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Sœur Maria Troncatti, Fille de Marie Auxiliatrice, déclarée sainte le 19 octobre 2025, a vécu sa vie en tendant les mains vers le Seigneur avec supplication et abandon, et vers son prochain en signe d’aide, de consolation et de guérison. Elle fut missionnaire de l’Évangile, a annoncé le Royaume de Dieu, a guéri les malades, a parcouru les villages et a opéré des guérisons du corps et de l’âme. Les mains de Sœur Maria ont été des mains qui ont accueilli, aidé, soigné et béni.
Des mains qui soignent et guérissent
En effet, quelle fête et en même temps quelle grande frayeur fut la première rencontre avec les Indiens Shuar sur le chemin de Macas, en pleine forêt amazonienne de l’Équateur, il y a cent ans, après un voyage de plus d’un mois à travers mille dangers et difficultés. L’accueil est conditionné par un sauf-conduit, sans lequel il n’y a ni retour ni rapatriement obligatoire, mais seulement une exécution sommaire. Une fille adolescente du cacique, chef de tribu, avait été quelques jours auparavant accidentellement touchée par une balle de fusil à cause d’une rivalité entre familles ennemies. La blessure continue de suppurer. Le sorcier consulté a refusé de procéder et le cas est grave. Sachant qu’il y a une « doctora » parmi les missionnaires, sans trop de préambules, l’alternative est posée : « Si tu la soignes, nous t’accueillons ; si elle meurt, nous te tuons ». Un geste significatif indique que le même sort est réservé aux autres membres du groupe. Pendant ce temps, des guerriers, tels des « statues vengeresses », occupent la petite mission. Tous regardent Sœur Maria avec des yeux suppliants. Le chef ouvre la porte, la jeune fille est amenée et déposée sur une table. « Sœur Maria, opérez-la », dit Mgr Domenico Comin, vicaire apostolique. « Je ne suis pas médecin, Monseigneur ; et puis avec quoi, avec quels instruments ? » « Nous prierons tous pendant que vous opérez », insiste l’inspectrice, Mère Mioletti. La jeune fille la regarde aussi. Sœur Maria lui pose une main sur le front : il est brûlant. La missionnaire demande de faire bouillir de l’eau, se couvre d’un drap blanc et, à l’aide de teinture d’iode et d’un canif de poche soigneusement stérilisé à la flamme, procède à une incision décisive, invoquant mentalement l’Auxiliatrice, tandis que les missionnaires sont à la chapelle pour prier. Comme poussée par une main inconnue, la balle jaillit et tombe à terre, au milieu des rires désordonnés des Kivari qui expriment leur satisfaction. « La Vierge m’a aidée, écrivit Sœur Maria, j’ai vu un miracle, j’ai pu extraire la balle et l’enfant a guéri, grâce à Marie Auxiliatrice et à Mère Mazzarello ». Ainsi, attribuant le début de son œuvre à l’intercession maternelle de l’Auxiliatrice, le vaste champ de la mission s’ouvre à elle : soigner une enfant comme prémices et signe de toute l’attention de Sœur Maria et des consœurs salésiennes pour défendre et promouvoir la vie et la croissance des petites filles et des jeunes filles en particulier. Une enfant blessée à cause d’une haine tribale et vengeresse contre laquelle Sœur Maria, avec tous les missionnaires, combattra le bon combat de l’Évangile, annonçant la force rédemptrice du pardon et de la réconciliation.
Des mains priantes
Elle accompagnait la direction des âmes avec le chapelet à la main, offrant les mystères douloureux du Christ, de ses joies et de ses triomphes pour ceux qui s’approchaient d’elle. Sa sollicitude savait saisir, en même temps que le problème médical, le contexte vital et familial, car « elle ne pouvait voir personne souffrir et faisait tous les efforts pour apporter une solution à chaque difficulté et laisser chacun en paix ». Le but ultime est bien clair : amener ou ramener tous à Dieu. « Avec le chapelet à la main, elle résolvait des cas difficiles, aussi bien matériels, comme le soin des malades et les situations économiques difficiles, que spirituels : la réconciliation de familles divisées, le retour à l’amitié avec Dieu de ceux qui étaient restés loin de lui pendant des années ». Son armoire à pharmacie devient ainsi un dispensaire pour les âmes. « Quand elle soignait les malades, Sœur Maria s’intéressait vivement à leur vie religieuse et morale et aux problèmes de chacun et à ceux de la famille. Elle savait orienter et animer, elle savait guider et corriger avec clarté ». Son amour pour les malades était vraiment héroïque : elle laissait tout et, à toute heure du jour et de la nuit, par beau ou mauvais temps, elle allait là où elle était appelée avec un bâton dans une main et un chapelet dans l’autre, et elle n’avait pas de repos tant qu’elle n’avait pas réussi à améliorer l’état de santé du malade ou à l’aider à bien mourir.
Des mains miraculeuses
Un homme terriblement brûlé et rendu fou par la douleur est ainsi soigné par Sœur Maria : pendant deux jours et deux nuits, elle commence le traitement avec le chapelet et le soigne pendant quelques semaines. Après trente jours, cet homme, avec sa femme, va accomplir le vœu fait à la Vierge Immaculée de Macas : il est complètement sain, sans aucun signe ni cicatrice sur la peau. Personne n’aurait cru qu’il pourrait survivre à cette épreuve. Dieu le guérit par les mains miraculeuses, les prières quotidiennes et le cœur maternel de Sœur Maria. Son zèle est bien illustré par ce jugement : « Héroïque dans la pratique de la charité, elle ne regardait ni les sacrifices, ni les dangers, ni les contagions ; elle ne s’arrêtait encore moins devant les phénomènes atmosphériques qui pouvaient être contraires… Il suffisait de savoir que quelqu’un souffre pour qu’elle vole à son secours, portant dans son cœur l’espoir de pouvoir faire du bien, même à leurs âmes ». Elle entreprit avec d’autres consœurs une immense activité évangélisatrice et de promotion humaine au milieu d’innombrables risques, y compris ceux causés par les animaux sauvages de la forêt. Les localités de Macas, Sevilla Don Bosco et Sucúa sont encore aujourd’hui quelques-uns des « miracles » florissants de son activité d’infirmière, de chirurgienne et d’orthopédiste, de dentiste et d’anesthésiste. Mais avant tout, elle fut catéchiste et témoin du Seigneur, annonciatrice de la Bonne Nouvelle.
Des mains qui éteignent le feu de la haine et de la vengeance
Vers l’âge de sept ou huit ans, Maria se trouve, pendant l’été, au Col d’Aprica (Sondrio) avec d’autres petits bergers qui, ayant réuni leurs troupeaux, jouent près du ruisseau. Les jeunes garçons, pour se sécher après une averse, décident d’allumer un petit feu, mais un coup de vent soudain pousse la flamme vers Maria et une flambée lèche sa petite robe et ses chaussettes. Effrayée, elle essaie d’éteindre les flammes avec ses mains ; tandis que les chaussettes semblent frire sur ses jambes, ses mains, brûlées, noircissent et restent comme scellées. Providentiellement, un homme de passage sur le chemin muletier voisin accourt, éteint le feu et, tout en essayant de la soigner avec de l’huile, s’exclame : « Pauvre enfant, elle ne pourra plus jamais utiliser ses mains ! » Quelques heures plus tard, cependant, ses mains et ses bras redeviennent sains et beaux, sans aucune trace de brûlure, tandis que les cicatrices sur ses jambes resteront toute sa vie. Il y aura un autre feu qui léchera la vie de Maria Troncatti : celui de la haine et de la vengeance, qu’elle verra souvent éclater dans son aventure missionnaire parmi les Shuar et parmi les colons. Un feu qu’elle cherchera à éteindre avec l’huile de la bonté et, à la fin de sa vie, avec celle de sa propre vie offerte en sacrifice. Et ces mains, que le feu semblait ne plus permettre d’utiliser, seront des instruments pour le feu de la charité qui apporteront soulagement, soin et réconfort à tant de personnes.
Des mains qui s’abandonnent à Dieu
Aux sœurs qui lui manifestent leur angoisse et leur crainte face à la situation créée à Sucúa, en Équateur, après l’incendie qui a détruit la mission salésienne en juillet 1969, elle répond avec décision et fermeté : « Mes chères filles, ne craignez pas et n’ayez pas peur de tout ce qui est arrivé ; abandonnons-nous entre les mains de Dieu et prions pour la conversion des méchants ! Qu’ils restent en paix ! Qu’ils aient confiance en la Vierge Auxiliatrice et ils verront que cette angoisse ne durera pas longtemps : très bientôt la tranquillité et le calme arriveront, je vous l’assure ! » Ce sont des paroles d’adieu, dans la paix d’une existence entièrement donnée. Très vite, après sa mort tragique survenue le 25 août 1969, la réputation de sainteté devint vox populi. Ainsi les gens répétaient : « elle est morte comme une sainte ». Et tous voulaient toucher encore une fois ces mains laborieuses et prodigieuses. Les habitants se sentaient orphelins, mais étaient convaincus d’avoir en Sœur Maria « une protectrice au ciel parce qu’elle était une sainte ».
Cette espérance confiante et inébranlable la faisait vivre toujours en s’abandonnant entre les mains de Dieu et la poussait aussi à infuser à ceux qu’elle assistait de sa charité maternelle la pensée du bonheur futur promis par le Père à ceux qui le cherchent avec amour et confiance dans cette vie. C’était une espérance qui se manifestait visiblement dans sa confiance filiale naïve en l’assistance divine. En effet, son aspiration inébranlable au Ciel la soutenait dans toutes les inévitables difficultés qu’elle rencontrait dans l’accomplissement de sa mission et lui inspirait une confiance inconditionnelle en l’aide divine pour résoudre tant de problèmes d’ordre pratique et pour maintenir en vie les activités caritatives de la mission. Mais aussi et surtout, elle infusait dans son cœur cette paix et cette tranquillité qu’elle communiquait aussi aux autres. « Telle était sa foi, telle était son espérance ! On peut dire d’elle qu’elle espérait contre toute espérance. Rien ne l’effrayait, rien ne la troublait : son espérance était illimitée. Pour Sœur Maria, tout était motif d’espérer en Dieu et en la récompense qu’Il donne à ceux qui vivent pour sa cause. Elle ne craignait pas non plus la mort subite ; au contraire, elle la demandait à Dieu et la considérait comme une récompense, car pour elle Dieu était un Père d’une immense bonté et miséricorde, et en Lui elle avait totalement confiance. »