Entretien avec le Recteur Majeur, Don Fabio Attard

Nous avons réalisé un entretien exclusif avec le Recteur Majeur des Salésiens, Don Fabio Attard, qui revient sur les étapes fondamentales de sa vocation et de son parcours humain et spirituel. Sa vocation est née dans un oratoire et s’est consolidée à travers un parcours de formation riche qui l’a conduit de l’Irlande à la Tunisie, de Malte à Rome. De 2008 à 2020, il a été Conseiller général pour la Pastorale des Jeunes, fonction qu’il a exercée avec une vision multiculturelle acquise grâce à des expériences dans différents contextes. Son message central est la sainteté comme fondement de l’action éducative salésienne : « Je voudrais voir une Congrégation plus sainte », affirme-t-il, soulignant que l’efficacité professionnelle doit s’enraciner dans l’identité consacrée.

Quelle est l’histoire de ta vocation ?

Je suis né à Gozo, Malte, le 23 mars 1959, cinquième d’une fratrie de sept enfants. À ma naissance, mon père était pharmacien à l’hôpital, tandis que ma mère avait ouvert un petit magasin de tissus et de couture, qui s’est développé au fil du temps pour devenir une petite chaîne de cinq magasins. C’était une femme très travailleuse, mais l’entreprise est toujours restée familiale.

J’ai fréquenté l’école primaire et secondaire locale. Un élément très beau et particulier de mon enfance est que mon père était catéchiste laïc à l’oratoire, qui jusqu’en 1965 était dirigé par les salésiens. Ayant lui-même, dans sa jeunesse, fréquenté cet oratoire, il y était resté comme seul catéchiste laïc. Quand j’ai commencé à le fréquenter, à l’âge de six ans, les salésiens venaient de quitter l’œuvre. Un jeune prêtre (qui est toujours en vie) a pris la relève et a poursuivi les activités de l’oratoire dans le même esprit salésien, ayant lui-même vécu là en tant que séminariste.
On continuait avec le catéchisme, la bénédiction eucharistique quotidienne, le football, le théâtre, la chorale, les excursions, les fêtes… tout ce qu’on vit normalement dans un oratoire. Il y avait beaucoup d’enfants et d’adolescents, et j’ai grandi dans cet environnement. En pratique, ma vie se déroulait entre ma famille et l’oratoire. J’étais également enfant de chœur dans ma paroisse. Ainsi, à la fin de mes études secondaires, je me suis orienté vers la prêtrise, car depuis mon enfance, j’avais ce désir dans mon cœur.

Aujourd’hui, je me rends compte à quel point j’avais été influencé par ce jeune prêtre que j’admirais : il était toujours présent avec nous dans la cour, dans les activités de l’oratoire. Cependant, à cette époque, les salésiens n’étaient plus là. Alors je suis entré au séminaire, où l’on faisait alors deux ans de propédeutique en tant qu’internes. Au cours de la troisième année – qui correspondait à la première année de philosophie – j’ai rencontré un ami de la famille, âgé d’environ 35 ans, une vocation adulte, qui était entré comme aspirant salésien (il est encore en vie aujourd’hui et est coadjuteur). Quand il a fait cette démarche, un feu s’est allumé en moi et avec l’aide de mon directeur spirituel, j’ai commencé un discernement vocationnel.
Ce fut un parcours important mais aussi exigeant. J’avais 19 ans, mais ce guide spirituel m’a aidé à chercher la volonté de Dieu, et pas simplement la mienne. La dernière année – la quatrième de philosophie – au lieu de le suivre au séminaire, je l’ai vécue comme aspirant salésien, en terminant les deux années de philosophie requises.

Dans ma famille, l’environnement était fortement marqué par la foi. Nous participions chaque jour à la messe, nous récitions le chapelet à la maison, nous étions très unis. Aujourd’hui encore, bien que nos parents soient au paradis, nous conservons cette même unité entre frères et sœurs.

Une autre expérience familiale m’a profondément marqué, même si je ne m’en suis rendu compte qu’avec le temps. Mon frère, le deuxième de la famille, est mort à 25 ans d’une insuffisance rénale. Aujourd’hui, grâce aux progrès de la médecine, il serait encore en vie grâce à la dialyse et aux greffes, mais à l’époque, il n’y avait pas beaucoup de possibilités. J’ai été à ses côtés pendant les trois dernières années de sa vie, nous partagions la même chambre et je l’aidais souvent la nuit. C’était un jeune serein, joyeux, qui vivait sa fragilité avec une joie extraordinaire.
J’avais 16 ans quand il est mort. Cinquante ans ont passé, mais quand je repense à cette époque, à cette expérience quotidienne de proximité, faite de petits gestes, je réalise à quel point cela a marqué ma vie.

Je suis né dans une famille où régnaient la foi, le sens du travail et la responsabilité partagée. Mes parents sont pour moi deux exemples extraordinaires. Ils ont vécu le mystère de la croix avec une grande foi et dans une grande sérénité, sans jamais faire peser quoi que ce soit sur qui que ce soit, sachant transmettre en même temps la joie de la vie familiale. Je peux dire que j’ai eu une très belle enfance. Nous n’étions ni riches ni pauvres, mais toujours sobres et discrets. Ils nous ont appris à travailler, à bien gérer les ressources, à ne pas gaspiller, à vivre avec dignité, avec élégance et, surtout, avec une particulière attention envers les pauvres et les malades.

Comment ta famille a-t-elle réagi lorsque tu as pris la décision de suivre la vocation consacrée ?

Le moment était venu où, avec mon directeur spirituel, nous avions clarifié que ma voie était celle des salésiens. Je devais également l’annoncer à mes parents. Je me souviens que c’était une soirée tranquille, nous étions en train de dîner tous les trois. À un moment donné, j’ai dit : « J’ai quelque chose à vous dire : j’ai fait mon discernement et j’ai décidé d’entrer chez les salésiens. »
Mon père était ravi. Il m’a immédiatement répondu : « Que le Seigneur te bénisse. » Ma mère, en revanche, s’est mise à pleurer, un peu comme toutes les mères. Elle m’a demandé : « Alors tu t’en vas ? » Alors mon père est intervenu avec douceur et fermeté : « Qu’il s’éloigne de nous ou non, c’est son chemin. »
Ils m’ont béni et encouragé. Ce sont des moments qui restent gravés à jamais dans ma mémoire.

Je me souviens en particulier de ce qui s’est passé vers la fin de la vie de mes parents. Mon père est décédé en 1997, et six mois plus tard, on a découvert un cancer incurable chez ma mère.
À cette époque, mes supérieurs m’avaient demandé d’aller enseigner à l’Université Pontificale Salésienne (UPS), mais je ne savais pas quelle décision prendre. Ma mère n’allait pas bien, elle était proche de la mort. En discutant avec mes frères, ils m’ont dit : « Fais ce que tes supérieurs te demandent. »
J’étais à la maison et j’en ai parlé avec elle : « Maman, mes supérieurs me demandent d’aller à Rome. »
Avec la lucidité d’une vraie mère, elle m’a répondu : « Écoute, mon fils, si cela ne tenait qu’à moi, je te demanderais de rester ici, car je n’ai personne d’autre et je ne voudrais pas être un fardeau pour tes frères. Mais… » – et là, elle a dit une phrase que je garde dans mon cœur – « Tu n’es pas à moi, tu appartiens à Dieu. Fais ce que tes supérieurs te disent. »
Cette phrase, prononcée un an avant sa mort, est pour moi un trésor, un héritage précieux. Ma mère était une femme intelligente, sage, perspicace : elle savait que la maladie allait l’emporter, mais à ce moment-là, elle a su être libre intérieurement. Libre de dire des mots qui confirmaient une fois de plus le don qu’elle avait fait à Dieu : offrir un fils à la vie consacrée.

La réaction de ma famille, du début à la fin, a toujours été marquée par un profond respect et un grand soutien. Et aujourd’hui encore, mes frères et sœurs continuent à perpétuer cet esprit.

Quel a été ton parcours de formation depuis le noviciat jusqu’à aujourd’hui ?

Ce fut un parcours très riche et varié. J’ai commencé le pré-noviciat à Malte, puis j’ai fait mon noviciat à Dublin, en Irlande. Une expérience vraiment belle.

Après le noviciat, mes compagnons sont partis à Maynooth pour étudier la philosophie à l’université, mais j’avais déjà terminé ces études. C’est pourquoi mes supérieurs m’ont demandé de rester encore un an au noviciat, où j’ai enseigné l’italien et le latin. Ensuite, je suis retourné à Malte pour effectuer deux ans de stage, qui ont été très beaux et enrichissants.

J’ai ensuite été envoyé à Rome pour étudier la théologie à l’Université pontificale salésienne, où j’ai passé trois années extraordinaires. Ces années m’ont ouvert l’esprit. Nous vivions en communauté avec quarante confrères provenant de vingt pays différents : Asie, Europe, Amérique latine… Le corps enseignant était également international. C’était au milieu des années 1980, environ vingt ans après le Concile Vatican II, et on respirait encore beaucoup d’enthousiasme. Il y avait des débats théologiques animés, la théologie de la libération, l’intérêt pour la méthode et la pratique. Ces études m’ont appris à lire la foi non seulement comme un contenu intellectuel, mais comme un choix de vie.

Après ces trois années, j’ai poursuivi les études en faisant deux années de spécialisation en théologie morale à l’Académie Alphonsienne, avec les Pères rédemptoristes. Là aussi, j’ai rencontré des personnalités importantes, comme le célèbre Bernhard Häring, avec lequel j’ai noué une amitié personnelle et que j’allais voir régulièrement chaque mois pour discuter avec lui. Au total, ce furent cinq années – entre le baccalauréat et la licence – qui m’ont profondément formé sur le plan théologique.

Par la suite, m’étant porté volontaire pour les missions, mes supérieurs m’ont envoyé en Tunisie, avec un autre salésien, pour rétablir la présence salésienne dans le pays. Nous avons repris une école gérée par une congrégation féminine qui était sur le point de fermer faute de vocations. C’était une école de 700 élèves. Nous avons donc dû apprendre le français et aussi l’arabe. Pour nous préparer, nous avons passé quelques mois à Lyon, en France, puis nous nous sommes consacrés à l’étude de l’arabe.
Je suis resté là-bas trois ans. Ce fut une autre grande expérience, car nous nous sommes retrouvés à vivre la foi et le charisme salésien dans un contexte où l’on ne pouvait pas parler explicitement de Jésus. Cependant, il était possible de construire des parcours éducatifs fondés sur des valeurs humaines : le respect, la disponibilité, la vérité. Notre témoignage était silencieux mais éloquent. Dans cet environnement, j’ai appris à connaître et à aimer le monde musulman. Tous étaient musulmans, les élèves, les enseignants et les familles ; ils nous ont accueillis très chaleureusement. Ils nous ont fait sentir comme faisant partie de leur famille. Je suis retourné plusieurs fois en Tunisie et j’ai toujours rencontré le même respect et la même appréciation, au-delà de notre appartenance religieuse.

Après cette expérience, je suis retourné à Malte et j’ai travaillé pendant cinq ans dans le secteur social, plus précisément dans une maison salésienne qui accueille des jeunes ayant besoin d’un accompagnement éducatif plus attentif, y compris en internat.

Après ces huit années passées dans la pastorale (entre la Tunisie et Malte), on m’a proposé de terminer mon doctorat. J’ai choisi de retourner en Irlande, car le thème était lié à la conscience selon la pensée du cardinal John Henry Newman, aujourd’hui saint. Une fois mon doctorat terminé, le Recteur Majeur de l’époque, Don Juan Edmundo Vecchi – d’éternelle e mémoire – m’a demandé de rejoindre l’Université Pontificale Salésienne en tant que professeur de théologie morale.

En regardant tout mon parcours, depuis l’aspirantat jusqu’au doctorat, je peux dire que cela a été un ensemble d’expériences non seulement de contenus, mais aussi de contextes culturels très différents. Je remercie le Seigneur et la Congrégation, car ils m’ont offert la possibilité de vivre une formation aussi variée et riche.

Tu connais donc le maltais, qui est ta langue maternelle, l’anglais, qui est la deuxième langue à Malte, le latin, que tu as enseigné, l’italien, que tu as étudié en Italie, le français et l’arabe, que tu as appris à Manouba, en Tunisie… Combien de langues connais-tu ?

Cinq, six langues, plus ou moins. Mais quand on me pose la question, je réponds toujours que ce sont des coïncidences historiques.
À Malte, nous grandissons déjà avec deux langues : le maltais et l’anglais, et à l’école, nous apprenons une troisième langue. À mon époque, on enseignait aussi l’italien. Ensuite, j’étais naturellement porté vers les langues, et j’ai également choisi le latin. Plus tard, en Tunisie, j’ai dû apprendre le français et aussi l’arabe.

À Rome, en vivant avec de nombreux étudiants hispanophones, l’oreille s’habitue, et quand j’ai été élu conseiller pour la pastorale des jeunes, j’ai approfondi un peu l’espagnol, qui est une très belle langue.

Toutes les langues sont belles. Bien sûr, leur apprentissage demande un effort dans l’étude et dans la pratique. Certains ont plus de facilités que d’autres ; cela fait partie des dispositions personnelles. Mais ce n’est ni un mérite ni une faute. C’est simplement un don, une prédisposition naturelle.

De 2008 à 2020, tu as été conseiller général pour la pastorale des jeunes pendant deux mandats. Comment ton expérience t’a-t-elle aidé dans cette mission ?

Lorsque le Seigneur nous confie une mission, nous emportons avec nous tout le bagage d’expériences que nous avons accumulées au fil du temps.
Ayant vécu dans des contextes culturels différents, je ne courais pas le risque de tout voir à travers le filtre d’une seule culture. Je suis européen, je viens de la Méditerranée, d’un pays qui a été une colonie anglaise, mais j’ai eu la chance de vivre dans des communautés internationales et multiculturelles.

Les années d’études à l’UPS m’ont également beaucoup aidé. Nous avions des professeurs qui ne se limitaient pas à transmettre des contenus, mais qui nous apprenaient à faire la synthèse, à construire une méthode. Par exemple, si l’on étudiait l’histoire de l’Église, on comprenait à quel point il était essentiel de comprendre la patristique. Si l’on abordait la théologie biblique, on apprenait à la relier à la théologie sacramentelle, à la morale, à l’histoire de la spiritualité. En somme, on nous apprenait à penser de manière organique. Cette capacité de synthèse, cette architecture de la pensée, fait ensuite partie de votre formation personnelle. Quand on fait de la théologie, on apprend à identifier les points fixes et à les relier entre eux. Il en va de même pour une proposition pastorale, pédagogique ou philosophique. Quand on rencontre des personnes de grande envergure, on absorbe non seulement ce qu’elles disent, mais aussi la manière dont elles le disent, et cela forge ton style.

Un autre élément important est qu’au moment de mon élection, j’avais déjà vécu des expériences dans des milieux missionnaires, où la religion catholique était pratiquement absente, et j’avais travaillé avec des personnes marginalisées et vulnérables. J’avais également acquis une certaine expérience dans le monde universitaire et, parallèlement, je m’étais beaucoup consacré à l’accompagnement spirituel.

De plus, entre 2005 et 2008, juste après mon expérience à l’UPS, l’archidiocèse de Malte m’avait demandé de fonder un institut de formation pastorale, à la suite d’un synode diocésain qui en avait reconnu la nécessité. L’archevêque m’a confié la tâche de le mettre sur pied à partir de zéro. La première chose que j’ai faite a été de constituer une équipe composée de prêtres, de religieux, de laïcs, hommes et femmes. Nous avons mis en place une nouvelle méthode de formation, qui est encore utilisée aujourd’hui. L’institut continue de très bien fonctionner, et d’une certaine manière, cette expérience a été une préparation précieuse pour le travail que j’ai accompli par la suite dans la pastorale des jeunes.
Dès le début, j’ai toujours cru au travail d’équipe et à la collaboration avec les laïcs. Ma première expérience en tant que directeur s’est déroulée dans ce style : une équipe éducative stable, qu’on appellerait aujourd’hui une CEP (Communauté éducative et pastorale), avec des réunions régulières et non occasionnelles. Nous nous réunissions chaque semaine avec les éducateurs et les professionnels. Et cette approche, qui est devenue une méthode au fil du temps, est restée une référence pour moi.

À cela s’ajoute l’expérience universitaire. J’ai passé six ans comme professeur à l’Université pontificale salésienne, où arrivaient des étudiants de plus de cent pays, puis comme examinateur et directeur de thèses de doctorat à l’Académie Alphonsienne.

Je pense que tout cela m’a préparé à assumer cette responsabilité avec lucidité et vision de futur.

Ainsi, lorsque la Congrégation, lors du Chapitre général de 2008, m’a demandé d’assumer cette charge, j’avais déjà une vision large et multiculturelle. Cela m’a aidé, car mettre ensemble des diversités ne m’était pas difficile : cela faisait partie de la normalité. Bien sûr, il ne s’agissait pas simplement de faire un « mélange » d’expériences : il fallait trouver les fils conducteurs, donner une cohérence et une unité.

Ce que j’ai pu vivre en tant que Conseiller général n’est pas mon mérite personnel. Je crois que n’importe quel salésien, s’il avait eu les mêmes opportunités et le soutien de la Congrégation, aurait pu vivre des expériences similaires et apporter sa contribution avec générosité.

Y a-t-il une prière, une « bonne nuit » salésienne, une habitude que tu ne manques jamais de faire ?

La dévotion à Marie. À la maison, nous avons grandi avec le chapelet quotidien, récité en famille. Ce n’était pas une obligation, c’était quelque chose de naturel : nous le faisions avant de manger, car nous mangions toujours ensemble. À l’époque, c’était possible. Aujourd’hui, c’est peut-être moins le cas, mais à l’époque, c’était ainsi que nous vivions : la famille réunie, la prière partagée, le repas en commun.

Au début, je ne me rendais peut-être pas compte de la profondeur de cette dévotion mariale. Mais avec les années, quand on commence à distinguer l’essentiel du secondaire, j’ai compris à quel point cette présence maternelle avait accompagné ma vie.
La dévotion à Marie s’exprime sous différentes formes : le chapelet quotidien, lorsque c’est possible ; un moment de recueillement devant une image ou une statue de la Vierge Marie ; une prière simple, mais faite avec le cœur. Ce sont des gestes qui accompagnent le cheminement de la foi.

Bien sûr, il y a quelques points fixes : l’Eucharistie quotidienne et la méditation quotidienne. Ce sont des piliers qui ne se discutent pas, qui se vivent. Non seulement parce que nous sommes consacrés, mais parce que nous sommes croyants. On ne vit la foi qu’en la nourrissant. Quand nous la nourrissons, elle grandit en nous. Et ce n’est que si elle grandit en nous que nous pouvons aider les autres à grandir aussi. Pour nous, qui sommes éducateurs, c’est évident : si notre foi ne se traduit pas dans une vie concrète, tout le reste devient façade.

Ces pratiques – la prière, la méditation, la dévotion – ne sont pas réservées aux saints. Elles sont l’expression de la cohérence de notre vie. Si j’ai fait un choix de foi, j’ai aussi la responsabilité de le cultiver. Sinon, tout se réduit à quelque chose d’extérieur, d’apparent. Et cela, avec le temps, ne tient pas.

Si tu pouvais revenir en arrière, ferais-tu les mêmes choix ?

Oui, absolument. Il y a eu des moments très difficiles dans ma vie, comme pour tout le monde. Je ne veux pas passer pour la « victime du jour ». Je crois que chaque personne, pour grandir, doit traverser des phases d’obscurité, des moments de désolation, de solitude, où elle se sent trahie ou injustement accusée. J’ai vécu ces moments-là. Mais j’ai eu la chance d’avoir un directeur spirituel à mes côtés.

Quand on traverse certaines épreuves avec quelqu’un qui t’accompagne, on parvient à comprendre que tout ce que Dieu permet a un sens, un but. Et quand on sort de ce « tunnel », on découvre qu’on est une personne différente, plus mûre. C’est comme si, à travers cette épreuve, on était transformé.

Si j’étais resté seul, j’aurais risqué de prendre de mauvaises décisions, sans vision, aveuglé par la fatigue du moment. Quand on est en colère, quand on se sent seul, ce n’est pas le moment de prendre des décisions. C’est le moment de marcher, de demander de l’aide, de se faire accompagner.

Vivre certaines étapes avec l’aide de quelqu’un, c’est comme être une pâte mise au four : le feu la cuit, la mûrit. C’est pourquoi, à la question de savoir si je changerais quelque chose, ma réponse est non. Car même les moments les plus difficiles, même ceux que je ne comprenais pas, m’ont aidé à devenir la personne que je suis aujourd’hui.

Est-ce que je me sens quelqu’un de parfait ? Non. Mais je sens que je suis en chemin, chaque jour, essayant de vivre devant la miséricorde et la bonté de Dieu.

Et aujourd’hui, au moment où je donne cette interview, je peux dire sincèrement que je me sens heureux. Je n’ai peut-être pas encore pleinement compris ce que signifie être Recteur Majeur – cela prend du temps –, mais je sais que c’est une mission, pas une promenade. Cela comporte des difficultés. Cependant, je me sens aimé, estimé par mes collaborateurs et par toute la Congrégation.

Et tout ce que je suis aujourd’hui, je le dois à ce que j’ai vécu, même dans les passages les plus difficiles. Je ne les changerais pour rien au monde. Ils ont fait de moi ce que je suis.

As-tu un projet qui te tient particulièrement à cœur ?

Oui. Si je ferme les yeux et que j’imagine quelque chose que je désire vraiment, je voudrais voir une Congrégation plus sainte. Plus sainte. Plus sainte.

La première lettre de Don Pascual Chávez, intitulée « Soyez saints », m’a profondément inspiré en 2002. Cette lettre m’a touché au plus profond de moi-même, elle m’a marqué.
Les projets sont nombreux, tous valables, bien structurés, avec des visions vastes et profondes. Mais quelle valeur ont-ils s’ils sont menés par des personnes qui ne sont pas saintes ? Nous pouvons faire un excellent travail, nous pouvons même être appréciés – et cela n’est pas négatif en soi –, mais nous ne travaillons pas pour avoir du succès. Notre point de départ est une identité : nous sommes des personnes consacrées.

Ce que nous proposons n’a de sens que si cela vient de là. Il est clair que nous souhaitons que nos projets soient couronnés de succès, mais nous souhaitons encore plus qu’ils apportent la grâce, qu’ils touchent les gens au plus profond d’eux-mêmes. Il ne suffit pas d’être efficaces. Nous devons être efficaces au sens le plus profond du terme : efficaces dans notre témoignage, dans notre identité, dans notre foi.
L’efficacité peut exister même sans aucune référence religieuse. Nous pouvons être d’excellents professionnels, mais cela ne suffit pas. Notre consécration n’est pas un détail : c’est le fondement. Si elle devient marginale, si nous la mettons de côté pour faire place à l’efficacité, alors nous perdons notre identité.

Les gens nous observent. Dans les écoles salésiennes, on reconnaît que les résultats sont bons – et c’est une bonne chose. Mais nous reconnaissent-ils aussi comme des hommes de Dieu ? Telle est la question.
Si on nous voit seulement comme de bons professionnels, alors nous sommes efficaces et rien de plus. Mais notre vie doit se nourrir de Lui – Voie, Vérité et Vie – et non de ce que « je pense », ou de ce que « je veux », ou de « ce qui me semble ».

C’est pourquoi, plutôt que de parler d’un projet personnel, je préfère parler d’un désir profond : devenir saints. Et en parler de manière concrète, non idéalisée. Quand Don Bosco parlait à ses garçons du trinôme savoir-santé-sainteté, il ne visait pas une sainteté faite uniquement de prière à la chapelle. Il pensait à une sainteté vécue dans la relation avec Dieu et nourrie par la relation avec Dieu. La sainteté chrétienne est le reflet de cette relation vivante et quotidienne.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui s’interroge sur sa vocation ?

Je lui dirais de découvrir, pas à pas, quel est le projet de Dieu pour lui.
Le cheminement vocationnel n’est pas une question que l’on pose en attendant une réponse toute faite de la part de l’Église. C’est un pèlerinage. Quand un jeune me dit : « Je ne sais pas si je veux devenir salésien ou non », j’essaie de l’éloigner de cette formulation. Car il ne s’agit pas simplement de décider : « Je vais devenir salésien ». La vocation n’est pas une option par rapport à une « chose ».

Dans ma propre expérience, lorsque j’ai dit à mon directeur spirituel : « Je veux devenir salésien, je dois le devenir », il m’a fait réfléchir très calmement : « Est-ce vraiment la volonté de Dieu ? Ou est-ce seulement ton désir à toi ? »

Il est normal qu’un jeune cherche ce qu’il désire, c’est une bonne chose. Mais celui qui l’accompagne a pour tâche d’éduquer cette recherche, de transformer un enthousiasme initial en un cheminement de maturation intérieure.
« Tu veux faire du bien ? C’est bien. Alors, apprends à te connaître toi-même, reconnais que tu es aimé de Dieu. »
Ce n’est qu’à partir de cette relation profonde avec Dieu que peut émerger la vraie question : « Quel est le projet de Dieu pour moi ? »
Car ce que je désire aujourd’hui pourrait ne plus me suffire demain. Si la vocation se réduit à ce qui me « plaît », alors elle sera fragile. La vocation est plutôt une voix intérieure qui interpelle, qui demande d’entrer en dialogue avec Dieu et de répondre.

Quand un jeune arrive à ce stade, quand il est accompagné dans la découverte de cet espace intérieur où habite Dieu, alors il commence vraiment à cheminer.

C’est pourquoi celui qui l’accompagne doit être très attentif, profond, patient. Jamais superficiel.

L’Évangile d’Emmaüs en est une image parfaite. Jésus s’approche des deux disciples, il les écoute même s’il sait qu’ils parlent dans la confusion. Puis, après les avoir écoutés, il commence à parler. Et eux, à la fin, l’invitent : « Reste avec nous, car le soir tombe. »
Et ils le reconnaissent dans le geste de rompre le pain. Puis ils se disent : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous tandis qu’il nous parlait en chemin ? »

Aujourd’hui, beaucoup de jeunes sont en quête. Notre tâche, en tant qu’éducateurs, est de ne pas être pressés. Mais de les aider, avec calme et progressivement, à découvrir la grandeur qui est déjà dans leur cœur. Car c’est là, dans cette profondeur, qu’ils rencontrent le Christ. Comme le dit saint Augustin : « Tu étais en moi, et moi en dehors de moi. C’est là que je te cherchais. »

As-tu un message à transmettre aujourd’hui à la Famille salésienne ?

C’est le même message que j’ai partagé ces derniers jours, lors de la réunion du Conseil de la Famille salésienne : La foi. Enracinons-nous toujours plus dans la personne du Christ.

C’est de cet enracinement que naît une connaissance authentique de Don Bosco. Les premiers salésiens, lorsqu’ils ont voulu écrire un livre sur le vrai Don Bosco, ne l’ont pas intitulé « Don Bosco apôtre des jeunes », mais « Don Bosco avec Dieu » – un texte écrit par Don Eugenio Ceria en 1929.
Et cela nous fait réfléchir. Pourquoi eux, qui l’avaient vu à l’œuvre tous les jours, n’ont-ils pas choisi de mettre en avant le Don Bosco infatigable, organisateur, éducateur ? Non, ils ont voulu raconter le Don Bosco profondément uni à Dieu.
Ceux qui l’ont bien connu ne se sont pas arrêtés aux apparences, mais sont allés à la racine : Don Bosco était un homme immergé en Dieu.

À la Famille salésienne, je dis : nous avons reçu un trésor. Un immense don. Mais tout don implique une responsabilité.
Dans mon discours final, j’ai dit : « Il ne suffit pas d’aimer Don Bosco, il faut le connaître. »
Et nous ne pouvons vraiment le connaître que si nous sommes des personnes de foi.

Nous devons le regarder avec les yeux de la foi. C’est seulement ainsi que nous pouvons rencontrer le croyant qu’était Don Bosco, en qui le Saint-Esprit a agi avec force : avec dynamis, avec charis, avec charisme, avec grâce.
Nous ne pouvons pas nous limiter à répéter certaines de ses maximes ou à raconter ses miracles. Car nous courons le risque de nous arrêter aux anecdotes de Don Bosco, au lieu de nous arrêter à l’histoire de Don Bosco, car Don Bosco est plus grand que Don Bosco.
Cela signifie étudier, réfléchir, approfondir. Cela signifie éviter toute superficialité.

Et alors nous pourrons dire en vérité : « Telle est ma foi, tel est mon charisme : enracinés dans le Christ, sur les pas de Don Bosco. »




Don Bosco et les processions eucharistiques

Un aspect peu connu mais important du charisme de saint Jean Bosco est celui des processions eucharistiques. Pour le saint des jeunes, l’Eucharistie n’était pas seulement une dévotion personnelle, mais un instrument pédagogique et un témoignage public. Dans un Turin en pleine transformation, Don Bosco a vu dans les processions une occasion de renforcer la foi des jeunes et d’annoncer le Christ dans les rues. L’expérience salésienne, poursuivie dans le monde entier, montre comment la foi peut s’incarner dans la culture et répondre aux défis sociaux. Aujourd’hui encore, vécues dans un climat d’authenticité et d’ouverture, ces processions peuvent devenir des signes prophétiques de foi.

Quand on parle de saint Jean Bosco (1815-1888), on pense immédiatement à ses oratoires populaires, à sa passion éducative pour les jeunes et à la famille salésienne née de son charisme. Moins connu, mais non moins décisif, est le rôle que la dévotion eucharistique — et en particulier les processions eucharistiques — a joué dans son œuvre. Pour Don Bosco, l’Eucharistie n’était pas seulement le cœur de la vie intérieure ; elle constituait aussi un puissant instrument pédagogique et un signe public de renouveau social dans un Turin en rapide transformation industrielle. Retracer le lien entre le saint des jeunes et les processions du Saint-Sacrement, c’est entrer dans un laboratoire pastoral où liturgie, catéchèse, éducation civique et promotion humaine s’entremêlent de manière originale et, parfois, surprenante.

Les processions eucharistiques dans le contexte du XIXe siècle
Pour comprendre Don Bosco, il faut se rappeler que le XIXe siècle italien a connu un intense débat sur le rôle public de la religion. Après l’époque napoléonienne et le mouvement du Risorgimento, les manifestations religieuses dans les rues des villes n’étaient plus une évidence : dans de nombreuses régions se profilait un État libéral, qui regardait avec suspicion toute expression publique du catholicisme, craignant les rassemblements de masse ou les résurgences « réactionnaires ». Les processions eucharistiques, cependant, conservaient une force symbolique très puissante : elles rappelaient la seigneurie du Christ sur toute la réalité et, en même temps, faisaient émerger une Église populaire, visible et incarnée dans les quartiers. C’est sur ce fond que se détache l’obstination de Don Bosco, qui n’a jamais renoncé à accompagner ses jeunes pour témoigner de la foi en dehors des murs de l’oratoire, que ce soit dans les rues de Valdocco ou dans les campagnes environnantes.

Dès ses années de formation au séminaire de Chieri, Giovanni Bosco a développé une sensibilité eucharistique à saveur « missionnaire ». Les chroniques racontent qu’il s’arrêtait souvent à la chapelle, après les cours, pour une longue prière devant le tabernacle. Dans les « Mémoires de l’Oratoire », il reconnaît lui-même avoir appris de son directeur spirituel, Don Cafasso, la valeur de « se faire pain » pour les autres. Contempler Jésus qui se donne dans l’Hostie signifiait, pour lui, apprendre la logique de l’amour gratuit. Cette ligne traverse toute son existence. « Restez amis de Jésus au Saint-Sacrement et de Marie Auxiliatrice », répétera-t-il aux jeunes, indiquant la communion fréquente et l’adoration silencieuse comme les piliers d’un chemin de sainteté laïque et quotidienne.

L’oratoire de Valdocco et les premières processions internes
Dans les premières années 1840 du XIXe siècle, l’oratoire de Turin ne possédait pas encore de véritable église. Les célébrations avaient lieu dans des baraques en bois ou dans des cours aménagées. Don Bosco, cependant, ne renonçait pas à organiser de petites processions internes, presque des « répétitions générales » de ce qui allait devenir une pratique stable. Les jeunes portaient des cierges et des étendards, chantaient des louanges mariales et, à la fin, s’arrêtaient autour d’un autel improvisé pour la bénédiction eucharistique. Ces premières tentatives avaient une fonction éminemment pédagogique : habituer les jeunes à une participation dévote mais joyeuse, unissant discipline et spontanéité. Dans le Turin ouvrier, où la misère débouchait souvent sur la violence, défiler en ordre avec le foulard rouge au cou était déjà un signal à contre-courant : c’était montrer que la foi pouvait éduquer au respect de soi et des autres.

Don Bosco savait bien qu’une procession ne s’improvise pas : il faut des signes, des chants, des gestes qui parlent au cœur avant même de parler à l’esprit. C’est pourquoi il s’occupait personnellement de l’explication des symboles. Le dais devenait l’image de la tente de la rencontre, signe de la présence divine qui accompagne le peuple en chemin. Les fleurs éparpillées le long du parcours rappelaient la beauté des vertus chrétiennes qui doivent orner l’âme. Les lampions, indispensables lors des sorties nocturnes, faisaient allusion à la lumière de la foi qui éclaire les ténèbres du péché. Chaque élément faisait l’objet d’un petit « sermon » convivial au réfectoire ou pendant la récréation, de sorte que la préparation logistique se mêlait à la catéchèse systématique. Le résultat ? Pour les jeunes, la procession n’était pas une obligation rituelle mais une occasion de fête pleine de sens.

L’un des aspects les plus caractéristiques des processions salésiennes était la présence de la fanfare formée par les élèves eux-mêmes. Don Bosco considérait la musique comme un antidote contre l’oisiveté et, en même temps, un puissant instrument d’évangélisation. « Une marche joyeuse bien exécutée, écrivait-il, attire les gens comme l’aimant attire le fer ». La fanfare précédait le Saint-Sacrement, alternant des morceaux sacrés et des airs populaires adaptés avec des textes religieux. Ce « dialogue » entre foi et culture populaire réduisait les distances avec les passants et créait autour de la procession une aura de fête partagée. Nombreux sont les chroniqueurs laïcs qui témoigneront avoir été « intrigués » par ce groupe de très jeunes musiciens disciplinés, si différent des fanfares militaires ou philharmoniques de l’époque.

Les processions comme réponse aux crises sociales
Le Turin du XIXe siècle a connu des épidémies de choléra (1854 et 1865), des grèves, des famines et des tensions anticléricales. Don Bosco a souvent réagi en proposant des processions extraordinaires de réparation ou de supplication. Pendant le choléra de 1854, il emmena les jeunes dans les rues les plus touchées, récitant à haute voix les litanies pour les malades et distribuant du pain et des médicaments. C’est à ce moment-là qu’est née la promesse — qui sera maintenue par la suite — de construire l’église de Marie Auxiliatrice : « Si la Madone sauve mes jeunes, je lui élèverai un sanctuaire ». Les autorités civiles, initialement opposées aux cortèges religieux par crainte de contagion, ont dû reconnaître l’efficacité du réseau d’assistance salésien, alimenté spirituellement précisément par les processions. L’Eucharistie, portée auprès des malades, devenait ainsi un signe tangible de la compassion chrétienne.

Contrairement à certains modèles dévotionnels confinés dans les sacristies, les processions de Don Bosco revendiquaient pour la foi un droit de citoyenneté dans l’espace public. Il ne s’agissait pas d’« occuper » les rues, mais de les restituer à leur vocation communautaire. Passer sous les balcons, traverser les places et les arcades, c’était rappeler que la ville n’est pas seulement un lieu d’échanges économiques ou de conflits politiques, mais aussi de rencontre fraternelle. C’est pourquoi Don Bosco insistait sur un ordre impeccable : manteaux brossés, chaussures propres, rangs réguliers. Il voulait que l’image de la procession communique beauté et dignité, persuadant même les observateurs les plus sceptiques que la proposition chrétienne élevait la personne.

L’héritage salésien des processions
Après la mort de Don Bosco, ses fils spirituels ont diffusé la pratique des processions eucharistiques dans le monde entier, depuis les écoles agricoles de l’Émilie jusqu’aux missions de Patagonie, des collèges asiatiques aux quartiers ouvriers de Bruxelles. Ce qui importait n’était pas de répéter servilement un rite piémontais, mais de transmettre son noyau pédagogique : le protagonisme des jeunes, la catéchèse symbolique, l’ouverture à la société environnante. C’est ainsi qu’en Amérique latine, les salésiens ont inséré des danses traditionnelles au début du cortège ; en Inde, ils ont adopté des tapis de fleurs selon l’art local ; en Afrique subsaharienne, ils ont alterné des chants grégoriens et les rythmes polyphoniques des tribus. L’Eucharistie devenait un pont entre les cultures, réalisant le rêve de Don Bosco de « faire de tous les peuples une seule famille ».

Sur le plan théologique, les processions de Don Bosco incarnent une forte vision de la présence réelle du Christ. Porter le Saint-Sacrement « dehors » signifie proclamer que le Verbe ne s’est pas fait chair pour rester enfermé, mais pour « planter sa tente parmi nous » (cf. Jn 1,14). Cette présence demande à être annoncée sous des formes compréhensibles, sans se réduire à un geste intimiste. Chez Don Bosco, la dynamique centripète de l’adoration (rassembler les cœurs autour de l’Hostie) génère une dynamique centrifuge : les jeunes, nourris à l’autel, se sentent envoyés pour servir. De la procession découlent des micro-engagements : assister un camarade malade, pacifier une dispute, étudier avec plus de diligence. L’Eucharistie se prolonge dans les « processions invisibles » de la charité quotidienne.

Aujourd’hui, dans des contextes sécularisés ou multireligieux, les processions eucharistiques peuvent soulever des questions : sont-elles encore communicatives ? Ne risquent-elles pas d’apparaître comme un folklore nostalgique ? L’expérience de Don Bosco suggère que la clé réside dans la qualité relationnelle plus que dans la quantité d’encens ou de parements. Une procession qui implique les familles, explique les symboles, intègre des langages artistiques contemporains, et surtout comporte des gestes concrets de solidarité, conserve une force prophétique surprenante. Le récent Synode sur les jeunes (2018) a rappelé à plusieurs reprises l’importance de « sortir » et de « montrer la foi dans la chair ». La tradition salésienne, avec sa liturgie itinérante, offre un paradigme déjà éprouvé d’une « Église en sortie ».

Les processions eucharistiques n’étaient pas pour Don Bosco de simples traditions liturgiques, mais de véritables actes éducatifs, spirituels et sociaux. Elles représentaient une synthèse entre foi vécue, communauté éducatrice et témoignage public. À travers elles, Don Bosco formait des jeunes capables d’adorer, de respecter, de servir et de témoigner.
Aujourd’hui, dans un monde fragmenté et distrait, reproposer la valeur des processions eucharistiques à la lumière du charisme salésien peut être un moyen efficace de retrouver le sens de l’essentiel : le Christ présent au milieu de son peuple, qui marche avec lui, l’adore, le sert et l’annonce.
À une époque qui recherche l’authenticité, la visibilité et les relations, la procession eucharistique – si elle est vécue selon l’esprit de Don Bosco – peut être un signe puissant d’espérance et de renouveau.

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Avec Nino Baglieri, pèlerin de l’Espérance, sur le chemin du Jubilé

Le parcours du Jubilé 2025, dédié à l’Espérance, trouve un témoin lumineux dans l’histoire du Serviteur de Dieu Nino Baglieri. De la chute dramatique qui le rendit tétraplégique à dix-sept ans jusqu’à sa renaissance intérieure en 1978, Baglieri est passé de l’ombre du désespoir à la lumière d’une foi active, transformant son lit de douleur en chaire de joie. Son histoire tisse les cinq signes jubilaires – pèlerinage, porte, profession de foi, charité et réconciliation – montrant que l’espérance chrétienne n’est pas une fuite, mais une force qui ouvre l’avenir et soutient chaque chemin.

1. L’espérance comme attente
            L’espérance, selon le dictionnaire en ligne Treccani, est un sentiment d’« attente confiante dans la réalisation, présente ou future, de ce que l’on désire ». L’étymologie du substantif « espérance » vient du latin spes, lui-même dérivé de la racine sanskrite spa– qui signifie tendre vers un but. En espagnol, « espérer » et « attendre » se traduisent par le verbe esperar, qui rassemble en un seul terme les deux significations, comme si on ne pouvait attendre que ce que l’on espère. Cet état d’esprit nous permet d’affronter la vie et ses défis avec courage et une lumière toujours ardente dans le cœur. L’espérance s’exprime – en positif ou en négatif – aussi dans certains proverbes populaires : « L’espérance est la dernière à mourir », « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir », « Qui vit d’espérance meurt désespéré ».
            Comme s’il avait voulu recueillir ce sentiment universel concernant l’espérance, mais conscient de devoir aider à redécouvrir l’espérance dans sa dimension la plus pleine et vraie, le pape François a voulu consacrer le Jubilé ordinaire de 2025 à l’Espérance. Spes non confundit (L’espérance ne déçoit pas) est la bulle d’indiction de ce Jubilé. Mais déjà en 2014 il disait : « La résurrection de Jésus n’est pas la fin heureuse d’un beau conte, ce n’est pas le happy end d’un film ; mais c’est l’intervention de Dieu le Père là où l’espérance humaine s’effondre. Quand tout semble perdu, dans la douleur, où tant de personnes ressentent le besoin de descendre de la croix, c’est le moment le plus proche de la résurrection. La nuit devient plus sombre juste avant que le matin commence, avant que la lumière commence. Au moment le plus sombre, Dieu intervient et ressuscite » (cf. Audience du 16 avril 2014).
            C’est dans ce contexte que s’insère parfaitement l’histoire du Serviteur de Dieu Nino Baglieri (Modica, 1er mai 1951 – 2 mars 2007). Jeune maçon de dix-sept ans, tombé d’un échafaudage haut de dix-sept mètres à cause de la rupture soudaine d’une planche, il s’écrasa au sol et devint tétraplégique. Depuis cette chute, le 6 mai 1968, il ne pouvait bouger que la tête et le cou, dépendant à vie des autres pour tout, même pour les choses les plus simples et humbles. Nino ne pouvait même pas serrer la main d’un ami ou caresser sa mère… et voyait s’évanouir la possibilité de réaliser ses rêves. Quelle espérance de vie a maintenant ce jeune ? Dans quels sentiments peut-il affronter la situation ? Quel avenir l’attend ? La première réponse de Nino fut le désespoir, l’obscurité totale face à une quête de sens sans réponse. D’abord un long pèlerinage dans des hôpitaux de différentes régions italiennes, puis la compassion des amis et connaissances qui le conduisent à se rebeller et à s’enfermer dans dix longues années de solitude et de colère, tandis que le tunnel de la vie devient de plus en plus profond.
            Dans la mythologie grecque, Zeus confie à Pandore un vase contenant tous les maux du monde. Une fois ouvert, les hommes perdent l’immortalité et commencent une vie de souffrance. Pour les sauver, Pandore ouvre de nouveau le vase et libère elpis, l’espérance, restée au fond : c’était le seul antidote aux afflictions de la vie. En regardant plutôt vers le Donateur de tout bien, nous savons que « l’espérance ne déçoit pas » (Rm 5,5). Le pape François écrit dans Spes non confundit : « Sous le signe de cette espérance, l’apôtre Paul insuffle courage à la communauté chrétienne de Rome […]. Tous espèrent. Dans le cœur de chaque personne est enfermée l’espérance comme désir et attente du bien, sans savoir ce que demain apportera. L’imprévisibilité du futur suscite cependant des sentiments parfois opposés qui vont de la confiance à la crainte, de la sérénité au découragement, de la certitude au doute. Nous rencontrons souvent des personnes découragées, qui regardent l’avenir avec scepticisme et pessimisme, comme si rien ne pouvait leur offrir le bonheur. Que le Jubilé soit pour tous une occasion de raviver l’espérance » (ibid., 1).

2. Le Témoin du « désespoir » devient « ambassadeur » de l’espérance
            Revenons à l’histoire de notre Serviteur de Dieu, Nino Baglieri.
            Il faut dix longues années avant que Nino ne sorte du tunnel du désespoir, que les ténèbres épaisses se dissipent et que la Lumière entre. C’était l’après-midi du 24 mars, Vendredi saint 1978, lorsque le père Aldo Modica, avec un groupe de jeunes, se rendit chez Nino, sollicité par sa mère Peppina et par quelques personnes fréquentant le chemin du Renouveau dans l’Esprit, alors à ses débuts dans la paroisse salésienne voisine. Nino écrit : « Pendant qu’ils invoquaient l’Esprit Saint, j’ai ressenti une sensation étrange, une grande chaleur envahissait mon corps, un fort picotement dans toutes mes membres, comme si une nouvelle force entrait en moi et que quelque chose de vieux en sortait. À ce moment-là, j’ai dit mon “oui” au Seigneur, j’ai accepté ma croix et je suis né à une vie nouvelle, je suis devenu un homme nouveau. Dix ans de désespoir effacés en quelques instants, car une joie inconnue est entrée dans mon cœur. Je désirais la guérison de mon corps, mais le Seigneur me gratifiait d’une joie encore plus grande : la guérison spirituelle ».
            Commence alors pour Nino un nouveau chemin : de « témoin du désespoir » il devient « pèlerin de l’espérance ». Non plus isolé dans sa petite chambre, mais « ambassadeur » de cette espérance, il raconte son vécu à travers une émission diffusée par une radio locale et – grâce encore plus grande – le bon Dieu lui donne la joie de pouvoir écrire avec la bouche. Nino raconte : « En mars 1979, le Seigneur m’a fait un grand miracle : j’ai appris à écrire avec la bouche. Voici comment j’ai commencé. J’étais avec mes amis qui faisaient leurs devoirs, j’ai demandé qu’on me donne un crayon et un cahier, j’ai commencé à faire des signes et à dessiner quelque chose, puis j’ai découvert que je pouvais écrire et j’ai commencé à écrire ». Il commence alors à rédiger ses mémoires et à avoir des contacts par lettre avec des personnes de toutes catégories et de différentes parties du monde, des milliers de lettres encore conservées aujourd’hui. L’espérance retrouvée le rend créatif. Nino redécouvre le goût des relations et veut devenir – autant que possible – indépendant : avec l’aide d’une baguette qu’il utilise avec la bouche, et d’un élastique fixé au téléphone, il compose les numéros pour communiquer avec beaucoup de personnes malades, pour leur adresser un mot de réconfort. Il découvre une nouvelle manière d’affronter sa condition de souffrance, qui le fait sortir de l’isolement et le conduit à devenir témoin de l’Évangile de la joie et de l’espérance : « Maintenant, il y a beaucoup de joie dans mon cœur, en moi il n’y a plus de douleur, dans mon cœur il y a Ton amour. Merci Jésus mon Seigneur. De mon lit de douleur je veux te louer et de tout mon cœur te remercier parce que tu m’as appelé à connaître la vie, à connaître la vraie vie ».
            Nino a changé de perspective, il a opéré un virage à 360° – le Seigneur lui a offert la conversion – il a placé sa confiance en ce Dieu miséricordieux qui, à travers la « malchance », l’a appelé à travailler dans sa vigne, pour être signe et instrument de salut et d’espérance. Ainsi, beaucoup de personnes qui venaient le voir pour le consoler en ressortaient consolées, les larmes aux yeux. Elles ne trouvaient pas sur ce petit lit un homme triste et abattu, mais un visage souriant qui dégageait – malgré tant de souffrances, dont les plaies et les problèmes respiratoires – la joie de vivre : le sourire était une constante sur son visage et Nino se sentait « utile dans un lit de croix ». Nino Baglieri est l’opposé de beaucoup de personnes d’aujourd’hui, toujours à la recherche du sens de la vie, qui visent le succès facile et le bonheur des choses éphémères et sans valeur, vivent en ligne, consomment la vie en un clic, veulent tout et tout de suite mais ont les yeux tristes, éteints. Nino, en apparence, n’avait rien, pourtant il avait la paix et la joie dans le cœur. Il n’a pas vécu isolé, mais soutenu par l’amour de Dieu exprimé par l’étreinte et la présence de toute sa famille et de plus en plus de personnes qui le connaissent et entrent en relation avec lui.

3. Raviver l’espérance
            Construire l’espérance, c’est chaque fois que je ne me contente pas de ma vie et que je m’engage à la changer. Chaque fois que je ne me laisse pas endurcir par les expériences négatives et que j’empêche qu’elles me rendent méfiant. Chaque fois que je tombe et que j’essaie de me relever, que je ne permets pas aux peurs d’avoir le dernier mot. Chaque fois que, dans un monde marqué par les conflits, je choisis la confiance avec le désir de la relancer toujours, avec tous. Chaque fois que je ne fuis pas le rêve de Dieu qui me dit : « je veux que tu sois heureux », « je veux que tu aies une vie pleine… pleine aussi de sainteté ». Le sommet de la vertu de l’espérance est en effet un regard vers le Ciel pour bien habiter la terre ou, comme dirait Don Bosco, marcher avec les pieds sur la terre et le cœur au Ciel.
            Dans ce sillon d’espérance s’accomplit le jubilé qui, avec ses signes, nous demande de nous mettre en route, de franchir certaines frontières.
            Premier signe : le pèlerinage. Quand on se déplace d’un lieu à un autre, on est ouvert à la nouveauté, au changement. Toute la vie de Jésus a été « une mise en route », un chemin d’évangélisation qui s’accomplit dans le don de la vie puis au-delà, dans la Résurrection et l’Ascension.
            Deuxième signe : la porte. En Jn 10,9 Jésus affirme : « Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira et trouvera un pâturage ». Passer la porte, c’est se laisser accueillir, être communauté. Dans l’évangile, on parle aussi de la « porte étroite » : le Jubilé devient un chemin de conversion.
            Troisième signe : la profession de foi. Il s’agit d’exprimer l’appartenance au Christ et à l’Église en le déclarant publiquement.
            Quatrième signe : la charité. La charité est le mot de passe pour le ciel. En 1 P 4,8 nous lisons cette exhortation de l’apôtre Pierre : « Gardez entre vous une grande charité, car la charité couvre une multitude de péchés ».
            Cinquième signe :la réconciliation et l’indulgence jubilaire. Le jubilé est un « temps favorable » (cf. 2Co 6,2) qui nous permet d’expérimenter la grande miséricorde de Dieu et de parcourir des chemins de rapprochement et de pardon envers nos frères ; de vivre la prière du Notre Père où l’on demande : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». C’est devenir des créatures nouvelles.
            Dans la vie de Nino, il y a aussi des épisodes qui le rattachent – grâce au « fil » de l’espérance – à ces dimensions jubilaires. Par exemple, le repentir pour quelques bêtises de son enfance. Il raconte qu’à trois, « nous volions dans la sacristie les offrandes des messes, qui nous servaient à jouer au baby-foot. Quand on rencontre de mauvaises compagnies, elles te mènent sur de mauvais chemins. De plus, l’un de nous a pris le trousseau de clés de l’Oratoire et l’a caché dans mon sac d’école qui était dans le bureau ; ils ont trouvé les clés, ont appelé les parents, nous ont donné deux gifles et nous ont exclus de l’école. Quelle honte ! ». Mais surtout dans la vie de Nino, il y a la charité : aider le frère pauvre, celui qui est dans l’épreuve physique et morale, se rendre proche de ceux qui ont aussi des difficultés psychologiques et atteindre par écrit nos frères en prison pour leur témoigner la bonté et l’amour de Dieu. Nino, qui avant la chute avait été maçon, a dit : « J’aimais construire de mes mains quelque chose qui reste dans le temps. Même maintenant, écrit-il, je me sens un maçon qui travaille dans le Royaume de Dieu, pour laisser quelque chose qui dure dans le temps, pour voir les Œuvres Merveilleuses que Dieu accomplit dans notre Vie ». Il ajoute cette confidence : « Mon corps semble mort, mais dans ma poitrine mon cœur continue de battre. Mes jambes ne bougent pas, et pourtant, à travers le monde, je marche ».

4. Pèlerin en marche vers le ciel
            Nino, devenu coopérateur salésien de la grande Famille Salésienne, conclut son « pèlerinage » terrestre le vendredi 2 mars 2007 à 8h00 du matin, à seulement 55 ans, dont 39 passés comme tétraplégique entre le lit et le fauteuil roulant, après avoir demandé pardon à sa famille pour les difficultés qu’elle a dû affronter à cause de sa condition. Il quitte la scène du monde en survêtement et baskets, comme il l’avait expressément demandé, pour courir dans les prairies vertes fleuries et sautiller comme une biche le long des cours d’eau. Nous lisons dans son Testament spirituel : « Je ne finirai jamais de te remercier, ô Seigneur, de m’avoir appelé à Toi à travers la Croix le 6 mai 1968. Une croix lourde pour mes jeunes forces… ». Le 2 mars, la vie – don continu qui part des parents et est peu à peu nourri avec émerveillement et beauté – offre à Nino Baglieri son plus beau cadeau : l’étreinte de son Seigneur et Dieu, accompagné de la Vierge Marie.
            À l’annonce de son départ, un chœur unanime s’élève de tous côtés : « un saint est mort », un homme qui a fait de son lit de croix l’étendard de la vie pleine, un don pour tous. Donc un grand témoin de l’espérance.
            Cinq ans après sa mort, comme prévu par les Normae Servandae in Inquisitionibus ab Episcopis faciendis in Causis Sanctorum de 1983, l’évêque du diocèse de Noto, à la demande du Postulateur général de la Congrégation Salésienne, après avoir consulté la Conférence épiscopale sicilienne et obtenu le Nihil obstat du Saint-Siège, ouvre l’enquête diocésaine pour la cause de béatification et canonisation du Serviteur de Dieu Nino Baglieri.
            Le procès diocésain, qui a duré 12 ans, s’est déroulé selon deux axes principaux : le travail de la Commission historique qui a recherché, collecté, étudié et présenté de nombreuses sources, surtout des écrits « du » et « sur » le Serviteur de Dieu ; le Tribunal ecclésiastique, responsable de l’enquête, qui a également entendu sous serment les divers témoins.
            Ce parcours s’est achevé le 5 mai 2024 en présence de Mgr Salvatore Rumeo, évêque actuel du diocèse de Noto. Quelques jours plus tard, les actes du procès ont été remis au Dicastère pour les Causes des Saints qui les a ouverts le 21 juin 2024. Début 2025, ce même Dicastère a décrété leur « validité juridique », permettant à la phase romaine de la Cause d’entrer dans le vif du sujet.
            Actuellement, la contribution à la Cause continue en faisant connaître la figure de Nino. Celui-ci a laissé à la fin de son chemin terrestre la recommandation suivante : « Ne me laissez pas sans rien faire. Je continuerai ma mission depuis le ciel. Je vous écrirai du Paradis ».
            Le chemin de l’espérance en sa compagnie devient ainsi désir du Ciel, quand « nous nous rencontrerons face à face avec la beauté infinie de Dieu (cf. 1Co 13,12) et pourrons lire avec une joyeuse admiration le mystère de l’univers, qui participera avec nous à la plénitude sans fin […]. En attendant, nous nous unissons pour prendre soin de cette maison qui nous a été confiée, sachant que ce qu’il y a de bon en elle sera accueilli dans la fête du ciel. Avec toutes les créatures, nous marchons sur cette terre en cherchant Dieu […]. Marchons en chantant ! » (cf. Laudato Si’, 243-244).

Roberto Chiaramonte




Neuvaine à Marie Auxiliatrice 2025

Cette neuvaine à Marie Auxiliatrice 2025 nous invite à nous redécouvrir enfants sous le regard maternel de Marie. Chaque jour, à travers les grandes apparitions – de Lourdes à Fatima, de Guadalupe à Banneaux – nous contemplons un aspect de son amour : humilité, espérance, obéissance, émerveillement, confiance, consolation, justice, douceur, rêve. Les méditations du Recteur Majeur et les prières des « enfants » nous accompagnent dans un chemin de neuf jours qui ouvre le cœur à la foi simple des petits, nourrit la prière et encourage à construire, avec Marie, un monde guéri et plein de lumière, pour nous et pour tous ceux qui cherchent l’espérance et la paix.

Jour 1
Être fils et filles – Humilité et foi

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Lourdes
La petite Bernadette Soubirous
11 février 1858. Je venais d’avoir 14 ans. C’était un matin comme les autres, un jour d’hiver. Nous avions faim, comme toujours. Il y avait cette grotte, avec une bouche noire. Dans le silence j’ai senti comme un grand souffle. Le buisson s’est mis à bouger ; une force le secouait. Et puis j’ai vu une jeune femme, blanche, pas plus grande que moi, qui m’a saluée en inclinant légèrement la tête ; en même temps, elle écartait un peu ses bras tendus et en ouvrant ses mains, comme les statues de la Sainte Vierge. J’avais peur. Puis il m’est venu à l’esprit de prier : j’ai pris le chapelet que j’ai toujours sur moi et j’ai commencé à le réciter.

Marie se montre à sa fille Bernadette Soubirous. À elle qui ne savait ni lire ni écrire, à elle qui parlait en dialecte et n’allait pas au catéchisme. Une pauvre fille, intimidée par tout le monde dans le pays, mais prête à faire confiance et à se confier, comme ceux qui n’ont rien. Et rien à perdre. Marie lui confie ses secrets, et elle le fait parce qu’elle lui fait confiance. Elle la traite avec amour, elle s’adresse à elle avec gentillesse, elle lui dit : « S’il vous plaît ». Et Bernadette s’abandonne et la croit, comme un petit enfant envers sa mère. Elle croit en la promesse que la Vierge lui fait, de ne pas la rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre. Et elle se souviendra de cette promesse pour le reste de sa vie. Une promesse qui lui permettra d’affronter toutes les difficultés de front, avec force et détermination, en faisant ce que la Vierge lui a demandé : prier, prier toujours pour nous tous, pécheurs. Elle promet, elle aussi : elle garde les secrets de Marie et répond à sa demande d’un sanctuaire sur le lieu de l’apparition. Et à l’article de la mort, Bernadette sourit, en repensant au visage de Marie, à son regard plein d’amour, à ses silences, à ses quelques paroles, intenses, et surtout à la fameuse promesse. Et elle se sent toujours fille, fille d’une Mère qui tient ses promesses.

Marie, une Mère qui promet
Toi qui as promis de devenir la mère de l’humanité, tu es restée proche de tes enfants, en commençant par les plus petits et les plus pauvres. Tu t’es faite proche d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Ayez la foi : Marie se montre aussi à nous si nous savons nous dépouiller de tout.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Humilité et Foi

Nous pouvons dire que la Très Sainte Vierge Marie est pour nous un phare d’humilité et de foi qui accompagne les siècles, qui accompagne nos vies, qui accompagne l’expérience de chacun d’entre nous. N’oublions pas, cependant, que l’humilité de Marie n’est pas d’abord une simple modestie extérieure, ce n’est pas une façade, mais plutôt une conscience profonde de sa petitesse face à la grandeur de Dieu.

Son « Oui, voici la servante du Seigneur », qu’elle prononce devant l’ange, est un acte d’humilité, pas de présomption ; c’est l’abandon confiant de ceux qui se reconnaissent comme des instruments entre les mains de Dieu. Marie ne recherche pas de remerciements ; elle cherche simplement à être servante, en se plaçant à la dernière place en silence, avec une humilité, une simplicité qui nous désarme. Et c’est cette humilité radicale qui est la clé qui a ouvert le cœur de Marie à la Grâce divine, en laissant le Verbe de Dieu, avec sa grandeur, avec son immensité, s’incarner en son sein maternel.

Marie nous apprend à nous présenter tels que nous sommes, humblement, sans orgueil. Il ne faut nous appuyer sur notre autorité personnelle, notre autoréférentialité, mais nous tenir librement devant Dieu pour pouvoir être pleinement disponibles, comme Marie, et vivre avec amour selon sa volonté. Là est donc la foi de Marie. L’humilité de la servante la place sur un chemin constant d’adhésion inconditionnelle au dessein de Dieu, même dans les moments les plus sombres et les plus incompréhensibles. Cela signifie affronter courageusement la pauvreté de son expérience de la grotte de Bethléem, de la fuite en Égypte, de la vie cachée à Nazareth, mais surtout au pied de la croix, où la foi de Marie atteint son apogée.

Là, sous la croix, le cœur transpercé par la douleur, Marie ne vacille pas, Marie ne tombe pas, Marie croit à la promesse. Sa foi n’est donc pas un sentiment passager, mais un roc solide sur lequel se fonde l’espérance de l’humanité, notre espérance. En Marie, l’humilité et la foi sont inextricablement liées.

Laissons cette humilité de Marie éclairer notre terre humaine, pour que la foi puisse germer aussi en nous. En reconnaissant notre petitesse devant Dieu, nous ne nous laissons pas aller par le fait que nous sommes petits. Nous ne nous laissons pas abattre par des présomptions, mais nous nous tenons, comme Marie, dans une attitude de grande liberté, de grande disponibilité, en reconnaissant que nous dépendons de Dieu. Nous vivons avec Dieu dans la simplicité, mais en même temps dans la grandeur.

Marie nous exhorte donc à cultiver une foi sereine et ferme, capable de surmonter les épreuves et de faire confiance aux promesses de Dieu. Contemplons la figure de Marie, humble et croyante, afin de pouvoir, nous aussi, dire généreusement notre « oui », comme elle.

Et nous, sommes-nous capables de saisir ses promesses d’amour avec les yeux d’un petit enfant ?

La prière d’un fils infidèle
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
clarifie mon cœur.
Rends-moi humble, petit, capable de me perdre dans ton étreinte de mère.
Aide-moi à redécouvrir l’importance du rôle d’un fils, et marque mes pas.
Tu promets, je promets dans un pacte que seuls mère et fils peuvent faire.
Je tomberai, mère, tu le sais.
Je ne tiendrai pas toujours mes promesses.
Je ne ferai pas toujours confiance.
Je ne réussirai pas toujours à te voir.
Mais toi, reste là, en silence, avec le sourire,
les bras tendus et les mains ouvertes.
Et moi, je prendrai le chapelet
et je prierai avec toi pour tous tes fils comme moi.

Ave Maria… Je vous salue, Marie…
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 2
Être fils et filles – Simplicité et espérance

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Fatima
Les petits bergers de Cova da Iria
À Cova da Iria, vers 13 heures, le ciel s’ouvre et le soleil apparaît. Soudain, vers 13h30, l’improbable se produit : devant une foule stupéfaite, le miracle le plus spectaculaire, le plus grandiose et le plus incroyable jamais survenu depuis les temps bibliques. Le soleil commence une danse effrénée et effrayante qui durera plus de dix minutes. Un temps interminable.

Trois petits bergers, simples et heureux, assistent et répandent le récit du miracle qui bouleverse des millions de personnes. Personne ne peut l’expliquer, des scientifiques aux hommes de foi. Pourtant, trois enfants ont vu Marie, ils ont écouté son message. Et ils le croient ; ils croient aux paroles de cette femme qui s’est montrée à eux et leur a demandé de retourner à Cova da Iria tous les 13 du mois. Ils n’ont pas besoin d’explications parce qu’ils placent toute leur espérance dans les paroles répétées de Marie. Une espérance difficile à garder, qui aurait effrayé n’importe quel enfant : Notre-Dame révèle à Lucie, Jacinthe et François les souffrances et les conflits mondiaux. Mais ils n’éprouvent aucun doute : ceux qui font confiance à la protection de Marie, la Mère qui protège, peuvent tout affronter. Et ils le savent bien, eux qui l’ont vécu en personne, risquant d’être tués pour ne pas trahir la parole donnée à leur Maman du Ciel. Les trois petits bergers étaient prêts au martyre, emprisonnés et menacés devant une marmite d’huile bouillante.
Ils avaient peur :
« Pourquoi devons-nous mourir sans embrasser nos parents ? Moi, je voudrais voir maman. »
Pourtant, ils décidèrent d’espérer encore, croyant en un amour plus grand qu’eux-mêmes :
« N’aie pas peur. Offrons ce sacrifice pour la conversion des pécheurs. Ce serait pire si la Vierge ne revenait jamais. »
« Pourquoi ne récitons-nous pas le chapelet ? »

Une mère n’est jamais sourde au cri de ses enfants. C’est en elle que ses enfants mettent leur espérance.
Marie, la Mère qui protège, s’est tenue aux côtés de ses trois enfants de Fatima et les a sauvés en les gardant en vie.
Et aujourd’hui encore, Elle protège tous ses enfants dans le monde qui se rendent en pèlerinage au sanctuaire de Notre-Dame de Fatima.

Marie, une Mère qui protège
Toi qui prends soin de l’humanité dès l’instant de l’Annonciation, tu es restée proche de tes enfants les plus simples et les plus assoiffés d’espérance. Tu t’es faite proche d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Mettez votre espérance en Marie : elle saura vous protéger.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Espérance et Renouveau.

Contempler la figure de Marie, c’est comme tourner le regard vers un horizon lumineux, une invitation constante à croire en un avenir plein de grâce. Et cette grâce nous transforme. Marie est la personnification de l’espérance chrétienne en action. Sa foi inébranlable face aux épreuves, sa persévérance à suivre Jésus jusqu’à la croix, son attente confiante de la résurrection sont pour moi les choses les plus importantes. Elles sont pour nous un phare d’espérance pour toute l’humanité

En Marie, nous voyons combien la certitude est, pour ainsi dire, la confirmation de la promesse d’un Dieu qui ne manque jamais à sa parole, que la douleur, la souffrance, l’obscurité n’ont pas le dernier mot, que la mort est vaincue par la vie.

Marie est alors l’espérance. C’est l’étoile du matin qui annonce l’arrivée du soleil de justice. S’adresser à elle, c’est confier nos attentes, nos aspirations à un cœur maternel qui les présente avec amour à son Fils ressuscité. D’une certaine manière, notre espérance est soutenue par l’espérance de Marie. Et s’il y a l’espérance, alors les choses ne restent pas comme avant ; il y a du renouveau, le renouveau de la vie. En accueillant le Verbe incarné, Marie a rendu possible la foi en l’espérance et en la promesse de Dieu. Cela a rendu possible une nouvelle création, un nouveau départ.

La maternité spirituelle de Marie continue de nous engendrer dans la foi, en nous accompagnant sur notre chemin de croissance et de transformation intérieures.

Demandons à la Vierge Marie la grâce nécessaire pour que cette espérance, que nous voyons se réaliser en Elle, puisse renouveler nos cœurs, guérir nos blessures, nous faire passer au-delà du voile de la négativité pour nous engager sur un chemin de sainteté, un chemin de proximité avec Dieu. Demandons à Marie, à Elle, la Femme qui se tient en prière avec les apôtres, de nous aider aujourd’hui, croyants et communautés chrétiennes, afin que nous soyons soutenus dans la foi et ouverts aux dons de l’Esprit, et qu’ainsi, la face de la terre soit renouvelée.

Marie nous exhorte à ne jamais nous résigner au péché et à la médiocrité mais que, pleins de l’espérance qui l’a comblée Elle-même, nous désirions ardemment une vie nouvelle dans le Christ.

Que Marie continue d’être un modèle et un soutien pour nous permettre de continuer à croire en la possibilité d’un nouveau commencement, d’une renaissance intérieure qui nous conformera toujours plus à l’image de son Fils Jésus.

Et nous, sommes-nous capables, avec les yeux d’un enfant, d’espérer en Elle et de la laisser nous protéger ?

La prière d’un fils décourage
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
fais que mon cœur soit simple et plein d’espoir.
J’ai confiance en toi : protège-moi dans toutes les situations.
Je me confie à toi : protège-moi dans toutes les situations.
J’écoute ta parole : protège-moi dans toutes les situations.
Donne-moi la capacité de croire en l’impossible
et de faire tout ce qui est en mon pouvoir
pour apporter ton amour, ton message d’espérance
et ta protection au monde entier.
Et je t’en supplie, ma Mère, protège toute l’humanité,
même celle qui ne te reconnaît pas encore.

Ave Maria… Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 3
Être fils et filles – Obéissance et don de soi

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Guadalupe
Le jeune Juan Diego
Juan Diego, petit et favori de mes enfants, lui dit la Dame… » Juan se leva d’un bond.
« Où vas-tu, Juanito ? » demanda la Dame.
Juan Diego répondit aussi poliment qu’il le put. Il dit à la Dame qu’il se rendait à l’église de Santiago pour entendre la messe en l’honneur de la Mère de Dieu.
« Mon fils bien-aimé, je suis la Mère de Dieu, et je veux que tu m’écoutes attentivement. J’ai un message très important à te transmettre : je désire qu’une église soit construite ici en mon honneur, une église d’où je puisse montrer mon amour à ton peuple.

Un dialogue doux, simple et tendre comme celui d’une mère avec son enfant. Et Juan Diego obéit : il alla voir l’Évêque pour lui raconter ce qu’il avait vu ; mais l’Évêque ne le crut pas. Alors le jeune homme retourna vers Marie et lui expliqua ce qui s’était passé. La Madone lui donna un autre message en l’exhortant à essayer encore et encore. Juan Diego obéissait sans s’avouer vaincu : il accomplirait la tâche que la Mère du Ciel lui confiait. Mais un jour, pris par les problèmes de la vie, il était sur le point de manquer le rendez-vous avec la Madone : son oncle était mourant.
« Penses-tu vraiment que j’oublierais celui que j’aime tant ? » Marie guérit l’oncle, et Juan Diego obéissait une fois de plus.
« Mon cher enfant, répondit la Dame, monte au sommet de la colline où nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Coupe et cueille les roses que tu y trouveras. Mets-les dans ta « tilma » [ta cape] et apporte-les-moi ici. Je te dirai ce que tu devras faire et dire. »
Tout en sachant qu’aucune rose ne poussait sur cette colline, et certainement pas en hiver, Juan Diego courut jusqu’au sommet : il y avait là le plus beau jardin qu’il ait jamais vu. Des roses de Castille, encore brillantes de rosée, s’étendaient à perte de vue. Il coupa délicatement les plus beaux bourgeons avec son couteau de pierre, en remplit sa cape et retourna rapidement à l’endroit où la Dame l’attendait. La Dame prit les roses, les arrangea dans la « tilma » de Juan Diego qu’elle lui attacha autour du cou en disant : « C’est le signe que veut l’Évêque. Vite, va chez lui et ne t’arrête pas en chemin. »

L’image de la Vierge était apparue sur la cape ; et à la vue de ce miracle, l’Évêque fut convaincu. Et aujourd’hui, le sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe conserve encore l’effigie miraculeuse.

Marie, une Mère qui n’oublie pas
Toi qui n’oublies aucun de tes enfants, tu ne laisses personne de côté ; tu as jeté ton regard sur les jeunes qui ont placé en toi tous leurs espoirs. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Obéissez même quand vous ne comprenez pas : une mère n’oublie pas, une mère ne laisse pas seul.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Maternité et Compassion

La maternité de Marie ne s’épuise pas dans son « oui » qui a rendu possible l’Incarnation du Fils de Dieu. Certes, ce moment est le fondement de tout, mais sa maternité est une attitude constante, une façon d’être pour nous, d’être en relation avec l’humanité entière.

Jésus, sur la croix, lui confie Jean par ces mots : « Femme, voici ton fils », étendant symboliquement sa maternité aux croyants de tous les temps.  Marie devient ainsi la mère de l’Église, la mère spirituelle de chacun de nous.

Nous voyons alors comment cette maternité se manifeste dans des soins tendres et attentionnés, dans une attention constante aux besoins de ses enfants et dans un profond désir de leur bien-être. Marie nous accueille, nous nourrit avec son expression de fidélité, nous protège sous son manteau. La maternité de Marie est un don immense qui nous permet de nous rapprocher d’Elle, de ressentir une présence aimante qui nous accompagne à chaque instant.

La compassion de Marie est alors le corollaire naturel de sa maternité. Une compassion qui n’est pas simplement un sentiment superficiel de pitié, mais une participation profonde à la douleur des autres, une « souffrance avec ».  On la voit se manifester de manière touchante lors de la passion de son fils. Et de la même manière que Marie ne reste pas indifférente à notre douleur, elle intercède pour nous, elle nous console, elle nous offre son aide maternelle.

Le cœur de Marie devient alors un refuge sûr où nous pouvons déposer nos fatigues et trouver réconfort et espérance. La maternité et la compassion deviennent en Marie, pour ainsi dire, deux visages d’une même expérience humaine à notre profit, deux expressions de son amour infini pour Dieu et pour l’humanité.

Sa compassion est alors la manifestation concrète de son être de mère, compassion qui est une conséquence de la maternité. La contemplation de Marie comme mère ouvre alors notre cœur à l’espérance et trouve en elle une expérience vraiment complète : Maman du Ciel qui nous aime.

Demandons à Marie de la voir comme un modèle d’humanité authentique, d’une maternité capable de « sentir », d’aimer, de souffrir avec les autres, à l’exemple de son Fils Jésus, qui a souffert par amour pour nous et est mort sur la croix.

Et nous, sommes-nous sûrs qu’une mère n’oublie pas, sûrs comme le sont les petits enfants ?

La prière d’un fils perdu
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur obéissant.
Quand je ne t’écoute pas, insiste, je t’en prie.
Quand je ne reviens pas, viens me chercher, s’il te plaît.
Quand je ne me pardonne pas, enseigne-moi l’indulgence, je t’en prie.
Parce que nous, les humains, nous nous perdons
et nous nous perdrons toujours.
Mais toi, ne nous oublie pas, nous, tes enfants errants.
Viens nous chercher,
viens nous prendre par la main.
Nous ne voulons pas et nous ne pouvons pas rester seuls ici.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 4
Être fils et filles – émerveillement et réflexion

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de la Salette
Les petits Mélanie et Maximin de La Salette
Le samedi 19 septembre 1846, les deux enfants gravirent les pentes du mont Planeau tôt le matin, au-dessus du village de La Salette, conduisant chacun quatre vaches au pâturage. À mi-chemin, près d’une petite source, Mélanie fut la première à voir un globe de feu sur un tas de pierres « comme si le soleil y était tombé », et le montra à Maximin. Une femme commença à émerger de cette sphère lumineuse, la tête dans les mains, les coudes sur les genoux, profondément triste. Devant leur étonnement, la Dame se leva et, d’une voix douce, et en français, leur dit : « Approchez, mes enfants, n’ayez pas peur, je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle. » Encouragés, les enfants s’approchèrent et virent que « la belle Dame » pleurait.

Une mère annonce une grande nouvelle à ses enfants et le fait en pleurant. Pourtant, les enfants ne sont pas troublés par ses pleurs. Ils écoutent dans le plus tendre des moments entre une mère et ses enfants. Parce que même les mères sont parfois inquiètes, parce que les mères confient aussi leurs sentiments, leurs pensées et leurs réflexions à leurs enfants. Et Marie confie aux deux jeunes bergers, pauvres et privés d’affection, un grand message : « Je m’inquiète pour l’humanité, je m’inquiète pour vous, mes enfants, qui vous éloignez de Dieu. Et la vie loin de Dieu est une vie compliquée, difficile, faite de souffrances. » C’est pourquoi elle pleure. Elle pleure comme n’importe quelle mère et transmet à ses plus jeunes et plus purs enfants un message aussi étonnant que grand. Un message à annoncer à tous, à porter au monde.
Et ils le feront, parce qu’ils ne peuvent pas garder pour eux un si beau moment : l’expression de l’amour d’une mère pour ses enfants doit être annoncée à tous. Le Sanctuaire de Notre-Dame de La Salette, qui se dresse sur le lieu des apparitions, pose ses fondements sur la révélation de la douleur de Marie face au pèlerinage de ses enfants pécheurs.

Marie, une Mère qui annonce, qui raconte
Toi qui te donnes entièrement à tes enfants au point de ne pas avoir peur de leur parler de toi, tu as touché le cœur des plus petits de tes enfants, capables de réfléchir sur tes paroles et de les accueillir avec émerveillement. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Laissez-vous surprendre par les paroles d’une mère : elles seront toujours les plus authentiques.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Amour et Miséricorde

Sentons-nous cette dimension de Marie, ou plutôt ces deux dimensions ? Marie est la femme au cœur débordant d’amour, d’attention et même de miséricorde. Nous la ressentons comme un port d’attache, comme un havre de paix, lorsque nous traversons des moments de difficulté ou d’épreuve.

Contempler Marie, c’est comme s’immerger dans un océan de tendresse, de compassion. Nous nous sentons entourés de toute une atmosphère inépuisable de confort et d’espérance. L’amour de Marie est un amour maternel qui embrasse toute l’humanité, parce que c’est un amour qui plonge ses racines dans son « oui » inconditionnel au dessein de Dieu.

Marie, en accueillant son fils en son sein, a accueilli l’amour de Dieu. De ce fait, son amour ne connaît ni frontières ni distinctions ; il se penche sur les fragilités, les misères humaines, avec une infinie délicatesse. Nous le voyons se manifester dans son attention à Élisabeth, dans son intercession aux noces de Cana, dans sa présence silencieuse et extraordinaire au pied de la croix.

Ici, l’amour de Marie, cet amour maternel, est le reflet de l’amour de Dieu, un amour qui se fait proche, qui console, qui pardonne, qui ne se lasse jamais, qui ne finit jamais. Ici, Marie nous enseigne qu’aimer signifie se donner complètement, être proche de ceux qui souffrent, partager les joies et les peines de nos frères avec la même générosité et le même dévouement qui animaient son cœur : amour et miséricorde.

La miséricorde devient alors la conséquence naturelle de l’amour de Marie, une compassion, viscérale peut-on dire, face aux souffrances de l’humanité, du monde. Nous regardons Marie, nous la contemplons, nous la rencontrons avec son regard maternel que nous sentons se poser sur nos faiblesses, nos péchés, notre vulnérabilité, sans agressivité mais avec une douceur infinie. C’est un cœur immaculé, sensible à nos cris de douleur.

Marie est une mère qui ne juge pas, qui ne condamne pas, mais qui accueille, console et pardonne. Nous ressentons la miséricorde de Marie comme un baume pour les blessures de l’âme, une caresse qui réchauffe le cœur. Marie nous rappelle que Dieu est riche en miséricorde et qu’il ne se lasse pas de pardonner à ceux qui se tournent vers lui avec un cœur repenti, serein, ouvert et disponible.

L’amour et la miséricorde en la Vierge Marie se fondent dans une étreinte qui embrasse toute l’humanité.

Demandons à Marie de nous aider à ouvrir grand nos cœurs à l’amour de Dieu, comme elle l’a fait elle-même, à laisser cet amour envahir nos cœurs, surtout lorsque nous ployons sous le poids des épreuves et des difficultés. En Marie, nous trouvons une mère tendre et puissante, prête à nous accueillir dans son amour et à intercéder pour notre salut.

Et nous, sommes-nous encore capables de nous émerveiller comme un petit enfant devant l’amour de sa mère ?

La prière d’un fils éloigne
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de compassion et de conversion.
Dans le silence, je te retrouve.
Dans la prière, je t’écoute.
Dans la réflexion, je te découvre.
Et devant tes paroles d’amour, ô Mère, je suis émerveillé
et je découvre tes liens très forts avec l’humanité.
Loin de toi, qui me tient la main dans les moments difficiles ?
Loin de toi, qui me console dans mes pleurs ?
Loin de toi, qui me conseille quand je prends le mauvais chemin ?
Je reviens vers toi, dans l’unité de ma personne.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 5
Être fils et filles – confiance et prière

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

La médaille de Catherine
La petite Catherine Labouré
Dans la nuit du 18 juillet 1830, vers 23 h 30, elle s’entendit appeler par son nom. C’était un enfant qui lui disait : « Lève-toi et suis-moi ». Catherine le suivit. Toutes les lumières étaient allumées. La porte de la chapelle s’ouvrit dès que l’enfant l’eut touchée du bout des doigts. Catherine s’agenouilla.
À minuit, la Vierge Marie vint, s’assit sur le fauteuil qui était à côté de l’autel. « J’ai alors bondi à côté d’elle, à ses pieds, sur les marches de l’autel, et j’ai posé mes mains sur ses genoux », raconta Catherine. « Je suis restée comme ça, je ne sais pas combien de temps. Il m’a semblé que c’était le moment le plus doux de ma vie… »
« Dieu veut te confier une mission », dit la Vierge à Catherine.

Catherine, orpheline à l’âge de 9 ans, ne se résigne pas à vivre sans sa maman. Et elle se rapproche de la Maman du Ciel. La Vierge, qui portait déjà de loin son regard sur elle, ne l’abandonnerait jamais. Au contraire, elle avait de grands projets pour elle. Elle, une de ses filles attentive et aimante, aurait une grande mission à remplir : vivre une vie chrétienne authentique, une relation personnelle forte et solide avec Dieu. Marie croit au potentiel de son enfant et lui confie la Médaille Miraculeuse, capable d’intercéder et d’accomplir des grâces et des miracles. Une mission importante, un message difficile. Pourtant, Catherine ne se décourage pas ; elle se confie à sa Maman au Ciel dont elle sait qu’elle ne l’abandonnera jamais.

Marie, une Mère qui donne confiance
Toi qui fais confiance et confies des missions et des messages à chacun de tes enfants, tu les accompagnes sur leur chemin, dans une présence discrète, en restant proches de tous, mais surtout de ceux qui ont fait l’expérience de grandes souffrances. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Croyez-moi : une mère ne vous confiera jamais que des tâches que vous pouvez accomplir et vous accompagnera tout au long du chemin.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Confiance et Prière

La Vierge Marie se présente à nous comme la femme d’une confiance inébranlable, puissante en intercession. Ici, en contemplant ces deux aspects, la confiance et la prière, nous voyons deux dimensions fondamentales de la relation de Marie avec Dieu.

Nous pouvons dire que la confiance de Marie en Dieu est un fil d’or qui traverse toute son existence, du début à la fin. Ce « oui », prononcé en toute conscience des conséquences, est un acte d’abandon total à la volonté divine. Marie se confie, Marie vit sa confiance en Dieu avec un cœur ferme en la divine Providence, sachant que Dieu ne l’abandonnera jamais.

Et donc, pour nous, dans notre vie quotidienne, regarder Marie – un acte d’abandon qui n’est pas passif, mais actif et confiant – est une invitation, non pas à oublier nos angoisses, nos peurs mais, d’une certaine manière, à tout regarder à la lumière de l’amour de Dieu qui, dans le cas de Marie, n’a jamais failli, et pas même dans notre vie. Cette confiance conduit à la prière, dont on peut dire qu’elle est presque le souffle de l’âme de Marie, le canal privilégié de sa communion intime avec Dieu. La confiance mène à la communion, sa vie abandonnée en Dieu a été un dialogue d’amour continu avec le Père, une offrande constante d’elle-même, de ses préoccupations, mais aussi de ses décisions.

La visitation à Élisabeth est un exemple de prière qui devient ensuite service. Nous voyons Marie accompagner Jésus jusqu’à la croix. Après l’Ascension, nous la voyons au Cénacle, unie aux Apôtres dans une attente fervente. Marie nous enseigne la valeur de la prière constante comme conséquence d’une confiance totale et complète, en s’abandonnant entre les mains de Dieu, précisément pour rencontrer Dieu et vivre avec Dieu.

Confiance et prière à la Vierge Marie sont étroitement liées : une profonde confiance en Dieu qui fait naître et fait jaillir une prière persévérante. Demandons à Marie d’être notre exemple et de nous encourager à faire de la prière une habitude quotidienne car nous voulons nous sentir continuellement abandonnés entre les mains miséricordieuses de Dieu.

Tournons-nous vers Elle avec une confiance filiale, afin qu’en l’imitant, en imitant sa confiance et sa persévérance dans la prière, nous puissions faire l’expérience, en toute quiétude, que ce n’est que lorsque nous nous abandonnons à Dieu que nous pouvons recevoir les « matières premières » nécessaires à notre chemin de foi.

Et nous, sommes-nous capables de faire confiance inconditionnellement comme de petits enfants ?

La prière d’un fils décourage
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de prier.
Je ne suis pas capable de t’écouter, ouvre mes oreilles.
Je ne suis pas capable de te suivre, fais avancer mes pas.
Je ne suis pas capable d’être fidèle à ce que tu voudras me confier, donne-m ‘en la force.
Les tentations sont nombreuses, accorde-moi de ne pas céder.
Les difficultés semblent insurmontables, ne me laisse pas tomber.
Les contradictions du monde crient à pleine voix, fais que je ne les suive pas.
Moi, ton fils défaillant, je veux être à ton service.
Fais de moi un fils obéissant.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 6
Être fils et filles – souffrance et guérison

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame des Douleurs a Kibeho
La petite Alphonsine Mumiremana et ses compagnes
L’histoire a commencé à 12h35, un samedi 28 novembre 1981, dans un pensionnat tenu par des religieuses locales, fréquenté par un peu plus d’une centaine de filles de la région. Un collège rural et pauvre, où l’on apprenait à devenir enseignantes ou secrétaires. Le complexe n’avait pas de chapelle et, par conséquent, il n’y avait pas d’atmosphère religieuse particulièrement ressentie. Ce jour-là, toutes les filles du collège étaient dans le réfectoire. La première du groupe à « voir » fut Alphonsine Mumureke, 16 ans. D’après ce qu’elle écrit elle-même dans son journal, elle servait ses compagnes à table, lorsqu’elle entendit une voix féminine l’appeler : « Ma fille, viens ici ». Elle se rendit dans le couloir, à côté du réfectoire, et une femme d’une beauté incomparable lui apparut. Elle était vêtue de blanc, avec un voile blanc sur la tête cachant ses cheveux et qui semblait joint au reste du vêtement, un vêtement sans coutures. Elle était pieds nus et ses mains étaient jointes sur sa poitrine, les doigts pointés vers le ciel.

Plus tard, la Vierge apparut à d’autres compagnes d’Alphonsine, qui étaient sceptiques au début ; mais ensuite, face à l’apparition de Marie, elles durent changer d’avis. Marie, s’adressant à Alphonsine, se présente comme la Dame des Douleurs de Kibeho, et raconte aux jeunes tous les événements impitoyables et sanglants qui allaient se dérouler peu de temps après avec le déclenchement de la guerre au Rwanda. La douleur sera grande, mais aussi la consolation et la guérison de cette douleur, parce qu’elle, la Dame des Douleurs, n’aurait jamais laissé ses enfants d’Afrique seuls. Les jeunes filles restent là, stupéfaites, devant la vision, mais elles croient en cette mère qui leur tend les bras en les appelant « mes enfants ». Elles savent que ce n’est qu’en Elle qu’elles trouveront consolation. Et afin de pouvoir prier pour que cette Mère Consolatrice soulage les souffrances de ses enfants, le sanctuaire dédié à Notre-Dame des Douleurs de Kibeho a été érigé ; c’est aujourd’hui un lieu marqué par l’extermination et le génocide. Et la Vierge Marie continue d’être là et de serrer tous ses enfants dans ses bras.

Marie, une Mère qui console
Toi qui as consolé tes enfants comme Jean sous la Croix, tu as posé ton regard sur ceux qui vivent dans la souffrance. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
N’ayez pas peur de passer par la souffrance : la Mère qui console sèchera vos larmes.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Souffrance et invitation à la Conversion

Marie est une figure de la souffrance emblématique, transfigurée et une puissante invitation à la conversion. Lorsque nous contemplons son douloureux cheminement, c’est un avertissement, silencieux et pourtant éloquent, un appel profond à revoir quelque peu nos vies, nos choix, et l’appel à revenir au cœur de l’Évangile. La souffrance qui traverse la vie de Marie, comme une épée tranchante, prophétisée par le vieillard Siméon, marquée par la disparition de l’Enfant Jésus, jusqu’à la douleur indicible au pied de la croix, Marie vit tout cela : le poids de la fragilité humaine, et le mystère de la douleur innocente d’une manière unique.

La souffrance de Marie n’était pas une souffrance stérile, une résignation passive mais, d’une certaine manière, nous remarquons qu’il y a une activité, une offrande silencieuse et courageuse, unie au sacrifice rédempteur de son Fils Jésus.

Quand nous regardons avec les yeux de la foi Marie, la femme qui souffre, cette souffrance, plutôt que de nous déprimer, nous révèle la profondeur de l’amour de Dieu pour nous, qui est visible dans la vie de Marie. Marie, d’une certaine manière, nous enseigne que, même dans la douleur la plus aiguë, une possibilité de croissance spirituelle, fruit de l’union avec le mystère pascal, peut trouver un sens.

C’est donc de l’expérience de la douleur transfigurée que jaillit une puissante invitation à la conversion. En regardant, en contemplant Marie qui a tant souffert par amour pour nous et pour notre salut, nous sommes, nous aussi, appelés à ne pas rester indifférents au mystère de la rédemption.

Marie, femme douce et maternelle, nous exhorte à abandonner les voies du mal, pour embrasser le chemin de la foi. La célèbre phrase de Marie aux noces de Cana, « Tout ce qu’il vous dira, faites-le », résonne encore pour nous aujourd’hui comme une invitation pressante à écouter la voix de Jésus dans les moments de difficulté, dans les moments d’épreuve, dans les moments de situations inattendues et inconnues.

L’exemple de foi de Marie est inébranlable dans la douleur, à la fois lumière et guide pour nous permettre de transformer nos souffrances en opportunités de croissance spirituelle ; et, en même temps, nous permettre de répondre avec générosité à l’appel pressant à la conversion, afin que la profondeur qui résonne encore dans le cœur de chaque être humain, l’invitation de Dieu, d’un Dieu qui nous aime, puisse, par l’intercession de Marie, trouver un sens, une issue, une croissance, même dans les moments les plus difficiles et les plus douloureux.

Et nous, nous laissons-nous consoler comme de petits enfants ?

La prière d’un fils qui souffre
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de guérir.
Quand je suis à terre, tends-moi la main, ô Mère.
Quand je me sens exténué, rassemble mes forces, ô Mère.
Quand la souffrance prend le dessus, ouvre-moi à l’Espérance, ô Mère.
Pour que je ne cherche pas seulement la guérison du corps,
mais que je réalise combien mon cœur a besoin de paix.
Et de la poussière, relève-moi, ô Mère.
Relève-moi, ainsi que tous tes enfants qui sont dans l’épreuve :
ceux qui vivent sous les bombes,
ceux qui sont persécutés,
ceux qui sont injustement emprisonnés,
ceux dont les droits et la dignité ont été violés,
ceux dont la vie est trop tôt interrompue.
Relève-les et réconforte-les
parce qu’ils sont tes enfants,
parce que nous sommes tes enfants.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 7
Être fils et filles – justice et dignité

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame d’Aparecida
Les petits pêcheurs Domingos, Felice et João
À l’aube du 12 octobre 1717, Domingos Garcia, Felipe Pedroso et João Alves poussèrent leur barque dans les eaux de la rivière Paraiba qui coulait près de leur village. Ils ne semblaient pas avoir de chance ce matin-là : pendant des heures, ils ont jeté leurs filets, sans rien prendre. Ils étaient sur le point d’abandonner, lorsque João Alves, le plus jeune, a voulu faire une dernière tentative. Il jeta donc son filet dans les eaux de la rivière et le remonta lentement. Il y avait quelque chose, mais ce n’était pas un poisson… Cela ressemblait plutôt à un morceau de bois. Lorsqu’il l’a libéré des mailles du filet, le morceau de bois s’est avéré être une statue de la Vierge Marie, malheureusement sans sa tête. João jeta à nouveau le filet dans l’eau et cette fois, en le remontant, il trouva un autre morceau de bois arrondi qui ressemblait à la tête de la statue : il essaya d’assembler les deux morceaux et se rendit compte qu’ils correspondaient parfaitement. Comme s’il obéissait à une impulsion, João Alves jeta de nouveau le filet dans l’eau et, lorsqu’il essaya de le remonter, il se rendit compte qu’il ne pouvait pas le faire car il était plein de poissons. Ses compagnons jetèrent à leur tour leurs filets dans l’eau et les prises de ce jour-là furent vraiment abondantes.

Une mère voit les besoins de ses enfants : Marie a vu les besoins des trois pêcheurs et est allée à leur secours. Ses enfants lui ont donné tout l’amour et la dignité que l’on peut donner à une mère : ils ont assemblé les deux morceaux de la statue, l’ont placée sur une cabane et en ont fait un sanctuaire. Du haut de la cabane, Notre-Dame d’Aparecida – ce qui signifie Apparue – sauva l’un de ses fils esclaves qui fuyait ses maîtres : elle vit sa souffrance et lui rendit sa dignité. Et aujourd’hui, cette cabane est devenue le plus grand sanctuaire marial au monde et porte le nom de Basilique de Notre-Dame d’Aparecida.

Marie, une Mère qui voit
Toi qui as vu la souffrance de tes enfants maltraités, à commencer par les disciples, tu te places auprès de tes enfants les plus pauvres et persécutés. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Ne vous cachez pas du regard d’une mère : elle voit même vos désirs et vos besoins cachés.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Dignité et Justice Sociale

La Très Sainte Vierge Marie est un miroir de la dignité humaine pleinement réalisée, silencieuse mais puissante et inspiratrice pour un sens juste du vécu social. Réfléchir sur la figure de Marie en relation avec ces thèmes révèle une perspective profonde et étonnamment actuelle.

Regardons Marie, la femme pleine de dignité, comme un don qui nous aide aujourd’hui à regarder sa pureté originelle, qui ne la place pas sur un piédestal inaccessible, mais qui révèle Marie dans la plénitude de cette dignité vers laquelle nous nous sentons tous un peu attirés, appelés.

En contemplant Marie, nous voyons resplendir la beauté et la noblesse, précisément la dignité de l’être humain, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, libre du jeu du péché, pleinement ouvert à l’amour divin, une humanité qui ne se perd pas dans les détails, dans les choses superficielles.

Nous pouvons dire que le « oui » libre et conscient de Marie est ce geste d’autodétermination qui élève Marie à ce qu’elle est au niveau de la volonté de Dieu, et entre en quelque sorte dans la logique de Dieu. Son humilité la rend alors encore plus libre, loin d’être amoindrie par l’humilité. L’humilité de Marie devient la conscience de la vraie grandeur qui vient de Dieu.

Ainsi, cette dignité de Marie nous aide à regarder comment nous la vivons dans la routine quotidienne de la vie. Le thème de la justice sociale peut paraître moins explicite, mais à travers une lecture contemplative et attentive de l’Évangile, en particulier du Magnificat, nous pouvons saisir, sentir et rencontrer cet esprit révolutionnaire qui proclame le renversement des puissants de leurs trônes et l’élévation des humbles, c’est-à-dire le renversement de la logique mondaine et l’attention privilégiée de Dieu envers les pauvres et les affamés.

Des paroles qui jaillissent d’un cœur humble, rempli d’Esprit Saint. On peut dire qu’il s’agit d’un manifeste de justice sociale « avant la lettre », une anticipation du Royaume de Dieu, où les derniers seront les premiers.

Contemplons Marie pour nous sentir attirés par cette dignité qui ne se limite pas à se refermer sur soi-même. C’est une dignité qui, dans le Magnificat, nous met au défi de ne pas nous enfermer dans notre propre logique. Elle nous permet, au contraire, de nous ouvrir, en louant Dieu, en cherchant à vivre avec dignité le don reçu pour le bien de l’humanité, pour le bien des pauvres, pour le bien de ceux que la société rejette.

Et nous, est-ce que nous nous cachons ou disons-nous tout comme le font les petits enfants ?

La prière d’un fils qui a peur
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de restituer la dignité.
À l’heure de l’épreuve, regarde mes manques et comble-les.
À l’heure de la fatigue, regarde mes faiblesses et guéris-les.
À l’heure de l’attente, regarde mon impatience et portes-y remède.
Ainsi, en regardant mes frères, je pourrai voir leurs manques et les combler,
voir leurs faiblesses et les guérir, ressentir leur impatience et y porter remède.
Parce que rien ne guérit mieux que l’amour
et personne n’est aussi fort qu’une mère qui cherche à obtenir justice pour ses enfants.
Et alors, moi aussi, Mère, je m’arrête au pied de la cabane,
je regarde avec des yeux confiants ton image
et je te prie pour la dignité de tous tes enfants.

Ave Maria … Je vous salue, Marie
Heureux celui qui voit avec son cœur.


Jour 8
Être fils et filles – Douceur et vie quotidienne

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Banneaux
La petite Mariette de Banneaux
Le 18 janvier 1933, Mariette est dans le jardin, récitant son chapelet. Marie vient et l’emmène à une petite source à l’orée du bois, où elle dit : « Cette source est pour moi. »  Et elle invite la petite fille à y tremper sa main et son chapelet. Avec un étonnement indicible, son père et deux autres personnes ont suivi Mariette dans tous ses gestes et dans toutes ses paroles. Et ce soir-là, le premier à être conquis par la grâce de Banneaux fut précisément le père de Mariette, qui courut se confesser et recevoir l’Eucharistie : il ne s’était pas confessé depuis sa première communion.
Le 19 janvier, Mariette demande : « Madame, qui êtes-vous ? – Je suis la Vierge des pauvres. »
À la source, elle ajoute : « Cette source est pour moi, pour toutes les nations, pour les malades. Je viens les consoler ! »

Mariette est une jeune fille normale qui vit ses journées comme nous tous, comme nos enfants, nos petits-enfants. Elle vit dans un petit village inconnu, le sien. Elle prie pour rester proche de Dieu. Elle prie sa Maman du Ciel pour garder vivant le lien avec Elle. Et Marie lui parle avec douceur, dans un endroit qui lui est familier. Elle lui apparaîtra à plusieurs reprises, lui confiera des secrets et lui dira de prier pour la conversion du monde : c’était pour Mariette un message fort d’espérance. La Mère serre contre son cœur tous ses fils et filles et les console. Toute la douceur que Mariette trouve en la « Gentille Dame », elle la transmet au monde. Et de cette rencontre est née une grande chaîne d’amour et de spiritualité qui trouve son accomplissement dans le sanctuaire de Notre-Dame de Banneaux.

Marie, une Mère qui reste à nos côtés
Toi qui es restée proche de tes enfants, sans jamais en perdre un seul, tu as illuminé le chemin quotidien des plus simples. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Abandonnez-vous dans l’étreinte de Marie : n’ayez pas peur, elle vous consolera.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Éducation et Amour

La Vierge Marie est une incomparable maîtresse en éducation, parce qu’elle est une source inépuisable d’amour ; et ceux qui aiment éduquent, ceux qui aiment éduquent vraiment.

Réfléchir sur la figure de Marie en relation avec ces deux piliers de la croissance humaine et spirituelle : nous avons ici un exemple à contempler, à prendre au sérieux, à assumer dans nos choix quotidiens.

L’éducation qui émane de Marie n’est pas faite de préceptes, d’enseignements formels, mais se manifeste à travers son exemple de vie : un silence contemplatif qui parle, son obéissance à la volonté de Dieu, humble et grande à la fois, sa profonde humanité.

Le premier aspect éducatif que Marie nous communique est celui de l’écoute.
Écouter la Parole de Dieu, écouter ce Dieu qui est continuellement là pour nous aider, pour nous accompagner. Marie garde dans son cœur, médite avec soin, encourage l’écoute attentive de la Parole de Dieu ainsi que l’écoute des besoins des autres.

Marie nous éduque à une humilité qui ne nous fait pas choisir de rester détachés et passifs ; elle nous éduque plutôt à une humilité qui, tout en nous faisant reconnaître notre petitesse face à la grandeur de Dieu, nous incite à nous mettre à son service comme protagonistes. Nos cœurs sont ouverts pour être vraiment proches de ceux que nous accompagnons, et avec qui nous vivons le projet de Dieu pour nous.

Marie est un exemple qui nous aide à nous laisser éduquer par la foi ; elle nous éduque à la persévérance, fermes dans l’amour de Jésus, jusqu’au pied de la croix.

Éducation et amour.  L’amour de Marie est le cœur battant de son existence ; il continue de battre pour nous ; chaque fois que nous nous approchons de Marie, nous ressentons cet amour maternel qui s’étend à nous tous. C’est un amour pour Jésus qui devient un amour pour l’humanité. Le cœur de Marie s’ouvre avec la tendresse infinie qu’elle reçoit de Dieu, qu’elle communique à Jésus, à ses enfants spirituels.

Demandons au Seigneur qu’en contemplant l’amour de Marie, qui est un amour qui éduque, nous nous laissions inciter à dépasser notre égoïsme, nos fermetures, et à nous ouvrir aux autres. En Marie, nous voyons une femme qui éduque avec amour et qui aime avec un amour éducateur.

Demandons au Seigneur de nous faire le don d’un amour, de son amour, qui est à la fois un amour qui nous purifie, nous soutient, nous fait grandir, afin que notre exemple soit vraiment un exemple qui communique l’amour ; et qu’en communiquant l’amour, nous puissions nous laisser éduquer par Marie et nous laisser aider afin que notre exemple éduque aussi les autres.

Et nous, sommes-nous capables de nous abandonner comme le font les petits enfants ?

La prière d’un enfant de notre temps
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur doux et docile.
Qui me remettra sur pied,
après que je serai brisé sous le poids des croix que je porte ?
Qui ramènera la lumière à mes yeux,
après avoir vu les décombres de la cruauté humaine ?
Qui soulagera les souffrances de mon âme,
après les erreurs que j’ai commises sur mon chemin ?
Ma Mère, toi seule peux me consoler.
Serre-moi contre ton cœur et garde-moi avec toi
pour éviter que je ne m’effondre.
Mon âme repose en toi et trouve la paix
comme un petit enfant dans les bras de sa mère.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 9
Être fils et filles – Construction et rêve

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Marie Auxiliatrice
Le petit Jean Bosco
À l’âge de 9 ans, je fis un rêve qui me laissa pour toute la vie une profonde impression. Pendant mon sommeil, il me sembla que je me trouvais près de chez moi, dans une cour très spacieuse. Une multitude d’enfants, rassemblés là, s’y amusaient. Les uns riaient, d’autres jouaient, beaucoup blasphémaient. Lorsque j’entendis ces blasphèmes, je m’élançai au milieu d’eux et, des poings et de la voix, je tentai de les faire taire. À ce moment apparut un homme d’aspect vénérable, dans la force de l’âge et magnifiquement vêtu.
« Ce n’est pas avec des coups mais par la douceur et la charité que tu devras gagner leur amitié.
 – Qui êtes-vous donc pour m’ordonner une chose impossible ?
– C’est précisément parce que ces choses te paraissent impossibles que tu dois les rendre possibles par l’obéissance et l’acquisition de la science.
– Où, par quels moyens pourrai-je acquérir la science ?
– Je te donnerai la maîtresse sous la conduite de qui tu pourras devenir un sage et sans qui toute sagesse devient sottise. »
À ce moment-là, je vis près de lui une dame d’aspect majestueux, vêtue d’un manteau qui resplendissait de toutes parts comme si chaque point eût été une étoile éclatante.
« Voilà ton champ d’action, (me dit-elle), voilà où tu dois travailler. Rends-toi humble, fort et robuste et tout ce que tu vois arriver en ce moment à ces animaux, tu devras le faire pour mes fils. »
Je tournai alors les yeux et voici qu’à la place de bêtes féroces, apparurent tout autant de doux agneaux. Tous, gambadant de tous côtés et bêlant, semblaient vouloir faire fête à cet homme et à cette femme.
À ce moment-là, toujours sommeillant, je me mis à pleurer et demandai qu’on voulût bien me parler de façon compréhensible car je ne voyais pas ce que cela pouvait bien signifier. Alors elle me mit la main sur la tête et me dit : « Tu comprendras tout en son temps. »

Marie guide et accompagne le jeune Jean Bosco tout au long de sa vie et de sa mission. Lui, enfant, découvre ainsi, à partir d’un rêve, sa vocation. Il ne comprendra pas mais il se laissera guider. Il ne comprendra pas pendant de longues années mais, à la fin, il prendra conscience que « c’est Elle qui a tout fait ». Et la mère, celle terrestre et Celle du Ciel, sera la figure centrale dans la vie de ce fils qui se fera pain pour ses enfants. Et après avoir rencontré Marie dans ses rêves, Jean Bosco, devenu prêtre, érigera un sanctuaire à la Madone afin que tous ses enfants puissent se confier à Elle. Et il dédiera ce sanctuaire à Notre Dame Auxiliatrice, parce qu’elle aura été son port d’attache, son aide permanente. Ainsi, tous ceux qui entrent dans la Basilique de Marie Auxiliatrice de Turin sont pris sous le manteau protecteur de Marie qui devient leur Guide.

Marie, une Mère qui accompagne et guide
Toi qui as accompagné ton Fils Jésus tout au long de son chemin, tu t’es proposée comme guide à ceux qui ont su t’écouter avec l’enthousiasme que seuls les petits enfants peuvent avoir. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Laissez-vous accompagner : la Mère sera toujours à vos côtés pour vous montrer le chemin.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie Aide à la Conversion

La Très Sainte Vierge Marie est une aide puissante et silencieuse sur notre chemin de croissance.
C’est un chemin qui a continuellement besoin de se libérer de ce qui le bloque vers la croissance. C’est un chemin qui doit être continuellement renouvelé, pour ne pas faire demi-tour ou s’arrêter dans les coins sombres de l’existence. Voilà, la conversion.

La présence de Marie est un phare d’espérance, une invitation constante pour nous à continuer à marcher vers Dieu, à aider nos cœurs à être toujours centrés sur Dieu, sur son amour. Réfléchir sur Marie, sur son rôle, signifie que nous découvrons Marie qui n’impose pas, qui ne juge pas, mais qui soutient, encourage, avec son humilité, avec son amour maternel, qui aide nos cœurs à rester proches d’Elle pour nous rapprocher toujours plus de son Fils Jésus qui est le chemin, la vérité et la vie.

Le « Oui » de Marie à l’Annonciation continue d’être valable pour nous aussi, en ouvrant à l’humanité l’histoire du salut qui est accessible et à notre portée. Son intercession aux noces de Cana soutient ceux qui se trouvent dans des situations inattendues et inédites. Marie est un modèle de conversion continue. Sa vie, une vie d’Immaculée Conception, a cependant été une adhésion progressive à la volonté de Dieu, un chemin de foi qui l’a conduite à travers joies et peines, culminant dans le sacrifice du Calvaire.

La persévérance de Marie à la suite de Jésus devient une invitation pour nous aussi à vivre cette proximité continue, cette transformation intérieure, dont nous savons bien qu’elle est un processus progressif, et qui exige constance, humilité et confiance en la grâce de Dieu.

Marie aide à la conversion par une écoute très attentive et concentrée sur la Parole de Dieu. Une écoute qui nous aide à trouver la force d’abandonner les voies du péché, pour reconnaître la force et la beauté de la marche vers Dieu.

Tournons-nous vers Marie avec une confiance filiale, car cela signifie que, tout en reconnaissant nos faiblesses, nos péchés, nos défauts, nous voulons nourrir ces désirs de changement, le changement d’un cœur qui veut se laisser accompagner par le cœur maternel de Marie. En Marie, nous trouvons une aide précieuse pour discerner les fausses promesses du monde et pour redécouvrir la beauté et la vérité de l’Évangile.

Que Marie, Secours des Chrétiens, soit une aide continuelle pour nous tous, qui nous fera découvrir la beauté de l’Évangile, et accepter de marcher vers le bien, la grandeur de la Parole de Dieu, vivante dans notre cœur, et pouvoir la communiquer aux autres.

Et nous, sommes-nous capables de nous laisser prendre par la main comme de petits enfants ?

La prière d’un fils sans énergie
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de rêver et de construire.
Moi qui ne laisse personne m’aider,
moi qui me décourage, qui perds patience
et qui ne pense jamais avoir construit quoi que ce soit,
moi qui pense toujours être un raté,
aujourd’hui, je veux être un fils,
un fils capable de te donner ma main, ma Mère,
pour se faire accompagner sur les chemins de la vie.
Montre-moi mon champ d’action,
Montre-moi mon rêve
et fais qu’à la fin, moi aussi je comprenne tout
et reconnaisse ton passage dans ma vie.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.




Discours du Recteur Majeur à la clôture du Chapitre Général 29

Mes chers confrères,

            Nous arrivons à la fin de cette expérience du XXIXe Chapitre Général avec un cœur rempli de joie et de gratitude pour tout ce que nous avons pu vivre, partager et projeter. Le don de la présence de l’Esprit de Dieu que nous avons supplié chaque jour dans la prière matinale, ainsi que pendant les travaux par le biais de la conversation dans l’Esprit, a été la force centrale de l’expérience du Chapitre Général. Nous avons cherché le rôle principal de l’Esprit et il nous a été donné abondamment.
            La célébration de chaque Chapitre Général est comme une borne kilométrique dans la vie de chaque congrégation religieuse. Cela vaut aussi pour nous, pour notre chère Congrégation Salésienne. C’est un moment qui donne continuité au chemin qui, depuis Valdocco, continue d’être vécu avec ardeur et mené avec zèle et détermination dans les différentes parties du monde.
            Nous arrivons à la fin de ce Chapitre Général avec l’approbation d’un Document Final qui nous servira de boussole pour les six prochaines années 2025-2031. La valeur de ce Document Final, nous la verrons et la ressentirons dans la mesure où nous réussirons après la conclusion de cette expérience de Pentecôte salésienne à maintenir la même qualité dans l’écoute, le même souci de nous laisser accompagner par l’Esprit Saint qui ont marqué ces semaines.
            Dès le début, lorsque le Recteur Majeur Don Angel Fernández Artime a rendu publique la Lettre de Convocation du Chapitre Général 29 (24 septembre 2023, ACG 441), les motivations qui devaient guider les travaux pré-capitulaires et ensuite les travaux du Chapitre Général lui-même étaient claires. Le Recteur Majeur a écrit ceci :
Le thème choisi est le fruit d’une réflexion riche et profonde que nous avons menée au sein du Conseil Général sur la base des réponses reçues des Provinces et de la vision que nous avons de la Congrégation en ce moment. Nous avons été agréablement surpris par la grande convergence et harmonie que nous avons trouvées dans de nombreuses contributions des Provinces, en lien avec la réalité que nous voyons dans la Congrégation, avec le chemin de fidélité qui existe dans de nombreux secteurs et aussi avec les défis du moment présent. (ACG 441)
            L’écoute des Provinces qui a conduit au choix du thème de ce Chapitre Général est déjà une indication claire d’une méthodologie d’écoute. À la lumière de ce que nous avons vécu ces dernières semaines, la valeur du procédé de l’écoute se confirme. La manière dont nous avons d’abord identifié puis interprété les défis que la Congrégation est déterminée à relever a mis en évidence ce climat salésien typique, cet esprit de famille, qui ne veut pas éviter les défis, qui ne cherche pas à uniformiser la pensée, mais qui fait tout son possible pour arriver à cet esprit de communion où chacun de nous puisse reconnaître sa voie pour être le Don Bosco d’aujourd’hui.
            Le point focal des défis indiqués est la « référence à la centralité de Dieu (comme Trinité) et de Jésus-Christ comme Seigneur de notre vie, sans jamais oublier les jeunes et notre engagement envers eux » (ACG 441). Le déroulement des travaux du Chapitre Général témoigne non seulement du fait que nous avons la capacité d’identifier les défis, mais que nous avons aussi trouvé le moyen de faire émerger la concorde et l’unité entre nous, en reconnaissant et en tirant parti du fait que nous nous trouvons sur des continents et dans des contextes différents, des cultures et des langues différentes. De plus, ce climat confirme que lorsque nous regardons aujourd’hui la réalité avec les yeux et avec le cœur de Don Bosco, lorsque nous sommes vraiment passionnés par le Christ et dévoués aux jeunes, alors nous découvrons que la diversité devient richesse, que marcher ensemble est beau même si c’est fatigant, que ce n’est qu’ensemble que nous pouvons affronter les défis sans peur.
            Dans un monde fragmenté par les guerres, les conflits et les idéologies dépersonnalisantes, dans un monde marqué par des pensées et des modèles économiques et politiques qui enlèvent leur place aux jeunes, notre présence est un signe, un « sacrement » d’espérance. Les jeunes, sans distinction de couleur de peau, d’appartenance religieuse ou ethnique, nous demandent de promouvoir des propositions et des lieux d’espérance. Ils sont filles et fils de Dieu qui attendent de nous que nous soyons leurs humbles serviteurs.
            Un deuxième point, confirmé et réaffirmé par ce Chapitre Général, est la conviction partagée que « si dans notre Congrégation manquaient la fidélité et la prophétie, nous serions comme la lumière qui ne brille pas et le sel qui ne donne pas de saveur » (ACG 441). Le point ici n’est pas tant de savoir si nous voulons être plus authentiques ou moins, mais le fait même que c’est la seule voie que nous avons et c’est celle qui a été fortement réaffirmée ici ces dernières semaines : grandir dans l’authenticité !
            Le courage manifesté à certains moments du Chapitre Général est une excellente préparation au courage qui nous sera demandé à l’avenir sur d’autres thèmes qui sont sortis de ce Chapitre Général. Je suis sûr que ce courage a trouvé ici un terrain fertile, un écosystème sain et prometteur et qui augure bien pour l’avenir. Avoir du courage signifie ne pas laisser la peur avoir le dernier mot. La parabole des talents nous l’enseigne de manière claire. Le Seigneur nous a donné un seul talent : le charisme salésien, concentré dans le Système Préventif. Il sera demandé à chacun de nous ce que nous avons fait de ce talent.

            Ensemble, nous sommes appelés à le faire fructifier dans des contextes stimulants, nouveaux et inédits. Nous n’avons aucune raison de l’enterrer. Nous avons tant de motivations, tant de cris de jeunes qui nous poussent à « sortir » pour semer l’espérance. Ce pas courageux, plein de conviction, Don Bosco l’a déjà fait en son temps et il nous demande aujourd’hui de le faire comme lui et avec lui.
            Je voudrais commenter ici quelques points qui se trouvent déjà dans le Document Final et qui, je crois, peuvent servir de flèches qui nous encouragent sur le chemin des six prochaines années.

1. Conversion personnelle
            Notre chemin en tant que Congrégation Salésienne dépend des choix personnels, intimes et profonds que chacun de nous décide de faire. En élargissant le contexte dans lequel il faut réfléchir sur le thème de la conversion personnelle, il est important de rappeler comment, ces dernières années après le Concile Vatican II, la Congrégation a fait un chemin de réflexion spirituelle, charismatique et pastorale, magistralement commenté par Don Pascual Chávez dans ses interventions hebdomadaires. Cette lecture et cette contribution enrichissent la réflexion importante que nous a laissée le Recteur Majeur Don Egidio Viganò dans sa dernière lettre à la Congrégation : Comment relire aujourd’hui le charisme du fondateur (ACG 352, 1995). Si aujourd’hui nous parlons d’un « changement d’époque », Don Viganò écrivait en 1995 :
La relecture du charisme de notre Fondateur nous occupe depuis maintenant trente ans. Deux grands phares lumineux nous ont aidés dans cet engagement : le premier est le Concile Œcuménique Vatican II, le second est le changement d’époque de cette heure d’accélération de l’histoire (ACG 352, 1995).
            Je fais référence à ce chemin de la Congrégation avec ses richesses et son patrimoine, parce que le thème de la conversion personnelle est le lieu où le chemin de la Congrégation trouve sa confirmation et son élan supplémentaire. La conversion personnelle n’est pas une affaire intimiste, autoréférentielle. Il ne s’agit pas d’un appel qui ne me touche que de manière détachée de tout et de tous. La conversion personnelle est cette expérience singulière d’où sortira et émergera ensuite une pastorale renouvelée. Le chemin de la Congrégation, nous pouvons le constater parce qu’il trouve dans le cœur de chacun de nous son point de départ. De là, nous pouvons noter ce renouvellement pastoral continu et convaincu. Le Pape François condense cette urgence en une phrase : « l’intimité de l’Église avec Jésus est une intimité itinérante, et la communion « se configure essentiellement comme communion missionnaire » » (Christifideles laici n. 32, Evangelii gaudium 23).
            Cela nous amène à découvrir que lorsque nous insistons sur la conversion personnelle, nous devons faire attention à ne pas tomber, d’une part, dans une interprétation intimiste de l’expérience spirituelle et, d’autre part, à ne pas sous-évaluer ce qui est le fondement de tout chemin pastoral.
            Dans cet appel à une passion renouvelée pour Jésus, j’invite chaque salésien et chaque communauté à prendre au sérieux les choix et les engagements concrets que le Chapitre Général a estimés urgents en vue d’un témoignage éducatif pastoral plus authentique. Nous croyons que nous ne pouvons pas grandir pastoralement sans cette attitude d’écoute de la Parole de Dieu. Nous reconnaissons que les différents engagements pastoraux que nous avons, les nécessités toujours plus grandes qui se présentent à nous et qui témoignent d’une pauvreté qui ne s’arrête jamais, risquent de nous enlever le temps nécessaire pour « être avec Lui ». Ce défi, nous le trouvons déjà dès le début de notre Congrégation. Il s’agit pour nous d’avoir des priorités claires qui renforcent notre colonne vertébrale spirituelle et charismatique qui donne âme et crédibilité à notre mission.
            Don Alberto Caviglia, commentant le thème de la « Spiritualité Salésienne » dans ses Conférences sur l’Esprit Salésien, a écrit :
La plus grande surprise qu’ont eue ceux qui ont étudié Don Bosco lors du procès de canonisation… ce fut la découverte de l’incroyable travail de construction de l’homme intérieur.
Le Cardinal Salotti (…), se référant aux études qu’il menait, disait au Saint-Père que « dans l’étude des volumineux procès de Turin, ce qui l’a frappé ce n’est pas la grandeur extérieure de son œuvre colossale, mais la vie intérieure de l’esprit, d’où est né et où s’est alimenté tout l’apostolat prodigieux du Vénérable Don Bosco ».
Beaucoup ne connaissent que l’œuvre extérieure qui semble si bruyante, mais ignorent en grande partie cet édifice savant, sublime de perfection chrétienne qu’il avait érigé patiemment dans son âme en s’exerçant chaque jour, chaque heure, dans la vertu propre de son état.
            Chers frères, tel a été notre Don Bosco. C’est ce Don Bosco que nous sommes appelés à découvrir aujourd’hui. L’article n°21 de nos Constitutions nous le dit de manière très claire :
Nous l’étudions et l’imitons, admirant en lui un splendide accord de nature et de grâce. Profondément homme, riche des vertus de son peuple, il était ouvert aux réalités terrestres ; profondément homme de Dieu, rempli des dons de l’Esprit Saint, il vivait « comme s’il voyait l’invisible ».
Ces deux aspects ont fusionné en un projet de vie fortement unitaire : le service des jeunes. Il l’a réalisé avec fermeté et constance, parmi les obstacles et les fatigues, avec la sensibilité d’un cœur généreux. « Il n’a pas fait un pas, il n’a pas prononcé un mot, il n’a entrepris aucune action qui n’ait eu pour but le salut de la jeunesse… En réalité, il n’avait à cœur que les âmes » (Const. 21).
            J’aimerais rappeler ici une invitation de Mère Teresa à ses sœurs quelques années avant sa mort. Son dévouement et celui de ses sœurs envers les pauvres sont connus de tous. Mais il est bon d’écouter ces paroles qu’elle a écrites à ses sœurs :
Tant que tu ne réussiras pas à entendre Jésus dans le silence de ton cœur, tu ne réussiras pas à l’entendre dire « J’ai soif » dans le cœur des pauvres. N’abandonne jamais ce contact intime et quotidien avec Jésus comme personne vivante et réelle, pas seulement comme une idée. (« Until you can hear Jesus in the silence of your own heart, you will not be able to hear him saying, « I thirst » in the hearts of the poor. Never give up this daily intimate contact with Jesus as the real living person – not just the idea”, in https://catholiceducation.org/en/religion-and- philosophy/the-fulfillment-jesus-wants-for-us.html)
            Ce n’est qu’en écoutant au plus profond de notre cœur celui qui nous appelle à le suivre, Jésus-Christ, que nous pouvons vraiment écouter avec un cœur authentique ceux qui nous appellent à les servir. Si la motivation radicale de notre vocation de service ne trouve pas ses racines dans la personne du Christ, l’alternative est que nos motivations soient nourries de la terre de notre égo. Et la conséquence est que notre propre action pastorale finit par gonfler cet égo. L’urgence de récupérer l’espace mystique, le terrain sacré de la rencontre avec Dieu, un terrain dans lequel nous devons enlever les sandales de nos certitudes et de nos manières d’interpréter la réalité avec ses défis, a été réaffirmée à plusieurs reprises et de diverses manières au cours de ces semaines.
            Chers frères, nous voici à la première étape. Ici, nous prouvons, si nous voulons, être vraiment des fils authentiques de Don Bosco. Ici, nous prouvons si nous aimons et imitons vraiment Don Bosco.

2. Connaître Don Bosco, pas seulement aimer Don Bosco
            Nous sommes conscients qu’un autre défi central que nous avons en tant que Salésiens est de communiquer la bonne nouvelle par notre témoignage et à travers nos propositions éducatives et pastorales dans une culture qui subit un changement radical. Si en Occident nous parlons de l’indifférence à la proposition religieuse, fruit du défi de la sécularisation, nous remarquons que sur d’autres continents, le défi prend d’autres formes, avant tout le passage à une culture mondialisée qui déplace radicalement l’échelle des valeurs et les styles de vie. Dans un monde fluide et hyperconnecté, ce que nous avons connu hier est radicalement changé aujourd’hui. En bref, il s’agit du thème, souvent évoqué, du changement d’époque.
            Ce changement a des effets dans tous les domaines et nous voyons de façon positive comment la Congrégation, depuis le CGS (1972) et jusqu’à aujourd’hui, est dans un processus continu de remise en question et de réflexion dans sa proposition éducative et pastorale. C’est un processus qui répond à la question : « que ferait Don Bosco aujourd’hui, dans une culture sécularisée et mondialisée comme la nôtre ? »
            Dans tout ce mouvement, nous reconnaissons que, depuis ses origines, la beauté et la force du charisme salésien résident précisément dans sa capacité interne à dialoguer avec l’histoire des jeunes que nous sommes appelés à rencontrer à chaque époque. Ce que nous contemplons à Valdocco, notre terre sainte salésienne, c’est le souffle de l’Esprit qui a guidé Don Bosco et nous reconnaissons qu’il continue à nous guider aujourd’hui. Les Constitutions commencent précisément par cette certitude fondatrice et fondamentale :
L’Esprit Saint a suscité, par l’intervention maternelle de Marie, saint Jean Bosco.
Il a formé en lui un cœur de père et de maître, capable d’un dévouement total : « J’ai promis à Dieu que mon dernier souffle sera pour mes pauvres jeunes ».
Pour prolonger sa mission dans le temps, il l’a guidé dans la création de diverses forces apostoliques, la première étant notre Société.
L’Église a reconnu en cela l’action de Dieu, surtout en approuvant les Constitutions et en proclamant saint le Fondateur.
C’est de cette présence active de l’Esprit que nous tirons l’énergie pour notre fidélité et le soutien de notre espérance. (Const. 1)
            Le charisme salésien renferme une invitation innée à nous mettre face aux jeunes de la même manière que Don Bosco se mettait face à Bartolomeo Garelli… « son ami » !
            Tout cela semble très facile à dire, comme une exhortation amicale. En réalité, cela cache en soi l’invitation urgente adressée à nous, fils de Don Bosco, afin que dans l’aujourd’hui de l’histoire, là où nous nous trouvons, nous proposions à nouveau le charisme salésien de manière adéquate et significative. Mais il y a une condition indispensable qui nous permet de faire ce chemin : la connaissance vraie et sérieuse de Don Bosco. Nous ne pouvons pas dire que nous « aimons » vraiment Don Bosco sans un effort sérieux pour « connaître » Don Bosco.
            Souvent, le risque est de nous contenter d’une connaissance de Don Bosco qui ne parvient pas à se connecter aux défis actuels. Équipés seulement d’une connaissance superficielle de Don Bosco, nous sommes vraiment pauvres du point de vue de ce bagage charismatique qui fait de nous d’authentiques fils de Don Bosco. Sans connaître Don Bosco, nous ne pouvons pas et nous n’arrivons pas à incarner Don Bosco dans les cultures où nous sommes. Tout effort qui prétend s’appuyer sur cette pauvreté de connaissance charismatique se traduit seulement par des opérations charismatiques de cosmétique, qui à la fin sont une trahison de l’héritage même de Don Bosco.
            Si nous souhaitons que le charisme salésien soit en mesure de dialoguer avec la culture actuelle, les cultures actuelles, nous devons continuellement l’approfondir pour lui-même et à la lumière des conditions toujours nouvelles dans lesquelles nous vivons. Le bagage que nous avons reçu au début de notre phase de formation initiale, s’il n’est pas sérieusement approfondi, n’est plus suffisant aujourd’hui, il est simplement inutile, voire même nuisible.
            Dans cette direction, la Congrégation a fait et fait un énorme effort pour relire la vie de Don Bosco, le charisme salésien à la lumière des conditions sociales et culturelles actuelles, dans toutes les parties du monde. C’est un patrimoine que nous avons, mais nous courons le risque de ne pas le connaître parce que nous ne parvenons pas à l’étudier comme il le mérite. La perte de mémoire risque non seulement de nous faire perdre le contact avec le trésor que nous avons, mais risque aussi de nous faire croire que ce trésor n’existe pas. Et cela sera vraiment tragique non pas tant et seulement pour nous Salésiens, mais pour les foules de jeunes qui nous attendent.
            L’urgence d’un tel approfondissement n’est pas seulement de nature intellectualiste, mais touche la soif d’une formation charismatique sérieuse des laïcs dans nos CEP. Le Document Final traite souvent et de manière systématique de ce thème. Les laïcs qui participent aujourd’hui avec nous à la mission salésienne sont des personnes désireuses d’une proposition de formation plus claire, significative du point de vue salésien. Nous ne pouvons pas vivre ces espaces de convergence éducative et pastorale si notre langage et notre manière de communiquer le charisme n’ont pas les connaissances requises et la préparation adéquate pour susciter la curiosité et l’attention de ceux qui vivent avec nous la mission salésienne.
            Il ne suffit pas de dire que nous aimons Don Bosco. Le véritable « amour » pour Don Bosco implique l’effort pour le connaître et l’étudier, et pas seulement à la lumière de son temps, mais aussi à la lumière du grand potentiel de son actualité, à la lumière de notre temps. Le Recteur Majeur Don Pascual Chávez avait invité toute la Congrégation et la Famille Salésienne à faire des trois années qui ont précédé le « Bicentenaire de la naissance de Don Bosco 1815-2013 » un temps d’approfondissement de l’histoire, de la pédagogie et de la spiritualité de Don Bosco (Don Pascual CHÁVEZ, Aguinaldo 2012, « En connaissant et en imitant Don Bosco, faisons des jeunes la mission de notre vie » ACG 412).
            C’est une invitation qui est plus que jamais d’actualité. Ce Chapitre Général est un appel et une opportunité pour renforcer cette connaissance de notre Père et Maître.
            Nous reconnaissons, chers confrères, qu’à ce stade, ce thème se relie à celui qui précède : la conversion personnelle. Si nous ne connaissons pas Don Bosco et si nous ne l’étudions pas, nous ne pouvons pas comprendre les dynamiques et les difficultés de son cheminement spirituel et, par conséquent, les racines de ses choix pastoraux. Nous arrivons à l’aimer seulement superficiellement, sans la vraie capacité de l’imiter comme l’homme qui est profondément saint. Surtout, il sera impossible d’intégrer aujourd’hui son charisme dans les différents contextes et dans les différentes situations. Ce n’est qu’en renforçant notre identité charismatique que nous pourrons offrir à l’Église et à la société un témoignage crédible et une proposition éducative et pastorale significative et pertinente pour les jeunes d’aujourd’hui.

3. Le chemin continue
            Dans cette troisième partie, je voudrais encourager toutes les Provinces à maintenir leur attention sur certains secteurs auxquels nous avons voulu donner un signe de continuité à travers diverses Délibérations et engagements concrets.
            Le domaine de l’animation et de la coordination de la marginalisation et du malaise des jeunes a été un secteur dans lequel la Congrégation s’est beaucoup investie au cours de ces dernières décennies. Je crois que la réponse des Provinces à la pauvreté croissante est un signe prophétique qui nous distingue et qui nous trouve tous déterminés à continuer à renforcer la réponse salésienne en faveur des plus pauvres.
            L’engagement des Provinces dans le domaine de la promotion d’environnements sûrs continue de trouver une réponse toujours croissante et professionnelle dans les Provinces. L’effort dans ce domaine témoigne que cette voie est la bonne pour affirmer l’engagement en faveur de la dignité de tous, en particulier les plus vulnérables.
            Le domaine de l’écologie intégrale émerge comme un appel à un travail éducatif et pastoral plus important. L’attention croissante dans les communautés éducatives et pastorales aux questions environnementales nous demande un engagement systématique pour promouvoir un changement de mentalité. Les diverses propositions de formation dans ce domaine déjà présentes dans la Congrégation doivent être reconnues, accompagnées et renforcées.
            Il y a ensuite deux domaines que je voudrais inviter la Congrégation à considérer attentivement pour les prochaines années. Ils font partie d’une vision plus large de l’engagement de la Congrégation. Je crois que ce sont deux domaines qui auront des conséquences substantielles sur nos processus éducatifs et pastoraux.

3.1 Intelligence artificielle : une mission réelle dans un monde artificiel
            En tant que Salésiens de Don Bosco, nous sommes appelés à marcher avec les jeunes dans tous les milieux où ils vivent et grandissent, y compris dans le vaste et complexe monde numérique. Aujourd’hui, l’Intelligence Artificielle (IA) se présente comme une innovation révolutionnaire, capable de façonner la manière dont les gens apprennent, communiquent et construisent des relations. Cependant, aussi révolutionnaire soit-elle, l’IA reste exactement cela : artificielle. Notre ministère, enraciné dans l’authentique connexion humaine et guidé par le Système Préventif, est profondément réel. L’intelligence artificielle peut nous aider, mais elle ne peut pas aimer comme nous. Elle peut organiser, analyser et enseigner de nouvelles manières, mais elle ne pourra jamais remplacer la dimension relationnelle et pastorale qui définissent notre mission salésienne.
            Don Bosco était un visionnaire qui ne craignait pas l’innovation, tant au niveau ecclésial qu’au niveau éducatif, culturel et social. Lorsque cette innovation servait le bien des jeunes, Don Bosco avançait à une vitesse surprenante. Il utilisait l’imprimerie, les nouvelles méthodes éducatives et les ateliers pour élever les jeunes et les préparer à la vie. S’il était parmi nous aujourd’hui, il regarderait sans aucun doute l’IA avec un œil critique et créatif. Il la verrait non pas comme une fin, mais comme un moyen, un outil pour amplifier l’efficacité pastorale sans perdre de vue la personne humaine, toujours au centre.
            L’IA n’est pas seulement un outil : elle fait partie de notre mission de Salésiens vivant à l’ère numérique. Le monde virtuel n’est plus un espace séparé, mais une partie intégrante de la vie quotidienne des jeunes. L’IA peut nous aider à répondre à leurs besoins de manière plus efficace et créative, en offrant des parcours d’apprentissage personnalisés, un mentorat virtuel et des plateformes qui favorisent des connexions significatives.
            En ce sens, l’IA devient à la fois un outil et une mission, car elle nous aide à atteindre les jeunes là où ils se trouvent, souvent immergés dans le monde numérique. Tout en embrassant l’IA, nous devons reconnaître qu’elle n’est qu’un aspect d’une réalité plus large qui comprend les médias sociaux, les communautés virtuelles, la narration numérique et bien d’autres choses encore. Ensemble, ces éléments forment une nouvelle frontière pastorale qui nous met au défi d’être présents et proactifs. Notre mission n’est pas simplement d’utiliser la technologie, mais d’évangéliser le monde numérique, en apportant l’Évangile dans des espaces où il pourrait autrement être absent.
            Notre réponse à l’IA et aux défis numériques doit être enracinée dans l’esprit salésien d’optimisme et d’engagement proactif. Continuons à marcher avec les jeunes, même dans le vaste monde numérique, avec des cœurs remplis d’amour parce que passionnés par le Christ et enracinés dans le charisme de Don Bosco. L’avenir est radieux lorsque la technologie est au service de l’humanité et lorsque la présence numérique est pleine d’une authentique chaleur salésienne et d’un engagement pastoral. Embrassons ce nouveau défi, certains que l’esprit de Don Bosco nous guidera dans chaque nouvelle opportunité.

3.2 L’Université Pontificale Salésienne
            L’Université Pontificale Salésienne (UPS) est l’Université de la Congrégation Salésienne, l’Université qui nous appartient à tous. Elle constitue une structure de grande et stratégique importance pour la Congrégation. Sa mission consiste à faire dialoguer le charisme avec la culture, l’énergie de l’expérience éducative et pastorale de Don Bosco avec la recherche académique, afin d’élaborer une proposition de formation de haut niveau au service de la Congrégation, de l’Église et de la société.
            Depuis ses débuts, notre Université a joué un rôle irremplaçable dans la formation de nombreux confrères pour des rôles d’animation et de responsabilité et elle continue d’accomplir cette mission précieuse. À une époque caractérisée par une désorientation diffuse concernant la grammaire de l’humain et le sens de l’existence, par la désagrégation du lien social et par la fragmentation de l’expérience religieuse, par des crises internationales et des phénomènes migratoires, une Congrégation comme la nôtre est appelée de toute urgence à affronter la mission éducative et pastorale en utilisant les solides ressources intellectuelles qui sont élaborées au sein d’une université.
            En tant que Recteur Majeur et Grand Chancelier de l’UPS, je souhaite réaffirmer que les deux priorités fondamentales pour l’Université de la Congrégation sont la formation d’éducateurs et de pasteurs, salésiens et laïcs, au service des jeunes, et l’approfondissement culturel – historique, pédagogique et théologique – du charisme. Autour de ces deux axes porteurs, qui requièrent un dialogue interdisciplinaire et une attention interculturelle, l’UPS est appelée à développer sa mission de recherche, d’enseignement et de transmission du savoir. Je me réjouis donc qu’en vue du 150e anniversaire de l’écrit de Don Bosco sur le Système Préventif, un projet de recherche sérieux ait été lancé, en collaboration avec la Faculté « Auxilium » des FMA, pour mettre en lumière l’inspiration originelle de la pratique éducative de Don Bosco et pour examiner comment elle inspire aujourd’hui les pratiques pédagogiques et pastorales dans la diversité des contextes et des cultures.
            Le gouvernement et l’animation de la Congrégation et de la Famille Salésienne tireront certainement des bénéfices du travail culturel de l’Université, et les études universitaires recevront une sève précieuse en maintenant un contact étroit avec la vie de la Congrégation et son service quotidien aux jeunes les plus pauvres de toutes les parties du monde.

3.3 150 ans : le voyage continue
            Nous sommes appelés à rendre grâce et louange à Dieu en cette année jubilaire de l’espérance, car cette année, nous commémorons l’engagement missionnaire de Don Bosco qui connaît en 1875 un moment de développement très significatif. La réflexion que le Vicaire du Recteur Majeur, Don Stefano Martoglio, nous a offerte dans l’Étrenne 2025, nous rappelle le thème central du 150e anniversaire de la première expédition missionnaire de Don Bosco : reconnaître, repenser et relancer.
            À la lumière du Chapitre Général 29 que nous sommes en train de conclure, cela nous aide à maintenir vivant cet appel au cours des six années qui nous attendent. Comme le dit le texte de l’Étrenne 2025, nous sommes appelés à être reconnaissants parce que « la reconnaissance rend manifeste la paternité de toute belle réalisation. Sans reconnaissance, il n’y a pas de capacité d’accueil. »
            À la reconnaissance, nous ajoutons le devoir de repenser notre fidélité, parce que « la fidélité implique la capacité de changer dans l’obéissance, vers une vision qui vient de Dieu et de la lecture des « signes des temps »… Repenser, alors, devient un acte générateur, dans lequel s’unissent foi et vie ; un moment dans lequel on doit se demander : que veux-tu nous dire, Seigneur ? »
            Enfin, le courage de relancer, de recommencer chaque jour. Comme nous le faisons ces jours-ci, regardons loin pour « accueillir les nouveaux défis, en relançant la mission avec espérance. (Parce que la) Mission est de porter l’espérance du Christ avec une conscience lucide et claire, liée à la foi. »

4. Conclusion
            À la fin de ce discours de clôture, j’aimerais présenter une réflexion de Tomáš HALÍK tirée de son livre L’après-midi du christianisme (HALÍK, Tomáš, L’après-midi du christianisme. Le courage de changer (Éditions Vita e Pensiero, Milan 2022). Dans le dernier chapitre du livre, qui porte comme titre « La société du chemin », l’auteur présente quatre concepts ecclésiologiques.
            Je crois que ces quatre concepts ecclésiologiques peuvent nous aider à interpréter positivement les grandes opportunités pastorales qui nous attendent. Je propose cette réflexion en étant conscient que ce que l’auteur propose est intimement lié au cœur du charisme salésien. Il est frappant et surprenant que plus nous avançons dans la lecture charismatique et pastorale, mais aussi pédagogique et culturelle de la réalité d’aujourd’hui, plus se confirme la conviction que notre charisme nous fournit une base solide pour que les différents processus que nous accompagnons puissent trouver leur juste place dans un monde où les jeunes attendent qu’on leur offre l’espérance, la joie et l’optimisme. Il est bon que nous reconnaissions avec une grande humilité, mais en même temps avec un grand sens de la responsabilité, comment le charisme de Don Bosco continue aujourd’hui à donner des orientations, non seulement pour nous, mais pour toute l’Église.

4.1 L’Église, peuple de Dieu en pèlerinage dans l’histoire. Cette image dessine      une Église en mouvement et aux prises avec des changements incessants. Dieu façonne l’Église dans l’histoire, se révèle à elle à travers l’histoire et lui transmet ses enseignements à travers des événements historiques. Dieu est dans l’histoire (Id. p. 229).

            Notre vocation d’éducateurs et de pasteurs consiste précisément à accompagner le troupeau dans cette phase de l’histoire, dans cette société en constante évolution. Notre présence dans les différentes « cours de la vie des gens » est la présence sacramentelle d’un Dieu qui veut rencontrer ceux qui le cherchent sans le savoir. Dans ce contexte, le « sacrement de la présence » acquiert pour nous une valeur inestimable parce qu’il se confond avec les événements historiques de nos jeunes et de tous ceux qui viennent à nous dans les diverses expressions de la mission salésienne : la COUR.

4.2 L’école est la deuxième vision de l’Eglise, école de vie et école de sagesse. Nous vivons à une époque où, dans l’espace public de nombreux pays européens, ce ne sont ni la religion traditionnelle ni l’athéisme qui dominent, mais plutôt l’agnosticisme, l’apathéisme et l’analphabétisme religieux… Dans cette époque, il est urgent que la société chrétienne se transforme en « école », selon l’idéal originel des universités médiévales, fondées comme des communautés de maîtres et d’élèves, des communautés de vie, de prière et d’enseignement (Id. pp. 231-232).

            En reprenant le projet éducatif pastoral de Don Bosco depuis ses origines, nous découvrons comment cette deuxième proposition touche directement l’expérience que nous offrons actuellement à nos jeunes : l’école et la formation professionnelle à la fois comme lieux et comme parcours d’expérience. Ce sont des parcours éducatifs, outil indispensable pour donner vie à un processus intégral où se rencontrent la culture et la foi. Pour nous aujourd’hui, cet espace est une excellente opportunité où nous pouvons témoigner de la bonne nouvelle dans des rencontres humaines et fraternelles, éducatives et pastorales avec tant de personnes et, surtout, avec tant d’enfants et de jeunes pour qu’ils se sentent accompagnés vers un avenir meilleur. Pour nous, pasteurs, l’expérience éducative est un mode de vie qui communique la sagesse et les valeurs dans un contexte qui rencontre et dépasse les résistances et fait fondre l’indifférence dans l’empathie et la proximité. Marcher ensemble favorise un espace de croissance intégrale inspiré par la sagesse et les valeurs évangéliques : l’ÉCOLE.

4.3 L’Église comme hôpital de campagne… Trop longtemps, face aux maladies de la société, l’Église s’est limitée à la morale ; aujourd’hui, elle est confrontée à la tâche de redécouvrir et d’appliquer le potentiel thérapeutique de la foi. La mission diagnostique doit être accomplie par cette discipline pour laquelle j’ai proposé le nom de « kaïrologie », l’art de lire et d’interpréter les signes des temps, l’herméneutique théologique des faits de société et de la culture. La kaïrologie doit s’intéresser aux temps de crise et aux changements de paradigmes culturels. Elle doit les saisir comme faisant partie d’une « pédagogie de Dieu », comme le moment opportun pour approfondir la réflexion sur la foi et renouveler sa praxis. En un sens, la kaïrologie développe la méthode du discernement spirituel, qui est une composante importante de la spiritualité de saint Ignace et de ses disciples ; elle l’applique lorsqu’elle approfondit et évalue l’état actuel du monde et les tâches qui nous incombent (Id. pp. 233-234).

            Ce troisième critère ecclésiologique est au cœur de la démarche salésienne. Nous ne sommes pas présents dans la vie des enfants et des jeunes pour les condamner. Nous nous rendons disponibles pour leur offrir un espace sain de communion (ecclésiale), éclairé par la présence d’un Dieu miséricordieux qui ne pose de conditions à personne. Nous élaborons et communiquons les différentes propositions pastorales précisément avec la mission de faciliter la rencontre des jeunes avec une proposition spirituelle capable d’éclairer l’époque dans laquelle ils vivent, de leur offrir une espérance pour l’avenir. La proposition de la personne de Jésus-Christ n’est pas le fruit d’un confessionnalisme stérile ou d’un prosélytisme aveugle, mais la découverte d’une relation avec une personne qui offre à tous un amour inconditionnel. Notre témoignage et celui de tous ceux qui vivent l’expérience éducative pastorale, en tant que communauté, est le signe le plus éloquent et le message le plus crédible des valeurs que nous voulons communiquer pour les partager : l’EGLISE.

4.4 Le quatrième modèle d’Eglise… il est nécessaire que l’Eglise établisse des centres spirituels, des lieux d’adoration et de contemplation, mais aussi de rencontre et de dialogue, où l’on puisse partager l’expérience de la foi. Beaucoup de chrétiens sont préoccupés par le fait que, dans un grand nombre de pays, le réseau des paroisses, établi il y a plusieurs siècles dans une situation socioculturelle et pastorale complètement différente et dans une autre conception de l’Église, s’effiloche (Id. pp. 236-237).

Le quatrième concept est celui d’une « maison » capable de communiquer l’accueil, l’écoute et l’accompagnement. Une « maison » dans laquelle la dimension humaine de l’histoire de chaque personne est reconnue et où, en même temps, la possibilité est offerte de permettre à cette humanité d’atteindre sa maturité. Don Bosco appelle à juste titre « maison » le lieu où la communauté vit son appel car, en accueillant nos jeunes, elle sait assurer les conditions et les propositions pastorales nécessaires pour que cette humanité grandisse de manière intégrale. Chacune de nos communautés, chaque « maison », est appelée à témoigner de l’originalité de l’expérience du Valdocco : une « maison » qui accueille l’histoire de nos jeunes, en leur offrant un avenir digne : la MAISON.
            Dans nos Constitutions, à l’article 40, nous trouvons la synthèse de ces « quatre concepts ecclésiologiques ». C’est une synthèse qui sert d’invitation et d’encouragement pour le présent et l’avenir de nos communautés pastorales éducatives, de nos provinces, de notre bien-aimée Congrégation salésienne :

L’oratoire de Don Bosco, critère permanent
            Don Bosco a vécu une expérience pastorale typique dans son premier oratoire, qui était pour les jeunes une maison qui accueille, une paroisse qui évangélise, une école qui initie à la vie, une cour où on se rencontre entre amis et où on vit dans la joie.
            Dans l’accomplissement de notre mission aujourd’hui, l’expérience du Valdocco reste un critère permanent de discernement et de renouvellement de toute activité et de tout travail.

            Je vous remercie.
            Rome, le 12 avril 2025




donbosco.info : un moteur de recherche salésien

Nous présentons la nouvelle plateforme donbosco.info, un moteur de recherche salésien conçu pour faciliter la consultation des documents liés au charisme de Don Bosco. Créé pour soutenir le Bulletin Salésien OnLine, il dépasse les limites des systèmes d’archivage traditionnels, souvent incapables de détecter toutes les occurrences des mots. Cette solution intègre un hardware et un software spécialement créés dans ce but, offrant également une fonction de lecture. L’interface web, volontairement simple, permet de naviguer parmi des milliers de documents en différentes langues, avec la possibilité de filtrer les résultats par dossier, titre, auteur ou année. Grâce à la numérisation OCR des documents PDF, le système identifie le texte même lorsqu’il n’est pas parfait, et adopte des stratégies pour ignorer la ponctuation et les caractères spéciaux. Les contenus, riches en matériel historique et de formation, visent à diffuser le message salésien de manière capillaire. Grâce au téléchargement libre de documents, on encourage l’enrichissement continuel de la plateforme et on améliore ainsi la recherche.

Dans le cadre des travaux de rédaction du Bulletin Salésien OnLine (BSOL), la création de divers outils de support, dont un moteur de recherche, s’est avérée nécessaire.

Ce moteur de recherche a été conçu en tenant compte des limites actuelles dans les différentes ressources salésiennes disponibles sur le réseau. De nombreux sites proposent des systèmes d’archivage avec des fonctionnalités de recherche, mais ils ne parviennent souvent pas à identifier toutes les occurrences des mots, en raison de limitations techniques ou de restrictions introduites pour éviter la surcharge des serveurs.

Pour surmonter ces difficultés, au lieu de construire un simple archivage de documents avec une fonction de recherche, nous avons réalisé un véritable moteur de recherche, doté également d’une fonction de lecture. Il s’agit d’une solution complète, basée sur un hardware et un software spécialement mis en place dans ce but.

Lors de la phase de conception, nous avons évalué deux options : un software à installer localement ou une application server-side accessible via le web. Étant donné que la mission du Bulletin Salésien OnLine est de diffuser le charisme salésien au plus grand nombre de personnes, il a été décidé d’opter pour la solution web, afin de permettre à quiconque de rechercher et de consulter des documents salésiens.

Le moteur de recherche est disponible à l’adresse www.donbosco.info. L’interface web est volontairement essentielle, « spartiate », afin de garantir une plus grande vitesse de chargement. La page d’accueil répertorie les fichiers et les dossiers présents, dans le but de faciliter la consultation. Les documents ne sont pas seulement en italien, mais également disponibles dans d’autres langues, sélectionnables via l’icône correspondante en haut à gauche.

La plupart des fichiers téléchargés sont au format PDF provenant de numérisations OCR (reconnaissance optique des caractères). Étant donné que l’OCR n’est pas toujours parfait, il arrive que tous les mots recherchés ne soient pas détectés. Pour pallier cet inconvénient, différentes stratégies ont été mises en œuvre : ignorer la ponctuation et les caractères accentués ou spéciaux, et permettre la recherche même en présence de caractères manquants ou erronés. Des détails supplémentaires sont disponibles dans la section FAQ, accessible en bas de page.

Étant donné la présence de milliers de documents, la recherche peut apporter un nombre très élevé de résultats. C’est pourquoi il est possible de restreindre le champ de la recherche par dossiers, par titre, auteur ou année : les critères sont cumulatifs et aident à trouver plus rapidement ce dont on a besoin. Les résultats sont classés en fonction d’un score de pertinence, qui tient actuellement compte principalement de la densité des mots-clés à l’intérieur du texte et de leur proximité.

Idéalement, il serait préférable de disposer des documents en format vectoriel plutôt que numérisés, car la recherche serait toujours précise et les fichiers seraient plus légers, avec des avantages conséquents en termes de vitesse.

Si vous possédez des documents en format vectoriel ou de meilleure qualité que ceux déjà présents dans le moteur de recherche, vous pouvez les télécharger via le service de téléchargement disponible sur www.donbosco.space. Vous pouvez également ajouter d’autres documents non présents dans le moteur de recherche. Pour obtenir les identifiants d’accès (nom d’utilisateur et mot de passe), envoyez une demande par e-mail à bsol@sdb.org.




Avec Don Bosco. Toujours

Il n’est pas indifférent de célébrer un Chapitre général dans un lieu ou un autre. Certes, à Valdocco, dans le « berceau du charisme », nous avons l’opportunité de redécouvrir la genèse de notre histoire et de retrouver l’originalité qui constitue le cœur de notre identité de consacrés et d’apôtres des jeunes.

Dans le cadre ancien de Valdocco, où tout parle de nos origines, je suis presque obligé de faire mémoire de ce mois de décembre 1859, où Don Bosco avait pris une décision incroyable, unique dans l’histoire : fonder une congrégation religieuse avec des jeunes.
Il les avait préparés, mais ils étaient encore très jeunes. « Depuis longtemps, je pensais fonder une congrégation. Le moment est venu de passer à la phase concrète », expliqua simplement Don Bosco. « En réalité, cette congrégation ne naît pas maintenant : elle existait déjà avec cet ensemble de règles que vous avez toujours observées par tradition… Il s’agit maintenant d’aller de l’avant, de constituer la congrégation en bonne et due forme et d’en accepter les règles. Sachez cependant que n’en feront partie que ceux qui, après y avoir sérieusement réfléchi, voudront prononcer en temps voulu les vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance… Je vous laisse une semaine pour y réfléchir ».
À la sortie de la réunion, il y eut un silence inhabituel. Très vite, quand les bouches s’ouvrirent, on put constater que Don Bosco avait eu raison de procéder avec lenteur et prudence. Certains marmonnaient entre leurs dents que Don Bosco voulait faire d’eux des frati (des moines). Cagliero faisait les cent pas dans la cour, en proie à des sentiments contradictoires.
Mais le désir de « rester avec Don Bosco » l’emporta chez la majorité. Cagliero lâcha la phrase qui allait devenir historique : « Frate ou pas frate, je reste avec Don Bosco ».
À la « conférence d’adhésion », qui se tint le soir du 18 décembre, ils étaient 17.
Don Bosco convoqua le premier Chapitre général le 5 septembre 1877 à Lanzo près de Turin. Les participants étaient vingt-trois et le Chapitre dura trois jours entiers.
Aujourd’hui, pour le 29e Chapitre général, les capitulaires sont 227. Ils sont arrivés de toutes les parties du monde, comme représentants de tous les salésiens.
À l’ouverture du premier Chapitre général, voici comment Don Bosco parla à nos confrères : « Le Divin Sauveur dit dans le saint Évangile que là où deux ou trois sont rassemblés en son nom, il se trouve lui-même au milieu d’eux. Nous n’avons pas d’autre but dans ces réunions que la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes rachetées par le Sang précieux de Jésus-Christ ». Nous pouvons donc être certains que le Seigneur sera au milieu de nous et qu’il conduira les choses de telle manière que tous se sentent à l’aise.

Un changement d’époque
L’expression évangélique : « Jésus appela ceux qu’il voulait avec lui et il les envoya prêcher » (Mc 3, 14-15), dit que Jésus choisit et appelle ceux qu’il veut. Parmi eux, il y a nous aussi. Le Royaume de Dieu se rend présent et les Douze premiers sont un exemple et un modèle pour nous et pour nos communautés. Les Douze sont des personnes communes, avec des qualités et des défauts. Ils ne forment pas une communauté de purs et même pas un simple groupe d’amis.
Ils savent, comme l’a dit le Pape François, que « nous vivons un changement d’époque plus qu’une époque de changements ». À Valdocco, ces jours-ci, on respire le climat d’une grande prise de conscience. Tous les confrères sentent que c’est un moment de grande responsabilité.
Dans la vie de la majorité des confrères, des provinces et de la Congrégation, il y a beaucoup de choses positives, mais cela ne suffit pas et ne peut pas servir de « consolation », parce que le cri du monde, avec ses grandes et nouvelles pauvretés, avec la lutte quotidienne de tant de personnes – non seulement des pauvres mais aussi des gens simples et des travailleurs – s’élève avec force pour demander de l’aide. Ce sont toutes des questions qui doivent nous provoquer et nous secouer et ne pas nous laisser tranquilles.
Avec l’aide des provinces à travers la consultation, nous croyons avoir repéré d’un côté les principaux motifs de préoccupation et de l’autre les signes de vitalité de notre Congrégation, toujours avec les traits culturels spécifiques de chaque contexte local.
Durant le Chapitre, nous proposons de nous concentrer sur ce que signifie pour nous être vraiment des salésiens passionnés de Jésus-Christ, parce que sans cela nous offrirons de bons services, nous ferons du bien aux personnes, nous aiderons, mais nous ne laisserons pas une trace profonde.
La mission de Jésus continue et se rend visible aujourd’hui dans le monde à travers nous aussi, ses envoyés. Nous sommes consacrés pour construire de larges espaces de lumière pour le monde d’aujourd’hui, pour être des prophètes. Nous avons été consacrés par Dieu et placés à la suite de son Fils bien-aimé Jésus, pour vivre vraiment comme des êtres conquis par Dieu. C’est pourquoi encore une fois l’essentiel se joue tout dans la fidélité de la Congrégation à l’Esprit Saint, en vivant, avec l’esprit de Don Bosco, une vie consacrée salésienne centrée en Jésus-Christ.
La vitalité apostolique, comme vitalité spirituelle, est un engagement en faveur des jeunes, des enfants, dans les formes les plus diverses de pauvreté, et par conséquent nous ne pouvons pas nous contenter d’offrir seulement des services éducatifs. Le Seigneur nous appelle à éduquer en évangélisant, en portant sa présence et en accompagnant la vie avec des propositions d’avenir.
Nous sommes appelés à chercher de nouveaux modèles de présence, de nouvelles expressions du charisme salésien au nom de Dieu. Et que cela se fasse en communion avec les jeunes et avec le monde, à travers une « écologie intégrale », dans la formation d’une culture numérique, dans les mondes habités par les jeunes et les adultes.
Et on sent un fort désir et une forte attente que ce Chapitre général soit un Chapitre courageux, dans lequel les choses soient dites, sans se perdre dans des phrases correctes, bien confectionnées, mais qui ne touchent pas la vie.
Dans cette mission, nous ne sommes pas seuls. Nous savons et nous sentons que la Vierge Marie est un modèle de fidélité.
Il est beau de revenir avec l’esprit et avec le cœur au jour de la solennité de l’Immaculée Conception de 1887 quand, deux mois avant sa mort, Don Bosco dit à quelques Salésiens qui le regardaient et l’écoutaient avec émotion : « Jusqu’à présent, nous avons marché sur du solide. Nous ne pouvons pas nous tromper ; c’est Marie qui nous guide ».
Marie Auxiliatrice, la Madone de Don Bosco, nous guide. Elle est la Mère de nous tous et c’est elle qui répète, comme à Cana de Galilée à l’heure du CG29 : « Quoi qu’il vous dise, faites-le ».
Que notre Mère Auxiliatrice nous illumine et nous guide, comme elle le fit avec Don Bosco, pour être fidèles au Seigneur et ne jamais décevoir les jeunes, surtout ceux qui sont le plus dans le besoin.




Le Vicaire du Recteur Majeur. Don Stefano Martoglio

Nous avons la joie d’annoncer que Don Stefano Martoglio a été réélu Vicaire du Recteur Majeur.
Les capitulaires l’ont élu aujourd’hui à la majorité absolue et dès le premier tour de scrutin.

Nous souhaitons un apostolat fructueux à Don Stefano et nous lui assurons de nos prières.




Nouveau Recteur Majeur : Fabius Attard

Nous avons la joie d’annoncer que Don Fabius Attard est le nouveau Recteur Majeur, le onzième successeur de Don Bosco.

Très brèves informations sur le nouveau Recteur Majeur :
Né : 23.03.1959 à Gozo (Malte), diocèse de Gozo.
Noviciat : 1979-1980 à Dublin.
Profession perpétuelle : 11.08.1985 à Malte.
Ordination presbytérale : 04.07.1987 à Malte.
Il a exercé diverses fonctions pastorales et de formation au sein de sa province d’origine.
Il a été pendant 12 ans le Conseiller général pour la Pastorale des Jeunes, 2008-2020.
Depuis 2020, il est le Délégué du Recteur Majeur pour la Formation Permanente des salésiens et des laïcs en Europe.
Dernière communauté d’appartenance : Rome CNOS.
Langues connues : Maltais, Anglais, Italien, Français, Espagnol.

Nous souhaitons un apostolat fructueux à Don Fabio et nous lui assurons de nos prières.




Recteurs Majeurs de la Congrégation Salésienne

La Congrégation Salésienne, fondée en 1859 par Saint Jean Bosco, a eu à sa tête un supérieur général appelé, déjà du temps de Don Bosco, Recteur Majeur. La figure du Recteur Majeur est centrale dans le leadership de la congrégation, servant de guide spirituel et de centre d’unité non seulement des salésiens mais aussi de toute la Famille Salésienne. Chaque Recteur Majeur a contribué de manière unique à la mission salésienne, en affrontant les défis de son temps et en promouvant l’éducation et la vie spirituelle des jeunes. Faisons un bref résumé des Recteurs Majeurs et des défis qu’ils ont dû relever.

Saint Jean Bosco (1859-1888)
Saint Jean Bosco, fondateur de la Congrégation Salésienne, a incarné des qualités distinctives qui ont façonné l’identité et la mission de l’ordre. Sa foi profonde et sa confiance dans la Divine Providence ont fait de lui un leader charismatique, capable d’inspirer et de guider avec vision et détermination. Son dévouement infatigable à l’éducation des jeunes, en particulier des plus nécessiteux, s’est manifesté à travers le Système Préventif innovant, basé sur la raison, la religion et l’affection. Don Bosco a promu un climat familial dans les maisons salésiennes, favorisant des relations sincères et fraternelles. Sa capacité d’organisation et son esprit d’entreprise ont conduit à la création de nombreuses œuvres éducatives. Son ouverture missionnaire a poussé la Congrégation au-delà des frontières italiennes, diffusant le charisme salésien dans le monde. Son humilité et sa simplicité l’ont rendu proche de tous, gagnant la confiance et l’affection de ses collaborateurs et des jeunes.
Saint Jean Bosco a affronté de nombreuses difficultés. Il a dû surmonter l’incompréhension et l’hostilité des autorités civiles et ecclésiastiques, qui se méfiaient souvent de sa méthode éducative et de sa croissance rapide. Il a affronté de graves difficultés économiques pour soutenir les œuvres salésiennes, ne comptant souvent que sur la Providence. Gérer des jeunes difficiles et former des collaborateurs fiables a été une tâche ardue. De plus, sa santé, usée par le travail intense et les préoccupations constantes, a été une limite constante. Malgré tout, il a affronté chaque épreuve avec une foi inébranlable, un amour paternel pour les jeunes et une détermination infatigable, menant à bien la mission avec espoir.

1. Bienheureux Michel Rua (1888-1910)
Le ministère de Recteur Majeur du Bienheureux Michel Rua se caractérise par la fidélité au charisme de Don Bosco, la consolidation institutionnelle et l’expansion missionnaire. Il a été nommé par Don Bosco comme successeur sur ordre du pape Léon XIII, lors de l’audience du 24.10.1884. Après la confirmation du Pape, le 24.09.1885, Don Bosco a rendu public son choix devant le Chapitre Supérieur.
Quelques caractéristiques de son rectorat :
– il a agi comme « règle vivante » du système préventif, maintenant intact l’esprit éducatif de Don Bosco à travers la formation, la catéchèse et la direction spirituelle ; il a été un continuateur du fondateur ;
– il a dirigé la Congrégation en croissance exponentielle, gérant des centaines de maisons et des milliers de religieux, avec des visites pastorales dans le monde entier malgré des problèmes de santé ;
– il a affronté des calomnies et des crises (comme le scandale de 1907) en défendant l’image salésienne ;
– il a promu les Filles de Marie Auxiliatrice et les Coopérateurs, renforçant la structure tripartite voulue par Don Bosco ;
– sous sa direction, les Salésiens sont passés de 773 à 4 000 membres, et les maisons de 64 à 341, s’étendant dans 30 nations.

2. Don Paolo Albera (1910-1921)
Le ministère de Recteur Majeur de Don Paolo Albera se distingue par la fidélité au charisme de Don Bosco et l’expansion missionnaire globale. Élu au Chapitre Général 11.
Quelques caractéristiques de son rectorat :
– il a maintenu intact le système préventif, promouvant la formation spirituelle des jeunes salésiens et la diffusion du Bulletin Salésien comme instrument d’évangélisation ;
– il a affronté les défis de la Première Guerre Mondiale, avec des salésiens mobilisés (plus de 2 000 appelés sous les drapeaux, 80 d’entre eux morts à la guerre) et des maisons transformées en hôpitaux ou casernes, maintenant la cohésion dans la Congrégation ; ce conflit a causé la suspension du Chapitre Général prévu et a interrompu de nombreuses activités éducatives et pastorales ;
– il a affronté les conséquences de cette guerre qui a généré une augmentation de la pauvreté et du nombre d’orphelins, requérant un engagement extraordinaire pour accueillir et soutenir ces jeunes dans les maisons salésiennes ;
– il a ouvert de nouvelles frontières en Afrique, en Asie et en Amérique, envoyant 501 missionnaires en neuf expéditions ad gentes et fondant des œuvres au Congo, en Chine et en Inde.

3. Bienheureux Philippe Rinaldi (1922-1931)
Le ministère de Recteur Majeur du Bienheureux Philippe Rinaldi se caractérise par la fidélité au charisme de Don Bosco, l’expansion missionnaire et l’innovation spirituelle. Élu au Chapitre Général 12.
Quelques caractéristiques de son rectorat :
– il a maintenu intact le système préventif, promouvant la formation intérieure des salésiens ;
– il a envoyé plus de 1 800 salésiens dans le monde entier, a fondé des instituts missionnaires et des revues, ouvrant de nouvelles frontières en Afrique, en Asie et en Amérique ;
– il a institué l’association des Anciens élèves et le premier Institut séculier salésien (Volontaires de Don Bosco), adaptant l’esprit de Don Bosco aux exigences du début du XXe siècle ;
– il a ranimé la vie intérieure de la Congrégation, exhortant à une « confiance illimitée » en Marie Auxiliatrice, héritage central du charisme salésien ;
– il a souligné l’importance de la formation spirituelle et de l’assistance aux émigrés, promouvant des œuvres de prévoyance et des associations entre travailleurs ;
– durant son rectorat, les membres sont passés de 4 788 à 8 836 et les maisons de 404 à 644, mettant en évidence sa capacité d’organisation et son zèle missionnaire.

4. Don Pierre Ricaldone (1932-1951)
Le ministère de Recteur Majeur de Don Pierre Ricaldone se caractérise par la consolidation institutionnelle, l’engagement durant la Seconde Guerre Mondiale et la collaboration avec les autorités civiles. Élu au Chapitre Général 14.
Quelques caractéristiques de son rectorat :
– il a renforcé les maisons salésiennes et les centres de formation, a fondé l’Université Pontificale Salésienne (1940) et a soigné la canonisation de Don Bosco (1934) et de Mère Mazzarello (1951) ;
– il a affronté la Guerre Civile Espagnole (1936-1939) qui a représenté l’une des principales difficultés, avec des persécutions qui ont durement frappé les œuvres salésiennes dans le pays ;
– successivement, il a affronté la Seconde Guerre Mondiale (1939-1945) qui a causé d’ultérieures souffrances : de nombreux salésiens ont été déportés ou privés de leur liberté, et les communications entre la Maison Générale de Turin et les communautés dispersées dans le monde ont été interrompues ; de plus, l’avènement de régimes totalitaires en Europe orientale a conduit à la suppression de diverses œuvres salésiennes ;
– durant la guerre, il a ouvert les structures salésiennes aux déplacés, aux juifs et aux partisans, négociant pour la libération de prisonniers et protégeant ceux qui étaient en danger ;
– il a promu la spiritualité salésienne à travers des œuvres éditoriales (ex. Corona patrum salesiana) et des initiatives en faveur des jeunes marginalisés.

5. Don Renato Ziggiotti (1952-1965)
Le ministère de Recteur Majeur de Don Renato Ziggiotti (1952-1965) se caractérise par l’expansion globale, la fidélité au charisme et l’engagement conciliaire. Élu au Chapitre Général 17.
Quelques caractéristiques de son rectorat :
– il a été le premier Recteur Majeur à ne pas avoir connu personnellement Don Bosco et à renoncer à sa charge avant sa mort, démontrant une grande humilité ;
– durant son mandat, les salésiens sont passés de 16 900 à plus de 22 000 membres, avec 73 provinces et presque 1 400 maisons dans le monde entier ;
– il a promu la construction de la Basilique de Saint Jean Bosco à Rome et du sanctuaire sur la Colline des Becchi (Colline Don Bosco), outre le transfert de l’Athénée Pontifical Salésien dans la capitale ;
– il a été le premier Recteur Majeur à participer activement aux trois premières sessions du Concile Vatican II, anticipant le renouvellement de la Congrégation et l’implication des laïcs ;
– il a accompli une entreprise sans précédent : il a visité presque toutes les maisons salésiennes et Filles de Marie Auxiliatrice, dialoguant avec des milliers de confrères, malgré les difficultés logistiques.

6. Don Luigi Ricceri (1965-1977)
Le ministère de Recteur Majeur de Don Luigi Ricceri se caractérise par le renouvellement conciliaire, la centralisation organisationnelle et la fidélité au charisme salésien. Élu au Chapitre Général 19.
Quelques caractéristiques de son rectorat :
– adaptation post-conciliaire : il a guidé la Congrégation dans la mise en œuvre des indications du Concile Vatican II, promouvant le Chapitre Général Spécial (1966) pour le renouvellement des Constitutions et la formation permanente des salésiens ;
– il a transféré la Direction Générale de Valdocco à Rome, la séparant de la « Maison Mère » pour mieux l’intégrer dans le contexte ecclésial ;
– la révision des Constitutions et des Règlements a été une tâche complexe, visant à garantir l’adaptation aux nouvelles directives ecclésiales sans perdre l’identité originelle ;
– il a renforcé le rôle des Coopérateurs et des Anciens élèves, renforçant la collaboration entre les différentes branches de la Famille salésienne.

7. Don Egidio Viganò (1977-1995)
Le ministère de Recteur Majeur de Don Egidio Viganò se caractérise par la fidélité au charisme salésien, l’engagement conciliaire et l’expansion missionnaire globale. Élu au Chapitre Général 21.
Quelques caractéristiques de son rectorat :
– sa participation en tant qu’expert au Concile Vatican II a influencé significativement son action, promouvant la mise à jour des Constitutions salésiennes en ligne avec les directives conciliaires et il a guidé la Congrégation dans la mise en œuvre des indications du Concile Vatican II ;
– il a collaboré activement avec le pape saint Jean-Paul II, devenant son confesseur personnel, et a participé à 6 synodes des évêques (1980-1994), renforçant le lien entre la Congrégation et l’Église universelle ;
– profondément lié à la culture latino-américaine (où il a passé 32 ans), il a élargi la présence salésienne dans le Tiers Monde, avec un focus sur la justice sociale et le dialogue interculturel ;
– il a été le premier recteur majeur élu pour trois mandats consécutifs (sur dispense papale) ;
– il a renforcé le rôle des Coopérateurs et des Anciens élèves, promouvant la collaboration entre les différentes branches de la Famille salésienne ;
– il a renforcé la dévotion à Marie Auxiliatrice, reconnaissant l’Association des Dévots de Marie Auxiliatrice comme partie intégrante de la Famille Salésienne ;
– son dévouement à la recherche scientifique et au dialogue interdisciplinaire l’a amené à être considéré comme le « second fondateur » de l’Université Pontificale Salésienne ;
– sous sa direction, la Congrégation a lancé le « Projet Afrique », étendant la présence salésienne sur le continent africain qui a donné de nombreux fruits.

8. Don Juan Edmundo Vecchi (1996-2002)
Le ministère de Recteur Majeur de Don Juan Edmundo Vecchi se distingue par la fidélité au charisme salésien, l’engagement dans la formation et l’ouverture aux défis du post-Concile. Élu au Chapitre Général 24.
Quelques caractéristiques de son rectorat :
– il est le premier Recteur Majeur non italien : fils d’immigrés italiens en Argentine, il a représenté un changement générationnel et géographique dans la direction de la Congrégation, s’ouvrant à une perspective plus globale ;
– il a promu la formation permanente des salésiens, soulignant l’importance de la spiritualité et de la préparation professionnelle pour répondre aux exigences des jeunes ;
– il a promu une attention renouvelée à l’éducation des jeunes, soulignant l’importance de la formation intégrale et de l’accompagnement personnel ;
– à travers les Lettres Circulaires, il a exhorté à vivre la sainteté dans le quotidien, la liant au service de la jeunesse et au témoignage de Don Bosco ;
– durant sa maladie, il a continué à témoigner de sa foi et de son dévouement, offrant des réflexions profondes sur l’expérience de la souffrance et de la vieillesse dans la vie salésienne.

9. Don Pascual Chávez Villanueva (2002-2014)
Le ministère de Recteur Majeur de Don Pascual Chávez Villanueva se distingue par la fidélité au charisme salésien, l’engagement dans la formation et l’engagement dans les défis de la mondialisation et des transformations ecclésiales. Élu au Chapitre Général 25.
Quelques caractéristiques de son rectorat :
– il a promu une attention renouvelée à la communauté salésienne comme sujet évangélisateur, avec priorité à la formation spirituelle et à l’inculturation du charisme dans les contextes régionaux ;
– il a relancé l’engagement envers les jeunes les plus vulnérables, héritant de l’approche de Don Bosco, avec une attention particulière aux oratoires de frontière et aux périphéries sociales ;
– il a soigné la formation permanente des salésiens, développant des études théologiques et pédagogiques liées à la spiritualité de Don Bosco, préparant le bicentenaire de sa naissance ;
– il a guidé la Congrégation avec une approche organisationnelle et dialoguante, impliquant les différentes régions et promouvant la collaboration entre les centres d’étude salésiens ;
– il a promu une plus grande collaboration avec les laïcs, encourageant la coresponsabilité dans la mission salésienne et affrontant les résistances internes au changement.

10. Don Ángel Fernández Artime (2014-2024)
Le ministère de Don Ángel Fernández Artime se distingue par sa fidélité au charisme salésien et à la papauté. Élu lors du Chapitre Général 27.
Quelques caractéristiques de son rectorat :
– a guidé la Congrégation avec une approche inclusive, visitant 120 pays et promouvant l’adaptation du charisme salésien aux différentes réalités culturelles, tout en maintenant un lien solide avec les racines de Don Bosco ;
– a renforcé l’engagement envers les jeunes les plus vulnérables, des périphéries, héritant de l’approche de Don Bosco ;
– a affronté les défis de la mondialisation et des transformations ecclésiales, en promouvant la collaboration entre les centres d’études et en renouvelant les instruments de gouvernement de la Congrégation ;
– a promu une plus grande collaboration avec les laïcs, encourageant la coresponsabilité dans la mission éducative et pastorale ;
– a dû faire face à la pandémie de COVID-19 qui a nécessité des adaptations dans les œuvres éducatives et d’assistance pour continuer à servir les jeunes et les communautés en difficulté ;
– a dû faire face à la gestion des ressources humaines et matérielles dans une période de crise vocationnelle et de changements démographiques ;
– a déplacé la Maison Généralice de la Pisana à l’œuvre fondée par Don Bosco, Sacré-Cœur de Rome ;
– son engagement a culminé avec sa nomination comme Cardinal (2023) et comme Pro-Préfet du Dicastère pour les Instituts de Vie Consacrée (2025), marquant une reconnaissance de son influence dans l’Église universelle.
 
Les Recteurs Majeurs de la Congrégation Salésienne ont joué un rôle fondamental dans la croissance et le développement de la congrégation. Chacun d’eux a apporté sa contribution unique, affrontant les défis de son temps et maintenant vivant le charisme de saint Jean Bosco. Leur héritage continue d’inspirer les générations futures de salésiens et de jeunes dans le monde entier, garantissant que la mission éducative de Don Bosco reste pertinente et vitale dans le contexte contemporain.
 
Nous présentons également ci-dessous une statistique de ces rectorats.

 Recteur Majeur Né le Début du mandat de Recteur Majeur Élu à … ans Fin du mandat de Recteur Majeur Recteur Majeur pour… A vécu pendant… ans
BOSCO Giovanni 16.08.1815 18.12.1859 44 31.01.1888 (†) 28 ans et 1 mois 72
RUA Michele 09.06.1837 31.01.1888 50 06.04.1910 (†) 22 ans et 2 mois 72
ALBERA Paolo 06.06.1845 16.08.1910 65 29.10.1921 (†) 11 ans et 2 mois 76
RINALDI Filippo 28.05.1856 24.04.1922 65 05.12.1931 (†) 9 ans et 7 mois 75
RICALDONE Pietro 27.07.1870 17.05.1932 61 25.11.1951 (†) 19 ans et 6 mois 81
ZIGGIOTTI Renato 09.10.1892 01.08.1952 59 27.04.1965 († 19.04.1983) 12 ans et 8 mois 90
RICCERI Luigi 08.05.1901 27.04.1965 63 15.12.1977 († 14.06.1989) 12 ans et 7 mois 88
VIGANO Egidio 29.06.1920 15.12.1977 57 23.06.1995 (†) 17 ans et 6 mois 74
VECCHI Juan Edmundo 23.06.1931 20.03.1996 64 23.01.2002 (†) 5 ans et 10 mois 70
VILLANUEVA Pasqual Chavez 20.12.1947 03.04.2002 54 25.03.2014 11 ans et 11 mois 76
ARTIME Angel Fernandez 21.08.1960 25.03.2014 53 31.07.2024 10 ans 4 mois 64