) ; Saint Simplicius († 483) ; Saint Gélase
I
(† 496) ; Saint Symmaque († 514) ; Saint Hormisdas († 523) ; Saint Jean
I
(† 526) ; Saint Félix
IV
(† 530) ; Saint Agapet
I
(† 536) ; Saint Grégoire
I
,
le Grand († 604) ; Saint Boniface
IV
(† 615) ; Saint Eugène
I
(† 657) ; Saint Vitalien († 672) ; Saint Agathon († 681) ; Saint Léon
II
(† 683) ; Saint Benoît
II
(† 685) ; Saint Serge
I
(† 701) ; Saint Grégoire
II
(† 731) ; Saint Grégoire
III
(† 741) ; Saint Zacharie († 752) ; Saint Paul
I
(† 767) ; Saint Léon
III
(† 816) ; Saint Pascal
I
(† 824) ; Saint Léon
IV
(† 855) ; Saint Nicolas
I
(† 867) ; Saint Léon
IX
(† 1054) ; Bienheureux Urbain
II
(† 1099) ; Bienheureux Innocent
XI
(† 1689) ; Saint Pie
X
(† 1914) ; Saint Jean
XXIII
(† 1963) ; Saint Paul
VI
(† 1978) ; Bienheureux Jean-Paul
I
(† 1978) ; Saint Jean-Paul
II
(† 2005) ; un fragment de la croix de saint André ;
la lance de saint Longin ; un fragment de la Croix du Christ

12

03.16

Di

Sainte-Marie-in-Domnica
alla Navicella

Saint Laurent,
martyr († 258) ; Sainte Cyriaque, martyre

13

03.17

Lu

Saint-Clément
au Latran

Saint Clément
I
,
pape et martyr († 101) ; Saint Ignace
d’Antioche
,
évêque et martyr († vers 110) ; Saint Cyrille († 869), apôtre des Slaves

14

03.18

Ma

Sainte-Balbine
sur l’Aventin

Sainte Balbine,
vierge et martyre († 130) ; Saint Félicissime et
Saint Quirin (son père) associés au martyre de
sainte Balbine

15

03.19

Me

Sainte-Cécile
au Trastevere

Sainte Cécile († 230) ; Saint Valérien,
époux de Cécile, converti au christianisme et
martyrisé († 229) ; Saint Tiburce, frère de
Valérien et compagnon de martyre ; Saint Maxime, le soldat
ou fonctionnaire chargé de l’exécution de
Valérien et Tiburce, qui se convertit ensuite et fut
martyrisé à son tour ; le pape Urbain
I
(† vers 230), qui aurait baptisé Cécile et
son époux Valérien

16

03.20

Je

Sainte-Marie
au Trastevere

Saint Jules
I
,
pape († 352) ; Saint Calixte
I
,
pape martyr († vers 222) ; Saints Florentin, Corona, Sabin
et Alexandre, martyrs

17

03.21

Ve

Saint-Vital
in Fovea

Saint Vital († 304) ; Valérie (IIe siècle) ; Saints Gervais
et Protais
(IIe siècle)

18

03.22

Sa

Saints-Pierre-et-Marcelin
au Latran

Saints Marcelin
et Pierre
,
martyrs († 304) ; Sainte Marcie, martyre associée
aux saints Marcelin et Pierre

19

03.23

Di

Saint-Laurent
hors les murs

Saint Laurent († 258) ; Saint Étienne,
protomartyr (Ier siècle) ; Saint Hippolyte († IIIe siècle) ; Saint Justin,
martyr († 167) ; le pape Saint Sixte
III
(† 440) ; le pape Saint Zosime († 418) ; Bienheureux Pie
IX
,
pape († 1878)

20

03.24

Lu

Saint-Marc
au Capitole

Saint Marc,
l’évangéliste et martyr (Ier siècle) ;
le pape Saint Marc († 336) ; Saints Abdon
et Sennen
,
martyrs persans (IIIe siècle)

21

03.25

Ma

Sainte-Pudentienne
au Viminal

Sainte Pudentienne,
martyre (IIe siècle) ; Sainte Praxède,
sa sœur (IIe siècle)

22

03.26

Me

Saint-Sixte
(Saints-Nérée-et-Achille)

Saint Sixte
I
,
pape († 125) ; Saints Nérée
et Achille
(† 300) ; Sainte Flavie
Domitille
,
martyre (Ier siècle)

23

03.27

Je

Saints-Cosme-et-Damien
sur la Via Sacra

Saints Cosme
et Damien
,
médecins et martyrs († 303) ; Saints Anthime et
Léonce, frères et martyrs

24

03.28

Ve

Saint-Laurent
in Lucina

La
grille de Saint Laurent sur laquelle le saint aurait été
brûlé vif ; un vase contenant la chair brûlée
de Saint Laurent

25

03.29

Sa

Sainte-Susanne
aux Thermes de Dioclétien

Sainte Susanne,
vierge et martyre († 294)

26

03.30

Di

Sainte-Croix-de-Jérusalem

Fragments
de la Vraie Croix, partie du Titulus Crucis (l’inscription «
I.N.R.I. ») ; clous de la crucifixion et quelques épines
de la Couronne ; un fragment de la croix du Bon Larron, saint
Dismas ; la phalange de Saint Thomas Apôtre (Ier siècle)

27

04.31

Lu

Les
Quatre-Couronnés au Celio

Saints Castor,
Symphorien, Claude et Nicostrate
,
martyrs (IVe siècle)

28

04.01

Ma

Saint-Laurent
in Damaso

Saint Laurent,
martyr († 258) ; Saint Damas,
pape et martyr († 384) ; Jovite et Faustin, martyrs

29

04.02

Me

Saint-Paul
hors les murs

Saint Paul,
apôtre († 67) ; la chaîne de Saint Paul ; le
bâton de Saint Paul

30

04.03

Je

Saints-Sylvestre-et-Martin
aux Monts

Saints
Artème, Pauline et Sisinnius, martyrs ; Bienheureux
Angelo
Paoli
(† 1720)

31

04.04

Ve

Saint-Eusèbe
sur l’Esquilin

Saint
Eusèbe, prêtre et martyr († 353) ; Saints
Orosius et Paulin, prêtres et martyrs

32

04.05

Sa

Saint-Nicolas
in Carcere

Saint Nicolas
de Bari
(† 270) ; Saints Marcelin et Faustin, martyrs (†
250)

33

04.06

Di

Saint-Pierre
au Vatican

 

34

04.07

Lu

Saint-Chrysogone
à Trastevere

Saint Chrysogone,
martyr († 303) ; sainte Anastasie,
martyre († 250) ; Saint Rufus, martyr (Ier siècle) ;
Bienheureuse Anna
Maria Taigi
(† 1837)

35

04.08

Ma

Sainte-Marie
sur la Via Lata

Saint
Agapit, martyr († 273) ; Saints Hippolyte et Darius,
martyrs (IVe siècle) ; fragment de la Vraie Croix

36

04.09

Me

Saint-Marcel
sur le Corso

Saint Marcel
I
,
pape († 309) ; Sainte Digne et Sainte Émérite,
martyres

37

04.10

Je

Saint-Apollinaire
au Champ de Mars

Saint Apollinaire (IIe siècle) ; Saints Eustache, Bardaire, Eugène,
Oreste et Eusence, martyrs

38

04.11

Ve

Saint-Étienne
au Celio

Saint Étienne,
protomartyr († 36) ; Saints Primus
et Félicien
,
martyrs († 303) ; fragments de la Vraie Croix

39

04.12

Sa

Saint-Jean
à la Porte Latine

Fragments
osseux ou petits reliquaires contenant des parties du corps ou des
objets personnels attribués à Saint
Jean
l’Évangéliste
(† 98) ; Saints Gordien
et Épimaque
,
martyrs (IVe siècle)

40

04.13

Di

Saint-Jean
de Latran

 

41

04.14

Lu

Sainte-Praxède
à l’Esquilin

Sainte Praxède,
martyre (IIe siècle) ; Sainte Pudentienne, martyre (IIe
siècle) ; Sainte Victoire, martyre († 253) ; Colonne
de la Flagellation

42

04.15

Ma

Sainte-Prisca
sur l’Aventin

Sainte Prisca,
l’une des premières martyres chrétiennes (Ier
siècle) ; Saints Aquila
et Priscilla
,
époux chrétiens ; fragments de la Vraie Croix

43

04.16

Me

Sainte-Marie-Majeure

 

44

04.17

Je

Saint-Jean
de Latran

 

45

04.18

Ve

Sainte-Croix-de-Jérusalem

 

46

04.19

Sa

Saint-Jean
de Latran

 

47

04.20

Di

Sainte-Marie-Majeure

 

48

04.21

Lu

Saint-Pierre
au Vatican

 

49

04.22

Ma

Saint-Paul
hors les murs

 

50

04.23

Me

Saint-Laurent
hors les murs

Saint Laurent,
martyr († 258) ; Saint Étienne,
protomartyr († 36) ; Saint Sébastien,
martyr († 288) ; Saint François
d’Assise
(† 1226) ; le pape Saint Zosime († 418), le pape Saint Sixte
III
(† 440), le pape Saint Hilaire († 468), le pape Saint Damas
II
(† 1048) ; Bienheureux Pie
IX
,
pape († 1878) ; fragments de la Vraie Croix

51

04.24

Je

Basilique
des Douze Apôtres

Saint Philippe,
apôtre († 80) ; Saint Jacques
le Mineur
(† 62)

52

04.25

Ve

Sainte-Marie
ad Martyres (Panthéon)

Saint Longin,
soldat romain qui aurait transpercé le flanc de
Jésus-Christ lors de la crucifixion (Ier siècle) ;
Sainte Bibiane,
martyre († 362–363) ; Sainte Lucie,
martyre († 304) ; Saints Rasée et Anastase, martyrs
; lors de la consécration de l’église en 609
après J.-C. par le pape Boniface IV, les ossements d’au
moins 28 groupes de martyrs furent transférés ici
depuis les cimetières romains

53

04.26

Sa

Saint-Jean
du Latran

 

54

04.27

Di

Saint-Pancrace

Saint Pancrace,
martyr († 304) ; fragments de la Vraie Croix





Merveilles de la Mère de Dieu invoquée sous le titre de Marie Auxiliatrice (13/13)

(suite de l’article précédent)

Grâces obtenues par l’intercession de Marie Auxiliatrice.

I. Grâce reçue de Marie Auxiliatrice.

            En l’an de grâce 1866, au mois d’octobre, ma femme fut atteinte d’une maladie très grave, une grande inflammation avec forte constipation et parasitose intestinale. En cette douloureuse circonstance, on eut d’abord recours aux experts en la matière, qui ne tardèrent pas à déclarer que la maladie était très dangereuse. Voyant que la maladie s’aggravait et que les remèdes humains étaient peu ou pas utiles, je proposai à ma compagne de se recommander à Marie Auxiliatrice, et qu’elle lui accorderait certainement la santé si c’était nécessaire pour l’âme. En même temps j’ajoutai la promesse, si elle obtenait la santé, d’aller tous les deux dès que l’église en construction à Turin serait terminée, lui rendre visite et de faire une offrande. À cette proposition, elle répondit qu’elle pouvait se rendre dans un sanctuaire plus proche pour ne pas être obligée d’aller si loin. À cette réponse, je lui dis qu’il ne fallait pas tant regarder la commodité que la grandeur du bienfait que l’on espère.
            Alors elle acquiesça et promit ce qu’on lui proposait. Ô puissance de Marie ! À peine trente minutes après sa promesse, lorsque je lui demandai comment elle allait, elle me dit : – Je vais beaucoup mieux, mon esprit est plus libre, mon estomac n’est plus oppressé, j’ai du dégoût pour la glace dont j’avais tant envie auparavant, et j’ai plus envie de bouillon, qui me déplaisait tant auparavant.
            À ces mots, je me sentis naître à une vie nouvelle, et si ce n’était pas la nuit, j’aurais immédiatement quitté ma chambre pour publier la grâce reçue de la Vierge Marie. Le fait est qu’elle passa la nuit paisiblement, et que le lendemain matin, le médecin se présenta et la déclara hors de tout danger. Qui l’a guérie si ce n’est Marie Auxiliatrice ? En effet, quelques jours plus tard, elle quitta son lit et s’occupa des tâches ménagères. Maintenant, nous attendons avec impatience l’achèvement de l’église qui lui sera dédiée pour accomplir la promesse faite.
            J’ai écrit ceci en tant qu’humble fils de l’Église une, sainte, catholique et apostolique, et je désire qu’on lui donne toute la publicité qu’on jugera utile pour la plus grande gloire de Dieu et de l’auguste Mère du Sauveur.

Luigi COSTAMAGNA
de Caramagna.

II. Marie Auxiliatrice protectrice des campagnes.

            Mornèse est un petit village du diocèse d’Acqui, dans la province d’Alessandria, d’environ mille habitants. Notre village, comme tant d’autres, était malheureusement en proie à la maladie du champignon qui, depuis plus de vingt ans, dévorait presque toute la récolte de raisin, notre principale richesse. Nous avions déjà utilisé beaucoup de remèdes pour conjurer ce mal, mais en vain. Lorsque la nouvelle s’est répandue que des paysans des communes voisines avaient promis une partie des fruits de leurs vignes pour la poursuite des travaux de l’église dédiée à Marie Auxiliatrice à Turin, ils ont été merveilleusement favorisés et ont eu du raisin en abondance. Motivés par l’espoir d’une meilleure récolte et encore plus animés par la pensée de contribuer à une œuvre de religion, les habitants de Mornèse ont décidé d’offrir la dixième partie de notre récolte à cette fin. La protection de la Sainte Vierge a été ressentie parmi nous d’une manière vraiment miséricordieuse. Nous avons eu l’abondance des années heureuses et nous étions très heureux de pouvoir offrir scrupuleusement en nature ou en argent ce que nous avions promis. Lorsque le responsable de la construction de cette église est venu parmi nous à notre invitation pour recueillir les offrandes, ce fut une véritable fête de joie et d’exultation publique.
            Il parut profondément ému par la promptitude et le désintéressement avec lesquels les offrandes avaient été faites, et par les paroles chrétiennes qui les accompagnaient. Un de nos concitoyens, au nom de tous, a parlé haut et fort de ce qui se passait. Nous tous, disait-il, nous sommes redevables de grandes choses à la Vierge Auxiliatrice. L’année dernière, beaucoup de gens de ce pays, devant aller à la guerre, se sont mis sous la protection de Marie Auxiliatrice. La plupart d’entre eux portaient sa médaille autour du cou. Partis courageusement, ils ont dû affronter les plus grands dangers, mais aucun n’a été victime de ce fléau du Seigneur. De plus, quand il y eut dans les villages voisins une épidémie de choléra, de grêle et de sécheresse, elle nous a complètement épargnés. Alors que les vendanges de nos voisins ont été presque nulles, la bénédiction nous a obtenu une abondance telle qu’on n’en avait pas vu depuis vingt ans. C’est pourquoi nous sommes heureux de pouvoir ainsi manifester notre indélébile gratitude à la grande protectrice du genre humain.
            Je crois être l’interprète fidèle de mes concitoyens en affirmant que ce que nous avons fait maintenant, nous le ferons aussi à l’avenir, convaincus que nous nous rendrons ainsi toujours plus dignes des bénédictions célestes.
            25 mars 1868

Un habitant de Mornèse.

III. Une guérison rapide.

            Le jeune Bonetti Giovanni d’Asti, élève au collège de Lanzo, a eu la faveur suivante. Dans la soirée du 23 décembre dernier, il entra à l’improviste dans la chambre du directeur, d’un pas incertain et le visage bouleversé. Il s’approcha de lui, appuya sa personne contre celle du bon prêtre, et de sa main droite se frottait le front sans dire un mot. Étonné de le voir si convulsé, le directeur le soutient, le fait asseoir et lui demande ce qu’il veut. Aux questions répétées, le pauvre garçon ne répond que par des soupirs de plus en plus douloureux et profonds. Alors le directeur regarde de plus près son front, et voit que ses yeux sont immobiles, ses lèvres pâles, et que son corps sous le poids de la tête risque de s’écrouler. Voyant alors le danger de mort qui menaçait le garçon, il s’empressa d’envoyer chercher un médecin. Pendant ce temps, le mal s’aggravait à chaque instant, sa physionomie avait changé d’aspect, et il ne semblait plus être le même qu’auparavant. Ses bras, ses jambes et son front étaient gelés, le catarrhe l’étouffait, sa respiration devenait de plus en plus courte, et son pouls ne battait plus que très faiblement. Il resta pendant cinq heures dans cet état très pénible.
            Le médecin arriva, appliqua divers remèdes, mais toujours en vain. C’est fini, dit-il tristement, avant le matin ce jeune homme sera mort.
            Alors, au mépris des espoirs humains, le bon prêtre se tourna vers le ciel en lui demandant de donner au jeune un peu de temps pour se confesser et communier, s’il ne voulait pas qu’il vive. Il prit alors une petite médaille de Marie Auxiliatrice. Les grâces obtenues en invoquant la Vierge avec cette médaille étaient déjà nombreuses, ce qui augmentait son espoir d’obtenir le secours de la protectrice céleste. Plein de confiance en Elle, il se mit à genoux, posa la médaille sur son cœur et, avec d’autres personnes pieuses qui étaient accourues, il dit quelques prières à Marie et au Saint-Sacrement. Et Marie écouta les prières qui s’élevaient vers Elle avec tant de confiance. La respiration du garçon devint plus libre, et ses yeux, qui étaient comme pétrifiés, se tournaient affectueusement vers les personnes présentes pour les regarder et les remercier des soins compatissants qu’ils lui prodiguaient. L’amélioration ne fut pas de courte durée ; au contraire, tout le monde considéra que la guérison était certaine. Le médecin lui-même, étonné de ce qui s’était passé, s’exclama : « C’est la grâce de Dieu qui a fait recouvrer la santé. Au cours de ma longue carrière, j’ai vu un grand nombre de malades et de mourants, mais je n’ai vu aucun de ceux qui se trouvaient au point où se trouvait Bonetti se rétablir de cette façon. Sans l’intervention bénéfique du ciel, c’est pour moi un fait inexplicable. Et la science, habituée de nos jours à rompre le lien admirable qui l’unit à Dieu, lui rendait un humble hommage, se jugeant impuissante à réaliser ce que Dieu seul a accompli. Le jeune bénéficiaire de la gloire de la Vierge se porte encore aujourd’hui très bien. Il dit et proclame devant tous qu’il doit sa vie doublement à Dieu et à sa Mère qui lui a obtenu la grâce par sa puissante intercession. Il s’estimerait un cœur ingrat s’il ne témoignait pas publiquement de sa gratitude et n’invitait pas les autres malheureux à faire de même quand ils souffrent dans cette vallée de larmes et vont à la recherche de réconfort et d’aide.

(Extrait du journal La Vergine).

IV. Marie Auxiliatrice libère un de ses fidèles d’un grand mal de dents.

            Dans une maison d’éducation de Turin se trouvait un jeune homme de 19 ou 20 ans qui souffrait depuis plusieurs jours d’une douleur aiguë aux dents. Tout ce que l’art médical propose habituellement en pareil cas avait déjà été utilisé sans succès. Le pauvre jeune homme était donc à un tel point d’exacerbation qu’il suscitait la pitié de tous ceux qui l’entendaient. Si le jour lui paraissait horrible, éternelle et plus misérable était la nuit, pendant laquelle il ne pouvait fermer les yeux pour dormir que pendant de courts instants constamment interrompus. Quel état déplorable était le sien ! Il en fut ainsi pendant quelque temps ; mais dans la soirée du 29 avril, la maladie parut devenir furieuse. Le jeune homme gémissait sans cesse dans son lit, soupirait et criait bruyamment sans que personne ne puisse le soulager. Ses compagnons, inquiets de son malheureux état, allèrent trouver le directeur pour lui demander de venir le réconforter. Il vint et tenta par ses paroles de ramener le calme dont lui et ses compagnons avaient besoin pour se reposer. Mais la douleur était si grande que, bien que très obéissant, il ne pouvait cesser de se lamenter, disant qu’il ne savait pas si, même en enfer, on pouvait souffrir de plus cruelles douleurs. Le supérieur pensa alors à le mettre sous la protection de Marie Auxiliatrice, en l’honneur de laquelle on érigeait un sanctuaire majestueux dans notre ville. Nous nous sommes tous mis à genoux et avons fait une courte prière. Que s’est-il passé ? L’aide de Marie ne s’est pas fait attendre. Lorsque le prêtre a donné la bénédiction au jeune homme désolé, celui-ci s’est instantanément calmé et s’est endormi d’un sommeil profond et serein. À cet instant, un terrible soupçon s’est emparé de nos esprits : le pauvre jeune homme a succombé au mal, mais non, il s’était déjà profondément endormi, et Marie avait entendu la prière de son dévot, et Dieu avait exaucé la bénédiction de son ministre.
            Plusieurs mois passèrent, et le jeune homme sujet au mal de dents n’en fut plus incommodé.

(Du même).

V. Quelques merveilles de Marie Auxiliatrice.

            Je crois que votre noble revue examinera attentivement quelques-uns des événements qui se sont produits parmi nous et que j’ai exposés en l’honneur de Marie-Auxiliatrice. Je n’en retiendrai que quelques-uns dont j’ai été témoin dans cette ville, en omettant beaucoup d’autres dont on parle tous les jours.
            Le premier concerne une dame de Milan qui, depuis cinq mois, était rongée par une pneumonie accompagnée d’une prostration totale.
De passage dans ces parages, Don B… lui conseilla de recourir à Marie Auxiliatrice en faisant une neuvaine de prières en son honneur, avec la promesse d’une offrande pour poursuivre les travaux de l’église que l’on construit à Turin sous le vocable de Marie Auxiliatrice. Cette offrande ne devait être faite qu’une fois la grâce obtenue.
            Ô merveille ! Le jour même, la malade put reprendre ses occupations ordinaires et sérieuses, mangeant de tout, se promenant, entrant et sortant librement de la maison, comme si elle n’avait jamais été malade. À la fin de la neuvaine, elle était dans un état de santé florissante, tel qu’elle ne se souvenait pas de l’avoir connu auparavant.
            Une autre dame souffrait depuis trois ans de palpitations, avec les nombreux inconvénients qui vont de pair avec cette maladie. Mais l’arrivée d’une fièvre et d’une sorte d’hydropisie l’avait immobilisée dans son lit. Sa maladie était arrivée à un tel point que lorsque le prêtre lui donnait la bénédiction, son mari devait lui prendre la main pour qu’elle puisse faire le signe de la croix. On lui recommanda une neuvaine en l’honneur du Saint-Sacrement et de Marie Auxiliatrice, avec la promesse d’une offrande pour l’édifice sacré, mais après l’obtention de la grâce. Le jour même de la fin de la neuvaine, la malade fut libérée de toute maladie, et elle put elle-même rédiger le récit de sa maladie, dans lequel je lis ce qui suit :
            « Marie Auxiliatrice m’a guérie d’une maladie pour laquelle toutes les inventions de la médecine étaient considérées comme inutiles. Aujourd’hui, dernier jour de la neuvaine, je suis libérée de toute maladie et je vais à table avec ma famille, ce que je n’avais pas pu faire pendant trois ans. Tant que je vivrai, je ne cesserai de magnifier la puissance et la bonté de l’auguste Reine du Ciel, et je m’efforcerai de promouvoir son culte, en particulier dans l’église que l’on construit à Turin ».
            J’ajoute un autre fait, encore plus merveilleux que les précédents.
            Un jeune homme dans la force de l’âge était en train de faire une des plus brillantes carrières scientifiques, lorsqu’il fut atteint d’une cruelle maladie à l’une de ses mains. Malgré tous les traitements et toutes les sollicitudes des médecins les plus accrédités, on n’a pu obtenir aucune amélioration, ni arrêter la progression de la maladie. Toutes les conclusions des experts en la matière concordaient pour dire que l’amputation était nécessaire pour éviter la ruine totale du corps. Effrayé par cette décision, il décida de recourir à Marie Auxiliatrice, en appliquant les mêmes remèdes spirituels que d’autres avaient pratiqués avec tant de succès. L’acuité des douleurs cessa instantanément, les blessures s’atténuèrent et, en peu de temps, la guérison parut complète. Quiconque voudrait satisfaire sa curiosité pourrait admirer cette main avec les entailles et les trous des plaies guéries, qui rappelaient la gravité de sa maladie et la merveilleuse guérison de celle-ci. Il voulut se rendre personnellement à Turin pour faire son offrande, afin de manifester davantage sa gratitude à l’auguste Reine du Ciel.
            J’ai encore beaucoup d’autres histoires de ce genre, que je vous raconterai dans d’autres lettres, si vous estimez qu’il s’agit là de sujets adaptés à votre périodique. Je vous prie d’omettre les noms des personnes auxquelles les faits se rapportent, afin de ne pas les exposer à des questions et à des observations importunes. Mais que ces faits servent à raviver de plus en plus parmi les chrétiens la confiance dans la protection de Marie Auxiliatrice, à augmenter le nombre de ses dévots sur la terre, et à avoir un jour une couronne plus glorieuse au ciel.

(Extrait de la Vera Buona Novella de Florence).

Avec l’approbation ecclésiastique.

Fin




Le parfum

Par un froid matin de mars, dans un hôpital, à la suite de graves complications, une petite fille est née beaucoup plus tôt que prévu, après seulement six mois de grossesse.
C’était une toute petite créature et les nouveaux parents ont été douloureusement choqués par ces mots du médecin : « Je ne pense pas que le bébé ait beaucoup de chances de survivre. Il n’y a que 10% de chances qu’elle survive cette nuit, et même si cela se produit par miracle, la probabilité qu’elle ait des complications futures est très élevée ». Paralysés par la peur, le père et la mère écoutèrent le médecin leur décrire tous les problèmes auxquels l’enfant serait confrontée. Elle ne pourra jamais marcher, parler, voir, elle aura un retard mental et bien d’autres choses encore.
La maman, le papa et leur petit garçon de cinq ans avaient attendu cette enfant si longtemps. En quelques heures, ils ont vu tous leurs rêves et leurs souhaits brisés à jamais.
Mais ils n’étaient pas au bout de leurs peines, car le système nerveux du petit n’était pas encore développé. Les membres de la famille, inconsolables, ne pouvaient même pas lui transmettre leur amour, ils devaient éviter de la toucher.
Tous les trois se sont tenus la main et ont prié, formant un petit cœur battant dans l’immense hôpital :
« Dieu tout-puissant, Seigneur de la vie, fais ce que nous ne pouvons pas faire : prends soin de la petite Diana, serre-la contre ton cœur, berce-la et fais-lui ressentir tout notre amour ».
Diana n’était plus qu’une masse palpitante, mais son état s’améliorait lentement. Les semaines passèrent et la petite continuait à prendre du poids et à devenir plus forte. Enfin, lorsque Diana a eu deux mois, ses parents ont pu la prendre dans leurs bras pour la première fois.
Cinq ans plus tard, Diana est devenue une enfant sereine qui envisage l’avenir avec confiance et joie de vivre. Aucun signe de déficience physique ou mentale, c’est une enfant normale, vive et pleine de curiosité.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Par un bel après-midi, dans un parc non loin de la maison, alors que son frère jouait au football avec des amis, Diana était assise dans les bras de sa mère. Comme toujours, elle bavarde joyeusement, quand soudain elle se tait. Elle resserre les bras comme pour étreindre quelqu’un et demande à sa mère : « Tu le sens ? »
Sentant la pluie dans l’air, la maman lui répondit : « Oui, ça sent comme quand il va pleuvoir ».
Au bout d’un moment, Diana leva la tête et s’exclama en caressant ses bras : « Non, ça sent Lui. Cela sent comme lorsque Dieu te serre bien fort dans ses bras ».
La mère se mit à pleurer à chaudes larmes, tandis que la petite fille se précipitait vers ses petits camarades pour jouer avec eux.
Les paroles de sa fille avaient confirmé ce que la femme savait au fond de son cœur depuis longtemps. Tout au long de son séjour à l’hôpital, alors qu’elle luttait pour la vie, Dieu avait pris soin de la petite fille, l’embrassant si souvent que son parfum était resté gravé dans la mémoire de Diana.

Le parfum de Dieu reste dans chaque enfant. Pourquoi sommes-nous tous si pressés de l’effacer ?




Merveilles de la Mère de Dieu invoquée sous le titre de Marie Auxiliatrice (12/13)

(suite de l’article précédent)

Souvenir de la pose de la première pierre de l’église dédiée à Marie Auxiliatrice le 27 avril 1865.

FILOTICO, BENVENUTO, CRATIPPO ET TEODORO.

            Filot. Ce jour est une belle fête.
            Crat. Une très belle fête. Je suis dans cet Oratoire depuis de nombreuses années, mais je n’ai jamais vu une telle fête, et il nous sera difficile d’en avoir une semblable à l’avenir.
            Benv. Je me présente à vous, chers amis, plein d’étonnement, je n’arrive pas à comprendre.
            Filot. Quoi donc ?
            Benv. Je n’arrive pas à m’expliquer ce que j’ai vu.
            Teod. Qui es-tu, d’où viens-tu, qu’as-tu vu ?
            Benv. Je suis un étranger, et j’ai quitté mon village pour faire partie des jeunes de l’Oratoire Saint-François de Sales. Quand je suis arrivé à Turin, j’ai demandé qu’on me conduise ici, mais dès que je suis entré, j’ai vu des voitures royales, des chevaux, des palefreniers et des cochers, tous splendidement vêtus. Est-il possible, me dis-je, que ce soit la maison où moi, pauvre orphelin, je suis venu habiter ? J’entre alors dans l’enceinte de l’Oratoire, je vois une multitude de jeunes qui crient, ivres de joie et presque frénétiques : Vivat, gloire, triomphe, bienveillance de tous et toujours. – Je lève les yeux vers le clocher et je vois une petite cloche qui s’agite dans tous les sens pour produire à chaque battement un son harmonieux. – Dans la cour, partout de la musique ; on court, on saute, on chante et on joue. Qu’est-ce que tout cela ?
            Filot. Voici en deux mots la raison de tout cela. Aujourd’hui, on a béni la première pierre de notre nouvelle église. Le prince Amédée a daigné venir y déposer la première chaux ; l’évêque de Suse est venu célébrer le service religieux ; les autres sont de nobles personnages et d’éminents bienfaiteurs venus rendre hommage au fils du roi Victor-Emmanuel, et en même temps donner de l’éclat à la solennité de ce beau jour.
            Benv. Je comprends maintenant la raison de cette joie, et vous avez de bonnes raisons de célébrer une grande fête. Mais, si vous me permettez une observation, il me semble que vous avez négligé le point le plus important. En ce jour solennel, pour accueillir comme il convient tant de personnages distingués et l’auguste fils de notre Souverain, vous auriez dû préparer de grandes choses. Vous auriez dû construire des arcs de triomphe, couvrir les rues de fleurs, embellir chaque coin de rue avec des roses, orner chaque mur de tapis élégants, et mille autres choses encore.
            Teod. Tu as raison, cher Benvenuto, tu as raison, c’était notre désir commun. Mais que veux-tu ? Pauvres jeunes gens que nous sommes, ce n’est pas la volonté, qui est grande en nous, qui nous en a empêchés, mais notre impuissance absolue.
            Filot. Pour recevoir dignement notre Prince bien-aimé, nous nous sommes tous réunis, il y a quelques jours, pour discuter de ce qu’il fallait faire en ce jour si solennel. L’un d’eux dit : si j’avais un royaume, je le lui offrirais, car il en est vraiment digne. Excellent, répondirent-ils tous, mais, pauvres de nous, nous n’avons rien. Ah ! ajoutèrent mes compagnons, si nous n’avons pas de royaume à lui offrir, nous pouvons au moins le faire roi de l’Oratoire Saint-François de Sales. Quelle chance ce serait ! s’exclamèrent-ils tous, alors la misère cesserait parmi nous, et ce serait une fête sans fin. Un troisième, voyant que les propositions des autres étaient sans fondement, conclut que nous pourrions le faire roi de nos cœurs, maître de notre affection ; et comme plusieurs de nos camarades sont déjà sous ses ordres dans l’armée, lui offrir notre fidélité et notre sollicitude quand viendra le moment de servir dans le régiment qu’il commande.
            Benv. Qu’ont répondu tes camarades ?
            Filot. Ils ont tous accueilli ce projet avec joie. Quant à l’organisation de la réception, nous avons été unanimes : étant donné que ces messieurs voient déjà chez eux de grandes choses, des choses magnifiques, des choses majestueuses, ils sauront avoir un regard de bienveillante compassion sur notre impuissance ; et nous avons lieu d’espérer beaucoup de la générosité et de la bonté de leur cœur.
            Benv. Bravo, tu as bien parlé.
            Teod. Très bien, j’approuve ce que tu dis. Mais en attendant, ne devons-nous pas au moins leur témoigner notre reconnaissance d’une manière ou d’une autre, et leur adresser quelques mots de remerciement ?
            Benv. Oui, chers amis, mais je voudrais d’abord que vous acceptiez de satisfaire ma curiosité sur plusieurs choses concernant les Oratoires et les choses qui s’y font.
            Filot. Oui, mais nous risquons d’abuser de la patience de nos chers bienfaiteurs.
            Benv. Mais non, je crois que cela leur plaira. Car comme ils ont été et sont encore nos insignes bienfaiteurs, ils écouteront avec plaisir l’objet de leur bienfaisance.
            Filot. Je ne peux pas faire grand-chose, car cela fait à peine un an que je suis ici. Peut-être Cratippo, qui est l’un des plus âgés, pourra-t-il nous satisfaire ; n’est-ce pas, Cratippo ?
            Crat. Si vous m’en jugez capable, je m’efforcerai volontiers de vous satisfaire. – Je dirai tout d’abord que les Oratoires, à leur origine (1841), n’étaient rien d’autre que des rassemblements de jeunes, pour la plupart étrangers, qui venaient les jours de fête dans les lieux indiqués pour apprendre le catéchisme. Lorsque des locaux plus adaptés furent disponibles, les Oratoires (1844) devinrent des lieux où les jeunes se réunissaient pour se divertir agréablement et honnêtement après avoir accompli leurs devoirs religieux. Jouer, rire, sauter, courir, chanter, faire de la musique, jouer de la trompette, battre le tambour, tels étaient les divertissements. – Un peu plus tard (1846), on a ajouté les cours du dimanche, puis (1847) les cours du soir. – Le premier Oratoire est celui où nous nous trouvons actuellement, appelé Saint-François de Sales. Après celui-ci, un autre fut ouvert à Porta Nuova, puis un autre plus tard à Vanchiglia, et quelques années plus tard celui de Saint-Joseph à San Salvano.
            Benv. Tu me racontes l’histoire des Oratoires festifs, et cela me plaît beaucoup, mais je voudrais savoir quelque chose sur cette maison. Dis-moi dans quelles conditions les jeunes gens sont reçus dans cette maison.  À quoi s’occupent-ils ?
            Crat. Je peux te répondre. Parmi les jeunes qui fréquentent les Oratoires, et aussi ceux qui viennent d’autres pays, il y en a qui sont complètement abandonnés à eux-mêmes, ou qui sont pauvres ou qui manquent des biens de la fortune. Un triste avenir les attendrait, si une main bienveillante ne prenait soin d’eux avec un cœur paternel, et ne les accueillait, et ne leur procurait pas ce qui est nécessaire à la vie.
            Benv. D’après ce que tu me dis, il semble que cette maison est destinée à des jeunes gens pauvres, et pourtant je vous vois tous si bien habillés que vous me semblez être autant de petits messieurs.
            Crat. Comme tu le vois, Benvenuto, en prévision de la fête extraordinaire que nous avons aujourd’hui, chacun a sorti ce qu’il avait ou pouvait avoir de plus beau, et ainsi nous pouvons faire bonne figure le mieux possible.
            Benv. Êtes-vous nombreux dans cette maison ?
            Crat. Nous sommes environ huit cents.
            Benv. Huit cents ! huit cents ! Et comment satisfaire l’appétit de tous ces mangeurs de pagnotes ?
            Crat. Ce n’est pas notre affaire, le boulanger y veille.
            Benv. Mais comment faire face aux dépenses nécessaires ?
            Crat. Regarde tous ces gens qui ont la bonté de nous écouter, et tu sauras qui et comment ils se procurent ce qu’il faut pour la nourriture, les vêtements et les autres choses nécessaires à cet effet.
            Benv. Mais le chiffre de huit cents m’étonne ! A quoi peuvent bien être occupés tous ces jeunes gens, jour et nuit !
            Crat. Il est très facile de les occuper la nuit : chacun dort dans son lit et reste discipliné, ordonné et silencieux jusqu’au matin.
            Benv. Mais tu plaisantes !
            Crat. Je dis cela pour suivre la plaisanterie que tu m’as proposée. Si tu veux savoir quelles sont nos occupations quotidiennes, je vais te le dire en quelques mots. Les jeunes sont divisés en deux grandes catégories, l’une est celle des apprentis, l’autre celle des étudiants. – Les apprentis s’appliquent aux métiers de tailleur, cordonnier, ferronnier, menuisier, relieur, compositeur, imprimeur, musicien et peintre. Par exemple, ces lithographies, ces peintures sont l’œuvre de nos camarades. Ce livre a été imprimé ici, il a été relié dans notre atelier.
            En général, ils vont tous à l’école, car ils doivent tous suivre les cours du soir, mais ceux qui en ont les capacités et ont une bonne conduite, nos supérieurs les mettent exclusivement aux études. C’est pourquoi nous avons la satisfaction de compter parmi nos compagnons des médecins, des notaires, des avocats, des instituteurs, des professeurs, et même des curés de paroisse.
            Benv. Et toute cette musique est celle des jeunes de cette maison ?
            Crat. Oui, les jeunes qui viennent de chanter et de jouer sont des jeunes de cette maison ; d’ailleurs, les compositions musicales sont presque toutes l’œuvre de l’Oratoire ; car chaque jour, à une heure déterminée, il y a cours de musique, et chacun, en plus du métier ou des études littéraires, peut progresser dans la connaissance de la musique.
            Nous avons aussi le plaisir d’avoir plusieurs de nos camarades qui exercent d’importantes fonctions civiles et militaires en raison de leurs connaissances littéraires, tandis que d’autres sont affectés à la musique dans divers régiments, dans la Garde nationale, et même dans le régiment de Son Altesse, le Prince Amédée.
            Benv. Cela me plaît beaucoup ; ainsi, les jeunes qui ont reçu de la nature de bonnes capacités peuvent les cultiver, et ne sont pas contraints par l’indigence à les laisser stériles ou à faire des choses contraires à leurs inclinations. – Mais dites-moi encore une chose : en entrant ici, j’ai vu aussi une belle église, et tu m’as dit qu’on veut en construire une autre. Quel besoin y a-t-il pour cela ?
            Crat. La raison en est très simple. L’église que nous utilisions jusqu’à présent était surtout destinée aux jeunes de l’extérieur qui venaient les jours de fête. Mais en raison du nombre toujours croissant de jeunes accueillis à l’Oratoire, l’église est devenue exiguë et les externes en sont presque totalement exclus. On peut calculer qu’un tiers des jeunes qui venaient n’ont pas pu être accueillis. – Combien de fois avons-nous dû refuser des tas de jeunes et les abandonner sur les places pour la seule raison qu’il n’y avait plus de place dans l’église !
            Il faut ajouter que, depuis l’église paroissiale de Borgo Dora jusqu’à San Donato, il y a une multitude de maisons et plusieurs milliers d’habitants pour lesquels il n’y a ni église, ni chapelle suffisamment grande pour accueillir les enfants et les adultes qui pourraient s’y rendre. Il fallait donc une église suffisamment spacieuse pour accueillir les enfants, mais aussi pour les adultes. C’est pour répondre à ce besoin public et sérieux qu’est entreprise la construction de l’église qui fait l’objet de notre fête.
            Benv. Les choses que tu viens d’exposer me donnent une juste idée des Oratoires et de la destination de l’église, et je crois que cela est également du goût de ces Messieurs, qui savent ainsi à quoi est destinée leur charité. Je regrette beaucoup de ne pas être un orateur éloquent ou un poète talentueux pour improviser un discours splendide ou un poème sublime sur ce que tu m’as dit et pour exprimer ainsi toute notre gratitude et nos remerciements à ces Messieurs.
            Teod. Moi aussi je voudrais faire de même, mais je sais seulement qu’en poésie la longueur des vers doit être égale et rien de plus ; c’est pourquoi au nom de mes compagnons et de nos chers Supérieurs, je dirai seulement à Son Altesse le Prince Amédée et à tous les autres Messieurs que nous avons été enchantés de cette belle fête, et que nous ferons une inscription en lettres d’or avec ces mots :

Vive à jamais ce jour !
            Avant que le soleil du Couchant
            Ne retourne à son Orient,
            Et chaque fleuve à sa source

Avant qu’il ne revienne,
            Et s’efface de nos cœurs
            Ce jour sera pour nous
            Le jour le plus beau.

            À vous en particulier, Altesse Royale, je dis que nous vous portons une grande affection, que vous nous avez fait une grande faveur en venant nous rendre visite, et que chaque fois que nous aurons le bonheur de vous voir en ville ou ailleurs, ou d’entendre parler de vous, ce sera toujours pour nous un sujet de gloire, d’honneur et un vrai plaisir. Mais avant votre départ, permettez-moi, au nom de mes chers Supérieurs et de mes chers compagnons, de vous demander une faveur, celle de daigner venir nous visiter en d’autres occasions pour renouveler la joie de ce beau jour. Quant à vous, Monseigneur, continuez la bienveillance paternelle que vous nous avez témoignée jusqu’à présent. Et vous, Monsieur le Maire, qui avez participé de tant de manières à notre bien, continuez à nous protéger, et à nous procurer la faveur de rectifier la rue Cottolengo face à la nouvelle église ; et nous vous assurons que nous redoublerons notre profonde gratitude à votre égard. Et vous, Monsieur le Curé, veuillez nous considérer toujours non seulement comme des paroissiens, mais comme des enfants chéris qui reconnaîtront toujours en vous un père tendre et bienveillant. Et à vous tous, nous vous recommandons de continuer à être, comme vous l’avez été dans le passé, d’éminents bienfaiteurs, surtout pour achever le saint édifice qui fait l’objet de la solennité d’aujourd’hui. Il est déjà commencé, il s’élève déjà de terre, et c’est lui-même en fait qui tend la main aux personnes charitables pour qu’elles le mènent à bonne fin. Enfin, tout en vous assurant que le souvenir de cette belle journée ne s’effacera jamais de nos cœurs, nous prions unanimement la Reine du Ciel, à qui le nouveau sanctuaire est dédié, pour qu’elle vous obtienne du Donateur de tous biens une longue vie et des jours heureux.

(suite)




Merveilles de la Mère de Dieu invoquée sous le titre de Marie Auxiliatrice (11/13)

(suite de l’article précédent)

Annexes

I. Antique coutume de la consécration des églises

            Une fois qu’une église a été construite, il n’est pas possible d’y chanter les offices divins, d’y célébrer le saint sacrifice et d’autres fonctions ecclésiastiques, si elle n’est pas d’abord bénie ou consacrée. L’évêque, par la multiplication des croix et l’aspersion d’eau bénite, entend purifier et sanctifier le lieu par des exorcismes contre les mauvais esprits. Cette bénédiction peut être effectuée par l’évêque ou par un simple prêtre, mais avec des rites différents. Lorsqu’il s’agit de l’onction du chrême sacré et des huiles saintes, la bénédiction incombe à l’évêque, et elle est appelée solennelle, réelle et conclusive parce qu’elle achève toutes les autres, et plus encore parce que la matière bénie et consacrée ne peut être convertie à un usage profane ; c’est pourquoi on l’appelle strictement consécration. Si, au cours de telles cérémonies, on ne dit que certaines prières avec des rites et des cérémonies similaires, la fonction peut être accomplie par un prêtre, et elle est appelée bénédiction.
            La bénédiction peut être accomplie par n’importe quel prêtre, avec la permission de l’Ordinaire, mais la consécration appartient au Pape et à l’évêque seul. Le rite de la consécration des églises est très ancien et plein de grands mystères. Le Christ enfant en a sanctifié l’observance quand sa grotte et sa crèche ont été transformées en temple par l’offrande des Mages. La grotte devint alors un temple et la crèche un autel. Saint Cyrille nous dit que le cénacle où les apôtres ont reçu le Saint-Esprit a été consacré par les apôtres en la changeant en église, et cette salle représentait également l’Église universelle. En effet, selon Nicéphore Caliste (Hist. lib. 2, ch. 33), la sollicitude des apôtres était telle que dans tous les lieux où ils prêchaient l’Évangile, ils consacraient une église ou un oratoire. Le pontife saint Clément Ier, sacré en l’an 93, successeur et disciple de saint Pierre, a décrété, entre autres, que tous les lieux de prière devaient être consacrés à Dieu. Il est certain qu’à l’époque de saint Paul, les églises étaient consacrées, comme l’affirment certains érudits, car il écrivait aux Corinthiens au chapitre III : aut Ecclesiam Dei contemnitis ? Saint Urbain Ier, élu en 226, consacra la maison de Sainte-Cécile pour en faire une église, comme l’écrit Burius in vita eius. Saint Marcel Ier, créé en 304, a consacré l’église de Sainte-Lucine, comme le rapporte le pape saint Damase. Il est vrai cependant que la solennité de la consécration telle qu’elle est effectuée aujourd’hui a augmenté avec le temps, à partir du moment où Constantin, en rétablissant la paix dans l’Église, a construit de somptueuses basiliques. Même les temples des païens, autrefois habitations des faux dieux et nids de mensonges, furent convertis en églises avec l’approbation du pieux empereur, et furent consacrés au moyen des vénérables reliques des martyrs. C’est alors que, selon les prescriptions de ses prédécesseurs, le pape saint Silvestre Ier établit le rite solennel, qui fut élargi et confirmé par d’autres papes, en particulier par saint Félix III. Saint Innocent Ier établit que les églises ne devaient pas être consacrées plus d’une fois. Le pontife saint Jean Ier, en route pour Constantinople pour la question des Ariens, consacra les églises des hérétiques pour en faire des églises catholiques, comme nous le lisons dans Bernini (Résumé des hérésies, p. 170. Sur les temples des païens convertis en églises, voir Butler Vite, novembre, p. 10)

II. Explication des principales cérémonies utilisées dans la consécration des églises.

            Il serait long de décrire les explications mystiques que les saints Pères et Docteurs donnent des rites et des cérémonies de la consécration des églises. Cecconi en parle dans les chapitres X et XI, et le Père Galluzzi dans le chapitre IV, dont nous pouvons lire le résumé qu’il en donne.
            Les Docteurs sacrés n’ont pas hésité à affirmer que la consécration de l’église est l’une des plus grandes fonctions sacrées ecclésiastiques. C’est ce qu’on peut lire dans les sermons des saints Pères et dans les traités liturgiques des auteurs les plus célèbres, démontrant l’excellence et la noblesse d’une si belle fonction, qui vise à faire respecter et vénérer la maison de Dieu. Les veilles, les jeûnes et les prières servent à se préparer aux exorcismes contre le démon. Les reliques représentent nos saints. Et pour que nous les ayons toujours à l’esprit et dans le cœur, on les place dans le reliquaire avec trois grains d’encens. L’échelle sur laquelle l’évêque monte pour faire l’onction des douze croix nous rappelle que notre but final et premier est le Paradis. Ces croix avec les cierges signifient les douze Apôtres, les douze Patriarches et les douze Prophètes qui sont les guides et les piliers de l’Église.
            En outre, c’est l’onction des douze croix réparties sur les murs qui constitue formellement la consécration, si bien qu’on peut dire que l’église et ses murs sont consacrés, comme le note saint Augustin (lib. Augustin, lib. 4, Contra Crescent.). On ferme l’église qui représente la Sion céleste, où l’on n’entre que purifié de toute imperfection, et où l’on invoque par diverses prières l’aide des saints et la lumière du Saint-Esprit. L’évêque fait trois fois le tour de l’église avec le clergé pour rappeler la procession des prêtres avec l’arche autour des murs de Jéricho, non pas pour que les murs de l’église tombent, mais pour que l’orgueil du diable et son pouvoir soient anéantis par l’invocation de Dieu, et pour répéter les prières sacrées, bien plus efficaces que les trompettes des anciens prêtres ou lévites. Les trois coups que l’évêque donne avec la pointe de sa crosse sur le seuil de la porte nous montrent le pouvoir du Rédempteur sur son Église, et non la dignité sacerdotale que l’évêque exerce. L’alphabet grec et latin représente l’ancienne union des deux peuples produite par la croix du même Rédempteur ; et l’écriture que l’évêque fait avec la pointe de la crosse signifie la doctrine et le ministère apostoliques. La forme de cette écriture signifie la croix, qui doit être l’objet ordinaire et principal de tout apprentissage des chrétiens fidèles. Elle signifie aussi la croyance et la foi en Christ, transmises des Juifs aux païens, et d’eux à nous. Toutes les bénédictions sont chargées de sens, de même que tout ce qui est employé dans cette auguste service. Les onctions sacrées dont on imprègne l’autel et les murs de l’église signifie la grâce de l’Esprit Saint, qui ne peut enrichir le temple mystique de notre âme s’il n’est pas d’abord purifié de ses souillures. L’office se termine par la bénédiction selon la tradition de la sainte Église, qui commence toujours ses actions par la bénédiction de Dieu et les termine par elle, parce que tout commence par Dieu et finit en Dieu. Il s’achève par le sacrifice, non seulement pour accomplir le décret pontifical de saint Hygin, mais aussi parce qu’il n’y a pas de consécration accomplie si, avec la Messe, la victime n’est pas elle aussi entièrement consommée.
            Par la grandeur du rite sacré, par l’éloquence de sa signification mystique, on voit aisément quelle importance la sainte Église notre mère y attache, et par conséquent quelle importance nous devons y attacher. Mais ce qui doit accroître notre vénération pour la maison du Seigneur, c’est de voir combien ce rite est fondé et informé par le véritable esprit du Seigneur révélé dans l’Ancien Testament. L’esprit qui guide l’Église d’aujourd’hui pour entourer d’une telle vénération les temples du culte catholique, est le même esprit qui inspira à Jacob de sanctifier avec l’huile le lieu où il avait eu la vision de l’échelle ; c’est le même esprit qui inspira à Moïse et à David, à Salomon et à Judas Maccabée d’honorer par des rites spéciaux les lieux destinés aux mystères divins. Oh ! combien cette union spirituelle entre l’un et l’autre Testament, entre l’une et l’autre Église, nous enseigne et nous réconforte ! Tout ceci nous montre combien Dieu aime à être adoré et invoqué dans ses églises, combien il exauce volontiers les prières que nous lui adressons dans nos églises. Quel respect pour un lieu dont la profanation a armé la main de Dieu d’un fouet et a transformé le doux agneau en justicier impitoyable !
            Hâtons-nous donc d’entrer dans le temple sacré, mais avec fréquence, car c’est chaque jour que nous avons besoin de Dieu ; allons-y, mais avec confiance et avec une crainte religieuse. Avec confiance, car nous y trouvons un Père prêt à nous écouter, à nous multiplier le pain de ses grâces comme sur la montagne, à nous embrasser comme le fils prodigue, à nous consoler comme la Cananéenne, dans les besoins temporels comme aux noces de Cana, et dans les besoins spirituels comme sur le Calvaire ; avec crainte, car ce Père ne cesse pas d’être notre juge, et s’il a des oreilles pour entendre nos prières, il a aussi des yeux pour voir nos offenses, et s’il se tait maintenant comme un agneau patient dans son tabernacle, il parlera d’une voix terrible au grand jour du jugement. Si nous l’offensons en dehors de l’église, il nous reste l’église-refuge pour obtenir le pardon ; mais si nous l’offensons à l’intérieur de l’église, où irons-nous pour être pardonnés ?
            Dans le temple, la justice divine est apaisée, la miséricorde divine est reçue, suscepimus divinam misericordiam tuam in medio templi tui. C’est dans le temple que Marie et Joseph ont trouvé Jésus alors qu’ils l’avaient perdu, c’est dans le temple que nous le trouverons si nous le cherchons avec cet esprit de sainte confiance et de sainte crainte avec lequel Marie et Joseph l’ont cherché.

Copie de l’inscription scellée dans la pierre angulaire de l’église dédiée à Marie Auxiliatrice au Valdocco.

D. O. M.

UT VOLUNTATIS ET PIETATIS NOSTRAE
SOLEMNE TESTIMONIUM POSTERIS EXTARET
IN MARIAM AUGUSTAM GENITRICEM
CHRISTIANI NOMINIS POTENTEM
TEMPLUM HOC AB INCHOATO EXTRUERE
DIVINA PROVIDENTIA UNICE FRETIS
IN ANIMO FUIT
QUINTA TANDEM CAL. MAI. AN. MDCCCLXV
DUM NOMEN CHRISTIANUM REGERET
SAPIENTIA AC FORTITUDINE
PIUS PAPA IX PONTIFEX MAXIMUS
ANGULAREM AEDIS LAPIDEM
IOAN. ANT. ODO EPISCOPUS SEGUSINORUM
DEUM PRECATUS AQUA LUSTRALI
RITE EXPIAVIT
ET AMADEUS ALLOBROGICUS V. EMM. II FILIUS
EAM PRIMUM IN LOCO SUO CONDIDIT
MAGNO APPARATU AC FREQUENTI CIVIUM CONCURSU
HELLO O VIRGO PARENS
VOLENS PROPITIA TUOS CLIENTES
MAIESTATI TUAE DEVOTOS
E SUPERIS PRAESENTI SOSPITES AUXILIO.

I. B. Francesia scripsit.

Traduction.

En témoignage solennel pour la postérité de notre bienveillance et de notre piété envers l’auguste Mère de Dieu Marie Auxiliatrice, nous avons résolu de construire ce sanctuaire à partir des fondations le XXVII avril de l’an MDCCCLXV. Tandis que le Souverain Pontife Pie IX gouvernait l’Église catholique avec sagesse et force, Giovanni Antonio Odone, évêque de Suse, a béni la pierre angulaire de l’église selon les rites religieux, et Amédée de Savoie, fils de Victor-Emmanuel II, la posa pour la première fois à sa place en grande pompe au milieu d’une foule nombreuse. Nous te saluons, ô Vierge Mère, accorde ton secours bienveillant aux fidèles sujets de ta majesté et défends-les du haut du ciel par ton aide efficace.

Hymne lu lors de la bénédiction solennelle de la première pierre.

Quand l’adorateur des idoles
            Fit la guerre à Jésus,
            De combien de milliers d’intrépides
            La terre fut ensanglantée !
            Dans les luttes acharnées,
            L’Église de Dieu indemne
            Propage encore sa vie,
            D’une mer à l’autre.

Elle s’enorgueillit de ses martyrs
            Cette humble vallée aussi,
            Là où Octave est mort,
            Là où Solutor est tombé.
            Belle victoire immortelle !
            Sur le sol ensanglanté
            Des martyrs s’élève
            Peut-être l’autel divin.

Et ici le jeune affligé
            Ouvrant ses soupirs,
            Trouve dans ses martyrs
            Un rafraîchissement pour son âme ;
            Ici la veuve méprisée
            Au cœur pieux et saint
            Dépose ses humbles pleurs
            Dans le sein du Roi des Rois.

Et à toi, qui donnes la victoire
            Plus que mille épées,
            À Toi aux victoires sans nombre
            Dans toutes les contrées,
            À Toi, puissante et humble
            Dont le nom dit tout,
            MARIE AUXILIATRICE,
            Nous élevons ce Temple.

Aussi, ô Vierge miséricordieuse,
            Sois grande pour tes fidèles,
            Sur eux en abondance
            Répands tes faveurs.
            De ton regard de tendresse
            Regarde le jeune PRINCE,
            qui aspire à tes lauriers,
            Ô Mère, au Rédempteur !

Avec son esprit et sa nature,
            Avec de nobles sentiments,
            À toi il se donne, ô Vierge,
            Dans la fleur de ses années ;
            Sans trêve, assidument
            Il te chante des chants sacrés,
            Et déjà il désire des armes
            Le fracas habituel.

De la gloire d’Amédée
            Et des grandes vertus d’Humbert
            Il nourrit son cœur ;
            De leurs triomphes il se souvient ;
            Et sur les blancs nuages,
            Auprès des troupes célestes
            Il écoute le pieux discours
            De la Mère bénie.

Ô Prince bien-aimé,
            Race de saints héros,
            Quelle pensée bienfaisante
            T’amène ici parmi nous ?
            Habitué aux palais dorés,
            Aux splendeurs du monde
            À la misère du miséreux
            Tu as daigné rendre visite.

Bel espoir pour le peuple,
            Au milieu duquel tu viens,
            Que tes jours soient
            Calmes, doux et sereins :
            Jamais sur ta jeune tête
            Sur ton âme en sûreté
            Que le malheur ne s’abatte,
            Qu’aucun jour amer ne se lève.

Sage et zélé Prélat,
            Et vous, nobles Seigneurs,
            Combien l’Éternel aime
            Vos saintes ardeurs !
            Vie heureuse et paisible
            À qui, pour la beauté
            Du Temple ouvrit son trésor
            Ou prodigua son œuvre.

Ô doux et pieux spectacle !
            Ô jour mémorable !
            A-t-on jamais vu et quand
            Jour plus beau et plus noble ?
            Tu parles bien à mon âme :
            D’un jour encore plus beau
            Le jour arrivera sûrement
            Quand le Temple s’ouvrira au ciel.

Dans cette œuvre difficile
            Multipliez les bienfaits,
            Et quand elle sera achevée,
            Avec la joie en Dieu reposez ;
            Alors avec ferveur nous entonnerons
            Sur ma cithare un chant :
            Louange au Saint
            Au Puissant d’Israël.

(suite)




Merveilles de la Mère de Dieu invoquée sous le titre de Marie Auxiliatrice (10/13)

(suite de l’article précédent)

Chap. XIX. Moyens utilisés pour la construction de cette église.
            Ceux qui ont parlé ou entendu parler de cet édifice sacré voudront savoir d’où sont venus les moyens qui, au total, dépassent déjà le demi-million. Il m’est très difficile de donner une réponse à moi-même, et encore moins aux autres. Je dirai donc que les organismes officiels avaient donné au départ de grands espoirs, mais dans la pratique, ils ont décidé de ne pas contribuer. Certains citoyens fortunés, voyant la nécessité de cet édifice, ont promis des largesses ostentatoires, mais pour la plupart, ils se sont ravisés et ont jugé préférable d’utiliser leur charité ailleurs.
            Il est vrai que certains fidèles aisés avaient promis une aide financière, mais au moment opportun, c’est-à-dire lorsqu’ils seraient assurés de la réalisation de l’œuvre et après avoir vu les travaux en cours.
            Avec l’offrande du Saint-Père et de quelques autres personnes pieuses on a pu faire l’acquisition du terrain et rien d’autre, si bien que lorsqu’il s’est agi de commencer les travaux, je n’avais pas un sou en poche. Si on avait bien la certitude que cette construction était pour la plus grande gloire de Dieu, il y avait d’autre part un manque absolu de moyens. Dès lors il devenait évident que la Reine des Cieux voulait que ce ne soient pas les pouvoirs publics, mais les pouvoirs réels, c’est-à-dire les vrais fidèles de Marie, qui participent à cette sainte entreprise. C’était Marie elle-même qui voulut y mettre la main et faire savoir que c’était son œuvre à elle qu’elle voulait construire : Aedificavit sibi domum Maria.
            J’entreprends donc le récit des choses telles qu’elles se sont passées, en racontant consciencieusement la vérité. Je sollicite l’indulgence de mon lecteur au cas où il y trouverait quelque chose qui ne serait pas de son goût. Voici le récit. Les travaux de terrassement étaient commencés, et la quinzaine approchait où il fallait payer les terrassiers. Les fonds manquaient complètement, lorsqu’un heureux événement ouvrit une voie inattendue à la charité. En raison de mon ministère sacerdotal, je fus appelé au chevet d’une personne gravement malade. Elle était restée immobile pendant trois mois, rongée par la toux et la fièvre et souffrant d’un grave épuisement de l’estomac. Si jamais, me dit-elle, je pouvais retrouver un peu de santé, je serais prête à faire n’importe quelle prière, n’importe quel sacrifice ; ce serait une grande faveur pour moi si je pouvais ne serait-ce que sortir du lit.
            – Qu’auriez-vous l’intention de faire ?
            – Ce que vous me dites.
            – Faites une neuvaine à Marie Auxiliatrice.
            – Que dois-je dire ?
            – Pendant neuf jours, récitez trois Notre Père, Je vous salue et Gloire au Père en l’honneur du Saint-Sacrement, ainsi que trois Salve Regina à la Sainte Vierge.
            – C’est ce que je ferai ; et quelle œuvre de charité ?
            – Si vous le jugez bon et si vous obtenez une réelle amélioration de votre santé, vous ferez une offrande pour l’église de Marie Auxiliatrice en construction au Valdocco.
            – Oui, oui, avec plaisir. Si, au cours de cette neuvaine, je parviens seulement à sortir du lit et à faire quelques pas dans cette pièce, je ferai une offrande pour l’église que vous mentionnez en l’honneur de la Bienheureuse Vierge Marie.
            La neuvaine commença et nous étions déjà au dernier jour. Je devais donner ce soir-là pas moins de mille francs aux ouvriers du terrassement. J’allai donc rendre visite à notre malade, car toutes mes ressources étaient dans sa guérison. Non sans anxiété et agitation, je sonnai à la porte de sa maison. La servante m’ouvre la porte et m’annonce toute joyeuse que sa maîtresse était parfaitement rétablie, qu’elle avait déjà fait deux promenades et qu’elle était déjà allée à l’église pour remercier le Seigneur.
            Pendant que la servante s’empressait de raconter ces choses, voici qu’arrive la maîtresse elle-même, jubilante, en disant : je suis guérie, je suis déjà allée remercier la Madone ; venez, voici le paquet que j’ai préparé pour vous ; c’est la première offrande, mais ce ne sera certainement pas la dernière. Je prends le paquet, et rentré chez moi je vérifie et je trouve cinquante napoléons d’or. C’étaient justement les mille francs dont j’avais besoin.
            Ce fait, le premier du genre, je l’ai gardé jalousement caché ; néanmoins il s’est répandu comme une étincelle électrique. Beaucoup d’autres se recommandèrent à Marie Auxiliatrice en faisant la neuvaine et en promettant une offrande s’ils obtenaient la grâce implorée. Et là, si je voulais exposer tous les faits, il me faudrait écrire non pas un petit livre, mais plusieurs gros volumes.
            Maux de tête disparus, fièvres vaincues, plaies et ulcères cancéreux guéris, rhumatismes disparus, convulsions guéries, maux d’yeux, d’oreilles, de dents et de reins instantanément guéris, tels sont les moyens que la miséricorde du Seigneur a utilisés pour nous fournir ce qui était nécessaire à l’achèvement de cette église.
            Turin, Gênes, Bologne, Naples, mais plus que toutes les autres Milan, Florence et Rome ont été les villes qui ont manifesté leur gratitude par des offrandes, après avoir expérimenté l’influence bénéfique de la Mère de toutes grâces invoquée sous le titre de Secours des chrétiens. Même des villes aussi éloignées que Palerme, Vienne, Paris, Londres et Berlin se sont tournées vers Marie Auxiliatrice au moyen des prières et des promesses habituelles. À ma connaissance, personne n’a eu recours à elle en vain. Une faveur spirituelle ou temporelle plus ou moins remarquable a toujours été le fruit de la prière et du recours à la Mère miséricordieuse, puissant secours des chrétiens. Ils ont demandé la grâce et ils ont obtenu la faveur du ciel, ils ont fait leur offrande librement, sans avoir été sollicités en aucune manière.
            Si tu entres dans cette église, mon cher lecteur, tu verras une chaire élégamment construite pour nous ; c’est une personne gravement malade qui l’a promise à Marie Auxiliatrice ; elle a guéri et a accompli son vœu. L’élégant autel de la chapelle de droite est d’une dame romaine qui l’offre à Marie pour une grâce reçue.
            Si des raisons sérieuses, que chacun peut facilement deviner, ne me persuadaient pas d’en différer la publication, je pourrais dire le lieu et les noms des personnes qui ont eu recours à Marie de toutes parts. En effet, on pourrait dire que chaque angle et chaque brique de cet édifice sacré rappellent un bienfait, une grâce obtenue de cette auguste Reine du Ciel.
            Une personne impartiale recueillera ces faits qui, le moment venu, serviront à faire connaître à la postérité les merveilles de Marie Auxiliatrice.
            En ces jours, où une misère exceptionnelle se fait sentir, nous avons dû, nous aussi, ralentir les travaux en attendant des temps meilleurs pour les continuer. Mais d’autres moyens providentiels sont venus à la rescousse. Le choléra qui sévissait parmi nous et dans les environs a remué les cœurs les plus insensibles et les moins scrupuleux.
            Une mère parmi d’autres, voyant son fils unique étouffé par la violence de la maladie, l’invita à demander le secours de la Très Sainte Vierge. Dans l’excès de la douleur, celui-ci prononça ces mots : Maria Auxilium Christianorum, ora pro nobis. Sa mère répéta la même invocation avec la plus grande ferveur de son cœur. Dès lors, la violence de la maladie s’atténua, le malade transpira abondamment, si bien qu’en quelques heures il fut hors de danger et presque complètement guéri. La nouvelle de ce fait se répandit, puis d’autres se recommandèrent avec foi au Dieu tout-puissant et à la puissance de Marie Auxiliatrice en promettant de faire quelque offrande pour continuer la construction de son église. On sait que personne n’a eu recours à Marie de cette façon sans être entendu. C’est ainsi que s’accomplit la parole de saint Bernard, selon laquelle on n’a jamais dire que quelqu’un a eu recours à Marie avec confiance et a été déçu. Pendant que j’écris (mai 1868), je reçois une offrande avec un billet d’une personne de grande autorité, qui m’annonce qu’un village entier a été d’une manière extraordinaire libéré de l’infestation du choléra grâce à la médaille, au recours et à la prière à Marie Auxiliatrice. C’est ainsi que nous sont parvenues de tous les côtés des offrandes : petites, il est vrai, mais qui, mises ensembles se révélèrent suffisantes pour nos besoins.
            Il ne faut pas non plus passer sous silence une autre forme de charité en faveur de cette église, comme l’offrande d’une partie des bénéfices du commerce ou des fruits de la campagne. Plusieurs de ceux qui depuis plusieurs années n’avaient plus tiré profit de la culture des vers à soie et des vendanges, promirent de donner un dixième des produits qu’ils recevraient. Voyant qu’ils avaient été récompensés de façon extraordinaire, ils furent contents de montrer à leur céleste bienfaitrice des signes particuliers de gratitude au moyen de leurs offrandes.
            C’est ainsi que nous avons construit cet édifice majestueux avec des dépenses extraordinaires, sans avoir jamais fait de collecte d’aucune sorte. Qui pourrait le croire ? Un sixième des dépenses a été couvert par les offrandes de personnes pieuses, mais tout le reste était constitué par des offrandes faites pour les grâces reçues.
            Maintenant, il reste encore quelques notes à régler, quelques travaux à achever, beaucoup d’ornements et de meubles à trouver, mais nous avons une grande confiance en cette auguste Reine du Ciel, qui ne cessera de bénir ses fidèles et de leur accorder des grâces spéciales. Ce seront ces fidèles qui, par dévotion envers elle et par gratitude pour les grâces reçues, qui continueront à nous prêter main forte pour mener cette sainte entreprise à son terme. Et ainsi, comme le souhaite le Souverain Pontife de l’Église, les fidèles de Marie augmenteront sur la terre et le nombre de ses fils sera toujours plus grand : ils formeront un jour sa glorieuse couronne dans le royaume des cieux, pour la louer, la bénir et la remercier à jamais.

Hymne des vêpres de la fête de Marie A.
Te Redemptoris, Dominique nostri
            Dicimus Matrem, speciosa virgo,
            Christianorum decus et levamen
                                    Rebus in arctis.
Saeviant portae licet inferorum,
            Hostis antiquus fremat, et minaces,
            Ut Deo sacrum populetur agmen,
                                    Suscitet iras.
Nil truces possunt furiae nocere
            Mentibus castis, prece, quas vocata
            Annuens Virgo fovet, et superno
                                    Robore firmat.
Tanta si nobis faveat Patrona
            Bellici cessat sceleris tumultus,
            Mille sternuntur, fugiuntque turmae,
                                    Mille cohortes.
Tollit ut sancta caput in Sione
            Turris, arx firmo fabricata muro,
            Civitas David, clypeis, et acri
                                    Milite tuta.
Virgo sic fortis Domini potenti
            Dextera, caeli cumulata donis,
            A piis longe famulis repellit
                                    Daemonis ictus.
Te per aeternos veneremur annos,
            Trinitas, summo celebrando plausu,
            Te fide mentes resonoque linguae
                                    Carmine laudent. Amen.

Hymne des vêpres de la fête de Marie A. – TRADUCTION
Vierge Mère du Seigneur,
            Notre aide et notre fierté,
            Dans la sombre vallée des larmes
            Avec foi et amour nous t’implorons.
Quand aux portes de l’enfer
            Frémit l’hôte menaçant,
            Tu veilles pitoyablement
            Avec ton regard surnaturel.
Ses furies déchaînées
            Passeront sans honte et sans dommage,
            Si des cœurs chastes sur leurs ailes
            Vers toi élèvent leurs prières.
Sous ton commandement, en toute guerre
            Nous devenons les héros du combat ;
            Sous l’éclair de ta puissance
            Mille armées s’enfuient atterrées.
Tu es le rempart qui entoure
            De Sion les maisons saintes ;
            Tu es la fronde de David
            Qui frappe l’orgueilleux géant.
Tu es le bouclier qui repousse
            La lance acérée de Satan,
            Tu es le bâton qui le repousse
            Dans l’abîme d’où il est sorti.
[…]

Hymne des Laudes
Saepe dum Christi populus cruentis
            Hostis infensis premeretur armis,
            Venit adiutrix pia Virgo coelo
                                    Lapsa sereno.
Prisca sic Patrum monumenta narrant,
            Templa testantur spoliis opimis
            Clara, votivo repetita cultu
                                    Festa quotannis.
En novi grates liceat Mariae
            Cantici laetis modulis referre
            Pro novis donis, resonante plausu,
                                    Urbis et orbis.
O dies felix memoranda fastis,
            Qua Petri Sedes fidei Magistrum
            Triste post lustrum reducem beata
                                    Sorte recepit !
Virgines castae, puerique puri,
            Gestiens Clerus, populusque grato
            Corde Reginae celebrare caeli
                                    Munera certent.
Virginum Virgo, benedicta Iesu
            Mater, haec auge bona : fac, precamur,
            Ut gregem Pastor Pius ad salutis
                                    Pascua ducat.
Te per aeternos veneremur annos,
            Trinitas, summo celebrando plausu,
            Te fide mentes, resonoque linguae
                                    Carmine laudent. Amen.

Hymne des Laudes – TRADUCTION.
Quand l’ennemi acharné
            S’est lancé à l’assaut
            Avec ses armes les plus terribles
            Contre le peuple du Christ,
            Souvent à sa défense
            Marie du ciel est descendue.
Colonnes, coupoles et autels
            Ornés de trophées,
            Rites, fêtes et cantiques
            À Elle furent dédiés.
            Oh, combien nombreux les souvenirs
            De toutes ses victoires !
Qu’on lui rende grâce à nouveau
            Pour ses nouvelles faveurs ;
            Que toutes les nations s’unissent
            Et les chœurs suprêmes
            En divine harmonie
            Avec la Cité reine.
L’Église inconsolable
            A retrouvé la sérénité ;
            Le jour s’est levé
            Après un long et triste exil
            Quand au Siège suprême de Pierre
            L’Héritier suprême est revenu.
Que les jeunes vierges
            Les chastes adolescents
            Avec le clergé et le peuple
            Chantent ces heureux événements :
            Qu’ils apportent leurs hommages
            D’affection et de langage.
Ô Vierge des vierges
            Mère du Dieu de la paix,
            Puisse le pasteur des âmes
            Par sa parole de vérité
            Et sa haute vertu
            Nous guider vers le salut.
[…]

Don PAGNONE

(suite)




Merveilles de la Mère de Dieu invoquée sous le titre de Marie Auxiliatrice (9/13)

(suite de l’article précédent)

Chap. XVII. Continuation et achèvement de l’édifice

            Il semble que la Sainte Vierge ait effectivement exaucé la prière faite publiquement lors de la bénédiction de la première pierre. Les travaux se poursuivirent avec la plus grande rapidité, et au cours de l’année 1865, l’édifice fut porté jusqu’au toit, couvert, et la voûte achevée, à l’exception de la partie incluse dans la périphérie de la coupole. L’année 1866 a vu l’achèvement de la grande et de la petite coupole, et le tout recouvert de cuivre étamé.
            L’année 1867 vit l’achèvement de la statue représentant Marie, Mère de Miséricorde, en train de bénir ses fidèles. Au pied de la statue se trouve cette inscription : Angela et Benedetto Chirio en hommage à Marie Auxiliatrice FF. Ces mots rappellent les noms des généreux donateurs de cette statue en cuivre forgé. Elle mesure environ quatre mètres de haut et est surmontée de douze étoiles d’or qui couronnent la tête de la glorieuse Reine du ciel. Lorsque la statue a été placée, elle était simplement recouverte de bronze, mettant en valeur le travail de l’artiste, mais à une certaine distance, elle devenait à peine visible. C’est pourquoi on a jugé bon de la dorer. Une personne généreuse, déjà très méritante à bien des titres, se chargea de cette dépense.
            Maintenant elle brille d’un vif éclat, et quand on la regarde de loin lorsqu’elle est battue par les rayons du soleil, elle semble vouloir parler et dire :
            Je suis belle comme la lune, élue comme le soleil : Pulcra ut luna, electa ut sol. Je suis là pour accueillir les supplications de mes enfants, pour enrichir de grâces et de bénédictions ceux qui m’aiment. Ego in altissimis habito ut ditem diligentes me, et thesauros eorum repleam.
            Lorsque les travaux de décoration et d’ornementation de la statue furent terminés, elle fut bénie au cours d’une célébration très solennelle.
            Monseigneur Riccardi, notre vénérable archevêque, assisté de trois chanoines métropolitains et de nombreux prêtres, a daigné venir en personne pour accomplir cette fonction sacrée. Après un bref discours visant à démontrer l’ancien usage des images chez le peuple juif et dans l’Église primitive, il donna la bénédiction avec le Saint-Sacrement.
            En 1867, les travaux étaient presque terminés. Le reste de l’intérieur de l’église a été réalisé au cours des cinq premiers mois de l’année 1868 en cours.
            Les autels sont au nombre de cinq, tous en marbre avec des motifs et des ornements différents. Celui de la chapelle latérale de droite se distingue par son marbre précieux : vert antique, rouge d’Espagne, albâtre oriental et malachite. Les balustrades sont également en marbre ; les sols et les chœurs sont en mosaïque. Les murs intérieurs de l’église ont été simplement colorés, sans peinture, pour éviter que la construction récente des murs ne puisse nuire aux couleurs.
            Du plus bas au plus haut de l’édifice on compte 70 mètres ; les socles, les connexions, les corniches sont en granit. À l’intérieur de l’église et de la coupole, il y a des grilles en fer pour assurer la sécurité de ceux qui pourraient avoir à y faire des travaux. À l’extérieur de la coupole, il y en a trois avec un escalier, certes pas très confortable, mais certainement sûr pour ceux qui souhaitent monter jusqu’au piédestal de la statue. Il y a deux clochers surmontés de deux statues de deux mètres et demi de haut chacune. L’une de ces statues représente l’ange Gabriel en train d’offrir une couronne à la Sainte Vierge ; l’autre saint Michel tenant à la main un drapeau sur lequel est écrit en grosses lettres : Lépante. On a voulu rappeler la grande victoire remportée par les chrétiens sur les Turcs à Lépante grâce à l’intercession de la Sainte Vierge. Sur l’un des clochers se trouve un concert de cinq cloches en mi bémol, don de fidèles bienfaiteurs. Sur les cloches on a gravé plusieurs images avec les inscriptions correspondantes. L’une de ces cloches est dédiée au souverain pontife de l’Église, le pape Pie IX, une autre à Mgr Riccardi, notre archevêque.

Chap. XVIII. Retable du maître-autel. Tableau de Saint Joseph – Chaire.

            Dans le transept gauche se trouve l’autel dédié à saint Joseph. La peinture du saint est l’œuvre de l’artiste Tomaso Lorenzone. La composition est symbolique. Le Sauveur est présenté comme un enfant en train de tendre un panier de fleurs à la Sainte Vierge, comme s’il disait : flores mei, flores honoris et honestatis. Son auguste Mère dit de l’offrir à saint Joseph, son époux, afin que par sa main elles soient données aux fidèles qui les attendent les mains levées. Les fleurs représentent les grâces que Jésus offre à Marie, et celle-ci fait de saint Joseph le grand intendant chargé de les distribuer, comme le dit la Sainte Église : constituit eum dominum domus suae.
            La hauteur du tableau est de 4 mètres sur 2 mètres de large.
            La chaire est très majestueuse. Le dessin est également du chevalier Antonio Spezia. La sculpture et tous les autres travaux sont l’œuvre des jeunes de l’Oratoire Saint-François de Sales. Le matériau est du noyer sculpté et tout est bien agencé. De sa place, le prédicateur peut être vu de n’importe quel angle de l’église.
            Mais le monument le plus glorieux de cette église est le retable, le grand tableau derrière le maître-autel dans le chœur. Il est également l’œuvre de Lorenzone. Sa hauteur est de plus de sept mètres sur quatre. Il se présente à l’œil comme une apparition de Marie Auxiliatrice.
            La Vierge apparaît dans un océan de lumière et de majesté, assise sur un trône de nuages. Elle est couverte d’un manteau soutenu par une foule d’anges qui lui font une couronne et rendent hommage à leur Reine. Dans la main droite, elle tient le sceptre, symbole de son pouvoir, qui rappelle les paroles qu’elle a prononcées dans le saint Évangile : Fecit mihi magna qui potens est. Dieu tout-puissant a fait pour moi de grandes choses. De sa main gauche, elle tient l’Enfant aux bras ouverts, offrant ses grâces et sa miséricorde à ceux qui ont recours à son auguste Mère. Sur sa tête, elle porte le diadème ou couronne qui la proclame Reine du ciel et de la terre. De la partie supérieure descend un rayon de lumière céleste qui part de l’Œil de Dieu et vient se poser sur la tête de Marie. On y lit ces mots : virtus altissimi obumbrabit tibi, la vertu du Dieu très haut te couvrira de son ombre, c’est-à-dire qu’elle te couvrira et te fortifiera.
            Des rayons lumineux descendent également de la colombe, l’Esprit Saint, qui viennent aussi se poser sur la tête de Marie avec ces mots : Ave, gratia plena, Je te salue, Marie, pleine de grâce. C’est la salutation adressée à Marie par l’archange Gabriel lorsqu’il lui annonça, au nom de Dieu, qu’elle allait devenir la Mère du Sauveur.
            Plus bas, on voit les saints apôtres et les évangélistes saint Luc et saint Marc, figures un peu plus grandes que nature. Transportés comme dans une douce extase pour dire : Regina Apostolorum, ora pro nobis, ils contemplent avec étonnement la Sainte Vierge qui leur apparaît majestueuse au-dessus des nuages. Enfin, au bas du tableau se trouve la ville de Turin avec les fidèles qui remercient la Sainte Vierge pour les faveurs reçues en la suppliant de continuer à se montrer mère de miséricorde dans les graves dangers de la vie présente.
            On peut dire que l’œuvre exprime bien l’intention voulue, elle est bien proportionnée, naturelle. Mais sa valeur principale, qui ne sera jamais perdue, est l’idée religieuse qui produit une impression de ferveur dans le cœur de quiconque la contemple.

(suite)