Le Vénérable Mgr Stefano Ferrando

Mgr Stefano Ferrando a été un exemple extraordinaire de dévouement missionnaire et de service épiscopal, alliant le charisme salésien à une profonde vocation au service des plus pauvres. Né en 1895 dans le Piémont, il entra jeune dans la Congrégation salésienne et, après avoir servi militairement pendant la Première Guerre mondiale, ce qui lui valut la médaille d’argent de la valeur, il se consacra à l’apostolat en Inde. Évêque de Krishnagar puis de Shillong pendant plus de trente ans, il marcha inlassablement parmi les populations, promouvant l’évangélisation avec humilité et un profond amour pastoral. Il fonda des institutions, soutint les catéchistes laïcs et incarna dans sa vie la devise « Apôtre du Christ ». Sa vie fut un exemple de foi, d’abandon à Dieu et de don total, laissant un héritage spirituel qui continue d’inspirer la mission salésienne dans le monde.

Le Vénérable Mgr Stefano Ferrando a su conjuguer sa vocation salésienne avec son charisme missionnaire et son ministère épiscopal. Né le 28 septembre 1895 à Rossiglione (Gênes, diocèse d’Acqui) d’Agostino et de Giuseppina Salvi, il se distingue par un ardent amour de Dieu et une tendre dévotion à la Vierge Marie. En 1904, il entre dans les écoles salésiennes, d’abord à Fossano puis à Turin-Valdocco, où il connaît les successeurs de Don Bosco et la première génération de salésiens, et entreprend ses études sacerdotales. Entre-temps, il nourrit le désir de partir comme missionnaire. Le 13 septembre 1912, il fait sa première profession religieuse dans la Congrégation salésienne à Foglizzo. Appelé sous les drapeaux en 1915, il participe à la Première Guerre mondiale et recevra la médaille d’argent pour son courage. De retour chez lui en 1918, il prononce ses vœux perpétuels le 26 décembre 1920.
Il est ordonné prêtre à Borgo San Martino (Alessandria) le 18 mars 1923. Le 2 décembre de la même année, avec neuf compagnons, il s’embarque à Venise comme missionnaire en Inde. Le 18 décembre, après 16 jours de voyage, le groupe arrive à Bombay et le 23 décembre à Shillong, lieu de son nouvel apostolat. Nommé maître des novices, il forme les jeunes salésiens à l’amour de Jésus et de Marie et fait preuve d’un grand esprit apostolique.
Le 9 août 1934, le pape Pie XI le nomme évêque de Krishnagar. Il prend comme devise : « Apôtre du Christ ». En 1935, le 26 novembre, il est transféré à Shillong, où il restera évêque pendant 34 ans. Tout en travaillant dans un contexte difficile sur le plan culturel, religieux et social, Mgr Ferrando s’efforce d’être proche des personnes qui lui étaient confiées, travaillant avec zèle dans le vaste diocèse qui englobait toute la région du nord-est de l’Inde. Il préférait se déplacer à pied plutôt qu’en voiture, ce qui lui permettait de rencontrer les gens, de s’arrêter pour leur parler, de s’impliquer dans leur vie. Ce contact direct avec la vie des gens a été l’une des principales raisons de la fécondité de son annonce évangélique. Son humilité, sa simplicité et son amour des pauvres ont conduit beaucoup de personnes à se convertir et à demander le baptême. Il créa un séminaire pour la formation des jeunes salésiens indiens, construisit un hôpital, érigea un sanctuaire dédié à Marie Auxiliatrice et fonda la première congrégation de sœurs autochtones : la Congrégation des Sœurs Missionnaires de Marie Auxiliatrice (1942).

Homme de caractère, il ne s’est pas découragé face aux innombrables difficultés qu’il a affrontées avec le sourire et avec douceur. La persévérance face aux obstacles était l’une de ses principales caractéristiques. Il cherchait à unir le message de l’Évangile à la culture locale dans laquelle il devait s’insérer. Intrépide dans ses visites pastorales, il se rendait dans les endroits les plus reculés du diocèse, afin de récupérer la dernière brebis perdue. Il travailla avec une grande sensibilité à la promotion des catéchistes laïcs, qu’il considérait comme complémentaires de la mission de l’évêque et dont dépendaient en grande partie la fécondité de l’annonce de l’Évangile et sa pénétration sur le territoire. Il accordait également une grande attention à la pastorale familiale. Malgré ses nombreux engagements, le Vénérable était un homme à la vie intérieure riche, nourrie par la prière et le recueillement. En tant que pasteur, il était apprécié par les sœurs de sa congrégation, les prêtres, les confrères salésiens et ses confrères dans l’épiscopat, ainsi que par les gens, qui le sentaient profondément proche d’eux. Il s’est donné à son troupeau avec créativité, s’occupant des pauvres, défendant les intouchables, soignant les malades du choléra.
Les pierres angulaires de sa spiritualité étaient son lien filial avec la Vierge Marie, son zèle missionnaire, sa référence permanente à Don Bosco, comme il ressort de ses écrits et de toute son activité missionnaire. Le moment le plus lumineux et le plus héroïque de sa vie vertueuse fut son départ du diocèse de Shillong. En effet, Mgr Ferrando dut présenter sa démission au Saint-Père, alors qu’il était encore dans la plénitude de ses facultés physiques et intellectuelles, pour permettre la nomination de son successeur, qui devait être choisi, selon les instructions supérieures, parmi les prêtres indigènes qu’il avait formés. Ce fut un moment particulièrement douloureux, vécu par le grand évêque avec humilité et en esprit d’obéissance. Il comprit qu’il était temps de se retirer dans la prière, selon la volonté du Seigneur.
De retour à Gênes en 1969, il poursuivit son activité pastorale, en présidant les cérémonies de confirmation et en se consacrant au sacrement de pénitence.
Il resta fidèle à la vie religieuse salésienne jusqu’au bout, décidant de vivre en communauté et renonçant aux privilèges que sa position d’évêque aurait pu lui réserver. Il continua en Italie à être « a missionary ». Non pas « a missionary who moves, but […] a missionary who is » : non pas un missionnaire qui se déplace, mais un missionnaire qui est. Sa vie, en cette dernière saison, est devenue « rayonnante ». Il devient un « missionnaire de la prière » qui dit : « Je suis heureux d’être parti pour que d’autres puissent prendre la relève et faire des œuvres merveilleuses ».
Depuis Gênes Quarto, il continua à animer la mission de l’Assam, en sensibilisant et en envoyant des aides financières. Il vécut cette heure de purification dans un esprit de foi, d’abandon à la volonté de Dieu et d’obéissance, selon l’expression évangélique : « nous sommes des serviteurs inutiles », et confirmant par sa vie le caetera tolle, l’aspect oblatif et sacrificiel de la vocation salésienne. Il mourut le 20 juin 1978 et fut enterré à Rossiglione, sa terre natale. En 1987, sa dépouille mortelle fut ramenée en Inde.

Dans la docilité à l’Esprit, il a mené une action pastorale féconde, qui s’est manifestée dans un grand amour pour les pauvres, dans l’humilité d’esprit et la charité fraternelle, dans la joie et l’optimisme de l’esprit salésien.
Avec les nombreux missionnaires qui ont partagé avec lui l’aventure de l’Esprit en terre indienne, parmi lesquels les Serviteurs de Dieu Francesco Convertini, Costantino Vendrame et Oreste Marengo, Mgr Ferrando a inauguré une nouvelle méthode missionnaire, celle d’être un missionnaire itinérant. Un tel exemple est un avertissement providentiel, surtout pour les congrégations religieuses tentées par un processus d’institutionnalisation et de fermeture. Il s’agit de ne pas perdre la passion d’aller à la rencontre des personnes et des situations de grande pauvreté et de dénuement matériel et spirituel, là où personne ne veut aller, et en faisant confiance. « Je regarde l’avenir avec confiance, en me confiant à Marie Auxiliatrice… Je me confierai à Marie Auxiliatrice qui m’a sauvé d’innombrables dangers ».




Sainte Monique, mère de Saint Augustin, témoin d’espérance

Une femme à la foi inébranlable, aux larmes fécondes, exaucée par Dieu après dix-sept longues années. Un modèle de chrétienne, d’épouse et de mère pour toute l’Église. Une femme témoin d’espérance qui s’est transformée en puissance d’intercession au Ciel. Don Bosco lui-même recommandait aux mères, affligées par la vie peu chrétienne de leurs enfants, de se confier à elle dans leurs prières.

Dans la grande galerie des saints et des saintes qui ont marqué l’histoire de l’Église, Sainte Monique (331-387) occupe une place singulière. Non pas pour des miracles spectaculaires, ni pour la fondation de communautés religieuses, ni pour des entreprises sociales ou politiques de grande envergure. Monique est avant tout citée et vénérée comme mère, la mère d’Augustin, ce jeune inquiet qui, grâce à ses prières, à ses larmes et à son témoignage de foi, devint l’un des plus grands Pères de l’Église et Docteurs de la foi catholique.
Mais limiter sa figure à son rôle maternel serait injuste et réducteur. Monique est une femme qui a su vivre sa vie ordinaire — comme épouse, mère, croyante — de manière extraordinaire, en transfigurant le quotidien avec la force de la foi. Elle est un exemple de persévérance dans la prière, de patience dans le mariage, d’espérance inébranlable face aux égarements de son fils.
Les informations sur sa vie nous proviennent presque exclusivement des Confessions d’Augustin, un texte qui n’est pas une chronique, mais une lecture théologique et spirituelle de l’existence. Pourtant, dans ces pages, Augustin dresse un portrait inoubliable de sa mère : non seulement une femme bonne et pieuse, mais un authentique modèle de foi chrétienne, une « mère des larmes » qui deviennent source de grâce.

Les origines à Thagaste
Monique naquit en 331 à Thagaste, ville de Numidie, Souk Ahras dans l’actuelle Algérie. C’était un centre animé, marqué par la présence romaine et une communauté chrétienne déjà bien enracinée. Elle venait d’une famille chrétienne aisée, où la foi faisait déjà partie de l’horizon culturel et spirituel.
Sa formation fut marquée par l’influence d’une nourrice austère, qui l’éduqua à la sobriété et à la tempérance. Saint Augustin écrira d’elle : « Je ne parlerai pas de ses dons, mais de tes dons à elle, qui ne s’était pas faite seule, ni éduquée seule. Tu l’as créée sans même que son père et sa mère ne sachent quelle fille ils auraient ; et la verge de ton Christ, c’est-à-dire la discipline de ton Fils unique, l’instruisit dans ta crainte, dans une maison de croyants, membre sain de ton Église » (Confessions IX, 8, 17).

Dans les Confessions, Augustin raconte aussi un épisode significatif. La jeune Monique avait pris l’habitude de boire de petites gorgées de vin de la cave, jusqu’à ce qu’une servante la réprimande en l’appelant « ivrogne ». Ce reproche lui suffit pour qu’elle se corrige définitivement. Cette anecdote, apparemment mineure, montre son honnêteté à reconnaître ses propres péchés, à se laisser corriger et à grandir en vertu.

À l’âge de 23 ans, Monique fut donnée en mariage à Patrice, un fonctionnaire municipal païen, connu pour son caractère colérique et son infidélité conjugale. La vie matrimoniale ne fut pas facile. La cohabitation avec un homme impulsif et éloigné de la foi chrétienne mit sa patience à rude épreuve.
Pourtant, Monique ne tomba jamais dans le découragement. Par son attitude faite de douceur et de respect, elle sut conquérir progressivement le cœur de son mari. Elle ne répondait pas avec dureté à ses accès de colère, n’alimentait pas de conflits inutiles. Avec le temps, sa constance porta ses fruits : Patrice se convertit et reçut le baptême peu avant de mourir.
Le témoignage de Monique montre que la sainteté ne s’exprime pas nécessairement par des gestes éclatants, mais par la fidélité quotidienne, par l’amour qui sait transformer lentement les situations difficiles. En ce sens, elle est un modèle pour tant d’épouses et de mères qui vivent des mariages marqués par des tensions ou des différences de foi.

Monique mère
De son mariage naquirent trois enfants : Augustin, Navigius et une fille dont nous ne connaissons pas le nom. Monique leur prodigua tout son amour, mais surtout sa foi. Navigius et sa sœur suivirent un chemin chrétien exemplaire : Navigius devint prêtre ; sa sœur embrassa la voie de la virginité consacrée. Augustin, en revanche, devint rapidement le centre de ses préoccupations et de ses larmes.
Dès son enfance, Augustin montrait une intelligence extraordinaire. Monique l’envoya étudier la rhétorique à Carthage, désireuse de lui assurer un avenir brillant. Mais avec les progrès intellectuels vinrent aussi les tentations : la sensualité, la mondanité, les mauvaises compagnies. Augustin embrassa la doctrine manichéenne, convaincu d’y trouver des réponses rationnelles au problème du mal. De plus, il commença à vivre en concubinage avec une femme dont il eut un fils, Adéodat. Les égarements de son fils incitèrent Monique à lui refuser l’accueil dans sa propre maison. Mais elle ne cessa pas pour autant de prier pour lui et d’offrir des sacrifices : « Le cœur saignant de ma mère t’offrait pour moi nuit et jour le sacrifice de ses larmes » (Confessions V, 7,13) et « elle versait plus de larmes que n’en versent jamais les mères à la mort physique de leurs enfants » (Confessions III, 11,19).
Pour Monique, ce fut une blessure profonde : son fils, qu’elle avait consacré au Christ dans son sein, était en train de se perdre. La douleur était indicible, mais elle ne cessa jamais d’espérer. Augustin lui-même écrira : « Le cœur de ma mère, frappé d’une telle blessure, n’aurait plus jamais guéri : car je ne saurais exprimer adéquatement ses sentiments envers moi et combien son travail pour m’enfanter dans l’esprit était plus grand que celui avec lequel elle m’avait enfanté dans la chair » (Confessions V, 9,16).

La question qui se pose spontanément est la suivante : pourquoi Monique n’a-t-elle pas fait baptiser Augustin immédiatement après sa naissance ?
En réalité, bien que le baptême des enfants fût déjà connu et pratiqué, ce n’était pas encore une pratique universelle. Beaucoup de parents préféraient le reporter à l’âge adulte, le considérant comme un « lavacrum définitif » : ils craignaient que, si le baptisé péchait gravement, son salut serait compromis. De plus, Patrice, encore païen, n’avait aucun intérêt à éduquer son fils dans la foi chrétienne.
Aujourd’hui, nous voyons clairement que ce fut un choix malheureux, car le baptême non seulement nous rend enfants de Dieu, mais nous donne la grâce de vaincre les tentations et le péché.
Une chose est cependant certaine : s’il avait été baptisé enfant, Monique se serait épargné, à elle et à son fils, beaucoup de souffrances.

L’image la plus forte de Monique est celle d’une mère qui prie et pleure. Les Confessions la décrivent comme une femme infatigable dans son intercession auprès de Dieu pour son fils.
Un jour, un évêque de Thagaste — ou, selon certains, Ambroise lui-même — la rassura avec des paroles restées célèbres : « Va, il ne peut pas se perdre, le fils de tant de larmes ». Cette phrase devint l’étoile polaire de Monique, la confirmation que sa douleur maternelle n’était pas vaine, mais faisait partie d’un mystérieux dessein de grâce.

Ténacité d’une mère
La vie de Monique fut aussi un pèlerinage dans les pas d’Augustin. Lorsque son fils décida de partir en secret pour Rome, Monique n’épargna aucun effort ; elle ne considéra pas la cause comme perdue, mais le suivit et le chercha jusqu’à ce qu’elle le trouve. Elle le rejoignit à Milan, où Augustin avait obtenu une chaire de rhétorique. Là, elle trouva un guide spirituel en saint Ambroise, évêque de la ville. Une profonde harmonie naquit entre Monique et Ambroise : elle reconnaissait en lui le pasteur capable de guider son fils, tandis qu’Ambroise admirait sa foi inébranlable.
À Milan, la prédication d’Ambroise ouvrit de nouvelles perspectives à Augustin. Il abandonna progressivement le manichéisme et commença à regarder le christianisme avec des yeux neufs. Monique accompagna silencieusement ce processus : elle ne forçait pas les choses, n’exigeait pas de conversions immédiates, mais priait, apportait son soutien et restait à ses côtés jusqu’à sa conversion.

La conversion d’Augustin
Dieu semblait ne pas l’écouter, mais Monique ne cessa jamais de prier et d’offrir des sacrifices pour son fils. Après dix-sept ans, enfin, ses supplications furent exaucées — et comment ! Augustin non seulement devint chrétien, mais il devint prêtre, évêque, docteur et père de l’Église.
Lui-même le reconnaît : « Toi, cependant, dans la profondeur de tes desseins, tu exauças le point vital de son désir, sans te soucier de l’objet momentané de sa demande, mais en veillant à faire de moi ce qu’elle te demandait toujours de faire » (Confessions V, 8,15).

Le moment décisif arriva en 386. Tourmenté intérieurement, Augustin luttait contre les passions et les résistances de sa volonté. Dans le célèbre épisode du jardin de Milan, en entendant la voix d’un enfant qui disait « Tolle, lege » (Prends, lis), il ouvrit l’Épître aux Romains et lut les paroles qui changèrent sa vie : « Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ et ne suivez pas la chair dans ses désirs » (Rm 13,14).
Ce fut le début de sa conversion. Avec son fils Adéodat et quelques amis, il se retira à Cassiciacum pour se préparer au baptême. Monique était avec eux, participant à la joie de voir enfin exaucées les prières de tant d’années.
La nuit de Pâques 387, dans la cathédrale de Milan, Ambroise baptisa Augustin, Adéodat et les autres catéchumènes. Les larmes de douleur de Monique se transformèrent en larmes de joie. Elle continua à rester à son service, tant et si bien qu’à Cassiciacum, Augustin dira : « Elle prit soin de nous comme si elle avait été la mère de tous et nous servit comme si elle avait été la fille de tous. »

Ostie : l’extase et la mort
Après le baptême, Monique et Augustin se préparèrent à retourner en Afrique. S’étant arrêtés à Ostie, où ils attendaient le bateau, ils vécurent un moment d’intense spiritualité. Les Confessions racontent l’extase d’Ostie : la mère et son fils, penchés à une fenêtre, contemplèrent ensemble la beauté de la création et s’élevèrent vers Dieu, goûtant par avance la béatitude du ciel.
Monique dira : « Mon fils, quant à moi, je ne trouve plus aucun attrait pour cette vie. Je ne sais ce que je fais encore ici-bas et pourquoi je me trouve ici. Ce monde n’est plus l’objet de mes désirs. Il n’y avait qu’une seule raison pour laquelle je désirais rester encore un peu dans cette vie : te voir chrétien catholique, avant de mourir. Dieu m’a exaucée au-delà de toutes mes attentes, il m’a accordé de te voir à son service et affranchi des aspirations de bonheur terrestres. Que fais-je ici ?» (Confessions IX, 10,11). Elle avait atteint son but terrestre.
Quelques jours plus tard, Monique tomba gravement malade. Sentant la fin proche, elle dit à ses enfants : « Mes enfants, vous enterrerez votre mère ici ; ne vous souciez pas de l’endroit. Je vous demande seulement ceci : souvenez-vous de moi à l’autel du Seigneur, où que vous soyez. » C’était la synthèse de sa vie : le lieu de la sépulture ne lui importait pas, mais le lien dans la prière et l’Eucharistie.
Elle mourut à 56 ans, le 12 novembre 387, et fut enterrée à Ostie. Au VIe siècle, ses reliques furent transférées dans une crypte cachée dans l’église Sant’Aurea. En 1425, les reliques furent transférées à Rome, dans la basilique Sant’Agostino in Campo Marzio, où elles sont encore vénérées aujourd’hui.

Le profil spirituel de Monique
Augustin décrit sa mère en pesant bien ses mots :
« […] femme quant à son aspect, virile dans sa foi, âgée par sa sérénité, maternelle par son amour, chrétienne par sa piété […] ». (Confessions IX, 4, 8).
Et encore :
« […] veuve chaste et sobre, assidue à l’aumône, dévote et soumise à tes saints, ne laissant passer aucun jour sans apporter l’offrande à ton autel, visitant ton église deux fois par jour, matin et soir, sans faute, et non pour jaser vainement et bavarder comme les autres vieilles femmes, mais pour entendre tes paroles et te faire entendre ses oraisons. Les larmes d’une telle femme, qui par elles te demandait non de l’or ni de l’argent, ni des biens périssables ou volages, mais le salut de l’âme de son fils, aurais-tu pu les dédaigner, toi qui l’avais ainsi faite par ta grâce, en lui refusant ton secours ? Certainement non, Seigneur. Toi, au contraire, tu étais près d’elle et tu l’exauçais, agissant selon l’ordre par lequel tu avais prévu de devoir agir » (Confessions V, 9,17).

De ce témoignage d’Augustin émerge une figure d’une actualité surprenante.
Elle fut une femme de prière : elle ne cessa jamais d’invoquer Dieu pour le salut de ses proches. Ses larmes deviennent un modèle d’intercession persévérante.
Elle fut une épouse fidèle : dans un mariage difficile, elle ne répondit jamais avec ressentiment à la dureté de son mari. Sa patience et sa douceur furent des instruments d’évangélisation.
Elle fut une mère courageuse : elle n’abandonna pas son fils dans ses égarements, mais l’accompagna avec un amour tenace, capable de faire confiance au temps de Dieu.
Elle fut un témoin d’espérance : sa vie montre qu’aucune situation n’est désespérée, si elle est vécue dans la foi.
Le message de Monique n’appartient pas seulement au IVe siècle. Il parle encore aujourd’hui, dans un contexte où de nombreuses familles vivent des tensions, où des enfants s’éloignent de la foi, où des parents expérimentent la fatigue de l’attente.
Aux parents elle enseigne à ne pas renoncer, à croire que la grâce opère de manière mystérieuse.
Aux femmes chrétiennes, elle montre comment la douceur et la fidélité peuvent transformer des relations difficiles.
À quiconque se sent découragé dans la prière, elle témoigne que Dieu écoute, même si son temps ne coïncide pas avec le nôtre.
Ce n’est pas un hasard si de nombreuses associations et mouvements ont choisi Monique comme patronne des mères chrétiennes et des femmes qui prient pour leurs enfants éloignés de la foi.

Une femme simple et extraordinaire
La vie de sainte Monique est l’histoire d’une femme à la fois simple et extraordinaire. Simple, parce qu’elle a vécu le quotidien d’une famille ; extraordinaire, parce qu’elle était transfigurée par la foi. Ses larmes et ses prières ont façonné un saint et, à travers lui, ont profondément marqué l’histoire de l’Église.
Sa mémoire, célébrée le 27 août, à la veille de la fête de saint Augustin, nous rappelle que la sainteté passe souvent par la persévérance cachée, le sacrifice silencieux, l’espérance qui ne déçoit pas.
Dans les paroles d’Augustin, adressées à Dieu pour sa mère, nous trouvons la synthèse de son héritage spirituel : « Je ne puis dire assez combien mon âme lui est redevable, mon Dieu ; mais tu sais tout. Rends-lui par ta miséricorde ce qu’elle te demanda pour moi avec tant de larmes » (Conf., IX, 13).

À travers les événements de sa vie, sainte Monique a atteint le bonheur éternel qu’elle a elle-même défini : « Le bonheur consiste sans aucun doute à atteindre le but et à croire que nous pouvons le rejoindre par une foi ferme, une espérance vive, une charité ardente » (La Félicité 4,35).




Devenir un signe d’espérance en eSwatini – Lesotho – Afrique du Sud après 130 ans

Au cœur de l’Afrique australe, entre les beautés naturelles et les défis sociaux d’eSwatini, du Lesotho et de l’Afrique du Sud, les Salésiens célèbrent 130 ans de présence missionnaire. En ce temps de Jubilé, de Chapitre Général et d’anniversaires historiques, la Province d’Afrique du Sud partage ses signes d’espérance : la fidélité au charisme de Don Bosco, l’engagement éducatif et pastoral auprès des jeunes et la force d’une communauté internationale qui témoigne de la fraternité et de la résilience. Malgré les difficultés, l’enthousiasme des jeunes, la richesse des cultures locales et la spiritualité de l’Ubuntu continuent d’indiquer des chemins d’avenir et de communion.

Salutations fraternelles des Salésiens de la plus petite Visitatoria et de la plus ancienne présence dans la Région Afrique-Madagascar (les 5 premiers confrères ont été envoyés par Don Rua en 1896). Cette année, nous remercions les 130 SDB qui ont travaillé dans nos 3 pays et qui intercèdent maintenant pour nous au ciel. « Petit, c’est beau » !

Sur le territoire de l’AFM vivent 65 millions de personnes qui communiquent dans 12 langues officielles, parmi tant de merveilles de la nature et de grandes ressources du sous-sol. Nous sommes parmi les rares pays d’Afrique subsaharienne où les catholiques sont une petite minorité par rapport aux autres Églises chrétiennes, avec seulement 5 millions de fidèles.

Quels sont les signes d’espérance que nos jeunes et la société recherchent ?
En premier lieu, nous cherchons à dépasser les records mondiaux tristement célèbres du fossé croissant entre riches et pauvres (100 000 millionnaires contre 15 millions de jeunes chômeurs), du manque de sécurité et de la violence croissante dans la vie quotidienne, de l’effondrement du système éducatif, qui a produit une nouvelle génération de millions d’analphabètes, aux prises avec diverses dépendances (alcool, drogue…). De plus, 30 ans après la fin du régime d’apartheid en 1994, la société et l’Église sont encore divisées entre les différentes communautés en termes d’économie, d’opportunités et de nombreuses blessures non encore cicatrisées. En effet, la communauté du « Pays de l’Arc-en-ciel » est aux prises avec de nombreuses « lacunes » qui ne peuvent être « comblées » qu’avec les valeurs de l’Évangile.

Quels sont les signes d’espérance que cherche l’Église catholique en Afrique du Sud ?
En participant à la rencontre triennale « Joint Witness » des supérieurs religieux et des évêques en 2024, nous avons constaté de nombreux signes de déclin : moins de fidèles, manque de vocations sacerdotales et religieuses, vieillissement et diminution du nombre de religieux, certains diocèses en faillite, perte/diminution continue d’institutions catholiques (assistance médicale, éducation, œuvres sociales ou médias) en raison de la forte baisse des religieux et des laïcs engagés. La Conférence épiscopale catholique (SACBC – qui comprend le Botswana, l’eSwatini et l’Afrique du Sud) indique comme priorité l’assistance aux jeunes dépendants de l’alcool et d’autres substances diverses.

Quels sont les signes d’espérance que cherchent les Salésiens d’Afrique australe ?
Nous prions chaque jour pour de nouvelles vocations salésiennes, afin de pouvoir accueillir de nouveaux missionnaires. En effet, l’époque de la Province anglo-irlandaise (jusqu’en 1988) est révolue et le Projet Afrique ne comprenait pas la pointe sud du continent. Après 70 ans en eSwatini (Swaziland) et 45 ans au Lesotho, nous n’avons que 4 vocations locales de chaque Royaume. Aujourd’hui, nous n’avons que 5 jeunes confrères et 4 novices en formation initiale. Cependant, la plus petite Visitatoria d’Afrique-Madagascar, avec ses 7 communautés locales, est chargée de l’éducation et de la pastorale dans 6 grandes paroisses, 18 écoles primaires et secondaires, 3 centres de formation professionnelle (TVET) et divers programmes d’aide sociale. Notre communauté provinciale, avec ses 18 nationalités différentes parmi les 35 SDB qui vivent dans les 7 communautés, est un grand don et un défi à relever.

En tant que communauté catholique minoritaire et fragile d’Afrique australe
Nous croyons que la seule voie pour l’avenir est de construire plus de ponts et de communion entre les religieux et les diocèses. Plus nous sommes faibles, plus nous nous efforçons de travailler ensemble. Puisque toute l’Église catholique cherche à se concentrer sur les jeunes, Don Bosco a été choisi par les évêques comme Patron de la Pastorale des Jeunes et sa Neuvaine est célébrée avec ferveur dans la plupart des diocèses et des paroisses au début de l’année pastorale.

En tant que Salésiens et Famille Salésienne, nous nous encourageons constamment les uns les autres : « work in progress » (un travail constant)
Au cours des deux dernières années, après l’invitation du Recteur Majeur, nous avons cherché à relancer notre charisme salésien, avec la sagesse d’une vision et d’une direction commune (à partir de l’assemblée annuelle provinciale), avec une série de petits pas quotidiens dans la bonne direction et avec la sagesse de la conversion personnelle et communautaire.
Nous sommes reconnaissants pour l’encouragement de Don Pascual Chávez lors de notre récent Chapitre Provincial de 2024 : « Vous savez bien qu’il est plus difficile, mais non impossible, de « refonder » que de fonder [le charisme], car il y a des habitudes, des attitudes ou des comportements qui ne correspondent pas à l’esprit de notre Saint Fondateur, Don Bosco, et à son Projet de Vie, et qui ont « droit de cité » [dans la Province]. Il y a vraiment besoin d’une vraie conversion de chaque confrère à Dieu, en tenant l’Évangile comme règle suprême de vie, et de toute la Province à Don Bosco, en assumant les Constitutions comme véritable projet de vie. »

Le conseil de Don Pascual a été voté et l’engagement a été pris : « Devenir plus passionnés de Jésus et plus dédiés aux jeunes », en investissant dans la conversion personnelle (en créant un espace sacré dans notre vie, pour permettre à Jésus de la transformer), dans la conversion communautaire (en investissant dans la formation permanente systématique avec un thème mensuel) et dans la conversion provinciale (en promouvant la mentalité provinciale à travers « One Heart One Soul » – fruit de notre assemblée provinciale) et avec des rencontres mensuelles des directeurs en ligne.

Sur l’image-souvenir de notre Visitatoria « Bienheureux Michel Rua » on voit le visage de tous les 46 confrères et des 4 novices : 35 vivent dans nos 7 communautés, 7 sont en formation à l’étranger et 5 SDB sont en attente de visa : un aux Catacombes San Callisto et un missionnaire qui fait de la chimiothérapie en Pologne. Une bénédiction pour nous est le nombre croissant de confrères missionnaires qui sont envoyés par le Recteur Majeur ou pour une période spécifique par d’autres Provinces africaines pour nous aider (AFC, ACC, ANN, ATE, MDG et ZMB). Nous sommes très reconnaissants à chacun de ces jeunes confrères. Nous croyons qu’avec leur aide, notre espérance de relance charismatique devient tangible. Notre Visitatoria, la plus petite d’Afrique-Madagascar, après presque 40 ans de fondation, n’a pas encore de véritable maison provinciale. La construction a commencé, avec l’aide du Recteur Majeur, seulement l’année dernière. Ici aussi, nous disons : « travaux en cours » …

Nous voulons également partager nos humbles signes d’espérance avec toutes les 92 autres Provinces en cette période précieuse du Chapitre Général. L’AFM a une expérience unique de 31 ans de volontaires missionnaires locaux (impliqués dans la Pastorale des Jeunes du Centre des Jeunes Don Bosco de Johannesburg depuis 1994), et un programme Love Matters pour une croissance sexuelle saine des adolescents depuis 2001. Nos volontaires, engagés pendant une année entière dans la vie de notre communauté, sont des membres précieux de notre Mission et des nouveaux groupes de la Famille Salésienne qui se développent lentement (VDB, Salésiens Coopérateurs et Anciens Élèves de Don Bosco).

Notre maison-mère du Cap célébrera l’année prochaine son cent trentième (130e) anniversaire et, grâce au cent cinquantième (150e) anniversaire des Missions Salésiennes, nous avons réalisé, avec l’aide de la Province de Chine, une « Chambre à la Mémoire de Saint Louis Versiglia », où notre Protomartyr a passé une journée lors de son retour d’Italie en Chine-Macao en mai 1917.

Don Bosco « Ubuntu » – chemin synodal
« Nous sommes ici grâce à vous ! » – Ubuntu est l’une des contributions des cultures d’Afrique du Sud à la communauté mondiale. Le mot en langue Nguni signifie « Je suis parce que vous êtes » (« I’m because you are ! »). Autres traductions possibles : « J’existe parce que vous existez »). L’année dernière, nous avons entrepris le projet « Eco Ubuntu », unprojet de sensibilisation environnementale d’une durée de 3 ans qui implique environ 15 000 jeunes de nos 7 communautés en eSwatini, au Lesotho et en Afrique du Sud. Outre la splendide célébration et le partage du Synode des Jeunes 2024, nos 300 jeunes [qui ont participé] gardent surtout Ubuntu dans leurs souvenirs. Leur enthousiasme est une source d’inspiration. L’AFM a besoin de vous : Nous y sommes grâce à vous !

Marco Fulgaro




Vers les hauteurs ! Saint Pier Giorgio Frassati

« Chers jeunes, notre espérance est Jésus. C’est Lui, comme le disait Saint Jean-Paul II, « qui suscite en vous le désir de faire de votre vie quelque chose de grand […], pour vous améliorer et améliorer la société, la rendant plus humaine et plus fraternelle » (XVe Journée Mondiale de la Jeunesse, Veillée de Prière, 19 août 2000). Restons unis à Lui, demeurons dans son amitié, toujours, en la cultivant par la prière, l’adoration, la Communion eucharistique, la Confession fréquente, la charité généreuse, comme nous l’ont enseigné les bienheureux Pier Giorgio Frassati et Carlo Acutis, qui seront bientôt proclamés Saints. Aspirez à de grandes choses, à la sainteté, où que vous soyez. Ne vous contentez pas de moins. Alors vous verrez grandir chaque jour, en vous et autour de vous, la lumière de l’Évangile » (Pape Léon XIV – homélie Jubilé des jeunes – 3 août 2025).

Pier Giorgio et Don Cojazzi
Le sénateur Alfredo Frassati, ambassadeur du Royaume d’Italie à Berlin, était le propriétaire et le directeur du quotidien La Stampa de Turin. Les Salésiens lui devaient une grande reconnaissance. À l’occasion du grand scandale connu sous le nom « L’affaire de Varazze », où l’on avait cherché à jeter le discrédit sur l’honorabilité des Salésiens, Frassati avait pris leur défense. Alors même que certains journaux catholiques semblaient perdus et désorientés face aux graves accusations, La Stampa, après une enquête rapide, avait anticipé les conclusions de la magistrature en proclamant l’innocence des Salésiens. Aussi, lorsque la famille Frassati demanda un Salésien pour suivre les études des deux enfants du sénateur, Pier Giorgio et Luciana, le Recteur Majeur Don Paolo Albera se sentit obligé d’accepter. Il envoya Don Antonio Cojazzi (1880-1953). C’était l’homme qu’il fallait : bonne culture, tempérament jeune et une capacité de communication exceptionnelle. Don Cojazzi avait obtenu une licence en lettres en 1905, en philosophie en 1906, et le diplôme d’aptitude à l’enseignement de la langue anglaise après un sérieux perfectionnement en Angleterre.
Chez les Frassati, Don Cojazzi devint plus qu’un simple « précepteur » qui suivait les enfants. Il devint un ami, surtout de Pier Giorgio, dont il dira : « Je l’ai connu à dix ans et je l’ai suivi pendant presque tout le collège et le lycée avec des leçons qui, les premières années, étaient quotidiennes ; je l’ai suivi avec un intérêt et une affection qui n’ont cessé de grandir ». Pier Giorgio, devenu l’un des jeunes leaders de l’Action Catholique de Turin, écoutait les conférences et les leçons que Don Cojazzi donnait aux membres du Cercle C. Balbo, suivait avec intérêt la Rivista dei Giovani, montait parfois à Valsalice en quête de lumière et de conseil dans les moments décisifs.

Un moment de notoriété
Pier Giorgio l’eut lors du Congrès National de la Jeunesse Catholique italienne, en 1921, quand cinquante mille jeunes défilèrent dans Rome en chantant et en priant. Pier Giorgio, étudiant en polytechnique, portait le drapeau tricolore du cercle turinois C. Balbo. Les troupes royales, tout à coup, encerclèrent l’énorme cortège et l’assaillirent pour arracher les drapeaux. On voulait empêcher les désordres. Un témoin raconta : « Ils frappent avec les crosses des mousquets, saisissent, brisent, arrachent nos drapeaux. Je vois Pier Giorgio aux prises avec deux gardes. Nous accourons à son aide, et le drapeau, avec la hampe brisée, reste dans ses mains. Emprisonnés de force dans une cour, les jeunes catholiques sont interrogés par la police. Le témoin se souvient du dialogue mené avec les manières et les courtoisies utilisées dans de telles circonstances :
– Et toi, comment t’appelles-tu ?
– Pier Giorgio Frassati, fils d’Alfredo.
– Que fait ton père ?
– Ambassadeur d’Italie à Berlin.
Stupeur, changement de ton, excuses, offre de liberté immédiate.
– Je sortirai quand les autres sortiront.
Pendant ce temps, le spectacle bestial continue. Un prêtre est jeté, littéralement jeté dans la cour avec sa soutane déchirée et une joue ensanglantée… Ensemble, nous nous sommes agenouillés par terre, dans la cour, quand ce prêtre blessé a levé son chapelet et a dit : « Oh ! les jeunes, pour nous et pour ceux qui nous ont frappés, prions ! »

Il aimait les pauvres
Pier Giorgio aimait les pauvres, il allait les chercher dans les quartiers les plus éloignés de la ville, montait les escaliers étroits et sombres, entrait dans les greniers où n’habitent que la misère et la douleur. Tout ce qu’il avait en poche était pour les autres, comme tout ce qu’il avait dans son cœur. Il arrivait à passer les nuits au chevet de malades inconnus. Une nuit où il ne rentrait pas, son père, de plus en plus anxieux, téléphona à la préfecture, aux hôpitaux. À deux heures du matin, il entendit la clé tourner dans la serrure et Pier Giorgio entra. Papa explosa :
– Écoute, tu peux rester dehors le jour, la nuit, personne ne te dit rien. Mais quand tu rentres si tard, préviens, téléphone !
Pier Giorgio le regarda, et avec sa simplicité habituelle répondit :
– Papa, là où j’étais, il n’y avait pas de téléphone.
Les Conférences Saint-Vincent de Paul le virent comme un collaborateur assidu ; les pauvres le connurent comme un consolateur et un secouriste ; les misérables greniers l’accueillirent souvent entre leurs murs sordides comme un rayon de soleil pour leurs habitants délaissés. D’une profonde humilité, il ne voulait pas que ce qu’il faisait soit connu de quiconque.

Mon beau et saint Giorgetto
Début juillet 1925, Pier Giorgio fut frappé et terrassé par une violente attaque de poliomyélite. Il avait 24 ans. Sur son lit de mort, alors qu’une terrible maladie dévastait son dos, il pensa encore à ses pauvres. Sur un billet, d’une écriture presque illisible, il écrivit pour l’ingénieur Grimaldi, son ami : Voici les injections de Converso, la police d’assurance est de Sappa. Je l’ai oubliée, pense à la renouveler.
De retour des funérailles de Pier Giorgio, Don Cojazzi écrit d’un trait un article pour la Rivista dei Giovani : « Je répéterai la vieille phrase, mais très sincère : je ne croyais pas l’aimer autant. Mon beau et saint Giorgetto ! Pourquoi ces mots me chantent-ils avec insistance dans le cœur ? Parce que je les ai entendus répéter, je les ai entendus prononcer pendant presque deux jours, par son père, sa mère, sa sœur, d’une voix qui disait toujours et ne répétait jamais. Et pourquoi me viennent en mémoire certains vers d’une ballade de Deroulède : « On parlera de lui longtemps, dans les palais dorés et dans les chaumières perdues ! Car les taudis et les greniers, où il passa tant de fois comme un ange consolateur, parleront aussi de lui. » Je l’ai connu à dix ans et je l’ai suivi pendant presque tout le collège et une partie du lycée… Je l’ai suivi avec une affection et un intérêt croissants jusqu’à sa transfiguration actuelle… J’écrirai sa vie. Il s’agit de la collecte de témoignages qui présentent la figure de ce jeune dans la plénitude de sa lumière, dans la vérité spirituelle et morale, dans le témoignage lumineux et contagieux de bonté et de générosité. »

Le best-seller de l’édition catholique
Encouragé et poussé également par l’archevêque de Turin, Mgr Giuseppe Gamba, Don Cojazzi se mit au travail avec ardeur. Les témoignages arrivèrent nombreux et qualifiés, ils furent ordonnés et examinés avec soin. La mère de Pier Giorgio suivait le travail, donnait des suggestions, fournissait du matériel. En mars 1928, la vie de Pier Giorgio est publiée. Luigi Gedda écrit : « Ce fut un succès retentissant. En seulement neuf mois, 30 000 exemplaires du livre furent épuisés. En 1932, 70 000 exemplaires avaient déjà été diffusés. En 15 ans, le livre sur Pier Giorgio atteignit 11 éditions, et fut peut-être le best-seller de l’édition catholique à cette époque. » La figure mise en lumière par Don Cojazzi fut un étendard pour l’Action Catholique pendant la période difficile du fascisme. En 1942, 771 associations de jeunes de l’Action Catholique, 178 sections aspirantes, 21 associations universitaires, 60 groupes d’étudiants du secondaire, 29 conférences de Saint-Vincent de Paul, 23 groupes d’Évangile… avaient pris le nom de Pier Giorgio Frassati. Le livre fut traduit dans au moins 19 langues. Le livre de Don Cojazzi marqua un tournant dans l’histoire de la jeunesse italienne. Pier Giorgio fut l’idéal désigné sans aucune réserve : quelqu’un qui a su démontrer qu’être chrétien jusqu’au bout n’est pas du tout utopique, ni fantastique.
Pier Giorgio Frassati marqua également un tournant dans l’histoire de Don Cojazzi. Ce billet écrit par Pier Giorgio sur son lit de mort lui révéla de manière concrète, presque brutale, le monde des pauvres. Don Cojazzi lui-même écrit : « Le Vendredi Saint de cette année (1928), avec deux universitaires, j’ai visité pendant quatre heures les pauvres en dehors de la Porta Metronia. Cette visite m’a procuré une leçon et une humiliation très salutaires. J’avais beaucoup écrit et parlé sur les Conférences Saint-Vincent de Paul… et pourtant je n’étais jamais allé une seule fois visiter les pauvres. Dans ces taudis sordides, les larmes me sont souvent venues aux yeux… La conclusion ? La voici claire et crue pour moi et pour vous : moins de belles paroles et plus de bonnes œuvres. »
Le contact vivant avec les pauvres n’est pas seulement une mise en œuvre immédiate de l’Évangile, mais une école de vie pour les jeunes. C’est la meilleure école pour les jeunes, pour les éduquer et les maintenir dans le sérieux de la vie. Qui va visiter les pauvres et touche du doigt leurs plaies matérielles et morales, comment peut-il gaspiller son argent, son temps, sa jeunesse ? Comment peut-il se plaindre de ses propres travaux et douleurs, quand il a connu, par expérience directe, que d’autres souffrent plus que lui ?

Ne pas vivoter, mais vivre !
Pier Giorgio Frassati est un exemple lumineux de sainteté juvénile, actuel, qui « cadre » avec notre époque. Il atteste une fois de plus que la foi en Jésus-Christ est la religion des forts et des vraiment jeunes, qui seule peut illuminer toutes les vérités avec la lumière du « mystère » et qui seule peut donner la joie parfaite. Son existence est le modèle parfait de la vie normale à la portée de tous. Lui, comme tous les disciples de Jésus et de l’Évangile, commença par les petites choses ; il atteignit les hauteurs les plus sublimes à force de se soustraire aux compromis d’une vie médiocre et sans signification et en employant son entêtement naturel dans de fermes résolutions. Tout, dans sa vie, lui fut un marchepied pour monter, même ce qui aurait dû être un obstacle. Parmi ses compagnons, il était l’animateur intrépide et exubérant de toute entreprise, attirant autour de lui tant de sympathie et tant d’admiration. La nature lui avait été généreuse : famille renommée, riche, esprit solide et pratique, physique imposant et robuste, éducation complète, rien ne lui manquait pour se faire une place dans la vie. Mais il n’entendait pas vivoter, mais plutôt conquérir sa place au soleil, en luttant. C’était une trempe d’homme et une âme de chrétien.
Sa vie avait en elle-même une cohérence qui reposait sur l’unité de l’esprit et de l’existence, de la foi et des œuvres. La source de cette personnalité si lumineuse était dans sa profonde vie intérieure. Frassati priait. Sa soif de la Grâce lui faisait aimer tout ce qui remplit et enrichit l’esprit. Il s’approchait chaque jour de la Sainte Communion, puis restait au pied de l’autel, longtemps, sans que rien ne puisse le distraire. Il priait sur les montagnes et en chemin. Ce n’était cependant pas une foi ostentatoire, même s’il faisait de grands signes de croix sur la voie publique en passant devant les églises, même s’il récitait le chapelet à haute voix, dans un wagon de chemin de fer ou dans une chambre d’hôtel. Mais c’était plutôt une foi vécue si intensément et sincèrement qu’elle jaillissait de son âme généreuse et franche avec une simplicité qui convainquait et émouvait. Sa formation spirituelle se renforçait dans les adorations nocturnes dont il fut un fervent promoteur et un participant assidu. Il fit plus d’une fois les exercices spirituels, qui lui procuraient sérénité et vigueur spirituelle.
Le livre de Don Cojazzi se termine par la phrase : « Il suffit de l’avoir connu ou d’avoir entendu parler de lui pour l’aimer, et l’aimer, c’est le suivre. » Le souhait est que le témoignage de Piergiorgio Frassati soit « sel et lumière » pour tous, surtout pour les jeunes d’aujourd’hui.




Prophètes du pardon et de la gratuité

En ces temps où les nouvelles, jour après jour, nous rapportent des expériences de conflit, de guerre et de haine, le risque est grand que nous, en tant que croyants, finissions par être entraînés dans une lecture des événements qui se réduit seulement au niveau politique, ou que nous nous limitions à prendre position en faveur d’une partie ou de l’autre avec des arguments qui reflètent nore manière de voir les choses, notre manière d’interpréter la réalité.

Dans le discours de Jésus qui suit les béatitudes, il y a une série de « petites/grandes leçons » que le Seigneur nous offre. Elles commencent toujours par le verset « vous avez entendu qu’il a été dit ». Dans l’une d’elles, le Seigneur rappelle l’ancien dicton « œil pour œil et dent pour dent » (Mt 5,38).
En dehors de la logique de l’Évangile, cette loi non seulement n’est pas contestée, mais elle peut même être prise comme une règle qui exprime la manière de rétablir les comptes avec ceux qui nous ont offensés. Obtenir vengeance est perçu comme un droit, voire même comme un devoir.
Jésus se présente devant cette logique avec une proposition complètement différente, totalement opposée. À l’inverse de ce que nous avons entendu, Jésus nous dit : « Mais moi, je vous dis » (Mt 5,39). Et ici, en tant que chrétiens, nous devons faire très attention. Les paroles de Jésus qui suivent sont importantes non seulement pour elles-mêmes, mais parce qu’elles expriment de manière très synthétique tout son message. Jésus ne vient pas pour nous dire qu’il y a une autre façon d’interpréter la réalité. Jésus ne vient pas à nous pour élargir l’éventail des opinions à propos des réalités terrestres, en particulier de celles qui touchent notre vie. Jésus n’est pas une autre opinion, mais il incarne lui-même la proposition alternative à la loi de la vengeance.
La phrase « mais moi, je vous dis » est d’une importance fondamentale car ce n’est plus la parole prononcée, mais la personne même de Jésus. Ce que Jésus nous communique, il le vit. Quand Jésus dit « de ne pas vous opposer au méchant ; au contraire, si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre » (Mt 5,39), ces mêmes paroles, il les a vécues en personne. Nous ne pouvons certainement pas dire de Jésus qu’il prêche bien mais que son message n’est pas approprié.
Pour en revenir à notre époque, ces paroles de Jésus risquent d’être perçues comme les paroles d’une personnalité faible, la réaction de quelqu’un qui n’est plus capable de réagir mais seulement de subir. Et de fait, quand nous regardons Jésus qui s’offre complètement sur le bois de la Croix, c’est l’impression que nous pouvons avoir. Et pourtant, nous savons très bien que le sacrifice sur la croix est le fruit d’une expérience qui part de la phrase « mais moi, je vous dis ». Car tout ce que Jésus nous a dit, il a fini par l’assumer pleinement. Et en l’assumant pleinement, il a réussi à passer de la croix à la victoire. La logique de Jésus est une logique qui, apparemment, est celle d’un perdant. Mais nous savons très bien que le message que Jésus nous a laissé, et qu’il a vécu pleinement, est le remède dont ce monde a vraiment besoin aujourd’hui.

Être prophètes du pardon signifie choisir le bien comme réponse au mal. Cela signifie avoir la certitude que la puissance du malin ne conditionnera pas ma façon de voir et d’interpréter la réalité. Le pardon n’est pas la réponse du faible. Le pardon est le signe le plus éloquent d’une liberté capable de reconnaître les blessures que le mal laisse derrière lui, mais avec la conviction que ces mêmes blessures ne seront jamais une poudrière qui fomente la vengeance et la haine.
Réagir au mal par le mal ne fait qu’élargir et approfondir les blessures de l’humanité. La paix et la concorde ne croissent pas sur le terrain de la haine et de la vengeance.

Être prophètes de la gratuité exige de nous la capacité de regarder le pauvre et l’indigent non pas avec la logique du profit, mais avec la logique de la charité. Le pauvre ne choisit pas d’être pauvre, mais celui qui possède a la possibilité de choisir d’être généreux, bon et plein de compassion. Combien le monde serait différent si nos leaders politiques, dans ce scénario où les conflits et les guerres se multiplient, avaient la sagesse de regarder ceux qui paient le prix de ces divisions, les pauvres, les marginalisés, ceux qui ne peuvent pas s’échapper parce qu’ils n’en ont pas les moyens !
Si nous partons d’une lecture purement horizontale, il y a de quoi désespérer. Il ne nous reste plus qu’à rester enfermés dans nos murmures, dans nos critiques. Mais non ! Nous sommes des éducateurs de jeunes. Nous savons bien que ces jeunes, dans notre monde, cherchent des points de référence d’une humanité saine, de leaders politiques capables d’interpréter la réalité avec des critères de justice et de paix. Mais quand nos jeunes regardent autour d’eux, nous savons bien qu’ils ne perçoivent que le vide d’une vision pauvre de la vie.
Nous qui sommes engagés dans l’éducation des jeunes avons une grande responsabilité. Il ne suffit pas de commenter l’obscurité que laisse une absence presque complète de leadership. Il ne suffit pas de commenter qu’il n’y a pas de propositions capables d’enflammer la mémoire des jeunes. Il appartient à chacun et à chacune de nous d’allumer une bougie d’espoir au milieu de cette obscurité, d’offrir des exemples d’humanité réussie au quotidien.
Il vaut vraiment la peine aujourd’hui d’être prophètes du pardon et de la gratuité.




Le cardinal Auguste Hlond

Deuxième d’une famille de 11 enfants, il avait un père cheminot. Ayant reçu de ses parents une foi simple mais forte, attiré à l’âge de 12 ans par la renommée de Don Bosco, il suit son frère Ignace en Italie pour se consacrer au Seigneur dans la Société salésienne, et y attire bientôt deux autres frères : Antonio, qui deviendra salésien et musicien renommé, et Clément, qui sera missionnaire. Le lycée de Valsalice l’accueille pour ses études. Il fut ensuite admis au noviciat et reçut la soutane des mains du Bienheureux Michel Rua (1896). Ayant fait sa profession religieuse en 1897, il est envoyé par ses supérieurs à Rome à l’Université Grégorienne pour le cours de philosophie, qu’il couronna par un diplôme. De Rome, il retourne en Pologne pour faire son stage pratique au collège d’Oświęcim. Sa fidélité au système éducatif de Don Bosco, son engagement dans l’assistance et dans l’école, son dévouement pour les jeunes et son amabilité lui donnent un grand ascendant. Il se fait également rapidement remarquer pour ses talents musicaux.
Après avoir terminé ses études de théologie, il est ordonné prêtre le 23 septembre 1905 à Cracovie par Mgr Nowak. De 1905 à 2009, il suit les cours de la faculté des lettres des universités de Cracovie et de Lwow. En 1907, il est chargé de la nouvelle maison de Przemyśl (1907-1909), d’où il passe ensuite à la direction de la maison de Vienne (1909-1919). Là, son courage et ses capacités personnelles prirent encore plus d’ampleur en raison des difficultés particulières auxquelles l’institut était confronté dans la capitale impériale. Là, les vertus et le tact du père Auguste Hlond réussirent en peu de temps non seulement à redresser la situation économique, mais aussi à faire éclore des œuvres de jeunesse qui suscitèrent l’admiration de toutes les classes de la population. Son souci des pauvres, des ouvriers, des enfants du peuple lui attira l’affection des classes les plus humbles. Cher aux évêques et aux nonces apostoliques, il jouissait de l’estime des autorités et de la famille impériale elle-même. En reconnaissance de cette œuvre sociale et éducative, il reçut à trois reprises des distinctions honorifiques parmi les plus prestigieuses.
En 1919, lorsque le développement de la province austro-hongroise conseilla une division proportionnelle au nombre de maisons, les supérieurs nommèrent le père Hlond provincial de la province germano-hongroise, basée à Vienne (1919-1922), lui confiant le soin des confrères autrichiens, allemands et hongrois. En moins de trois ans, le jeune provincial ouvrit une douzaine de nouvelles présences salésiennes, qu’il forma dans l’esprit salésien le plus authentique, suscitant de nombreuses vocations.
Il était en pleine activité salésienne quand, en 1922, le Saint-Siège décida d’assurer le gouvernement de l’Église dans la Silésie polonaise, encore ensanglantée par les luttes politiques et nationales. Le pape Pie XI lui confia cette délicate mission en le nommant Administrateur Apostolique. Grâce à sa médiation entre Allemands et Polonais, naquit en 1925 le diocèse de Katowice, dont il devint l’évêque. En 1926, il devient archevêque de Gniezno et Poznań et primat de Pologne. L’année suivante, le pape le crée cardinal. En 1932, il fonde la Société du Christ pour les émigrés polonais, destinée à aider les nombreux compatriotes qui ont quitté le pays.
En mars 1939, il participe au conclave qui élit Pie XII. Le 1er septembre de la même année, les nazis envahissent la Pologne : c’est le début de la seconde Guerre mondiale. Le cardinal s’élève contre les violations des droits de l’homme et de la liberté religieuse commises par Hitler. Contraint à l’exil, il se réfugie en France, à l’abbaye d’Hautecombe, dénonçant la persécution des Juifs en Pologne. La Gestapo pénètre dans l’abbaye, l’arrête et le déporte à Paris. Le cardinal refuse catégoriquement de soutenir la formation d’un gouvernement polonais pro-nazi. Il est interné d’abord en Lorraine, puis en Westphalie. Libéré par les troupes alliées, il rentre dans son pays en 1945.
Dans la nouvelle Pologne libérée du nazisme, il découvre le communisme. Il défend courageusement les Polonais contre l’oppression marxiste athée, échappant même à plusieurs tentatives d’assassinat. Il meurt le 22 octobre 1948 d’une pneumonie, à l’âge de 67 ans. Des milliers de personnes ont assisté à ses funérailles.
Le cardinal Hlond était un homme vertueux, un exemple lumineux de religieux salésien et un pasteur généreux et austère, capable de visions prophétiques. Obéissant à l’Église et ferme dans l’exercice de son autorité, il a fait preuve d’une humilité héroïque et d’une constance sans équivoque dans les moments les plus difficiles. Il a cultivé la pauvreté et pratiqué la justice envers les pauvres et les nécessiteux. Les deux piliers de sa vie spirituelle, à l’école de saint Jean Bosco, étaient l’Eucharistie et Marie Auxiliatrice.
Dans l’histoire de l’Église de Pologne, le cardinal Auguste Hlond a été l’une des figures les plus éminentes pour le témoignage religieux de sa vie, pour la grandeur, la variété et l’originalité de son ministère pastoral, pour les souffrances qu’il a affrontées avec un esprit chrétien intrépide à cause du Royaume de Dieu. L’ardeur apostolique a caractérisé le travail pastoral et la physionomie spirituelle du Vénérable Auguste Hlond, qui a pris comme devise épiscopale Da mihi animas coetera tolle. Es vrai fils de saint Jean Bosco, il l’a confirmée par sa vie d’homme consacré et d’évêque, en témoignant d’une infatigable charité pastorale.
Il faut rappeler son grand amour pour la Vierge, appris dans sa famille, et la grande dévotion du peuple polonais pour la Mère de Dieu, vénérée dans le sanctuaire de Częstochowa. En outre, depuis Turin, où il a commencé son parcours de salésien, il a diffusé le culte de Marie Auxiliatrice en Pologne et a consacré la Pologne au Cœur Immaculé de Marie. Sa confiance en Marie l’a toujours soutenu dans l’adversité et à l’heure de sa dernière rencontre avec le Seigneur. Il est mort avec le chapelet dans les mains, en disant aux personnes présentes que la victoire, lorsqu’elle arrivera, sera la victoire de Marie Immaculée.
Le Vénérable cardinal Auguste Hlond est un témoin singulier de la nécessité d’accepter chaque jour le chemin de l’Évangile, même s’il nous apporte des problèmes, des difficultés, voire des persécutions : c’est cela la sainteté. « Jésus nous rappelle combien de personnes sont persécutées et ont été persécutées simplement parce qu’elles luttaient pour la justice, parce qu’elles vivaient leurs engagements envers Dieu et envers les autres. Si nous ne voulons pas sombrer dans une médiocrité obscure, ne prétendons pas à une vie confortable, car ‘celui qui veut sauver sa vie la perdra’ » (Mt 16,25). Nous ne pouvons pas attendre, pour vivre l’Évangile, que tout soit favorable autour de nous, car souvent les ambitions de pouvoir et les intérêts mondains jouent contre nous… La croix, en particulier les fatigues et les souffrances que nous endurons pour vivre le commandement de l’amour et le chemin de la justice, est une source de maturation et de sanctification » (François, Gaudete et Exsultate, nn. 90-92).




L’éducation de la conscience avec saint François de Sales

Il semble bien que ce soit l’avènement de la réforme protestante qui ait mis à l’ordre du jour le problème de la conscience, et plus précisément de la « liberté de conscience ». Dans une lettre de 1597 à Clément VIII, le prévôt de Sales se plaignait au pape de la « tyrannie » que la « république de Genève » faisait peser « sur les consciences catholiques ». Il demandait au Saint-Siège d’intervenir auprès du roi de France pour qu’il obtienne que les Genevois accordent « ce qu’ils appellent liberté de conscience ». Hostile aux solutions militaires de la crise protestante, il laissait entrevoir dans la libertas conscientiae une issue possible à la confrontation violente, à condition que la réciprocité soit respectée. Revendiquée par Genève en faveur de la Réforme et revendiquée par François de Sales en faveur du catholicisme, la liberté de conscience allait devenir un des piliers de la mentalité moderne.

Dignité de la personne humaine
La dignité de l’individu réside dans sa conscience et la conscience signifie en premier lieu sincérité, honnêteté, franchise, conviction. Le prévôt de Sales avouait par exemple « pour la décharge de [sa] conscience » que le projet des Controverses lui avait été en quelque sorte imposé par autrui. Quand il apportait ses raisons en faveur de la doctrine et de la pratique catholiques, il prenait soin de dire qu’il le faisait « en conscience ». « Dites-moi en conscience », demandait-il avec insistance à ses contradicteurs. Quant à la « bonne conscience », c’est elle qui fait que l’on évite certains actes qui nous mettent en contradiction avec nous-mêmes.
Cependant la conscience subjective individuelle ne peut pas toujours être tenue comme garante de la vérité objective. On n’est pas toujours obligé de croire ce que quelqu’un vous dit en conscience. « Montrez-moi clairement, dit le prévôt aux messieurs de Thonon, que lorsque vous me dites que telle et telle inspiration se passe en votre conscience, vous ne mentez point, vous ne me trompez point ». La conscience peut être victime de l’illusion, de façon volontaire ou même involontaire. « Les plus avares, non seulement ne confessent pas de l’être, mais ils ne pensent pas en leur conscience de l’être ».
La formation de la conscience est une tâche essentielle, parce que la liberté comporte le risque de « faire le bien et le mal », mais « choisir le mal, ce n’est pas user mais abuser de notre liberté ». Tâche rude, parce que la conscience nous apparaît parfois comme un adversaire, mais c’est un bon adversaire qui « combat toujours contre nous et pour nous » : « il résiste toujours à nos mauvaises inclinations », mais il le fait pour notre bien. Quand l’homme pèche, « le reproche intérieur vient contre sa conscience avec l’épée au poing », mais c’est « pour l’outrepercer d’une sainte crainte ».
Un des moyens pour exercer une liberté responsable est de pratiquer « l’examen de conscience ». C’est faire comme les colombes qui « se mirent » « auprès des eaux très pures », et qui « se nettoient, purifient et ornent au mieux qu’elles peuvent ». Philothée est invitée à faire cet examen tous les soirs, en se demandant « comme on s’est comporté en toutes les heures du jour ; et pour faire cela aisément, on considérera où, avec qui, et en quelle occupation on a été ».
Une fois l’an, nous devrions faire un examen approfondi de « l’état de notre âme » envers Dieu, envers le prochain et envers nous-mêmes, sans oublier un « examen sur les affections de notre âme ». L’examen, dit-il aux visitandines, vous conduira à chercher « bien au fond de votre conscience ».
Comment décharger sa conscience quand on sent peser sur elle une erreur ou une faute ? Certains le font d’une mauvaise manière en jugeant et en accusant les autres « du vice auquel ils se sont voués », pensant ainsi « adoucir les remords de leurs consciences ». C’est ainsi qu’on multiplie le risque des jugements téméraires. Au contraire, « ceux qui ont bien soin de leurs consciences ne sont guère sujets au jugement téméraire ». Il faut mettre à part le cas des parents, des éducateurs et des responsables du bien public car « une bonne partie de leur conscience consiste à regarder et veiller sur celle des autres ».

Le respect de soi
La conscience exige le respect de soi et des autres. De l’affirmation de la dignité et de la responsabilité de chacun devra naître le respect de soi. Déjà Socrate et toute l’antiquité païenne et chrétienne avaient montré le chemin :

C’est une parole des philosophes, mais qui a été approuvée pour bonne par les docteurs chrétiens : « Connais-toi toi-même », c’est-à-dire, connais l’excellence de ton âme afin de ne la point avilir ni mépriser.

Certains de nos actes constituent non seulement une offense à Dieu, mais aussi une offense à la dignité de l’homme, à sa raison. Leurs conséquences sont déplorables : « La ressemblance et image de Dieu que nous avons est barbouillée et défigurée, la dignité de notre esprit déshonorée », nous sommes rendus « semblables aux bêtes insensées, nous rendant esclaves de nos passions et renversant l’ordre de la raison ».
Il y a des extases et des ravissements qui nous élèvent au-dessus de notre condition naturelle, et d’autres qui nous rabaissent : « Ô hommes, s’écrie l’auteur du Traité de l’amour de Dieu, jusques à quand serez-vous si insensés que de vouloir ravaler votre dignité naturelle, descendant volontairement et vous précipitant en la condition des bêtes brutes » ?
Le respect de soi permettra d’éviter ces deux périls opposés que sont l’orgueil et la dépréciation des dons qui sont en nous. En un siècle où le sens de l’honneur était exalté au maximum, François de Sales a dû intervenir pour dénoncer ses méfaits, notamment dans la question du duel, qui faisait « hérisser les cheveux en tête » à l’évêque de Genève, et plus encore l’orgueil insensé qui en était la cause. « Je suis scandalisé, écrit-il à l’épouse d’un mari duelliste ; en vérité, je ne puis penser comme l’on peut avoir un courage si déréglé, même pour des bagatelles et choses de rien ». En se battant en duel, c’est comme « s’ils s’étaient entreservis de bourreau l’un à l’autre ».
D’autres, à l’inverse, n’osent pas reconnaître les dons qu’ils ont reçus et manquent ainsi au devoir de reconnaissance. François de Sales dénonce « certaine fausse et niaise humilité qui leur empêche de regarder rien en eux qui soit bon ». Ils ont tort car « les biens que Dieu met en nous veulent être reconnus, estimés et grandement honorés ».
Le premier prochain que je dois respecter et aimer, semble vouloir dire François de Sales, c’est moi-même. Le véritable amour envers moi-même et le respect que je me dois veulent que je tende à la perfection et que je me corrige, s’il en est besoin, mais avec douceur, raisonnablement et plutôt « par voie de compassion » que par colère et avec emportement.
Il existe en effet un amour de soi qui est non seulement légitime, mais bienfaisant et commandé : « Charité bien ordonnée commence par soi-même », dit le proverbe, et c’est bien la pensée de François de Sales, à condition de ne pas confondre l’amour de soi et l’amour-propre. L’amour de soi est bon en lui-même. Philothée est invitée à s’interroger sur la façon dont elle s’aime elle-même :

Tenez-vous bon ordre en l’amour de vous-même ? car il n’y a que l’amour désordonné de nous-mêmes qui nous ruine. Or, l’amour ordonné veut que nous aimions plus l’âme que le corps, que nous ayons plus de soin d’acquérir les vertus que toute autre chose.

Au contraire, l’amour-propre est un amour égoïste, narcissique, replié sur lui-même, jaloux de sa propre beauté et uniquement préoccupé de son intérêt : « Narcisse, disent les profanes, était un enfant si dédaigneux qu’il ne voulut jamais donner son amour à personne ; mais enfin en se regardant dans une claire fontaine, il fut extrêmement épris de sa beauté. »

Le « respect que l’on doit aux personnes »
Si l’on se respecte soi-même on sera plus porté à respecter les autres. Le fait que nous sommes l’image de Dieu a pour corollaire l’affirmation que « tous les hommes ont cette même dignité ». Tout en vivant lui-même dans une société d’ancien régime, fortement inégalitaire, François de Sales a promu une pensée et une pratique du « respect que l’on doit aux personnes ».
Il faut commencer par l’enfant. La mère de saint Bernard, dit l’auteur de l’Introduction, aimait ses enfants à peine nés « avec respect comme chose sacrée et que Dieu lui avait confiée ». Un reproche très grave adressé par François de Sales aux païens était leur mépris de la vie des êtres sans défense. Le respect de l’enfant à naître s’exprime dans ce passage d’une lettre à une femme enceinte écrite selon la rhétorique baroque de l’époque. Il l’encourage en lui expliquant que l’« enfant qui se forme au milieu de [ses] entrailles est non seulement « une image vivante de la divine Majesté », mais aussi l’image de sa mère. Il recommandait à une autre :

Offrez souvent à la gloire éternelle de notre Créateur la petite créature à la formation de laquelle il vous a voulu prendre pour coopératrice.

Un autre aspect du respect d’autrui concerne le respect de sa liberté. La découverte de nouvelles terres avait eu pour conséquence néfaste la résurgence de l’esclavage, qui ne rappelait que trop les pratiques des anciens Romains au temps du paganisme. La vente d’êtres humains ravalait ceux-ci au rang des bêtes :

Marc Antoine acheta un jour deux jeunes jouvenceaux que lui présenta un certain maquignon ; car en ce temps-là, comme il se fait encore en quelques contrées, l’on vendait les enfants : il y avait des hommes qui en faisaient provision et usaient de ce trafic comme l’on fait des chevaux en nos pays.

De manière plus subtile, le respect d’autrui est continuellement menacé par la médisance et la calomnie. François de Sales insiste beaucoup sur les « péchés de langue ». Un chapitre de l’Introduction traite explicitement « de l’honnêteté des paroles et du respect que l’on doit aux personnes ». Ruiner la réputation de quelqu’un, c’est commettre un « homicide spirituel » ; c’est ôter « la vie civile » à celui duquel on médit. Aussi, « en blâmant le vice », on s’efforcera d’épargner le plus possible « la personne en laquelle il est ».
Certaines catégories de personnes sont facilement dénigrées ou méprisées. François de Sales défend la dignité des hommes du peuple en s’appuyant sur l’Évangile : « Saint Pierre, commente-t-il, était un homme rude, grossier, un viel pêcheur, métier mécanique, et d’une basse condition ; saint Jean, au contraire, était un jeune gentilhomme, doux, agréable, savant ; saint Pierre ignorant. » Or, c’est saint Pierre qui fut choisi pour conduire les autres et être le « supérieur universel ».
Il proclame la dignité des malades, disant que « les âmes qui sont en croix sont déclarées reines ». Dénonçant la « cruauté envers les pauvres » et exaltant la « dignité des pauvres », il justifie et précise l’attitude qu’il faut avoir envers eux en expliquant « combien nous devons les honorer, et partant les visiter comme représentant Notre-Seigneur ». Personne n’est inutile, personne n’est insignifiant : « Il n’y a nulle si mauvaise pièce au monde qui ne soit utile a quelque chose ; mais il faut lui trouver son usage et son lieu ».

L’« unidivers » salésien
Le problème qui a toujours tourmenté les sociétés humaines a été celui de concilier la dignité et la liberté de chaque individu avec celles des autres. Il reçoit chez François de Sales un éclairage original grâce à l’invention d’un mot nouveau. En effet, étant donné que l’univers est formé de « toutes choses créées tant visibles qu’invisibles » et que « toute leur diversité se réduit en unité », il propose de l’appeler « unidivers », c’est-à-dire « unique et divers, unique avec diversité et divers avec unité ».
Pour lui, chaque être est unique. Les personnes sont comme les perles dont parle Pline : « elles sont tellement uniques une chacune en ses qualités, qu’il ne s’en trouve jamais deux qui soient parfaitement pareilles ». Il est significatif que ses deux ouvrages principaux, l’Introduction et le Traité, s’adressent à une personne individuelle, Philothée et Théotime. Que de variété et de diversité entre les êtres ! « Certes, comme nous voyons qu’il ne se trouve jamais deux hommes semblables ès dons naturels, aussi ne s’en trouve-t-il jamais de parfaitement égaux ès surnaturels ». La variété l’enchantait même d’un point de vue purement esthétique, mais il craignait une curiosité indiscrète sur les causes :

Si quelqu’un s’enquérait pourquoi Dieu fait les melons plus gros que les fraises, ou les lis plus grands que les violettes, pourquoi le romarin n’est pas une rose, ou pourquoi l’œillet n’est pas un souci, pourquoi le paon est plus beau qu’une chauve-souris, ou pourquoi la figue est douce et le citron aigrelet, on se moquerait de ses demandes et on lui dirait : Pauvre homme, puisque la beauté du monde requiert la variété, il faut qu’il y ait des différentes et inégales perfections ès choses, et que l’une ne soit pas l’autre ; c’est pourquoi les unes sont petites, les autres grandes, les unes aigres, les autres douces, les unes plus, et les autres moins belles. […] Toutes ont leur prix, leur grâce et leur émail, et toutes, en l’assemblage de leurs variétés, font une très agréable perfection de beauté.

La diversité n’empêche pas l’unité, bien plus elle l’enrichit et l’embellit. Chaque fleur a ses caractéristiques propres qui la distinguent de toutes les autres : « Ce n’est pas le propre des roses d’être blanches, ce me semble, car les vermeilles sont plus belles et de meilleure odeur ; c’est néanmoins le propre du lys ». Certes, François de Sales ne supporte pas la confusion et le désordre, mais il est également ennemi de l’uniformité. La diversité des êtres peut conduire à la dispersion et à la rupture de la communion, mais s’il y l’amour, « lien de la perfection », rien n’est perdu, au contraire la diversité est magnifiée dans la communion.
S’il y bien chez François de Sales une réelle culture de l’individu, celle-ci ne vise pas toutefois une fermeture au groupe, à la communauté ou à la société. Il voit spontanément l’individu inséré dans un milieu ou « état » de vie, qui marque fortement l’identité et l’appartenance de chacun. On ne pourra pas fixer un programme ou un projet de vie égal pour tous, tout simplement parce qu’il sera appliqué et mis en œuvre différemment « par le gentilhomme, par l’artisan, par le valet, par le prince, par la veuve, par la fille, par la mariée » ; il faut en outre l’adapter « aux forces, aux affaires et aux devoirs de chaque particulier ». François de Sales voit la société répartie en milieux de vie fortement marqués par l’appartenance sociale et les solidarités de groupe, comme lorsqu’il traite « de la compagnie des soldats, de la boutique des artisans, de la cour des princes, du ménage des gens mariés ».
L’amour personnalise, et donc individualise. L’affection qui lie une personne à une autre est unique, comme l’éprouva François de Sales au contact de madame de Chantal :

Chaque affection a sa particulière différence d’avec les autres ; celle que je vous ai a une certaine particularité qui me console infiniment, et, pour dire tout, qui m’est extrêmement profitable.

Le soleil luit pour tous et pour chacun : « éclairant un endroit de la terre [il] ne l’éclaire pas moins que s’il n’éclairait point ailleurs et qu’il éclairât cela seul ».

L’être humain est en devenir
Humaniste chrétien, François de Sales croit enfin à la nécessité et à la possibilité du perfectionnement de la personne humaine. Érasme avait forgé la formule : Homines non nascuntur sed finguntur. Alors que l’animal est un être prédéterminé, guidé par l’instinct, l’homme au contraire est en perpétuelle évolution. Non seulement il change, mais il peut se changer lui-même, soit en mieux soit en pire.
Toute la préoccupation de François de Sales fut de se perfectionner lui-même, et d’aider les autres à se perfectionner, non seulement dans le domaine religieux, mais en toute chose. De la naissance à la tombe, l’homme est en apprentissage. Faisons comme le crocodile qui « ne cesse jamais de croître tandis qu’il est en vie ». En effet, « de demeurer en un état de consistance longuement, il est impossible : qui ne gagne, perd en ce trafic ; qui ne monte, descend en cette échelle ; qui n’est vainqueur, est vaincu en ce combat ». Il cite saint Bernard qui disait : « Il est écrit très spécialement de l’homme, que jamais il n’est en un même état : il faut ou qu’il avance, ou qu’il retourne en arrière ». Il faut avancer :

Ne connais-tu pas que tu es au chemin, et que le chemin n’est pas fait pour s’asseoir mais pour marcher ? Et il est tellement fait pour marcher, que marcher s’appelle cheminer.

Cela signifie aussi que la personne est éducable, capable d’apprendre, de se corriger et de s’améliorer. Cela est vrai à tous les niveaux. L’âge parfois n’y fait rien. Voyez ces petits chanteurs de la cathédrale, qui dépassent déjà de loin les capacités de l’évêque dans leur domaine :
J’admire ces petits enfants, qui à peine savent parler et qui chantent déjà leur partie, entendant toutes ces notes et ces règles de musique où je ne pense pas que je puisse rien comprendre, moi qui suis homme fait et qu’on voudrait bien faire passer pour quelque grand personnage.

Personne dans ce bas monde n’est parfait :

Il y en a qui de leurs naturels sont légers, les autres rébarbatifs, les autres durs à recevoir les opinions d’autrui, les autres sont inclinés à l’indignation, les autres à la colère, les autres à l’amour ; et en somme, il se trouve peu de personnes esquelles on ne puisse remarquer quelques sortes de telles imperfections.

Faut-il donc désespérer de pouvoir améliorer son tempérament en corrigeant quelques-unes de nos inclinations naturelles ? Nullement :

Quoiqu’elles soient comme propres et naturelles à un chacun, si est-ce que par le soin et affection contraire on les peut corriger et modérer, et même on peut s’en délivrer et purger : et je vous dis, Philothée, qu’il le faut faire. On a bien trouvé le moyen de changer les amandiers amers en amandiers doux, en les perçant seulement au pied pour en faire sortir le suc ; pourquoi est-ce que nous ne pourrons pas faire sortir nos inclinations perverses pour devenir meilleurs ?

D’où la conclusion optimiste mais exigeante : « Il n’y a point de si bon naturel qui ne puisse être rendu mauvais par les habitudes vicieuses ; il n’y a point aussi de naturel si revêche qui, par la grâce de Dieu premièrement, puis par l’industrie et diligence, ne puisse être dompté et surmonté ». Si l’homme est éducable, il ne faut désespérer de personne et se garder des jugements tout faits sur les personnes :

Ne dites pas : un tel est un ivrogne, encore que vous l’ayez vu ivre ; ni, il est adultère, pour l’avoir vu en ce péché ; ni, il est inceste, pour l’avoir trouvé en ce malheur ; car un seul acte ne donne pas le nom à la chose. […] Encore qu’un homme ait été vicieux longuement, on court fortune de mentir quand on le nomme vicieux.

L’homme n’a jamais fini de cultiver sa conscience, qui est son jardin secret. C’est la leçon que le fondateur des visitandines leur inculquait quand il les appelait « à cultiver la terre et le jardin » de leurs cœurs et de leurs esprits, car il n’existe pas d’« homme si parfait qui n’ait besoin de travailler, tant pour accroître la perfection que pour la conserver ».




Les sept allégresses de la Vierge Marie

Au cœur de l’œuvre éducative et spirituelle de Saint Jean Bosco, la figure de la Vierge Marie occupe une place privilégiée et lumineuse. Don Bosco ne fut pas seulement un grand éducateur et fondateur, mais aussi un fervent dévot de la Vierge Marie, qu’il vénérait avec une profonde affection et à laquelle il confiait chacun de ses projets pastoraux. L’une des expressions les plus caractéristiques de cette dévotion est la pratique des « Sept allégresses de la Vierge Marie », proposée de manière simple et accessible dans sa publication « Il giovane provveduto », l’un des textes les plus diffusés de sa pédagogie spirituelle.

Une œuvre pour l’âme des jeunes
En 1875, Don Bosco publiait une nouvelle édition de son livre « Il giovane provveduto per la pratica de’ suoi doveri negli esercizi di cristiana pietà », un manuel de prières, d’exercices spirituels et de règles de conduite chrétienne conçu pour les jeunes. Ce livre, rédigé dans un style sobre et paternel, visait à accompagner les jeunes dans leur formation morale et religieuse, en les introduisant à une vie chrétienne intégrale. Il y avait également une place pour la dévotion aux « Sept allégresses de la Très Sainte Vierge Marie », une prière simple mais intense, structurée en sept points. Contrairement aux « Sept douleurs de la Vierge Marie », beaucoup plus connues et répandues dans la piété populaire, les « Sept allégresses » de Don Bosco mettent l’accent sur les joies de la Très Sainte Vierge au Paradis, conséquence d’une vie terrestre vécue dans la plénitude de la grâce de Dieu.
Cette dévotion a des origines anciennes et fut particulièrement chère aux Franciscains, qui la diffusèrent à partir du XIIIe siècle, sous le nom de Rosaire des Sept Allégresses de la Bienheureuse Vierge Marie (ou Couronne Séraphique). Dans sa forme franciscaine traditionnelle, c’est une prière dévotionnelle composée de sept dizaines d’Ave Maria, chacune précédée d’un mystère joyeux (allégresse) et introduite par un Notre Père. À la fin de chaque dizaine, on récite un Gloire au Père. Les allégresses sont : 1. L’Annonciation de l’Ange ; 2. La Visitation à Sainte Élisabeth ; 3. La Naissance du Sauveur ; 4. L’Adoration des Mages ; 5. Le Recouvrement de Jésus au Temple ; 6. La Résurrection du Fils ; 7. L’Assomption et le Couronnement de Marie au ciel.
Don Bosco, s’inspirant de cette tradition, en offre une version simplifiée, adaptée à la sensibilité des jeunes.
Chacune de ces allégresses est méditée au cours de la récitation d’un Ave Maria et d’un Gloria.

La pédagogie de la joie
Le choix de cette dévotion proposée aux jeunes ne répond pas seulement à un goût personnel de Don Bosco, mais s’inscrit pleinement dans sa vision éducative. Il était convaincu que la foi devait être transmise par la joie, non par la peur ; par la beauté du bien, non par la crainte du mal. Les « Sept allégresses » deviennent ainsi une école de joie chrétienne, une invitation à reconnaître que, dans la vie de la Vierge, la grâce de Dieu se manifeste comme lumière, espérance et accomplissement.
Don Bosco connaissait bien les difficultés et les souffrances que beaucoup de ses jeunes affrontaient quotidiennement : la pauvreté, l’abandon familial, la précarité du travail. C’est pourquoi il leur offrait une dévotion mariale qui ne se limitait pas aux pleurs et à la douleur, mais qui était aussi une source de consolation et de joie. Méditer les allégresses de Marie signifiait s’ouvrir à une vision positive de la vie, apprendre à reconnaître la présence de Dieu même dans les moments difficiles, et se confier à la tendresse de la Mère céleste.
Dans la publication « Il giovane provveduto », Don Bosco écrit des mots touchants sur le rôle de Marie : il la présente comme une mère aimante, un guide sûr et un modèle de vie chrétienne. La dévotion à ses allégresses n’est pas une simple pratique dévotionnelle, mais un moyen d’entrer en relation personnelle avec la Vierge Marie, d’imiter ses vertus et de recevoir son aide maternelle dans les épreuves de la vie.
Pour le saint turinois, Marie n’est pas distante ou inaccessible, mais proche, présente et active dans la vie de ses enfants. Cette vision mariale, fortement relationnelle, traverse toute la spiritualité salésienne et se reflète également dans la vie quotidienne des oratoires : des lieux où la joie, la prière et la familiarité avec Marie vont de pair.

Un héritage vivant
Aujourd’hui encore, la dévotion aux « Sept allégresses de la Vierge Marie » conserve toute sa valeur spirituelle et éducative. Dans un monde marqué par les incertitudes, les peurs et les fragilités, elle offre un chemin simple mais profond pour découvrir que la foi chrétienne est, avant tout, une expérience de joie et de lumière. Don Bosco, prophète de la joie et de l’espérance, nous enseigne que l’authentique éducation chrétienne passe par la valorisation des affections, des émotions et de la beauté de l’Évangile.
Redécouvrir aujourd’hui les « Sept allégresses » signifie aussi retrouver un regard positif sur la vie, sur l’histoire et sur la présence de Dieu. La Vierge Marie, par son humilité et sa confiance, nous enseigne à garder et à méditer dans notre cœur les signes de la vraie joie, celle qui ne passe pas, car fondée sur l’amour de Dieu.
À une époque où les jeunes cherchent lumière et sens, les paroles de Don Bosco restent d’actualité : « Si vous voulez être heureux, pratiquez la dévotion à la Sainte Vierge ». Les « Sept allégresses » sont alors une petite échelle vers le ciel, un rosaire de lumière qui unit la terre au cœur de la Mère céleste.

Voici le texte original tiré de « Il giovane provveduto per la pratica de suoi doveri negli esercizi di cristiana pieta« , 1875 (pp. 141-142), avec nos titres.

Les sept allégresses de Marie au Ciel

1. Pureté cultivée
Réjouissez-vous, ô Épouse immaculée du Saint-Esprit, pour le contentement que vous goûtez maintenant au Paradis, car par votre pureté et votre virginité vous êtes exaltée au-dessus de tous les Anges et sublimée au-dessus de tous les saints.
Je vous salue et Gloire.

2. Sagesse recherchée
Réjouissez-vous, ô Mère de Dieu, pour le plaisir que vous éprouvez au Paradis, car de même que le soleil ici-bas illumine le monde entier, ainsi vous, par votre splendeur, ornez et faites resplendir tout le Paradis.
Je vous salue et Gloire.

3. Obéissance filiale
Réjouissez-vous, ô Fille de Dieu, pour la sublime dignité à laquelle vous avez été élevée au Paradis, car toutes les Hiérarchies des Anges, des Archanges, des Trônes, des Dominations et de tous les Esprits Bienheureux vous honorent, vous révèrent et vous reconnaissent comme Mère de leur Créateur, et vous obéissent au moindre signe.
Je vous salue et Gloire.

4. Prière continue
Réjouissez-vous, ô Servante de la Très Sainte Trinité, à cause du grand pouvoir que vous avez au Paradis, car toutes les grâces que vous demandez à votre Fils vous sont aussitôt accordées ; bien plus, comme le dit saint Bernard, aucune grâce n’est accordée ici-bas qui ne passe par vos très saintes mains.
Je vous salue et Gloire.

5. Humilité vécue
Réjouissez-vous, ô très auguste Reine, car vous seule avez mérité de siéger à la droite de votre très saint Fils, qui siège à la droite du Père Éternel.
Je vous salue et Gloire.

6. Miséricorde pratiquée
Réjouissez-vous, ô Espérance des pécheurs, Refuge des affligés, pour le grand plaisir que vous éprouvez au Paradis en voyant que tous ceux qui vous louent et vous révèrent en ce monde sont récompensés par le Père Éternel par sa sainte grâce sur terre, et par son immense gloire au ciel.
Je vous salue et Gloire.

7. Espérance récompensée
Réjouissez-vous, ô Mère, Fille et Épouse de Dieu, car toutes les grâces, toutes les joies, toutes les allégresses et toutes les faveurs que vous goûtez maintenant au Paradis ne diminueront jamais ; bien plus, elles augmenteront jusqu’au jour du jugement et dureront éternellement.
Je vous salue et Gloire.

Oraison à la très bienheureuse Vierge.
Ô glorieuse Vierge Marie, Mère de mon Seigneur, source de toute notre consolation, par ces allégresses dont j’ai fait mémoire avec la plus grande dévotion possible, je vous prie d’obtenir de Dieu le pardon de mes péchés, et l’aide continuelle de sa sainte grâce, afin que je ne me rende jamais indigne de votre protection, mais que j’aie la chance de recevoir toutes ces faveurs célestes que vous avez l’habitude d’obtenir et de partager avec vos serviteurs, qui font pieuse mémoire de ces allégresses dont déborde votre beau cœur, ô Reine immortelle du Ciel.

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Maison Salésienne de Castel Gandolfo

Entre les vertes collines des Castelli Romani et les eaux tranquilles du lac Albano, se dresse un lieu où l’histoire, la nature et la spiritualité se rencontrent de manière singulière : Castel Gandolfo. Dans ce contexte riche en mémoire impériale, en foi chrétienne et en beauté paysagère, la présence salésienne représente un point d’ancrage d’accueil, de formation et de vie pastorale. La Maison Salésienne, avec son activité paroissiale, éducative et culturelle, poursuit la mission de saint Jean Bosco, offrant aux fidèles et aux visiteurs une expérience d’Église vivante et ouverte, immergée dans un environnement qui invite à la contemplation et à la fraternité. C’est une communauté qui, depuis près d’un siècle, marche au service de l’Évangile au cœur même de la tradition catholique.

Un lieu béni par l’histoire et la nature
Castel Gandolfo est un joyau des Castelli Romani, situé à environ 25 km de Rome, immergé dans la beauté naturelle des Collines d’Albano et surplombant le suggestif lac Albano. À environ 426 mètres d’altitude, ce lieu se distingue par son climat doux et accueillant, un microclimat qui semble préparé par la Providence pour accueillir ceux qui cherchent le repos, la beauté et le silence.

Déjà à l’époque romaine, ce territoire faisait partie de l’Albanum Caesaris, un ancien domaine impérial fréquenté par les empereurs depuis l’époque d’Auguste. Cependant, ce fut l’empereur Tibère qui, le premier, y résida de manière stable, tandis que plus tard Domitien y fit construire une splendide villa, dont les vestiges sont aujourd’hui visibles dans les jardins pontificaux. L’histoire chrétienne du lieu commence avec la donation de Constantin à l’Église d’Albano : un geste qui marque symboliquement le passage de la gloire impériale à la lumière de l’Évangile.

Le nom Castel Gandolfo dérive du latin Castrum Gandulphi, le château construit par la famille Gandolfi au XIIe siècle. Lorsque le château passa au Saint-Siège en 1596, il devint la résidence d’été des Pontifes, et le lien entre ce lieu et le ministère du Successeur de Pierre devint profond et durable.

La « Specola Vaticana » : contempler le ciel, louer le Créateur
L’observatoire astronomique du Vatican, fondé par le pape Léon XIII en 1891 et transféré dans les années 1930 à Castel Gandolfo en raison de la pollution lumineuse de Rome, revêt une importance spirituelle particulière. Elle témoigne de la manière dont la science, lorsqu’elle est orientée vers la vérité, conduit à louer le Créateur.
Au fil des ans, la Specola a contribué à des projets astronomiques majeurs tels que la Carte du Ciel et à la découverte de nombreux objets célestes.

Avec la détérioration continue des conditions d’observation, même dans les Castelli Romani, l’activité scientifique s’est principalement déplacée dans les années 1980 vers l’Observatoire du Mont Graham en Arizona (USA), où le Vatican Observatory Research Group poursuit ses recherches astrophysiques. Castel Gandolfo reste cependant un centre d’études important. Depuis 1986, il accueille tous les deux ans la Vatican Observatory Summer School, dédiée aux étudiants et diplômés en astronomie du monde entier. La Specola organise également des conférences spécialisées, des événements de vulgarisation, des expositions de météorites et des présentations de matériaux historiques et artistiques sur le thème astronomique, le tout dans un esprit de recherche, de dialogue et de contemplation du mystère de la création.

Une église au cœur de la ville et de la foi
Au XVIIe siècle, le pape Alexandre VII confia à Gian Lorenzo Bernini la construction d’une chapelle palatine pour les employés des Villas Pontificales. Le projet, initialement conçu en l’honneur de saint Nicolas de Bari, fut finalement dédié à saint Thomas de Villeneuve, religieux augustin canonisé en 1658. L’église fut consacrée en 1661 et confiée aux Augustins, qui la gérèrent jusqu’en 1929. Avec la signature des Accords du Latran, le pape Pie XI confia aux Augustins la charge pastorale de la nouvelle Paroisse Pontificale de Sant’Anna au Vatican, tandis que l’église de San Tommaso da Villanova fut ensuite confiée aux Salésiens.

La beauté architecturale de cette église, fruit du génie baroque, est au service de la foi et de la rencontre entre Dieu et l’homme. De nombreux mariages, baptêmes et liturgies y sont célébrés aujourd’hui, attirant des fidèles du monde entier.

La maison salésienne
Les Salésiens sont présents à Castel Gandolfo depuis 1929. À cette époque, le village connut un développement notable, tant démographique que touristique, également grâce au début des célébrations papales dans l’église Saint-Thomas-de-Villeneuve. Chaque année, lors de la solennité de l’Assomption, le pape célébrait la Sainte Messe dans la paroisse pontificale, une tradition initiée par saint Jean XXIII le 15 août 1959, lorsqu’il sortit à pied du Palais Pontifical pour célébrer l’Eucharistie parmi le peuple. Cette coutume s’est maintenue jusqu’au pontificat du pape François, qui a interrompu les séjours estivaux à Castel Gandolfo. En 2016, en effet, l’ensemble du complexe des Villas Pontificales a été transformé en musée et ouvert au public.

La maison salésienne a fait partie de l’Inspection Romaine et, de 2009 à 2021, de la Circonscription Salésienne Italie Centrale. Depuis 2021, elle est passée sous la responsabilité directe du Siège Central, avec un directeur et une communauté nommés par le Recteur Majeur. Actuellement, les salésiens présents proviennent de différentes nations (Brésil, Inde, Italie, Pologne) et sont actifs dans la paroisse, les aumôneries et l’oratoire.

Les espaces pastoraux, bien qu’appartenant à l’État de la Cité du Vatican et donc considérés comme des zones extraterritoriales, font partie du diocèse d’Albano- Les salésiens participent activement à la vie pastorale de ce diocèse. Ils sont impliqués dans la catéchèse diocésaine pour adultes, dans l’enseignement à l’école théologique diocésaine, et au Conseil Presbytéral en tant que représentants de la vie consacrée.

Outre la paroisse Saint-Thomas-de-Villeneuve, les Salésiens gèrent également deux autres églises : Marie-Auxiliatrice (également appelée « Saint-Paul », du nom du quartier) et Madone-du-Lac, voulue par saint Paul VI. Toutes deux furent construites entre les années 1960-1970 pour répondre aux besoins pastoraux d’une population en croissance.

L’église paroissiale conçue par Bernini est aujourd’hui la destination de nombreux mariages et baptêmes célébrés par des fidèles du monde entier. Chaque année, avec les autorisations nécessaires, des dizaines, parfois des centaines de célébrations y ont lieu.

Le curé est responsable de la communauté paroissiale, mais également aumônier des Villas Pontificales et il accompagne spirituellement les employés du Vatican qui y travaillent.

L’oratoire, actuellement géré par des laïcs, voit l’implication directe des Salésiens, notamment dans la catéchèse. Lors des week-ends, des fêtes et des activités estivales comme l’Estate Ragazzi, des étudiants salésiens résidant à Rome y collaborent également, offrant un précieux soutien. Près de l’église Marie-Auxiliatrice existe également un théâtre actif, avec des groupes paroissiaux qui organisent des spectacles, lieu de rencontre, de culture et d’évangélisation.

Vie pastorale et traditions
La vie pastorale est rythmée par les principales fêtes de l’année : saint Jean Bosco en janvier, Marie Auxiliatrice en mai avec une procession dans le quartier San Paolo, la fête de la Madonna del Lago – et donc la fête du Lac – le dernier samedi d’août, avec la statue portée en procession sur une barque sur le lac. Cette dernière célébration implique de plus en plus les communautés environnantes, attirant de nombreux participants, dont de nombreux motards, avec lesquels on a commené d’organiser des moments de rencontre.

Le premier samedi de septembre, la fête patronale de Castel Gandolfo est célébrée en l’honneur de saint Sébastien, avec une grande procession en ville. La dévotion à saint Sébastien remonte à 1867, lorsque la ville fut épargnée par une épidémie qui frappa durement les villages voisins. Bien que la mémoire liturgique tombe le 20 janvier, la fête locale est célébrée en septembre, à la fois en souvenir de la protection obtenue et pour des raisons climatiques et pratiques.

Le 8 septembre on célèbre le patron de l’église, saint Thomas de Villeneuve, coïncidant avec la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie. À cette occasion a également lieu la fête des familles, destinée aux couples qui se sont mariés dans l’église de Bernini : elles sont invitées à revenir pour une célébration communautaire, une procession et un moment convivial. L’initiative a eu d’excellents résultats et se consolide au fil du temps.

Une curiosité : la boîte aux lettres
À côté de l’entrée de la maison salésienne se trouve une boîte aux lettres, connue sous le nom de « Boîte des correspondances », considérée comme la plus ancienne encore en usage. Elle remonte en effet à 1820, vingt ans avant l’introduction du premier timbre au monde, le célèbre Penny Black (1840). C’est une boîte officielle des Postes Italiennes toujours active, mais aussi un symbole éloquent : une invitation à la communication, au dialogue, à l’ouverture du cœur. Le retour du pape Léon XIV à sa résidence d’été l’augmentera sûrement.

Castel Gandolfo reste un lieu où le Créateur parle à travers la beauté de la création, la Parole proclamée et le témoignage d’une communauté salésienne qui, dans la simplicité du style de Don Bosco, continue d’offrir accueil, formation, liturgie et fraternité, rappelant à ceux qui fréquentent ces lieux en quête de paix et de sérénité que la vraie paix et sérénité ne se trouvent qu’en Dieu et dans sa grâce.




La dixième colline (1864)

Le rêve de la « Dixième Colline », raconté par Don Bosco en octobre 1864, est l’une des pages les plus évocatrices de la tradition salésienne. Dans ce rêve, le saint se retrouve dans une immense vallée remplie de jeunes : certains sont déjà à l’Oratoire, d’autres sont encore à rencontrer. Guidé par une voix mystérieuse, il doit les conduire au-delà d’un escarpement abrupt, puis à travers dix collines, symboles des dix commandements, vers une lumière qui préfigure le Paradis. Le char de l’Innocence, les cohortes pénitentielles et la musique céleste dessinent une fresque éducative : elles montrent la difficulté de préserver la pureté, la valeur du repentir et le rôle irremplaçable des éducateurs. Avec cette vision prophétique, Don Bosco anticipe l’expansion mondiale de son œuvre et son engagement à accompagner chaque jeune sur le chemin du salut.

            Don Bosco avait rêvé la nuit précédente. Au même moment, un jeune de Casal Monferrato, un certain C. E., fit lui aussi le même rêve au cours duquel il avait l’impression d’être avec Don Bosco et de lui parler. En se levant le matin, il était tellement impressionné qu’il alla raconter son rêve à son professeur, qui le pressa d’aller en parler à Don Bosco. Le jeune alla aussitôt et tomba sur lui au moment où il descendait l’escalier pour le chercher et lui raconter la même chose.
            Don Bosco avait eu l’impression de se trouver dans une immense vallée remplie de milliers et de milliers de jeunes, mais tellement nombreux qu’il ne pensait pas pouvoir en trouver un si grand nombre dans le monde entier. Parmi ces jeunes, il distinguait tous ceux qui avaient été et ceux qui étaient dans la maison. Tous les autres étaient ceux qui viendraient peut-être plus tard. Au milieu des jeunes il y avait les prêtres et les clercs de la maison.
            Une côte très élevée fermait la vallée d’un côté. Tandis que Don Bosco réfléchissait à ce qu’il devait faire de tous ces jeunes, une voix lui dit :
            – Tu vois cette côte ? Eh bien, toi et tes jeunes, vous devez grimper jusqu’au sommet.
            Alors Don Bosco donna l’ordre à tous ces jeunes de se diriger vers le point indiqué. Les jeunes se mirent en marche et, au pas de course, gravirent la pente. Les prêtres de la maison coururent également vers le haut, poussant les jeunes pour les faire avancer, relevant ceux qui tombaient et portant sur leurs épaules ceux qui étaient fatigués et ne pouvaient pas marcher. Don Rua avait retroussé les manches de sa soutane et travaillait plus fort que tous les autres. Il prenait même les jeunes deux par deux et les lançait en l’air sur la côte, sur laquelle ils tombaient sur leurs pieds, puis couraient allègrement de-ci de-là. Don Cagliero et Don Francesia parcouraient les rangs en criant :
            – Courage ! En avant, en avant, courage !
            En peu de temps, ces troupes de jeunes atteignirent le sommet de la côte. Don Bosco était monté à son tour et dit :
            – Et maintenant, qu’allons-nous faire ?
            Et la voix ajouta :
            – Tu dois franchir avec tes jeunes ces dix collines que tu vois devant toi l’une après l’autre.
            – Mais comment tous ces jeunes, si petits et si délicats, pourront-ils supporter un si long voyage ?
            – On portera ceux qui ne pourront pas aller avec leurs jambes, lui répondit-on.
            Et voici qu’à l’une des extrémités de la colline on vit apparaître et monter un chariot magnifique. Il est impossible de le décrire, tant il était beau, mais on peut tout de même en dire quelque chose. Il était triangulaire et avait trois roues qui se déplaçaient dans toutes les directions. Des trois angles partaient trois perches qui se rejoignaient en un point au-dessus du char, formant une sorte de tonnelle. Sur ce point de jonction s’élevait un magnifique étendard sur lequel était écrit en grosses lettres : Innocentia. Il y avait aussi une bande qui faisait le tour du chariot, marquant le bord et portant l’inscription : Adjutorio Dei Altissimi Patris et Filii et Spiritus Sancti (sous la protection du Dieu Très-Haut, Père et Fils et Saint-Esprit).
            Le chariot, resplendissant d’or et de pierres précieuses, s’avança et s’arrêta au milieu des jeunes. Au commandement, beaucoup d’enfants montèrent dessus. Ils étaient 500. Cinq cents sur plusieurs milliers étaient encore innocents.
            Après les avoir placés sur le chariot, Don Bosco réfléchissait à la direction à prendre, lorsqu’il vit s’ouvrir devant lui une route large et facile, mais toute semée d’épines. Soudain apparurent six jeunes qui étaient morts à l’Oratoire ; Ils étaient vêtus de blanc et portaient une autre belle bannière sur laquelle était écrit : Poenitentia. Ils allèrent se placer à la tête de toutes ces phalanges de jeunes qui allaient commencer la marche à pied. On donna alors le signal du départ. Beaucoup de prêtres se mirent au timon du chariot qui, tiré par eux, se met en marche. Les six vêtus de blanc le suivent. Derrière eux, tout le reste de la multitude. Sur une musique magnifique et inexprimable, les jeunes qui se trouvaient sur le char entonnent le psaume Laudate pueri Dominum (Louez Dieu, vous les petits, Ps 113, 1).
            Don Bosco marchait, enivré par cette musique céleste, lorsqu’il se souvint de se retourner pour voir si tous les jeunes l’avaient suivi. Mais quel spectacle douloureux ! Beaucoup étaient restés dans la vallée, beaucoup avaient rebroussé chemin. Brisé par la douleur, il décida de reprendre le chemin parcouru pour essayer de persuader les jeunes qui s’étaient découragés et les aider à le suivre. Mais on le lui interdit d’une façon absolue. Il s’écria :
            – Mais ces pauvres petits sont en train de se perdre !
            On lui répondit :
            – Tant pis pour eux. Ils ont été appelés comme les autres, et ils n’ont pas voulu te suivre. Ils ont vu le chemin qu’ils devaient prendre, et cela suffit.
            Don Bosco voulut répondre, il pria, il supplia. Tout fut inutile.
            – L’obéissance est pour toi aussi ! – lui dit-on. Et il dut continuer son chemin.
            La douleur n’était pas encore apaisée qu’un autre triste incident se produisit. Beaucoup de jeunes parmi ceux qui se trouvaient sur le chariot étaient tombés à terre l’un après l’autre. Sur 500, il en restait à peine 150 sous la bannière de l’innocence.
            Le cœur de Don Bosco fut pris d’une détresse insupportable. Espérant que ce n’était là qu’un rêve, il fit tout son possible pour se réveiller, mais se rendit compte que c’était une terrible réalité. Il battait des mains et entendait le bruit ; il gémissait et entendait son gémissement se répercuter dans la pièce ; il voulait chasser ce terrible fantasme, mais il ne pouvait pas.
            – Ah, mes chers jeunes ! s’exclamait-il à cet instant, en racontant son rêve. J’ai connu et j’ai vu ceux qui sont restés dans la vallée, ceux qui ont fait demi-tour ou qui sont tombés du chariot ! Je vous ai tous connus. Mais ne doutez pas, je ferai tout mon possible pour vous sauver. Beaucoup d’entre vous, que j’ai invités à se confesser, n’ont pas répondu à l’appel ! Par pitié, sauvez vos âmes.
            Beaucoup de jeunes parmi ceux qui étaient tombés du chariot étaient allés se placer au fur et à mesure dans les rangs de ceux qui marchaient derrière la deuxième bannière. Pendant ce temps, la musique du chariot devenait si douce qu’elle finit par vaincre la douleur de Don Bosco. On avait déjà franchi sept collines et après avoir atteint la huitième, la troupe entra dans un endroit merveilleux où ils s’arrêtèrent pour se reposer un peu. Les maisons y étaient d’une richesse et d’une beauté indescriptibles.
            Don Bosco s’adressa aux jeunes de cette région en ajoutant :
            – Je vous dirai avec sainte Thérèse ce qu’elle a dit des choses du paradis : ce sont des choses qu’on dévalue quand on en parle, parce qu’elles sont si belles qu’il est inutile de s’efforcer de les décrire. Je me contenterai donc de remarquer que les montants des portes de ces maisons semblaient être faits à la fois d’or, de cristal et de diamant, provoquant la surprise, le plaisir de l’œil et la joie. Les champs étaient remplis d’arbres sur lesquels on voyait à la fois des fleurs, des boutons, des fruits mûrs et des fruits verts. C’était un magnifique enchantement.
            Les jeunes allèrent partout de-ci de-là, les uns pour une chose, les autres pour une autre, car ils avaient une grande curiosité ainsi qu’une grande envie des fruits.
            C’est dans ce village que le jeune de Casale rencontra Don Bosco et eut ne long dialogue avec lui. Don Bosco et le jeune se souvenaient parfaitement des questions posées et des réponses reçues. Singulière combinaison de deux rêves.
            Une autre surprise étrange attendait ici Don Bosco. Ses jeunes lui apparurent soudain devenus vieux, sans dents, le visage plein de rides, les cheveux blancs, courbés, boitant, appuyés sur leur bâton. Don Bosco s’étonnait de cette métamorphose, mais la voix lui dit :
            – Tu t’étonnes ? Mais tu dois savoir que ce n’est pas depuis quelques heures que tu as quitté la vallée, mais depuis des années et des années. C’est cette musique qui a fait que ton voyage t’a paru court. Comme preuve, regarde ta physionomie et tu sauras que je dis la vérité. – Et on lui présenta un miroir. Il se regarda dans le miroir et vit qu’il avait l’air d’un vieil homme, avec un visage ridé et des dents mauvaises et peu nombreuses.
            Entre-temps, le groupe se remit en route et les jeunes demandaient de temps en temps à s’arrêter pour voir des choses nouvelles. Mais Don Bosco leur disait :
            – Allez, allez. Nous n’avons besoin de rien, nous n’avons pas faim, nous n’avons pas soif, allons.
            (Au loin, sur la dixième colline apparut une lumière qui augmentait comme si elle sortait d’une porte merveilleuse). Puis le chant reprit, mais d’une beauté telle qu’on ne peut l’entendre et la goûter qu’au Paradis. Ce n’était pas une musique instrumentale et elle ne ressemblait pas à des voix humaines. C’était une musique impossible à décrire. La jubilation qui inonda l’âme de Don Bosco fut tel qu’il se réveilla et se retrouva dans son lit.
            Don Bosco expliqua son rêve de la manière suivante :
            – La vallée est le monde. La grande côte représente les obstacles pour s’en détacher. – Le chariot, vous le comprenez. – Les troupes de jeunes à pied sont les jeunes qui ont perdu leur innocence et se sont repentis de leurs fautes.
            Don Bosco ajouta que les 10 collines représentaient les 10 commandements de la loi de Dieu, dont l’observance conduit à la vie éternelle.
            Puis il ajouta que, s’il le fallait, il était prêt à dire confidentiellement à certains jeunes ce qu’ils faisaient dans le rêve, s’ils étaient restés dans la vallée ou s’ils étaient tombés du chariot.
            Quand il descendit du pupitre, l’élève Ferraris Antonio s’approcha de lui et lui raconta – nous étions présents et nous avons entendu parfaitement ses paroles – qu’il avait rêvé la veille au soir qu’il était en compagnie de sa mère, qui lui avait demandé s’il rentrerait à la maison à Pâques pour les vacances. Il lui avait répondu qu’il irait au paradis avant Pâques. Puis, en confidence, il dit encore quelques mots à l’oreille de Don Bosco. Ferraris Antonio mourut le 16 mars 1865.
            Quant à nous, nous avons immédiatement mis le rêve par écrit, et le soir même du 22 octobre 1864, nous avons ajouté à la fin la note suivante. « Je tiens pour certain que Don Bosco a tenté de dissimuler avec ses explications ce qui est le plus surprenant dans le rêve, du moins dans certains de ses détails. L’explication des dix commandements ne me satisfait pas. La huitième colline sur laquelle Don Bosco fait une halte, et où il se voit comme dans un miroir tellement vieilli, je crois que cela indique que la fin de sa vie arrivera après ses soixante-dix ans. L’avenir nous le dira ».
            Ce futur est donc maintenant du passé, et nous sommes confirmés dans notre opinion. Le rêve indiquait à Don Bosco la durée de sa vie. Comparons ce rêve avec celui de la Roue, que nous n’avons pu connaître que quelques années plus tard. Chaque tour de la Roue représente dix ans ; il en va de même, semble-t-il, dans les déplacements de colline en colline. Chacune des dix collines représente dix ans, et ensemble elles signifient cent ans, le maximum de la vie d’un homme. Or nous voyons Don Bosco encore enfant commencer sa mission parmi ses camarades des Becchi pendant la première décennie et entreprendre ainsi son voyage. Il parcourt entièrement les sept collines, c’est-à-dire les sept collines dans leur totalité, c’est-à-dire sept décennies, ce qui signifie qu’il atteindra soixante-dix ans. Il gravit la huitième colline et s’arrête ; il voit des maisons et des champs merveilleusement beaux, c’est-à-dire sa Pieuse Société rendue grande et féconde par l’infinie bonté de Dieu. Il a encore un long chemin à parcourir sur la huitième colline et il repart, mais il n’atteint pas la neuvième, parce qu’il se réveille. De fait, il n’acheva pas la huitième décennie en mourant à l’âge de 72 ans et 5 mois.
            Qu’en pense le lecteur ? Nous ajouterons que le lendemain soir, Don Bosco nous interrogea sur ce que nous pensions du rêve. Nous lui avons répondu qu’il ne concernait pas seulement les jeunes, mais qu’il indiquait aussi l’expansion de la Pieuse Société dans le monde entier.
            – Mais quoi ? répliqua un de nos confrères ; nous avons déjà les collèges de Mirabello et de Lanzo et on en ouvrira sans doute quelques autres dans le Piémont. Que veux-tu de plus ?
            – Non, l’avenir que le rêve nous annonce sera bien autre chose.
            Et Don Bosco, en souriant, approuva notre conviction.
(1864, MB VII, 796-802)