Apparition de la Bienheureuse Vierge sur la montagne de La Salette

Don Bosco propose un récit détaillé de l’ « Apparition de la Bienheureuse Vierge sur la montagne de La Salette », survenue le 19 septembre 1846, basé sur des documents officiels et les témoignages des voyants. Il reconstitue le contexte historique et géographique – deux jeunes bergers, Maximin et Mélanie, sur les hauteurs des Alpes – la rencontre prodigieuse avec la Vierge, son message d’avertissement contre le péché et la promesse de grâces et d’aides providentielles, ainsi que les signes surnaturels qui accompagnèrent leur manifestation. Il présente les circonstances de la diffusion du culte, l’influence spirituelle sur les habitants et sur le monde entier, et le secret révélé seulement à Pie IX pour revigorer la foi des chrétiens et témoigner de la présence continuelle des prodiges dans l’Église.

Protestation de l’Auteur
            Pour obéir aux décrets d’Urbain VIII, je déclare que je n’entends attribuer qu’une autorité humaine à tout ce qui sera dit dans ce livre au sujet de miracles, de révélations ou d’autres faits ; et en donnant à quelqu’un le titre de Saint ou de Bienheureux, je n’entends le donner que selon l’opinion commune ; excepté les choses et les personnes qui ont déjà été approuvées par le Saint-Siège Apostolique.

Au lecteur
            Un fait certain et merveilleux, attesté par des milliers de personnes, et que tous peuvent encore vérifier aujourd’hui, est l’apparition de la bienheureuse Vierge, survenue le 19 septembre 1846. (Sur ce fait extraordinaire, on peut consulter de nombreux livres et plusieurs journaux contemporains du fait, notamment : Notizia sull’apparizione di Maria SS. (Turin, 1847) ; Sunto officiale dell’apparizione, etc., 1848 ; le livret imprimé par les soins du P. Giuseppe Gonfalonieri, Novara, chez Enrico Grotti).
Notre bonne Mère est apparue sous la forme et la figure d’une grande Dame à deux petits bergers, un enfant de 11 ans et une jeune paysanne de 15 ans, là-haut sur une montagne de la chaîne des Alpes située dans la paroisse de La Salette en France. Elle est apparue non seulement pour le bien de la France, comme le dit l’évêque de Grenoble, mais pour le bien du monde entier. Elle est venue pour nous avertir de la grande colère de son Divin Fils, provoquée spécialement par trois péchés : le blasphème, la profanation des fêtes et le fait de manger gras les jours défendus.
À cela s’ajoutent d’autres faits prodigieux recueillis également par des documents publics, ou attestés par des personnes absolument dignes de foi.
Ces faits servent à confirmer les bons dans la religion, à réfuter ceux qui, peut-être par ignorance, voudraient mettre une limite à la puissance et à la miséricorde du Seigneur en disant : Nous ne sommes plus au temps des miracles.
Jésus a dit qu’il y aura dans son Église des miracles plus grands que ceux qu’il a accomplis, sans fixer le temps et le nombre. C’est pourquoi, tant qu’il y aura l’Église, nous verrons toujours la main du Seigneur manifester sa puissance par des événements prodigieux. Car hier et aujourd’hui et toujours, Jésus-Christ sera celui qui gouverne et assiste son Église jusqu’à la consommation des siècles.
Mais ces signes sensibles de la Toute-Puissance Divine sont toujours le présage d’événements graves qui manifestent la miséricorde et la bonté du Seigneur, ou bien sa justice et son indignation, mais en vue de sa plus grande gloire et pour le plus grand bien des âmes.
Faisons en sorte qu’ils soient pour nous une source de grâces et de bénédictions. Qu’ils servent d’incitation à une foi vive, à une foi laborieuse, à une foi qui nous pousse à faire le bien et à fuir le mal pour nous rendre dignes de sa miséricorde infinie dans le temps et dans l’éternité.

Apparition de la Vierge Marie sur les montagnes de la Salette
            Maximin, fils de Pierre Giraud, menuisier du village de Corps, était un enfant de 11 ans. Françoise Mélanie, fille de parents pauvres, native de Corps, était une fille de 15 ans. Ils n’avaient rien de singulier : tous deux ignorants et frustes, tous deux occupés à garder le bétail sur les montagnes. Maximin ne savait que le Pater et l’Ave ; Mélanie en savait un peu plus, mais à cause de son ignorance, elle n’avait pas encore été admise à la sainte Communion.
Envoyés par leurs parents pour conduire le bétail dans les pâturages, ce fut par pur hasard que le 18 septembre, veille du grand événement, ils se rencontrèrent sur la montagne, tandis qu’ils abreuvaient leurs vaches à une fontaine.
Le soir de ce jour, en rentrant chez eux avec le bétail, Mélanie dit à Maximin : « Demain, qui sera le premier sur la Montagne ? » Et le lendemain, 19 septembre, qui était un samedi, ils y montèrent ensemble, chacun conduisant quatre vaches et une chèvre. La journée était belle et sereine, le soleil brillait. Vers midi, en entendant sonner la cloche de l’Angélus, ils firent une courte prière avec le signe de la sainte Croix. Puis ils prirent leurs provisions de bouche et allèrent manger près d’une petite source, qui était à gauche d’un ruisseau. Ayant fini de manger, ils traversèrent le ruisseau, déposèrent leurs sacs près d’une fontaine sèche, descendirent encore quelques pas, et, contrairement à leur habitude, s’endormirent à quelque distance l’un de l’autre.
Écoutons maintenant le récit des bergers eux-mêmes, tel qu’ils le firent le soir du 19 à leurs maîtres, puis mille fois à des milliers de personnes.
« Nous nous étions endormis, raconte Mélanie. Je me suis réveillée la première et, ne voyant pas mes vaches, j’ai réveillé Maximin en lui disant : Allons chercher nos vaches. Nous avons traversé le ruisseau, nous sommes montés un peu, et nous les avons vues couchées de l’autre côté. Elles n’étaient pas loin. Alors je suis redescendue quand tout à coup, à cinq ou six pas avant d’arriver au ruisseau, j’ai vu une clarté comme le Soleil, mais encore plus brillante et pas de la même couleur, et j’ai dit à Maximin : Viens, viens vite voir là-bas une clarté. (Il était entre deux et trois heures de l’après-midi).
Maximin descendit aussitôt en me disant : Où est cette clarté ? Et je la lui indiquai avec le doigt tourné vers la petite fontaine. Quand il la vit, il s’arrêta. C’est alors qu’au milieu de la lumière nous avons vu une Dame. Elle était assise sur un tas de pierres, le visage dans les mains. Prise de peur, j’ai laissé tomber mon bâton. Maximin me dit : tiens le bâton ; si elle nous fait quelque chose, je lui donnerai un bon coup de bâton.
Ensuite, la Dame se leva, croisa les bras et nous dit : « Avancez, mes enfants. N’ayez pas peur ; je suis ici pour vous donner une grande nouvelle. » Alors nous traversâmes le ruisseau, et elle s’avança jusqu’à l’endroit où nous nous étions endormis. Elle était au milieu de nous deux et elle pleurait tout le temps qu’elle nous parla (j’ai très bien vu ses larmes). Elle nous dit : « Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis contrainte de laisser aller la main de mon Fils. Elle est si forte, si lourde, que je ne peux plus la retenir. »
« Il y a longtemps que je souffre pour vous ! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je dois le prier constamment ; et vous autres n’en tenez pas compte. Vous aurez beau prier et agir, jamais vous ne pourrez compenser les préoccupations que j’ai pour vous. »
« Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis réservé le septième, et on ne veut pas me l’accorder. C’est ce qui rend la main de mon Fils si lourde. »
« Si les pommes de terre se gâtent, c’est entièrement de votre faute. Je vous l’ai fait voir l’année dernière (1845), et vous n’avez pas voulu en tenir compte, et en trouvant des pommes de terre gâtées, vous blasphémiez en y mêlant le nom de mon Fils. »
« Elles continueront à se gâter, et cette année pour Noël vous n’en aurez plus (1846). »
« Si vous avez du blé, vous ne devez pas le semer. Tout ce que vous sèmerez sera mangé par les vers, et ce qui naîtra ira en poussière, quand vous le battrez. »
« Il arrivera une grande famine. » (Il y eut en effet une grande famine en France, et sur les routes on trouvait des troupes de mendiants affamés, qui se rendaient par milliers dans les villes pour mendier. Pendant que chez nous en Italie le prix du blé augmentait au début du printemps 1847, en France, pendant tout l’hiver 1846-1847, on souffrit beaucoup de la faim. Mais la véritable pénurie d’aliments, la véritable famine eut lieu lors des désastres de la guerre de 1870-1871. À Paris, un grand personnage offrit à ses amis un somptueux repas gras le Vendredi Saint. Quelques mois plus tard, dans cette même ville, les citoyens les plus aisés furent contraints de se nourrir d’aliments grossiers et de viandes d’animaux parmi les plus répugnants. Nombreux furent ceux qui moururent de faim).
« Avant que la pénurie d’aliments n’arrive, les enfants de moins de sept ans seront pris d’un tremblement et mourront entre les mains des personnes qui les tiendront. Les autres feront pénitence pour la pénurie. »
« Les noix se gâteront, et les raisins pourriront… » (En 1849, les noix se gâtèrent partout ; quant au raisin, tous se plaignent encore des dommages et des pertes subies. Chacun se souvient de l’immense dommage que la cryptogame causa au raisin dans toute l’Europe pendant plus de vingt ans, de 1849 à 1869).
« S’ils se convertissent, les pierres et les rochers se changeront en tas de blé, et les pommes de terre seront produites par la terre elle-même. »
Puis elle nous dit :
« Dites-vous bien vos prières, mes enfants ? »
Nous répondîmes tous deux : « Pas très bien, Madame. »
« Ah ! mes enfants, vous devez bien les dire le soir et le matin. Quand vous n’avez pas le temps, dites au moins un Pater et un Ave Maria : et quand vous aurez le temps, dites-en plus. »
« À la Messe, il n’y a que quelques vieilles femmes, et les autres travaillent le dimanche tout l’été. En hiver les jeunes, quand ils ne savent que faire, vont à la Messe pour ridiculiser la religion. Pendant le carême, on va à la boucherie comme des chiens. »
Puis elle dit : « N’as-tu jamais vu, mon garçon, du blé gâté ? »
Maximin répondit : « Oh ! non, Madame. » Ne sachant à qui elle posait cette question, je répondis à voix basse :
« Non, Madame, je n’en ai pas encore vu. »
« Vous devez en avoir vu, mon garçon (s’adressant à Maximin), une fois vers la commune de Coin avec votre père. Le propriétaire du champ a dit à votre père d’aller voir son blé gâté ; vous y êtes allés tous les deux. Vous avez pris quelques épis dans vos mains ; en les frottant, ils sont tous tombés en poussière, et vous êtes revenus chez vous. Quand vous étiez encore à une demi-heure de Corps, votre père vous a donné un morceau de pain en vous disant : Prends, mon fils, mange encore du pain cette année ; je ne sais pas qui en mangera l’année prochaine, si le blé continue à se gâter ainsi. »
Maximin répondit : « Oh ! oui, Madame, maintenant je me souviens ; il y a quelque temps, je ne m’en souvenais plus. »
Après cela, la Dame nous dit : « Eh bien, mes enfants, vous le ferez savoir à tout mon peuple. »
Puis elle traversa le ruisseau, et à deux pas de distance, sans se tourner vers nous, elle nous dit de nouveau : « Eh bien, mes enfants, vous le ferez savoir à tout mon peuple. »
Elle monta ensuite une quinzaine de pas, jusqu’à l’endroit où nous étions allés chercher nos vaches. Mais en marchant sur l’herbe, ses pieds ne touchaient que le sommet. Nous l’avons suivie. Je suis passée devant la Dame et Maximin un peu de côté, à deux ou trois pas de distance. Et la belle Dame s’est élevée ainsi (Mélanie fait un geste en levant la main d’un mètre et plus). Elle resta suspendue dans l’air un moment. Ensuite Elle tourna son regard vers le Ciel, puis vers la terre. Après quoi nous ne vîmes plus la tête… plus les bras… plus les pieds… Elle semblait se fondre. On ne vit plus qu’une clarté dans l’air, et après cela la clarté disparut.
Je dis à Maximin : « C’est peut-être une grande sainte ? » Maximin me répondit : « Oh ! si nous avions su que c’était une grande sainte, nous lui aurions dit de nous emmener avec elle. » Et je lui dis : « Et si elle était encore là ? » Alors Maximin tendit vivement la main pour avoir un peu de cette clarté, mais tout avait disparu. Nous avons bien observé, pour savoir si nous ne la voyions plus.
Et je dis : « Elle ne veut pas se montrer pour ne pas nous faire savoir où elle va. Après cela, nous sommes allés derrière nos vaches. »
Tel est le récit de Mélanie, Quand on l’interrogea sur la façon dont cette Dame était vêtue, elle répondit :
« Elle avait des chaussures blanches avec des roses autour… Il y en avait de toutes les couleurs. Elle avait des bas jaunes, un tablier jaune, une robe blanche toute parsemée de perles, un fichu blanc au cou entouré de roses, un grand bonnet qui pendait un peu en avant avec une couronne de roses autour. Elle avait une chaînette, à laquelle était suspendue une croix avec son Christ : à droite une tenaille, à gauche un marteau. À l’extrémité de la Croix pendait une autre grande chaîne, comme les roses autour de son fichu au cou. Elle avait le visage blanc, allongé. Je ne pouvais pas la regarder longtemps, car elle nous éblouissait. »
Interrogé séparément, Maximin fait exactement le même récit, sans aucune variation, ni sur la substance ni même sur la forme, ce qui nous dispense de le répéter ici.
Infinies et extravagantes sont les questions insidieuses qui leur furent posées, surtout pendant deux ans, et au cours d’interrogatoires de 5, 6 ou 7 heures de suite, dans l’intention de les embarrasser, de les confondre, de les amener à se contredire. Il est certain que jamais peut-être aucun coupable n’a subi un interrogatoire aussi difficile devant les tribunaux de justice concernant le crime qui lui était imputé.

Secret des deux petits bergers
            Immédiatement après l’apparition, Maximin et Mélanie, en rentrant chez eux, se sont interrogés mutuellement : pourquoi la grande Dame, après avoir dit que « les raisins pourriront », a tardé un peu à parler et ne faisait que bouger les lèvres, sans faire entendre ce qu’elle disait ?
En s’interrogeant à ce sujet l’un l’autre, Maximin dit à Mélanie : « Elle m’a dit quelque chose, mais elle m’a interdit de te le dire. » Ils se rendirent compte tous les deux qu’ils avaient reçu de la Dame, chacun séparément, un secret avec l’interdiction de le révéler à d’autres. Mais crois-tu, mon cher lecteur, que les enfants peuvent se taire ?
Il est impossible de dire combien d’efforts et de tentatives ont été faits pour leur arracher ce secret d’une manière ou d’une autre. Il est étonnant de lire les mille et une tentatives employées à cette fin par des centaines et des centaines de personnes pendant vingt ans. Prières, surprises, menaces, injures, cadeaux et séductions de toutes sortes, tout fut vain ; ils restent impénétrables.
L’évêque de Grenoble, un vieillard de quatre-vingts ans, crut de son devoir d’ordonner aux deux enfants privilégiés de faire au moins parvenir leur secret au Saint-Père Pie IX. Au nom du Vicaire de Jésus-Christ, les deux petits bergers obéirent promptement et décidèrent de révéler un secret que rien n’avait pu leur arracher jusqu’alors. Ils l’ont donc écrit eux-mêmes (à partir du jour de l’apparition, on les avait mis à l’école, et chacun séparément). Puis ils ont plié et scellé leur lettre, et tout cela en présence de personnes respectables, choisies par l’évêque lui-même comme témoins. Ensuite, l’évêque envoya deux prêtres porter cette mystérieuse dépêche à Rome.
Le 18 juillet 1851, ils remirent à Sa Sainteté Pie IX trois lettres : une de Monseigneur l’évêque de Grenoble, qui accréditait ses deux envoyés, et les deux autres qui contenaient le secret des deux enfants de La Salette. Chacun d’eux avait écrit et scellé sa lettre contenant son secret en présence de témoins qui avaient déclaré l’authenticité de celles-ci sur la couverture.
Sa Sainteté ouvrit les lettres, en commençant à lire celle de Maximin. « Il y a vraiment ici, dit-il, la candeur et la simplicité d’un enfant. » Pendant cette lecture, une certaine émotion se manifesta sur le visage du Saint-Père ; ses lèvres se contractèrent, ses joues se gonflèrent. « Il s’agit, dit le Pape aux deux prêtres, il s’agit de fléaux dont la France est menacée. Elle n’est pas la seule coupable. L’Allemagne, l’Italie, l’Europe entière le sont aussi, et elles méritent des châtiments. Je crains beaucoup l’indifférence religieuse et le respect humain. »

Concours de fidèles à La Salette
            La fontaine, près de laquelle la Dame, c’est-à-dire la Vierge Marie, s’était reposée, était à sec, comme nous l’avons dit, et de l’avis de tous les bergers et habitants des environs, elle ne donnait de l’eau qu’après d’abondantes pluies et après la fonte des neiges. Or cette fontaine, qui était à sec le jour même de l’apparition, commença à jaillir le lendemain, et depuis cette époque, l’eau coule claire et limpide, sans interruption.
Cette montagne nue, escarpée, déserte, habitée par les bergers à peine quatre mois de l’année, est devenue le théâtre d’un immense rassemblement de foules. Des populations entières affluent de toutes parts vers cette montagne privilégiée. Pleurant de tendresse, et chantant des hymnes et des cantiques, on les voit s’incliner sur cette terre bénie où a résonné la voix de Marie. On les voit embrasser respectueusement le lieu sanctifié par les pieds de Marie, et ils en descendent remplis de joie, de confiance et de reconnaissance.
Chaque jour, un nombre immense de fidèles va visiter pieusement le lieu du prodige. Lors du premier anniversaire de l’apparition (19 septembre 1847), plus de soixante-dix mille pèlerins de tout âge, de tout sexe, de toute condition et même de toute nation occupaient la surface de ce terrain…
Mais ce qui fait sentir encore plus la puissance de cette voix venue du Ciel, c’est qu’il s’est produit un admirable changement de mœurs chez les habitants de Corps, de La Salette, de tout le canton et de tous les environs ; il se répand et se propage dans des régions lointaines… Les gens ont cessé de travailler le dimanche, ils ont abandonné le blasphème… Ils fréquentent l’Église, accourent à la voix de leurs Pasteurs, s’approchent des saints Sacrements, accomplissent avec édification le précepte de Pâques jusqu’alors généralement négligé. Je passe sous silence les nombreuses et éclatantes conversions, et les grâces extraordinaires d’ordre spirituel.
Au lieu de l’apparition s’élève maintenant une majestueuse Église avec un très vaste bâtiment, où les voyageurs peuvent se restaurer confortablement et même y passer la nuit à leur gré, après avoir satisfait leur dévotion.

Après l’événement de La Salette, Mélanie fut envoyée à l’école où elle fit des progrès merveilleux dans les connaissances et dans la vertu. Mais elle se sentit toujours si enflammée de dévotion envers la Bienheureuse Vierge Marie qu’elle décida de se consacrer entièrement à Elle. Elle entra de fait chez les Carmélites déchaussées parmi lesquelles, selon le journal Echo de Fourvière du 22 octobre 1870, elle sera appelée au ciel par la Sainte Vierge. Peu avant de mourir, elle écrivit la lettre suivante à sa mère.

11 septembre 1870.

Ma très chère mère bien-aimée,

Que Jésus soit aimé de tous les cœurs. – Cette lettre n’est pas seulement pour vous, mais pour tous les habitants de mon cher village de Corps. Un père de famille, plein d’amour pour ses enfants, voyant qu’ils oubliaient leurs devoirs, méprisaient la loi que Dieu leur avait imposée, et devenaient ingrats, résolut de les châtier sévèrement. L’épouse du Père de famille demandait grâce, et en même temps elle se rendait auprès des deux plus jeunes enfants du Père de famille, c’est-à-dire ceux qui étaient les plus faibles et les plus ignorants. L’épouse qui ne peut pleurer dans la maison de son époux (qui est le Ciel) trouve dans les champs de ces misérables enfants des larmes en abondance. Elle expose ses craintes et ses menaces si l’on ne revient pas en arrière, si l’on n’observe pas la loi du Maître de maison. Un très petit nombre de personnes embrasse la réforme du cœur, et se met à observer la sainte loi du Père de famille. Mais, hélas, la majorité reste dans le mal et s’y enfonce toujours plus. Alors le Père de famille envoie des châtiments pour les punir et pour les tirer de cet état d’endurcissement. Ces malheureux enfants, qui pensent pouvoir se soustraire au châtiment, saisissent et brisent les verges qui les frappent au lieu de tomber à genoux, de demander grâce et miséricorde, et surtout de promettre de changer de vie. Enfin le père de famille, encore plus irrité, prend une verge encore plus forte. Il frappe et frappera jusqu’à ce qu’on le reconnaisse, qu’on s’humilie et qu’on demande miséricorde à Celui qui règne sur la terre et dans les cieux.
Vous m’avez comprise, chère mère et chers habitants de Corps : ce Père de famille, c’est Dieu. Nous sommes tous ses enfants. Ni moi ni vous ne l’avons aimé comme nous aurions dû. Nous n’avons pas accompli, comme il convenait, ses commandements ; maintenant Dieu nous châtie. Un grand nombre de nos frères soldats meurent, des familles et des villes entières sont réduites à la misère, et si nous ne nous tournons pas vers Dieu, ce n’est pas fini. La ville de Paris est très coupable parce qu’elle a récompensé un homme mauvais qui a écrit contre la divinité de Jésus-Christ. Les hommes n’ont qu’un temps pour commettre des péchés, mais Dieu est éternel, et il châtie les pécheurs. Dieu est irrité par la multiplicité des péchés, et parce qu’il est presque inconnu et oublié. Or, qui pourra arrêter la guerre qui fait tant de mal en France, et qui recommencera bientôt en Italie ? etc. etc. Qui pourra arrêter ce fléau ?
Il faut 1° que la France reconnaisse que dans cette guerre il y a uniquement la main de Dieu ; 2° qu’elle s’humilie et demande avec l’esprit et le cœur le pardon de ses péchés ; qu’elle promette sincèrement de servir Dieu avec l’esprit et le cœur, et d’obéir à ses commandements sans respect humain. Certains prient, demandent à Dieu le triomphe pour nous, les Français. Non, ce n’est pas ce que veut le bon Dieu : il veut la conversion des Français. La Bienheureuse Vierge est venue en France, et celle-ci ne s’est pas convertie : elle est donc plus coupable que les autres nations. Si elle ne s’humilie pas, elle sera grandement humiliée. Paris, ce foyer de vanité et d’orgueil, qui pourra la sauver si des prières ferventes ne s’élèvent pas au cœur du bon Maître ?
Je me souviens, chère mère et chers habitants de mon cher village, je me souviens de ces pieuses processions que vous faisiez sur la sainte montagne de La Salette, afin que la colère de Dieu ne frappe pas votre pays ! La Sainte Vierge a écouté vos ferventes prières, vos pénitences et tout ce que vous avez fait par amour de Dieu. Je pense et j’espère qu’actuellement vous devez d’autant plus faire de belles processions pour le salut de la France, c’est-à-dire pour que la France revienne à Dieu, car Dieu n’attend que cela pour retirer la verge dont il se sert pour flageller son peuple rebelle. Prions donc beaucoup, oui, prions. Faites vos processions, comme vous les avez faites en 1846 et 1847. Croyez que Dieu écoute toujours les prières sincères des cœurs humbles. Prions beaucoup, prions toujours. Je n’ai jamais aimé Napoléon, car je me rappelle toute sa vie. Puisse le divin Sauveur lui pardonner tout le mal qu’il a fait, et qu’il fait encore !
Rappelons-nous que nous sommes créés pour aimer et servir Dieu, et qu’en dehors de cela il n’y a pas de vrai bonheur. Que les mères élèvent chrétiennement leurs enfants, car le temps des tribulations n’est pas fini. Si je vous révélais leur nombre et leur nature, vous en seriez horrifiés. Mais je ne veux pas vous effrayer. Ayez confiance en Dieu, qui nous aime infiniment plus que nous ne pouvons l’aimer. Prions, prions, et la bonne, la divine, la tendre Vierge Marie sera toujours avec nous. La prière désarme la colère de Dieu, la prière est la clé du Paradis.
Prions pour nos pauvres soldats, prions pour tant de mères désolées par la perte de leurs enfants, consacrons-nous à notre bonne Mère céleste, prions pour ces aveugles qui ne voient pas que c’est la main de Dieu qui frappe maintenant la France. Prions beaucoup et faisons pénitence. Restez tous attachés à la sainte Église, et à notre Saint-Père qui en est le Chef visible et le Vicaire de Notre Seigneur Jésus-Christ sur la terre. Dans vos processions, dans vos pénitences, priez beaucoup pour lui. Enfin, maintenez-vous en paix, aimez-vous comme des frères, promettez à Dieu d’observer ses commandements et de les observer vraiment. Et par la miséricorde de Dieu vous serez heureux, et vous ferez une bonne et sainte mort, que je souhaite à tous en vous plaçant tous sous la protection de l’auguste Vierge Marie. J’embrasse de tout cœur (les parents). Mon salut est dans la Croix. Le cœur de Jésus veille sur moi.

Marie de la Croix, victime de Jésus

Première partie de la publication « Apparition de la Bienheureuse Vierge sur la montagne de La Salette avec d’autres faits prodigieux, recueillis de documents publics par le prêtre Giovanni Bosco », Turin, Typographie de l’Oratoire Saint François de Sales, 1871.




Chapelet des sept douleurs de Marie

La publication du « Chapelet des sept douleurs de Marie » représente une dévotion chère à saint Jean Bosco qui voulait l’inculquer à ses jeunes. Suivant la structure du « Chemin de Croix », on propose sept scènes douloureuses avec de brèves considérations et prières, pour aider à une participation plus vive aux souffrances de Marie et de son Fils. Riche en images affectives et en sentiments de contrition, le texte reflète le désir de s’unir à la Vierge des Douleurs dans la compassion rédemptrice. Les indulgences accordées par les Papes attestent la haute valeur pastorale du texte qui est un petit trésor de prière et de réflexion, pour alimenter l’amour envers la Mère des douleurs.

Préface
Le but principal de ce fascicule est de faciliter le souvenir et la méditation des Douleurs indicibles du tendre Cœur de Marie. Cette pratique Lui est très agréable, comme Elle l’a révélé plusieurs fois à ses dévots, et c’est un moyen très efficace pour obtenir sa protection.
Afin de faciliter cet exercice de Méditation, on le pratiquera comme un chapelet où l’on évoque les sept principales douleurs de Marie. Elles pourront ensuite être méditées individuellement en sept brèves considérations, comme on le fait habituellement pour le Chemin de Croix.
Que le Seigneur nous accompagne de sa grâce et de sa bénédiction céleste afin de réaliser l’intention désirée. Que l’âme de chacun se laisse pénétrer par le souvenir fréquent des douleurs de Marie, pour son bien spirituel et pour la plus grande gloire de Dieu.

Chapelet des sept douleurs de la Bienheureuse Vierge Marie avec sept brèves considérations sur celles-ci exposées à la manière du Chemin de Croix

Préparation
Chers frères et sœurs en Jésus-Christ, nous faisons nos exercices habituels en méditant avec amour les grandes douleurs que la Bienheureuse Vierge Marie a endurées dans la vie et la mort de son Fils bien-aimé et notre Divin Sauveur. Imaginons que nous sommes devant Jésus suspendu à la croix, et que sa mère dit à chacun de nous : Venez, et voyez s’il y a une douleur pareille à la mienne.
Persuadés que cette Mère compatissante veut nous accorder une protection spéciale en méditant ses douleurs, invoquons l’aide Divine par les prières suivantes :

Antienne. Veni, Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende.

Emitte Spiritum tuum et creabuntur
Et renovabis faciem terrae.
Memento Congregationis tuae,
Quam possedisti ab initio.
Domine exaudi orationem meam.
Et clamor meus ad te veniat.

Prions.
Nous vous en supplions, Seigneur, illuminez nos esprits de la lumière de votre clarté, afin que nous puissions voir ce qui doit être fait, et que nous puissions faire ce qui est juste. Par le Christ notre Seigneur. Amen.

Première douleur. Prophétie de Syméon
La première douleur fut lorsque la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu présenta son Fils unique au Temple dans les bras du saint vieillard Siméon qui lui dit : « Voici qu’une épée transpercera ton âme », ce qui signifiait la passion et la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Un Pater et sept Ave Maria.

Prière
Ô Vierge des douleurs, par cette épée cruelle prophétisée par le saint vieillard Siméon qui allait transpercer votre âme dans la passion et la mort de votre cher Jésus, je vous supplie de m’obtenir la grâce de garder toujours la mémoire de votre cœur transpercé et des peines très amères endurées par votre Fils pour mon salut. Ainsi soit-il.

Deuxième douleur. Fuite en Égypte
La deuxième douleur de la Bienheureuse Vierge fut lorsqu’il lui fallut fuir en Égypte à cause de la persécution du cruel Hérode, qui cherchait impieusement à tuer son Fils bien-aimé.
Un Pater et sept Ave Maria.

Prière
Ô Marie, océan d’amertume et de larmes, par cette douleur que vous avez éprouvée en fuyant en Égypte pour protéger votre Fils de la cruauté barbare d’Hérode, je vous supplie de bien vouloir être mon guide, afin que par vous je sois libéré des persécutions des ennemis visibles et invisibles de mon âme. Ainsi soit-il.

Troisième douleur. Perte de Jésus au temple
La troisième douleur de la Bienheureuse Vierge fut lorsqu’au temps de Pâques, après son séjour à Jérusalem avec son époux Joseph et son cher fils Jésus Sauveur, elle le perdit au moment de retourner dans sa pauvre maison, et soupira la perte de son unique Bien-aimé pendant trois jours continus.
Un Pater et sept Ave Maria.

Prière
Ô Mère inconsolable, vous qui, ayant perdu la présence corporelle de votre Fils et l’avez cherché anxieusement pendant trois jours continus,  obtenez la grâce à tous les pécheurs afin qu’eux aussi le cherchent par des actes de contrition et le retrouvent. Ainsi soit-il.

Quatrième douleur. Rencontre de Jésus portant la Croix
La quatrième douleur de la Bienheureuse Vierge fut lorsqu’elle rencontra son Fils bien-aimé portant une lourde croix sur ses épaules délicates en direction du Mont Calvaire afin d’être crucifié pour notre salut.
Un Pater et sept Ave Maria.

Prière
Ô Vierge marquée par la passion plus que toute autre, par ce spasme que vous avez éprouvé dans votre cœur en rencontrant votre Fils alors qu’il portait le bois de la Très Sainte Croix vers le Mont Calvaire, faites, je vous en prie, que je l’accompagne sans cesse moi aussi par la pensée, que je pleure mes fautes, cause manifeste de ses tourments et des vôtres. Ainsi soit-il.

Cinquième douleur. Crucifixion de Jésus
La cinquième douleur de la Bienheureuse Vierge fut lorsqu’elle vit son Fils élevé sur le bois dur de la Croix, et que son Corps Sacré versait du sang de toutes parts.
Un Pater et sept Ave Maria.

Prière
Ô Rose parmi les épines, par ces douleurs amères qui transpercèrent votre sein en regardant de vos propres yeux votre Fils transpercé et élevé sur la Croix, obtenez-moi, je vous en prie, que par des méditations assidues je ne cherche que Jésus crucifié à cause de mes péchés. Ainsi soit-il.

Sixième douleur. Déposition de Jésus de la croix
La sixième Douleur de la Bienheureuse Vierge fut lorsque son Fils bien-aimé, blessé au côté après sa mort et déposé de la Croix, tué ainsi de manière impitoyable, fut déposé entre ses bras très saints.
Un Pater et sept Ave Maria.

Prière
Ô Vierge tourmentée, qui avez accueilli sur votre sein votre Fils mort, vaincu sur la Croix, qui avez baisé ces Plaies sacrées et répandu sur lui une pluie de larmes, faites que moi aussi, par des larmes de vraie componction, je lave continuellement les blessures mortelles que mes péchés vous ont faites. Ainsi soit-il.

Septième douleur. Sépulture de Jésus.
La septième Douleur de la Vierge Marie, Dame et Avocate des serviteurs et misérables pécheurs que nous sommes, fut lorsqu’elle accompagna le Très Saint Corps de son Fils à la sépulture.
Un Pater et sept Ave Maria.

Prière
Ô Martyre des Martyrs, par ce tourment amer que vous avez souffert lorsqu’après la sépulture de votre Fils, il vous fallut vous éloigner de cette tombe aimée, obtenez, je vous en prie, la grâce à tous les pécheurs, afin qu’ils comprennent combien il est gravement dommageable pour l’âme d’être loin de son Dieu. Ainsi soit-il.

On récitera trois Ave Maria en signe de profond respect pour les larmes que la Bienheureuse Vierge a versées dans toutes ses Douleurs pour implorer par son intermédiaire des pleurs semblables pour nos péchés.
Ave Maria etc.

Le Chapelet terminé, on récite la complainte de la Bienheureuse Vierge, c’est-à-dire l’hymne Stabat Mater etc.

Hymne – Complainte de la Bienheureuse Vierge Marie

Stabat Mater dolorosa
Iuxta crucem lacrymosa,
Dum pendebat Filius.

Cuius animam gementem
Contristatam et dolentem
Pertransivit gladius.

O quam tristis et afflicta
Fuit illa benedicta
Mater unigeniti!

Quae moerebat, et dolebat,
Pia Mater dum videbat.
Nati poenas inclyti.

Quis est homo, qui non fleret,
Matrem Christi si videret
In tanto supplicio?

Quis non posset contristari,
Christi Matrem contemplari
Dolentem cum filio?

Pro peccatis suae gentis
Vidit Iesum in tormentis
Et flagellis subditum.

Vidit suum dulcem natura
Moriendo desolatum,
Dum emisit spiritum.

Eia mater fons amoris,
Me sentire vim doloris
Fac, ut tecum lugeam.

Fac ut ardeat cor meum
In amando Christum Deum,
Ut sibi complaceam.

Sancta Mater istud agas,
Crucifixi fige plagas
Cordi meo valide.

Tui nati vulnerati
Tam dignati pro me pati
Poenas mecum divide.

Fac me tecum pie flere,
Crucifixo condolere,
Donec ego vixero.

Iuxta Crucem tecum stare,
Et me tibi sociare
In planctu desidero.

Virgo virginum praeclara,
Mihi iam non sia amara,
Fac me tecum plangere.

Fac ut portem Christi mortem,
Passionis fac consortem,
Et plagas recolere.

Fac me plagis vulnerari,
Fac me cruce inebriari,
Et cruore Filii.

Flammis ne urar succensus,
Per te, Virgo, sim defensus
In die Iudicii.

Christe, cum sit hine exire,
Da per matrem me venire
Ad palmam victoriae.

Quando corpus morietur,
Fac ut animae donetur
Paradisi gloria. Amen.

Debout, la mère des douleurs
Près de la croix était en pleurs
Quand son Fils pendait au bois.

Alors, son âme gémissante
Toute triste et toute dolente
Un glaive la transperça.

Qu’elle était triste, anéantie,
La femme entre toutes bénie,
La Mère du Fils de Dieu !

Dans le chagrin qui la poignait,
Cette tendre Mère pleurait
Son Fils mourant sous ses yeux.

Quel homme sans verser de pleurs
Verrait la Mère du Seigneur
Endurer si grand supplice ?

Qui pourrait dans l’indifférence
Contempler en cette souffrance
La Mère auprès de son Fils ?

Pour toutes les fautes humaines,
Elle vit Jésus dans la peine
Et sous les fouets meurtri.

Elle vit l’Enfant bien-aimé
Mourir tout seul, abandonné,
Et soudain rendre l’esprit.

O Mère, source de tendresse,
Fais-moi sentir grande tristesse
Pour que je pleure avec toi.

Fais que mon âme soit de feu
Dans l’amour du Seigneur mon Dieu :
Que je lui plaise avec toi.

Mère sainte, daigne imprimer
Les plaies de Jésus crucifié
En mon cœur très fortement.

Pour moi, ton Fils voulut mourir,
Aussi donne-moi de souffrir
Une part de ses tourments.

Pleurer en toute vérité
Comme toi près du crucifié
Au long de mon existence.

Je désire auprès de la croix
Me tenir, debout avec toi,
Dans ta plainte et ta souffrance.

Vierge des vierges, toute pure,
Ne sois pas envers moi trop dure,
Fais que je pleure avec toi.

Du Christ fais-moi porter la mort,
Revivre le douloureux sort
Et les plaies, au fond de moi.

Fais que ses plaies me blessent,
Que la croix me donne l’ivresse
Du sang versé par ton Fils.

Je crains les flammes éternelles ;
O Vierge, assure ma tutelle
À l’heure de la justice.

Ô Christ, à l’heure de partir,
Puisse ta Mère me conduire
À la palme de la victoire.

À l’heure où mon corps va mourir,
À mon âme fais obtenir
La gloire du paradis.

Le Souverain Pontife Innocent XI accorde une indulgence de 100 jours chaque fois que l’on récite le Stabat Mater. Benoît XIII a accordé une indulgence de sept ans à ceux qui réciteront le Chapelet des Sept Douleurs de Marie. De nombreuses autres indulgences ont été accordées par d’autres Souverains Pontifes, spécialement aux Confrères et Consœurs de la compagnie de Notre-Dame des Douleurs.

Les sept douleurs de Marie méditées à la manière du Chemin de Croix
Invoquer l’aide divine en disant :
Actiones nostras, quaesumus Domine, aspirando praeveni, et adiuvando prosequere, ut cuncta nostra oratio et operatio a te semper incipiat, et per te coepta finiatur. Per Christum Dominum Nostrum. Amen.

Acte de Contrition
Ô Vierge affligée entre toutes, combien j’ai été ingrat dans le temps passé envers mon Dieu, avec quelle ingratitude j’ai répondu à ses innombrables bienfaits ! Maintenant je m’en repens, et dans l’amertume de mon cœur et dans les larmes de mon âme, je Lui demande humblement pardon d’avoir outragé son infinie bonté, résolu à l’avenir, avec la grâce céleste, de ne plus jamais l’offenser. Ah ! par toutes les douleurs que vous avez supportées dans la terrible passion de votre bien-aimé Jésus, je vous prie en soupirant au plus profond de moi-même de m’obtenir de Lui, pitié et miséricorde pour mes péchés. Agréez ce saint exercice que je vais faire et recevez-le en union avec les peines et les douleurs que Vous avez souffertes pour votre Fils Jésus. Accordez-moi, oui, accordez-moi que les épées qui ont transpercé votre esprit, transpercent aussi le mien, et que je vive et meure dans l’amitié de mon Seigneur, pour participer éternellement à la gloire qu’il m’a acquise par son précieux Sang. Ainsi soit-il.

Première douleur
Dans cette première douleur, imaginons-nous au temple de Jérusalem, où la Très Sainte Vierge entendit la prophétie du vieillard Siméon.

Méditation
Ah ! quelles angoisses le cœur de Marie a-t-il dû éprouver en entendant les paroles douloureuses par lesquelles le Saint vieillard Siméon lui prédisait l’amère passion et l’atroce mort de son très doux Jésus ! Au même instant se présentaient à son esprit les affronts, les outrages et le massacre que les impies feraient du Rédempteur du monde. Mais sais-tu quelle fut l’épée la plus pénétrante qui la transperça en cette circonstance ? Ce fut de considérer l’ingratitude avec laquelle son cher Fils serait payé de retour par les hommes. En réfléchissant maintenant que tu es malheureusement au nombre de ceux-là cause de tes péchés, jette-toi aux pieds de cette Mère Douloureuse et dis-lui en pleurant (chacun s’agenouille) : Ô Vierge de pitié, qui avez éprouvé une grande douleur dans votre esprit en voyant l’abus que moi, créature indigne, je ferais du sang de votre aimable Fils, faites, oui faites par votre Cœur tellement affligé, qu’à l’avenir je réponde aux Divines Miséricordes, que je profite des grâces célestes, que je ne reçoive pas en vain les lumières et les inspirations que vous daignerez m’obtenir afin que j’aie le bonheur d’être au nombre de ceux à qui l’amère passion de Jésus procure un salut éternel. Ainsi soit-il. Ave Maria etc. Gloria Patri etc.

Marie, mon doux bien,
Imprimez vos peines dans mon cœur.

Deuxième douleur
Dans cette deuxième douleur, considérons le voyage très pénible que la Vierge fit en Égypte pour délivrer Jésus de la cruelle persécution d’Hérode.

Méditation
Considère l’amère douleur que Marie a dû éprouver lorsqu’elle dut se mettre en chemin de nuit sur l’ordre de l’Ange afin de préserver son Fils du massacre ordonné par ce prince féroce. À chaque cri d’animal, à chaque souffle de vent, à chaque mouvement de feuille qu’elle entendait sur ces routes désertes, elle était remplie d’effroi, craignant quelque malheur pour l’enfant Jésus qu’elle portait avec elle. Tantôt elle se tournait d’un côté, tantôt de l’autre, tantôt elle pressait le pas, tantôt elle se cachait, croyant être rejointe par les soldats, qui, arrachant de ses bras son Fils bien-aimé, l’auraient traité barbarement sous ses yeux. Fixant son œil larmoyant sur son Jésus et le serrant fortement contre sa poitrine, elle lui donnait mille baisers en poussant des soupirs angoissés de son cœur. Et maintenant, réfléchis combien de fois tu as renouvelé cette amère douleur à Marie, forçant son Fils par tes graves péchés à fuir de ton âme. Maintenant que tu connais le grand mal commis, tourne-toi plein de repentir vers cette Mère compatissante en lui disant :
Ah, très douce Mère ! Une fois Hérode vous a contrainte, vous et votre Jésus, à prendre la fuite à cause de la persécution inhumaine qu’il avait ordonnée. Mais moi, oh ! combien de fois j’ai obligé mon Rédempteur, et par conséquent vous aussi, à partir rapidement de mon cœur, en y introduisant le péché maudit, votre ennemi impitoyable et celui de mon Dieu. Hélas ! tout affligé et contrit, je vous en demande humblement pardon.
Oui, miséricorde, ô ma chère Mère, miséricorde, et je vous promets à l’avenir, avec l’aide Divine, de toujours maintenir mon Sauveur et Vous en possession totale de mon âme. Ainsi soit-il. Ave Maria etc. Gloria Patri etc.

Marie, mon doux bien,
Imprimez vos peines dans mon cœur.

Troisième douleur
Dans cette troisième douleur, considérons la Vierge angoissée qui, en larmes, cherche son Jésus égaré.

Méditation
Combien grande fut la peine de Marie, lorsqu’elle s’aperçut d’avoir perdu son aimable Fils ! Et comme sa douleur s’accrut lorsqu’après l’avoir diligemment cherché auprès de ses amis, parents et voisins, elle ne put avoir aucune nouvelle de Lui ! Elle erra trois jours entiers dans les contrées de la Judée, sans se soucier des inconvénients, de la fatigue, des dangers, répétant ces paroles de désolation : quelqu’un a-t-il vu celui que mon âme aime ? L’anxiété avec laquelle elle le cherchait lui faisait imaginer à chaque instant de le voir, ou d’entendre sa voix. Mais ensuite, se voyant déçue, comme elle frissonnait et éprouvait plus sensiblement le regret d’une si déplorable perte ! Quelle confusion pour toi, pécheur, qui as tant de fois égaré ton Jésus par les graves fautes que tu as commises ! Tu ne t’es donné aucune peine de le chercher, signe évident que tu fais peu ou pas de cas du précieux trésor de l’amitié Divine. Pleure donc ta cécité, tourne-toi vers cette Mère Douloureuse, et dis-lui en soupirant :
Notre-Dame des douleurs, faites que j’apprenne de vous la vraie manière de chercher Jésus que j’ai perdu pour suivre mes passions et les iniques suggestions du démon, afin que je réussisse à le retrouver, et quand je l’aurai retrouvé, je répéterai continuellement vos paroles : J’ai retrouvé celui que mon cœur aime ; je le garderai toujours avec moi, et je ne le laisserai plus jamais partir. Ainsi soit-il. Ave Maria etc. Gloria Patri etc.

Marie, mon doux bien,
Imprimez vos peines dans mon cœur.

Quatrième douleur
Dans la quatrième douleur, considérons la rencontre que fit la Vierge affligée avec son Fils sur le chemin de la croix.

Méditation
Venez donc, cœurs endurcis, et voyez si vous pouvez supporter ce spectacle de désolation. C’est une mère, la plus tendre, la plus aimante des mères, qui rencontre son Fils, le plus doux, le plus aimable des fils. Et comment le rencontre-t-elle ? Ô Dieu ! au milieu de la plus impie populace qui le traîne cruellement à la mort, couvert de plaies, ruisselant de sang, déchiré par les blessures, avec une couronne d’épines sur la tête et un lourd tronc sur les épaules, haletant, essoufflé, languissant. À chaque pas, il semble vouloir rendre le dernier soupir.
Considère, ô mon âme, l’arrêt mortel que fait la Très Sainte Vierge au premier regard qu’elle fixe sur son Jésus tourmenté. Elle voudrait lui faire un dernier adieu, mais comment faire, si la douleur l’empêche de prononcer un seul mot ? Elle voudrait se jeter à son cou, mais elle reste immobile et pétrifiée par la force de l’affliction intérieure. Elle voudrait se soulager par les larmes, mais son cœur est tellement serré et opprimé qu’elle ne peut verser une larme. Oh ! qui peut retenir ses larmes en voyant une pauvre Mère plongée dans une si grande affliction ? Mais qui donc est la cause d’une si amère peine ? Ah, c’est moi, oui c’est moi avec mes péchés qui ai fait une si barbare blessure à votre tendre cœur, ô Vierge Douloureuse. Pourtant, qui le croirait ? Je reste insensible sans être le moins du monde ému. Mais si j’ai été ingrat par le passé, je ne le serai plus à l’avenir.
En attendant, prosterné à vos pieds, ô Très Sainte Vierge, je vous demande humblement pardon de tant de chagrin que je vous ai causé. Je le sais et je le confesse : je ne mérite pas de pitié, étant moi la vraie raison pour laquelle vous êtes tombée de douleur en rencontrant votre Jésus tout couvert de plaies. Mais souvenez-vous, oui souvenez-vous que vous êtes mère de miséricorde. Montrez-vous donc comme telle envers moi, car je vous promets à l’avenir d’être plus fidèle à mon Rédempteur, et de compenser ainsi tant de dégoûts que j’ai donnés à votre esprit tellement affligé. Ainsi soit-il. Ave Maria etc. Gloria Patri etc.

Marie, mon doux bien,
Imprimez vos peines dans mon cœur.

Cinquième douleur
Dans cette cinquième douleur, imaginons que nous sommes au Mont Calvaire où la Vierge très affligée vit expirer son Fils bien-aimé sur la Croix.

Méditation
Nous voici au Calvaire où deux autels sont déjà dressés pour le sacrifice, l’un dans le corps de Jésus, l’autre dans le cœur de Marie. Ô funeste spectacle ! Nous voyons la Mère noyée dans un océan d’afflictions en voyant son cher et aimable fruit de ses entrailles arraché par une mort impitoyable. Chaque coup de marteau, chaque plaie, chaque lacération que le Sauveur reçoit sur sa chair, résonne profondément dans le cœur de la Vierge. Elle se tient au pied de la Croix, tellement pénétrée de peine et transpercée par le chagrin que l’on ne saurait décider qui sera le premier à expirer, Jésus ou Marie. Elle fixe son regard sur le visage de son Fils agonisant, considère ses pupilles languissantes, son visage pâle, ses lèvres livides, sa respiration difficile. Elle constate enfin qu’il ne vit plus et qu’il a déjà remis son esprit au sein de son Père éternel. Ah ! que son âme fait alors tout son possible pour se séparer de son corps et s’unir à celle de Jésus ! Et qui peut supporter une telle vue ?
Ô Mère, au lieu de vous retirer du Calvaire, afin de ne pas ressentir si vivement les angoisses, vous y restez immobile pour absorber jusqu’à la dernière goutte l’amer calice de vos afflictions. Quelle confusion ce doit être pour moi qui cherche tous les moyens d’éviter les croix et ces petites souffrances que le Seigneur daigne m’envoyer pour mon bien ! Vierge très douloureuse, je m’humilie devant vous, faites que je connaisse une fois clairement le prix et la grande valeur de la souffrance, afin que j’y prenne un tel attachement, que je ne me lasse jamais de m’écrier avec Saint François Xavier : Plus Domine, Plus Domine, plus de souffrance, mon Dieu. Ah oui, plus souffrir, ô mon Dieu. Ainsi soit-il. Ave Maria etc. Gloria Patri etc.

Marie, mon doux bien,
Imprimez vos peines dans mon cœur.

Sixième douleur
Dans cette sixième douleur, imaginons-nous voir la Vierge inconsolable quand elle reçoit dans ses bras son Fils défunt descendu de la Croix.

Méditation
Considère l’amère douleur qui pénétra l’âme de Marie, lorsqu’elle vit sur son sein le corps défunt de son bien-aimé Jésus. En fixant son regard sur ses blessures et sur ses plaies, en le voyant rougi de son propre sang, son chagrin intérieur fut si grand que son cœur fut mortellement transpercé. Si elle ne mourut pas, ce fut la Toute-Puissance Divine qui la conserva en vie. Ô pauvre Mère, oui, pauvre mère, qui conduisez à la tombe le cher objet de vos plus tendres complaisances, qui d’un bouquet de roses est devenu un faisceau d’épines par les mauvais traitements et les lacérations que lui ont infligés les impies bourreaux. Qui n’aura pas compassion de vous ? Qui ne se sentira pas déchiré par la douleur en vous voyant dans un état d’affliction à émouvoir même le plus dur des rochers ? J’observe Jean inconsolable, Madeleine avec les autres Marie qui pleurent amèrement, Nicodème qui ne peut plus se tenir debout à cause de l’affliction. Et moi, moi seul qui ne verse pas une larme au milieu de tant de douleur ! Ingrat et oublieux que je suis !
Ô Mère très douce, me voici à vos pieds, recevez-moi sous votre puissante protection et faites que mon cœur reste transpercé par cette épée qui a traversé de part en part votre esprit affligé, afin qu’il s’attendrisse enfin et pleure vraiment mes graves péchés qui vous ont causé un si cruel martyre. Et qu’il en soit ainsi. Ave Maria etc. Gloria Patri etc.

Marie, mon doux bien,
Imprimez vos peines dans mon cœur.

Septième douleur
Dans cette septième douleur, considérons la Vierge très affligée qui voit son Fils défunt enfermé dans le tombeau.

Méditation
Considère le soupir mortel que poussa le cœur affligé de Marie lorsqu’elle vit son aimable Jésus déposé dans la tombe ! Oh ! quelle peine, quel chagrin éprouva son esprit lorsque fut levée la pierre avec laquelle on devait fermer ce très sacré monument ! Il n’était pas possible de la détacher du bord du sépulcre, tant la douleur la rendait insensible et immobile, ne cessant jamais de contempler ces plaies et ces cruelles blessures. Quand ensuite la tombe fut fermée, c’est alors que la désolation intérieure fut si grande qu’elle se serait sans doute éteinte si Dieu ne l’avait conservée en vie. Ô mère très éprouvée ! Vous quitterez maintenant ce lieu avec votre corps, mais votre cœur restera sûrement ici, car c’est ici qu’est votre vrai trésor. Faites que toute notre affection reste en sa compagnie, tout notre amour. Comment se pourrait-il que nous ne soyons pas remplis de bienveillance envers le Sauveur, qui a donné tout son sang pour notre salut ? Comment se pourrait-il que nous ne vous aimions pas, vous qui avez tant souffert à cause de nous.
Maintenant, affligés et repentants pour avoir causé tant de douleurs à votre Fils et tant d’amertume à vous, nous nous prosternons à vos pieds et pour toutes ces peines que vous nous avez fait la grâce de méditer, accordez-nous cette faveur : que le souvenir de celles-ci reste toujours vivement imprimé dans notre esprit, que nos cœurs se consument d’amour pour notre bon Dieu, et pour Vous, notre très douce Mère, et que le dernier soupir de notre vie soit uni à ceux que vous avez exhalés du fond de votre âme dans la douloureuse passion de Jésus, à qui soient honneur, gloire et actions de grâces pour tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. Ave Maria etc. Gloria Patri etc.

Marie, mon doux bien,
Imprimez vos peines dans mon cœur.

Ensuite, on dit le Stabat Mater, comme ci-dessus.

Antienne. Tuam ipsius animam (ait ad Mariam Simeon) pertransiet gladius.
Ora pro nobis Virgo Dolorosissima.
Ut digni efficiamur promissionibus Christi.

Oremus
Deus in cuius passionem secundum Simeonis prophetiam, dulcissimam animam Gloriosae Virginis et Matris Mariae doloris gladius pertransivit, concede propitius, ut qui dolorum eius memoriam recolimus, passionis tuae effectum felicem consequamur. 
Qui vivis etc.

Louange à Dieu et à la Vierge Douloureuse.

Avec la permission de la Révision Ecclésiastique

La Fête des Sept Douleurs de Marie Vierge Douloureuse, célébrée par la Pieuse Union et Société, tombe le troisième dimanche de septembre dans l’église Saint-François-d’Assise.

Texte de la 3e édition, Turin, Typographie de Giulio Speirani et fils, 1871




La bergère, les brebis et les agneaux (1867)

Dans le passage qui suit, Don Bosco, fondateur de l’Oratoire de Valdocco, raconte à ses jeunes un rêve qu’il a fait dans la nuit du 29 au 30 mai 1867 et qu’il a narré le soir du dimanche de la Sainte Trinité. Dans une plaine immense, les troupeaux et les agneaux deviennent l’allégorie du monde et des jeunes : les prairies luxuriantes ou les déserts arides figurent la grâce et le péché ; les cornes et les blessures dénoncent le scandale et le déshonneur ; le chiffre « 3 » annonce trois famines – spirituelle, morale, matérielle – qui menacent ceux qui s’éloignent de Dieu. De ce récit jaillit l’appel pressant du saint : préserver l’innocence, revenir à la grâce par la pénitence, afin que chaque jeune puisse se revêtir des fleurs de la pureté et participer à la joie promise par le bon Pasteur.

Le dimanche de la Sainte Trinité, 16 juin, jour où vingt-six ans auparavant Don Bosco avait célébré sa première messe, les jeunes attendaient le rêve, dont le récit avait été annoncé par lui le 13. Son ardent désir était le bien de son troupeau spirituel, et sa norme étaient toujours les avertissements et les promesses du chapitre XXVII, v. 23-25 du livre des Proverbes : Diligenter agnosce vultum pecoris tui, tuosque greges considera : non enim habebis iugiter potestatem : sed corona tribuetur in generationem et generationem. Aperta sunt prata, et apparuerunt herbae virentes, et collecta sunt foena de montibus… (Préoccupe-toi de l’état de ton troupeau, prends soin de tes troupeaux, car les richesses ne sont pas éternelles et une couronne ne dure pas pour toujours. Quand le foin a été emporté, l’herbe nouvelle repousse et on recueille les fourrages dans les montagnes, Prov 27,23-25). Dans ses prières, il demandait d’acquérir une connaissance exacte de ses brebis, d’avoir la grâce de veiller sur elles attentivement, d’assurer leur protection même après sa mort et de les voir pourvues d’une bonne nourriture spirituelle et matérielle. Voici comment Don Bosco parla après les prières du soir.

Dans l’une des dernières nuits du mois de Marie, le 29 ou 30 mai, étant au lit et ne pouvant dormir, je pensais à mes chers jeunes et je me disais en moi-même :
– Oh si je pouvais rêver quelque chose qui leur soit profitable !
Je restai un moment à réfléchir et je me résolus :
– Oui ! maintenant je veux faire un rêve pour les jeunes !
Et voilà que je m’endormis. À peine pris par le sommeil, je me trouvai dans une immense plaine couverte d’un nombre infini de grosses brebis, réparties en troupeaux, qui broutaient dans des prairies à perte de vue. Je voulus m’approcher d’elles et je me mis à chercher le berger, m’étonnant qu’il puisse y avoir dans le monde quelqu’un qui possédait un si grand nombre de brebis. Je cherchai un bref moment, quand je vis devant moi un berger appuyé sur son bâton. Je m’approchai immédiatement pour l’interroger et lui demandai :
– À qui appartient ce grand troupeau ?
Le berger ne me répondit pas. Je répétai la question et alors il me dit :
– Que veux-tu savoir ?
– Et pourquoi, lui dis-je, me réponds-tu de cette manière ?
– Eh bien, ce troupeau appartient à son maître !
À son maître ? Je le savais déjà, me dis-je en moi-même. Puis je continuai à haute voix :
– Qui est ce maître ?
– Ne t’inquiète pas, me répondit le berger, tu le sauras.
Alors, parcourant avec lui cette vallée, je me mis à examiner le troupeau et toute cette région où il errait. La vallée était en certains endroits couverte d’une riche verdure avec des arbres étendant de larges frondaisons avec des ombres gracieuses et de l’herbe fraîche dont se nourrissaient de belles et florissantes brebis. Dans d’autres endroits, la plaine était stérile, sablonneuse, pleine de pierres avec des épineux sans feuilles, et des herbes jaunies, et il n’y avait pas un brin d’herbe fraîche ; et pourtant ici aussi il y avait beaucoup d’autres brebis qui paissaient, mais d’apparence misérable.
Je demandais diverses explications à mon guide concernant ce troupeau, et lui, sans donner aucune réponse à mes questions, me dit :
– Tu n’es pas destiné à eux. Tu ne dois pas penser à celles-là. Je te ferai voir le troupeau dont tu dois prendre soin.
– Mais qui es-tu ?
– Je suis le maître ; viens voir avec moi là-bas, de ce côté.
Et il me conduisit à un autre point de la plaine où se trouvaient des milliers et des milliers de petits agneaux. Ceux-ci étaient si nombreux qu’on ne pouvait les compter, mais si maigres qu’ils peinaient à marcher. La prairie était sèche et aride et sablonneuse et on n’y voyait pas un brin d’herbe fraîche, pas un ruisseau, mais seulement quelques buissons desséchés et des broussailles arides. Chaque pâturage avait été complètement détruit par les agneaux eux-mêmes.
On voyait à première vue que ces pauvres agneaux couverts de plaies avaient beaucoup souffert et souffraient encore beaucoup. Chose étrange ! Chacun avait deux cornes longues et grosses qui lui poussaient sur le front, comme s’ils étaient de vieux béliers, et à la pointe des cornes ils avaient un appendice en forme de « S ». Étonné, je restai perplexe en voyant cet étrange appendice d’un genre si nouveau, et je ne pouvais me résoudre à comprendre pourquoi ces agneaux avaient déjà des cornes si longues et si grosses, et avaient déjà détruit si tôt toute leur pâture.
– Comment cela se fait-il ? dis-je au berger. Ces agneaux sont encore si petits et ont déjà de telles cornes ?
– Regarde, me répondit-il ; observe.
En observant plus attentivement, je vis que ces agneaux portaient beaucoup de chiffres « 3 » imprimés sur toutes les parties du corps, sur le dos, sur la tête, sur le museau, sur les oreilles, sur le nez, sur les pattes, sur les ongles.
– Mais que signifie cela ? m’écriai-je. Je ne comprends rien.
– Comment, tu ne comprends pas ? dit le berger. Écoute donc et tu sauras tout. Cette vaste plaine est le grand monde. Les lieux pleins d’herbe, la parole de Dieu et la grâce. Les lieux stériles et arides sont les lieux où l’on n’écoute pas la parole de Dieu et où l’on cherche seulement à plaire au monde. Les brebis sont les hommes faits, les agneaux sont les jeunes et pour ceux-ci, Dieu a envoyé Don Bosco. Ce coin de la plaine que tu vois est l’Oratoire et les agneaux rassemblés ici sont tes enfants. Cet endroit si aride représente l’état de péché. Les cornes signifient le déshonneur. La lettre « S » signifie scandale. Ils vont à la ruine par le mauvais exemple. Parmi ces agneaux, il y en a quelques-uns qui ont les cornes cassées ; ils ont été scandaleux, mais maintenant ils ont cessé de donner du scandale. Le chiffre « 3 » signifie qu’ils portent les peines de leurs fautes, c’est-à-dire qu’ils souffriront trois grandes famines : une famine spirituelle, une famine morale et une famine matérielle : 1° Famine d’aides spirituelles : ils demanderont cette aide et ne l’auront pas. 2° Famine de la parole de Dieu. 3° Famine de pain matériel. Le fait que les agneaux ont tout mangé signifie qu’il ne leur reste plus rien d’autre que le déshonneur et le nombre « 3 », c’est-à-dire les famines. Ce spectacle montre aussi les souffrances actuelles de tant de jeunes au milieu du monde. À l’Oratoire, même ceux qui en seraient indignes ne manquent pas de pain matériel.
Pendant que j’écoutais et observais tout comme quelqu’un qui a perdu la mémoire, voilà une nouvelle merveille. Tous ces agneaux changèrent d’apparence !
Se levant sur leurs pattes arrière, ils devinrent grands et prirent tous la forme de jeunes garçons. Je m’approchai pour voir si j’en connaissais quelques-uns. C’étaient tous des jeunes de l’Oratoire. Il y en avait beaucoup que je n’avais jamais vus, mais tous se disaient fils de notre Oratoire. Et parmi ceux que je ne connaissais pas, il y en avait aussi quelques-uns qui se trouvent actuellement à l’Oratoire. Ce sont ceux qui ne se présentent jamais à Don Bosco, qui ne vont jamais chercher conseil auprès de lui, ceux qui l’évitent, en un mot, ceux que Don Bosco ne connaît pas encore ! L’immense majorité cependant des inconnus était composée de ceux qui n’ont pas été ou qui ne sont pas encore à l’Oratoire.
Pendant que j’observais avec peine cette multitude, celui qui m’accompagnait me prit par la main et me dit :
– Viens avec moi et tu verras autre chose ! – Et il me conduisit dans un endroit reculé de la vallée, entouré de petites collines, ceint d’une haie de plantes luxuriantes, où se trouvait une grande prairie verdoyante, la plus fertile qu’on puisse imaginer, remplie de toutes sortes d’herbes odorantes, parsemée de fleurs des champs, avec de frais bosquets et des ruisseaux d’eaux limpides. Ici, je trouvai un autre grand nombre de fils, tous joyeux, qui avec les fleurs de la prairie s’étaient confectionné ou allaient se confectionner un bel habit.
– Au moins, tu as là ceux qui te donnent de grandes consolations.
– Et qui sont-ils ? demandai-je.
– Ce sont ceux qui se trouvent en grâce de Dieu.
Ah ! je peux dire que je n’ai jamais vu de choses et de personnes aussi belles et éclatantes, ni jamais je n’aurais pu imaginer de telles splendeurs. Il est inutile que je me mette à les décrire, car ce serait gâcher ce qui est impossible à dire si on ne les voit pas. Il m’était cependant réservé un spectacle bien plus surprenant. Pendant que je regardais avec un immense plaisir ces jeunes garçons et que je contemplais beaucoup d’entre eux que je ne connaissais pas encore, mon guide me dit :
– Viens, viens avec moi et je te ferai voir une chose qui te donnera une joie et une consolation plus grandes. – Et il me conduisit dans une autre prairie toute parsemée de fleurs plus belles et plus odorantes que celles déjà vues. Elle avait l’aspect d’un jardin princier. Ici, on apercevait un nombre plus limité de jeunes, mais qui étaient d’une beauté et d’un éclat si extraordinaires qu’ils faisaient oublier ceux que je venais d’admirer. Certains d’entre eux sont déjà à l’Oratoire, d’autres y viendront plus tard.
Le berger me dit :
– Voici ceux qui conservent le beau lys de la pureté. Ils sont encore vêtus de l’étole de l’innocence.
Je regardais, extasié. Presque tous portaient sur la tête une couronne de fleurs d’une beauté indescriptible. Ces fleurs étaient composées d’autres petites fleurs d’une délicatesse surprenante, et leurs couleurs étaient d’une vivacité et d’une variété enchanteresses. Plus de mille couleurs dans une seule fleur, et dans une seule fleur on voyait plus de mille fleurs. Une robe d’une blancheur éclatante descendait à leurs pieds, elle aussi toute entrelacée de guirlandes de fleurs, semblables à celles de la couronne. La lumière charmante qui émanait de ces fleurs revêtait toute la personne et reflétait en elle sa propre gaieté. Les fleurs se reflétaient les unes dans les autres et celles des couronnes dans celles des guirlandes, réverbérant chacune les rayons émis par les autres. Un rayon d’une couleur contrastant avec un rayon d’une autre couleur formait de nouveaux rayons, différents, scintillants et donc à chaque rayon se reproduisaient toujours de nouveaux rayons, si bien que je n’aurais jamais pu croire qu’il y ait au paradis un enchantement si varié. Ce n’est pas tout. Les rayons et les fleurs de la couronne des uns se reflétaient dans les fleurs et dans les rayons de la couronne de tous les autres, comme aussi les guirlandes, et la richesse de la robe des uns se reflétait dans les guirlandes, dans les robes des autres. Les splendeurs ensuite du visage d’un jeune, en rebondissant, se fondaient avec celles du visage des compagnons et se réverbéraient multipliées sur toutes ces petites faces innocentes et rondes, produisant tant de lumière qu’elles éblouissaient la vue et empêchaient de fixer le regard.
Ainsi, en un seul s’accumulaient les beautés de tous les autres compagnons dans une harmonie de lumière ineffable ! C’était la gloire accidentelle des saints. Il n’y a aucune image humaine pour décrire même de loin combien chacun de ces jeunes devenait beau au milieu de cet océan de splendeurs. Parmi eux, j’en observai quelques-uns en particulier, qui sont maintenant ici à l’Oratoire et je suis certain que, s’ils pouvaient voir au moins le dixième de leur actuelle beauté, ils seraient prêts à souffrir le feu, à se laisser couper en morceaux, à subir en somme le plus atroce des martyrs plutôt que de la perdre.
Dès que je pus me remettre un peu de ce spectacle céleste, je me tournai vers le guide et lui dis :
– Mais parmi tant de mes jeunes, il y a donc si peu d’innocents ? Ils sont si peu nombreux ceux qui n’ont jamais perdu la grâce de Dieu ?
Le berger me répondit :
– Comment ? Tu penses que le nombre n’est pas assez grand ? Sache que ceux qui ont eu le malheur de perdre le beau lys de la pureté, et avec cela l’innocence, peuvent encore suivre leurs compagnons dans la pénitence. Regarde : dans cette prairie il y a encore beaucoup de fleurs ; eh bien, ils peuvent s’en servir pour tisser une couronne et une belle robe et même suivre les innocents dans la gloire.
– Suggère-moi encore quelque chose à dire à mes jeunes ! dis-je alors.
– Répète à tes jeunes que s’ils connaissaient combien l’innocence et la pureté sont précieuses et belles aux yeux de Dieu, ils seraient disposés à faire n’importe quel sacrifice pour la conserver. Dis-leur qu’ils se donnent du courage pour pratiquer cette vertu candide, qui surpasse les autres en beauté et en éclat. Car les chastes sont ceux qui crescunt tanquam lilia in conspectu Domini (ils croissent comme des lys devant le Seigneur).
Je voulus alors aller au milieu de mes chers fils, si bellement couronnés, mais je trébuchai sur le sol et, me réveillant, je me suis retrouvé dans mon lit.
Mes chers fils, êtes-vous tous innocents ? Peut-être y en a-t-il quelques-uns parmi vous et je veux m’adresser à eux. Par pitié, ne perdez pas un bien d’une valeur inestimable ! C’est une richesse qui vaut autant que vaut le Paradis, autant que vaut Dieu ! Si vous aviez pu voir comme ces jeunes étaient beaux avec leurs fleurs. L’ensemble de ce spectacle était tel que j’aurais donné n’importe quoi au monde pour jouir encore de cette vision. En fait, si j’étais peintre, je considérerais comme une grande grâce de pouvoir peindre d’une manière ou d’une autre ce que j’ai vu. Si vous connaissiez la beauté d’un innocent, vous vous soumettriez à n’importe quel effort le plus pénible, même à la mort, pour conserver le trésor de l’innocence.
Quant à ceux qui étaient revenus en grâce, bien que cela m’ait apporté une grande consolation, j’espérais cependant que leur nombre serait bien plus grand. Et je restai très étonné en voyant quelqu’un qui semble ici apparemment un bon jeune, mais qui avait là des cornes longues et grosses…
Don Bosco termina par une chaude exhortation à ceux qui ont perdu l’innocence, pour qu’ils s’efforcent volontiers de retrouver la grâce au moyen de la pénitence.
Deux jours plus tard, le 18 juin, Don Bosco remontait le soir sur l’estrade et donna quelques explications de son rêve.
Aucune explication ne serait plus nécessaire concernant le rêve, mais je répéterai ce que j’ai déjà dit. La grande plaine est le monde, et aussi les lieux et l’état d’où ont été appelés ici tous nos jeunes. Le lieu où se trouvaient les agneaux est l’Oratoire. Les agneaux sont tous les jeunes, qui ont été, sont actuellement, et seront à l’Oratoire. Les trois prairies de cet endroit, celle qui est aride, la verte, et celle qui est fleurie, indiquent l’état de péché, l’état de grâce et l’état d’innocence. Les cornes des agneaux sont les scandales qui ont été donnés dans le passé. Ceux qui avaient les cornes cassées ce sont ceux qui ont été scandaleux, mais qui maintenant ont cessé de donner du scandale. Tous ces chiffres « 3 », qu’on voyait imprimés sur chaque agneau, ce sont, comme je l’ai su du berger, trois châtiments que Dieu enverra sur les jeunes : 1° Famine par manque d’aides spirituelles. 2° Famine morale, c’est-à-dire manque d’instruction religieuse et de la parole de Dieu. 3° Famine matérielle, c’est-à-dire manque même de nourriture. Les jeunes resplendissants sont ceux qui se trouvent en grâce de Dieu, et surtout ceux qui conservent encore l’innocence baptismale et la belle vertu de la pureté. Comme elle est grande la gloire qui les attend !
Mettons-nous donc, chers jeunes, à pratiquer courageusement la vertu. Celui qui n’est pas en grâce de Dieu, qu’il s’y mette de bon cœur et donc avec toutes ses forces et avec l’aide de Dieu, qu’il persévère jusqu’à la mort. Que si nous ne pouvons tous être en compagnie des innocents et faire couronne à Jésus, l’Agneau immaculé, nous pouvons au moins le suivre après eux.
Un de vous m’a demandé s’il était parmi les innocents et je lui dis que non et qu’il avait des cornes, mais cassées. Il me demanda encore s’il avait des plaies et je lui dis oui.
– Et que signifient ces plaies ? ajouta-t-il.
Je répondis :
– N’aie pas peur. Elles sont cicatrisées, elles disparaîtront ; ces plaies ne sont plus déshonorantes, comme ne sont pas déshonorantes les cicatrices d’un combattant, qui malgré les nombreuses blessures et l’assaut et les efforts de l’ennemi, sut vaincre et remporter la victoire. Ce sont donc des cicatrices honorables !… Mais il est plus honorable celui qui, combattant vaillamment au milieu des ennemis, ne reçoit aucune blessure. Son intégrité suscite l’émerveillement de tous.
En expliquant ce rêve, Don Bosco dit aussi qu’il ne passera plus beaucoup de temps avant que ces trois maux ne se fassent sentir : – Peste, famine et donc manque de moyens pour faire le bien.
Il ajouta qu’avant trois mois il se passera quelque chose de particulier.
Ce rêve produisit chez les jeunes l’impression et les fruits qu’avaient obtenus très souvent des récits semblables.
(MB VIII 839-845)




Les sept allégresses de la Vierge Marie

Au cœur de l’œuvre éducative et spirituelle de Saint Jean Bosco, la figure de la Vierge Marie occupe une place privilégiée et lumineuse. Don Bosco ne fut pas seulement un grand éducateur et fondateur, mais aussi un fervent dévot de la Vierge Marie, qu’il vénérait avec une profonde affection et à laquelle il confiait chacun de ses projets pastoraux. L’une des expressions les plus caractéristiques de cette dévotion est la pratique des « Sept allégresses de la Vierge Marie », proposée de manière simple et accessible dans sa publication « Il giovane provveduto », l’un des textes les plus diffusés de sa pédagogie spirituelle.

Une œuvre pour l’âme des jeunes
En 1875, Don Bosco publiait une nouvelle édition de son livre « Il giovane provveduto per la pratica de’ suoi doveri negli esercizi di cristiana pietà », un manuel de prières, d’exercices spirituels et de règles de conduite chrétienne conçu pour les jeunes. Ce livre, rédigé dans un style sobre et paternel, visait à accompagner les jeunes dans leur formation morale et religieuse, en les introduisant à une vie chrétienne intégrale. Il y avait également une place pour la dévotion aux « Sept allégresses de la Très Sainte Vierge Marie », une prière simple mais intense, structurée en sept points. Contrairement aux « Sept douleurs de la Vierge Marie », beaucoup plus connues et répandues dans la piété populaire, les « Sept allégresses » de Don Bosco mettent l’accent sur les joies de la Très Sainte Vierge au Paradis, conséquence d’une vie terrestre vécue dans la plénitude de la grâce de Dieu.
Cette dévotion a des origines anciennes et fut particulièrement chère aux Franciscains, qui la diffusèrent à partir du XIIIe siècle, sous le nom de Rosaire des Sept Allégresses de la Bienheureuse Vierge Marie (ou Couronne Séraphique). Dans sa forme franciscaine traditionnelle, c’est une prière dévotionnelle composée de sept dizaines d’Ave Maria, chacune précédée d’un mystère joyeux (allégresse) et introduite par un Notre Père. À la fin de chaque dizaine, on récite un Gloire au Père. Les allégresses sont : 1. L’Annonciation de l’Ange ; 2. La Visitation à Sainte Élisabeth ; 3. La Naissance du Sauveur ; 4. L’Adoration des Mages ; 5. Le Recouvrement de Jésus au Temple ; 6. La Résurrection du Fils ; 7. L’Assomption et le Couronnement de Marie au ciel.
Don Bosco, s’inspirant de cette tradition, en offre une version simplifiée, adaptée à la sensibilité des jeunes.
Chacune de ces allégresses est méditée au cours de la récitation d’un Ave Maria et d’un Gloria.

La pédagogie de la joie
Le choix de cette dévotion proposée aux jeunes ne répond pas seulement à un goût personnel de Don Bosco, mais s’inscrit pleinement dans sa vision éducative. Il était convaincu que la foi devait être transmise par la joie, non par la peur ; par la beauté du bien, non par la crainte du mal. Les « Sept allégresses » deviennent ainsi une école de joie chrétienne, une invitation à reconnaître que, dans la vie de la Vierge, la grâce de Dieu se manifeste comme lumière, espérance et accomplissement.
Don Bosco connaissait bien les difficultés et les souffrances que beaucoup de ses jeunes affrontaient quotidiennement : la pauvreté, l’abandon familial, la précarité du travail. C’est pourquoi il leur offrait une dévotion mariale qui ne se limitait pas aux pleurs et à la douleur, mais qui était aussi une source de consolation et de joie. Méditer les allégresses de Marie signifiait s’ouvrir à une vision positive de la vie, apprendre à reconnaître la présence de Dieu même dans les moments difficiles, et se confier à la tendresse de la Mère céleste.
Dans la publication « Il giovane provveduto », Don Bosco écrit des mots touchants sur le rôle de Marie : il la présente comme une mère aimante, un guide sûr et un modèle de vie chrétienne. La dévotion à ses allégresses n’est pas une simple pratique dévotionnelle, mais un moyen d’entrer en relation personnelle avec la Vierge Marie, d’imiter ses vertus et de recevoir son aide maternelle dans les épreuves de la vie.
Pour le saint turinois, Marie n’est pas distante ou inaccessible, mais proche, présente et active dans la vie de ses enfants. Cette vision mariale, fortement relationnelle, traverse toute la spiritualité salésienne et se reflète également dans la vie quotidienne des oratoires : des lieux où la joie, la prière et la familiarité avec Marie vont de pair.

Un héritage vivant
Aujourd’hui encore, la dévotion aux « Sept allégresses de la Vierge Marie » conserve toute sa valeur spirituelle et éducative. Dans un monde marqué par les incertitudes, les peurs et les fragilités, elle offre un chemin simple mais profond pour découvrir que la foi chrétienne est, avant tout, une expérience de joie et de lumière. Don Bosco, prophète de la joie et de l’espérance, nous enseigne que l’authentique éducation chrétienne passe par la valorisation des affections, des émotions et de la beauté de l’Évangile.
Redécouvrir aujourd’hui les « Sept allégresses » signifie aussi retrouver un regard positif sur la vie, sur l’histoire et sur la présence de Dieu. La Vierge Marie, par son humilité et sa confiance, nous enseigne à garder et à méditer dans notre cœur les signes de la vraie joie, celle qui ne passe pas, car fondée sur l’amour de Dieu.
À une époque où les jeunes cherchent lumière et sens, les paroles de Don Bosco restent d’actualité : « Si vous voulez être heureux, pratiquez la dévotion à la Sainte Vierge ». Les « Sept allégresses » sont alors une petite échelle vers le ciel, un rosaire de lumière qui unit la terre au cœur de la Mère céleste.

Voici le texte original tiré de « Il giovane provveduto per la pratica de suoi doveri negli esercizi di cristiana pieta« , 1875 (pp. 141-142), avec nos titres.

Les sept allégresses de Marie au Ciel

1. Pureté cultivée
Réjouissez-vous, ô Épouse immaculée du Saint-Esprit, pour le contentement que vous goûtez maintenant au Paradis, car par votre pureté et votre virginité vous êtes exaltée au-dessus de tous les Anges et sublimée au-dessus de tous les saints.
Je vous salue et Gloire.

2. Sagesse recherchée
Réjouissez-vous, ô Mère de Dieu, pour le plaisir que vous éprouvez au Paradis, car de même que le soleil ici-bas illumine le monde entier, ainsi vous, par votre splendeur, ornez et faites resplendir tout le Paradis.
Je vous salue et Gloire.

3. Obéissance filiale
Réjouissez-vous, ô Fille de Dieu, pour la sublime dignité à laquelle vous avez été élevée au Paradis, car toutes les Hiérarchies des Anges, des Archanges, des Trônes, des Dominations et de tous les Esprits Bienheureux vous honorent, vous révèrent et vous reconnaissent comme Mère de leur Créateur, et vous obéissent au moindre signe.
Je vous salue et Gloire.

4. Prière continue
Réjouissez-vous, ô Servante de la Très Sainte Trinité, à cause du grand pouvoir que vous avez au Paradis, car toutes les grâces que vous demandez à votre Fils vous sont aussitôt accordées ; bien plus, comme le dit saint Bernard, aucune grâce n’est accordée ici-bas qui ne passe par vos très saintes mains.
Je vous salue et Gloire.

5. Humilité vécue
Réjouissez-vous, ô très auguste Reine, car vous seule avez mérité de siéger à la droite de votre très saint Fils, qui siège à la droite du Père Éternel.
Je vous salue et Gloire.

6. Miséricorde pratiquée
Réjouissez-vous, ô Espérance des pécheurs, Refuge des affligés, pour le grand plaisir que vous éprouvez au Paradis en voyant que tous ceux qui vous louent et vous révèrent en ce monde sont récompensés par le Père Éternel par sa sainte grâce sur terre, et par son immense gloire au ciel.
Je vous salue et Gloire.

7. Espérance récompensée
Réjouissez-vous, ô Mère, Fille et Épouse de Dieu, car toutes les grâces, toutes les joies, toutes les allégresses et toutes les faveurs que vous goûtez maintenant au Paradis ne diminueront jamais ; bien plus, elles augmenteront jusqu’au jour du jugement et dureront éternellement.
Je vous salue et Gloire.

Oraison à la très bienheureuse Vierge.
Ô glorieuse Vierge Marie, Mère de mon Seigneur, source de toute notre consolation, par ces allégresses dont j’ai fait mémoire avec la plus grande dévotion possible, je vous prie d’obtenir de Dieu le pardon de mes péchés, et l’aide continuelle de sa sainte grâce, afin que je ne me rende jamais indigne de votre protection, mais que j’aie la chance de recevoir toutes ces faveurs célestes que vous avez l’habitude d’obtenir et de partager avec vos serviteurs, qui font pieuse mémoire de ces allégresses dont déborde votre beau cœur, ô Reine immortelle du Ciel.

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Don Bosco et les titres de la Vierge

La dévotion mariale de Don Bosco naît d’une relation filiale et vivante avec la présence maternelle de Marie, expérimentée à chaque étape de sa vie. Des piliers votifs érigés pendant son enfance aux Becchi, aux images vénérées à Chieri et Turin, jusqu’aux pèlerinages accomplis avec ses garçons dans les sanctuaires du Piémont et de la Ligurie, chaque étape révèle un titre différent de la Vierge — Consolatrice, Douloureuse, Immaculée, Notre-Dame des Grâces et bien d’autres — qui parle aux fidèles de protection, de réconfort et d’espérance. Cependant, le titre qui définirait à jamais sa vénération fut « Marie Auxiliatrice » : ce fut la Vierge elle-même, selon la tradition salésienne, qui le lui indiqua. Le 8 décembre 1862, Don Bosco confia au clerc Giovanni Cagliero : « Jusqu’à présent, ajoutait-il, nous avons célébré avec solennité et pompe la fête de l’Immaculée, et c’est en ce jour que nos premières œuvres des oratoires festifs ont commencé. Mais la Vierge veut que nous l’honorions sous le titre de Marie Auxiliatrice : les temps sont si tristes que nous avons vraiment besoin que la Très Sainte Vierge nous aide à conserver et à défendre la foi chrétienne. » (MB VII, 334)

Les titres marials
            Écrire aujourd’hui un article sur les titres marials utilisés par Don Bosco pour vénérer la Sainte Vierge au cours de sa vie, peut apparaître comme une entreprise hors du temps. Quelqu’un, en effet, pourrait dire : Notre Dame n’est-elle pas une ? Quel est l’intérêt de tant de titres si ce n’est de créer la confusion ? Et puis, après tout, Marie Auxiliatrice n’est-elle pas la Madone de Don Bosco ?
Laissant aux experts les réflexions plus profondes qui justifient ces titres d’un point de vue historique, théologique et dévotionnel, nous nous contenterons de rappeler un passage de Lumen gentium. Ce document sur l’Église du Concile Vatican II nous rassure en nous rappelant que Marie est notre mère et que « par son intercession multiple, elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel. Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n’est pas achevé, et qui se trouvent engagés dans les périls et les épreuves, jusqu’à ce qu’ils parviennent à la patrie bienheureuse. C’est pourquoi la bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Église sous les titres d’Avocate, Auxiliatrice, Secourable, Médiatrice«  (Lumen Gentium 62).
Ces quatre titres admis par le Concile synthétisent à leur manière toute une série de titres et d’invocations par lesquels le peuple chrétien a appelé Marie. Les titres attribués à Marie ont fait s’exclamer le grand poète Alessandro Manzoni.
« Ô Vierge, ô Dame, ô Toute-Sainte, quels beaux noms te donnent toutes les langues ; combien de peuples superbes se vantent de ton aimable protection! » (extrait de Il nome di Maria).
La liturgie de l’Église elle-même semble comprendre et justifier les louanges adressées à Marie par le peuple chrétien, lorsqu’elle se demande : « Comment chanterons-nous tes louanges, Sainte Vierge Marie ? »
Laissons donc les doutes de côté et allons voir les titres marials chers à Don Bosco, avant même qu’il ne diffuse dans le monde entier celui de Marie Auxiliatrice.

Durant sa jeunesse
            Les édicules sacrés ou tabernacles disséminés le long des rues des villes dans de nombreuses régions d’Italie, les chapelles de campagne et les piloni (piliers votifs avec une image sainte) que l’on trouve aux carrefours des routes ou à l’entrée des chemins privés dans nos contrées, constituent un patrimoine de foi populaire qu’aujourd’hui encore le temps n’a pas effacé.
Ce serait une tâche ardue de calculer exactement combien on en trouve sur les routes du Piémont. Rien que dans la région des Becchi et de Morialdo, on en compte une vingtaine, et pas moins de quinze dans la région de Capriglio.
Il s’agit pour la plupart de piliers votifs hérités du passé et restaurés à plusieurs reprises. Il y en a aussi de plus récents qui témoignent d’une piété qui n’a pas disparu.
Le pilone le plus ancien de la région des Becchi semble remonter à 1700. Il a été érigé au fond de la « plaine » vers le Mainito, là où se réunissaient les familles qui vivaient dans l’ancienne « Scaiota », transformée plus tard en ferme salésienne, aujourd’hui en cours de rénovation.
C’est le pilone de la Consolata, avec une petite statue de la Vierge Consolatrice des affligés, toujours ornée de fleurs des champs apportées par les fidèles.
Le petit Jean Bosco a dû passer de nombreuses fois devant cet édicule sacré, enlevant son chapeau, fléchissant peut-être le genou et murmurant un Ave Maria comme sa mère le lui avait appris.
En 1958, les salésiens ont rénové le vieux pilone et, au cours d’une cérémonie solennelle, l’ont inauguré pour renouveler la dévotion au service de la communauté et de la population.
Cette petite statue de la Consolata est peut-être la première image de Marie en plein air que Don Bosco a vénérée au cours de sa vie.

Dans la vieille maison des Becchi
            Sans parler des églises de Morialdo et de Capriglio, nous ne savons pas exactement quelles images religieuses étaient accrochées aux murs de la ferme Biglione ou dans la maison des Becchi. Nous savons cependant que plus tard, dans la maison de Joseph, lorsque Don Bosco y séjournait, il a pu voir deux vieilles images sur les murs de sa chambre, l’une de la Sainte Famille et l’autre de Notre-Dame des Anges. C’est ce qu’a affirmé sœur Eulalia Bosco. Où Joseph les avait-il prises ? Est-ce que Jean les a vues quand il était petit ? Celle de la Sainte Famille est encore exposée aujourd’hui dans la pièce centrale du premier étage de la maison de Joseph. Elle représente saint Joseph assis à sa table de travail, avec l’Enfant dans ses bras, tandis que la Vierge, debout de l’autre côté, les regarde.
Nous savons également qu’à la ferme Moglia, près de Moncucco, Giovannino avait l’habitude de réciter des prières et le chapelet avec la famille des propriétaires devant un petit tableau de Notre-Dame des Douleurs, qui est toujours conservé aux Becchi au premier étage de la maison de Joseph, dans la chambre de Don Bosco, au-dessus de la tête de son lit. Il est très noirci, dans un cadre noir souligné d’or à l’intérieur.
À Castelnuovo, Giovannino avait souvent l’occasion de monter à l’église Notre-Dame du Château pour prier la Sainte Vierge. Le jour de la fête de l’Assomption, les villageois portaient en procession la statue de la Madone. Tout le monde ne sait pas que cette statue, ainsi que la peinture sur l’icône du maître-autel, représente Notre-Dame du Saint-Cordon, la Madone des Augustins.
À Chieri, comme étudiant puis comme séminariste, Jean Bosco a prié de nombreuses fois à l’autel de Notre-Dame des Grâces dans la cathédrale Santa Maria della Scala, à celui du Saint Rosaire dans l’église Saint-Dominique, et devant l’Immaculée Conception dans la chapelle du séminaire.
C’est ainsi que, dans sa jeunesse, Don Bosco a eu l’occasion de vénérer Marie sous les titres de Consolata, Notre-Dame des Douleurs, Notre-Dame des Grâces, Notre-Dame du Rosaire et Immaculée Conception.

À Turin
            Dès 1834, Jean Bosco s’était rendu à Turin à l’église Notre-Dame des Anges pour l’examen d’admission dans l’Ordre franciscain. Il y est retourné plusieurs fois pour faire les exercices spirituels, en préparation aux ordres sacrés, dans l’église de la Visitation, et a reçu les ordres sacrés dans l’église de l’Immaculée Conception, tout près du palais de l’archevêque.
Arrivé au Collège ecclésiastique de Turin, il priait certainement souvent devant l’image de l’Annonciation dans la première chapelle à droite de l’église Saint-François d’Assise. En se rendant au Duomo et en entrant, comme c’est encore la coutume aujourd’hui par le portail de droite, combien de fois se sera-t-il arrêté devant l’ancienne statue de la Madone des Grâces, connue des anciens Turinois sous le nom de « Madona Granda ».
Si l’on pense ensuite aux promenades-pèlerinages que Don Bosco faisait avec ses gamins du Valdocco dans les sanctuaires marials de Turin à l’époque de l’Oratoire itinérant, on rappellera tout d’abord le Sanctuaire de la Consolata, cœur religieux de Turin, rempli de souvenirs du premier Oratoire. C’est à la « Consola » que Don Bosco a emmené si souvent ses jeunes. C’est à la « Consola » qu’il fit recours en larmes à l’occasion de la mort de sa mère.
Mais nous ne pouvons pas oublier les sorties en ville à Notre-Dame du Pilone, à Notre-Dame de Campagna, au Mont des Capucins, à l’église de la Nativité à Pozzo Strada, à l’église des Grâces à la Crocetta.
Le voyage-pèlerinage le plus spectaculaire de ces premières années de l’Oratoire a été celui de Notre-Dame de Superga. Cette église monumentale, dédiée à la Nativité de Marie, rappelait aux gamins de Don Bosco que la Mère de Dieu est « comme une aurore qui se lève », prélude à la venue du Christ.
On voit par là que Don Bosco a fait vivre à ses garçons les mystères de la vie de Marie à travers ses plus beaux titres.

Les promenades d’automne
            En 1850, Don Bosco inaugura les promenades « hors les murs », d’abord aux Becchi et dans les environs, puis sur les collines du Monferrat jusqu’à Casale, de la région d’Alesssandria jusqu’à Tortona, et en Ligurie jusqu’à Gênes.
Pendant les premières années, sa destination principale, voire exclusive, était les Becchi et leurs environs, où il célébrait solennellement la fête du Rosaire dans la petite chapelle érigée en 1848 au rez-de-chaussée de la maison de son frère Joseph.
Les années 1857-1864 furent les années d’or des promenades d’automne, et les garçons y participaient en groupes de plus en plus importants, entrant dans les villages la fanfare en tête, accueillis dans un climat de fête par les gens et les curés locaux. Ils se reposaient dans les granges, mangeaient des repas paysans frugaux, célébraient des offices dans les églises et, le soir, donnaient des représentations sur une scène improvisée.
En 1857, la destination du pèlerinage fut Santa Maria di Vezzolano, un sanctuaire et une abbaye chers à Don Bosco, situés en contrebas du village d’Albugnano, à 5 km de Castelnuovo.
En 1861, ce fut au tour du sanctuaire de Crea, célèbre dans tout le Monferrat. Au cours de ce même voyage, Don Bosco emmena aussi ses garçons à Notre-Dame du Puits à San Salvatore.
Le 14 août 1862, depuis Vignale, où les jeunes séjournaient, Don Bosco conduisit le joyeux groupe en pèlerinage au sanctuaire de Notre-Dame des Grâces à Casorzo. Quelques jours plus tard, le 18 octobre, avant de quitter Alexandrie, ils se rendent de nouveau à la cathédrale pour prier Notre-Dame della Salve, vénérée avec grande piété par les habitants, et lui demander une heureuse conclusion de leur marche.
Toujours lors de la dernière promenade de 1864 à Gênes, sur le chemin du retour, entre Serravalle et Mornèse, un groupe conduit par Don Cagliero se rendit en pieux pèlerinage au sanctuaire de Notre-Dame de la Garde, à Gavi.
Ces excursions-pèlerinages retrouvaient les vestiges d’une religiosité populaire caractéristique de notre peuple, expression d’une dévotion mariale que Jean Bosco avait apprise de sa mère.

Et puis encore…
            Dans les années 1860, le titre de Marie Auxiliatrice commença à dominer l’esprit et le cœur de Don Bosco, avec la construction de l’église dont il rêvait depuis 1844 et qui devint alors le centre spirituel du Valdocco, l’église-mère de la Famille salésienne, le point focal de la dévotion à la Vierge, invoquée sous ce titre.
Mais les pèlerinages marials de Don Bosco ne cessèrent pas pour autant. Il suffit de le suivre dans ses longs voyages à travers l’Italie et la France pour voir combien de fois il saisissait l’occasion pour une visite fugace au sanctuaire marial du lieu.
Il suffit de le suivre de Notre-Dame d’Oropa en Piémont à Notre-Dame du Miracle à Rome, de Notre-Dame du Boschetto à Camogli à la Madone de Gennazzano, de Notre-Dame du Feu à Forli à Notre-Dame de l’Orme à Cuneo, de Notre-Dame de Bonne Espérance à Bigione à Notre-Dame des Victoires à Paris.
            Notre-Dame des Victoires, placée dans une niche dorée, est une Reine qui se tient debout en tenant son Divin Fils avec ses deux mains. Jésus a les pieds posés sur le globe étoilé représentant le monde.
C’est devant cette Reine des Victoires à Paris que Don Bosco donna un « sermon de charité » en 1883, c’est-à-dire une de ces conférences destinées à obtenir une aide pour ses œuvres de charité en faveur de la jeunesse pauvre et abandonnée. C’était sa première conférence dans la capitale française, dans le sanctuaire qui est pour les Parisiens ce qu’est le sanctuaire de la Consolata pour les Turinois.
Tel fut l’aboutissement des pérégrinations mariales de Don Bosco, commencées au pied du pilone de la Consolata, sous la « Scaiota » des Becchi.




Neuvaine à Marie Auxiliatrice 2025

Cette neuvaine à Marie Auxiliatrice 2025 nous invite à nous redécouvrir enfants sous le regard maternel de Marie. Chaque jour, à travers les grandes apparitions – de Lourdes à Fatima, de Guadalupe à Banneaux – nous contemplons un aspect de son amour : humilité, espérance, obéissance, émerveillement, confiance, consolation, justice, douceur, rêve. Les méditations du Recteur Majeur et les prières des « enfants » nous accompagnent dans un chemin de neuf jours qui ouvre le cœur à la foi simple des petits, nourrit la prière et encourage à construire, avec Marie, un monde guéri et plein de lumière, pour nous et pour tous ceux qui cherchent l’espérance et la paix.

Jour 1
Être fils et filles – Humilité et foi

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Lourdes
La petite Bernadette Soubirous
11 février 1858. Je venais d’avoir 14 ans. C’était un matin comme les autres, un jour d’hiver. Nous avions faim, comme toujours. Il y avait cette grotte, avec une bouche noire. Dans le silence j’ai senti comme un grand souffle. Le buisson s’est mis à bouger ; une force le secouait. Et puis j’ai vu une jeune femme, blanche, pas plus grande que moi, qui m’a saluée en inclinant légèrement la tête ; en même temps, elle écartait un peu ses bras tendus et en ouvrant ses mains, comme les statues de la Sainte Vierge. J’avais peur. Puis il m’est venu à l’esprit de prier : j’ai pris le chapelet que j’ai toujours sur moi et j’ai commencé à le réciter.

Marie se montre à sa fille Bernadette Soubirous. À elle qui ne savait ni lire ni écrire, à elle qui parlait en dialecte et n’allait pas au catéchisme. Une pauvre fille, intimidée par tout le monde dans le pays, mais prête à faire confiance et à se confier, comme ceux qui n’ont rien. Et rien à perdre. Marie lui confie ses secrets, et elle le fait parce qu’elle lui fait confiance. Elle la traite avec amour, elle s’adresse à elle avec gentillesse, elle lui dit : « S’il vous plaît ». Et Bernadette s’abandonne et la croit, comme un petit enfant envers sa mère. Elle croit en la promesse que la Vierge lui fait, de ne pas la rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre. Et elle se souviendra de cette promesse pour le reste de sa vie. Une promesse qui lui permettra d’affronter toutes les difficultés de front, avec force et détermination, en faisant ce que la Vierge lui a demandé : prier, prier toujours pour nous tous, pécheurs. Elle promet, elle aussi : elle garde les secrets de Marie et répond à sa demande d’un sanctuaire sur le lieu de l’apparition. Et à l’article de la mort, Bernadette sourit, en repensant au visage de Marie, à son regard plein d’amour, à ses silences, à ses quelques paroles, intenses, et surtout à la fameuse promesse. Et elle se sent toujours fille, fille d’une Mère qui tient ses promesses.

Marie, une Mère qui promet
Toi qui as promis de devenir la mère de l’humanité, tu es restée proche de tes enfants, en commençant par les plus petits et les plus pauvres. Tu t’es faite proche d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Ayez la foi : Marie se montre aussi à nous si nous savons nous dépouiller de tout.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Humilité et Foi

Nous pouvons dire que la Très Sainte Vierge Marie est pour nous un phare d’humilité et de foi qui accompagne les siècles, qui accompagne nos vies, qui accompagne l’expérience de chacun d’entre nous. N’oublions pas, cependant, que l’humilité de Marie n’est pas d’abord une simple modestie extérieure, ce n’est pas une façade, mais plutôt une conscience profonde de sa petitesse face à la grandeur de Dieu.

Son « Oui, voici la servante du Seigneur », qu’elle prononce devant l’ange, est un acte d’humilité, pas de présomption ; c’est l’abandon confiant de ceux qui se reconnaissent comme des instruments entre les mains de Dieu. Marie ne recherche pas de remerciements ; elle cherche simplement à être servante, en se plaçant à la dernière place en silence, avec une humilité, une simplicité qui nous désarme. Et c’est cette humilité radicale qui est la clé qui a ouvert le cœur de Marie à la Grâce divine, en laissant le Verbe de Dieu, avec sa grandeur, avec son immensité, s’incarner en son sein maternel.

Marie nous apprend à nous présenter tels que nous sommes, humblement, sans orgueil. Il ne faut nous appuyer sur notre autorité personnelle, notre autoréférentialité, mais nous tenir librement devant Dieu pour pouvoir être pleinement disponibles, comme Marie, et vivre avec amour selon sa volonté. Là est donc la foi de Marie. L’humilité de la servante la place sur un chemin constant d’adhésion inconditionnelle au dessein de Dieu, même dans les moments les plus sombres et les plus incompréhensibles. Cela signifie affronter courageusement la pauvreté de son expérience de la grotte de Bethléem, de la fuite en Égypte, de la vie cachée à Nazareth, mais surtout au pied de la croix, où la foi de Marie atteint son apogée.

Là, sous la croix, le cœur transpercé par la douleur, Marie ne vacille pas, Marie ne tombe pas, Marie croit à la promesse. Sa foi n’est donc pas un sentiment passager, mais un roc solide sur lequel se fonde l’espérance de l’humanité, notre espérance. En Marie, l’humilité et la foi sont inextricablement liées.

Laissons cette humilité de Marie éclairer notre terre humaine, pour que la foi puisse germer aussi en nous. En reconnaissant notre petitesse devant Dieu, nous ne nous laissons pas aller par le fait que nous sommes petits. Nous ne nous laissons pas abattre par des présomptions, mais nous nous tenons, comme Marie, dans une attitude de grande liberté, de grande disponibilité, en reconnaissant que nous dépendons de Dieu. Nous vivons avec Dieu dans la simplicité, mais en même temps dans la grandeur.

Marie nous exhorte donc à cultiver une foi sereine et ferme, capable de surmonter les épreuves et de faire confiance aux promesses de Dieu. Contemplons la figure de Marie, humble et croyante, afin de pouvoir, nous aussi, dire généreusement notre « oui », comme elle.

Et nous, sommes-nous capables de saisir ses promesses d’amour avec les yeux d’un petit enfant ?

La prière d’un fils infidèle
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
clarifie mon cœur.
Rends-moi humble, petit, capable de me perdre dans ton étreinte de mère.
Aide-moi à redécouvrir l’importance du rôle d’un fils, et marque mes pas.
Tu promets, je promets dans un pacte que seuls mère et fils peuvent faire.
Je tomberai, mère, tu le sais.
Je ne tiendrai pas toujours mes promesses.
Je ne ferai pas toujours confiance.
Je ne réussirai pas toujours à te voir.
Mais toi, reste là, en silence, avec le sourire,
les bras tendus et les mains ouvertes.
Et moi, je prendrai le chapelet
et je prierai avec toi pour tous tes fils comme moi.

Ave Maria… Je vous salue, Marie…
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 2
Être fils et filles – Simplicité et espérance

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Fatima
Les petits bergers de Cova da Iria
À Cova da Iria, vers 13 heures, le ciel s’ouvre et le soleil apparaît. Soudain, vers 13h30, l’improbable se produit : devant une foule stupéfaite, le miracle le plus spectaculaire, le plus grandiose et le plus incroyable jamais survenu depuis les temps bibliques. Le soleil commence une danse effrénée et effrayante qui durera plus de dix minutes. Un temps interminable.

Trois petits bergers, simples et heureux, assistent et répandent le récit du miracle qui bouleverse des millions de personnes. Personne ne peut l’expliquer, des scientifiques aux hommes de foi. Pourtant, trois enfants ont vu Marie, ils ont écouté son message. Et ils le croient ; ils croient aux paroles de cette femme qui s’est montrée à eux et leur a demandé de retourner à Cova da Iria tous les 13 du mois. Ils n’ont pas besoin d’explications parce qu’ils placent toute leur espérance dans les paroles répétées de Marie. Une espérance difficile à garder, qui aurait effrayé n’importe quel enfant : Notre-Dame révèle à Lucie, Jacinthe et François les souffrances et les conflits mondiaux. Mais ils n’éprouvent aucun doute : ceux qui font confiance à la protection de Marie, la Mère qui protège, peuvent tout affronter. Et ils le savent bien, eux qui l’ont vécu en personne, risquant d’être tués pour ne pas trahir la parole donnée à leur Maman du Ciel. Les trois petits bergers étaient prêts au martyre, emprisonnés et menacés devant une marmite d’huile bouillante.
Ils avaient peur :
« Pourquoi devons-nous mourir sans embrasser nos parents ? Moi, je voudrais voir maman. »
Pourtant, ils décidèrent d’espérer encore, croyant en un amour plus grand qu’eux-mêmes :
« N’aie pas peur. Offrons ce sacrifice pour la conversion des pécheurs. Ce serait pire si la Vierge ne revenait jamais. »
« Pourquoi ne récitons-nous pas le chapelet ? »

Une mère n’est jamais sourde au cri de ses enfants. C’est en elle que ses enfants mettent leur espérance.
Marie, la Mère qui protège, s’est tenue aux côtés de ses trois enfants de Fatima et les a sauvés en les gardant en vie.
Et aujourd’hui encore, Elle protège tous ses enfants dans le monde qui se rendent en pèlerinage au sanctuaire de Notre-Dame de Fatima.

Marie, une Mère qui protège
Toi qui prends soin de l’humanité dès l’instant de l’Annonciation, tu es restée proche de tes enfants les plus simples et les plus assoiffés d’espérance. Tu t’es faite proche d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Mettez votre espérance en Marie : elle saura vous protéger.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Espérance et Renouveau.

Contempler la figure de Marie, c’est comme tourner le regard vers un horizon lumineux, une invitation constante à croire en un avenir plein de grâce. Et cette grâce nous transforme. Marie est la personnification de l’espérance chrétienne en action. Sa foi inébranlable face aux épreuves, sa persévérance à suivre Jésus jusqu’à la croix, son attente confiante de la résurrection sont pour moi les choses les plus importantes. Elles sont pour nous un phare d’espérance pour toute l’humanité

En Marie, nous voyons combien la certitude est, pour ainsi dire, la confirmation de la promesse d’un Dieu qui ne manque jamais à sa parole, que la douleur, la souffrance, l’obscurité n’ont pas le dernier mot, que la mort est vaincue par la vie.

Marie est alors l’espérance. C’est l’étoile du matin qui annonce l’arrivée du soleil de justice. S’adresser à elle, c’est confier nos attentes, nos aspirations à un cœur maternel qui les présente avec amour à son Fils ressuscité. D’une certaine manière, notre espérance est soutenue par l’espérance de Marie. Et s’il y a l’espérance, alors les choses ne restent pas comme avant ; il y a du renouveau, le renouveau de la vie. En accueillant le Verbe incarné, Marie a rendu possible la foi en l’espérance et en la promesse de Dieu. Cela a rendu possible une nouvelle création, un nouveau départ.

La maternité spirituelle de Marie continue de nous engendrer dans la foi, en nous accompagnant sur notre chemin de croissance et de transformation intérieures.

Demandons à la Vierge Marie la grâce nécessaire pour que cette espérance, que nous voyons se réaliser en Elle, puisse renouveler nos cœurs, guérir nos blessures, nous faire passer au-delà du voile de la négativité pour nous engager sur un chemin de sainteté, un chemin de proximité avec Dieu. Demandons à Marie, à Elle, la Femme qui se tient en prière avec les apôtres, de nous aider aujourd’hui, croyants et communautés chrétiennes, afin que nous soyons soutenus dans la foi et ouverts aux dons de l’Esprit, et qu’ainsi, la face de la terre soit renouvelée.

Marie nous exhorte à ne jamais nous résigner au péché et à la médiocrité mais que, pleins de l’espérance qui l’a comblée Elle-même, nous désirions ardemment une vie nouvelle dans le Christ.

Que Marie continue d’être un modèle et un soutien pour nous permettre de continuer à croire en la possibilité d’un nouveau commencement, d’une renaissance intérieure qui nous conformera toujours plus à l’image de son Fils Jésus.

Et nous, sommes-nous capables, avec les yeux d’un enfant, d’espérer en Elle et de la laisser nous protéger ?

La prière d’un fils décourage
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
fais que mon cœur soit simple et plein d’espoir.
J’ai confiance en toi : protège-moi dans toutes les situations.
Je me confie à toi : protège-moi dans toutes les situations.
J’écoute ta parole : protège-moi dans toutes les situations.
Donne-moi la capacité de croire en l’impossible
et de faire tout ce qui est en mon pouvoir
pour apporter ton amour, ton message d’espérance
et ta protection au monde entier.
Et je t’en supplie, ma Mère, protège toute l’humanité,
même celle qui ne te reconnaît pas encore.

Ave Maria… Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 3
Être fils et filles – Obéissance et don de soi

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Guadalupe
Le jeune Juan Diego
Juan Diego, petit et favori de mes enfants, lui dit la Dame… » Juan se leva d’un bond.
« Où vas-tu, Juanito ? » demanda la Dame.
Juan Diego répondit aussi poliment qu’il le put. Il dit à la Dame qu’il se rendait à l’église de Santiago pour entendre la messe en l’honneur de la Mère de Dieu.
« Mon fils bien-aimé, je suis la Mère de Dieu, et je veux que tu m’écoutes attentivement. J’ai un message très important à te transmettre : je désire qu’une église soit construite ici en mon honneur, une église d’où je puisse montrer mon amour à ton peuple.

Un dialogue doux, simple et tendre comme celui d’une mère avec son enfant. Et Juan Diego obéit : il alla voir l’Évêque pour lui raconter ce qu’il avait vu ; mais l’Évêque ne le crut pas. Alors le jeune homme retourna vers Marie et lui expliqua ce qui s’était passé. La Madone lui donna un autre message en l’exhortant à essayer encore et encore. Juan Diego obéissait sans s’avouer vaincu : il accomplirait la tâche que la Mère du Ciel lui confiait. Mais un jour, pris par les problèmes de la vie, il était sur le point de manquer le rendez-vous avec la Madone : son oncle était mourant.
« Penses-tu vraiment que j’oublierais celui que j’aime tant ? » Marie guérit l’oncle, et Juan Diego obéissait une fois de plus.
« Mon cher enfant, répondit la Dame, monte au sommet de la colline où nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Coupe et cueille les roses que tu y trouveras. Mets-les dans ta « tilma » [ta cape] et apporte-les-moi ici. Je te dirai ce que tu devras faire et dire. »
Tout en sachant qu’aucune rose ne poussait sur cette colline, et certainement pas en hiver, Juan Diego courut jusqu’au sommet : il y avait là le plus beau jardin qu’il ait jamais vu. Des roses de Castille, encore brillantes de rosée, s’étendaient à perte de vue. Il coupa délicatement les plus beaux bourgeons avec son couteau de pierre, en remplit sa cape et retourna rapidement à l’endroit où la Dame l’attendait. La Dame prit les roses, les arrangea dans la « tilma » de Juan Diego qu’elle lui attacha autour du cou en disant : « C’est le signe que veut l’Évêque. Vite, va chez lui et ne t’arrête pas en chemin. »

L’image de la Vierge était apparue sur la cape ; et à la vue de ce miracle, l’Évêque fut convaincu. Et aujourd’hui, le sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe conserve encore l’effigie miraculeuse.

Marie, une Mère qui n’oublie pas
Toi qui n’oublies aucun de tes enfants, tu ne laisses personne de côté ; tu as jeté ton regard sur les jeunes qui ont placé en toi tous leurs espoirs. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Obéissez même quand vous ne comprenez pas : une mère n’oublie pas, une mère ne laisse pas seul.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Maternité et Compassion

La maternité de Marie ne s’épuise pas dans son « oui » qui a rendu possible l’Incarnation du Fils de Dieu. Certes, ce moment est le fondement de tout, mais sa maternité est une attitude constante, une façon d’être pour nous, d’être en relation avec l’humanité entière.

Jésus, sur la croix, lui confie Jean par ces mots : « Femme, voici ton fils », étendant symboliquement sa maternité aux croyants de tous les temps.  Marie devient ainsi la mère de l’Église, la mère spirituelle de chacun de nous.

Nous voyons alors comment cette maternité se manifeste dans des soins tendres et attentionnés, dans une attention constante aux besoins de ses enfants et dans un profond désir de leur bien-être. Marie nous accueille, nous nourrit avec son expression de fidélité, nous protège sous son manteau. La maternité de Marie est un don immense qui nous permet de nous rapprocher d’Elle, de ressentir une présence aimante qui nous accompagne à chaque instant.

La compassion de Marie est alors le corollaire naturel de sa maternité. Une compassion qui n’est pas simplement un sentiment superficiel de pitié, mais une participation profonde à la douleur des autres, une « souffrance avec ».  On la voit se manifester de manière touchante lors de la passion de son fils. Et de la même manière que Marie ne reste pas indifférente à notre douleur, elle intercède pour nous, elle nous console, elle nous offre son aide maternelle.

Le cœur de Marie devient alors un refuge sûr où nous pouvons déposer nos fatigues et trouver réconfort et espérance. La maternité et la compassion deviennent en Marie, pour ainsi dire, deux visages d’une même expérience humaine à notre profit, deux expressions de son amour infini pour Dieu et pour l’humanité.

Sa compassion est alors la manifestation concrète de son être de mère, compassion qui est une conséquence de la maternité. La contemplation de Marie comme mère ouvre alors notre cœur à l’espérance et trouve en elle une expérience vraiment complète : Maman du Ciel qui nous aime.

Demandons à Marie de la voir comme un modèle d’humanité authentique, d’une maternité capable de « sentir », d’aimer, de souffrir avec les autres, à l’exemple de son Fils Jésus, qui a souffert par amour pour nous et est mort sur la croix.

Et nous, sommes-nous sûrs qu’une mère n’oublie pas, sûrs comme le sont les petits enfants ?

La prière d’un fils perdu
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur obéissant.
Quand je ne t’écoute pas, insiste, je t’en prie.
Quand je ne reviens pas, viens me chercher, s’il te plaît.
Quand je ne me pardonne pas, enseigne-moi l’indulgence, je t’en prie.
Parce que nous, les humains, nous nous perdons
et nous nous perdrons toujours.
Mais toi, ne nous oublie pas, nous, tes enfants errants.
Viens nous chercher,
viens nous prendre par la main.
Nous ne voulons pas et nous ne pouvons pas rester seuls ici.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 4
Être fils et filles – émerveillement et réflexion

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de la Salette
Les petits Mélanie et Maximin de La Salette
Le samedi 19 septembre 1846, les deux enfants gravirent les pentes du mont Planeau tôt le matin, au-dessus du village de La Salette, conduisant chacun quatre vaches au pâturage. À mi-chemin, près d’une petite source, Mélanie fut la première à voir un globe de feu sur un tas de pierres « comme si le soleil y était tombé », et le montra à Maximin. Une femme commença à émerger de cette sphère lumineuse, la tête dans les mains, les coudes sur les genoux, profondément triste. Devant leur étonnement, la Dame se leva et, d’une voix douce, et en français, leur dit : « Approchez, mes enfants, n’ayez pas peur, je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle. » Encouragés, les enfants s’approchèrent et virent que « la belle Dame » pleurait.

Une mère annonce une grande nouvelle à ses enfants et le fait en pleurant. Pourtant, les enfants ne sont pas troublés par ses pleurs. Ils écoutent dans le plus tendre des moments entre une mère et ses enfants. Parce que même les mères sont parfois inquiètes, parce que les mères confient aussi leurs sentiments, leurs pensées et leurs réflexions à leurs enfants. Et Marie confie aux deux jeunes bergers, pauvres et privés d’affection, un grand message : « Je m’inquiète pour l’humanité, je m’inquiète pour vous, mes enfants, qui vous éloignez de Dieu. Et la vie loin de Dieu est une vie compliquée, difficile, faite de souffrances. » C’est pourquoi elle pleure. Elle pleure comme n’importe quelle mère et transmet à ses plus jeunes et plus purs enfants un message aussi étonnant que grand. Un message à annoncer à tous, à porter au monde.
Et ils le feront, parce qu’ils ne peuvent pas garder pour eux un si beau moment : l’expression de l’amour d’une mère pour ses enfants doit être annoncée à tous. Le Sanctuaire de Notre-Dame de La Salette, qui se dresse sur le lieu des apparitions, pose ses fondements sur la révélation de la douleur de Marie face au pèlerinage de ses enfants pécheurs.

Marie, une Mère qui annonce, qui raconte
Toi qui te donnes entièrement à tes enfants au point de ne pas avoir peur de leur parler de toi, tu as touché le cœur des plus petits de tes enfants, capables de réfléchir sur tes paroles et de les accueillir avec émerveillement. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Laissez-vous surprendre par les paroles d’une mère : elles seront toujours les plus authentiques.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Amour et Miséricorde

Sentons-nous cette dimension de Marie, ou plutôt ces deux dimensions ? Marie est la femme au cœur débordant d’amour, d’attention et même de miséricorde. Nous la ressentons comme un port d’attache, comme un havre de paix, lorsque nous traversons des moments de difficulté ou d’épreuve.

Contempler Marie, c’est comme s’immerger dans un océan de tendresse, de compassion. Nous nous sentons entourés de toute une atmosphère inépuisable de confort et d’espérance. L’amour de Marie est un amour maternel qui embrasse toute l’humanité, parce que c’est un amour qui plonge ses racines dans son « oui » inconditionnel au dessein de Dieu.

Marie, en accueillant son fils en son sein, a accueilli l’amour de Dieu. De ce fait, son amour ne connaît ni frontières ni distinctions ; il se penche sur les fragilités, les misères humaines, avec une infinie délicatesse. Nous le voyons se manifester dans son attention à Élisabeth, dans son intercession aux noces de Cana, dans sa présence silencieuse et extraordinaire au pied de la croix.

Ici, l’amour de Marie, cet amour maternel, est le reflet de l’amour de Dieu, un amour qui se fait proche, qui console, qui pardonne, qui ne se lasse jamais, qui ne finit jamais. Ici, Marie nous enseigne qu’aimer signifie se donner complètement, être proche de ceux qui souffrent, partager les joies et les peines de nos frères avec la même générosité et le même dévouement qui animaient son cœur : amour et miséricorde.

La miséricorde devient alors la conséquence naturelle de l’amour de Marie, une compassion, viscérale peut-on dire, face aux souffrances de l’humanité, du monde. Nous regardons Marie, nous la contemplons, nous la rencontrons avec son regard maternel que nous sentons se poser sur nos faiblesses, nos péchés, notre vulnérabilité, sans agressivité mais avec une douceur infinie. C’est un cœur immaculé, sensible à nos cris de douleur.

Marie est une mère qui ne juge pas, qui ne condamne pas, mais qui accueille, console et pardonne. Nous ressentons la miséricorde de Marie comme un baume pour les blessures de l’âme, une caresse qui réchauffe le cœur. Marie nous rappelle que Dieu est riche en miséricorde et qu’il ne se lasse pas de pardonner à ceux qui se tournent vers lui avec un cœur repenti, serein, ouvert et disponible.

L’amour et la miséricorde en la Vierge Marie se fondent dans une étreinte qui embrasse toute l’humanité.

Demandons à Marie de nous aider à ouvrir grand nos cœurs à l’amour de Dieu, comme elle l’a fait elle-même, à laisser cet amour envahir nos cœurs, surtout lorsque nous ployons sous le poids des épreuves et des difficultés. En Marie, nous trouvons une mère tendre et puissante, prête à nous accueillir dans son amour et à intercéder pour notre salut.

Et nous, sommes-nous encore capables de nous émerveiller comme un petit enfant devant l’amour de sa mère ?

La prière d’un fils éloigne
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de compassion et de conversion.
Dans le silence, je te retrouve.
Dans la prière, je t’écoute.
Dans la réflexion, je te découvre.
Et devant tes paroles d’amour, ô Mère, je suis émerveillé
et je découvre tes liens très forts avec l’humanité.
Loin de toi, qui me tient la main dans les moments difficiles ?
Loin de toi, qui me console dans mes pleurs ?
Loin de toi, qui me conseille quand je prends le mauvais chemin ?
Je reviens vers toi, dans l’unité de ma personne.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 5
Être fils et filles – confiance et prière

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

La médaille de Catherine
La petite Catherine Labouré
Dans la nuit du 18 juillet 1830, vers 23 h 30, elle s’entendit appeler par son nom. C’était un enfant qui lui disait : « Lève-toi et suis-moi ». Catherine le suivit. Toutes les lumières étaient allumées. La porte de la chapelle s’ouvrit dès que l’enfant l’eut touchée du bout des doigts. Catherine s’agenouilla.
À minuit, la Vierge Marie vint, s’assit sur le fauteuil qui était à côté de l’autel. « J’ai alors bondi à côté d’elle, à ses pieds, sur les marches de l’autel, et j’ai posé mes mains sur ses genoux », raconta Catherine. « Je suis restée comme ça, je ne sais pas combien de temps. Il m’a semblé que c’était le moment le plus doux de ma vie… »
« Dieu veut te confier une mission », dit la Vierge à Catherine.

Catherine, orpheline à l’âge de 9 ans, ne se résigne pas à vivre sans sa maman. Et elle se rapproche de la Maman du Ciel. La Vierge, qui portait déjà de loin son regard sur elle, ne l’abandonnerait jamais. Au contraire, elle avait de grands projets pour elle. Elle, une de ses filles attentive et aimante, aurait une grande mission à remplir : vivre une vie chrétienne authentique, une relation personnelle forte et solide avec Dieu. Marie croit au potentiel de son enfant et lui confie la Médaille Miraculeuse, capable d’intercéder et d’accomplir des grâces et des miracles. Une mission importante, un message difficile. Pourtant, Catherine ne se décourage pas ; elle se confie à sa Maman au Ciel dont elle sait qu’elle ne l’abandonnera jamais.

Marie, une Mère qui donne confiance
Toi qui fais confiance et confies des missions et des messages à chacun de tes enfants, tu les accompagnes sur leur chemin, dans une présence discrète, en restant proches de tous, mais surtout de ceux qui ont fait l’expérience de grandes souffrances. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Croyez-moi : une mère ne vous confiera jamais que des tâches que vous pouvez accomplir et vous accompagnera tout au long du chemin.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Confiance et Prière

La Vierge Marie se présente à nous comme la femme d’une confiance inébranlable, puissante en intercession. Ici, en contemplant ces deux aspects, la confiance et la prière, nous voyons deux dimensions fondamentales de la relation de Marie avec Dieu.

Nous pouvons dire que la confiance de Marie en Dieu est un fil d’or qui traverse toute son existence, du début à la fin. Ce « oui », prononcé en toute conscience des conséquences, est un acte d’abandon total à la volonté divine. Marie se confie, Marie vit sa confiance en Dieu avec un cœur ferme en la divine Providence, sachant que Dieu ne l’abandonnera jamais.

Et donc, pour nous, dans notre vie quotidienne, regarder Marie – un acte d’abandon qui n’est pas passif, mais actif et confiant – est une invitation, non pas à oublier nos angoisses, nos peurs mais, d’une certaine manière, à tout regarder à la lumière de l’amour de Dieu qui, dans le cas de Marie, n’a jamais failli, et pas même dans notre vie. Cette confiance conduit à la prière, dont on peut dire qu’elle est presque le souffle de l’âme de Marie, le canal privilégié de sa communion intime avec Dieu. La confiance mène à la communion, sa vie abandonnée en Dieu a été un dialogue d’amour continu avec le Père, une offrande constante d’elle-même, de ses préoccupations, mais aussi de ses décisions.

La visitation à Élisabeth est un exemple de prière qui devient ensuite service. Nous voyons Marie accompagner Jésus jusqu’à la croix. Après l’Ascension, nous la voyons au Cénacle, unie aux Apôtres dans une attente fervente. Marie nous enseigne la valeur de la prière constante comme conséquence d’une confiance totale et complète, en s’abandonnant entre les mains de Dieu, précisément pour rencontrer Dieu et vivre avec Dieu.

Confiance et prière à la Vierge Marie sont étroitement liées : une profonde confiance en Dieu qui fait naître et fait jaillir une prière persévérante. Demandons à Marie d’être notre exemple et de nous encourager à faire de la prière une habitude quotidienne car nous voulons nous sentir continuellement abandonnés entre les mains miséricordieuses de Dieu.

Tournons-nous vers Elle avec une confiance filiale, afin qu’en l’imitant, en imitant sa confiance et sa persévérance dans la prière, nous puissions faire l’expérience, en toute quiétude, que ce n’est que lorsque nous nous abandonnons à Dieu que nous pouvons recevoir les « matières premières » nécessaires à notre chemin de foi.

Et nous, sommes-nous capables de faire confiance inconditionnellement comme de petits enfants ?

La prière d’un fils décourage
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de prier.
Je ne suis pas capable de t’écouter, ouvre mes oreilles.
Je ne suis pas capable de te suivre, fais avancer mes pas.
Je ne suis pas capable d’être fidèle à ce que tu voudras me confier, donne-m ‘en la force.
Les tentations sont nombreuses, accorde-moi de ne pas céder.
Les difficultés semblent insurmontables, ne me laisse pas tomber.
Les contradictions du monde crient à pleine voix, fais que je ne les suive pas.
Moi, ton fils défaillant, je veux être à ton service.
Fais de moi un fils obéissant.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 6
Être fils et filles – souffrance et guérison

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame des Douleurs a Kibeho
La petite Alphonsine Mumiremana et ses compagnes
L’histoire a commencé à 12h35, un samedi 28 novembre 1981, dans un pensionnat tenu par des religieuses locales, fréquenté par un peu plus d’une centaine de filles de la région. Un collège rural et pauvre, où l’on apprenait à devenir enseignantes ou secrétaires. Le complexe n’avait pas de chapelle et, par conséquent, il n’y avait pas d’atmosphère religieuse particulièrement ressentie. Ce jour-là, toutes les filles du collège étaient dans le réfectoire. La première du groupe à « voir » fut Alphonsine Mumureke, 16 ans. D’après ce qu’elle écrit elle-même dans son journal, elle servait ses compagnes à table, lorsqu’elle entendit une voix féminine l’appeler : « Ma fille, viens ici ». Elle se rendit dans le couloir, à côté du réfectoire, et une femme d’une beauté incomparable lui apparut. Elle était vêtue de blanc, avec un voile blanc sur la tête cachant ses cheveux et qui semblait joint au reste du vêtement, un vêtement sans coutures. Elle était pieds nus et ses mains étaient jointes sur sa poitrine, les doigts pointés vers le ciel.

Plus tard, la Vierge apparut à d’autres compagnes d’Alphonsine, qui étaient sceptiques au début ; mais ensuite, face à l’apparition de Marie, elles durent changer d’avis. Marie, s’adressant à Alphonsine, se présente comme la Dame des Douleurs de Kibeho, et raconte aux jeunes tous les événements impitoyables et sanglants qui allaient se dérouler peu de temps après avec le déclenchement de la guerre au Rwanda. La douleur sera grande, mais aussi la consolation et la guérison de cette douleur, parce qu’elle, la Dame des Douleurs, n’aurait jamais laissé ses enfants d’Afrique seuls. Les jeunes filles restent là, stupéfaites, devant la vision, mais elles croient en cette mère qui leur tend les bras en les appelant « mes enfants ». Elles savent que ce n’est qu’en Elle qu’elles trouveront consolation. Et afin de pouvoir prier pour que cette Mère Consolatrice soulage les souffrances de ses enfants, le sanctuaire dédié à Notre-Dame des Douleurs de Kibeho a été érigé ; c’est aujourd’hui un lieu marqué par l’extermination et le génocide. Et la Vierge Marie continue d’être là et de serrer tous ses enfants dans ses bras.

Marie, une Mère qui console
Toi qui as consolé tes enfants comme Jean sous la Croix, tu as posé ton regard sur ceux qui vivent dans la souffrance. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
N’ayez pas peur de passer par la souffrance : la Mère qui console sèchera vos larmes.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Souffrance et invitation à la Conversion

Marie est une figure de la souffrance emblématique, transfigurée et une puissante invitation à la conversion. Lorsque nous contemplons son douloureux cheminement, c’est un avertissement, silencieux et pourtant éloquent, un appel profond à revoir quelque peu nos vies, nos choix, et l’appel à revenir au cœur de l’Évangile. La souffrance qui traverse la vie de Marie, comme une épée tranchante, prophétisée par le vieillard Siméon, marquée par la disparition de l’Enfant Jésus, jusqu’à la douleur indicible au pied de la croix, Marie vit tout cela : le poids de la fragilité humaine, et le mystère de la douleur innocente d’une manière unique.

La souffrance de Marie n’était pas une souffrance stérile, une résignation passive mais, d’une certaine manière, nous remarquons qu’il y a une activité, une offrande silencieuse et courageuse, unie au sacrifice rédempteur de son Fils Jésus.

Quand nous regardons avec les yeux de la foi Marie, la femme qui souffre, cette souffrance, plutôt que de nous déprimer, nous révèle la profondeur de l’amour de Dieu pour nous, qui est visible dans la vie de Marie. Marie, d’une certaine manière, nous enseigne que, même dans la douleur la plus aiguë, une possibilité de croissance spirituelle, fruit de l’union avec le mystère pascal, peut trouver un sens.

C’est donc de l’expérience de la douleur transfigurée que jaillit une puissante invitation à la conversion. En regardant, en contemplant Marie qui a tant souffert par amour pour nous et pour notre salut, nous sommes, nous aussi, appelés à ne pas rester indifférents au mystère de la rédemption.

Marie, femme douce et maternelle, nous exhorte à abandonner les voies du mal, pour embrasser le chemin de la foi. La célèbre phrase de Marie aux noces de Cana, « Tout ce qu’il vous dira, faites-le », résonne encore pour nous aujourd’hui comme une invitation pressante à écouter la voix de Jésus dans les moments de difficulté, dans les moments d’épreuve, dans les moments de situations inattendues et inconnues.

L’exemple de foi de Marie est inébranlable dans la douleur, à la fois lumière et guide pour nous permettre de transformer nos souffrances en opportunités de croissance spirituelle ; et, en même temps, nous permettre de répondre avec générosité à l’appel pressant à la conversion, afin que la profondeur qui résonne encore dans le cœur de chaque être humain, l’invitation de Dieu, d’un Dieu qui nous aime, puisse, par l’intercession de Marie, trouver un sens, une issue, une croissance, même dans les moments les plus difficiles et les plus douloureux.

Et nous, nous laissons-nous consoler comme de petits enfants ?

La prière d’un fils qui souffre
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de guérir.
Quand je suis à terre, tends-moi la main, ô Mère.
Quand je me sens exténué, rassemble mes forces, ô Mère.
Quand la souffrance prend le dessus, ouvre-moi à l’Espérance, ô Mère.
Pour que je ne cherche pas seulement la guérison du corps,
mais que je réalise combien mon cœur a besoin de paix.
Et de la poussière, relève-moi, ô Mère.
Relève-moi, ainsi que tous tes enfants qui sont dans l’épreuve :
ceux qui vivent sous les bombes,
ceux qui sont persécutés,
ceux qui sont injustement emprisonnés,
ceux dont les droits et la dignité ont été violés,
ceux dont la vie est trop tôt interrompue.
Relève-les et réconforte-les
parce qu’ils sont tes enfants,
parce que nous sommes tes enfants.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 7
Être fils et filles – justice et dignité

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame d’Aparecida
Les petits pêcheurs Domingos, Felice et João
À l’aube du 12 octobre 1717, Domingos Garcia, Felipe Pedroso et João Alves poussèrent leur barque dans les eaux de la rivière Paraiba qui coulait près de leur village. Ils ne semblaient pas avoir de chance ce matin-là : pendant des heures, ils ont jeté leurs filets, sans rien prendre. Ils étaient sur le point d’abandonner, lorsque João Alves, le plus jeune, a voulu faire une dernière tentative. Il jeta donc son filet dans les eaux de la rivière et le remonta lentement. Il y avait quelque chose, mais ce n’était pas un poisson… Cela ressemblait plutôt à un morceau de bois. Lorsqu’il l’a libéré des mailles du filet, le morceau de bois s’est avéré être une statue de la Vierge Marie, malheureusement sans sa tête. João jeta à nouveau le filet dans l’eau et cette fois, en le remontant, il trouva un autre morceau de bois arrondi qui ressemblait à la tête de la statue : il essaya d’assembler les deux morceaux et se rendit compte qu’ils correspondaient parfaitement. Comme s’il obéissait à une impulsion, João Alves jeta de nouveau le filet dans l’eau et, lorsqu’il essaya de le remonter, il se rendit compte qu’il ne pouvait pas le faire car il était plein de poissons. Ses compagnons jetèrent à leur tour leurs filets dans l’eau et les prises de ce jour-là furent vraiment abondantes.

Une mère voit les besoins de ses enfants : Marie a vu les besoins des trois pêcheurs et est allée à leur secours. Ses enfants lui ont donné tout l’amour et la dignité que l’on peut donner à une mère : ils ont assemblé les deux morceaux de la statue, l’ont placée sur une cabane et en ont fait un sanctuaire. Du haut de la cabane, Notre-Dame d’Aparecida – ce qui signifie Apparue – sauva l’un de ses fils esclaves qui fuyait ses maîtres : elle vit sa souffrance et lui rendit sa dignité. Et aujourd’hui, cette cabane est devenue le plus grand sanctuaire marial au monde et porte le nom de Basilique de Notre-Dame d’Aparecida.

Marie, une Mère qui voit
Toi qui as vu la souffrance de tes enfants maltraités, à commencer par les disciples, tu te places auprès de tes enfants les plus pauvres et persécutés. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Ne vous cachez pas du regard d’une mère : elle voit même vos désirs et vos besoins cachés.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Dignité et Justice Sociale

La Très Sainte Vierge Marie est un miroir de la dignité humaine pleinement réalisée, silencieuse mais puissante et inspiratrice pour un sens juste du vécu social. Réfléchir sur la figure de Marie en relation avec ces thèmes révèle une perspective profonde et étonnamment actuelle.

Regardons Marie, la femme pleine de dignité, comme un don qui nous aide aujourd’hui à regarder sa pureté originelle, qui ne la place pas sur un piédestal inaccessible, mais qui révèle Marie dans la plénitude de cette dignité vers laquelle nous nous sentons tous un peu attirés, appelés.

En contemplant Marie, nous voyons resplendir la beauté et la noblesse, précisément la dignité de l’être humain, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, libre du jeu du péché, pleinement ouvert à l’amour divin, une humanité qui ne se perd pas dans les détails, dans les choses superficielles.

Nous pouvons dire que le « oui » libre et conscient de Marie est ce geste d’autodétermination qui élève Marie à ce qu’elle est au niveau de la volonté de Dieu, et entre en quelque sorte dans la logique de Dieu. Son humilité la rend alors encore plus libre, loin d’être amoindrie par l’humilité. L’humilité de Marie devient la conscience de la vraie grandeur qui vient de Dieu.

Ainsi, cette dignité de Marie nous aide à regarder comment nous la vivons dans la routine quotidienne de la vie. Le thème de la justice sociale peut paraître moins explicite, mais à travers une lecture contemplative et attentive de l’Évangile, en particulier du Magnificat, nous pouvons saisir, sentir et rencontrer cet esprit révolutionnaire qui proclame le renversement des puissants de leurs trônes et l’élévation des humbles, c’est-à-dire le renversement de la logique mondaine et l’attention privilégiée de Dieu envers les pauvres et les affamés.

Des paroles qui jaillissent d’un cœur humble, rempli d’Esprit Saint. On peut dire qu’il s’agit d’un manifeste de justice sociale « avant la lettre », une anticipation du Royaume de Dieu, où les derniers seront les premiers.

Contemplons Marie pour nous sentir attirés par cette dignité qui ne se limite pas à se refermer sur soi-même. C’est une dignité qui, dans le Magnificat, nous met au défi de ne pas nous enfermer dans notre propre logique. Elle nous permet, au contraire, de nous ouvrir, en louant Dieu, en cherchant à vivre avec dignité le don reçu pour le bien de l’humanité, pour le bien des pauvres, pour le bien de ceux que la société rejette.

Et nous, est-ce que nous nous cachons ou disons-nous tout comme le font les petits enfants ?

La prière d’un fils qui a peur
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de restituer la dignité.
À l’heure de l’épreuve, regarde mes manques et comble-les.
À l’heure de la fatigue, regarde mes faiblesses et guéris-les.
À l’heure de l’attente, regarde mon impatience et portes-y remède.
Ainsi, en regardant mes frères, je pourrai voir leurs manques et les combler,
voir leurs faiblesses et les guérir, ressentir leur impatience et y porter remède.
Parce que rien ne guérit mieux que l’amour
et personne n’est aussi fort qu’une mère qui cherche à obtenir justice pour ses enfants.
Et alors, moi aussi, Mère, je m’arrête au pied de la cabane,
je regarde avec des yeux confiants ton image
et je te prie pour la dignité de tous tes enfants.

Ave Maria … Je vous salue, Marie
Heureux celui qui voit avec son cœur.


Jour 8
Être fils et filles – Douceur et vie quotidienne

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Banneaux
La petite Mariette de Banneaux
Le 18 janvier 1933, Mariette est dans le jardin, récitant son chapelet. Marie vient et l’emmène à une petite source à l’orée du bois, où elle dit : « Cette source est pour moi. »  Et elle invite la petite fille à y tremper sa main et son chapelet. Avec un étonnement indicible, son père et deux autres personnes ont suivi Mariette dans tous ses gestes et dans toutes ses paroles. Et ce soir-là, le premier à être conquis par la grâce de Banneaux fut précisément le père de Mariette, qui courut se confesser et recevoir l’Eucharistie : il ne s’était pas confessé depuis sa première communion.
Le 19 janvier, Mariette demande : « Madame, qui êtes-vous ? – Je suis la Vierge des pauvres. »
À la source, elle ajoute : « Cette source est pour moi, pour toutes les nations, pour les malades. Je viens les consoler ! »

Mariette est une jeune fille normale qui vit ses journées comme nous tous, comme nos enfants, nos petits-enfants. Elle vit dans un petit village inconnu, le sien. Elle prie pour rester proche de Dieu. Elle prie sa Maman du Ciel pour garder vivant le lien avec Elle. Et Marie lui parle avec douceur, dans un endroit qui lui est familier. Elle lui apparaîtra à plusieurs reprises, lui confiera des secrets et lui dira de prier pour la conversion du monde : c’était pour Mariette un message fort d’espérance. La Mère serre contre son cœur tous ses fils et filles et les console. Toute la douceur que Mariette trouve en la « Gentille Dame », elle la transmet au monde. Et de cette rencontre est née une grande chaîne d’amour et de spiritualité qui trouve son accomplissement dans le sanctuaire de Notre-Dame de Banneaux.

Marie, une Mère qui reste à nos côtés
Toi qui es restée proche de tes enfants, sans jamais en perdre un seul, tu as illuminé le chemin quotidien des plus simples. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Abandonnez-vous dans l’étreinte de Marie : n’ayez pas peur, elle vous consolera.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Éducation et Amour

La Vierge Marie est une incomparable maîtresse en éducation, parce qu’elle est une source inépuisable d’amour ; et ceux qui aiment éduquent, ceux qui aiment éduquent vraiment.

Réfléchir sur la figure de Marie en relation avec ces deux piliers de la croissance humaine et spirituelle : nous avons ici un exemple à contempler, à prendre au sérieux, à assumer dans nos choix quotidiens.

L’éducation qui émane de Marie n’est pas faite de préceptes, d’enseignements formels, mais se manifeste à travers son exemple de vie : un silence contemplatif qui parle, son obéissance à la volonté de Dieu, humble et grande à la fois, sa profonde humanité.

Le premier aspect éducatif que Marie nous communique est celui de l’écoute.
Écouter la Parole de Dieu, écouter ce Dieu qui est continuellement là pour nous aider, pour nous accompagner. Marie garde dans son cœur, médite avec soin, encourage l’écoute attentive de la Parole de Dieu ainsi que l’écoute des besoins des autres.

Marie nous éduque à une humilité qui ne nous fait pas choisir de rester détachés et passifs ; elle nous éduque plutôt à une humilité qui, tout en nous faisant reconnaître notre petitesse face à la grandeur de Dieu, nous incite à nous mettre à son service comme protagonistes. Nos cœurs sont ouverts pour être vraiment proches de ceux que nous accompagnons, et avec qui nous vivons le projet de Dieu pour nous.

Marie est un exemple qui nous aide à nous laisser éduquer par la foi ; elle nous éduque à la persévérance, fermes dans l’amour de Jésus, jusqu’au pied de la croix.

Éducation et amour.  L’amour de Marie est le cœur battant de son existence ; il continue de battre pour nous ; chaque fois que nous nous approchons de Marie, nous ressentons cet amour maternel qui s’étend à nous tous. C’est un amour pour Jésus qui devient un amour pour l’humanité. Le cœur de Marie s’ouvre avec la tendresse infinie qu’elle reçoit de Dieu, qu’elle communique à Jésus, à ses enfants spirituels.

Demandons au Seigneur qu’en contemplant l’amour de Marie, qui est un amour qui éduque, nous nous laissions inciter à dépasser notre égoïsme, nos fermetures, et à nous ouvrir aux autres. En Marie, nous voyons une femme qui éduque avec amour et qui aime avec un amour éducateur.

Demandons au Seigneur de nous faire le don d’un amour, de son amour, qui est à la fois un amour qui nous purifie, nous soutient, nous fait grandir, afin que notre exemple soit vraiment un exemple qui communique l’amour ; et qu’en communiquant l’amour, nous puissions nous laisser éduquer par Marie et nous laisser aider afin que notre exemple éduque aussi les autres.

Et nous, sommes-nous capables de nous abandonner comme le font les petits enfants ?

La prière d’un enfant de notre temps
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur doux et docile.
Qui me remettra sur pied,
après que je serai brisé sous le poids des croix que je porte ?
Qui ramènera la lumière à mes yeux,
après avoir vu les décombres de la cruauté humaine ?
Qui soulagera les souffrances de mon âme,
après les erreurs que j’ai commises sur mon chemin ?
Ma Mère, toi seule peux me consoler.
Serre-moi contre ton cœur et garde-moi avec toi
pour éviter que je ne m’effondre.
Mon âme repose en toi et trouve la paix
comme un petit enfant dans les bras de sa mère.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 9
Être fils et filles – Construction et rêve

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Marie Auxiliatrice
Le petit Jean Bosco
À l’âge de 9 ans, je fis un rêve qui me laissa pour toute la vie une profonde impression. Pendant mon sommeil, il me sembla que je me trouvais près de chez moi, dans une cour très spacieuse. Une multitude d’enfants, rassemblés là, s’y amusaient. Les uns riaient, d’autres jouaient, beaucoup blasphémaient. Lorsque j’entendis ces blasphèmes, je m’élançai au milieu d’eux et, des poings et de la voix, je tentai de les faire taire. À ce moment apparut un homme d’aspect vénérable, dans la force de l’âge et magnifiquement vêtu.
« Ce n’est pas avec des coups mais par la douceur et la charité que tu devras gagner leur amitié.
 – Qui êtes-vous donc pour m’ordonner une chose impossible ?
– C’est précisément parce que ces choses te paraissent impossibles que tu dois les rendre possibles par l’obéissance et l’acquisition de la science.
– Où, par quels moyens pourrai-je acquérir la science ?
– Je te donnerai la maîtresse sous la conduite de qui tu pourras devenir un sage et sans qui toute sagesse devient sottise. »
À ce moment-là, je vis près de lui une dame d’aspect majestueux, vêtue d’un manteau qui resplendissait de toutes parts comme si chaque point eût été une étoile éclatante.
« Voilà ton champ d’action, (me dit-elle), voilà où tu dois travailler. Rends-toi humble, fort et robuste et tout ce que tu vois arriver en ce moment à ces animaux, tu devras le faire pour mes fils. »
Je tournai alors les yeux et voici qu’à la place de bêtes féroces, apparurent tout autant de doux agneaux. Tous, gambadant de tous côtés et bêlant, semblaient vouloir faire fête à cet homme et à cette femme.
À ce moment-là, toujours sommeillant, je me mis à pleurer et demandai qu’on voulût bien me parler de façon compréhensible car je ne voyais pas ce que cela pouvait bien signifier. Alors elle me mit la main sur la tête et me dit : « Tu comprendras tout en son temps. »

Marie guide et accompagne le jeune Jean Bosco tout au long de sa vie et de sa mission. Lui, enfant, découvre ainsi, à partir d’un rêve, sa vocation. Il ne comprendra pas mais il se laissera guider. Il ne comprendra pas pendant de longues années mais, à la fin, il prendra conscience que « c’est Elle qui a tout fait ». Et la mère, celle terrestre et Celle du Ciel, sera la figure centrale dans la vie de ce fils qui se fera pain pour ses enfants. Et après avoir rencontré Marie dans ses rêves, Jean Bosco, devenu prêtre, érigera un sanctuaire à la Madone afin que tous ses enfants puissent se confier à Elle. Et il dédiera ce sanctuaire à Notre Dame Auxiliatrice, parce qu’elle aura été son port d’attache, son aide permanente. Ainsi, tous ceux qui entrent dans la Basilique de Marie Auxiliatrice de Turin sont pris sous le manteau protecteur de Marie qui devient leur Guide.

Marie, une Mère qui accompagne et guide
Toi qui as accompagné ton Fils Jésus tout au long de son chemin, tu t’es proposée comme guide à ceux qui ont su t’écouter avec l’enthousiasme que seuls les petits enfants peuvent avoir. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Laissez-vous accompagner : la Mère sera toujours à vos côtés pour vous montrer le chemin.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie Aide à la Conversion

La Très Sainte Vierge Marie est une aide puissante et silencieuse sur notre chemin de croissance.
C’est un chemin qui a continuellement besoin de se libérer de ce qui le bloque vers la croissance. C’est un chemin qui doit être continuellement renouvelé, pour ne pas faire demi-tour ou s’arrêter dans les coins sombres de l’existence. Voilà, la conversion.

La présence de Marie est un phare d’espérance, une invitation constante pour nous à continuer à marcher vers Dieu, à aider nos cœurs à être toujours centrés sur Dieu, sur son amour. Réfléchir sur Marie, sur son rôle, signifie que nous découvrons Marie qui n’impose pas, qui ne juge pas, mais qui soutient, encourage, avec son humilité, avec son amour maternel, qui aide nos cœurs à rester proches d’Elle pour nous rapprocher toujours plus de son Fils Jésus qui est le chemin, la vérité et la vie.

Le « Oui » de Marie à l’Annonciation continue d’être valable pour nous aussi, en ouvrant à l’humanité l’histoire du salut qui est accessible et à notre portée. Son intercession aux noces de Cana soutient ceux qui se trouvent dans des situations inattendues et inédites. Marie est un modèle de conversion continue. Sa vie, une vie d’Immaculée Conception, a cependant été une adhésion progressive à la volonté de Dieu, un chemin de foi qui l’a conduite à travers joies et peines, culminant dans le sacrifice du Calvaire.

La persévérance de Marie à la suite de Jésus devient une invitation pour nous aussi à vivre cette proximité continue, cette transformation intérieure, dont nous savons bien qu’elle est un processus progressif, et qui exige constance, humilité et confiance en la grâce de Dieu.

Marie aide à la conversion par une écoute très attentive et concentrée sur la Parole de Dieu. Une écoute qui nous aide à trouver la force d’abandonner les voies du péché, pour reconnaître la force et la beauté de la marche vers Dieu.

Tournons-nous vers Marie avec une confiance filiale, car cela signifie que, tout en reconnaissant nos faiblesses, nos péchés, nos défauts, nous voulons nourrir ces désirs de changement, le changement d’un cœur qui veut se laisser accompagner par le cœur maternel de Marie. En Marie, nous trouvons une aide précieuse pour discerner les fausses promesses du monde et pour redécouvrir la beauté et la vérité de l’Évangile.

Que Marie, Secours des Chrétiens, soit une aide continuelle pour nous tous, qui nous fera découvrir la beauté de l’Évangile, et accepter de marcher vers le bien, la grandeur de la Parole de Dieu, vivante dans notre cœur, et pouvoir la communiquer aux autres.

Et nous, sommes-nous capables de nous laisser prendre par la main comme de petits enfants ?

La prière d’un fils sans énergie
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de rêver et de construire.
Moi qui ne laisse personne m’aider,
moi qui me décourage, qui perds patience
et qui ne pense jamais avoir construit quoi que ce soit,
moi qui pense toujours être un raté,
aujourd’hui, je veux être un fils,
un fils capable de te donner ma main, ma Mère,
pour se faire accompagner sur les chemins de la vie.
Montre-moi mon champ d’action,
Montre-moi mon rêve
et fais qu’à la fin, moi aussi je comprenne tout
et reconnaisse ton passage dans ma vie.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.




Les cadeaux des jeunes à Marie (1865)

Dans le rêve que Don Bosco relate dans la Chronique de l’Oratoire, daté du 30 mai, la dévotion mariale se mue en un jugement symbolique saisissant sur les jeunes de l’Oratoire : un cortège de jeunes garçons s’avance, chacun porteur d’un don, devant un autel splendidement orné pour la Vierge. Un ange, gardien de la communauté, accueille ou rejette les offrandes, en dévoilant leur portée morale – fleurs parfumées ou fanées, épines de la désobéissance, animaux incarnant des vices graves tels que l’impureté, le vol et le scandale. Au cœur de cette vision résonne le message éducatif de Don Bosco : humilité, obéissance et chasteté sont les trois piliers qui permettent de mériter la couronne de roses de Marie.

Le Serviteur de Dieu trouvait sa consolation dans la dévotion à la Sainte Vierge, honorée d’une manière particulière pendant le mois de mai par toute la communauté. Parmi ses mots du soir, la Chronique ne nous a conservé que celui du 30 du mois, qui se révèle extrêmement précieux.

30 mai

            J’ai vu un grand autel dédié à Marie et magnifiquement décoré. J’ai vu tous les jeunes de l’Oratoire s’y rendre en procession. Ils chantaient les louanges de la Vierge céleste, mais pas tous de la même façon, tout en chantant le même chant. Beaucoup chantaient vraiment bien et avec une grande précision de rythme, les uns avec plus de force et les autres avec une voix plus douce. D’autres chantaient d’une voix mauvaise et rauque, d’autres étaient désaccordés, d’autres avançaient en silence et se détachaient de la file, d’autres bâillaient et semblaient s’ennuyer, d’autres se bousculaient les uns les autres et riaient. Puis chacun apportait un cadeau à Marie. Ils portaient tous des bouquets de fleurs, plus ou moins grands et différents les uns des autres. Certains avaient un bouquet de roses, d’autres portaient des œillets, d’autres des violettes, etc. D’autres apportaient à la Vierge des cadeaux vraiment étranges. D’autres encore apportaient à la Vierge des cadeaux vraiment étranges : une tête de pourceau, un chat, un plat de crapauds, un lapin, un agneau ou d’autres offrandes.
            Un beau jeune homme se tenait devant l’autel et, en regardant de près, on pouvait voir qu’il avait des ailes derrière les épaules. C’était peut-être l’Ange gardien de l’Oratoire ; au fur et à mesure que les jeunes offraient leurs cadeaux, il les recevait et les déposait sur l’autel.
            Les premiers offrirent de magnifiques bouquets de fleurs et l’Ange, sans rien dire, les déposait sur l’autel. Beaucoup d’autres offrirent leurs bouquets. Il les examinait, défaisait le bouquet, enlevait les fleurs gâtées qu’il jetait, refaisait le bouquet et le plaçait sur l’autel. Aux autres qui avaient dans leurs bouquets des fleurs belles mais inodores, comme des dahlias, des camélias, etc., l’Ange les fit enlever, parce que Marie veut la réalité et non l’apparence. Après avoir refait le bouquet, l’Ange l’offrit à la Vierge. Parmi les fleurs, beaucoup avaient des épines, peu ou beaucoup, et d’autres des clous ; l’Ange enleva les unes et les autres.
            Enfin arriva celui qui portait le pourceau, et l’Ange lui dit : – Comment as-tu le courage de venir offrir ce cadeau à Marie ? Sais-tu ce que signifie le porc ? Il signifie le vilain vice de l’impureté ; Marie, qui est toute pure, ne peut supporter ce péché. Retire-toi, tu n’es pas digne de te tenir devant elle.
            Vinrent ensuite ceux qui avaient un chat, et l’Ange leur dit :
            – Vous aussi, vous osez apporter ces cadeaux à Marie ? Savez-vous ce que signifie le chat ? C’est l’image du vol et vous osez l’offrir à la Vierge ? Les voleurs sont ceux qui prennent l’argent, les objets, les livres de leurs camarades, ceux qui volent les aliments de l’Oratoire, qui déchirent leurs vêtements par méchanceté, qui gaspillent l’argent de leurs parents en n’étudiant pas. – Et il les mit de côté eux aussi.
            Vinrent alors ceux qui avaient des plats de crapauds. L’Ange les regarda avec colère :
            – Les crapauds symbolisent les péchés honteux des scandales, et vous venez les offrir à la Vierge ? Arrière ! retirez-vous avec les autres coupables. – Et ils se retirèrent tout confus.
            Certains s’avançaient avec un couteau planté dans le cœur. Ce couteau signifiait le sacrilège. L’Ange leur dit :
            – Ne voyez-vous pas que vous avez la mort dans l’âme, que si vous êtes encore en vie, c’est une miséricorde spéciale de Dieu, sans quoi vous seriez perdus ? Par pitié, faites-vous enlever ce couteau ! – Et eux aussi furent refusés.
            L’un après l’autre, tous les autres jeunes s’approchèrent. Certains offrirent des agneaux, d’autres des lapins, d’autres des poissons, d’autres des noix, d’autres des raisins, etc. L’Ange accepta tout et déposa le tout sur l’autel. Après avoir ainsi séparé les bons des mauvais, il fit mettre en rang devant l’autel tous ceux dont les cadeaux avaient été acceptés par Marie ; et ceux qui avaient été mis à part étaient, à mon grand regret, beaucoup plus nombreux que je n’avais pensé.
            Puis, de chaque côté de l’autel, apparurent deux autres anges, tenant deux riches corbeilles remplies de magnifiques couronnes, composées de roses somptueuses. Ces roses n’étaient pas tout à fait des roses de la terre, bien qu’apparemment artificielles, symbole d’immortalité.
            L’Ange gardien prit ces couronnes une à une et couronna tous les jeunes qui étaient alignés devant l’autel. Parmi ces couronnes, il y en avait des plus grandes et des plus petites, mais toutes étaient d’une admirable beauté. Notez aussi qu’il n’y avait pas seulement les jeunes de notre maison, mais beaucoup d’autres que je n’avais jamais vus. Il se passa alors une chose merveilleuse ! Certains jeunes étaient apparemment si laids qu’ils en étaient presque repoussants ; ils reçurent les couronnes les plus belles, signe que leur laideur extérieure était compensée par le don et la vertu de chasteté pratiquée à un degré éminent. Beaucoup d’autres avaient la même vertu, mais à un degré moins éminent. Beaucoup se distinguaient par d’autres vertus, telles que l’obéissance, l’humilité, l’amour de Dieu, et tous avaient des couronnes correspondant à l’excellence de ces vertus. L’Ange leur dit :
            – Marie a voulu aujourd’hui que vous soyez couronnés de ces belles roses. Mais n’oubliez pas de continuer à faire en sorte qu’elles ne vous soient pas enlevées. Il y a trois moyens de les conserver. Pratiquez : 1° l’humilité ; 2° l’obéissance ; 3° la chasteté. Ces trois vertus vous rendront toujours agréables à Marie et vous rendront un jour dignes de recevoir une couronne infiniment plus belle que celle-ci.
            Alors les jeunes se mirent à entonner devant l’autel l’AveMaris stella (Je vous salue, Étoile de la mer).
            Et, après avoir chanté le premier verset, ils se mirent en route en procession comme ils étaient venus et commencèrent à chanter Louange à Marie d’une voix si forte que j’en fus étonné et émerveillé. Je les suivis à quelque distance, puis je retournai voir les jeunes que l’Ange avait écartés, mais je ne les vis plus.
            Mes amis ! Je sais quels sont ceux qui ont été couronnés et ceux qui ont été chassés par l’Ange. Je le dirai aux uns et aux autres, afin qu’ils s’efforcent d’apporter à la Vierge des présents qu’elle daignera accepter.
            En attendant, quelques observations. – La première : Tous apportaient des fleurs à la Vierge, et il y avait toutes sortes de fleurs, mais j’ai remarqué que toutes, plus ou moins, avaient des épines parmi les fleurs. J’ai pensé et repensé à ce que signifiaient ces épines et j’ai trouvé qu’elles signifiaient en fait la désobéissance. Garder de l’argent sans permission et sans vouloir le remettre au préfet, demander la permission d’aller dans un endroit et puis aller dans un autre, aller en classe en retard alors que les autres sont déjà là depuis un certain temps, se préparer des petits plats et des petits goûters en cachette, aller dans les dortoirs des autres alors que c’est absolument interdit, quelle que soit la raison ou le prétexte que l’on peut avoir, se lever tard le matin, abandonner les pratiques de piété prescrites, bavarder quand il est temps de se taire, acheter des livres sans les montrer, envoyer des lettres sans permission par l’intermédiaire d’une tierce personne pour ne pas être vu et les recevoir par la même voie, faire des contrats, des achats et des ventes les uns avec les autres : voilà ce que signifient les épines. Beaucoup d’entre vous demanderont : est-ce donc un péché de transgresser les règles de la maison ? J’ai déjà réfléchi sérieusement à cette question et je vous réponds absolument oui. Je ne vous dis pas que c’est grave ou léger, il faut tenir compte des circonstances, mais c’est un péché. Certains me diront : mais ce n’est pas dans la loi de Dieu que nous devons obéir aux règles de la maison ! Ecoutez, c’est dans les commandements : – Honore ton père et ta mère ! – Sais-tu ce que signifient ces mots père et mère ? Ils englobent aussi ceux qui les représentent. N’est-il pas écrit dans l’Écriture Sainte : Oboedite praepositis vestris (Obéissez à vos supérieurs, Hébreux 13,17) ? Si vous devez obéir, il est naturel qu’ils doivent commander. Voilà l’origine des règles d’un Oratoire, et voilà si elles sont obligatoires, oui ou non.
            Deuxième observation. – Certains avaient des clous au milieu de leurs fleurs, ces clous qui avaient servi à clouer le bon Jésus. Mais quoi ? On commence toujours par les petites choses pour arriver aux grandes. Un tel voulait avoir de l’argent pour satisfaire ses caprices ; alors, pour le dépenser à sa guise, il ne voulait pas le remettre ; il se mit à vendre ses livres d’école et finit par voler de l’argent et les affaires de ses camarades. Un autre voulait satisfaire sa gourmandise, d’où les bouteilles, etc., puis il s’est permis certaines licences, bref il est tombé dans le péché mortel. C’est ainsi qu’on a trouvé des clous dans ces bouquets, et c’est ainsi que le bon Jésus a été crucifié. L’Apôtre dit qu’en péchant on crucifie de nouveau le Sauveur : Rursus crucifigentes filium Dei (ils crucifient de nouveau le Fils de Dieu, He 6,6).
            Troisième observation. – Beaucoup de jeunes avaient dans leurs bouquets, parmi les fleurs fraîches et odorantes, des fleurs pourries et décomposées, ou de belles fleurs sans odeur. Elles signifiaient les bonnes œuvres mais accomplies en état de péché mortel, œuvres qui ne font rien pour augmenter leurs mérites. Les fleurs sans odeur sont les bonnes œuvres mais accomplies à des fins humaines, par ambition, uniquement pour plaire aux maîtres et aux supérieurs. C’est pourquoi l’Ange leur reprocha d’avoir osé apporter de telles offrandes à Marie et les renvoya arranger leur bouquet. Ils se retirèrent, le défirent, enlevèrent les fleurs fanées, puis, ayant remis les fleurs en ordre, les remirent comme auparavant et les rendirent à l’Ange qui les accepta et les plaça sur la table. Lorsqu’ils revenaient, ils n’attendaient plus un ordre, mais chacun rapportait son bouquet dès qu’il était prêt, certains plus tôt, d’autres plus tard, puis allait se placer auprès de ceux qui allaient recevoir la couronne.
            J’ai vu dans ce rêve tout ce qui a été et tout ce qui adviendra de mes jeunes. Je l’ai déjà dit à beaucoup, je le dirai à d’autres. En attendant, veillez à ce que cette Vierge céleste reçoive toujours de vous des cadeaux qui ne puissent jamais être refusés.
(MB VIII, 129-132)

Photo d’ouverture : Carlo Acutis lors d’une visite au sanctuaire marial de Fátima.




La dévotion mariale dans la perspective de Don Bosco

Saint Jean Bosco avait une profonde dévotion envers Marie Auxiliatrice, une dévotion qui prend racine dans les nombreuses expériences de son intervention maternelle, dont la première alors qu’il n’avait que 9 ans. Cette véritable dévotion ne pouvait rester seulement personnelle, et ainsi Don Bosco ressentit le besoin de la partager avec les autres. En 1869, il fonda l’Association de Marie Auxiliatrice (ADMA), qui continue encore aujourd’hui d’être une réalité spirituelle vivante. Tous les 5-6 ans, l’association organise des congrès internationaux en l’honneur de Marie Auxiliatrice. Le dernier, le IXe Congrès, s’est tenu à Fatima, au Portugal, du 29 août au 1er septembre 2024. Nous présentons l’intervention finale du Vicaire du Recteur Majeur, Don Stefano Martoglio.

Je prends la parole avec plaisir lors de ce Congrès Marial, après ce que nous avons écouté et vécu pour réaffirmer un acte de confiance personnelle et institutionnelle, selon le cœur de Don Bosco et la foi de l’Église. Nous clôturons ces journées en soulignant l’un des aspects spirituels que Don Bosco perçoit et vit comme important à un niveau personnel et qualifiant pour son œuvre : la dévotion mariale. Nous nous confions aux mains maternelles de Marie, ici et maintenant, en ce lieu Saint de la présence de Marie. C’est à elle que nous demandons de donner fécondité dans notre vie à tout ce que nous avons vécu, prié et écouté ici.
Après ce que nous avons écouté et vécu, mon but est de faire mémoire, en commençant par le début. Faire mémoire est important : cela signifie reconnaître qu’il y a quelque chose qui ne nous appartient pas, quelque chose qui nous a été confiée et que nous devrions transmettre aux autres générations.
Avec beaucoup de simplicité, je veux dire à moi-même et à chacun de nous quelques aspects centraux de la Présence de Marie chez Don Bosco, de sa dévotion et de notre dévotion.

1. Marie dans les écrits de Don Bosco, en commençant par le début
La femme « d’aspect majestueux, vêtue d’un manteau qui brillait de tous côtés », décrite dans le rêve des neuf ans que nous avons tant médité et approfondi en ce Bicentenaire du Rêve, est la Madone chère à la tradition populaire et à la dévotion commune. En elle, Don Bosco souligne surtout l’amabilité maternelle. Cette représentation est celle qui correspond le mieux à son âme, et qui l’accompagnera jusqu’à son dernier souffle.

Dans les Mémoires de l’Oratoire, de nombreux aspects et dévotions typiques de la religion populaire sont évoqués : le rosaire en famille, l’Angélus, les neuvaines et les triduums, les invocations et les oraisons jaculatoires, les consécrations, les visites aux autels et aux sanctuaires, les fêtes mariales (Maternité, Nom de Marie, Notre-Dame du Rosaire, Notre-Dame des Douleurs, la Consolata, l’Immaculée, la Vierge des grâces…). Attention ! Lorsque nous disons que ce sont des aspects typiques de la religion populaire, nous ne parlons pas d’une chose facile ou « automatique ». La religion populaire est la quintessence, le distillat de l’expérience de siècles qui nous est offerte comme un don que nous devons nous approprier.

Pendant la période de ses études à Chieri, plusieurs éléments relient la dévotion mariale aux choix spirituels du jeune Bosco, surtout la maturation vocationnelle et le renforcement des vertus qui font le bon séminariste. La Vierge du séminaire est l’Immaculée (dans tous les séminaires piémontais, et dans ceux influencés par la tradition lazariste, la chapelle est dédiée à l’Immaculée depuis le XVIIe siècle).
C’est précisément cet aspect qui caractérise la piété mariale du jeune Don Bosco (formé à l’école de Saint Alphonse) : la véritable dévotion, qui s’exprime surtout dans une vie vertueuse, nous assure le patronage le plus puissant que l’on puisse avoir durant la vie et à l’heure de mort.

Il écrira cette conviction également dans le Giovane provveduto en 1847 : « Si vous devenez ses dévots, elle vous comblera de bénédictions dans ce monde et vous aurez le paradis dans l’autre vie ».

Mais c’est surtout dans son livre Le mois de mai consacré à Marie Immaculée à l’usage du peuple (1858), que le saint situe explicitement et instamment la dévotion mariale du peuple et de la jeunesse dans un engagement concret et sérieux de vie chrétienne, vécue avec ferveur et amour.

« Trois choses à pratiquer tout au long du mois : 1. Faire tout ce que nous pouvons pour ne commettre aucun péché au cours de ce mois ; qu’il soit entièrement consacré à Marie. 2. Accomplir avec grand soin les devoirs spirituels et temporels de notre état… 3. Inviter nos parents et amis et tous ceux qui dépendent de nous à participer aux pratiques de piété qui se font en l’honneur de Marie au cours du mois ».

L’autre thème, hérité d’une longue tradition dévote, est le lien entre la dévotion mariale et le salut éternel : « Puisque le plus bel ornement du christianisme est la Mère du Sauveur, la Vierge Marie, je m’adresse à Vous, ô Vierge Marie très clémente, sûr d’acquérir la grâce de Dieu, le droit au Paradis, et de retrouver ainsi ma dignité perdue, si Vous priez pour moi. Auxilium christianorum, ora pro nobis ». Don Bosco est convaincu que Marie intervient comme avocate très efficace et médiatrice puissante auprès de Dieu.
Dix ans plus tard (1868), pour l’inauguration de l’église Marie-Auxiliatrice, le saint écrit et diffuse un fascicule intitulé Merveilles de la Mère de Dieu invoquée sous le titre de Marie Auxiliatrice. Dans cette brochure, il souligne la dimension ecclésiale, qui attire de plus en plus le regard de Don Bosco et oriente ses préoccupations missionnaires et éducatives.

Dans le contexte ecclésial de l’époque, les titres d’Immaculée et d’Auxiliatrice évoquent des luttes et des triomphes, le « grand affrontement » entre l’Église et la société libérale. On fait une lecture religieuse des événements politiques et sociaux, dans la ligne de la réaction catholique à l’incroyance, au libéralisme, à la déchristianisation.
En pensant à ses garçons et aux salésiens, Don Bosco continue cependant à souligner principalement la dimension ascétique, spirituelle et apostolique de la piété mariale. Dans cette perspective, les pratiques du mois de Marie et des diverses dévotions vise à susciter chez les jeunes un effort plus grand dans leur devoir, la pratique des vertus, l’ardeur ascétique (mortifications en l’honneur de Marie), une charité active et une généreuse action apostolique parmi leurs camarades.
C’est dire que Don Bosco tend à assigner à l’Immaculée et à l’Auxiliatrice un rôle déterminant dans l’œuvre éducative et formatrice. Dans le climat de ferveur mariale de l’époque, il valorise les exercices vertueux et les pratiques dévotes en vue de la purification du péché et de l’affection au péché et pour une croissance dans le don de soi à Dieu.

C’est dans ce sens que vont la lutte contre le péché et l’orientation vers Dieu, la sanctification de soi et du prochain, le service de la charité, la force pour porter la croix et l’engagement missionnaire. Tels sont les traits saillants d’une dévotion mariale qui a peu de dévotionnel et de sentimental (malgré le climat de l’époque et les goûts populaires que Don Bosco valorise de toute façon).
Quel chemin en Don Bosco et de l’homme de foi Don Bosco ! Sur tout ce que vous avez dans le cœur, je voudrais mettre un accent : moi aussi, nous aussi, nous devons marcher dans la dévotion. On ne peut pas rester immobile, si on n’avance pas on recule… et personne ne peut le faire à ma place !

2. Marie dans la vie de Don Bosco, expressions quotidiennes de la dévotion de Don Bosco et de notre dévotion

2.1. Le sens d’une présence
Dans la vie de Don Bosco Marie est une présence perçue, aimée, active et stimulante, orientée vers le grand enjeu du salut éternel et de la sainteté. Il la sent proche et se confie à elle, se laissant guider et conduire sur les chemins de sa vocation (il la rêve, il la « voit »).

À Nizza Monferrato en juin 1885, Don Bosco s’entretenait dans le parloir avec les mères capitulaires des Filles de Marie Auxiliatrice. Il parlait d’une voix faible, avec une grande fatigue. Elles lui demandèrent de leur laisser un dernier souvenir. « Oh ! vous voulez que je vous dise quelque chose. Si je pouvais parler, combien de choses je voudrais vous dire ! Mais je suis vieux, vieux et chancelant, comme vous le voyez ; j’ai même du mal à parler. Je veux juste vous dire que la Vierge vous veut du bien, beaucoup, beaucoup de bien. Et, savez-vous, elle se trouve ici parmi vous. Alors Don Bonetti, le voyant ému, l’interrompit et commença à dire, uniquement pour le distraire :
– Oui, c’est cela, c’est cela ! Don Bosco veut dire que la Vierge est votre Mère et qu’elle vous garde et vous protège.
– Non, non, reprit le Saint, je veux dire que la Vierge est vraiment ici, dans cette maison et qu’elle est contente de vous, et que si vous continuez avec l’esprit d’aujourd’hui, qui est celui désiré par la Vierge… Le bon Père s’émouvait encore plus et Don Bonetti reprit la parole :
– Oui, c’est cela, c’est cela ! Don Bosco veut vous dire que, si vous êtes toujours bonnes, la Madone sera contente de vous.
– Mais non, mais non, s’efforçait d’expliquer Don Bosco, cherchant à dominer sa propre émotion. Je veux dire que la Vierge est vraiment ici, ici parmi vous ! La Vierge se promène dans cette maison et la couvre de son manteau. – En disant cela, il étendait les bras, levait les yeux en larmes vers le ciel et semblait vouloir persuader les sœurs qu’il voyait la Madone aller ici et là comme chez elle ».

Elle est une présence active, qui accompagne, soutient, guide, encourage ; c’est celle qui lui a été donnée : « Je te donnerai la Maîtresse qui t’enseignera à devenir sage, car sans elle toute sagesse devient folie ». Une présence qui stimule à vivre consciemment en présence de Dieu dans une recherche de totalité : « En pensant à la présence de Dieu / fais que les lèvres, le cœur, l’esprit / suivent le chemin de la vertu / ô grande Vierge Marie. / Jean Bosco, prêtre » (prière écrite par le saint au bas d’une de ses photographies).

Splendide et essentiel. Ce qui n’est pas présence vivante dans ma vie est absence ! Le sens de la Présence, de la Providence de Dieu, de l’action de Marie. Un chemin continuel pour chacun de nous et pour nous tous ensemble, Famille Salésienne.

2.2. L’énergie de la mission
Don Bosco lie étroitement Marie à sa vocation et à son ministère. Il est bon ici de reprendre la présentation que Don Bosco fait du rêve des neuf ans : « Me prenant avec bonté par la main, regarde, me dit-elle, voici ton champ, voici où tu dois travailler. Rends-toi humble, fort, robuste ; et ce que tu vois en ce moment se réaliser avec ces animaux, tu devras le faire pour mes fils ». C’est la mission de salut/transformation/formation des jeunes, à travers la prévention, l’éducation, l’instruction, l’évangélisation, et un solide bagage de vertus chez l’éducateur.
Le Fils de Marie nous enseigne la méthode et l’objectif : « Non pas avec des coups, mais avec la douceur et la charité, tu devras gagner ces amis. Mets-toi donc immédiatement à leur faire une instruction sur la laideur du péché et sur la beauté de la vertu ».
Le récit fait en 1873-1874 du vieux rêve inspirateur, se relie à tant d’autres récits interventions et inspirations intérieures (les rêves) dans lesquels notre saint a attribué à Marie un rôle d’animation, de guide et de soutien de ses aspirations et de son zèle pour la mission de salut de la jeunesse.
C’est dans ce contexte qu’il faut placer et interpréter les faits que Don Bosco reconnaît comme des interventions prodigieuses de Marie : les « grâces » accordées aux personnes (spirituelles et corporelles), sa puissante protection sur l’Oratoire et sur la naissante Famille salésienne et sur leur développement prodigieux au profit des âmes.
Les grâces personnelles, la prise de conscience de la présence particulière de Dieu, par l’intercession de Marie, qui guide providentiellement l’existence personnelle et institutionnelle. Si tu ne perçois pas la Présence, tu es à la merci du hasard.

2.3. Un stimulant pour la sainteté
Don Bosco a vécu la dévotion mariale comme un stimulant et un soutien sur le chemin vers la perfection chrétienne. Dans la même perspective, il l’inculque habilement aux jeunes pour promouvoir en eux la vie chrétienne et stimuler en eux le désir de la sainteté.
Valorisant la sensibilité de ses garçons et les goûts populaires de leur piété, Don Bosco sut transformer une tendance dévotionnelle, teintée de sentiment romantique, en un puissant instrument de formation spirituelle qui encourage, corrige et oriente.
Marie ne nous laisse jamais là où elle nous trouve. Comme au début des Signes de l’Évangile de Jean, elle sait que nous devons être guidés, accompagnés… pour un itinéraire précis : faites ce qu’elle vous dira et vous arriverez là où JE vous attends, nous dit Don Bosco. Voir l’invisible.

3. Identité salésienne et dévotion mariale 
Pour conclure, je vous partage, avec simplicité, ce dont nous vivons en tant que confrères, et qui est au centre de notre vocation. J’aime conclure avec ce partage, car c’est l’ossature de ma vie et de notre vie. Si cela me fait tant de bien, à moi et à nous, cela fera sûrement du bien à tous.

Tout d’abord, les Constitutions, qui dessinent les traits caractéristiques de notre dévotion mariale. L’article 8 (situé dans le premier chapitre, relatif aux éléments qui assurent l’identité de la Congrégation Salésienne) synthétise le sens de la présence de Marie dans notre Société : elle a indiqué à Don Bosco son champ d’action, l’a constamment guidé et soutenu, elle continue parmi nous sa mission de Mère et d’Auxiliatrice : « nous nous confions à elle, humble servante en qui le Seigneur a fait de grandes choses, pour devenir parmi les jeunes témoins de l’amour inépuisable de son Fils ».

L’article 92 présente le rôle de Marie dans la vie et la piété du salésien : modèle de prière et de charité pastorale ; maîtresse de sagesse et guide de notre famille ; exemple de foi, de sollicitude pour les nécessiteux, de fidélité à l’heure de la croix, de joie spirituelle ; notre éducatrice qui nous apprend à nous donner entièrement au Seigneur et à servir courageusement nos frères. De là découle une dévotion filiale et forte, qui s’exprime dans la prière (chapelet quotidien et célébration de ses fêtes) et dans l’imitation convaincue et personnelle.

Mais la meilleure synthèse se trouve, à mon avis, dans la Prière à Marie Auxiliatrice récitée quotidiennement dans chacune de nos communautés après la méditation. C’est Don Rua qui l’a composée en 1894, comme expression de consécration quotidienne dans l’engagement de fidélité et de générosité. Aujourd’hui, elle a été révisée, mais en conservant la même structure que celle d’autrefois et les mêmes contenus. Voici le texte primitif :

« Très Sainte et immaculée Vierge Auxiliatrice, nous nous consacrons entièrement à vous et nous vous promettons de travailler toujours pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes.

Nous vous prions de tourner votre regard miséricordieux sur l’Église et son auguste Chef, sur les Prêtres et les Missionnaires, sur la Famille Salésienne, nos parents et bienfaiteurs et sur la jeunesse qui nous est confiée, sur les pauvres pécheurs, les mourants et les âmes du purgatoire.

Enseignez-nous, ô Mère très tendre, à reproduire en nous les vertus de notre Fondateur, en particulier son angélique modestie, sa profonde humilité et son ardente charité.

Faites, ô Marie Auxiliatrice, que votre puissante intercession nous rende victorieux contre les ennemis de notre âme en cette vie et au moment de notre mort, afin que nous puissions venir vous rendre hommage avec Don Bosco au Paradis. Ainsi soit-il. »

Comme on peut le voir, la version actuelle ne fait que reprendre, avec quelques développements, le texte de Don Rua. Je crois qu’il est bon, de temps en temps, de le reprendre et de le méditer. Elle est structurée en quatre parties : promesse, intercession, docilité et confiance.

Dans la première partie (Ô très sainte), on rappelle le but ultime de notre consécration en promettant d’orienter chaque action uniquement au service de Dieu et au salut du prochain, dans la fidélité à l’essence de la vocation salésienne.

La deuxième partie (Nous te prions) réunit le sens ecclésial, salésien et missionnaire de notre consécration, en confiant à l’intercession de Marie l’Église, la Congrégation et la Famille Salésienne, les jeunes, surtout les plus pauvres, tous les hommes rachetés par le Christ. Ici, la passion qui doit alimenter et caractériser la prière salésienne est bien décrite : son caractère universel, ecclésial et missionnaire au service des jeunes.

Dans la troisième partie (Apprends-nous), sont concentrées les vertus qui caractérisent la physionomie typique du salésien disciple de Don Bosco : on se met à l’école de Marie pour grandir dans l’union à Dieu, dans la chasteté, dans l’humilité et dans la pauvreté, dans l’amour du travail et de la tempérance, dans la charité ardente et aimante (bonté et don illimité à nos frères), dans la fidélité à l’Église et à son magistère.

Dans la dernière partie (Fais, ô Marie Auxiliatrice), on se confie à l’intercession de la Vierge Auxiliatrice pour obtenir la fidélité et la générosité dans le service de Dieu jusqu’à la mort et à l’admission dans la communion éternelle des saints.

Cette excellente synthèse, qui contient un programme complet de vie spirituelle et dessine la physionomie de notre identité, peut nous servir aujourd’hui de référence et de schéma concret pour la vérification et la programmation spirituelles. Qu’il en soit ainsi pour chacun de nous !




Merveilles de la Mère de Dieu invoquée sous le titre de Marie Auxiliatrice (13/13)

(suite de l’article précédent)

Grâces obtenues par l’intercession de Marie Auxiliatrice.

I. Grâce reçue de Marie Auxiliatrice.

            En l’an de grâce 1866, au mois d’octobre, ma femme fut atteinte d’une maladie très grave, une grande inflammation avec forte constipation et parasitose intestinale. En cette douloureuse circonstance, on eut d’abord recours aux experts en la matière, qui ne tardèrent pas à déclarer que la maladie était très dangereuse. Voyant que la maladie s’aggravait et que les remèdes humains étaient peu ou pas utiles, je proposai à ma compagne de se recommander à Marie Auxiliatrice, et qu’elle lui accorderait certainement la santé si c’était nécessaire pour l’âme. En même temps j’ajoutai la promesse, si elle obtenait la santé, d’aller tous les deux dès que l’église en construction à Turin serait terminée, lui rendre visite et de faire une offrande. À cette proposition, elle répondit qu’elle pouvait se rendre dans un sanctuaire plus proche pour ne pas être obligée d’aller si loin. À cette réponse, je lui dis qu’il ne fallait pas tant regarder la commodité que la grandeur du bienfait que l’on espère.
            Alors elle acquiesça et promit ce qu’on lui proposait. Ô puissance de Marie ! À peine trente minutes après sa promesse, lorsque je lui demandai comment elle allait, elle me dit : – Je vais beaucoup mieux, mon esprit est plus libre, mon estomac n’est plus oppressé, j’ai du dégoût pour la glace dont j’avais tant envie auparavant, et j’ai plus envie de bouillon, qui me déplaisait tant auparavant.
            À ces mots, je me sentis naître à une vie nouvelle, et si ce n’était pas la nuit, j’aurais immédiatement quitté ma chambre pour publier la grâce reçue de la Vierge Marie. Le fait est qu’elle passa la nuit paisiblement, et que le lendemain matin, le médecin se présenta et la déclara hors de tout danger. Qui l’a guérie si ce n’est Marie Auxiliatrice ? En effet, quelques jours plus tard, elle quitta son lit et s’occupa des tâches ménagères. Maintenant, nous attendons avec impatience l’achèvement de l’église qui lui sera dédiée pour accomplir la promesse faite.
            J’ai écrit ceci en tant qu’humble fils de l’Église une, sainte, catholique et apostolique, et je désire qu’on lui donne toute la publicité qu’on jugera utile pour la plus grande gloire de Dieu et de l’auguste Mère du Sauveur.

Luigi COSTAMAGNA
de Caramagna.

II. Marie Auxiliatrice protectrice des campagnes.

            Mornèse est un petit village du diocèse d’Acqui, dans la province d’Alessandria, d’environ mille habitants. Notre village, comme tant d’autres, était malheureusement en proie à la maladie du champignon qui, depuis plus de vingt ans, dévorait presque toute la récolte de raisin, notre principale richesse. Nous avions déjà utilisé beaucoup de remèdes pour conjurer ce mal, mais en vain. Lorsque la nouvelle s’est répandue que des paysans des communes voisines avaient promis une partie des fruits de leurs vignes pour la poursuite des travaux de l’église dédiée à Marie Auxiliatrice à Turin, ils ont été merveilleusement favorisés et ont eu du raisin en abondance. Motivés par l’espoir d’une meilleure récolte et encore plus animés par la pensée de contribuer à une œuvre de religion, les habitants de Mornèse ont décidé d’offrir la dixième partie de notre récolte à cette fin. La protection de la Sainte Vierge a été ressentie parmi nous d’une manière vraiment miséricordieuse. Nous avons eu l’abondance des années heureuses et nous étions très heureux de pouvoir offrir scrupuleusement en nature ou en argent ce que nous avions promis. Lorsque le responsable de la construction de cette église est venu parmi nous à notre invitation pour recueillir les offrandes, ce fut une véritable fête de joie et d’exultation publique.
            Il parut profondément ému par la promptitude et le désintéressement avec lesquels les offrandes avaient été faites, et par les paroles chrétiennes qui les accompagnaient. Un de nos concitoyens, au nom de tous, a parlé haut et fort de ce qui se passait. Nous tous, disait-il, nous sommes redevables de grandes choses à la Vierge Auxiliatrice. L’année dernière, beaucoup de gens de ce pays, devant aller à la guerre, se sont mis sous la protection de Marie Auxiliatrice. La plupart d’entre eux portaient sa médaille autour du cou. Partis courageusement, ils ont dû affronter les plus grands dangers, mais aucun n’a été victime de ce fléau du Seigneur. De plus, quand il y eut dans les villages voisins une épidémie de choléra, de grêle et de sécheresse, elle nous a complètement épargnés. Alors que les vendanges de nos voisins ont été presque nulles, la bénédiction nous a obtenu une abondance telle qu’on n’en avait pas vu depuis vingt ans. C’est pourquoi nous sommes heureux de pouvoir ainsi manifester notre indélébile gratitude à la grande protectrice du genre humain.
            Je crois être l’interprète fidèle de mes concitoyens en affirmant que ce que nous avons fait maintenant, nous le ferons aussi à l’avenir, convaincus que nous nous rendrons ainsi toujours plus dignes des bénédictions célestes.
            25 mars 1868

Un habitant de Mornèse.

III. Une guérison rapide.

            Le jeune Bonetti Giovanni d’Asti, élève au collège de Lanzo, a eu la faveur suivante. Dans la soirée du 23 décembre dernier, il entra à l’improviste dans la chambre du directeur, d’un pas incertain et le visage bouleversé. Il s’approcha de lui, appuya sa personne contre celle du bon prêtre, et de sa main droite se frottait le front sans dire un mot. Étonné de le voir si convulsé, le directeur le soutient, le fait asseoir et lui demande ce qu’il veut. Aux questions répétées, le pauvre garçon ne répond que par des soupirs de plus en plus douloureux et profonds. Alors le directeur regarde de plus près son front, et voit que ses yeux sont immobiles, ses lèvres pâles, et que son corps sous le poids de la tête risque de s’écrouler. Voyant alors le danger de mort qui menaçait le garçon, il s’empressa d’envoyer chercher un médecin. Pendant ce temps, le mal s’aggravait à chaque instant, sa physionomie avait changé d’aspect, et il ne semblait plus être le même qu’auparavant. Ses bras, ses jambes et son front étaient gelés, le catarrhe l’étouffait, sa respiration devenait de plus en plus courte, et son pouls ne battait plus que très faiblement. Il resta pendant cinq heures dans cet état très pénible.
            Le médecin arriva, appliqua divers remèdes, mais toujours en vain. C’est fini, dit-il tristement, avant le matin ce jeune homme sera mort.
            Alors, au mépris des espoirs humains, le bon prêtre se tourna vers le ciel en lui demandant de donner au jeune un peu de temps pour se confesser et communier, s’il ne voulait pas qu’il vive. Il prit alors une petite médaille de Marie Auxiliatrice. Les grâces obtenues en invoquant la Vierge avec cette médaille étaient déjà nombreuses, ce qui augmentait son espoir d’obtenir le secours de la protectrice céleste. Plein de confiance en Elle, il se mit à genoux, posa la médaille sur son cœur et, avec d’autres personnes pieuses qui étaient accourues, il dit quelques prières à Marie et au Saint-Sacrement. Et Marie écouta les prières qui s’élevaient vers Elle avec tant de confiance. La respiration du garçon devint plus libre, et ses yeux, qui étaient comme pétrifiés, se tournaient affectueusement vers les personnes présentes pour les regarder et les remercier des soins compatissants qu’ils lui prodiguaient. L’amélioration ne fut pas de courte durée ; au contraire, tout le monde considéra que la guérison était certaine. Le médecin lui-même, étonné de ce qui s’était passé, s’exclama : « C’est la grâce de Dieu qui a fait recouvrer la santé. Au cours de ma longue carrière, j’ai vu un grand nombre de malades et de mourants, mais je n’ai vu aucun de ceux qui se trouvaient au point où se trouvait Bonetti se rétablir de cette façon. Sans l’intervention bénéfique du ciel, c’est pour moi un fait inexplicable. Et la science, habituée de nos jours à rompre le lien admirable qui l’unit à Dieu, lui rendait un humble hommage, se jugeant impuissante à réaliser ce que Dieu seul a accompli. Le jeune bénéficiaire de la gloire de la Vierge se porte encore aujourd’hui très bien. Il dit et proclame devant tous qu’il doit sa vie doublement à Dieu et à sa Mère qui lui a obtenu la grâce par sa puissante intercession. Il s’estimerait un cœur ingrat s’il ne témoignait pas publiquement de sa gratitude et n’invitait pas les autres malheureux à faire de même quand ils souffrent dans cette vallée de larmes et vont à la recherche de réconfort et d’aide.

(Extrait du journal La Vergine).

IV. Marie Auxiliatrice libère un de ses fidèles d’un grand mal de dents.

            Dans une maison d’éducation de Turin se trouvait un jeune homme de 19 ou 20 ans qui souffrait depuis plusieurs jours d’une douleur aiguë aux dents. Tout ce que l’art médical propose habituellement en pareil cas avait déjà été utilisé sans succès. Le pauvre jeune homme était donc à un tel point d’exacerbation qu’il suscitait la pitié de tous ceux qui l’entendaient. Si le jour lui paraissait horrible, éternelle et plus misérable était la nuit, pendant laquelle il ne pouvait fermer les yeux pour dormir que pendant de courts instants constamment interrompus. Quel état déplorable était le sien ! Il en fut ainsi pendant quelque temps ; mais dans la soirée du 29 avril, la maladie parut devenir furieuse. Le jeune homme gémissait sans cesse dans son lit, soupirait et criait bruyamment sans que personne ne puisse le soulager. Ses compagnons, inquiets de son malheureux état, allèrent trouver le directeur pour lui demander de venir le réconforter. Il vint et tenta par ses paroles de ramener le calme dont lui et ses compagnons avaient besoin pour se reposer. Mais la douleur était si grande que, bien que très obéissant, il ne pouvait cesser de se lamenter, disant qu’il ne savait pas si, même en enfer, on pouvait souffrir de plus cruelles douleurs. Le supérieur pensa alors à le mettre sous la protection de Marie Auxiliatrice, en l’honneur de laquelle on érigeait un sanctuaire majestueux dans notre ville. Nous nous sommes tous mis à genoux et avons fait une courte prière. Que s’est-il passé ? L’aide de Marie ne s’est pas fait attendre. Lorsque le prêtre a donné la bénédiction au jeune homme désolé, celui-ci s’est instantanément calmé et s’est endormi d’un sommeil profond et serein. À cet instant, un terrible soupçon s’est emparé de nos esprits : le pauvre jeune homme a succombé au mal, mais non, il s’était déjà profondément endormi, et Marie avait entendu la prière de son dévot, et Dieu avait exaucé la bénédiction de son ministre.
            Plusieurs mois passèrent, et le jeune homme sujet au mal de dents n’en fut plus incommodé.

(Du même).

V. Quelques merveilles de Marie Auxiliatrice.

            Je crois que votre noble revue examinera attentivement quelques-uns des événements qui se sont produits parmi nous et que j’ai exposés en l’honneur de Marie-Auxiliatrice. Je n’en retiendrai que quelques-uns dont j’ai été témoin dans cette ville, en omettant beaucoup d’autres dont on parle tous les jours.
            Le premier concerne une dame de Milan qui, depuis cinq mois, était rongée par une pneumonie accompagnée d’une prostration totale.
De passage dans ces parages, Don B… lui conseilla de recourir à Marie Auxiliatrice en faisant une neuvaine de prières en son honneur, avec la promesse d’une offrande pour poursuivre les travaux de l’église que l’on construit à Turin sous le vocable de Marie Auxiliatrice. Cette offrande ne devait être faite qu’une fois la grâce obtenue.
            Ô merveille ! Le jour même, la malade put reprendre ses occupations ordinaires et sérieuses, mangeant de tout, se promenant, entrant et sortant librement de la maison, comme si elle n’avait jamais été malade. À la fin de la neuvaine, elle était dans un état de santé florissante, tel qu’elle ne se souvenait pas de l’avoir connu auparavant.
            Une autre dame souffrait depuis trois ans de palpitations, avec les nombreux inconvénients qui vont de pair avec cette maladie. Mais l’arrivée d’une fièvre et d’une sorte d’hydropisie l’avait immobilisée dans son lit. Sa maladie était arrivée à un tel point que lorsque le prêtre lui donnait la bénédiction, son mari devait lui prendre la main pour qu’elle puisse faire le signe de la croix. On lui recommanda une neuvaine en l’honneur du Saint-Sacrement et de Marie Auxiliatrice, avec la promesse d’une offrande pour l’édifice sacré, mais après l’obtention de la grâce. Le jour même de la fin de la neuvaine, la malade fut libérée de toute maladie, et elle put elle-même rédiger le récit de sa maladie, dans lequel je lis ce qui suit :
            « Marie Auxiliatrice m’a guérie d’une maladie pour laquelle toutes les inventions de la médecine étaient considérées comme inutiles. Aujourd’hui, dernier jour de la neuvaine, je suis libérée de toute maladie et je vais à table avec ma famille, ce que je n’avais pas pu faire pendant trois ans. Tant que je vivrai, je ne cesserai de magnifier la puissance et la bonté de l’auguste Reine du Ciel, et je m’efforcerai de promouvoir son culte, en particulier dans l’église que l’on construit à Turin ».
            J’ajoute un autre fait, encore plus merveilleux que les précédents.
            Un jeune homme dans la force de l’âge était en train de faire une des plus brillantes carrières scientifiques, lorsqu’il fut atteint d’une cruelle maladie à l’une de ses mains. Malgré tous les traitements et toutes les sollicitudes des médecins les plus accrédités, on n’a pu obtenir aucune amélioration, ni arrêter la progression de la maladie. Toutes les conclusions des experts en la matière concordaient pour dire que l’amputation était nécessaire pour éviter la ruine totale du corps. Effrayé par cette décision, il décida de recourir à Marie Auxiliatrice, en appliquant les mêmes remèdes spirituels que d’autres avaient pratiqués avec tant de succès. L’acuité des douleurs cessa instantanément, les blessures s’atténuèrent et, en peu de temps, la guérison parut complète. Quiconque voudrait satisfaire sa curiosité pourrait admirer cette main avec les entailles et les trous des plaies guéries, qui rappelaient la gravité de sa maladie et la merveilleuse guérison de celle-ci. Il voulut se rendre personnellement à Turin pour faire son offrande, afin de manifester davantage sa gratitude à l’auguste Reine du Ciel.
            J’ai encore beaucoup d’autres histoires de ce genre, que je vous raconterai dans d’autres lettres, si vous estimez qu’il s’agit là de sujets adaptés à votre périodique. Je vous prie d’omettre les noms des personnes auxquelles les faits se rapportent, afin de ne pas les exposer à des questions et à des observations importunes. Mais que ces faits servent à raviver de plus en plus parmi les chrétiens la confiance dans la protection de Marie Auxiliatrice, à augmenter le nombre de ses dévots sur la terre, et à avoir un jour une couronne plus glorieuse au ciel.

(Extrait de la Vera Buona Novella de Florence).

Avec l’approbation ecclésiastique.

Fin




Merveilles de la Mère de Dieu invoquée sous le titre de Marie Auxiliatrice (12/13)

(suite de l’article précédent)

Souvenir de la pose de la première pierre de l’église dédiée à Marie Auxiliatrice le 27 avril 1865.

FILOTICO, BENVENUTO, CRATIPPO ET TEODORO.

            Filot. Ce jour est une belle fête.
            Crat. Une très belle fête. Je suis dans cet Oratoire depuis de nombreuses années, mais je n’ai jamais vu une telle fête, et il nous sera difficile d’en avoir une semblable à l’avenir.
            Benv. Je me présente à vous, chers amis, plein d’étonnement, je n’arrive pas à comprendre.
            Filot. Quoi donc ?
            Benv. Je n’arrive pas à m’expliquer ce que j’ai vu.
            Teod. Qui es-tu, d’où viens-tu, qu’as-tu vu ?
            Benv. Je suis un étranger, et j’ai quitté mon village pour faire partie des jeunes de l’Oratoire Saint-François de Sales. Quand je suis arrivé à Turin, j’ai demandé qu’on me conduise ici, mais dès que je suis entré, j’ai vu des voitures royales, des chevaux, des palefreniers et des cochers, tous splendidement vêtus. Est-il possible, me dis-je, que ce soit la maison où moi, pauvre orphelin, je suis venu habiter ? J’entre alors dans l’enceinte de l’Oratoire, je vois une multitude de jeunes qui crient, ivres de joie et presque frénétiques : Vivat, gloire, triomphe, bienveillance de tous et toujours. – Je lève les yeux vers le clocher et je vois une petite cloche qui s’agite dans tous les sens pour produire à chaque battement un son harmonieux. – Dans la cour, partout de la musique ; on court, on saute, on chante et on joue. Qu’est-ce que tout cela ?
            Filot. Voici en deux mots la raison de tout cela. Aujourd’hui, on a béni la première pierre de notre nouvelle église. Le prince Amédée a daigné venir y déposer la première chaux ; l’évêque de Suse est venu célébrer le service religieux ; les autres sont de nobles personnages et d’éminents bienfaiteurs venus rendre hommage au fils du roi Victor-Emmanuel, et en même temps donner de l’éclat à la solennité de ce beau jour.
            Benv. Je comprends maintenant la raison de cette joie, et vous avez de bonnes raisons de célébrer une grande fête. Mais, si vous me permettez une observation, il me semble que vous avez négligé le point le plus important. En ce jour solennel, pour accueillir comme il convient tant de personnages distingués et l’auguste fils de notre Souverain, vous auriez dû préparer de grandes choses. Vous auriez dû construire des arcs de triomphe, couvrir les rues de fleurs, embellir chaque coin de rue avec des roses, orner chaque mur de tapis élégants, et mille autres choses encore.
            Teod. Tu as raison, cher Benvenuto, tu as raison, c’était notre désir commun. Mais que veux-tu ? Pauvres jeunes gens que nous sommes, ce n’est pas la volonté, qui est grande en nous, qui nous en a empêchés, mais notre impuissance absolue.
            Filot. Pour recevoir dignement notre Prince bien-aimé, nous nous sommes tous réunis, il y a quelques jours, pour discuter de ce qu’il fallait faire en ce jour si solennel. L’un d’eux dit : si j’avais un royaume, je le lui offrirais, car il en est vraiment digne. Excellent, répondirent-ils tous, mais, pauvres de nous, nous n’avons rien. Ah ! ajoutèrent mes compagnons, si nous n’avons pas de royaume à lui offrir, nous pouvons au moins le faire roi de l’Oratoire Saint-François de Sales. Quelle chance ce serait ! s’exclamèrent-ils tous, alors la misère cesserait parmi nous, et ce serait une fête sans fin. Un troisième, voyant que les propositions des autres étaient sans fondement, conclut que nous pourrions le faire roi de nos cœurs, maître de notre affection ; et comme plusieurs de nos camarades sont déjà sous ses ordres dans l’armée, lui offrir notre fidélité et notre sollicitude quand viendra le moment de servir dans le régiment qu’il commande.
            Benv. Qu’ont répondu tes camarades ?
            Filot. Ils ont tous accueilli ce projet avec joie. Quant à l’organisation de la réception, nous avons été unanimes : étant donné que ces messieurs voient déjà chez eux de grandes choses, des choses magnifiques, des choses majestueuses, ils sauront avoir un regard de bienveillante compassion sur notre impuissance ; et nous avons lieu d’espérer beaucoup de la générosité et de la bonté de leur cœur.
            Benv. Bravo, tu as bien parlé.
            Teod. Très bien, j’approuve ce que tu dis. Mais en attendant, ne devons-nous pas au moins leur témoigner notre reconnaissance d’une manière ou d’une autre, et leur adresser quelques mots de remerciement ?
            Benv. Oui, chers amis, mais je voudrais d’abord que vous acceptiez de satisfaire ma curiosité sur plusieurs choses concernant les Oratoires et les choses qui s’y font.
            Filot. Oui, mais nous risquons d’abuser de la patience de nos chers bienfaiteurs.
            Benv. Mais non, je crois que cela leur plaira. Car comme ils ont été et sont encore nos insignes bienfaiteurs, ils écouteront avec plaisir l’objet de leur bienfaisance.
            Filot. Je ne peux pas faire grand-chose, car cela fait à peine un an que je suis ici. Peut-être Cratippo, qui est l’un des plus âgés, pourra-t-il nous satisfaire ; n’est-ce pas, Cratippo ?
            Crat. Si vous m’en jugez capable, je m’efforcerai volontiers de vous satisfaire. – Je dirai tout d’abord que les Oratoires, à leur origine (1841), n’étaient rien d’autre que des rassemblements de jeunes, pour la plupart étrangers, qui venaient les jours de fête dans les lieux indiqués pour apprendre le catéchisme. Lorsque des locaux plus adaptés furent disponibles, les Oratoires (1844) devinrent des lieux où les jeunes se réunissaient pour se divertir agréablement et honnêtement après avoir accompli leurs devoirs religieux. Jouer, rire, sauter, courir, chanter, faire de la musique, jouer de la trompette, battre le tambour, tels étaient les divertissements. – Un peu plus tard (1846), on a ajouté les cours du dimanche, puis (1847) les cours du soir. – Le premier Oratoire est celui où nous nous trouvons actuellement, appelé Saint-François de Sales. Après celui-ci, un autre fut ouvert à Porta Nuova, puis un autre plus tard à Vanchiglia, et quelques années plus tard celui de Saint-Joseph à San Salvano.
            Benv. Tu me racontes l’histoire des Oratoires festifs, et cela me plaît beaucoup, mais je voudrais savoir quelque chose sur cette maison. Dis-moi dans quelles conditions les jeunes gens sont reçus dans cette maison.  À quoi s’occupent-ils ?
            Crat. Je peux te répondre. Parmi les jeunes qui fréquentent les Oratoires, et aussi ceux qui viennent d’autres pays, il y en a qui sont complètement abandonnés à eux-mêmes, ou qui sont pauvres ou qui manquent des biens de la fortune. Un triste avenir les attendrait, si une main bienveillante ne prenait soin d’eux avec un cœur paternel, et ne les accueillait, et ne leur procurait pas ce qui est nécessaire à la vie.
            Benv. D’après ce que tu me dis, il semble que cette maison est destinée à des jeunes gens pauvres, et pourtant je vous vois tous si bien habillés que vous me semblez être autant de petits messieurs.
            Crat. Comme tu le vois, Benvenuto, en prévision de la fête extraordinaire que nous avons aujourd’hui, chacun a sorti ce qu’il avait ou pouvait avoir de plus beau, et ainsi nous pouvons faire bonne figure le mieux possible.
            Benv. Êtes-vous nombreux dans cette maison ?
            Crat. Nous sommes environ huit cents.
            Benv. Huit cents ! huit cents ! Et comment satisfaire l’appétit de tous ces mangeurs de pagnotes ?
            Crat. Ce n’est pas notre affaire, le boulanger y veille.
            Benv. Mais comment faire face aux dépenses nécessaires ?
            Crat. Regarde tous ces gens qui ont la bonté de nous écouter, et tu sauras qui et comment ils se procurent ce qu’il faut pour la nourriture, les vêtements et les autres choses nécessaires à cet effet.
            Benv. Mais le chiffre de huit cents m’étonne ! A quoi peuvent bien être occupés tous ces jeunes gens, jour et nuit !
            Crat. Il est très facile de les occuper la nuit : chacun dort dans son lit et reste discipliné, ordonné et silencieux jusqu’au matin.
            Benv. Mais tu plaisantes !
            Crat. Je dis cela pour suivre la plaisanterie que tu m’as proposée. Si tu veux savoir quelles sont nos occupations quotidiennes, je vais te le dire en quelques mots. Les jeunes sont divisés en deux grandes catégories, l’une est celle des apprentis, l’autre celle des étudiants. – Les apprentis s’appliquent aux métiers de tailleur, cordonnier, ferronnier, menuisier, relieur, compositeur, imprimeur, musicien et peintre. Par exemple, ces lithographies, ces peintures sont l’œuvre de nos camarades. Ce livre a été imprimé ici, il a été relié dans notre atelier.
            En général, ils vont tous à l’école, car ils doivent tous suivre les cours du soir, mais ceux qui en ont les capacités et ont une bonne conduite, nos supérieurs les mettent exclusivement aux études. C’est pourquoi nous avons la satisfaction de compter parmi nos compagnons des médecins, des notaires, des avocats, des instituteurs, des professeurs, et même des curés de paroisse.
            Benv. Et toute cette musique est celle des jeunes de cette maison ?
            Crat. Oui, les jeunes qui viennent de chanter et de jouer sont des jeunes de cette maison ; d’ailleurs, les compositions musicales sont presque toutes l’œuvre de l’Oratoire ; car chaque jour, à une heure déterminée, il y a cours de musique, et chacun, en plus du métier ou des études littéraires, peut progresser dans la connaissance de la musique.
            Nous avons aussi le plaisir d’avoir plusieurs de nos camarades qui exercent d’importantes fonctions civiles et militaires en raison de leurs connaissances littéraires, tandis que d’autres sont affectés à la musique dans divers régiments, dans la Garde nationale, et même dans le régiment de Son Altesse, le Prince Amédée.
            Benv. Cela me plaît beaucoup ; ainsi, les jeunes qui ont reçu de la nature de bonnes capacités peuvent les cultiver, et ne sont pas contraints par l’indigence à les laisser stériles ou à faire des choses contraires à leurs inclinations. – Mais dites-moi encore une chose : en entrant ici, j’ai vu aussi une belle église, et tu m’as dit qu’on veut en construire une autre. Quel besoin y a-t-il pour cela ?
            Crat. La raison en est très simple. L’église que nous utilisions jusqu’à présent était surtout destinée aux jeunes de l’extérieur qui venaient les jours de fête. Mais en raison du nombre toujours croissant de jeunes accueillis à l’Oratoire, l’église est devenue exiguë et les externes en sont presque totalement exclus. On peut calculer qu’un tiers des jeunes qui venaient n’ont pas pu être accueillis. – Combien de fois avons-nous dû refuser des tas de jeunes et les abandonner sur les places pour la seule raison qu’il n’y avait plus de place dans l’église !
            Il faut ajouter que, depuis l’église paroissiale de Borgo Dora jusqu’à San Donato, il y a une multitude de maisons et plusieurs milliers d’habitants pour lesquels il n’y a ni église, ni chapelle suffisamment grande pour accueillir les enfants et les adultes qui pourraient s’y rendre. Il fallait donc une église suffisamment spacieuse pour accueillir les enfants, mais aussi pour les adultes. C’est pour répondre à ce besoin public et sérieux qu’est entreprise la construction de l’église qui fait l’objet de notre fête.
            Benv. Les choses que tu viens d’exposer me donnent une juste idée des Oratoires et de la destination de l’église, et je crois que cela est également du goût de ces Messieurs, qui savent ainsi à quoi est destinée leur charité. Je regrette beaucoup de ne pas être un orateur éloquent ou un poète talentueux pour improviser un discours splendide ou un poème sublime sur ce que tu m’as dit et pour exprimer ainsi toute notre gratitude et nos remerciements à ces Messieurs.
            Teod. Moi aussi je voudrais faire de même, mais je sais seulement qu’en poésie la longueur des vers doit être égale et rien de plus ; c’est pourquoi au nom de mes compagnons et de nos chers Supérieurs, je dirai seulement à Son Altesse le Prince Amédée et à tous les autres Messieurs que nous avons été enchantés de cette belle fête, et que nous ferons une inscription en lettres d’or avec ces mots :

Vive à jamais ce jour !
            Avant que le soleil du Couchant
            Ne retourne à son Orient,
            Et chaque fleuve à sa source

Avant qu’il ne revienne,
            Et s’efface de nos cœurs
            Ce jour sera pour nous
            Le jour le plus beau.

            À vous en particulier, Altesse Royale, je dis que nous vous portons une grande affection, que vous nous avez fait une grande faveur en venant nous rendre visite, et que chaque fois que nous aurons le bonheur de vous voir en ville ou ailleurs, ou d’entendre parler de vous, ce sera toujours pour nous un sujet de gloire, d’honneur et un vrai plaisir. Mais avant votre départ, permettez-moi, au nom de mes chers Supérieurs et de mes chers compagnons, de vous demander une faveur, celle de daigner venir nous visiter en d’autres occasions pour renouveler la joie de ce beau jour. Quant à vous, Monseigneur, continuez la bienveillance paternelle que vous nous avez témoignée jusqu’à présent. Et vous, Monsieur le Maire, qui avez participé de tant de manières à notre bien, continuez à nous protéger, et à nous procurer la faveur de rectifier la rue Cottolengo face à la nouvelle église ; et nous vous assurons que nous redoublerons notre profonde gratitude à votre égard. Et vous, Monsieur le Curé, veuillez nous considérer toujours non seulement comme des paroissiens, mais comme des enfants chéris qui reconnaîtront toujours en vous un père tendre et bienveillant. Et à vous tous, nous vous recommandons de continuer à être, comme vous l’avez été dans le passé, d’éminents bienfaiteurs, surtout pour achever le saint édifice qui fait l’objet de la solennité d’aujourd’hui. Il est déjà commencé, il s’élève déjà de terre, et c’est lui-même en fait qui tend la main aux personnes charitables pour qu’elles le mènent à bonne fin. Enfin, tout en vous assurant que le souvenir de cette belle journée ne s’effacera jamais de nos cœurs, nous prions unanimement la Reine du Ciel, à qui le nouveau sanctuaire est dédié, pour qu’elle vous obtienne du Donateur de tous biens une longue vie et des jours heureux.

(suite)