Élection du premier Recteur Majeur

Lors du onzième Chapitre Général de la Congrégation Salésienne, on a élu le premier Recteur Majeur, Don Paolo Albera. Tout en étant officiellement le deuxième successeur de don Bosco, il fut en réalité le premier à être élu, car Don Rua avait déjà été nommé personnellement par Don Bosco, par inspiration divine et à la demande du Pape Pie IX (la nomination de Don Rua a été officialisée le 27 novembre 1884 et confirmée par le Saint-Siège le 11 février 1888). Suivons maintenant le récit de Don Eugenio Ceria, qui raconte l’élection du premier successeur de Don Bosco et les travaux du Chapitre Général.

            Il paraît presque impossible de parler des anciens Salésiens sans partir de Don Bosco. Cette fois, c’est pour admirer la divine Providence, qui a mis sur le difficile chemin de Don Bosco les hommes indispensables à sa Congrégation naissante, à divers niveaux et fonctions. Non pas des hommes faits, mais des hommes à façonner. Il revenait au fondateur de les chercher parmi les jeunes, de les faire grandir, de les éduquer, de les instruire, de les informer de son esprit, afin qu’ils le représentent dignement au milieu des confrères et devant les étrangers partout où il les enverrait. Ce fut aussi le cas de son deuxième successeur. Le petit et frêle Paolino Albera, lorsqu’il vint de son village natal à l’Oratoire, ne se distinguait dans la foule de ses camarades par aucune de ces caractéristiques qui attirent l’attention sur un nouvel arrivant. Mais Don Bosco ne tarda pas à discerner en lui l’innocence des mœurs, une capacité intellectuelle voilée par une timidité naturelle, et une nature d’enfant, qui lui donnait de bonnes raisons d’espérer. Après l’avoir conduit jusqu’au sacerdoce, il l’envoya comme Directeur à Sampierdarena, puis Directeur à Marseille et Provincial de France, où on l’appelait « le petit Don Bosco », jusqu’à ce qu’en 1886 la confiance de ses confrères l’élise Catéchiste général, c’est-à-dire Directeur spirituel de la Société. Mais son ascension ne s’arrêta pas là.
            Après la mort de Don Rua, le gouvernement de la Société passa, selon la Règle, entre les mains du Préfet Général, Don Filippo Rinaldi, qui présida le Chapitre Supérieur et dirigeait les préparatifs pour le Chapitre Général qui devait se tenir en l’année 1910. Il fut décidé que la grande assemblée s’ouvrirait le 15 août, précédée d’une retraite spirituelle, prêchée par Don Albera pour tous les Capitulaires.
            Un journal intime de Don Albera, rédigé en anglais, nous permet de connaître quels étaient ses sentiments pendant la période d’attente. À la date du 21 avril, nous trouvons : « Je parle longuement avec Don Rinaldi et avec grand plaisir. Je désire de tout cœur qu’il soit élu à la charge de Recteur Majeur de notre Congrégation. Je prierai le Saint-Esprit pour obtenir cette grâce. » Et le 26 : « On parle rarement du successeur de Don Rua. J’espère qu’on élira le Préfet. Il a les vertus nécessaires pour cette charge. Chaque jour, je prie pour cette grâce. » De nouveau le 11 mai : « J’accepte d’aller à Milan pour les funérailles de Don Rua. Je suis très heureux d’obéir à Don Rinaldi, en qui je reconnais mon véritable Supérieur. Je prie tous les jours pour qu’il soit élu Recteur Majeur. » Le 6 juin, il révèle pourquoi il a tant de penchant pour Don Rinaldi en écrivant : « J’ai une haute idée de sa vertu, de ses capacités et de son esprit d’initiative. » Peu après, en allant à Rome en sa compagnie, il écrivait le 8 à Florence : « Je vois que Don Rinaldi est bien accueilli partout et considéré comme le successeur de Don Rua. Il laisse une bonne impression à ceux avec qui il parle. »
            S’il avait été permis de faire de la propagande, il est certain qu’il aurait été son grand électeur. Et nombreux étaient les Salésiens qui pensaient comme lui. Ne parlons pas des Espagnols, parmi lesquels il avait laissé un grand héritage d’affection. Provinciaux et délégués, lorsqu’ils arrivaient d’Espagne pour le Chapitre Général, n’en faisaient pas mystère, même en parlant avec lui. Mais il répondait à ces discours avec l’indifférence d’un sourd qui n’entend pas un mot de ce qu’on lui dit. Son attitude était telle qu’elle impressionnait ses interlocuteurs enthousiastes. Cela tenait vraiment du mystère.
            Le soir de l’Assomption eut lieu la réunion d’ouverture, au cours de laquelle Don Rinaldi « a très bien parlé », note dans son journal Don Albera. L’élection du Recteur Majeur eut lieu lors de la séance du matin suivant. Dès le début du scrutin, les noms de Don Albera et de Don Rinaldi se succédaient à de brefs intervalles. Le premier apparaissait de plus en plus troublé et effrayé ; l’autre, en revanche, ne montrait pas le moindre signe d’émotion. Cela fut remarqué, et non sans une petite pointe de curiosité. Un grand applaudissement salua le vote, qui atteignait la majorité absolue requise par la Règle. Après avoir accompli le dernier acte en sa qualité de président de l’assemblée avec la proclamation de l’élu, Don Rinaldi demanda à pouvoir lire un de ses mémorandums. Ayant obtenu l’assentiment, il se fit restituer par Don Lemoyne, Secrétaire du Chapitre Supérieur, une enveloppe fermée qu’il lui avait remise le 27 février avec la mention : « À ouvrir après les élections qui auront lieu à la mort du cher Don Rua. » L’ayant pris dans ses mains, il l’ouvrit et lut : « Don Rua est gravement malade et je me crois dans l’obligation de mettre par écrit pour son successeur ce que je conserve dans mon cœur. Le 22 novembre 1877, on célébrait à Borgo S. Martino la fête traditionnelle de Saint Charles. À table où présidaient le Vénérable Giovanni Bosco et Mgr Ferrò, j’étais assis à côté de Don Belmonte. À un certain moment, la conversation tomba sur Don Albera et Don Bosco raconta les difficultés que lui avait créées le clergé de son pays. C’est alors que Mgr Ferrò voulut savoir si Don Albera avait surmonté ces difficultés : — Certainement, répondit Don Bosco. Il est mon second… – Et passant la main sur son front, il suspendit la phrase. Mais je compris tout de suite qu’il ne s’agissait pas du deuxième confrère entré dans la congrégation, ni du deuxième en dignité car il n’était pas du Chapitre Supérieur, ni du deuxième Directeur. J’en ai déduit qu’il s’agissait de son deuxième successeur ; mais je conservai ces choses dans mon cœur, en attendant les événements. Turin, 27 février 1910. » Les électeurs comprirent alors pourquoi il avait eu ce comportement et se sentirent soulagés : ils avaient élu celui qui avait été préconisé par Don Bosco trente-trois ans auparavant.
            Don Bertello fut immédiatement chargé de formuler deux télégrammes de communication au Saint-Père et au Cardinal Rampolla, Protecteur de la Société salésienne. Au Pape, il était dit : « Don Paolo Albera, nouveau Recteur Majeur de la Pieuse Société Salésienne et le Chapitre Général, qui l’a élu dans la plus grande concorde aujourd’hui, quatre-vingt-quinzième anniversaire de la naissance du Vénérable Don Bosco, et fête son élection dans la plus grande jubilation, remercie Votre Sainteté pour ses précieux conseils et prières et proteste de son profond respect et obéissance illimitée. » Sa Sainteté répondit rapidement en envoyant la bénédiction apostolique. Dans le télégramme, il est fait allusion à un autographe pontifical du 9 août. Il était de la teneur suivante : « Aux chers fils de la Congrégation Salésienne du Vénérable Don Bosco réunis pour l’élection du Recteur Général, dans la certitude que tous, quacumque humana affectione postposita, donneront leur vote au Confrère qu’ils jugeront dans le Seigneur le plus apte à maintenir le véritable esprit de la Règle, à encourager et à guider vers la perfection tous les Membres de l’Institut religieux, et à faire prospérer les multiples œuvres de charité et de religion auxquelles ils se sont consacrés, nous accordons avec une affection paternelle la Bénédiction Apostolique. Du Vatican, le 9 août 1910. Pius PP. X ».
            Le Cardinal Protecteur avait également adressé le 12 août « une parole paternelle de vœux et d’encouragement au Régulateur et aux Électeurs du Chapitre », disant entre autres : « Votre Don Bosco tant aimé vous regarde certainement du haut du Ciel avec toute son affection paternelle, en suppliant ardemment le Divin Paraclet qu’il répande sur vous les lumières célestes et vous inspire de sages conseils. La sainte Église attend de vos suffrages un digne successeur de Don Bosco et de Don Rua, qui sache conserver avec sagesse leur œuvre, et même l’accroître avec de nouveaux progrès. Quant à moi, avec le plus grand intérêt, je m’unis également à vous dans la prière, et je forme des vœux ardents, afin qu’avec la faveur divine, votre choix soit heureux sous tous rapports et tel qu’il me procure la douce consolation de voir la Congrégation Salésienne toujours plus florissante pour le bien des âmes et à l’honneur de l’apostolat catholique. Faites donc en sorte que, dans un acte aussi sacré et solennel, votre esprit se tienne éloigné des considérations humaines et des sentiments personnels ; afin qu’animés uniquement par de droites intentions et un ardent désir de la gloire de Dieu et du plus grand bien de l’Institut, unis au nom du Seigneur dans la plus parfaite concorde et charité, vous puissiez choisir un supérieur qui soit pour vous un exemple par la sainteté de sa vie, un père aimant par la bonté de son cœur, un guide sûr par sa prudence et sa sagesse, et par son zèle et sa fermeté un gardien vigilant de la discipline, de l’observance religieuse et de l’esprit du Vénérable Fondateur. » Son Éminence, recevant peu après Don Albera, lui donna des signes indubitables que le choix avait été fait conformément aux vœux qu’il avait exprimés.
            Quels étaient, en ces premiers instants, les sentiments de l’élu, c’est ce que nous révèle le journal, à la date du 16 août, où nous lisons : « C’est un jour de grand malheur pour moi. J’ai été élu Recteur Majeur de la Pieuse Société de Saint François de Sales. Quelle responsabilité sur mes épaules ! Maintenant plus que jamais je dois crier : Deus, in adiutorium meum intende. J’ai beaucoup prié, surtout devant la tombe de Don Bosco ». Dans son portefeuille, on a trouvé un petit papier jauni, sur lequel il avait tracé et signé son programme : « J’aurai toujours Dieu en vue, Jésus-Christ comme modèle, l’Auxiliatrice pour m’aider, moi-même en sacrifice ».
            À cette date, les mandats de tous les membres du Chapitre Supérieur avaient expiré et il fallait procéder à leur élection, ce qui fut fait lors de la troisième séance. Le Préfet Général fut élu en premier. Le vote sur le nom de Don Rinaldi fut plébiscitaire. Sur les 73 votants, 71 lui donnèrent leur voix. Il manqua donc une seule voix, qui alla à Don Paolo Virion, Provincial de France. L’autre, très probablement la sienne, fut pour Don Pietro Ricaldone, Provincial d’Espagne, qu’il estimait beaucoup. Celui-ci reprit donc son travail quotidien, qui devait durer encore douze ans, jusqu’à ce qu’il devienne lui-même Recteur Majeur.
            Après cela, le Chapitre passa à l’élection des autres membres, qui furent : Don Giulio Barberis, Catéchiste Général ; Don Giuseppe Bertello, Économe ; Don Luigi Piscetta, Don Francesco Cerruti, Don Giuseppe Vespignani, Conseillers. Ce dernier, Provincial d’Argentine, remercia l’assemblée pour l’acte de confiance, mais se dit obligé pour des raisons particulières et aussi pour sa santé de décliner la nomination, en priant l’assemblée de procéder à une autre élection. Mais le Supérieur ne crut pas devoir accepter sa renonciation si rapidement et lui demanda de suspendre toute décision jusqu’au lendemain. Le lendemain, invité par le Recteur Majeur à notifier la résolution prise, il répondit qu’en suivant le conseil du Supérieur, il se remettait entièrement à l’obéissance en acceptant la charge.
            Le premier acte du Préfet Général réélu fut d’informer officiellement les confrères de l’élection du nouveau Recteur Majeur. Dans une brève lettre, évoquant rapidement les différentes phases de sa vie, il rappelait opportunément le « Rêve de la Roue », dans lequel Don Bosco avait vu Don Albera avec une lampe à la main pour éclairer et guider les autres (MB VI,910). Il concluait très opportunément : « Mes chers confrères, que résonnent encore une fois à vos oreilles les paroles affectueuses de Don Bosco dans sa lettre-testament : “Votre Recteur est mort, mais un autre sera élu, qui prendra soin de vous et de votre salut éternel. Écoutez-le, aimez-le, obéissez-lui, priez pour lui, comme vous l’avez fait pour moi”.
            Aux Filles de Marie Auxiliatrice, Don Albera estima opportun de faire sans trop tarder une communication, d’autant plus qu’il recevait d’elles un bon nombre de lettres. Il les remercia pour leurs félicitations, mais surtout pour leurs prières. « J’espère, écrivait-il, que Dieu exaucera vos vœux et qu’il ne permettra pas que mon inaptitude nuise aux œuvres auxquelles le Vénérable Don Bosco et l’inoubliable Don Rua consacrèrent toute leur vie ». Il souhaitait enfin qu’entre les deux branches de la famille de Don Bosco règne toujours une sainte émulation pour conserver l’esprit de charité et de zèle laissé en héritage par le fondateur.
            Jetons maintenant un coup d’œil rapide sur les travaux du Chapitre Général. On peut dire qu’il n’avait qu’un seul thème fondamental. Le Chapitre précédent, après avoir effectué une révision plutôt sommaire des Règlements, avait décidé qu’ils seraient appliqués tels quels pendant six ans ad experimentum et que le onzième Chapitre Général les examinerait à nouveau en fixant le texte définitif. Ces Règlements étaient au nombre de six : pour les Provinciaux, pour toutes les maisons salésiennes, pour les maisons de noviciat, pour les paroisses, pour les oratoires festifs et pour la Pieuse Union des Coopérateurs. Dans une pétition signée par 36 membres, Le même Xe Chapitre avait demandé que le XIe traite de l’administration et surtout de la manière de rendre toujours plus profitables les ressources que la Providence accordait à chaque maison salésienne. Pour faciliter ce travail ardu, on nomma une Commission de techniciens, pour ainsi dire, extra-capitulaire, pour étudier les questions sur le sujet et présenter au Chapitre ses conclusions.
            Les discussions, commencées lors de la cinquième séance, se prolongèrent pendant les 21 sessions suivantes. Pour épuiser le sujet, il aurait fallu prolonger les travaux ; mais le Chapitre Général, par un vote unanime, confia la tâche de finaliser la révision au Chapitre Supérieur, qui promit de le mener à terme en nommant une Commission spéciale. Cependant, le Chapitre Général, pour montrer qu’il ne s’en désintéressait pas et pour faciliter la tâche, manifesta le désir de créer une Commission chargée de formuler les principaux critères qui devraient guider la nouvelle Commission des Règlements dans son long et délicat travail. C’est ce qui fut fait. Dix normes directrices, élaborées par ses délégués sous la présidence de Don Ricaldone, furent portées à la connaissance de l’assemblée et approuvées. L’objectif de celles-ci était de maintenir fermement l’esprit de Don Bosco, en conservant intacts les articles qui étaient reconnus comme les siens, et d’éliminer des Règlements ce qu’ils contenaient de purement exhortatif.
            Du XIe Chapitre Général, je ne rappellerai rien d’autre que deux épisodes, qui semblent avoir une importance particulière. Le premier concerne le Règlement des Oratoires festifs. La Commission extra-capitulaire avait cru bon de l’alléger, surtout dans la partie concernant les diverses charges. Mais à Don Rinaldi, il sembla qu’on altérait la conception de Don Bosco concernant les Oratoires festifs ; d’où cette intervention de sa part : « Le Règlement imprimé en 1877 a été véritablement compilé par Don Bosco, et Don Rua me l’assurait quatre mois avant sa mort. Je fais donc des vœux pour qu’il soit conservé intact, car, s’il est appliqué, on verra qu’il est toujours bon même aujourd’hui ».
            Ici s’engagea une discussion animée, dont je retiens les répliques les plus notables. Le rapporteur déclara que la Commission ignorait complètement cette particularité ; mais il observa aussi que ce Règlement n’avait jamais été appliqué intégralement dans aucun Oratoire festif, même à Turin. La Commission opina que le Règlement avait été fait compiler par Don Bosco sur le modèle des Règlements des Oratoires festifs lombards ; en tout cas, elle avait seulement voulu l’alléger et y introduire ce qui était la pratique dans les meilleurs Oratoires salésiens. Mais Don Rinaldi ne se calma pas et insista sur le désir de Don Rua que ce Règlement soit respecté, comme œuvre de Don Bosco, en y introduisant éventuellement ce qui serait jugé utile pour les jeunes adultes.
            Don Vespignani renforça cette thèse. Étant arrivé à l’Oratoire déjà prêtre en 1876, il avait reçu de Don Rua la mission de transcrire ce Règlement de l’original de Don Bosco et en conservait encore les premières ébauches. Don Barberis assura également avoir vu l’autographe. Les opposants avaient des objections concernant les charges. Mais Don Rinaldi ne désarma pas, au contraire, il prononça ces mots énergiques : « Rien ne doit être altéré du Règlement de Don Bosco, sinon il perdrait son autorité ». Don Vespignani confirma une nouvelle fois son avis avec des exemples d’Amérique et spécialement d’Uruguay : en voulant faire autrement à l’époque de Mgr Lasagna, on n’avait abouti à rien. Enfin, la controverse fut close en votant l’ordre du jour suivant : « Le XIe Chapitre Général décide de conserver intact le “Règlement des Oratoires festifs” de Don Bosco, tel qu’il a été imprimé en 1877, en y ajoutant seulement en annexe les ajouts jugés opportuns, notamment pour les sections des jeunes adultes ». On doit louer la sensibilité de l’assemblée face à une tentative de réforme par rapport à ce que Don Bosco avait établi.
            Le deuxième épisode appartient à l’avant-dernière séance pour une question non étrangère aux Règlements, comme cela pourrait sembler à première vue. Elle fut soulevée à nouveau par Don Rinaldi, devenu l’interprète du désir de beaucoup qui voulaient que soit définie la position des Directeurs dans les maisons après le décret sur les confessions. Jusqu’en 1901, étant les confesseurs ordinaires des confrères et des élèves, ils dirigeaient leur maison habituellement dans un esprit paternel (ce sujet est largement exposé dans les Annales III,170-194). Après cette date, on commençait à observer que le caractère paternel voulu par Don Bosco chez ses Directeurs et insinué dans le Règlement des maisons et ailleurs commençait à disparaître ; les Directeurs en effet s’occupaient des affaires matérielles, disciplinaires et scolaires, devenant ainsi des Recteurs et non plus des Directeurs. « Nous devons revenir, disait Don Rinaldi, à l’esprit et au concept de Don Bosco, manifestés surtout dans ses “Souvenirs confidentiels” (Annales III,49-53) et dans le Règlement. Le Directeur doit toujours être un Directeur salésien. Excepté le ministère de la confession, rien n’a changé ».
            Don Bertello déplora que les Directeurs aient cru devoir laisser, non seulement la confession, mais aussi le souci spirituel de la maison, se consacrant à des fonctions matérielles. « Espérons, dit-il, que ce n’était qu’une chose passagère. Il faut revenir à l’idéal de Don Bosco, décrit dans le Règlement. Qu’on lise ces articles, qu’on les médite et qu’on les pratique » (Il les cita selon l’édition de l’époque ; dans la présente édition, ce seraient les numéros 156, 157, 158, 159, 57, 160, 91, 195). Don Albera conclut en disant : « C’est une question essentielle pour la vie de notre Société, que l’esprit du Directeur soit conservé selon l’idéal de Don Bosco ; sinon, nous changeons notre manière d’éduquer et nous ne serons plus salésiens. Nous devons tout faire pour conserver l’esprit de paternité, en pratiquant les conseils que Don Bosco nous a laissés : ils nous diront comment il faut faire. Surtout dans les rendements de compte, nous pourrons connaître nos sujets et les diriger. Quant aux jeunes, la paternité ne consiste pas à distribuer des caresses ou des concessions illimitées, mais à s’intéresser à eux, à leur donner la possibilité de venir nous voir. N’oublions pas non plus l’importance du petit mot du soir. Que les prédications soient bien faites et avec cœur. Montrons que nous tenons au salut des âmes et laissons aux autres les rôles odieux. Ainsi, on conservera l’auréole que Don Bosco voulait pour le Directeur. »
            Cette fois encore, les Capitulaires purent visiter à l’Oratoire une Exposition générale des Écoles Professionnelles et Agricoles Salésiennes, la troisième, qui dura du 3 juillet au 16 octobre. Ayant déjà décrit les deux précédentes, je ne m’attarderai pas à répéter à peu près les mêmes choses (Annales III, 452-472). Naturellement, l’expérience passée a servi à une meilleure organisation de l’exposition. Le critère énoncé déjà deux fois par l’organisateur Don Bertello prévalut, à savoir que, selon un ordre voulu par Don Bosco, chaque Exposition de ce genre devait se répéter périodiquement pour la formation et l’encouragement des écoles. L’ouverture et la clôture furent rehaussées par l’intervention des autorités municipales et de représentants du Gouvernement. Les visiteurs ne manquèrent jamais, et parmi eux des personnalités de haut rang et même de véritables compétences. Le dernier jour, le professeur Piero Gribaudi fit au nouveau Recteur Majeur la première présentation d’anciens élèves turinois au nombre d’environ 300. Le Député Cornaggia, dans son discours final, prononça ce jugement digne de rester en mémoire (Bulletin Salésien, nov. 1910, p. 332) : « Celui qui a eu l’occasion d’approfondir l’étude de l’organisation de ces écoles et des concepts qui les inspirent, ne peut qu’admirer la sagesse de ce Grand, qui a compris les besoins des ouvriers dans les conditions des temps nouveaux, prévenant philanthropes et législateurs ».
             À cette exposition participèrent 55 maisons avec un nombre total de 203 sections. L’examen des travaux exposés fut confié à neuf jurys distincts, dont faisaient partie 50 professeurs, artistes et industriels parmi les plus éminents de Turin. L’Exposition devant avoir un caractère exclusivement scolaire, les travaux furent jugés et les prix attribués selon ce critère. Ces prix importants furent offerts par le Pape (une médaille d’or), par le Ministère de l’Agriculture et du Commerce (cinq médailles d’argent), par la Municipalité de Turin (une médaille d’or et deux d’argent), par le Consortium agricole de Turin (deux médailles d’argent), par la « Pro Torino » (une médaille vermeil, une d’argent et deux de bronze), par les anciens élèves du Cercle « Don Bosco » (une médaille d’or), par la Société « Augusta » de Turin (500 lires en matériel typographique à répartir en trois prix), par le Chapitre Supérieur salésien (couronne de laurier en argent doré pour le grand prix). On peut lire ces attributions dans le numéro cité du Bulletin Salésien.
            Il convient de rapporter les dernières lignes du rapport que Don Bertello lut avant la proclamation des lauréats. Il dit : « Il y a environ trois mois, lors de l’inauguration de notre petite Exposition, nous avons déploré la mort du Révérend Don Rua, celui à qui nous avions l’intention de rendre hommage par nos études et nos travaux à l’occasion de son jubilé sacerdotal. La Divine Providence nous a donné un nouveau Supérieur et Père en la personne du Révérend Don Albera. Ainsi, en clôturant l’Exposition, nous déposons entre ses mains nos projets et nos espoirs, sûrs que l’apprenti, qui fut déjà auparavant le premier souci du Vénérable Don Bosco et les délices de Don Rua, aura toujours une place convenable dans l’affection et les sollicitudes de leur Successeur ».
            Ce fut le dernier triomphe de Don Bertello. Un peu plus d’un mois plus tard, le 20 novembre, un malaise soudain mettait fin d’un coup à une existence si active. L’esprit robuste, la solide culture, la fermeté de caractère et la bonté de l’âme firent de lui d’abord un sage Directeur de collège, puis un Provincial assidu et enfin, pendant douze ans, un Directeur Général expérimenté des écoles professionnelles et agricoles salésiennes. Après Dieu, il devait tout à Don Bosco, qui l’avait élevé à l’Oratoire depuis son enfance et l’avait formé à son image et à sa ressemblance.
            Don Albera n’avait pas tardé un instant à accomplir le grand devoir de rendre hommage au Vicaire de Jésus-Christ, à Celui que la Règle appelle « arbitre et premier Supérieur » de la Société. Dès le 1er septembre, il partit pour Rome, où, arrivé le 2, il trouva déjà le billet d’audience pour le matin du 3. Pie X semblait presque impatient de le voir. Des lèvres du Pape, il recueillit quelques expressions aimables, qu’il garda dans son cœur. En remerciant pour l’autographe et la bénédiction, le Pape répondit qu’il avait cru agir ainsi pour faire connaître combien il appréciait l’activité mondiale des Salésiens et ajouta : « Vous êtes nés hier, c’est vrai, mais vous êtes répandus dans le monde entier et partout vous travaillez beaucoup. » Étant informé des victoires déjà obtenues dans les tribunaux contre les calomniateurs de Varazze (Annales III, 729-749), il avertit : « Vigilance, car vos ennemis vous préparent d’autres coups. » Enfin, prié humblement de donner quelques normes pratiques pour le gouvernement de la Société, il répondit : « Ne vous écartez pas des traditions et des usages introduits par Don Bosco et Don Rua. »
            L’année 1910 était déjà terminée et Don Albera n’avait pas encore fait de communication à l’ensemble de la Société. Toutes ces occupations nouvelles pour lui et incessantes, notamment les nombreuses conférences avec les 32 Provinciaux, l’empêchaient toujours de se concentrer à sa table de travail. Ce n’est que dans la première moitié de janvier, comme le montre son journal, qu’il écrivit les premières pages d’une circulaire qu’il fit assez longue. Il l’envoya avec la date du 25. S’excusant du retard à se manifester, après avoir fait mémoire de Don Rua et loué Don Rinaldi pour sa bonne gestion intérimaire de la Société, il s’étendait en détails sur le Chapitre Général, sur sa propre élection, sur la visite au Pape, sur la mort de Don Bertello. En tout, il apparaissait comme un père qui s’entretient familièrement avec ses fils. Il les mit également au courant de ses peines concernant les événements du Portugal. La monarchie ayant été renversée à Lisbonne en octobre 1910, les révolutionnaires avaient pris pour cible les religieux, les attaquant avec une fureur sauvage. Les Salésiens n’eurent pas à déplorer de victimes ; cependant, les confrères du Pinheiro près de Lisbonne passèrent une mauvaise journée. Une bande d’énergumènes envahit et pilla cette maison, non seulement se moquant des prêtres et des clercs, mais aussi profanant d’une manière sacrilège la chapelle et, de manière encore plus sacrilège, dispersant au sol et même piétinant les hosties consacrées. Presque tous les Salésiens durent quitter le Portugal et se réfugièrent en Espagne ou en Italie. Les révolutionnaires occupèrent les écoles et les ateliers, d’où les élèves furent chassés. La persécution s’étendit également aux colonies, si bien qu’il fallut abandonner Macao et le Mozambique, où l’on faisait beaucoup de bien (Annales III, 606 et 622-4). Mais déjà à cette époque, Don Albera pouvait écrire : « Ceux qui nous ont dispersés reconnaissent qu’ils ont privé leur pays des seules écoles professionnelles qu’il possédait. »
            Lui qui avait tant de fois entendu Don Bosco dans les premiers temps de la Société quand il prédisait que ses fils se multiplieraient dans des pays même lointains, et qui voyait alors ces prédictions s’accomplir de façon merveilleuse, ressentait certainement tout le poids de l’immense héritage reçu et considérait que, pour un certain temps, il ne fallait pas se lancer dans de nouvelles œuvres, mais qu’il convenait de s’appliquer à consolider celles qui existaient. Il estimait donc devoir inculquer la même chose à tous les Salésiens : pour y parvenir, comme les Supérieurs ne suffisaient pas, il recommandait vivement la coopération de tous. Comme, par ailleurs, à cette époque, le modernisme tendait des pièges même aux familles religieuses, il mettait en garde les Salésiens, les suppliant de fuir toutes les nouveautés que Don Bosco et Don Rua n’auraient pu approuver.
            En même temps que la circulaire, il envoyait également à chaque maison un exemplaire des circulaires de Don Rua, qui, sur son lit de mort, lui avait confié la tâche de les rassembler en un volume. Le travail typographique était déjà terminé depuis environ deux mois ; en effet, la publication portait en tête une lettre de Don Albera datée du 8 décembre 1910.
            Pour le prochain anniversaire de la mort de Don Bosco, il envoyait donc aux maisons un double cadeau : la circulaire et le livre. À ce livre, il tenait de manière spéciale, car il savait qu’il offrait par là un grand trésor d’ascétique et de pédagogie salésiennes. Il s’était proposé de suivre les traces de Don Rua, se fixant comme objectif particulier d’imiter sa charité et son zèle pour procurer le bien spirituel de tous les Salésiens.

Annales de la Société salésienne, vol. IV (1910-1921), pp. 1-13




Véra Grita, pèlerine de l’espérance

            Véra Grita, fille d’Amleto et de Maria Anna Zacco della Pirrera, née à Rome le 28 janvier 1923, était la deuxième de quatre sœurs. Elle a vécu et étudié à Savona où elle a obtenu son diplôme d’enseignement. À 21 ans, lors d’une soudaine incursion aérienne sur la ville (1944), elle a été écrasée et piétinée par la foule en fuite, subissant de graves conséquences pour son corps qui est resté marqué à jamais par la souffrance. Elle est passée inaperçue dans sa brève vie terrestre, enseignant dans les écoles de l’arrière-pays ligure (Rialto, Erli, Alpicella, Désert de Varazze), où elle a gagné l’estime et l’affection de tous pour son caractère bon et doux.
            À Savone, dans la paroisse salésienne Marie-Auxiliatrice, elle participait à la messe et était assidue au sacrement de Pénitence.  À partir de 1963, son confesseur fut le salésien don Giovanni Bocchi. Devenue Salésienne Coopératrice en 1967, elle a réalisé sa vocation dans le don total d’elle-même. Le Seigneur se manifestait à elle de manière extraordinaire, dans l’intimité de son cœur, comme la « Voix », la « Parole », pour lui confier l’Œuvre des Tabernacles Vivants. Elle soumettait tous ses écrits à son directeur spirituel, le salésien don Gabriello Zucconi. Elle gardait dans le silence de son cœur le secret de cet appel, guidée par le Maître divin et la Vierge Marie qui l’ont accompagnée tout au long du chemin de vie cachée, de dépouillement et d’anéantissement de soi.
            Sous l’impulsion de la grâce divine et en accueillant la médiation de ses guides spirituels, Véra Grita a répondu au don de Dieu par le témoignage de sa vie, marquée par la maladie et la rencontre avec le Ressuscité. Elle se consacrait avec une générosité héroïque à l’enseignement et à l’éducation de ses élèves, répondant aux besoins des familles et témoignant d’une vie de pauvreté évangélique. Centrée solidement sur le Dieu qui aime et soutient, dotée d’une grande fermeté intérieure, elle a été rendue capable de supporter les épreuves et les souffrances de la vie. Sur la base de cette solidité intérieure, elle a témoigné d’une existence chrétienne faite de patience et de constance dans le bien.
            Elle est morte le 22 décembre 1969, à 46 ans, dans une petite chambre d’hôpital à Pietra Ligure où elle avait passé les six derniers mois de sa vie dans un crescendo de souffrances acceptées et vécues en union avec Jésus crucifié. « À travers ses messages et ses lettres, a écrit don Borra, salésien, son premier biographe, l’âme de Véra entre dans la cohorte de ces âmes charismatiques appelées à enrichir l’Église de flammes d’amour pour Dieu et pour Jésus Eucharistie en vue de l’expansion du Royaume ».

Une vie privée d’espoirs humains
            Humainement, la vie de Véra est marquée dès l’enfance par la perte d’un horizon d’espoir. La perte de l’autonomie économique dans son foyer familial, puis le détachement de ses parents pour se rendre à Modica en Sicile chez ses tantes, et surtout la mort de son père en 1943, mettent Véra face aux conséquences d’événements humains particulièrement douloureux.
            Après le 4 juillet 1944, jour du bombardement sur Savone qui marquera toute la vie de Véra, sa santé sera compromise pour toujours. C’est pourquoi la jeune Servante de Dieu se retrouva sans aucune perspective d’avenir et dut à plusieurs reprises revoir ses projets et renoncer à ses nombreux désirs : non seulement les études universitaires et l’enseignement, mais aussi la perspective de fonder une famille avec le jeune homme qu’elle fréquentait.
            Malgré la fin soudaine de tous ses espoirs humains entre 20 et 21 ans, l’espérance reste très présente chez Véra, tant comme vertu humaine qui croit en un changement possible et s’engage à le réaliser (bien que très malade, elle a préparé et remporté le concours pour l’enseignement), que comme vertu théologale ancrée dans la foi, qui lui insuffle de l’énergie et devient un instrument de consolation pour les autres.
            Presque tous les témoins qui l’ont connue relèvent cette apparente contradiction entre ses conditions de santé compromise et sa capacité de ne jamais se plaindre, sachant manifester de la joie, de l’espérance et du courage même dans des circonstances humainement désespérées. Véra devint une « porteuse de joie ».
            Sa nièce affirme : « Elle était toujours malade et souffrante, mais je ne l’ai jamais vue découragée ou en colère pour sa condition ; elle avait toujours une lueur d’espoir soutenue par une grande foi. […] Ma tante était souvent hospitalisée, souffrante et délicate, mais toujours sereine et pleine d’espoir à cause du grand Amour qu’elle avait pour Jésus ».
            Sa sœur Liliana a également trouvé des encouragements, une sérénité et une espérance dans ses appels téléphoniques de l’après-midi, bien que la Servante de Dieu fût alors accablée par de nombreux problèmes de santé et des contraintes professionnelles. « Elle me donnait – dit-elle – confiance et espoir en me faisant réfléchir que Dieu est toujours près de nous et nous guide. Ses paroles me ramenaient dans les bras du Seigneur et je retrouvais la paix ».
            Le témoignage d’Agnese Zannino Tibirosa revêt une valeur particulière car elle a côtoyé Véra à l’hôpital « Santa Corona » durant sa dernière année de vie : « Malgré les graves souffrances que la maladie lui causait, je ne l’ai jamais entendue se plaindre de son état. Elle apportait du réconfort et de l’espoir à tous ceux qu’elle approchait, et quand elle parlait de son avenir, elle le faisait avec enthousiasme et courage ».
            Jusqu’à la fin, Véra Grita est restée ainsi. Même dans la dernière partie de son chemin sur la terre, elle garda le regard tourné vers le futur. Elle espérait que le tuberculome pourrait être résorbé grâce aux soins ; elle espérait pouvoir occuper le poste d’institutrice à Piani di Invrea pour l’année scolaire 1969-1970 et se consacrer, une fois sortie de l’hôpital, à sa mission spirituelle.

Formée à l’espérance par le confesseur dans son cheminement spirituel
            En ce sens, l’espérance attestée par Véra est enracinée en Dieu et dans cette lecture sapientielle des événements que son père spirituel don Gabriello Zucconi et, avant lui, son confesseur don Giovanni Bocchi lui ont enseignée. C’est précisément le ministère de don Bocchi, homme de la joie et de l’espérance, qui a exercé une influence positive sur Véra, que l’a accueillie dans sa condition de malade et à qui il a appris à donner de la valeur aux souffrances non recherchées qui l’accablaient. Don Bocchi a été le premier à enseigner l’espérance ; on a dit de lui : « Avec des paroles toujours cordiales et pleines d’espoir, il a ouvert les cœurs à la générosité, au pardon, à la transparence dans les relations interpersonnelles ; il a vécu les béatitudes avec naturel et dans une fidélité quotidienne ». « En espérant et en ayant la certitude que, comme cela s’est produit pour le Christ, cela se produira aussi pour nous : la Résurrection glorieuse », don Bocchi réalisait à travers son ministère une annonce de l’espérance chrétienne, fondée sur la toute-puissance de Dieu et la résurrection du Christ. Devenu plus tard missionnaire en Afrique, il dira : « J’ai été là-bas parce que je voulais leur apporter et leur donner Jésus Vivant et présent dans la Sainte Eucharistie avec tous les dons de Son Cœur : la Paix, la Miséricorde, la Joie, l’Amour, la Lumière, l’Union, l’Espérance, la Vérité, la Vie éternelle ».
            Véra devint porteuse d’espérance et de joie même dans des milieux marqués par la souffrance physique et morale, par des limitations cognitives (comme parmi ses petits élèves malentendants) ou par des conditions familiales et sociales non optimales (comme dans le « climat incandescent » d’Erli).
            Son amie Maria Mattalia se souvient : « Je revois le doux sourire de Véra, parfois fatiguée par tant de luttes et de souffrances ; en me rappelant sa force de volonté, j’essaie de suivre son exemple de bonté, de grande foi, d’espérance et d’amour […] ».
            Antonietta Fazio, ancienne femme de ménage à l’école de Casanova, témoigna à son sujet : « Elle était très appréciée de ses élèves qu’elle aimait beaucoup et en particulier de ceux en difficulté intellectuelle […]. Très pieuse, elle transmettait à chacun foi et espoir tout en étant elle-même très souffrante physiquement mais pas moralement ».
            Dans ces divers contextes, Véra travaillait à faire renaître les raisons de l’espoir. Par exemple, à l’hôpital (où la nourriture est peu satisfaisante), elle s’est privée d’une grappe de raisin pour en laisser une partie sur la table de nuit de chaque malade de la chambre. Elle prenait toujours soin de sa personne afin de se présenter dans une bonne tenue, avec dignité et élégance, contribuant ainsi à lutter contre le milieu de souffrance d’une clinique, et parfois de perte d’espérance chez de nombreux malades qui risquent de « se laisser aller ».
            À travers les Messages de l’Œuvre des Tabernacles Vivants, le Seigneur l’a éduquée à une posture d’attente, de patience et de confiance en lui. Ces messages renferment en effet d’innombrables exhortations sur la nécessité d’attendre l’Époux ou sur l’Époux qui attend son épouse :

« Espère en ton Jésus toujours, toujours.

Qu’il vienne dans nos âmes, qu’il vienne dans nos maisons ; qu’il vienne avec nous pour partager joies et peines, efforts et espoirs.

Laisse faire mon Amour et augmente ta foi, ton espérance.

Suis-moi dans l’obscurité, dans les ombres car tu connais le « chemin ».

Espère en Moi, espère en Jésus !

Après le chemin de l’espoir et de l’attente, il y aura la victoire.

Pour vous appeler aux choses du Ciel ».

Porteuse d’espérance dans la mort et dans l’intercession
            Même dans la maladie et la mort, Véra Grita a témoigné de l’espoir chrétien.
            Elle savait que, lorsque sa mission sera accomplie, sa vie sur terre prendra fin. « C’est ta mission et quand elle sera terminée, tu salueras la terre pour les Cieux ». C’est pourquoi elle ne se sentait pas « propriétaire » du temps, mais cherchait l’obéissance à la volonté de Dieu.
            Dans les derniers mois, malgré une condition aggravante et exposée à une détérioration de son état clinique, la Servante de Dieu a montré beaucoup de sérénité, de paix, et la perception intérieure d’un « accomplissement » de sa propre vie.
            Dans les derniers jours, bien qu’elle fût naturellement attachée à la vie, don Giuseppe Formento la décrivit comme « déjà en paix dans le Seigneur ». Dans cet esprit, elle put recevoir la Communion jusqu’à quelques jours avant de mourir, et recevoir l’Extrême-Onction le 18 décembre.
            Lorsque sa sœur Pina alla lui rendre visite peu avant sa mort – Véra avait été environ trois jours dans le coma – contrairement à son habituelle réserve, elle lui dit qu’elle avait vu pendant ces jours beaucoup de choses, des choses magnifiques dont elle n’avait malheureusement pas le temps de parler. Elle avait su que le Padre Pio et le Bon Pape Jean priaient pour elle, et elle ajouta, en pensant à la Vie éternelle : « Vous viendrez tous au paradis avec moi, soyez-en certaines ».
            Liliana Grita a également témoigné que, dans la dernière période, Véra « était plus du Ciel que de la terre ». De sa vie on a pu faire le bilan suivant : « Alors qu’elle souffrait beaucoup, elle consolait les autres, leur insufflant de l’espoir et n’hésitait pas à les aider ».
            De nombreuses grâces attribuées à l’intercession de Véra concernent en fin de compte l’espérance chrétienne. Même pendant la pandémie du Covid 19, Véra a aidé beaucoup de gens à retrouver des raisons d’espérer et a été pour eux une protection, une sœur dans l’esprit, une aide dans le sacerdoce. Elle a aidé intérieurement un prêtre qui, suite à un AVC, avait oublié les prières, ne parvenant plus à les prononcer, ce qui lui causait une grande douleur et le désarroi. Elle a permis à beaucoup de revenir à la prière, demandant la guérison d’un jeune papa victime d’une hémorragie.
            Même sœur Maria Ilaria Bossi, maîtresse des novices des Bénédictines du Très-Saint-Sacrement de Ghiffa, souligne comment Véra, sa sœur dans l’esprit, est une âme qui dirige vers le Ciel et accompagne vers le Ciel : « Je la sens comme une sœur sur le chemin du ciel… Beaucoup […] sont ceux qui se reconnaissent en elle, et se réfèrent à elle, sur le chemin de l’évangile, dans la course vers le ciel ».       
            En résumé, on comprend comment toute l’histoire de Véra Grita a été soutenue non par des espoirs humains, par le simple regard vers le « demain » en espérant qu’il sera meilleur que le présent, mais par une véritable Espérance théologale : « Elle était sereine parce que la foi et l’espérance l’ont toujours soutenue. Le Christ était au centre de sa vie, c’est de Lui qu’elle tirait la force. […] elle était une personne sereine parce qu’elle avait dans le cœur l’Espérance théologale, non pas l’espoir superficiel […], mais celui qui ne vient que de Dieu, qui est don et nous prépare à la rencontre avec Lui ».

            Dans une prière à Marie de l’Œuvre des Tabernacles Vivants, on lit : « Soulève-nous [Marie] de la terre afin qu’ici nous vivions et soyons pour le Ciel, pour le Royaume de ton fils ».
            Il est beau de rappeler que don Gabriello a dû, lui aussi, faire son  pèlerinage dans l’espérance à travers beaucoup d’épreuves et de difficultés comme il l’écrit dans une lettre à Véra du 4 mars 1968 depuis Florence : « Malgré tout, nous devons toujours espérer. La présence des difficultés n’enlève rien au fait qu’à la fin le bien, le bon, le beau triompheront. La paix, l’ordre, la joie reviendront. L’homme, fils de Dieu, retrouvera toute la gloire qu’il avait dès le début. L’homme sera sauvé en Jésus et retrouvera tout son bien en Dieu. Voici que nous reviennent à l’esprit toutes les belles choses promises par Jésus et l’âme en Lui retrouve sa paix. Courage ! Maintenant nous sommes comme dans un combat. Viendra le jour de la victoire. C’est une certitude en Dieu ».
            Dans l’église de Santa Corona à Pietra Ligure, Véra Grita participait à la messe et allait prier durant ses longs séjours à l’hôpital. Son témoignage de foi dans la présence vivante de Jésus Eucharistique et de la Vierge Marie dans sa brève vie terrestre est un signe d’espoir et de réconfort pour ceux qui dans ce lieu de soin demanderont son aide et son intercession auprès du Seigneur pour être soulagés et libérés de la souffrance.
            Le chemin de Véra Grita dans l’âpre labeur des jours offre également une nouvelle perspective laïque à la sainteté, devenant un exemple de conversion, d’acceptation et de sanctification pour les pauvres, les fragiles, les malades qui peuvent se reconnaître en elle et retrouver l’espoir.
            Saint Paul écrit « que les souffrances du moment présent ne sont pas comparables à la gloire future qui doit être révélée en nous ». Avec « impatience », nous attendons de contempler le visage de Dieu car « dans l’espérance nous avons été sauvés » (Rom 8, 18.24). Par conséquent, il est absolument nécessaire d’espérer contre toute espérance, « Spes contra spem ». Car, comme l’a écrit Charles Péguy, l’Espérance est une enfant « irréductible ». Par rapport à la Foi qui « est une épouse fidèle » et à la Charité qui « est une Mère », l’Espérance semble, à première vue, avoir peu de valeur. En réalité, c’est exactement le contraire. Ce sera justement l’Espérance, écrit Péguy, « qui est venue au monde le jour de Noël » et qui « traversera les mondes en portant les deux autres ».
            « Écris, Véra de Jésus, je te donnerai de la lumière. L’arbre fleuri au printemps a donné ses fruits. Beaucoup d’arbres devront refleurir en temps opportun pour que les fruits soient abondants… Je te demande d’accepter avec foi chaque épreuve, chaque douleur pour Moi. Tu verras les fruits, les premiers fruits de la nouvelle floraison ». (Santa Corona – 26 octobre 1969 – Fête du Christ Roi – Avant-dernier message).




Sainteté salésienne 2024

Chaque année, le postulateur pour les causes des saints de la Congrégation Salésienne, don Pierluigi Cameroni, publie le “Dossier Postulation Générale Salésiens de Don Bosco – 2024”, qui présente la liste mise à jour des saints et bienheureux relatifs à l’année écoulée. Dans cette édition, en plus de la liste mise à jour, nous trouvons également la nouvelle affiche dédiée à ces témoins de la foi salésienne. Nous vous proposons un aperçu des noms inclus dans le dossier et des principales activités de la Postulation prévues pour 2024, afin de continuer à diffuser l’esprit de Don Bosco et la dévotion envers ses saints et bienheureux.

« N’oublions pas que ce sont justement les saints qui font avancer et font croître l’Église »
(Papa Francesco).

« Dorénavant que ceci soit notre devise : que la sainteté des enfants soit la preuve de la sainteté du père ». (Don Rua)

Il convient d’exprimer une profonde gratitude et louange à Dieu pour la sainteté déjà reconnue dans la Famille Salésienne de Don Bosco et pour celle qui est en processus de reconnaissance. Le résultat d’une Cause de Béatification et de Canonisation est un événement d’une extraordinaire pertinence et valeur ecclésiales. Il est question de faire un discernement sur la réputation de sainteté d’un baptisé, qui a vécu les béatitudes évangéliques à un niveau héroïque ou qui a donné sa vie pour le Christ.

De Don Bosco à nos jours a été attestée une tradition de sainteté à laquelle mérite de prêter attention, parce qu’elle est l’incarnation du charisme qui tire de lui son origine et qui s’est exprimé dans une pluralité d’états de vie et de formes. Cela concerne des hommes et femmes, des jeunes et adultes, des consacrés et laïcs, des évêques et missionnaires qui dans des contextes historiques, culturels, sociaux différents dans le temps et dans l’espace, ont fait briller d’une lumière particulière le charisme salésien, en représentant un patrimoine qui joue un rôle efficace dans la vie et dans la communauté des croyants et pour les personnes de bonne volonté.

1. La liste au 31 décembre 2024
Notre postulation concerne 179 cas parmi lesquels des Saints, Bienheureux, Vénérables et Serviteurs de Dieu. Les causes suivies directement par la Postulation sont 61 (+ 5 extra).

SAINTS (10)
saint Jean Bosco, prêtre (date de Canonisation : 1 avril 1934) – (Italie)
saint Joseph Cafasso, prêtre (22 juin 1947) – (Italie)
sainte Marie D. Mazzarello, vierge (24 juin 1951) – (Italie)
saint Dominique Savio, adolescent (12 juin 1954) – (Italie)
saint Leonard Murialdo, prêtre (3 mai 1970) – (Italie)
saint Louis Versiglia, évêque, martyr (1 octobre 2000) – (Italie – Chine)
saint Calixte Caravario, prêtre, martyr (1 octobre 2000) – (Italie – Chine)
saint Louis Orione, prêtre (16 mai 2004) – (Italie)
saint Louis Guanella, prêtre (23 octobre 2011) – (Italie)
saint Artemide Zatti, religieux (9 octobre 2022) – (Italie – Argentine)

BIENHEUREUX (117)
bienheureux Michel Rua, prêtre (date de Béatification : 29 octobre 1972) – (Italie)
bienheureuse Laure Vicuña, adolescente (3 septembre 1988) – (Chili – Argentine)
bienheureux Philippe Rinaldi, prêtre (29 avril 1990) – (Italie)
bienheureuse Madeleine Morano, vierge (5 novembre 1994) – (Italie)
bienheureux Joseph Kowalski, prêtre, martyr (13 juin 1999) – (Pologne)
bienheureux François Kęsy, laïc, et 4 compagnons martyrs (13 juin 1999) – (Pologne)
                Czesław Józ´wiak, laïc
                Édouard Kaz´mierski, laïc
                Édouard Klinik, laïc
                Jarogniew Wojciechowski, laïc
bienheureux Pie IX, pape (3 septembre 2000) – (Italie)
bienheureux Joseph Calasanz, prêtre, et 31 compagnons martyrs (11 mars 2001) – (Espagne)
                Antoine Marie Martín Hernández, prêtre
                Récaredo de los Ríos Fabregat, prêtre
                Julien Rodríguez Sánchez, prêtre
                Joseph Giménez López, prêtre
                Augustin García Calvo, coadjuteur
                Jean Martorell Soria, prêtre
                Jacques Buch Canal, coadjuteur
                Pierre Mesonero Rodríguez, clerc
                Joseph Otín Aquilué, prêtre
                Alvaro Sanjuán Canet, prêtre
                François Bandrés Sánchez, prêtre
                Serge Cid Pazo, prêtre
                Joseph Batalla Parramó, prêtre
                Joseph Rabasa Bentanachs, coadjuteur
                Gilles Rodicio Rodicio, coadjuteur
                Ange Ramos Velázquez, coadjuteur
                Philippe Hernández Martínez, clerc
                Zacharie Abadía Buesa, clerc
                Jacques Ortiz Alzueta, coadjuteur
                Xavier Bordas Piferrer, clerc
                Félix Vivet Trabal, clerc
                Michel Domingo Cendra, clerc
                Joseph Caselles Moncho, prêtre
                Joseph Castell Camps, prêtre
                Joseph Bonet Nadal, prêtre
                Jacques Bonet Nadal, prêtre
                Alexandre Planas Saurí, collaborateur laïc
                Elisée García García, coadjuteur
                Jules Junyer Padern, prêtre
                Marie Carmen Moreno Benítez, vierge
                Marie Amparo Carbonell Muñoz, vierge
bienheureux Louis Variara, prêtre (14 avril 2002) – (Italie – Colombie)
bienheureuse Marie Romero Meneses, vierge (14 avril 2002) – (Nicaragua – Costa Rica)
bienheureux Auguste Czartoryski, prêtre (25 avril 2004) – (France – Pologne)
bienheureuse Eusébia Palomino, vierge (25 avril 2004) – (Espagne)
bienheureuse Alexandrine M. Da Costa, laïque (25 avril 2004) – (Portugal)
bienheureux Albert Marvelli, laïc (5 septembre 2004) – (Italie)
bienheureux Bronislao Markiewicz, prêtre (19 juin 2005) – (Pologne)
bienheureux Henri Saiz Aparicio, prêtre, et 62 compagnons martyrs (28 octobre 2007) – (Espagne)
                Félix González Tejedor, prêtre
                Jean Codera Marqués, coadjuteur
                Virgile Edreira Mosquera, clerc
                Paul Gracia Sánchez, coadjuteur
                Carmel Jean Pérez Rodríguez, sous-diacre
                Théodule González Fernández, clerc
                Thomas Gilles de la Cal, aspirant
                Frédéric Cobo Sanz, aspirant
                Hygin de Mata Díez, aspirant
                Juste Juanes Santos, clerc
                Victorien Fernández Reinoso, clerc
                Émile Arce Díez, coadjuteur
                Raymond Eirín Mayo, coadjuteur
                Matthieu Garolera Masferrer, coadjuteur
                Anastase Garzón González, coadjuteur
                François Joseph Martín López de Arroyave, coadjuteur
                Jean de Mata Díez, collaborateur laïc
                Pie Conde Conde, prêtre
                Sabin Hernández Laso, prêtre
                Salvateur Fernández Pérez, prêtre
                Nicolas de la Torre Merino, coadjuteur
                Germain Martín Martín, prêtre
                Joseph Villanova Tormo, prêtre
                Stéphane Cobo Sanz, clerc
                François Edreira Mosquera, clerc
                Emmanuel Martín Pérez, clerc
                Valentin Gil Arribas, coadjuteur
                Pierre Artolozaga Mellique, clerc
                Emmanuel Borrajo Míguez, clerc
                Dionisio Ullívarri Barajuán, coadjuteur
                Michel Lasaga Carazo, prêtre
                Louis Martínez Alvarellos, clerc
                Jean Larragueta Garay, clerc
                Florent Rodríguez Güemes, clerc
                Pascal de Castro Herrera, clerc
                Stéphane Vázquez Alonso, coadjuteur
                Héliodore Ramos García, coadjuteur
                Joseph Marie Celaya Badiola, coadjuteur
                André Jiménez Galera, prêtre
                André Gómez Sáez, prêtre
                Antoine Cid Rodríguez, coadjuteur
                Antoine Torrero Luque, prêtre
                Antoine Henri Canut Isús, prêtre
                Michel Molina de la Torre, prêtre
                Paul Caballero López, prêtre
                Honoré Hernández Martín, clerc
                Jean Louis Hernández Medina, clerc
                Antoine Mohedano Larriva, prêtre
                Antoine Fernández Camacho, prêtre
                Joseph Limón Limón, prêtre
                Joseph Blanco Salgado, coadjuteur
                François Míguez Fernández, prêtre
                Emmanuel Fernández Ferro, prêtre
                Félix Paco Escartín, prêtre
                Thomas Alonso Sanjuán, coadjuteur
                Emmanuel Gómez Contioso, prêtre
                Antoine Pancorbo López, prêtre
                Stéphane García García, coadjuteur
                Rapaël Rodríguez Mesa, coadjuteur
                Antoine Rodríguez Blanco, prêtre diocésain
                Barthélemy Blanco Márquez, laïc
                Thérèse Cejudo Redondo, laïque
bienheureux Zéphyrin Namuncurá, laïc (11 novembre 2007) – (Argentine – Italie)
bienheureuse Marie Troncatti, vierge (24 novembre 2012) – (Italie – Équateur)
                Décret sur le miracle : 25 novembre 2024
                Canonisation : 7 septembre 2025 ?
bienheureux Stéphane Sándor, religieux, martyr (19 octobre 2013) – (Hongrie)
bienheureux Tite Zeman, prêtre, martyr (30 septembre 2017) – (Slovaquie).

VÉNÉRABLES (20)
vén. André Beltrami, prêtre, (date du Décret super virtutibus : 15 décembre 1966) – (Italie)
vén. Thérèse Valsè Pantellini, vierge (12 juillet 1982) – (Italie)
vén. Dorothée Chopitea, laïque (9 juin 1983) – (Espagne)
vén. Vincent Cimatti, prêtre (21 décembre 1991) – (Italie – Japon)
vén. Simon Srugi, religieux (2 avril 1993) – (Palestine)
vén. Rudolphe Komorek, prêtre (6 avril 1995) – (Pologne – Brésil)
vén. Louis Olivares, évêque (20 décembre 2004) – (Italie)
vén. Marghérite Occhiena, laïque (23 octobre 2006) – (Italie)
vén. Joseph Quadrio, prêtre (19 décembre 2009) – (Italie)
vén. Laure Meozzi, vierge (27 juin 2011) – (Italie – Pologne)
vén. Attilio Giordani, laïc (9 octobre 2013) – (Italie – Brésil)
vén. Joseph Auguste Arribat, prêtre (8 juillet 2014) – (France)
vén. Stéphane Ferrando, évêque (3 mars 2016) – (Italie – Inde)
vén. François Convertini, prêtre (20 janvier 2017) – (Italie – Inde)
vén. Joseph Vandor, prêtre (20 janvier – 2017) – (Hongrie – Cuba)
vén. Octave Ortiz Arrieta Coya, évêque (27 février 2017) – (Pérou)
vén. Auguste Hlond, cardinal (19 mai 2018) – (Pologne)
vén. Ignace Stuchly, prêtre (21 décembre 2020) – (République Tchèque)
vén. Charles Crespi Croci, prêtre (23 mars 2023) – (Italie – Équateur)
vén. Antoine De Almeida Lustosa, évêque (22 juin 2023) – (Brésil)

SERVITEUR DE DIEU (27)
Les Causes sont classées selon l’état d’avancement

Positio examinée par les cardinaux et les évêques
Elia Comini, prêtre (Italie) martyr
Congrès particulier des théologiens : 5 mai 2022
Congrès particulier des théologiens : 11 avril 2024
Session ordinaire des cardinaux et évêques : 10 décembre 2024
Décret sur le martyre : 18 décembre 2024

Positio examinée par les théologiens
Giovanni Świerc, prêtre et 8 compagnons, martyrs (Pologne)
                Ignace Dobiasz, prêtre
                François Harazim, prêtre
                Casimir Wojciechowski, prêtre
                Ignace Antonowicz, prêtre
                Lodovic Mroczek, prêtre
                Charles Golda, prêtre
                Vladimir Szembek, prêtre
                François Miśka, prêtre
Positio déposée : 21 juillet 2022
Congrès particulier des historiens : 28 mars 2023
Session ordinaire des cardinaux et évêques : juin 2025

Dépôt de la Positio
Costantin Vendrame, prêtre (Italie – Inde)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 1er février 2013
Positio déposée : 19 septembre 2023
Congrès particulier des théologiens : 23 janvier 2025

Oreste Marengo, évêque (Italie – Inde)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 6 décembre 2013
Positio déposée : 28 mai 2024
Congrès particulier des théologiens : septembre-octobre 2025

Rudolphe Lunkenbein, prêtre (Allemagne – Brésil) et Simon Bororo, laïc (Brésil), martyrs
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 16 décembre 2020
Positio déposée : 28 novembre 2024
Congrès particulier des théologiens : septembre-octobre 2025

Est en cours la rédaction de la Positio
André Majcen, prêtre (Slovénie – Chine – Vietnam)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 23 octobre 2020

Véra Grita, laïque (Italie)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 14 décembre 2022

Joseph Cognata, évêque (Italie)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 11 janvier 2023

Charles Della Torre, prêtre (Italie – Thaïlande)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 1er avril 2016

Sylvain Galli, prêtre (Italie)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 19 octobre 2022

Akash Bashir, laïc, martyr (Pakistan)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 24 octobre 2024

Attente de la validité de l’enquête diocésaine
Antoinette Böhm, vierge (Allemagne – Mexique)
Ouverture de l’enquête diocésaine : 7 mai 2017
Clôture de l’enquête diocésaine : 28 avril 2024
Validité de l’enquête diocésaine
Antoine Baglieri, laïc (Italie)
Ouverture de l’enquête diocésaine : 2 mars 2014    
Clôture de l’enquête diocésaine : 5 mai 2024
Validité de l’enquête diocésaine

Cause temporairement en arrêt
Anne Marie Lozano, vierge (Colombie)
Clôture de l’enquête diocésaine : 19 juin 2014

Est en cours l’enquête diocésaine
Louis Bolla, prêtre (Italie – Équateur – Pérou)
Ouverture de l’enquête diocésaine : 27 septembre 2021
Clôture de l’enquête diocésaine

Rosette Marchese, vierge (Italie)
Ouverture de l’enquête diocésaine : 30 avril 2021
Clôture de l’enquête diocésaine

Mathilde Salem, laïque (Syrie)
Ouverture de l’enquête diocésaine : 20 octobre 1995

Charles Braga, prêtre (Italie – Chine – Philippines)
Ouverture de l’enquête diocésaine : 30 janvier 2014           

Causes extra suivies par la postulation (5)
Vénérable COSTA DE BEAUREGARD CAMILLE, prêtre (France)
            Le Décret super virtutibus : 22 janvier 1991
            Consultation médicale super miro : 30 mars 2023
            Congrès particulier des théologiens : 19 octobre 2023
            Session Ordinaire des cardinaux et évêques : 20 février 2024
            Béatification : 17 mai 2025
Vénérable BARELLO MORELLO CASIMIR, tertiaire franciscain (Italie – Espagne)
            Le Décret super virtutibus : 1 juillet 2000
Vénérable TYRANOWSKI GIOVANNI, laïc (Pologne)
            Le Décret super virtutibus : 20 janvier2017
Vénérable BERTAZZONI AUGUSTO, évêque (Italie)
            Le Décret super virtutibus : 2 octobre 2019
Vénérable CANELLI FELICE, prêtre (Italie)
            Le Décret super virtutibus : 22 mai 2021

Il convient de rappeler aussi les Saints, les Bienheureux, les Vénérables et les Serviteurs de Dieu qui à des époques et de différentes manières sont entrés en contact avec le charisme salésien. Nous citons par exemple : la Bienheureuse Edwige Carboni, le Serviteur de Dieu le Cardinal Joseph Guarino qui est le fondateur des Sœurs apôtres de la Sainte Famille, le Serviteur de Dieu Salvo d’Acquisto qui est un ancien élève de Don Bosco et beaucoup d’autres encore.

2. ÉVÉNEMENTS DE 2024

Mardi 16 janvier 2024 dans la chapelle de la Fondation du Bocage à Chambéry a eu lieu la session d’ouverture pour la reconnaissance canonique et le traitement conservateur des restes mortels du vénérable Camille Costa de Beauregard (1841-1910), un prêtre diocésain.

Le 27 février 2024 dans la Session ordinaire des cardinaux et évêques du Dicastère des Causes des Saints a été fait un vote positif (7 sur 7) pour le présumé miracle attribué à l’intercession du Vénérable Camille Costa de Beauregard, prêtre diocésain (1841-1910). Il est arrivé à l’enfant René Jacquemond, pour la guérison de la «kératoconjonctivite intense avec desséchement de la cornée, forte injection périchératique, rougissement et injection de la conjonctive, la photophobie et le larmoiement de l’œil droit dû à un traumatisme violent provoqué par un agent végétal-bardane » (1910).

Le 7 mars 2024 la Consulte médicale du Dicastère des Causes des saints a donné un avis positif avec toutes les voix affirmatives, au présumé miracle attribué à l’intercession de la Bienheureuse Marie Troncatti, Fille de Marie Auxiliatrice (1883-1969). Il concerne «un traumatisme crânien encéphalique ouvert avec fracture comminutive du crâne, exposition du tissu cérébral dans la zone fronto-pariéto-temporale droite et état comateux. (G6)» (2015).

Le 14 mars 2024 le Souverain Pontife a autorisé le même Dicastère à promulguer le Décret concernant le miracle attribué à l’intercession du Vénérable Serviteur de Dieu Camille Costa de Beauregard, prêtre diocésain ; né à Chambéry (France) le 17 février 1841 et y est mort le 25 mars 1910. Le miracle s’est produit en 1910 et concerne l’enfant René Jacquemond, guéri de la «kératoconjonctivite intense avec desséchement de la cornée, forte injection périchératique, rougissement et injection de la conjonctive, la photophobie et le larmoiement de l’œil droit dû à un traumatisme violent provoqué par un agent végétal-bardane» (1910).

Le 15 mars 2024 à Lahore (Pakistan) a été clôturée l’enquête diocésaine de la cause de béatification et canonisation d’Akash Bashir (1994), laïc et ancien élève de Don Bosco. Il a été tué à cause de la haine contre la foi. C’est la première Cause de Béatification du Pakistan.

Le 11 avril 2024 au cours du Congrès particulier des Consulteurs théologiens auprès du Dicastère des Causes des Saints a été exprimé l’avis positif sur la Positio super martyrio du Serviteur de Dieu Elia Comini, prêtre profès de la Société Salésienne de Saint Jean Bosco (1910-1944). Il a été tué à cause de la haine contre la foi dans le massacre nazi de Monte Sole le 1er octobre 1944.

Le 28 avril 2024 à Cuautitlán (Mexique) fermeture de l’enquête diocésaine de la Cause de la Servante de Dieu Antoinette Böhm (1907-2008), Fille de Marie Auxiliatrice.

Il 5 mai 2024 à Modica (Ragusa) clôture de l’enquête diocésaine du Serviteur de Dieu Antoine Baglieri (1951-2007), laïc, Volontaire avec Don Bosco.

Le 28 mai 2024 le Congrès particulier des théologiens du Dicastère des Causes des saints a donné un vote positif au présumé miracle attribué à l’intercession de la Bienheureuse Marie Troncati, Fille de Marie Auxiliatrice (1883-1969). Il est en rapport avec « le traumatisme crânien encéphalique ouvert avec fracture comminutive du crâne, exposition du tissu cérébral dans la zone fronto-pariéto-temporale droite et état comateux. (G6) » (2015).

Le 31 mai 2024 a été déposé auprès du Dicastère des Causes des saints au Vatican le volume de la Positio super Vita, Virtutibus et Fama Sanctitatis du Serviteur de Dieu Oreste Marengo (1906-1998), évêque salésien missionnaire dans le Nord-Est de l’Inde.

Mardi 4 juin 2024, dans la communauté “Zéphyrirn Namuncurà” à Rome, ont été inaugurés et bénis par le Recteur Majeur, le Cardinal Ángel Fernández Artime, les nouveaux locaux de la Postulation Générale salésienne.

Le 24 novembre 2024, le Dicastère des Causes des saints en Congrès ordinaire a donné la validité juridique à l’enquête diocésaine pour la Cause de béatification et canonisation du Serviteur de Dieu Akash Bashir (Risalpur 22 juin 1994 – Lahore 15 mars 2015), laïc et ancien élève de Don Bosco.

Le 19 novembre 2024 dans la Session ordinaire des Cardinaux et évêques du Dicastère des Causes des saints a été donné un vote positif au présumé miracle attribué à l’intercession de la Bienheureuse Marie Troncatti, Religieuse Professe de la Congrégation des Filles de Marie Auxiliatrice (1883-1969). Il est en rapport avec la guérison miraculeuse d’un monsieur «d’un traumatisme crânien encéphalique ouvert avec fracture comminutive du crâne, exposition du tissu cérébral dans la zone fronto-pariéto-temporale droite, lésions axonales diffuses (DAI) et le coma grave a évolué vers un état végétatif de type 2». Cela s’est produit en 2015 en Équateur.

Le 25 novembre 2024, le Saint-Père a autorisé le même Dicastère à promulguer le Décret concernant
– le miracle attribué à l’intercession de la Bienheureuse Marie Troncatti, sœur professe de la Congrégation des Filles de Marie Auxiliatrice, née à Córteno Golgi (Italie) le 16 février 1883 et décédée à Sucúa (Équateur) le 25 août 1969.

Le 28 novembre 2024 a été deposé auprès du Dicastère des Causes des saints au Vatican le volume de la Positio super martyrio des Serviteurs de Dieu Rudolphe Lunkenbein, prêtreprofès de la Société de Saint François de Sales et Simon Bororo, laïc. Ils ont été assassinés à cause de la haine contre la foi le 15 juillet 1976.

Mardi 3 décembre 2024 les Consultants Théologiens du Dicastère des Causes des saints, au cours du Congrès particulier, ont répondu positivement en rapport avec la Positio super martyrio des Serviteurs de Dieu Jean Świerc et ses VIII Compagnons, prêtres, profès de la Société de Saint François de Sales. Ils ont été assassinés in odium fidei dans les camps d’extermination nazis au cours des années 1941-1942.

Mardi 10 décembre 2024 au cours de la Session ordinaire des cardinaux et évêques au sein du Dicastère des Causes des saints a été exprimé un avis positif concernant la Positio super martyrio du Serviteur de Dieu Élie Comini, prêtre profès de la Société Salésienne de Saint Jean Bosco (1910-1944). Il est assassiné à cause de la haine contre la foi dans le massacre nazi de Monte Sole le 1er  octobre 1944.

Mercredi 18 décembre 2024, le Saint-Père François a autorisé le Dicastère des Causes des saints à promulguer le Décret au sujet du martyre du Serviteur de Dieu Élie Comini, prêtre profès de la Société de Saint François de Sales, né le 7 mai 1910 à Calvenzano di vergato (Italie, Bologne) et tué en haine contre la foi, à Pioppe di Salvaro (Italie, Bologne) le 1er octobre 1944.




La dévotion mariale dans la perspective de Don Bosco

Saint Jean Bosco avait une profonde dévotion envers Marie Auxiliatrice, une dévotion qui prend racine dans les nombreuses expériences de son intervention maternelle, dont la première alors qu’il n’avait que 9 ans. Cette véritable dévotion ne pouvait rester seulement personnelle, et ainsi Don Bosco ressentit le besoin de la partager avec les autres. En 1869, il fonda l’Association de Marie Auxiliatrice (ADMA), qui continue encore aujourd’hui d’être une réalité spirituelle vivante. Tous les 5-6 ans, l’association organise des congrès internationaux en l’honneur de Marie Auxiliatrice. Le dernier, le IXe Congrès, s’est tenu à Fatima, au Portugal, du 29 août au 1er septembre 2024. Nous présentons l’intervention finale du Vicaire du Recteur Majeur, Don Stefano Martoglio.

Je prends la parole avec plaisir lors de ce Congrès Marial, après ce que nous avons écouté et vécu pour réaffirmer un acte de confiance personnelle et institutionnelle, selon le cœur de Don Bosco et la foi de l’Église. Nous clôturons ces journées en soulignant l’un des aspects spirituels que Don Bosco perçoit et vit comme important à un niveau personnel et qualifiant pour son œuvre : la dévotion mariale. Nous nous confions aux mains maternelles de Marie, ici et maintenant, en ce lieu Saint de la présence de Marie. C’est à elle que nous demandons de donner fécondité dans notre vie à tout ce que nous avons vécu, prié et écouté ici.
Après ce que nous avons écouté et vécu, mon but est de faire mémoire, en commençant par le début. Faire mémoire est important : cela signifie reconnaître qu’il y a quelque chose qui ne nous appartient pas, quelque chose qui nous a été confiée et que nous devrions transmettre aux autres générations.
Avec beaucoup de simplicité, je veux dire à moi-même et à chacun de nous quelques aspects centraux de la Présence de Marie chez Don Bosco, de sa dévotion et de notre dévotion.

1. Marie dans les écrits de Don Bosco, en commençant par le début
La femme « d’aspect majestueux, vêtue d’un manteau qui brillait de tous côtés », décrite dans le rêve des neuf ans que nous avons tant médité et approfondi en ce Bicentenaire du Rêve, est la Madone chère à la tradition populaire et à la dévotion commune. En elle, Don Bosco souligne surtout l’amabilité maternelle. Cette représentation est celle qui correspond le mieux à son âme, et qui l’accompagnera jusqu’à son dernier souffle.

Dans les Mémoires de l’Oratoire, de nombreux aspects et dévotions typiques de la religion populaire sont évoqués : le rosaire en famille, l’Angélus, les neuvaines et les triduums, les invocations et les oraisons jaculatoires, les consécrations, les visites aux autels et aux sanctuaires, les fêtes mariales (Maternité, Nom de Marie, Notre-Dame du Rosaire, Notre-Dame des Douleurs, la Consolata, l’Immaculée, la Vierge des grâces…). Attention ! Lorsque nous disons que ce sont des aspects typiques de la religion populaire, nous ne parlons pas d’une chose facile ou « automatique ». La religion populaire est la quintessence, le distillat de l’expérience de siècles qui nous est offerte comme un don que nous devons nous approprier.

Pendant la période de ses études à Chieri, plusieurs éléments relient la dévotion mariale aux choix spirituels du jeune Bosco, surtout la maturation vocationnelle et le renforcement des vertus qui font le bon séminariste. La Vierge du séminaire est l’Immaculée (dans tous les séminaires piémontais, et dans ceux influencés par la tradition lazariste, la chapelle est dédiée à l’Immaculée depuis le XVIIe siècle).
C’est précisément cet aspect qui caractérise la piété mariale du jeune Don Bosco (formé à l’école de Saint Alphonse) : la véritable dévotion, qui s’exprime surtout dans une vie vertueuse, nous assure le patronage le plus puissant que l’on puisse avoir durant la vie et à l’heure de mort.

Il écrira cette conviction également dans le Giovane provveduto en 1847 : « Si vous devenez ses dévots, elle vous comblera de bénédictions dans ce monde et vous aurez le paradis dans l’autre vie ».

Mais c’est surtout dans son livre Le mois de mai consacré à Marie Immaculée à l’usage du peuple (1858), que le saint situe explicitement et instamment la dévotion mariale du peuple et de la jeunesse dans un engagement concret et sérieux de vie chrétienne, vécue avec ferveur et amour.

« Trois choses à pratiquer tout au long du mois : 1. Faire tout ce que nous pouvons pour ne commettre aucun péché au cours de ce mois ; qu’il soit entièrement consacré à Marie. 2. Accomplir avec grand soin les devoirs spirituels et temporels de notre état… 3. Inviter nos parents et amis et tous ceux qui dépendent de nous à participer aux pratiques de piété qui se font en l’honneur de Marie au cours du mois ».

L’autre thème, hérité d’une longue tradition dévote, est le lien entre la dévotion mariale et le salut éternel : « Puisque le plus bel ornement du christianisme est la Mère du Sauveur, la Vierge Marie, je m’adresse à Vous, ô Vierge Marie très clémente, sûr d’acquérir la grâce de Dieu, le droit au Paradis, et de retrouver ainsi ma dignité perdue, si Vous priez pour moi. Auxilium christianorum, ora pro nobis ». Don Bosco est convaincu que Marie intervient comme avocate très efficace et médiatrice puissante auprès de Dieu.
Dix ans plus tard (1868), pour l’inauguration de l’église Marie-Auxiliatrice, le saint écrit et diffuse un fascicule intitulé Merveilles de la Mère de Dieu invoquée sous le titre de Marie Auxiliatrice. Dans cette brochure, il souligne la dimension ecclésiale, qui attire de plus en plus le regard de Don Bosco et oriente ses préoccupations missionnaires et éducatives.

Dans le contexte ecclésial de l’époque, les titres d’Immaculée et d’Auxiliatrice évoquent des luttes et des triomphes, le « grand affrontement » entre l’Église et la société libérale. On fait une lecture religieuse des événements politiques et sociaux, dans la ligne de la réaction catholique à l’incroyance, au libéralisme, à la déchristianisation.
En pensant à ses garçons et aux salésiens, Don Bosco continue cependant à souligner principalement la dimension ascétique, spirituelle et apostolique de la piété mariale. Dans cette perspective, les pratiques du mois de Marie et des diverses dévotions vise à susciter chez les jeunes un effort plus grand dans leur devoir, la pratique des vertus, l’ardeur ascétique (mortifications en l’honneur de Marie), une charité active et une généreuse action apostolique parmi leurs camarades.
C’est dire que Don Bosco tend à assigner à l’Immaculée et à l’Auxiliatrice un rôle déterminant dans l’œuvre éducative et formatrice. Dans le climat de ferveur mariale de l’époque, il valorise les exercices vertueux et les pratiques dévotes en vue de la purification du péché et de l’affection au péché et pour une croissance dans le don de soi à Dieu.

C’est dans ce sens que vont la lutte contre le péché et l’orientation vers Dieu, la sanctification de soi et du prochain, le service de la charité, la force pour porter la croix et l’engagement missionnaire. Tels sont les traits saillants d’une dévotion mariale qui a peu de dévotionnel et de sentimental (malgré le climat de l’époque et les goûts populaires que Don Bosco valorise de toute façon).
Quel chemin en Don Bosco et de l’homme de foi Don Bosco ! Sur tout ce que vous avez dans le cœur, je voudrais mettre un accent : moi aussi, nous aussi, nous devons marcher dans la dévotion. On ne peut pas rester immobile, si on n’avance pas on recule… et personne ne peut le faire à ma place !

2. Marie dans la vie de Don Bosco, expressions quotidiennes de la dévotion de Don Bosco et de notre dévotion

2.1. Le sens d’une présence
Dans la vie de Don Bosco Marie est une présence perçue, aimée, active et stimulante, orientée vers le grand enjeu du salut éternel et de la sainteté. Il la sent proche et se confie à elle, se laissant guider et conduire sur les chemins de sa vocation (il la rêve, il la « voit »).

À Nizza Monferrato en juin 1885, Don Bosco s’entretenait dans le parloir avec les mères capitulaires des Filles de Marie Auxiliatrice. Il parlait d’une voix faible, avec une grande fatigue. Elles lui demandèrent de leur laisser un dernier souvenir. « Oh ! vous voulez que je vous dise quelque chose. Si je pouvais parler, combien de choses je voudrais vous dire ! Mais je suis vieux, vieux et chancelant, comme vous le voyez ; j’ai même du mal à parler. Je veux juste vous dire que la Vierge vous veut du bien, beaucoup, beaucoup de bien. Et, savez-vous, elle se trouve ici parmi vous. Alors Don Bonetti, le voyant ému, l’interrompit et commença à dire, uniquement pour le distraire :
– Oui, c’est cela, c’est cela ! Don Bosco veut dire que la Vierge est votre Mère et qu’elle vous garde et vous protège.
– Non, non, reprit le Saint, je veux dire que la Vierge est vraiment ici, dans cette maison et qu’elle est contente de vous, et que si vous continuez avec l’esprit d’aujourd’hui, qui est celui désiré par la Vierge… Le bon Père s’émouvait encore plus et Don Bonetti reprit la parole :
– Oui, c’est cela, c’est cela ! Don Bosco veut vous dire que, si vous êtes toujours bonnes, la Madone sera contente de vous.
– Mais non, mais non, s’efforçait d’expliquer Don Bosco, cherchant à dominer sa propre émotion. Je veux dire que la Vierge est vraiment ici, ici parmi vous ! La Vierge se promène dans cette maison et la couvre de son manteau. – En disant cela, il étendait les bras, levait les yeux en larmes vers le ciel et semblait vouloir persuader les sœurs qu’il voyait la Madone aller ici et là comme chez elle ».

Elle est une présence active, qui accompagne, soutient, guide, encourage ; c’est celle qui lui a été donnée : « Je te donnerai la Maîtresse qui t’enseignera à devenir sage, car sans elle toute sagesse devient folie ». Une présence qui stimule à vivre consciemment en présence de Dieu dans une recherche de totalité : « En pensant à la présence de Dieu / fais que les lèvres, le cœur, l’esprit / suivent le chemin de la vertu / ô grande Vierge Marie. / Jean Bosco, prêtre » (prière écrite par le saint au bas d’une de ses photographies).

Splendide et essentiel. Ce qui n’est pas présence vivante dans ma vie est absence ! Le sens de la Présence, de la Providence de Dieu, de l’action de Marie. Un chemin continuel pour chacun de nous et pour nous tous ensemble, Famille Salésienne.

2.2. L’énergie de la mission
Don Bosco lie étroitement Marie à sa vocation et à son ministère. Il est bon ici de reprendre la présentation que Don Bosco fait du rêve des neuf ans : « Me prenant avec bonté par la main, regarde, me dit-elle, voici ton champ, voici où tu dois travailler. Rends-toi humble, fort, robuste ; et ce que tu vois en ce moment se réaliser avec ces animaux, tu devras le faire pour mes fils ». C’est la mission de salut/transformation/formation des jeunes, à travers la prévention, l’éducation, l’instruction, l’évangélisation, et un solide bagage de vertus chez l’éducateur.
Le Fils de Marie nous enseigne la méthode et l’objectif : « Non pas avec des coups, mais avec la douceur et la charité, tu devras gagner ces amis. Mets-toi donc immédiatement à leur faire une instruction sur la laideur du péché et sur la beauté de la vertu ».
Le récit fait en 1873-1874 du vieux rêve inspirateur, se relie à tant d’autres récits interventions et inspirations intérieures (les rêves) dans lesquels notre saint a attribué à Marie un rôle d’animation, de guide et de soutien de ses aspirations et de son zèle pour la mission de salut de la jeunesse.
C’est dans ce contexte qu’il faut placer et interpréter les faits que Don Bosco reconnaît comme des interventions prodigieuses de Marie : les « grâces » accordées aux personnes (spirituelles et corporelles), sa puissante protection sur l’Oratoire et sur la naissante Famille salésienne et sur leur développement prodigieux au profit des âmes.
Les grâces personnelles, la prise de conscience de la présence particulière de Dieu, par l’intercession de Marie, qui guide providentiellement l’existence personnelle et institutionnelle. Si tu ne perçois pas la Présence, tu es à la merci du hasard.

2.3. Un stimulant pour la sainteté
Don Bosco a vécu la dévotion mariale comme un stimulant et un soutien sur le chemin vers la perfection chrétienne. Dans la même perspective, il l’inculque habilement aux jeunes pour promouvoir en eux la vie chrétienne et stimuler en eux le désir de la sainteté.
Valorisant la sensibilité de ses garçons et les goûts populaires de leur piété, Don Bosco sut transformer une tendance dévotionnelle, teintée de sentiment romantique, en un puissant instrument de formation spirituelle qui encourage, corrige et oriente.
Marie ne nous laisse jamais là où elle nous trouve. Comme au début des Signes de l’Évangile de Jean, elle sait que nous devons être guidés, accompagnés… pour un itinéraire précis : faites ce qu’elle vous dira et vous arriverez là où JE vous attends, nous dit Don Bosco. Voir l’invisible.

3. Identité salésienne et dévotion mariale 
Pour conclure, je vous partage, avec simplicité, ce dont nous vivons en tant que confrères, et qui est au centre de notre vocation. J’aime conclure avec ce partage, car c’est l’ossature de ma vie et de notre vie. Si cela me fait tant de bien, à moi et à nous, cela fera sûrement du bien à tous.

Tout d’abord, les Constitutions, qui dessinent les traits caractéristiques de notre dévotion mariale. L’article 8 (situé dans le premier chapitre, relatif aux éléments qui assurent l’identité de la Congrégation Salésienne) synthétise le sens de la présence de Marie dans notre Société : elle a indiqué à Don Bosco son champ d’action, l’a constamment guidé et soutenu, elle continue parmi nous sa mission de Mère et d’Auxiliatrice : « nous nous confions à elle, humble servante en qui le Seigneur a fait de grandes choses, pour devenir parmi les jeunes témoins de l’amour inépuisable de son Fils ».

L’article 92 présente le rôle de Marie dans la vie et la piété du salésien : modèle de prière et de charité pastorale ; maîtresse de sagesse et guide de notre famille ; exemple de foi, de sollicitude pour les nécessiteux, de fidélité à l’heure de la croix, de joie spirituelle ; notre éducatrice qui nous apprend à nous donner entièrement au Seigneur et à servir courageusement nos frères. De là découle une dévotion filiale et forte, qui s’exprime dans la prière (chapelet quotidien et célébration de ses fêtes) et dans l’imitation convaincue et personnelle.

Mais la meilleure synthèse se trouve, à mon avis, dans la Prière à Marie Auxiliatrice récitée quotidiennement dans chacune de nos communautés après la méditation. C’est Don Rua qui l’a composée en 1894, comme expression de consécration quotidienne dans l’engagement de fidélité et de générosité. Aujourd’hui, elle a été révisée, mais en conservant la même structure que celle d’autrefois et les mêmes contenus. Voici le texte primitif :

« Très Sainte et immaculée Vierge Auxiliatrice, nous nous consacrons entièrement à vous et nous vous promettons de travailler toujours pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes.

Nous vous prions de tourner votre regard miséricordieux sur l’Église et son auguste Chef, sur les Prêtres et les Missionnaires, sur la Famille Salésienne, nos parents et bienfaiteurs et sur la jeunesse qui nous est confiée, sur les pauvres pécheurs, les mourants et les âmes du purgatoire.

Enseignez-nous, ô Mère très tendre, à reproduire en nous les vertus de notre Fondateur, en particulier son angélique modestie, sa profonde humilité et son ardente charité.

Faites, ô Marie Auxiliatrice, que votre puissante intercession nous rende victorieux contre les ennemis de notre âme en cette vie et au moment de notre mort, afin que nous puissions venir vous rendre hommage avec Don Bosco au Paradis. Ainsi soit-il. »

Comme on peut le voir, la version actuelle ne fait que reprendre, avec quelques développements, le texte de Don Rua. Je crois qu’il est bon, de temps en temps, de le reprendre et de le méditer. Elle est structurée en quatre parties : promesse, intercession, docilité et confiance.

Dans la première partie (Ô très sainte), on rappelle le but ultime de notre consécration en promettant d’orienter chaque action uniquement au service de Dieu et au salut du prochain, dans la fidélité à l’essence de la vocation salésienne.

La deuxième partie (Nous te prions) réunit le sens ecclésial, salésien et missionnaire de notre consécration, en confiant à l’intercession de Marie l’Église, la Congrégation et la Famille Salésienne, les jeunes, surtout les plus pauvres, tous les hommes rachetés par le Christ. Ici, la passion qui doit alimenter et caractériser la prière salésienne est bien décrite : son caractère universel, ecclésial et missionnaire au service des jeunes.

Dans la troisième partie (Apprends-nous), sont concentrées les vertus qui caractérisent la physionomie typique du salésien disciple de Don Bosco : on se met à l’école de Marie pour grandir dans l’union à Dieu, dans la chasteté, dans l’humilité et dans la pauvreté, dans l’amour du travail et de la tempérance, dans la charité ardente et aimante (bonté et don illimité à nos frères), dans la fidélité à l’Église et à son magistère.

Dans la dernière partie (Fais, ô Marie Auxiliatrice), on se confie à l’intercession de la Vierge Auxiliatrice pour obtenir la fidélité et la générosité dans le service de Dieu jusqu’à la mort et à l’admission dans la communion éternelle des saints.

Cette excellente synthèse, qui contient un programme complet de vie spirituelle et dessine la physionomie de notre identité, peut nous servir aujourd’hui de référence et de schéma concret pour la vérification et la programmation spirituelles. Qu’il en soit ainsi pour chacun de nous !




Les Journées de la Spiritualité Salésienne

Cette année, les XLIII Journées de la Spiritualité Salésienne se dérouleront du 16 au 19 janvier, comme d’habitude, à Valdocco. Elles représentent, pour toute la Famille Salésienne dispersée dans le monde, une occasion précieuse de rencontre, de réflexion et de renouveau spirituel. Chaque année, au mois de janvier, religieux, religieuses, laïcs et jeunes se réunissent pour redécouvrir les racines du charisme salésien, célébrant la figure et l’héritage de Saint Jean Bosco, fondateur de la Congrégation Salésienne et grand ami des jeunes. L’objectif est de promouvoir une réflexion communautaire sur les valeurs de la foi, de la fraternité et de la mission éducative, selon l’esprit salésien, dans un contexte de fête et de prière.

Origine et signification des Journées de la Spiritualité Salésienne
La tradition des Journées de la Spiritualité Salésienne trouve ses racines dans la pratique éducative de Don Bosco, qui avait compris l’importance de cultiver des moments de formation pour ses jeunes et pour les collaborateurs qui l’accompagnaient dans sa mission. Dès les premières décennies de la vie de la Congrégation, en effet, il y avait un besoin de se rassembler périodiquement pour relire l’expérience vécue dans les œuvres salésiennes et la faire dialoguer avec les défis du présent. Au fil des ans, le charisme salésien s’est diffusé bien au-delà des frontières du Piémont, atteignant les cinq continents. En même temps, la nécessité de se retrouver pour un échange et un discernement commun est devenue de plus en plus pressante, rendant indispensable une occasion de rencontre que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Journées de la Spiritualité Salésienne.

Les Journées, célébrées typiquement au mois de janvier à l’approche de la fête liturgique de Saint Jean Bosco (31 janvier), représentent la synthèse d’une année entière de travail, de prière et de réflexion autour du thème proposé par le Recteur Majeur des Salésiens avec la soi-disant Strenna. La Strenna est un message annuel qui, partant d’une phrase ou d’un concept clé, vise à orienter la vie et la mission salésienne dans le monde. Au cours de ces journées, les participants approfondissent ensemble le sens de ce message, se confrontant à d’autres réalités salésiennes, partageant des témoignages, et se laissant inspirer par des moments de prière et de célébration.

Structure et moments forts
Les Journées de la Spiritualité Salésienne se déroulent généralement dans un lieu particulièrement significatif pour la Congrégation, comme le Colle Don Bosco ou Valdocco à Turin, où Saint Jean Bosco a fait ses premiers pas dans son apostolat juvénile. Dans d’autres cas, pour favoriser la participation des fidèles et des membres de la Famille Salésienne résidant dans diverses parties du monde, des événements parallèles ou des connexions en direct peuvent être organisés. Cela permet à quiconque intéressé, même à distance, de suivre les principaux moments de prière, d’écouter les méditations et d’interagir avec les intervenants.

Au cours de ces jours, l’agenda est rythmé par une série de rendez-vous qui vont de la réflexion théologique et pastorale à des moments de convivialité et de fête. Parmi les moments forts, on trouve :

1. Conférences et relations thématiques : des figures autorisées du monde salésien, des théologiens, des éducateurs et des responsables des œuvres présentent des approfondissements sur le thème annuel. Ces relations offrent un large aperçu des défis éducatifs et pastoraux contemporains, aidant à situer le charisme salésien dans le contexte actuel.

2. Travaux de groupe et ateliers : pour passer du plan théorique au plan pratique, les participants sont impliqués dans des groupes de travail ou des ateliers, où ils ont l’opportunité de confronter les expériences vécues dans leurs propres réalités et d’imaginer de nouvelles voies d’évangélisation et d’accompagnement des jeunes.

3. Célébrations et moments de prière : les Journées de la Spiritualité Salésienne ne sont pas seulement étude et approfondissement, mais aussi et surtout une occasion de rencontre avec Dieu. Les liturgies et les prières communautaires, qui ponctuent toute la durée de l’événement, constituent une source de nourriture spirituelle qui soutient et renforce le sentiment d’appartenance à la grande Famille Salésienne.

4. Témoignages et partages d’expériences : écouter les récits de missionnaires, d’éducateurs et de jeunes provenant de différents contextes socio-culturels est un élément fondamental. Ces témoignages concrets donnent un visage aux valeurs salésiennes et démontrent la vivacité d’un charisme qui, plus d’un siècle après la mort de Don Bosco, continue d’inspirer des générations de croyants.

5. Rencontre avec le Recteur Majeur : un moment particulièrement attendu et significatif est la rencontre avec le Recteur Majeur, figure qui représente le successeur de Don Bosco. Dans son intervention, il exhorte toute la Famille Salésienne à poursuivre avec engagement l’œuvre éducative et pastorale, rappelant l’importance d’unir la vie spirituelle à l’action concrète en faveur des jeunes, en particulier les plus nécessiteux.

Les protagonistes : la Famille Salésienne en marche
Les Journées de la Spiritualité Salésienne n’impliquent pas seulement les religieux salésiens (SDB) et les Filles de Marie Auxiliatrice (FMA), mais réunissent tous les groupes qui composent la variée Famille Salésienne : les Coopérateurs Salésiens, les Anciens élèves et Anciennes élèves de Don Bosco, les Volontaires de Don Bosco, les Volontaires de Don Bosco, les Associations des Dévots de Marie Auxiliatrice et bien d’autres. Cette pluralité d’expressions et d’appartenances révèle la richesse d’un charisme qui a su se décliner en formes et sensibilités différentes, mais toujours convergentes dans l’amour pour les jeunes et pour l’Église.

Vers un renouvellement continu du charisme
Un des messages les plus importants qui émergent des Journées de la Spiritualité Salésienne est la nécessité d’un renouvellement continu et créatif du charisme de Don Bosco. Le monde change à un rythme vertigineux, avec des défis inédits concernant la sphère technologique, sociale et éducative. Pour rester fidèles au fondateur et à l’Évangile, la Famille Salésienne est appelée à être toujours en sortie, à ne pas se contenter de formules « déjà éprouvées », mais à expérimenter des formes d’apostolat qui sachent parler aux jeunes d’aujourd’hui.

La fidélité à Don Bosco ne signifie pas répéter à la lettre ce qui a été fait dans le passé, mais approfondir son esprit et sa méthode préventive, pour trouver de nouveaux langages et expériences éducatives adaptées au présent. C’est le sens profond des Journées de la Spiritualité Salésienne : un temps d’écoute, d’échange et de partage qui ouvre vers l’avenir, tout en gardant un regard ferme sur cette inspiration originelle qui a rendu la Congrégation Salésienne un point de référence pour des millions de jeunes à travers le monde.

Les Journées de la Spiritualité Salésienne, célébrées chaque année au mois de janvier, ne sont pas seulement un rendez-vous fixe du calendrier salésien, mais un véritable « laboratoire spirituel » où l’on respire la richesse d’un charisme en constante évolution. À une époque où les relations humaines sont souvent fragmentées et où la recherche de sens est de plus en plus pressante, le message salésien conserve intacte sa pertinence : mettre le jeune au centre, l’aimer, le valoriser, l’accompagner sur le chemin de la maturité humaine et chrétienne. Et c’est précisément dans cette perspective que les Journées de la Spiritualité Salésienne se révèlent être un don précieux pour la Famille Salésienne et pour l’ensemble de l’Église, un signe que la passion éducative de Don Bosco vit encore aujourd’hui, féconde et pleine d’espoir, capable de générer des fruits de bien dans chaque coin de la planète.

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Étrenne 2025. Ancrés dans l’espérance, pèlerins avec les jeunes

INTRODUCTION. ANCRÉS DANS L’ESPÉRANCE, PÈLERINS AVEC LES JEUNES
1. À LA RENCONTRE DU CHRIST, NOTRE ESPÉRANCE, POUR RENOUVELER LE RÊVE DE DON BOSCO
1.1 Le Jubilé
1.2 L’anniversaire de la première Expédition Missionnaire Salésienne
2. LE JUBILÉ : LE CHRIST NOTRE ESPÉRANCE
2.1 Pèlerins, ancrés dans l’espérance chrétienne
2.2 L’espérance comme chemin vers le Christ, chemin vers la vie éternelle
2.3 Caractéristiques de l’Espérance
2.3.1 L’espérance, une tension continue, prête, visionnaire et prophétique
2.3.2 L’espérance est un pari sur l’avenir
2.3.3 L’espérance n’est pas une affaire privée
3. L’ESPÉRANCE COMME FONDEMENT DE LA MISSION
3.1 L’espérance est une invitation à la responsabilité
3.2 L’espérance exige du courage de la part de la communauté chrétienne dans l’évangélisation
3.3 « Da mihi animas » : « l’esprit » de la mission »
3.3.1 Les comportements de l’envoyé
3.3.2 Reconnaître, Repenser et Relancer
4. UNE ESPÉRANCE JUBILAIRE ET MISSIONNAIRE QUI SE TRADUIT EN VIE CONCRÈTE ET QUOTIDIENNE
4.1 L’espérance est une force dans la vie quotidienne qui exige le témoignage
4.2 L’espérance est l’art de la patience et de l’attente
5. L’ORIGINE DE NOTRE ESPÉRANCE : EN DIEU AVEC DON BOSCO
5.1 Dieu fidèle à l’origine de notre espérance
5.1.1 Bref rappel du rêve
5.1.2 Don Bosco « géant » de l’espérance
5.1.3 Caractéristiques de l’espérance chez Don Bosco
5.1.4 Les « fruits » de l’espérance chez Don Bosco
5.2 La fidélité de Dieu : jusqu’à la fin
6. AVEC MARIE, ESPÉRANCE ET PRÉSENCE MATERNELLE

INTRODUCTION. ANCRÉS DANS L’ESPÉRANCE, PÈLERINS AVEC LES JEUNES

Bien chers frères et sœurs appartenant aux différents Groupes de la Famille Salésienne de Don Bosco, permettez-moi de vous adresser le salut le plus cordial au début de cette nouvelle année 2025 !

Ce n’est pas sans émotion que je m’adresse à chacun et à chacune d’entre vous en ce temps de grâce marqué par deux événements importants pour la vie de l’Église et pour celle de notre Famille : le Jubilé de l’Année 2025, qui a débuté solennellement le 24 décembre avec l’ouverture de la Porte Sainte de la Basilique Saint-Pierre au Vatican, et le 150ème anniversaire de la Première Expédition Missionnaire voulue par notre Père Don Bosco,  partie le 11 novembre 1875 pour l’Argentine et d’autres pays du continent américain.

Ce sont deux événements importants qui trouvent leur point de rencontre dans l’espérance. En effet, le Pape François a indiqué exactement cette vertu comme perspective en proclamant le Jubilé. De la même manière, l’expérience missionnaire est un signe d’espérance pour tous : pour ceux qui sont partis (et qui partent) et pour ceux qui ont été rejoints par les missionnaires.

L’année qui nous est donnée est donc riche en idées pour notre croissance concrète et quotidienne, afin que notre humanité devienne féconde dans l’attention aux autres. Cela ne se produira que dans les cœurs qui mettent Dieu au centre et qui peuvent dire : « C’est Toi que j’ai mis avant moi ».

Dans ce commentaire, je vais essayer de mettre en évidence ces éléments afin d’approfondir, en clé charismatique, ce que l’Église est invitée à vivre tout au long de cette année, et de souligner ce qui pour nous, Famille de Don Bosco, doit nous guider vers de nouveaux horizons.

1. À LA RENCONTRE DU CHRIST, NOTRE ESPÉRANCE, POUR RENOUVELER LE RÊVE DE DON BOSCO

Le titre de l’Étrenne implique l’entrelacement de deux événements : le Jubilé Ordinaire de l’année 2025 et le 150ème anniversaire de la première Expédition Missionnaire envoyée par Don Bosco en Argentine.

La concomitance, que j’ose qualifier de « providentielle », des deux événements fait de 2025 une année décidément extraordinaire pour nous tous et pour les Salésiens de Don Bosco encore plus. En effet, au cours des mois de février, mars et avril 2025, il y aura la célébration du 29ème Chapitre Général qui aboutira, entre autres, à l’élection du nouveau Recteur Majeur et du nouveau Conseil Général.

Des événements mondiaux et particuliers qui nous impliquent donc de différentes manières et que nous voulons vivre avec profondeur et intensité. Parce que c’est précisément grâce à ces événements que nous pouvons faire l’expérience de la joie d’aller à la rencontre du Christ et de l’importance de rester ancrés dans l’espérance.

1.1 Le Jubilé

« Spes non confundit ! L’espérance ne déçoit pas ! » (Rm 5,5)[1]

C’est ainsi que le Pape François nous présente le Jubilé. Comme c’est merveilleux ! Quelle indication « prophétique » ! Le Jubilé est un pèlerinage pour remettre Jésus-Christ au centre de notre vie et de la vie du monde. Parce qu’Il est notre Espérance. Il est l’Espérance de l’Église et du monde entier !

Nous sommes tous conscients qu’aujourd’hui le monde a besoin de cette espérance qui nous met en relation avec Jésus-Christ et avec les autres frères et sœurs. Nous avons besoin de cette espérance qui fait de nous des pèlerins, qui nous met en mouvement et qui nous fait marcher.

Nous parlons de l’espérance comme de la redécouverte de la présence de Dieu. Le Pape François écrit : « Puisse l’espérance remplir le cœur ! »,[2] non seulement qu’elle réchauffe le cœur, mais qu’elle le remplisse, et à ras bord !

1.2 L’anniversaire de la première Expédition Missionnaire Salésienne

C’est de cette espérance débordante qu’étaient remplis les cœurs des participants à la première Expédition Missionnaire Salésienne en Argentine, il y a 150 ans.

Du Valdocco, Don Bosco lance son cœur au-delà de toutes frontières, envoyant ses fils à l’autre bout du monde ! Il les envoie au-delà de toute sécurité humaine, il les envoie pour poursuivre ce qu’il avait commencé lui-même. Il se met en chemin avec les autres, en espérant et en insufflant de l’espérance. Il les envoie, tout simplement ; et les premiers (jeunes) confrères partent et s’en vont. Où ? Ils ne le savent pas eux-mêmes ! Mais ils s’appuient sur l’espérance et ils obéissent. Parce que c’est la présence de Dieu qui nous guide.

Dans cette obéissance pleine d’enthousiasme, notre espérance actuelle trouve aussi de nouvelles énergies et nous pousse à nous mettre en route comme des pèlerins.

C’est pourquoi cet anniversaire doit être célébré : parce qu’il nous aide à reconnaître un don (non pas une conquête personnelle mais un don gratuit du Seigneur), il nous permet de nous souvenir et, à partir du souvenir, de trouver la force d’affronter et de construire l’avenir.

Vivons donc, aujourd’hui, pour rendre cet avenir possible et faisons-le de la seule manière que nous considérons comme grande : en partageant avec les jeunes et avec toutes les personnes de nos milieux (à commencer par les plus pauvres et les oubliés) le chemin pour aller à la rencontre du Christ, notre unique Espérance.

2. LE JUBILÉ : LE CHRIST NOTRE ESPÉRANCE

Le Jubilé, c’est marcher ensemble, ancrés dans le Christ, notre Espérance. Mais qu’est-ce que cela signifie vraiment ? Je reprends les éléments de la Bulle d’Indiction du Jubilé 2025 qui mettent en évidence certaines caractéristiques de l’espérance.

2.1 Pèlerins, ancrés dans l’espérance chrétienne

Nous sommes convaincus que rien ni personne ne peut nous séparer du Christ.[3] Parce que c’est à Lui que nous voulons et devons rester accrochés, ancrés. Nous ne pouvons pas marcher sans notre ancre.

L’ancre de l’espérance est donc le Christ lui-même qui porte sur la croix les souffrances et les blessures de l’humanité, en présence du Père. L’ancre, en effet, a la forme d’une croix et, pour cette raison, elle a également été représentée dans les catacombes pour symboliser l’appartenance des fidèles défunts au Christ Sauveur. Cette ancre est déjà solidement attachée au port du salut. Notre tâche est d’y attacher notre vie, la corde qui lie notre bateau à l’ancre du Christ.

Nous naviguons sur les vagues agitées de la mer et nous avons besoin de nous ancrer à quelque chose de solide. Mais il ne s’agit plus de jeter l’ancre et de la fixer au fond de la mer. Il s’agit d’attacher notre bateau à la corde qui, pour ainsi dire, pend du Ciel, là où l’ancre du Christ est solidement fixée. En nous accrochant à cette corde, nous nous accrochons à l’ancre du salut et rendons notre espérance certaine.

L’espérance est certaine lorsque la barque de notre vie s’accroche à cette corde qui nous lie à l’ancre fixée dans le Christ crucifié qui est à la droite du Père, c’est-à-dire dans la communion éternelle du Père et dans l’amour de l’Esprit Saint.[4]

Tout est bien exprimé dans l’oraison liturgique de la Solennité de l’Ascension du Seigneur :

« Dieu qui élève le Christ au-dessus de tout, ouvre-nous à la joie et à l’action de grâce, car l’Ascension de ton Fils est déjà notre victoire : nous sommes les membres de son corps, il nous a précédés dans la gloire auprès de toi, et c’est là que nous vivons en espérance. »[5]

L’écrivain et homme politique tchèque Václav Havel définit l’espérance comme un état d’esprit, une dimension de l’âme. Elle ne dépend pas de l’observation préventive du monde, ce n’est pas une prédiction.

Le philosophe Byung-Chul Han ajoute : « L’espérance est une orientation du cœur qui transcende le monde immédiat de l’expérience ; c’est un ancrage quelque part au-delà de l’horizon. Les racines de l’espérance se trouvent dans le transcendant : c’est pourquoi avoir de l’espoir et être satisfait parce que les choses vont bien, ce n’est pas la même chose. On pourrait penser qu’espérer, c’est simplement vouloir sourire à la vie pour qu’elle vous sourie à son tour ; mais non, il faut aller plus loin, il faut marcher sur la corde qui nous mène à l’ancre.

L’espérance est la capacité de chacun d’entre nous à travailler pour quelque chose parce qu’il est juste de le faire, et non parce que ce quelque chose aura le succès garanti. Cela pourrait être un échec, cela pourrait mal tourner : nous n’espérons pas que cela se passe bien, nous ne sommes pas optimistes. Nous travaillons pour que cela se produise. Voilà pourquoi l’espérance n’est pas la même chose que l’optimisme. L’espérance n’est pas la conviction que quelque chose ira bien, mais la certitude que quelque chose a un sens indépendamment de son résultat. Faire quelque chose parce que cela a du sens : voilà en quoi consiste l’espérance qui présuppose des valeurs et présuppose la foi.

C’est ce qui donne la force pour vivre, et cela nous donne la force de ressentir quelque chose encore et encore, même dans le désespoir. »[6]

Mais comment peut-on marcher tout en restant ancré ? L’ancre vous alourdit, vous ralentit, vous fixe. Où mène donc ce chemin ? Il mène à l’éternité.

2.2 L’espérance comme chemin vers le Christ, chemin vers la vie éternelle

La promesse de la vie éternelle, telle qu’elle est faite à chacun de nous, ne contourne pas le chemin de la vie, ce n’est pas un saut vers le haut, elle ne propose pas de monter dans une fusée qui se détache du sol et s’envole dans l’espace, laissant la route, la poussière du chemin sur le sol, ni ne laisse le bateau dériver au milieu de la mer sans nous.

Cette promesse, c’est précisément une ancre fixée dans l’éternité, mais à laquelle nous restons attachés par une corde qui vient rendre ferme le bateau qui traverse la mer. Et c’est précisément le fait qu’il soit fixé dans le Ciel qui permet au bateau de ne pas rester immobile au milieu de la mer, mais d’avancer à travers les flots.

Si l’ancre du Christ fixait l’homme au fond de la mer, nous resterions tous immobiles là où nous sommes, peut-être tranquilles, sans problèmes, mais immobiles, sans voyager, sans avancer. Au contraire, c’est précisément l’ancrage de la vie au Ciel qui fait que la promesse qui suscite notre espérance n’arrête pas la route, ne nous donne pas la sécurité d’un refuge dans lequel nous enfermer et nous arrêter, mais nous donne la certitude de marcher et de continuer le chemin. La promesse d’un but certain, déjà atteint pour nous par le Christ, rend ferme et décisif chacun de nos pas sur le chemin de la vie.

Il est important de comprendre le Jubilé comme un pèlerinage, comme une invitation à se mettre en mouvement, à sortir de soi-même pour aller vers le Christ. Le Jubilé a toujours été synonyme de chemin. Si l’on désire vraiment Dieu, on doit bouger, on doit marcher. Parce que le désir de Dieu, la nostalgie de Dieu, nous pousse à le trouver et, en même temps, conduit à nous trouver nous-mêmes et à trouver les autres.

« Nous sommes nés et nous ne mourrons plus jamais. »[7] Le titre de la biographie de la servante de Dieu Chiara Corbella Petrillo est beau et significatif. Oui, parce que notre venue dans le monde est orientée vers la vie éternelle. La vie éternelle est une promesse qui brise la porte de la mort, nous ouvrant au « face à face avec Dieu » pour toujours. La mort est une porte qui se ferme et en même temps une porte qui s’ouvre toute grande à la rencontre définitive avec Dieu !

Nous savons combien le désir du Ciel était vivant chez Don Bosco, désir proposé et partagé avec joie avec les jeunes de l’Oratoire.

2.3 Caractéristiques de l’Espérance

2.3.1 L’espérance, une tension continue, prête, visionnaire et prophétique

Gabriel Marcel,[8] dit philosophe de l’espérance, nous enseigne que l’espérance se trouve dans le tissu d’une expérience continue, qu’espérer signifie donner du crédit à une réalité comme porteuse d’avenir. Éric Fromm[9] écrit que l’espérance n’est pas une attente passive mais une tension continue et constante. C’est comme un tigre accroupi qui ne saute que lorsque c’est le moment précis.

Avoir de l’espoir, c’est être vigilant en tout temps, pour tout ce qui n’est pas encore arrivé. Les vierges qui attendaient l’époux avec des lampes allumées espéraient ; Don Bosco espérait face aux difficultés et s’agenouillait pour prier. L’espérance est prête au moment où tout est sur le point de naître. Elle est alerte, attentive, à l’écoute, capable de guider dans la création de quelque chose de nouveau, de donner vie à l’avenir sur terre. C’est pourquoi elle est « visionnaire et prophétique ». Elle concentre notre attention sur ce qui n’est pas encore, c’est elle qui aide à donner naissance à quelque chose de nouveau.

2.3.2 L’espérance est un pari sur l’avenir

Sans espérance, il n’y a pas de révolution, pas d’avenir, il n’y a qu’un présent fait d’optimisme stérile. On pense souvent que ceux qui espèrent sont des optimistes tandis que les pessimistes sont essentiellement leur contraire. Il n’en est pas ainsi. Il est important de ne pas confondre espérance et optimisme. L’espérance est beaucoup plus profonde parce qu’elle ne dépend pas des humeurs, des sensations ou de la sentimentalité.

L’essence de l’optimisme est la positivité innée. L’optimiste vit convaincu que les choses vont s’améliorer d’une manière ou d’une autre. Pour un optimiste, le temps est clos, il ne contemple pas l’avenir : tout ira bien et c’est tout.

Paradoxalement, même pour le pessimiste, le temps est clos : il se retrouve piégé dans le présent comme dans une prison, il nie tout sans s’aventurer dans d’autres mondes possibles. Le pessimiste est aussi têtu que l’optimiste, tous deux sont aveugles aux possibilités parce que le possible leur est étranger, ils manquent de passion pour le possible.

Contrairement à tous les deux, l’espérance parie sur ce qui peut aller au-delà de ce qui pourrait être. Et, encore une fois, l’optimiste (comme le pessimiste) n’agit pas, parce que chaque action comporte un risque ; et puisqu’il ne veut pas prendre ce risque, il ne bouge pas, il ne veut pas connaître l’échec. L’espérance, quant à elle, se met à chercher, essaie de trouver une direction, se dirige vers ce qu’elle ne connaît pas, met le cap sur de nouvelles choses. C’est le pèlerinage d’un chrétien.

2.3.3 L’espérance n’est pas une affaire privée

Nous portons tous des espérances dans nos cœurs. Il n’est pas possible de ne pas espérer, mais il est vrai aussi que nous pouvons nous leurrer, en considérant des perspectives et des idéaux qui ne se réaliseront jamais, qui ne sont que des chimères et des leurres. Une grande partie de notre culture, en particulier la culture occidentale, est pleine de faux espoirs qui trompent et détruisent ou peuvent ruiner irrémédiablement l’existence d’individus et de sociétés entières.

Selon la pensée positive, il suffit de remplacer les pensées négatives par des pensées positives pour vivre plus heureux. Grâce à ce mécanisme simple, les aspects négatifs de la vie sont complètement omis, et le monde apparaît comme un marché Amazon qui nous fournira tout ce que nous voulons grâce à notre attitude positive.

En conclusion, si notre volonté de penser positivement était suffisante pour être heureux, alors chacun serait seul responsable de son propre bonheur. Paradoxalement, le culte de la positivité isole les gens, les rend égoïstes et détruit l’empathie, parce que les gens les gens sont de plus en plus préoccupés uniquement d’eux-mêmes et ne s’intéressent pas à la souffrance des autres.

L’Espérance, contrairement à la pensée positive, n’évite pas la négativité de la vie, elle n’isole pas mais unit et réconcilie, car le protagoniste de l’Espérance, ce n’est pas moi, centré sur mon ego, retranché exclusivement sur moi-même ; le secret de l’Espérance, c’est nous. C’est pour cela que les sœurs de l’Espérance sont l’Amour, la Foi et la Transcendance.

3. L’ESPÉRANCE COMME FONDEMENT DE LA MISSION

3.1 L’espérance est une invitation à la responsabilité

L’espérance est un don et, en tant que tel, elle doit être transmise à tous ceux que nous rencontrons sur notre chemin.

Saint Pierre le dit clairement : « Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous. »[10] L’Apôtre nous invite à ne pas avoir peur, à agir dans la vie de tous les jours, à rendre raison – quel esprit salésien dans ce mot « raison » ! – de l’espérance. C’est une responsabilité pour le chrétien. Si nous sommes des femmes et des hommes d’espérance, ça se voit ! « Rendre raison de l’espérance qui est en nous » devient une annonce de la « Bonne Nouvelle » de Jésus et de son Évangile.

Mais pourquoi est-il nécessaire de répondre à quelqu’un qui nous interroge sur l’espérance qui est en nous ? Et pourquoi ressentons-nous le besoin de retrouver l’espérance ?

Dans la Bulle d’Indiction du Jubilé Spes non confundit, le Pape François rappelle que « chacun, en réalité, a besoin de retrouver la joie de vivre car l’être humain, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, ne peut se contenter de survivre ou de vivoter, de se conformer au présent en se laissant satisfaire de réalités uniquement matérielles. Celles-ci enferment dans l’individualisme et érodent l’espérance, en générant une tristesse qui se niche dans le cœur et le rend aigre et intolérant. »[11]

Un constat qui est frappant parce qu’il décrit toute la tristesse que l’on respire dans nos sociétés et nos communautés. C’est une tristesse déguisée en fausse joie, celle qui nous est constamment annoncée, promise et assurée par les médias, par la publicité, par la propagande des politiciens, par tant de faux prophètes du bien-être. Se contenter du bien-être nous empêche de nous ouvrir à un bien beaucoup plus grand, beaucoup plus vrai, beaucoup plus éternel : ce que Jésus et les apôtres appellent « le salut de l’âme, le salut de la vie » ; un bien pour lequel Jésus nous invite à ne pas craindre de perdre la vie, les biens matériels, les fausses sécurités qui s’effondrent souvent en un instant.

Sur ces « questions », plus ou moins exprimées (même par les jeunes), nous avons le devoir de « rendre raison ». Qu’est-ce que je souhaite pour les jeunes et pour toutes les personnes que je rencontre sur mon chemin ? Qu’est-ce que je voudrais demander à Dieu pour eux ? Comment aimerais-je que cela change leur vie ?

Il n’y a qu’une seule réponse : la vie éternelle. Non seulement la vie éternelle comme état sublime que nous pouvons atteindre après la mort, mais la vie éternelle possible ici et maintenant, la vie éternelle telle que Jésus la définit : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ »,[12] c’est-à-dire une vie définie, illuminée par la communion avec le Christ et, par Lui, avec le Père.

Et c’est à nous d’accompagner les jeunes générations sur ce chemin vers la vie éternelle, dans l’action éducative qui nous distingue. Une action qui, pour nous, Famille Salésienne, est une mission. Et qu’est-ce qui motive cette mission qui est la nôtre ? Toujours le Christ, notre Espérance. La mission éducative, en effet, est centrée sur l’espérance.

En fin de compte, l’espérance de Dieu n’est jamais l’espérance pour soi-même . Elle est toujours espérance pour les autres : elle ne nous isole pas, elle nous soutient et nous stimule à nous éduquer les uns les autres à la vérité et à l’amour.

3.2 L’espérance exige du courage de la part de la communauté chrétienne dans l’évangélisation

Le courage et l’espérance forment une combinaison intéressante. En effet, s’il est vrai qu’il est impossible de ne pas espérer, il est tout aussi vrai que le courage est nécessaire pour espérer. Le courage vient du fait d’avoir le même regard que le Christ, capable d’espérer contre toute espérance,[13] de voir une solution même là où apparemment il semble qu’il n’y ait pas d’issue. Et combien « salésienne » est cette attitude !

Tout cela exige le courage d’être soi-même, de se reconnaître dans un don de Dieu et d’investir ses énergies dans une responsabilité précise, conscients du fait que ce qui nous a été confié n’est pas nôtre, et que nous avons la tâche de le transmettre aux générations futures. C’est le cœur de Dieu, c’est la vie de l’Église. Une attitude que l’on retrouve dans la première Expédition Missionnaire…

Je considère très utile la référence à l’art. 34 des Constitutions des Salésiens de Don Bosco : il met en évidence ce qui est au cœur de notre Mouvement charismatique et apostolique. Je suggère à chacun des Groupes de notre belle Famille, dans sa variété, de reprendre les mêmes éléments que je propose ici, en relisant ses Constitutions et Statuts respectifs.

L’article 34 des Constitutions SDB s’intitule « Évangélisation et catéchèse » et se lit comme suit :

« « Cette société, à ses débuts, était un simple catéchisme. » Pour nous aussi, l’évangélisation et la catéchèse sont la dimension fondamentale de notre mission. Comme Don Bosco, nous sommes appelés, tous et en toute occasion, à être des éducateurs de la foi. Notre science la plus éminente est donc de connaître Jésus-Christ, et notre joie la plus profonde est de révéler à tous les insondables richesses de son mystère. Nous cheminons avec les jeunes, pour les conduire à la personne du Seigneur ressuscité, afin que, découvrant en Lui et dans son Évangile le sens suprême de leur existence, ils grandissent en hommes nouveaux. La Vierge Marie est maternellement présente sur ce chemin. Nous la faisons connaître et aimer comme Celle qui a cru, qui vient en aide et qui infuse l’espérance. »

Cet article représente le cœur battant qui décrit bien, également pour cette Étrenne, quelles sont les énergies et les opportunités comme accomplissement et actualisation du « rêve mondial » que Dieu a inspiré à Don Bosco.

Si vivre le Jubilé signifie avant tout faire en sorte que Jésus soit et revienne à la première place, l’esprit missionnaire est la conséquence de cette primauté reconnue, qui renforce notre espérance et se traduit dans la charité éducative et pastorale qui fait que tous annoncent la personne de Jésus-Christ. C’est le cœur de l’évangélisation et cela caractérise la mission authentique.

Il est significatif de rappeler le début de la première Encyclique de Benoît XVI, Deus caritas est [Dieu est Amour] :

« À l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive. »[14]

C’est pourquoi la rencontre avec le Christ est prioritaire et fondamentale ; non pas la « simple » diffusion d’une doctrine, mais une profonde expérience personnelle de Dieu qui nous pousse à Le communiquer, à Le faire connaître et à L’expérimenter, en devenant de véritables « mystagogues » de la vie des jeunes.

3.3 « Da mihi animas » : « l’esprit » de la mission »

Don Bosco gardait toujours devant les yeux une phrase que les jeunes pouvaient lire en passant devant sa chambre, une expression qui a particulièrement frappé Dominique Savio : « Da mihi animas cætera tolle » [Donne-moi des âmes et garde le reste] …

Il y a un équilibre fondamental qui unit, dans cette devise, les deux priorités qui ont guidé la vie de Don Bosco – et que nous appelons de manière significative « grâce d’unité » – qui nous permettent de sauvegarder toujours l’intériorité et l’action apostolique.

Si l’amour de Dieu manquait dans notre cœur, comment pourrait-il y avoir une véritable charité pastorale ? Et en même temps, si l’apôtre n’a pas découvert le visage de Dieu dans son prochain, comment pourrait-on dire qu’il aime Dieu ? Le secret de Don Bosco est d’avoir vécu personnellement « un unique mouvement de charité envers Dieu et envers nos frères »[15] qui caractérise l’esprit salésien.

3.3.1 Les comportements de l’envoyé

Il y a deux rêves-clés dans la vie de Don Bosco où sont évidents les comportements de l’apôtre, de celui qui est envoyé :

  • Le « rêve des neuf ans » où Jésus et Marie demandent à Jean de se rendre humble, fort et robuste par l’obéissance et l’acquisition de la science, en lui recommandant toujours la bonté pour gagner le cœur des jeunes et en gardant toujours Marie comme maîtresse de vie et guide.
  • Le « rêve de la tonnelle de roses » qui indique la « passion » dans la vie salésienne qui exige d’avoir les « bonnes chaussures » de la mortification et de la charité.

3.3.2 Reconnaître, Repenser et Relancer

Célébrer le 150ème anniversaire de la première Expédition Missionnaire de Don Bosco représente un grand cadeau pour

  • Reconnaître et remercier Dieu.

La reconnaissance rend claire la paternité de chaque belle réalisation. Sans reconnaissance, il n’y a pas de capacité d’accueil. Chaque fois que nous ne reconnaissons pas un don dans notre vie personnelle et institutionnelle, nous risquons sérieusement de l’annuler et de « nous en emparer ».

  • Repenser, car « rien n’est éternel ».

La fidélité implique la capacité de changer dans l’obéissance vers une vision qui vient de Dieu et de la lecture des « signes des temps ». Rien n’est éternel : d’un point de vue personnel et institutionnel, la vraie fidélité est la capacité de changer, en reconnaissant ce à quoi le Seigneur appelle chacun de nous.

Repenser devient alors un acte génératif dans lequel s’unissent la foi et la vie ; un moment où nous nous demandons : que veux-tu nous dire, Seigneur, avec cette personne, avec cette situation à la lumière des signes des temps qui, pour être lus, nous demandent d’avoir le cœur même de Dieu ?

  • Relancer, recommencer chaque jour.

La reconnaissance nous conduit à regarder loin devant nous et à accueillir de nouveaux défis, en relançant la mission avec espérance. La Mission est d’apporter l’espérance du Christ avec une conscience lucide et claire, liée à la foi, qui nous fait reconnaître que ce que je vois et je vis « n’est pas mon affaire à moi ».

4. UNE ESPÉRANCE JUBILAIRE ET MISSIONNAIRE QUI SE TRADUIT EN VIE CONCRÈTE ET QUOTIDIENNE

4.1 L’espérance est une force dans la vie quotidienne qui exige le témoignage

Saint Thomas d’Aquin écrit : « Spes introducit ad caritatem »,[16] l’espérance prépare et prédispose à la charité notre vie, notre humanité. Une charité qui est aussi justice, action sociale.

L’espérance a besoin du témoignage. Nous sommes au cœur de la mission parce que la mission, ce n’est pas d’abord et avant tout faire des choses, mais c’est le témoignage de celui qui a vécu une expérience et qui la raconte. Le témoin est porteur d’une mémoire, sollicite des questions chez ceux qui le rencontrent et suscite l’étonnement.

Le témoignage de l’espérance a besoin d’une communauté ; il est l’œuvre d’un sujet collectif et il est contagieux, comme notre humanité est contagieuse, parce que le témoignage est un lien avec le Seigneur.

L’espérance dans le témoignage de la mission doit se construire de génération en génération, entre les adultes et les jeunes : c’est la voie de l’avenir. Dans notre culture, le consumérisme mange l’avenir, l’idéologie de la consommation éteint tout dans l’« ici et maintenant », dans le « tout et tout de suite ». Cependant, on ne peut pas consommer l’avenir, on ne peut pas s’approprier ce qui est autre que soi, on ne peut pas s’approprier ce qui est de l’autre.[17]

Dans la construction de l’avenir, l’espérance, c’est la capacité de promettre et de tenir ses promesses… Une chose splendide et rare dans notre monde ! Promettre, c’est espérer, mettre en mouvement, c’est pourquoi, comme nous l’avons dit, l’espérance est cheminement, c’est l’énergie même du cheminement.

4.2 L’espérance est l’art de la patience et de l’attente

Chaque vie, chaque don, chaque chose a besoin de temps pour grandir. De même, les dons de Dieu mettent du temps à mûrir. C’est pourquoi, à notre époque du « tout et tout de suite », dans notre « consommation » du temps et de la vie, il nous est demandé de donner souffle et force à la vertu de patience : parce que l’espérance se réalise dans la patience.[18]

L’espérance et la patience, en effet, sont intimement liées. L’espérance implique la capacité de savoir attendre, d’attendre la croissance, comme pour dire que « une vertu en entraîne une autre » ! Pour que l’espérance devienne réalité, qu’elle se manifeste dans son intégralité, il faut de la patience. Rien ne se manifeste de manière miraculeuse, parce que tout est soumis à la loi du temps. La patience, c’est l’art de l’agriculteur qui sème et sait attendre que la graine semée pousse et porte ses fruits.

L’espérance commence en nous comme attente et s’exerce comme attente vécue consciemment dans notre humanité. L’attente est une dimension très importante de l’expérience humaine. L’homme sait attendre, l’homme est toujours dans une dimension d’attente, parce qu’il est une créature qui vit dans le temps de manière consciente.

L’attente humaine est la vraie mesure du temps, une mesure qui n’est pas numérique, elle n’est pas chronologique. Nous avons pris l’habitude de calculer l’attente, de dire que nous avons attendu une heure, que le train a cinq minutes de retard, qu’Internet nous a fait attendre quatorze secondes interminables avant de répondre à notre clic, mais quand nous la mesurons de cette façon, nous déformons l’attente, nous en faisons une chose, un phénomène détaché de nous-mêmes et de ce que nous attendons. C’est comme si l’attente était quelque chose en soi, sans relation. Au contraire, l’attente – nous sommes au point crucial – est relation, c’est une dimension du mystère de la relation.

Seuls ceux qui ont de l’espoir ont de la patience. Seuls ceux qui éprouvent de l’espérance deviennent capables d’« endurer », de « soutenir par le bas » les différentes situations que présente l’existence. Ceux qui endurent attendent, espèrent et réussissent à tout supporter, parce que leur fatigue a le sens de l’attente, elle a la tension de l’attente, l’énergie qui aime attendre.

Nous savons que l’appel à la patience et à l’attente implique parfois l’expérience de la fatigue, du travail, de la douleur et de la mort.[19] Eh bien, la fatigue, la douleur et la mort démasquent l’illusion de posséder le temps, le sens du temps, la valeur du temps, le sens et la valeur de notre vie. Ce sont des expériences négatives, mais aussi positives, car la fatigue, la douleur et la mort peuvent être des occasions de redécouvrir le vrai sens du temps de la vie.

Et, répétons-le, il nous est demandé de « rendre raison de l’espérance qui est en nous », en devenant une annonce de la « Bonne Nouvelle » de Jésus et de son Évangile.

5. L’ORIGINE DE NOTRE ESPÉRANCE : EN DIEU AVEC DON BOSCO

Le P. Egidio Viganò a offert à la Congrégation et à la Famille Salésienne une réflexion intéressante sur le thème de l’espérance, en s’appuyant sur notre très riche tradition et en mettant en évidence certaines caractéristiques spécifiques de l’esprit salésien lues à la lumière de cette vertu théologale. C’est d’une manière particulière qu’il l’a fait, en commentant, pour les participants au Chapitre Général des Filles de Marie Auxiliatrice, le « Rêve des dix diamants » de Don Bosco.[20]

Compte tenu de la profondeur des contenus proposés, il me semble utile de rappeler la contribution du VIIème Successeur de Don Bosco pour rappeler à notre mémoire ce que, toujours dans la perspective de l’espérance, nous sommes tous appelés à vivre.

5.1 Dieu fidèle à l’origine de notre espérance

5.1.1 Bref rappel du rêve

Le récit de ce rêve extraordinaire, que Don Bosco a fait à San Benigno Canavese dans la nuit du 10 au 11 septembre 1881, est connu de tous. J’en rappellerai brièvement la structure.[21]

Le Rêve se déroule en trois scènes. Dans la première, le Personnage incarne le profil du Salésien : sur la face avant de son manteau, il y a cinq diamants, trois sur la poitrine, qui sont « Foi », « Espérance » et « Charité », et deux sur les épaules, qui sont « Travail » et « Tempérance » ; sur la face arrière, il y a cinq autres diamants, qui indiquent « Obéissance », « Vœu de Pauvreté », « Récompense », « Vœu de Chasteté », « Jeûne ». Le P. Rinaldi définit ce Personnage aux dix diamants : « Le modèle du vrai Salésien ».

Dans la deuxième scène, le Personnage montre l’altération du modèle : son manteau « était devenu décoloré, vermoulu et effiloché. À l’endroit où les diamants étaient fixés, il y avait, en revanche, des dommages profonds causés par les mites et d’autres petits insectes. Cette scène si triste et déprimante montre « l’inverse du vrai Salésien », l’anti-Salésien.

Dans la troisième scène, apparaît « un beau jeune homme vêtu d’un habit blanc brodé de fils d’or et d’argent [… d’aspect] majestueux, mais doux et aimable ». Il est porteur d’un message. Il exhorte les Salésiens à « écouter », à « comprendre », à rester « forts et courageux », à « témoigner » avec leurs paroles et leur vie, à « être prudents » dans l’accueil et la formation des nouvelles générations, à faire grandir sainement leur Congrégation.

Les trois scènes du rêve sont vivantes et provocatrices ; elles nous présentent une synthèse agile, personnalisée et théâtralisée de la spiritualité salésienne. Le contenu du rêve comporte certainement, dans l’esprit de Don Bosco, un cadre de référence important pour notre identité vocationnelle.

Le Personnage du rêve – comme on le sait – porte le diamant de l’espérance sur le devant, ce qui indique la certitude de l’aide d’En-Haut dans une vie entièrement créative, c’est-à-dire engagée dans la planification d’activités pratiques quotidiennes pour le salut, en particulier des jeunes. Avec les autres symboles associés aux vertus théologales, se dessine la physionomie d’un personnage sage et optimiste en raison de la foi qui l’anime, dynamique et créative grâce à l’espérance qui le motive, toujours homme de prière et humainement bon en raison de la charité qui l’imprègne.

En correspondance avec le diamant de l’espérance, au dos de la figure, on trouve le diamant de la « récompense ». Si l’espérance met visiblement en évidence le dynamisme et l’activité du Salésien dans l’édification du Royaume, si la constance de ses efforts et l’enthousiasme de son engagement se fondent sur la certitude de l’aide de Dieu, rendue présente par la médiation et l’intercession du Christ et de Marie, le diamant de la « récompense » souligne plutôt une attitude constante de la conscience qui imprègne et anime tout l’effort ascétique, selon la maxime familière de Don Bosco : « Un morceau de paradis arrange tout ! ».[22]

5.1.2 Don Bosco « géant » de l’espérance

Le Salésien, a dit Don Bosco, « est prêt à supporter la chaleur et le froid, la soif et la faim, les fatigues et le mépris, chaque fois que sont en jeu la gloire de Dieu et le salut des âmes. »[23]  Le soutien intérieur de cette capacité ascétique exigeante est la pensée du paradis comme reflet de la bonne conscience avec laquelle il travaille et vit. « Dans toute notre tâche, dans tous nos travaux, peines ou chagrins, n’oublions jamais qu’ […] Il tient le plus petit compte de chaque plus petite chose faite pour son saint Nom ; et il est de foi qu’en temps voulu, Il nous dédommagera abondamment. À la fin de notre vie, lorsque nous nous présenterons à son tribunal divin, en nous regardant avec un visage aimant, Il nous dira :  » Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur. » (Mt 25, 2l) ».[24] « Dans la fatigue et la souffrance, n’oubliez jamais que nous avons une grande récompense qui nous attend au Ciel. »[25] Et quand notre Père dit que le Salésien épuisé par trop de travail représente une victoire pour toute la Congrégation, il semble même suggérer une dimension de communion fraternelle dans la récompense, presque un sens communautaire du Paradis !

La pensée et la conscience continuelles du Paradis sont l’une des idées souveraines et l’une des valeurs motrices de la spiritualité typique de Don Bosco, et aussi de sa pédagogie. C’est comme faire la lumière et approfondir l’instinct fondamental de l’âme qui tend vitalement vers son but ultime.

Dans un monde soumis à la sécularisation et à la perte progressive du sens de Dieu, notamment en raison du bien-être et de certains progrès, il est important de résister à la tentation – pour nous et pour les jeunes avec qui nous marchons – qui nous empêche d’élever notre regard vers le Paradis et ne nous fait pas ressentir le besoin de soutenir et de nourrir un engagement ascétique vécu dans le travail quotidien. À sa place, un regard temporel s’élève peu à peu, selon un horizontalisme plus ou moins élégant, qui croit savoir découvrir l’idéal de tout dans le devenir humain et dans la vie présente. Tout le contraire de l’espérance ! Don Bosco a été l’un des grands hommes de l’espérance. Beaucoup d’éléments le prouvent. Son esprit salésien est tout entier imprégné des certitudes et de l’assiduité caractéristiques du dynamisme audacieux de l’Esprit Saint.

Je m’arrête brièvement pour rappeler comment Don Bosco a su traduire dans sa vie l’énergie de l’espérance sur deux fronts : l’engagement pour sa sanctification personnelle et la mission de salut pour les autres. Ou plutôt – et c’est là une caractéristique centrale de son esprit – sa sanctification personnelle à travers le salut des autres. Retenons la fameuse formule des trois « S » : « Salve Salvando Sàlvati » (Salut, en Sauvant [les autres], tu te Sauves toi-même).[26] On dirait un jeu mnémotechnique, comme un slogan pédagogique, mais c’est profond et cela indique comment les deux versants de la sanctification personnelle et du salut du prochain sont étroitement liés l’un à l’autre.

Dans le binôme « travail » et « tempérance », on perçoit que l’espérance a été vécue par Don Bosco comme une planification pratique et quotidienne d’une inlassable ardeur de sanctification et de salut. Sa foi l’a conduit à préférer, dans la contemplation du mystère de Dieu, son ineffable dessein de salut. Il voit dans le Christ le Sauveur de l’homme et le Seigneur de l’Histoire ; en sa Mère, Marie, l’Auxiliatrice des chrétiens ; dans l’Église, le grand Sacrement du Salut ; dans sa propre maturité chrétienne et dans la jeunesse nécessiteuse, le vaste champ du « pas-encore ». C’est pourquoi son cœur éclate dans le cri « Da mihi animas », Seigneur, accorde-moi de sauver la jeunesse et garde donc tout le reste ! Marcher à la suite du Christ [sequela Christi] et la mission en faveur des jeunes se fondent, dans son esprit, dans un seul dynamisme théologique qui constitue l’épine dorsale de l’ensemble.

Nous savons bien que la dimension de l’espérance chrétienne combine la perspective du « déjà » et du « pas encore » : quelque chose de présent et quelque chose en devenir qui, cependant, à partir d’aujourd’hui, commence à se manifester en plénitude même si « pas encore ».

5.1.3 Caractéristiques de l’espérance chez Don Bosco

La certitude du « déjà »

Lorsque nous demandons à la théologie quel est l’objet formel de l’espérance, elle répond que c’est la conviction intime de la présence de Dieu qui aide, qui secourt et assiste, la certitude intérieure de la puissance de l’Esprit Saint, l’amitié avec le Christ victorieux qui nous fait dire avec saint Paul : « Je peux tout en celui qui me donne la force. » (Ph 4,13)

Le premier élément constitutif de l’espérance est donc la certitude du « déjà ». L’espérance stimule la foi à s’exercer dans la considération de la présence salvifique de Dieu dans les vicissitudes humaines, de la puissance de l’Esprit dans l’Église et dans le monde, de la royauté du Christ sur l’histoire, des valeurs baptismales qui ont commencé en nous la vie de la résurrection.

Le premier élément constitutif de l’espérance est donc l’exercice de la foi en l’essence de Dieu comme Père miséricordieux et Sauveur, en ce que Jésus-Christ a déjà fait pour nous, en la Pentecôte comme début de l’ère de l’Esprit Saint, en ce qui est déjà en nous par le Baptême, par les sacrements, par la vie dans l’Église, par l’appel personnel de notre vocation. Il est nécessaire de réfléchir que la foi et l’espérance s’échangent en nous, que leurs dynamismes se stimulent et se complètent mutuellement et nous font vivre dans le climat créatif et transcendant de la puissance de l’Esprit Saint.

La conscience claire du « pas-encore »

Le deuxième élément constitutif de l’espérance est la conscience du « pas-encore ». Il ne semble pas très difficile de l’avoir, mais l’espérance exige une conscience claire non pas tant de ce qui est mauvais et injuste, que de ce qui manque à la stature du Christ dans le temps et, par conséquent, de ce qui est injuste et péché, et aussi de ce qui est immature, partiel ou retardé dans l’édification du Royaume.

Cela présuppose, comme cadre de référence, une connaissance claire du dessein divin de salut, sur lequel se greffent la capacité critique et le discernement de celui qui espère. Ainsi, la critique de l’homme d’espérance n’est pas simplement psychologique ou sociologique, mais transcendante, selon l’orbite théologale de la « nouvelle créature » ; elle fait également appel aux apports des sciences humaines et les dépasse de loin.

Avec la conscience du « pas-encore », celui qui espère perçoit ce qui est mal, ce qui n’est pas encore mûr, ce qui est semence pour le Royaume de Dieu, et s’engage à faire grandir le bien et à combattre le péché dans la perspective historique du Christ. La capacité de discernement du « pas-encore » se mesure toujours à la certitude du « déjà ». C’est pourquoi, et je dirais surtout dans les moments difficiles, ceux qui espèrent poussent et stimulent leur foi à découvrir les signes de la présence de Dieu et les médiations qui nous guident dans l’orbite tracée par Lui. C’est une qualité très importante aujourd’hui : savoir identifier les graines pour les aider à éclore et à pousser.

Comment peut-on espérer s’il n’y a pas cette capacité de discernement ? Il ne suffit pas de pouvoir percevoir tout le poids du mal, il faut aussi être sensible à la source « qui brille autour de nous ». Ainsi, en ces temps que nous qualifions de difficiles (et ils le sont vraiment, en comparaison de ceux que nous vivions avant une certaine tranquillité), l’espérance nous aide à percevoir qu’il y a aussi tant de bien dans le monde et que quelque chose est en train de grandir.

L’assiduité salvifique

Un troisième élément constitutif de l’espérance est son exigence opérationnelle accompagnée de l’engagement concret de sanctification, d’inventivité et de sacrifice apostoliques. Il faut collaborer avec le « déjà » en croissance ; il est urgent d’avancer pour lutter contre le mal en nous-mêmes et chez les autres, en particulier chez les jeunes dans le besoin.

Le discernement du « déjà » et du « pas-encore » a besoin de se traduire dans la pratique de la vie, en s’ouvrant aux résolutions, aux projets, à la révision, à l’inventivité, à la patience et à la constance. Tout ne se passera pas « comme nous l’espérions » : il y aura des échecs, des déboires, des chutes, des malentendus. L’espérance chrétienne participe aussi naturellement aux ténèbres de la foi.

5.1.4 Les « fruits » de l’espérance chez Don Bosco

Des trois éléments constitutifs de l’espérance, que je viens d’indiquer, découlent des fruits particulièrement significatifs pour l’esprit salésien de Don Bosco.

La joie

Du premier élément constitutif – la certitude du « déjà » – découle la joie comme fruit le plus caractéristique. Toute véritable espérance explose en joie.

L’esprit salésien assume la joie de l’espérance à travers une affinité qui lui est propre. Même la biologie nous en suggère quelques exemples. La jeunesse, qui est l’espérance humaine (et qui suggère ainsi une certaine analogie avec le mystère de l’espérance chrétienne), est avide de joie. Et nous, nous voyons Don Bosco traduire l’espérance en un climat de joie pour les jeunes à sauver. Dominique Savio, qui a grandi à son école, disait : « Ici, nous faisons consister la sainteté à vivre toujours très joyeux. » Il ne s’agit pas d’une hilarité superficielle propre au monde, mais d’une joie intérieure, d’un substrat de victoire chrétienne, d’une harmonie vitale avec l’espérance, qui explose de joie. Une joie qui procède, en définitive, des profondeurs de la foi et de l’espérance.

Il n’y a rien à faire : si nous sommes tristes, c’est parce que nous sommes superficiels. Je comprends qu’il y ait une tristesse chrétienne : Jésus-Christ l’a vécue. À Gethsémani, son âme était triste à en mourir, il transpirait des gouttes de sang. C’est certainement une autre forme de tristesse.

Cependant, l’affliction ou la mélancolie par laquelle une religieuse a l’impression de n’être comprise de personne, que les autres ne la prennent pas en considération, qu’ils éprouvent de la jalousie ou ne comprennent pas ses qualités, etc., c’est une tristesse qui ne doit pas être alimentée. À cela il faut opposer la profondeur de l’espérance : Dieu est avec moi et m’aime ; qu’importe que les autres n’aient pas beaucoup de considération pour moi ?

La joie, dans l’esprit salésien, est une atmosphère quotidienne ; elle découle d’une foi qui espère et d’une espérance qui croit, c’est-à-dire de ce dynamisme de l’Esprit Saint qui annonce en nous la victoire sur le monde ! La joie est indispensable pour témoigner authentiquement de ce que nous croyons et espérons. L’esprit salésien est d’abord cela et non pas une réduction à de simples observances et mortifications. L’espérance nous conduira aussi à faire de nombreuses mortifications, mais comme des entraînements à l’envol et non comme des punitions de prison ! Donc l’espérance est source d’une grande joie !

Le monde essaie de surmonter ses limites et sa désorientation avec une vie remplie de sensations excitantes. Il cultive la promotion et la satisfaction des sens, le film inconvenant, l’érotisme, la drogue, etc. C’est une façon d’échapper à une situation passagère qui semble n’avoir aucun sens, de chercher quelque chose qui frise la « caricature de la transcendance ».

La patience

Un autre « fruit » de l’espérance – qui procède de la conscience du « pas-encore » – est la patience. Toute espérance implique une indispensable dose de patience. La patience est une attitude chrétienne intrinsèquement liée à l’espérance dans son long « pas-encore », avec ses troubles, ses difficultés et ses obscurités. Croire en la résurrection et travailler pour la victoire de la foi, alors que l’on est mortel et plongé dans le transitoire, exige une structure intérieure d’espérance qui conduit à la patience.

L’expression la plus sublime de patience chrétienne a été vécue par Jésus, surtout pendant sa Passion et sa mort. C’est une patience fructueuse, précisément à cause de l’espérance qui l’anime. Ici, dans la patience, plutôt que d’initiative et d’action, il s’agit d’acceptation consciente et de passivité vertueuse qu’Il supporte en vue de la réalisation du projet de Dieu.

L’esprit salésien de Don Bosco nous rappelle souvent la patience. Dans l’introduction des Constitutions, Don Bosco rappelle, en faisant allusion à saint Paul, que les peines que nous avons à endurer dans cette vie n’ont rien à voir avec la récompense qui nous attend : « Il avait l’habitude de dire :  » Courage ! Que l’espérance nous soutienne, quand la patience viendrait à manquer. » »[27] « Ce qui soutient la patience, ce doit être l’espérance de la récompense. »[28]

Mère Mazzarello insistait également sur ce point. L’un de ses premiers biographes, le P. Ferdinando Maccono, affirme que l’espérance l’a toujours réconfortée en la soutenant dans ses souffrances, dans ses infirmités, dans ses doutes, et l’a réjouie à l’heure de sa mort : « Son espérance était très vive et très active. Il me semble, a témoigné une religieuse, que l’espérance l’animait en tout et qu’elle cherchait à l’instiller chez les autres. Elle nous exhortait à bien porter les petites croix quotidiennes et à tout faire avec une grande pureté d’intention. »[29] L’espérance est la mère de la patience et la patience est la défense et le bouclier de l’espérance.

La sensibilité éducative

Du troisième élément constitutif de l’espérance – « l’assiduité salvifique » – procède un autre fruit : la sensibilité éducative. Il s’agit d’une initiative d’engagement approprié, à la fois dans le contexte de sa propre sanctification (à la suite du Christ – sequela Christi) et dans le contexte du salut des autres (mission). Elle comporte un engagement pratique, mesuré et constant, traduit par Don Bosco en une méthodologie concrète qui implique les attentions suivantes :

  • la perspicacité (ou « sainte » ruse) : lorsqu’il s’agit d’avoir des initiatives, de résoudre des problèmes, Don Bosco fait de son mieux sans prétention au perfectionnisme, mais avec un humble sens pratique ; il répétait souvent cette phrase: « Le mieux est l’ennemi du bien ».[30]

  • L’audace. Le mal est organisé, les enfants des ténèbres agissent avec intelligence. L’Évangile nous dit que les enfants de la lumière doivent être plus astucieux et plus courageux. C’est pourquoi, pour travailler dans le monde, il faut s’armer d’une prudence authentique – l’« auriga virtutum » – c’est-à-dire « la mère des vertus » qui nous rend agiles, opportuns et pénétrants dans l’application de la véritable intrépidité dans le bien.

  • La magnanimité. Nous ne devons pas limiter notre regard aux murs de la maison. Nous avons été appelés par le Seigneur à sauver le monde, nous avons une mission historique plus importante que celle des astronautes ou des hommes de science… Nous nous engageons pour la libération intégrale de l’homme. Notre esprit doit s’ouvrir à des visions très amples. Don Bosco voulait que nous soyons « à l’avant-garde du progrès » (et il s’agissait, quand il prononça cette phrase, des moyens de communication sociale).

Nous connaissons la magnanimité de Don Bosco dans l’initiation des jeunes aux responsabilités apostoliques ; pensons, par exemple, aux premiers missionnaires qui sont partis pour l’Amérique. Les Salésiens et les Filles de Marie Auxiliatrice n’étaient guère plus que de très jeunes garçons et filles !

Don Bosco se mouvait dans de vastes horizons. Ni le Valdocco ni Mornèse ne lui suffisaient ; il ne pouvait rester seulement dans les limites de Turin, du Piémont, de l’Italie ou de l’Europe. Son cœur battait au rythme de celui de l’Église universelle, parce qu’il se sentait comme investi de la responsabilité du salut de toute la jeunesse nécessiteuse du monde. Il voulait que les Salésiens sentent comme leurs tous les problèmes les plus importants et les plus urgents de l’Église concernant les jeunes, pour être disponibles partout. Et, tout en cultivant la magnanimité des projets et des initiatives, il était concret et pratique dans leur mise en œuvre, avec le sens de la gradualité et avec la modestie des débuts.

Sur le visage du Salésien, la magnanimité doit toujours briller comme une note de sympathie : il ne doit pas être une petite tête sans visions, mais avoir une grandeur d’âme parce qu’il a un cœur habité par l’espérance.

Charles Péguy, avec son acuité un peu violente, écrit : « Une capitulation est essentiellement une opération par laquelle on se met à expliquer au lieu d’agir. Les lâches sont des gens qui regorgent d’explications. » Sur le visage salésien, doivent toujours briller comme une note de sympathie la mystique de la décision et l’humble audace du pragmatisme. Don Bosco était déterminé dans ses engagements à faire le bien, même s’il ne pouvait pas commencer par le meilleur ; il disait que ses œuvres commençaient sans doute dans le désordre pour tendre ensuite vers l’ordre !

À côté de la profondeur de la contemplation, de la joie de la filiation divine, de l’enthousiasme de la gratitude et de l’optimisme (qui viennent de la « foi »), l’espérance dessine aussi sur le visage du Salésien le courage de l’initiative, l’esprit de sacrifice de la patience, la sagesse de la gradualité pédagogique, l’utopie de la magnanimité, la modestie de la praticité, la prudence de la ruse et le sourire de la joie.

5.2 La fidélité de Dieu : jusqu’à la fin

Jusqu’à présent, nous avons jeté un coup d’œil sur ce que Don Bosco et nos saints et bienheureux ont clairement exprimé dans leur vie. Ce sont des éléments qui poussent chacun de nous, personnellement et en tant que Famille Salésienne, à faire ressortir ou – pour reprendre les paroles du P. Egidio Viganò – à faire resplendir cette espérance dont nous sommes appelés à « rendre raison », en particulier aux jeunes et, parmi eux, les plus pauvres.

Le temps est venu de « jeter un coup d’œil » un peu au-delà de ce qui est « immédiatement visible » et de chercher à savoir ce qui attend notre vie et nous donne le courage d’attendre avec ardeur alors que nous coopérons à la venue du « jour du Seigneur ». C’est pourquoi, en reprenant toujours l’analyse franche et intense du VIIème Successeur de Don Bosco, concentrons notre attention sur la perspective de la « récompense ».

Le diamant de la « récompense » est placé avec quatre autres à l’arrière du manteau du Personnage du rêve. C’est presque un secret, une force qui opère de l’intérieur, qui nous donne l’impulsion et nous aide à soutenir et à défendre les grandes valeurs vues sur la partie antérieure. Il est intéressant d’observer que le diamant de la « récompense » est placé sous celui de la « pauvreté », car il a certainement une relation avec les « privations » qui lui sont liées.

Sur ses rayons, on lit les paroles suivantes : « Si la grandeur des récompenses vous attire, ne vous effrayez pas de la quantité des peines à subir. » « Ceux qui souffrent avec Moi, avec Moi se réjouiront. » « Ce que nous souffrons sur la terre est momentané, ce qui fera la joie de mes amis du Ciel est éternel. »

Le vrai Salésien a dans son imagination, dans son cœur, dans ses désirs, dans ses horizons de vie la vision de la récompense, comme plénitude des valeurs proclamées par l’Évangile. Pour cette raison, « il est toujours joyeux. Il répand cette joie et sait éduquer au bonheur de la vie chrétienne et au sens de la fête ».[31]

Dans la maison de Don Bosco et dans nos maisons salésiennes, on parlait beaucoup du Paradis. C’était une idée permanente et omniprésente résumée dans quelques dictons célèbres : « Pain, travail et paradis » ;[32] « Un morceau de paradis arrange tout ».[33] Ce sont des phrases récurrentes au Valdocco et à Mornèse.

Certes, beaucoup de Filles de Marie Auxiliatrice se souviendront de la description donnée par Mère Enrichetta Sorbone de l’esprit de Mornèse : « Ici nous sommes au Paradis ; dans la maison il y a un air de Paradis ! ».[34] Et ce n’était certainement pas à cause des privations ou de l’absence de problèmes. C’était comme la traduction spontanée, jaillissant du cœur, de la pancarte que Don Bosco avait fait placer : « Servite Domino in lætitia » [Servez le Seigneur dans la joie].[35] Dominique Savio avait aussi perçu la même atmosphère chaleureuse et transcendante de la vie : « Ici, nous faisons consister la sainteté à vivre toujours très joyeux. »[36]

Dans les biographies de Dominique Savio, de François Besucco et de Michel Magon, Don Bosco, décrivant également leur agonie, tient à souligner cette joie ineffable, alliée à une véritable aspiration au Paradis. Bien plus que l’horreur de la mort, ses garçons ressentent l’attrait de Pâques.

La pensée de la récompense est l’un des fruits de la présence de l’Esprit Saint, c’est-à-dire de l’intensité de la foi, de l’espérance et de la charité, toutes les trois ensemble, même si cette pensée est plus étroitement liée à l’espérance. Elle instille dans le cœur une joie et une gaieté qui viennent d’en haut et trouvent une belle harmonie avec les mêmes tendances innées du cœur humain. Nous le voyons en vivant parmi les garçons et les filles : les jeunes ressentent avec une plus grande fraîcheur que l’homme est né pour le bonheur. Mais nous n’avons même pas besoin d’aller chercher cela parmi les jeunes. Prenons un miroir et regardons-nous : nous avons juste besoin d’écouter les battements de notre cœur. Nous sommes nés pour le bonheur, nous l’attendons même sans l’avouer.

L’idée du Paradis, toujours présente dans la maison de Don Bosco, n’est pas une utopie de tromperies naïves, ce n’est pas la carotte qui trompe le cheval pour qu’il avance plus vite, c’est l’angoisse substantielle de notre être. Et c’est surtout la réalité de l’amour de Dieu, de la résurrection de Jésus-Christ à l’œuvre dans l’histoire, et c’est la présence vivante de l’Esprit Saint qui poussent, en fait, vers la récompense.

Don Bosco ne méprise aucune joie des jeunes. Au contraire, il la suscite, l’augmente, la développe. La fameuse « joie » en laquelle il fait consister la sainteté n’est pas seulement une joie intime, cachée dans le cœur comme fruit de la Grâce. Celle-ci en est la racine. Elle s’exprime aussi à l’extérieur, dans la vie, dans la cour de récréation et dans le sens de la fête.

Quelle ardeur dans la célébration des solennités religieuses, des jours de fête à l’Oratoire ! Don Bosco prenait même soin à organiser la célébration de sa propre fête, non pas pour lui-même, mais pour créer une atmosphère de reconnaissance joyeuse dans la maison.

Pensons aux courageuses promenades d’automne : deux ou trois mois pour les préparer, 15 ou 20 jours pour les vivre. Puis les souvenirs prolongés et les commentaires : une joie très étendue dans le temps. Quelle imagination et quel courage ! De Turin aux Becchi, à Gênes, à Mornèse, à de nombreuses villes du Piémont, avec des dizaines et des dizaines de jeunes… La promenade, le jeu, la musique, le chant, le théâtre sont des éléments substantiels du Système Préventif qui, même en tant que méthode pédagogique, suppose une spiritualité appropriée et explosive, fruit d’une foi, d’une espérance et d’une charité convaincues, valeurs du ciel vécues ici même sur terre.

Le Paradis apparaissait toujours au ciel du Valdocco, de jour comme de nuit, avec ou sans nuages. Témoigner aujourd’hui des valeurs de la récompense est une prophétie urgente pour le monde et en particulier pour les jeunes. Qu’est-ce que la civilisation technico-industrielle a apporté à la société de consommation ? Une énorme possibilité de confort et de plaisir avec, pour conséquence, une grande tristesse.

Entre autres choses, nous lisons dans les Constitutions des Salésiens de Don Bosco – mais cela s’applique à chaque chrétien – que « le Salésien [est] un signe de la force de la résurrection » et que « dans la simplicité et le travail de la vie quotidienne », il est « un éducateur qui annonce aux jeunes « des cieux nouveaux et une terre nouvelle « , [en stimulant] en eux les engagements et la joie de l’espérance. »[37]

À Mornèse et au Valdocco, il n’y avait ni confort ni dictature et tout respirait la spontanéité et la joie. Le progrès technique a facilité beaucoup de choses aujourd’hui, mais la vraie joie de l’homme n’a pas augmenté. Au contraire, l’angoisse et les nausées ont augmenté, le manque de sens de l’existence s’est aggravé, ce que nous continuons malheureusement de constater – surtout dans les sociétés riches – avec les statistiques tragiques des suicides d’adolescents et de jeunes.

Aujourd’hui, en plus de la pauvreté matérielle qui afflige encore une très grande partie de l’humanité, il devient urgent de trouver un moyen de faire percevoir aux jeunes le sens de la vie, les idéaux supérieurs, l’originalité de Jésus-Christ. On recherche le bonheur, tendance humaine fondamentale, mais le bon chemin pour y parvenir n’est plus connu, et donc grandit une immense désillusion.

Les jeunes, également à cause du manque d’adultes significatifs, se sentent incapables d’affronter la souffrance, le devoir et l’engagement définitif. Le problème de la fidélité aux idéaux et à sa propre vocation est devenu crucial. Les jeunes se sentent incapables d’assumer souffrances et sacrifices. Ils vivent dans une atmosphère où triomphe le divorce entre amour et sacrifice, de telle sorte que la recherche et l’atteinte du bien-être finissent par asphyxier la capacité d’aimer et, par conséquent, de rêver l’avenir.

À juste titre, comme nous l’avons dit, le diamant de la récompense est placé sous celui de la pauvreté, comme pour indiquer que les deux se complètent et se soutiennent mutuellement. En effet, la pauvreté évangélique implique une vision concrète et transcendante de l’ensemble de la réalité, avec une perspective réaliste également en ce qui concerne le renoncement, la souffrance, les revers, les privations et les douleurs.

Quelle est l’énergie intérieure qui fait tout affronter avec confiance et un visage souriant, sans se décourager ? C’est, en fin de compte, le sens de la présence du Ciel sur la terre. Ce sens vient de la foi, de l’espérance et de la charité qui nous font relire toute notre existence dans la perspective de l’Esprit Saint.

Le monde a un besoin urgent de prophètes qui annonceraient par leur vie la grande vérité du Paradis. Non pas une évasion aliénante, mais une réalité intense et stimulante ! C’est pourquoi, dans l’esprit de Don Bosco, il y a un souci constant de cultiver la familiarité avec le Paradis, presque comme s’il constituait le firmament de l’esprit, l’horizon du cœur salésien : nous travaillons et luttons avec la certitude d’une récompense, en regardant vers la Patrie céleste, vers la maison de Dieu, vers la Terre Promise.

Il est important de souligner que la perspective de la récompense ne consiste pas de manière réductrice dans l’obtention d’une « gratification », d’une sorte de consolation pour une vie vécue au milieu de nombreux sacrifices, de souffrances… Rien de tout cela ! S’il ne s’agissait que d’une « récompense », cela ressemblerait à du chantage. Mais Dieu n’agit pas de cette façon. Dans son amour, il ne peut offrir que Lui-même à l’homme. C’est, comme le dit Jésus, la vie éternelle : la connaissance du Père. Où « connaître » signifie « aimer », devenir pleinement participants de Dieu, en continuité avec l’existence terrestre vécue « en grâce », c’est-à-dire dans l’amour pour Dieu et pour ses frères et sœurs.

Sur ce chemin, nous sommes invités à tourner notre regard vers Marie qui se rend présente comme une aide quotidienne, comme une Mère prévenante et Auxiliatrice des chrétiens. Don Bosco est sûr de la présence de Celle-ci parmi nous et veut des signes qui nous le rappellent. Pour Elle, il a construit une Basilique, Centre d’animation et de diffusion de la vocation salésienne. Il voulait Son image dans nos milieux de vie ; il liait toute initiative apostolique à Son intercession et en commentait avec émotion l’efficacité réelle et maternelle. Rappelons-nous, par exemple, ce qu’il a dit aux Filles de Marie Auxiliatrice dans la maison de Nice-Montferrat : « La Madone est vraiment ici, ici au milieu de vous ! La Madone déambule dans cette maison et la couvre de son manteau. »[38]

En plus d’Elle, nous cherchons aussi d’autres amis dans la maison de Dieu : nos Saints et Bienheureux, à commencer par les visages qui nous sont le plus familiers et qui font partie de ce que l’on appelle le « jardin salésien ».

Nous ne faisons pas ces choix pour diviser la grande maison de Dieu en petits appartements privés, mais plutôt pour nous y sentir plus facilement chez nous et pouvoir parler de Dieu, du Père, du Fils, de l’Esprit Saint, du Christ et de Marie, de la création et de l’histoire, non pas avec la trépidation de quelqu’un qui a écouté la prestigieuse leçon d’un grand penseur, difficile et même hermétique, mais avec le sentiment de familiarité et de simplicité joyeuse avec lequel nous conversons avec ceux qui ont été nos parents, nos frères et sœurs, nos collègues et nos compagnons de travail. Certains d’entre eux, nous ne les avons pas connus de leur vivant, mais nous les sentons proches de nous et il nous inspirent une confiance particulière. Parler avec saint Joseph, avec Don Bosco, avec Mère Mazzarello, avec Don Rua, avec Dominique Savio, avec Laura Vicuña, avec le P. Rinaldi, avec Mgr Versiglia et le P. Caravario, avec Sœur Thérèse Valsè, avec Sœur Eusebia Palomino, etc., c’est vraiment un dialogue « de maison », un dialogue familial.

C’est ce que nous suggère le diamant de la récompense : se sentir chez soi avec Dieu, avec le Christ, avec Marie, avec les Saints ; sentir leur présence dans sa propre maison, dans une atmosphère familiale qui donne un sentiment de Paradis à l’environnement quotidien de la vie.

6. AVEC MARIE, ESPÉRANCE ET PRÉSENCE MATERNELLE

Au terme de ce commentaire, nous ne pouvons que tourner notre cœur et notre regard vers la Vierge Marie, comme Don Bosco nous l’a enseigné. L’espérance requiert la confiance, la capacité de se donner et de se confier. Dans tout cela, nous avons une guide et une maîtresse de vie en la Très Sainte Vierge Marie. Elle nous témoigne qu’espérer, c’est se confier et se donner, et c’est vrai autant pour l’existence que pour la vie éternelle.

Sur ce chemin, la Vierge Marie nous prend par la main, nous apprend à faire confiance à Dieu et à nous donner librement à l’amour transmis par son Fils Jésus. L’indication et la « carte de navigation » qu’Elle nous présente sont toujours les mêmes : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. »[39] Une invitation que nous assumons dans notre vie de tous les jours.

En Marie, nous voyons la réalisation de la Récompense. Marie incarne en elle-même l’attractivité et le caractère concret de la Récompense :

« Ayant accompli le cours de sa vie terrestre, Elle fut élevée corps et âme à la gloire du ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l’univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs, victorieux du péché et de la mort. »[40]

On peut lire sur ses lèvres de belles expressions de saint Paul. Comme ces expressions sont inspirées par l’Esprit Saint, Époux de Marie, Elle les partage certainement.

Voici ces belles expressions :

« Le Christ Jésus est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, il intercède pour nous : alors, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ? (…)

Mais, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. »[41]

Bien chers frères et sœurs, bien chers jeunes,

Marie Auxiliatrice, Don Bosco et tous nos Saints et Bienheureux sont proches de nous en cette année extraordinaire. Qu’ils nous accompagnent pour vivre en profondeur les exigences du Jubilé, en nous aidant à mettre au centre de notre vie la personne de Jésus-Christ, « le Sauveur annoncé dans l’Évangile, qui vit aujourd’hui dans l’Église et dans le monde ».[42]

Qu’ils nous exhortent, à l’exemple des premiers et des premières missionnaires envoyés par Don Bosco, à faire de notre vie toujours et partout un don gratuit pour les autres, en particulier pour les jeunes et parmi eux les plus pauvres.

Pour finir, un souhait : que cette année fasse grandir en nous la prière pour la paix, pour une humanité pacifiée. Invoquons le don de la paix – le shalom biblique – qui contient tous les autres dons et ne trouve son accomplissement que dans l’espérance.

Avec mon affection fraternelle

Père Stefano Martoglio, S.D.B.

Vicaire du Recteur Majeur Rome, le 31 décembre 2024


[1] Pape François, Spes non confundit. Bulle d’indiction du Jubilé Ordinaire de l’An 2025, Cité du Vatican, 9 mai 2024.

[2] Ibidem

[3] Cf. Rm 8,39.

[4] Cf. Rm 5,3-5

[5] Missel romain

[6] Byung-Chul Han, El espíritu de la esperanza [L’esprit de l’espérance], Herder, Barcelona 2024, p.18

[7] C. Paccini – S. Troisi, Siamo nati e non moriremo mai più. Storia di Chiara Corbella Petrillo,[Nous sommes nés et nous ne mourrons plus jamais. Histoire de Chiara Corbella Petrillo], Porziuncola, Assise (PG) 2001.

[8] Gabriel Marcel, Philosophie der Hoffnung [Philosophie de l’Espérance], Munich, List 1964.

[9] Erich Fromm, La revolución de la esperanza [La révolution de l’Espérance], Mexico 1970.

[10] 1P 3,15.

[11] Pape François, Spes non confundit, 9.

[12] Jn 17,3.

[13] Cf. Rm 4,18

[14] BenoÎt XVI, Encyclique Deus Caritas est, Cité du Vatican, 25 décembre 2005, n. 1.

[15] Constitutions SDB, 3.

[16] Thomas d’Aquin, Summa theologiae, IIª-IIae q. 17 a. 8 co.

[17] Cf. Emmanuel LÉvinas, La totalité et l’infini. Essai sur l’extériorité, Jaca Book, Milan 2023.

[18] Pour ces réflexions, je me suis inspiré de la riche réflexion de l’Abbé Général de l’Ordre des Cisterciens M. G. Lepori, Chapitres de l’Abbé Général OCist au CFM 2024. Espérer en Christ. Disponible en plusieurs langues à l’adresse suivante : www.ocist.org

[19] Cf. Rm 5,3-5

[20] Egidio ViganÒ, Un progetto evangelico di vita attiva [Un projet évangélique de vie active], Elle Di Ci, Leumann (TO) 1982, 68-84.

[21] Cf. Egidio ViganÒ, Profilo del Salesiano nel sogno del personaggio dai dieci diamanti [Profil du Salésien dans le rêve du personnage aux dix diamants], in ACS 300 (1981), 3-37. L’intégralité du récit du rêve se trouve dans ACS 300 (1981), 40-44 ; ou dans MB XV, 182-187.

[22] MB VIII, 444.

[23] Const. SDB, 18.

[24] Pietro Braido (sous la direction de), Don Bosco Fondatore “Ai Soci Salesiani”(1875-1885). Introduzione e testi critici [Don Bosco Fondateur « Aux Confrères Salésiens » (1875-1885). Introduction et textes critiques], LAS, Rome 1995, 159.

[25] MB VI, 442.

[26] MB VI, 409.

[27] MB XII, 458.

[28] Ibidem

[29] Ferdinando Maccono, Santa Maria Domenica Mazzarello. Co-fondatrice e prima Superiora Generale delle FMA [Sainte Marie-Dominique Mazzarello. Cofondatrice des FMA], Vol. I, FMA, Turin 1960, 398.

[30] MB X, 716.

[31] Const. SDB, 17.

[32] MB XII, 600.

[33] MB VIII, 444.

[34] Cité dans E. Viganò, Redécouvrir l’esprit de Mornèse, dans ACS (1981), 62.

[35] Salle 99.

[36] MB V, 356.

[37] Const. SDB, 63. Voir aussi E. ViganÒ, « Rendre raison de la joie et des engagements de l’espérance, en témoignant des richesses insondables du Christ ». Étrenne 1994. Commentaire du Recteur Majeur, Istituto Figlie di Maria Ausiliatrice, Rome 1993.

[38] G. Capetti, Il cammino dell’Istituto nel corso di un secolo [Le chemin de l’Institut au cours d’un siècle], Vol. I, FMA, Rome 1972-1976, 122.

[39] Jn 2,5.

[40] Lumen Gentium, 59.

[41] Rm 8,34-39.

[42] Const. SDB, 196.




Communauté de la Mission de Don Bosco, une histoire de « famille » et de « prophétie »

La Famille Salésienne, née de l’intuition de Don Bosco, a continué à croître au fil du temps et à prendre des formes différentes, tout en conservant les mêmes racines. Parmi ces réalités il y a la Communauté de la Mission de Don Bosco (CMB), une association privée de fidèles avec un charisme missionnaire, qui fait officiellement partie de la Famille Salésienne depuis 2010.

Les origines de la CMB
            Tout a commencé en 1983 à Rome, à l’Institut Gerini, lors d’une rencontre de jeunes Salésiens Coopérateurs. Lors de la messe de clôture, un signe clair et indélébile est resté gravé dans le cœur et dans l’esprit de certains participants : ta vie et ta foi doivent prendre une lumière missionnaire… dans chaque endroit où tu seras. De cette intuition est née la Communauté de la Mission de Don Bosco, née comme une initiative de l’Esprit et fondée dans l’Institut Salésien de Bologne.
            Nous avons demandé au diacre Guido Pedroni, fondateur et gardien général de la CMB, de raconter l’histoire de cette réalité. La CMB, composée de laïcs, est aujourd’hui présente dans différentes parties du monde. C’est une communauté missionnaire dans le style et dans les choix, profondément enracinée dans l’esprit salésien et dans la vie de ses fondateurs. Aux côtés de Guido Pedroni, quatre autres laïcs ont partagé depuis le début l’idéal de la CMB : Paola Terenziani (disparue il y a quelques années et pour laquelle on a introduit le processus de béatification), Rita Terenziani, Andrea Bongiovanni et Giacomo Borghi. À ces figures, réunies dans la “Tente Mère”, s’est récemment ajouté Daniele Landi, déjà présent aux origines de la Communauté.

Une communauté mariale et missionnaire
            Il est important de noter que la CMB est le seul groupe de la Famille Salésienne fondé par un laïc et né d’une idée partagée : un rêve missionnaire et communautaire. Elle est profondément mariale, car le geste définitif d’appartenance à la Communauté, l’Acte de Don de soi, est inspiré par la vie de Marie, entièrement dédiée à Jésus. Comme le raconte Guido Pedroni, la CMB est née d’« une intuition, l’Acte de Don de soi, qui pour nous est une véritable consécration à Dieu et à la Communauté à l’exemple de Marie et de Don Bosco ».

Le style et la spiritualité
Le style de la CMB se concrétise dans la manière de vivre la foi, d’ouvrir de nouvelles présences missionnaires, de réaliser des projets, de se mettre en relation éducative et d’expérimenter la vie communautaire. C’est un style marqué par l’initiative, que certains ont même qualifiée de “téméraire”, et il repose sur quatre piliers : susciter, impliquer, créer et croire. Susciter des motivations, impliquer les personnes dans l’action, créer des relations authentiques, croire dans la Providence de l’Esprit qui précède et garde chaque choix. Pour la CMB, vivre en “état de mission” permanente signifie témoigner de l’Évangile à chaque moment de la journée et en tout lieu, que ce soit en Afrique, en Amérique, en Italie, dans un camp de nomades ou dans une salle de classe. L’essentiel est de se sentir partie intégrante de la mission de l’Église, incarnée dans le style de Don Bosco en faveur des jeunes.
            Trois sont les pivots de la spiritualité de la CMB :
            – Unité, construite dans le dialogue fraternel ;
            – Charité, envers les jeunes et les pauvres, vécue dans la communion ;
            – Simplicité, incarnée dans le partage simple et familial typique de l’esprit salésien.
            D’autres éléments distinctifs sont la remise d’un mandat spécifique et la prise de conscience d’être en “état de mission”. L’identité charismatique s’enracine dans la spiritualité salésienne, enrichie par certains traits propres à la CMB, en particulier une spiritualité de recherche et une attitude de familiarité, qui posent les bases de l’unité entre les membres de la Communauté et de l’Association.

Missions et diffusion dans le monde
            Au départ, la CMB était engagée dans des activités missionnaires en faveur de l’Éthiopie. Cependant, avec le temps, l’engagement s’est déplacé du seul temps libre à la vie quotidienne, orientant les choix fondamentaux de l’existence. Le climat d’amitié profonde, la vie spirituelle intense rythmée par la Parole de Dieu et le travail concret pour les pauvres et pour les jeunes ont conduit au Don de soi. On a ainsi compris que la tension missionnaire ne concernait pas seulement l’Éthiopie, mais chaque lieu où il y avait des besoins.
            En 1988 a été rédigée la première Règle de Vie, et en 1994 la CMB est devenue une Association avec une structure juridique propre, pour poursuivre l’engagement missionnaire et les activités d’animation dans les environs de Bologne.
            Toutes les présences missionnaires de la CMB sont nées à la suite d’un appel et d’un signe. Actuellement, la Communauté est présente en Europe, en Afrique, en Amérique du Sud et en Amérique Centrale. La première expédition missionnaire a eu lieu en 1998 à Madagascar. Depuis lors, elle s’est répandue dans neuf pays : Italie, Madagascar, Burundi, Haïti, Ghana, Chili, Argentine, Ukraine et Mozambique. Les deux “aventures” les plus récentes concernent justement le Mozambique et l’Ukraine.
            Dans les mois à venir, une nouvelle présence sera ouverte au Mozambique. En septembre dernier, dans la Basilique Marie-Auxiliatrice de Turin-Valdocco, le crucifix missionnaire a été remis à Angelica et symboliquement à trois autres jeunes de Madagascar et du Burundi, absentes pour des raisons bureaucratiques ; avec elle, elles formeront la première communauté dans ce pays.
            Plusieurs membres de la CMB se sont rendus plusieurs fois en Ukraine pour apporter de l’aide en raison de la guerre. Actuellement, en dialogue avec les Salésiens, ils essaient de comprendre quel nouveau défi l’Esprit veut nous indiquer.

Une vocation de confiance et de service
            Il est évident que la vocation de la CMB est missionnaire et mariale, au sein du charisme salésien, mais elle possède également une identité propre, forgée par l’histoire et les signes de la présence du Seigneur qui ont émergé dans les événements de la Communauté. C’est une histoire liée à la vie de Don Bosco et à celle des personnes qui en font partie. Il n’a jamais été facile de rester fidèle aux appels de l’Esprit, car ils invitent toujours à élargir l’horizon, à faire confiance même “dans le noir”.
            La mission de la CMB est témoignage et service, partage et confiance en Dieu. Témoignage de la vie de chacun, service comme action éducative, partage comme fruit du discernement communautaire et prise de responsabilité à tous les niveaux, confiance en Dieu à l’exemple de Don Bosco, apprenant progressivement comment les projets peuvent acquérir lumière et forme.

Marco Fulgaro




Profils de familles blessées dans l’histoire de la sainteté salésienne

1. Histoires de familles blessées
            Nous avons l’habitude d’imaginer la famille comme une réalité harmonieuse, caractérisée par la cohabitation de plusieurs générations et par le rôle des parents qui donnent des normes de vie à leurs enfants, et ceux-ci se laissent guider par eux dans l’expérience de la réalité. Or les familles traversent souvent des drames et des incompréhensions, ou sont marquées par des blessures qui les défigurent et en donnent une image déformée, falsifiée et trompeuse.
            L’histoire de la sainteté salésienne est également traversée par des histoires de familles blessées. Elle montre des familles où manque au moins une des figures parentales, ou des familles où la présence de la maman et du papa devient, pour des raisons diverses (physiques, psychiques, morales et spirituelles), pénalisante pour leur enfant, aujourd’hui en route vers les honneurs des autels. Don Bosco lui-même avait expérimenté la mort prématurée de son père et avait été éloigné de sa famille par prudence par Maman Marguerite. Il a voulu – et ce n’est pas un hasard – que l’œuvre salésienne soit particulièrement dédiée à la « jeunesse pauvre et abandonnée ». Il n’a pas hésité à pratiquer avec les jeunes qui se sont formés dans son oratoire une intense pastorale vocationnelle, montrant par là qu’aucune blessure du passé n’est un obstacle à une vie humaine et chrétienne réussie. Il est donc naturel que même la sainteté salésienne, enracinée dans la vie de nombreux jeunes qui se sont consacrés à la suite de don Bosco à la cause de l’Évangile, porte en elle comme conséquence logique la trace de familles blessées.
            Parmi les jeunes, garçons et filles, qui ont grandi au contact des œuvres salésiennes, nous en présentons trois, dont l’histoire est inscrite dans le sillon biographique de Don Bosco :
            – la bienheureuse Laura Vicuña, née au Chili en 1891, orpheline de père, blessée par l’irrégularité morale de sa mère, prête à offrir sa vie pour elle qui cohabite en Argentine avec le riche propriétaire Manuel Mora ;
            – le serviteur de Dieu Carlo Braga, originaire de la Valtelline, né en 1889, abandonné très jeune par son père et éloigné de sa mère parce que celle-ci était considérée, soit par ignorance soit par médisance, comme psychiquement instable ; au milieu de grandes humiliations, Carlo verra sa vocation salésienne mise en difficulté à plusieurs reprises par ceux qui craignent chez lui une réapparition compromettante du malaise psychique faussement attribué à sa mère ;
            – enfin la servante de Dieu Anna Maria Lozano, née en 1883 en Colombie, obligée de suivre sa famille dans le lazaret où son père a dû se rendre à la suite de l’apparition des signes de la terrible maladie de la lèpre ; entravée dans sa vocation religieuse, elle pourra finalement la réaliser grâce à sa rencontre providentielle avec le salésien Luigi Variara, aujourd’hui Bienheureux.

2. Don Bosco et la recherche du père
            Comme Laura, Carlo et Anna Maria, marqués par l’absence ou les « blessures » d’une ou plusieurs figures parentales, Don Bosco expérimente avant eux, et d’une certaine manière « pour eux », la perte d’un noyau familial fort.
            Les Mémoires de l’Oratoire de Don Bosco racontent dès le début la perte précoce de son père Francesco. Celui-ci meurt à 34 ans et Don Bosco recourt à une expression, par certains aspects déconcertante, en disant que « Dieu miséricordieux les frappa tous d’un grave malheur ». C’est ainsi qu’un des tout premiers souvenirs du futur saint des jeunes retrace une expérience déchirante : près du corps de son père mort, il montre sa résistance quand sa mère tente de l’éloigner : « Je voulais absolument rester là », explique Don Bosco. Il avait ajouté : « Si papa ne vient pas, je ne veux pas y aller ». Maman Marguerite lui répond alors : « Pauvre fils, viens avec moi, tu n’as plus de père ». Elle pleure et Giovannino, qui n’a pas encore une compréhension rationnelle de la situation mais qui en devine tout le drame avec une intuition affective et empathique, s’approprie la tristesse de sa mère : « Je pleurais parce qu’elle pleurait, car à cet âge je ne pouvais certainement pas comprendre à quel point la perte du père était un grand malheur ».
            Face au père mort, Giovannino montre qu’il le considère encore comme le centre de sa vie. Il dit en effet : « Je ne veux pas aller [avec toi, maman] » et non, comme on pourrait s’y attendre : « je ne veux pas venir ». Son point de référence est le père, point de départ et point de retour souhaitable, par rapport auquel tout éloignement semble déstabilisant. Dans cette situation dramatique, Giovannino n’a pas encore compris ce que signifie la mort du père. Il espère (« si papa ne vient pas… ») que le père pourra encore rester près de lui. Et pourtant il devine déjà, à travers son immobilité et son mutisme, son incapacité de le protéger et de le défendre. Il ressent l’impossibilité d’être pris par la main pour devenir à son tour un homme. Les événements qui suivent confirment Giovanni dans la certitude que le père est celui qui le protège, l’oriente et le guide avec amour et que, lorsqu’il lui manque, même la meilleure des mères, même maman Marguerite, ne peut y remédier qu’en partie. Cependant, sur son parcours de jeune exubérant, le futur Don Bosco va rencontrer d’autres « pères » : Luigi Comollo, l’ami presque du même âge, qui réveille en lui l’émulation des vertus, et saint Joseph Cafasso, qui l’appelle « mon cher ami », lui fait « un gracieux signe de s’approcher » et, ce faisant, le confirme dans la conviction que la paternité est proximité, confiance et souci concret de l’autre. Mais il y a surtout Don Calosso, le prêtre qui « intercepte » le jeune Giovannino lors d’une mission populaire et devient déterminant pour sa croissance humaine et spirituelle. Les gestes de Don Calosso opèrent chez le préadolescent Giovanni une véritable révolution. Don Calosso d’abord lui parle. Puis il lui donne la parole. Puis il l’encourage. Puis il s’intéresse à l’histoire de la famille Bosco, montrant qu’il sait contextualiser l’« heure » de ce garçon dans le « tout » de son histoire. De plus, il lui révèle le monde, il le met en quelque sorte de nouveau au monde, lui faisant découvrir des choses nouvelles, lui offrant de nouveaux mots et lui montrant qu’il a la capacité de faire beaucoup et bien. Enfin, il le garde avec le geste et le regard, et pourvoit à ses besoins les plus urgents : « Pendant que je parlais, il ne me quittait pas des yeux » en me disant : « Aie du courage, mon ami, je penserai à toi et à tes études ».
            En Don Calosso, Giovanni Bosco fait l’expérience que la vraie paternité mérite une confiance totale et totalisante ; elle conduit à la prise de conscience de soi ; elle ouvre un « monde ordonné » où la règle donne sécurité et éduque à la liberté :
            « Je me suis rapidement mis entre les mains de Don Calosso. Je compris alors ce que cela signifie d’avoir un guide stable […], un ami fidèle de l’âme… Il m’encouragea ; tout le temps que je pouvais, je le passais près de lui… À partir de cette époque, j’ai commencé à goûter ce qu’est la vie spirituelle, car auparavant j’agissais plutôt matériellement et comme une machine qui fait une chose sans en connaître la raison ».

            Le père sur la terre est aussi celui qui voudrait toujours être près de son fils, mais qui, à un certain moment, ne peut plus le faire. Don Calosso meurt lui aussi. Même le meilleur des pères à un certain moment se retire pour donner à son fils la force du détachement et de l’autonomie typiques de l’âge adulte.
            Mais alors, quelle est pour Don Bosco la différence entre les familles réussies et les familles blessées ? On serait tenté de dire ceci : « réussie » est la famille caractérisée par des parents qui éduquent les enfants à la liberté et, s’ils les laissent, c’est seulement à la suite d’une impossibilité ou pour leur bien. « Blessée » en revanche est la famille où le parent ne génère plus à la vie, mais porte en lui des problèmes qui entravent la croissance de l’enfant, un parent qui se désintéresse de lui et, face aux difficultés, l’abandonne même, avec une attitude si différente de celle du Bon Pasteur.
            C’est ce que confirment les aventures vécues par Laura, Carlo et Anna Maria.

3. Laura, une fille qui « génère » sa propre mère
            Née à Santiago du Chili le 5 avril 1891, et baptisée le 24 mai suivant, Laura est la fille aînée de José D. Vicuña, un noble déchu qui avait épousé Mercedes Pino, fille de modestes agriculteurs. Trois ans plus tard, une petite sœur, Julia Amanda, arrive, mais bientôt le papa meurt, après avoir subi une défaite politique qui a miné sa santé et compromis son honneur ainsi que le soutien économique de sa famille. Privée de toute « protection et perspective d’avenir », la maman arrive en Argentine, où elle recourt à la protection du propriétaire terrien Manuel Mora, un homme « au caractère superbe et altier », qui « ne dissimule pas sa haine et son mépris pour quiconque s’opposerait à ses projets ». Un homme qui, seulement en apparence, garantit la protection, mais est en réalité habitué à prendre ce qu’il veut, si nécessaire par la force, instrumentalisant les personnes. Il paie les études de Laura et de sa sœur au collège des Filles de Marie Auxiliatrice, pendant que leur mère, qui subit l’influence psychologique de Mora, cohabite avec lui sans trouver la force de rompre le lien. Lorsque Mora commence à montrer des signes d’intérêt malhonnête même envers Laura, et surtout lorsque cette dernière entreprend le parcours de préparation à la Première Communion, elle comprend soudain toute la gravité de la situation. Contrairement à sa mère – qui justifie un mal (la cohabitation) en vue d’un bien (l’éducation des filles au collège) – Laura comprend qu’il s’agit d’un raisonnement moralement illégitime, qui met en grave danger l’âme de sa mère. À cette époque, Laura souhaitait devenir elle-même une sœur de Marie Auxiliatrice, mais sa demande est rejetée, car elle est la fille d’une « concubine publique ». Et c’est précisément à ce moment-là que Laura – accueillie au collège alors que dominaient encore en elle « l’impulsivité, le ressentiment, l’irritabilité, l’impatience et la propension à apparaître » – manifeste un changement que seule la Grâce, unie aux efforts la personne, peut opérer. Elle demande à Dieu la conversion de sa mère offrant sa vie pour elle. Dans cette situation, Laura ne peut se mouvoir ni « en avant » (en entrant parmi les Filles de Marie Auxiliatrice), ni « en arrière » (en retournant auprès de sa mère et de Mora). C’est alors qu’avec la créativité typique des saints, Laura prend l’unique chemin qui lui reste accessible : celui de la hauteur et de la profondeur. Dans les résolutions de sa Première Communion, elle avait noté :

            Je me propose de faire tout ce que je sais et tout ce que je peux pour […] réparer les offenses que vous, Seigneur, recevez chaque jour des hommes, en particulier des personnes de ma famille. Mon Dieu, donnez-moi une vie d’amour, de mortification et de sacrifice.

            Elle concrétise sa résolution dans un « Acte d’offrande », qui inclut le sacrifice de sa propre vie. Son confesseur, reconnaissant que l’inspiration vient de Dieu mais ignorant les conséquences, donne son consentement et confirme que Laura est « consciente de l’offrande qu’elle vient de faire ». Elle vit les deux dernières années dans le silence, la joie et avec le sourire, avec son tempérament riche de chaleur humaine. Et pourtant, le regard qu’elle pose sur le monde – comme le confirme une photo, très différente de la stylisation hagiographique connue – dit aussi toute la souffrance consciente et la douleur qui l’habitent. Dans une situation où lui manquent à la fois la liberté par rapport aux conditionnements, obstacles et fatigues, et la liberté d’agir, cette préadolescente témoigne d’une « liberté pour » : pour faire le don total d’elle-même.
            Laura ne méprise pas la vie, elle aime la vie, la sienne et celle de sa mère. Pour cela, elle s’offre. Le 13 avril 1902, dimanche du Bon Pasteur, elle se demande : « Si Lui donne sa vie, qu’est-ce qui m’empêche [de donner la mienne] pour ma mère ? » Moribonde, elle ajoute : « Maman, je meurs, je l’ai moi-même demandé à Jésus… cela fait presque deux ans que je lui offre ma vie pour toi… pour obtenir la grâce de ton retour ! »
            Ces mots sont dépourvus de regret et de reproche, mais chargés d’une grande force, d’un grand espoir et d’une grande foi. Laura a appris à accueillir sa mère pour ce qu’elle est. Elle s’offre elle-même pour lui donner ce qu’elle ne peut obtenir seule. Lorsque Laura meurt, sa mère se convertit. C’est ainsi que Laurita de los Andes, la fille, a contribué à engendrer sa mère à la vie de la foi et de la grâce.

4. Carlo Braga et l’ombre de sa mère
            Carlo Braga, qui naît deux ans avant Laura, en 1889, est également marqué par la fragilité de sa mère. En effet, lorsque son mari l’abandonne, elle et ses enfants, Matilde « ne mangeait presque plus et déclinait à vue d’œil ». Emmenée à Côme, elle meurt quatre ans plus tard de tuberculose, mais tous sont convaincus que la dépression s’était transformée chez elle en une véritable folie. Carlo commence alors à être « compatissant comme fils d’un inconscient [le père] et d’une mère malheureuse ». Cependant, trois événements providentiels viennent à son secours.
            Quant au premier, survenu lorsqu’il était tout petit, il en découvrira le sens plus tard. Il était tombé dans le feu et sa mère Matilde, en le sauvant, l’avait à cet instant consacré à la Vierge. C’est ainsi que la pensée de sa mère absente devient pour Carlo enfant « un souvenir douloureux et consolant à la fois » : douleur à cause de son absence, mais aussi certitude qu’elle l’a confié à Marie, la Mère de toutes les mères. Bien des années plus tard, don Braga écrira à un confrère salésien touché par la perte de sa mère :

            Maintenant, ta mère t’appartient bien plus que lorsqu’elle était vivante. Laisse-moi te parler de ma propre expérience. Ma mère m’a quitté quand j’avais six ans […]. Mais je dois te confesser qu’elle m’a suivi pas à pas et, lorsque je pleurais désolé en écoutant le murmure de l’Adda, tandis que, petit berger, je me sentais appelé à une vocation plus haute, il me semblait que Maman me souriait et essuyait mes larmes.
            Carlo rencontre ensuite sœur Judith Torelli, une Fille de Marie Auxiliatrice qui « sauva le petit Carlo de la désintégration de sa personnalité quand, à neuf ans, il se rendit compte qu’il était à peine toléré et qu’il entendait parfois les gens dire à son sujet : Pauvre petit, pourquoi est-il au monde ? » Certains soutenaient que son père méritait d’être fusillé pour sa trahison et l’abandon ; quant à sa mère, de nombreux camarades de classe lui répliquaient : « Tais-toi, de toute façon ta mère était folle ». Mais sœur Judith l’aime en l’aidant d’une manière spéciale ; elle pose sur lui un regard « nouveau » ; de plus, elle croit en sa vocation et l’encourage.
            Entré par la suite au collège salésien de Sondrio, Carlo vit sa troisième et décisive expérience : il fait la connaissance de don Rua, dont il a l’honneur d’être le petit secrétaire pendant un jour. Don Rua sourit à Carlo et, répétant le geste que Don Bosco avait accompli autrefois avec lui (« Michelino, toi et moi, nous ferons toujours tout à moitié »), « il met sa main dans la sienne et lui dit : nous serons toujours amis ». Si sœur Judith avait cru en la vocation de Carlo, don Rua lui permettait maintenant de la réaliser, « en le faisant passer par-dessus tous les obstacles ». Certes, Carlo Braga ne manquera pas de difficultés à chaque étape de sa vie. Comme novice, clerc, voire provincial, il connaîtra des renvois par mesure de prudence et parfois certaines formes de calomnies, mais il aura désormais appris à les affronter. Il devient de plus en plus un homme capable de rayonner une joie extraordinaire, un homme humble, actif et d’une délicate ironie ; ces caractéristiques témoignaient de l’équilibre de sa personne et de son sens de la réalité. Sous l’action de l’Esprit Saint, don Braga développe en lui une paternité rayonnante, à laquelle s’ajoute une grande tendresse pour les jeunes qui lui sont confiés. Il redécouvre l’amour pour son père, il lui pardonne et entreprend un voyage pour se réconcilier avec lui. Il se soumet à d’innombrables efforts pour être toujours au milieu de ses Salésiens et de ses jeunes. Il se définit comme celui qui a été « mis dans la vigne pour faire le piquet », c’est-à-dire dans l’ombre mais pour le bien des autres. Un père disait à son fils qu’il lui confiait comme aspirant salésien : « Avec un homme comme lui, je te laisse aller même au pôle Nord ! » Don Carlo ne s’indigne pas des besoins des enfants, au contraire il leur apprend à les exprimer, à accroître le désir : « As-tu besoin de livres ? N’aie pas peur, écris une liste plus longue ». Surtout, don Carlo a appris à poser sur les autres ce regard d’amour qu’il avait senti sur lui autrefois de la part de sœur Judith et de Don Rua. Don Giuseppe Zen, aujourd’hui cardinal, a donné ce témoignage dans un long passage qui mérite d’être lu intégralement et qui commence par les paroles de sa propre mère à don Braga :
            « Regardez, Père, ce garçon n’est plus très bon. Peut-être n’est-il pas adapté pour être accepté dans cet institut. Je ne voudrais pas que vous soyez trompé. Ah, si vous saviez comme il m’a fait désespérer cette dernière année ! Je ne savais vraiment plus quoi faire. Et s’il vous fait désespérer ici aussi, dites-le-moi, je viendrai le reprendre tout de suite ». Don Braga, au lieu de répondre, me regardait dans les yeux ; moi aussi je le regardais, mais la tête baissée. Je me sentais comme un accusé devant le Ministère Public, au lieu d’être défendu par mon avocat. Mais le juge était de mon côté. Avec son regard, il m’a profondément compris, tout de suite et mieux que toutes les explications de ma mère. Lui-même, m’écrivant de nombreuses années plus tard, s’appliquait les mots de l’Évangile : « Intuitus dilexit eum (en le regardant, il l’aima) ». Et depuis ce jour, je n’ai plus eu de doutes sur ma vocation.

5. Anna Maria Lozano Díaz et la féconde maladie de son père
            Les parents de Laura et de Carlo s’étaient révélés à divers titres « lointains » ou « absents ». Une dernière figure, celle d’Anna Maria, atteste le dynamisme opposé : celui d’un père trop présent, qui par sa présence ouvre à sa fille un nouveau chemin de sanctification. Anna naît le 24 septembre 1883 à Oicatà, en Colombie, dans une famille nombreuse, caractérisée par la vie chrétienne exemplaire de ses parents. Lorsqu’Anna est très jeune, son père découvre un jour en se lavant qu’il avait une tache suspecte sur sa jambe. C’est la terrible lèpre, qu’il parvient à cacher pendant un certain temps, mais qu’il est finalement contraint de reconnaître, acceptant d’abord de se séparer de sa famille, puis de la réunir auprès de lui près du lazaret d’Agua de Dios. Sa femme lui avait dit héroïquement : « Ton sort est le nôtre ». C’est ainsi que des personnes saines acceptent les conditionnements qui leur viennent de l’adoption du rythme des malades. Dans ce contexte, la maladie du père conditionne la liberté de choix d’Anna Maria, contrainte de projeter sa propre vie dans un établissement pour malades contagieux. Comme cela fut le cas pour Laura, elle se trouve dans l’impossibilité de réaliser sa vocation religieuse à cause de la maladie paternelle ; elle expérimente intérieurement la déchirure que la lèpre opère sur les malades. Mais Anna Maria n’est pas seule. Comme Don Bosco avec Don Calosso, Laura avec son confesseur et Carlo avec Don Rua, elle trouve un ami de l’âme. C’est le bienheureux Don Luigi Variara, salésien, qui lui donne cette assurance : « Si vous avez une vocation religieuse, elle se réalisera », et l’implique dans la fondation des Filles des Sacrés Cœurs de Jésus et Marie, en 1905. C’est le premier Institut à accueillir en son sein des lépreux ou des filles de lépreux. Lorsque Lozano meurt, le 5 mars 1982 à presque 99 ans, Mère générale pendant plus d’un demi-siècle, l’intuition du salésien Don Variara s’est désormais concrétisée dans une expérience qui a confirmé et renforcé la dimension victimale et réparatrice du charisme salésien.

6. L’enseignement des saints
            Malgré leurs incontestables différences, les vies de Laura Vicuña (Bienheureuse), de Carlo Braga et d’Anna Maria Lozano (Serviteurs de Dieu) ont des caractéristiques communes dignes de mention :
            a) Laura, Anna et Carlo, comme déjà Don Bosco, souffrent de situations de malaise et de difficultés liées à divers titres à leurs parents. Maman Marguerite se voit contrainte d’éloigner Giovannino de la maison lorsque l’absence de l’autorité paternelle favorise l’opposition de son frère Antonio ; Laura a été menacée par Mora et refusée par les Filles de Marie Auxiliatrice comme aspirante ; Carlo Braga a subi des incompréhensions et des calomnies ; la lèpre du père semble à un certain moment priver Anna Maria de tout espoir d’avenir.
            Une famille souffrant de blessures diverses cause un dommage objectif à ceux qui en font partie. Méconnaître ou tenter de réduire l’ampleur de ce dommage serait une entreprise tout aussi illusoire qu’injuste. À chaque souffrance s’associe en effet un élément de perte que les « saints », avec leur réalisme, interceptent et apprennent à nommer.
            b) Giovannino, Laura, Anna Maria et Carlo effectuent à ce stade un second passage, plus ardu que le premier : au lieu de subir passivement la situation, ou de gémir sur elle, ils font face au problème avec une conscience accrue. En plus d’un vif réalisme, ils attestent la capacité, typique des saints, de réagir rapidement, évitant le repli autoréférentiel. Ils se dilatent dans le don, et ancrent ce don dans les conditions concrètes de la vie. Ce faisant, ils lient le « da mihi animas » au « caetera tolle ».
            c) Les limites et les blessures ne sont jamais supprimées, mais toujours reconnues et nommées ; elles sont même « habitées ». Plongés dans des événements historiques plus grands qu’eux et qui semblent les submerger, la Bienheureuse Alexandrina Maria da Costa et le Serviteur de Dieu Nino Baglieri, le Vénérable Andrea Beltrami et le Bienheureux Auguste Czartoryski, « atteints » par le Seigneur dans les conditions invalidantes de leur maladie, le Bienheureux Titus Zeman, le Vénérable José Vandor et le Serviteur de Dieu Ignace Stuchlý nous enseignent l’art difficile de tenir bon dans les difficultés et de permettre au Seigneur de nous épanouir en elles. La liberté de choix prend ici la forme très élevée d’une liberté d’adhésion, dans le « fiat ».

Note bibliographique
            Pour garder à ce texte son caractère de « témoignage » et non de « relation », on a évité d’y ajouter un appareil critique de notes. On signale cependant que les citations présentes dans le texte sont tirées des Mémoires de l’Oratoire ; de Maria Dosio, Laura Vicuña. Un chemin de sainteté juvénile salésienne, LAS, Rome 2004 ; de Don Carlo Braga raconte son expérience missionnaire et pédagogique (témoignage autobiographique du Serviteur de Dieu) et de la Vie de Don Carlo Braga, « Le Don Bosco de la Chine », écrite par le salésien Don Mario Rassiga et aujourd’hui disponible en polycopiés. À ces sources s’ajoutent ensuite les matériaux des Procès de béatification et de canonisation, accessibles pour Don Bosco et Laura, encore réservés pour les Serviteurs de Dieu.




« Reprendre son souffle » 2024. Cours de renouvellement missionnaire salésien

Le Secteur Missionnaire de la Congrégation salésienne, dont le siège est à Rome, a organisé un cours de renouvellement missionnaire appelé Breath Course en anglais, pour les missionnaires qui sont déjà en mission depuis de nombreuses années et qui désirent un renouvellement spirituel et une mise à jour.Le cours, qui a commencé à Colle Don Bosco le 11 septembre 2024, s’est achevé avec succès à Rome le 26 octobre 2024.

Le cours « Reprendre son souffle » a été suivi par 24 personnes provenant de 14 pays : Azerbaïdjan, Botswana, Brésil, Cambodge, Érythrée, Inde, Japon, Nigeria, Pakistan, Philippines, Samoa, Soudan du Sud, Tanzanie et Turquie. Bien que les participants fussent originaires de pays différents avec des antécédents culturels différents et membres de différentes branches de la famille salésienne, nous avons rapidement établi un lien très fort entre nous et nous nous sommes tous sentis à l’aise comme en famille.

L’une des particularités du cours « Reprendre son souffle » a été qu’il s’agissait d’un cours missionnaire auquel participaient pour la première fois divers membres de la Famille salésienne : 16 Salésiens de Don Bosco (SDB), 3 Sœurs de la Charité de Jésus (SCG), 2 Sœurs Missionnaires de Marie Auxiliatrice (MSMHC), 2 Sœurs de la Visitation de Don Bosco (VSDB) et 1 Salésien Coopérateur. Un autre aspect positif a été l’expérience vécue en compagnie de certains membres moins connus et plus petits de la Famille salésienne.

Les sept semaines du Cours ont été un temps de renouveau spirituel qui nous a permis d’approfondir notre connaissance de Don Bosco, de son histoire, de son charisme, de son esprit et de la spiritualité salésienne, et de mieux connaître les autres membres de la Famille salésienne. Pour nous aider à personnaliser et à approfondir nos valeurs salésiennes et notre vocation missionnaire, nous avons pu profiter de beaucoup d’initiatives : la lectio divina salésienne, les pèlerinages sur les lieux liés à la vie et à l’apostolat de Don Bosco aux Becchi, à Castelnuovo Don Bosco, à Chieri et au Valdocco, les journées passées à Annecy et à Mornèse, le pèlerinage sur les pas de saint Paul Apôtre à Rome, la participation à l’audience générale du Pape François au Vatican, la visite à la Basilique du Sacré-Cœur construite par Don Bosco et à la Maison Généralice des Salésiens, le partage d’expériences missionnaires entre tous les participants au cours, la participation au solennel « Envoi missionnaire » dans la Basilique Marie-Auxiliatrice au Valdocco, les temps quotidiens de prière et de réflexion personnelle, la célébration eucharistique commune, etc. À tout cela s’ajoutent les journées passées à Rome qui ont permis de réfléchir sur les différents aspects de la théologie de la mission, les sessions sur la pastorale salésienne des jeunes, le discernement personnel, la formation permanente, la catéchèse missionnaire, la formation affective, le volontariat missionnaire, l’animation missionnaire de la Congrégation, etc. Le pèlerinage à Assise, lieu sanctifié par saint François d’Assise, sur le thème « rendre grâce », « repenser » et « relancer », a été l’occasion de remercier Dieu pour notre vocation missionnaire et de lui demander la grâce de retourner sur nos terres de mission avec un plus grand enthousiasme pour faire mieux à l’avenir. Une autre particularité de ce Cours était qu’il n’était pas de nature académique, avec des crédits, des thèses, des examens et des évaluations, mais qu’il mettait l’accent sur la Parole de Dieu, le partage d’expériences, la réflexion, la prière et la contemplation, avec un minimum d’apports théoriques.

En tant que participants au cours « Reprendre son souffle », nous avons eu le privilège spécial d’assister au 155e « Envoi missionnaire » dans la Basilique Marie-Auxiliatrice à Valdocco, Turin, le 29 septembre 2024. Un total de 27 salésiens, presque tous très jeunes, sont partis comme missionnaires pour différents pays après avoir reçu la croix missionnaire des mains du Père Stefano Martoglio, Vicaire du Recteur Majeur. Cet événement mémorable nous a rappelé notre propre réception de la croix missionnaire et notre départ en mission, il y a de nombreuses années. Nous avons également pris conscience de l’envoi missionnaire ininterrompu au Valdocco depuis 1875 et de l’engagement permanent de la Congrégation salésienne dans la ligne du charisme missionnaire de Don Bosco.

Un aspect très enrichissant du Breath Course a été le partage des histoires de vocation et des expériences missionnaires de tous les participants. Chacun s’est préparé à l’avance et a partagé l’histoire de sa vocation et ses expériences missionnaires d’une manière créative. Les uns ont partagé leurs expériences sous la forme de la simple narration, d’autres ont utilisé des photos, des vidéos et des présentations PowerPoint. Il y a eu beaucoup de temps pour interagir avec chacun des missionnaires afin de clarifier les doutes et de recueillir plus d’informations sur la vocation missionnaire de chacun, sur son pays et sa culture. Ce partage a été un excellent exercice spirituel, car chacun d’entre nous a eu l’occasion de réfléchir profondément à sa vocation missionnaire et de découvrir la main de Dieu à l’œuvre dans sa vie. Ce voyage intérieur a été très formateur et nous a permis de renforcer notre vocation missionnaire et de nous engager plus généreusement dans la Missio Dei (Mission de Dieu).

Pendant le Breath Course, à travers le partage de nos expériences missionnaires, nous avons été une fois de plus profondément convaincus que la vie d’un missionnaire n’est pas facile. La plupart des missionnaires travaillent dans des « périphéries » de différentes sortes (géographiques, existentielles, économiques, culturelles, spirituelles et psychologiques), et bon nombre d’entre eux dans des conditions très difficiles, dans des circonstances éprouvantes et avec de nombreuses privations. Dans de nombreux contextes, il n’y a pas de liberté religieuse permettant de prêcher ouvertement l’Évangile. Dans d’autres endroits, des gouvernements aux idéologies extrémistes s’opposent au christianisme et ont mis en place des lois anti-conversion. Dans certains pays, il est interdit de révéler son identité sacerdotale ou religieuse. Il y a aussi des endroits où ni l’institution catholique ni le personnel religieux ne peuvent exposer des symboles religieux chrétiens tels que la croix, la Bible, des statues du Christ ou de saints, ou des vêtements religieux. Il y a des territoires où les missionnaires ne peuvent pas se réunir pour des réunions ou des exercices spirituels, ni mener une vie communautaire. Il y a des nations qui n’autorisent aucun missionnaire chrétien étranger à entrer sur leur territoire et qui bloquent toute aide financière de l’étranger aux institutions chrétiennes. Il y a des terres de mission qui n’ont pas assez de vocations à la vie sacerdotale et religieuse et, par conséquent, le missionnaire est accablé par de nombreuses tâches et responsabilités. Il y a aussi des situations où les missionnaires doivent trouver les ressources financières nécessaires pour faire face aux dépenses ordinaires liées au fonctionnement d’institutions telles que les écoles, les internats, les instituts techniques, les centres de jeunes, les dispensaires, etc. Certaines missions ne disposent pas des ressources financières nécessaires pour construire les infrastructures indispensables ou pour recruter des personnes qualifiées pour enseigner dans les écoles et les instituts techniques ou pour fournir des soins de santé de base aux pauvres. Cette liste de problèmes rencontrés par les missionnaires n’est pas exhaustive. Mais ce qu’il y a de positif chez les missionnaires, c’est qu’ils sont profondément croyants et heureux de leur vocation missionnaire. Ils sont heureux d’être avec les gens et satisfaits de ce qu’ils ont. Confiants dans la Providence de Dieu, ils poursuivent leur travail missionnaire en dépit de nombreux défis et difficultés. Certains missionnaires sont des exemples lumineux de sainteté chrétienne et font de leur vie une puissante annonce de l’Évangile. Ces valeureux missionnaires méritent notre reconnaissance, nos encouragements et notre soutien spirituel et matériel pour poursuivre leur travail missionnaire.

Je tiens à remercier tout particulièrement tous les membres du secteur missionnaire qui ont beaucoup travaillé et consenti de nombreux sacrifices pour organiser le BreathCourse 2024. J’espère que le Secteur Mission continuera à offrir ce cours chaque année et, si possible, dans différentes langues et avec la participation d’un plus grand nombre de groupes de la Famille salésienne, en particulier les plus petits et les moins connus. Le cours donnera certainement aux missionnaires l’opportunité d’un renouveau spirituel, d’une mise à jour théologique, d’un repos physique et mental, qui sont essentiels pour offrir un service missionnaire et pastoral de meilleure qualité dans les missions et pour établir des liens plus étroits entre les membres de la Famille salésienne.

P. Jose Kuruvachira, sdb




Les nouvelles salles de la Postulation générale salésienne

Le 4 juin 2024, les nouvelles salles de la Postulation générale salésienne situées dans la communauté « Zeffirino Namuncurà », Via della Bufalotta à Rome, ont été inaugurées et bénies par le Recteur Majeur, le Cardinal Ángel Fernández Artime.Dans le cadre du projet de restructuration du siège central, le Recteur Majeur et son Conseil ont décidé d’installer dans cette nouvelle présence salésienne à Rome les salles de la Postulation Générale des Salésiens.

            De Don Bosco à nos jours, nous reconnaissons une tradition de sainteté qui mérite l’attention, parce qu’elle est l’incarnation du charisme qui est né avec lui et qui s’est exprimé dans une pluralité d’états de vie et de formes. Il s’agit d’hommes et de femmes, de jeunes et d’adultes, de consacrés et de laïcs, d’évêques et de missionnaires qui, dans des contextes historiques, culturels et sociaux différents, dans le temps et dans l’espace, ont fait resplendir le charisme salésien d’une lumière singulière, représentant un patrimoine qui joue un rôle efficace dans la vie et la communauté des croyants et des personnes de bonne volonté. La Postulation suit 64 causes de béatification et de canonisation concernant 179 saints, bienheureux, vénérables et serviteurs de Dieu. Il est à noter qu’environ la moitié des groupes de la Famille salésienne (15 sur 32) ont au moins une Cause de béatification et de canonisation en cours.

Leprojet des travaux a été élaboré et supervisé par l’architecte Toti Cameroni. Après avoir identifié l’espace pour l’emplacement des salles de la Postulation, composé à l’origine d’un long et large couloir et d’un grand hall, la distribution des salles a été étudiée en fonction des exigences. La solution finale a été conçue et réalisée de la manière suivante :

La bibliothèque avec des étagères toute hauteur divisées en carrés de 40×40 cm qui couvrent entièrement les murs. L’objectif est de recueillir et de conserver les différentes publications sur les saints, sachant que la vie et les écrits des saints font l’objet depuis l’antiquité d’une lecture fréquente parmi les fidèles, suscitant la conversion et le désir d’une vie meilleure ; ils reflètent la splendeur de la bonté, de la vérité et de la charité du Christ. En outre, cet espace se prête également à la recherche personnelle, à l’accueil de groupes et de réunions.

            De là, on passe à l’accueil, qui se veut un espace de spiritualité et de méditation, comme dans les visites des monastères du Mont Athos, où l’hôte était d’abord introduit dans la chapelle des reliques des saints, car c’est là que se trouvait le cœur du monastère et c’est de là que venait l’incitation à la sainteté pour les moines. Dans cet espace, une série de petites vitrines éclairent des reliquaires ou des objets de valeur liés à la sainteté salésienne. Le mur de droite est tapissé de boiseries avec des panneaux interchangeables représentant certains saints, bienheureux, vénérables et serviteurs de Dieu de la Famille salésienne.

            Une porte permet d’accéder à la plus grande pièce de la postulation : les archives. Un compacteur de 640 mètres linéaires permet d’archiver un grand nombre de documents relatifs aux différents procès de béatification et de canonisation. Sous les fenêtres est placée une longue commode où on trouve des images et des ornements liturgiques.
            Un petit couloir partant de la réception, où l’on peut admirer des toiles et des peintures sur les murs, mène d’abord à deux bureaux lumineux et meublés, puis à la salle des reliques. Dans cet espace également, des meubles occupent les murs ; des armoires et des tiroirs accueillent les reliques et les ornements liturgiques.

Une salle de stockage et une petite pièce servant de pause-café complètent les salles de la postulation.
            L’inauguration et la bénédiction de ces salles nous rappellent que nous sommes dépositaires d’un patrimoine précieux qui mérite d’être connu et valorisé. Outre l’aspect liturgique et les célébrations, il nous faut valoriser pleinement le potentiel spirituel, pastoral, ecclésial, éducatif, culturel, historique, social et missionnaire des Causes des Saints. La sainteté reconnue ou en voie de reconnaissance, d’une part, est déjà une réalisation du radicalisme évangélique et de la fidélité au projet apostolique de Don Bosco, à considérer comme une ressource spirituelle et pastorale ; d’autre part, c’est une provocation à vivre fidèlement notre vocation afin d’être disponibles pour témoigner de l’amour jusqu’à l’extrême. Nos Saints, Bienheureux, Vénérables et Serviteurs de Dieu sont l’incarnation authentique du charisme salésien et des Constitutions et Règlements de nos Instituts et Groupes dans les situations et les temps les plus divers ; ils invitent à surmonter la mondanité et la superficialité spirituelles qui minent à la racine notre crédibilité et notre fécondité.
            L’expérience confirme de plus en plus que la promotion et le souci des Causes de béatification et de canonisation de notre Famille, la célébration chorale des événements liés à la sainteté, sont des dynamiques de grâce qui suscitent la joie évangélique et le sens de notre appartenance charismatique, renouvelant les intentions et les engagements de fidélité à l’appel reçu et générant la fécondité apostolique et vocationnelle. Les saints sont de véritables mystiques de la primauté de Dieu dans la générosité du don de soi, des prophètes de la fraternité évangélique, des serviteurs de leurs frères et sœurs avec créativité.

            Afin de promouvoir les causes de béatification et de canonisation de la Famille salésienne et de connaître de près l’héritage de sainteté qui a fleuri à partir de Don Bosco, la Postulation est disponible pour accueillir les personnes et les groupes qui souhaitent connaître et visiter cet espace, en offrant également la possibilité de mini-retraites avec des itinéraires sur des thèmes spécifiques et la présentation de documents, de reliques, d’objets significatifs. Pour plus d’informations, écrivez à postulatore@sdb.org.

Galerie de photos – Les nouvelles salles de la Postulation générale salésienne

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Les nouvelles salles de la Postulation générale salésienne
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