26 Sep 2025, ven

L’éducation au féminin avec saint François de Sales

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La pensée éducative de saint François de Sales dévoile une vision profonde et novatrice du rôle des femmes dans l’Église et la société de son époque. Persuadé que l’éducation des femmes était essentielle à la croissance morale et spirituelle de toute la communauté, le saint évêque de Genève a promu une éducation équilibrée, respectueuse de la dignité féminine tout en étant attentive aux fragilités. Avec un regard paternel et réaliste, il a su percevoir et mettre en valeur les qualités des femmes, les encourageant à cultiver la vertu, la culture et la dévotion. Fondateur de la Visitation avec Jeanne de Chantal, il a défendu avec vigueur la vocation féminine, même face aux critiques et aux préjugés. Son enseignement continue d’offrir des pistes de réflexion actuelles sur l’éducation, l’amour et la liberté dans le choix de sa propre vie.


            Lors de son voyage à Paris en 1619, François de Sales rencontra Adrien Bourdoise, un prêtre réformateur du clergé, qui lui reprocha vivement de trop s’occuper des femmes. L’évêque lui aurait répondu calmement que les femmes étaient au moins la moitié du genre humain, qu’en formant de bonnes chrétiennes on aurait de bons enfants et qu’avec de bons enfants on aurait de bons prêtres. D’ailleurs, saint Jérôme ne leur a-t-il pas consacré beaucoup de temps et d’écrits ? La lecture de ses lettres est recommandée par François de Sales à madame de Chantal, qui y trouvera entre autres beaucoup de choses pour l’éducation de ses filles. On en conclura que le rôle de la femme dans l’éducation justifiait amplement à ses yeux le temps et la sollicitude qu’il leur accordait.

Saint François de Sales et la femme
            « Il faut aider le sexe féminin, lequel on méprise », avait dit un jour l’évêque de Genève à Jean-François de Blonay. Pour comprendre ses préoccupations et sa pensée, il convient de les situer dans son époque. Il faut dire qu’un certain nombre de ses affirmations semblent encore très liées à la mentalité courante. Chez la femme de son temps il déplorait « cette féminine tendreté sur elle-même », la facilité « à se plaindre ou à désirer d’être plainte », une propension plus grande que chez les hommes à la croyance aux songes, à la crainte des esprits et à la crédulité des superstitions, et surtout les « entortillements dans ces pensées de vanité ». Parmi les conseils à madame de Chantal pour l’éducation de ses filles, il n’hésitait pas à écrire : « Ôtez-leur la vanité de l’âme : elle naît presque avec le sexe ».
            Cependant la femme est dotée de grandes qualités. Il écrivait à propos de madame de La Fléchère, qui venait de perdre son mari : « Quand je n’aurais que cette parfaite brebis en mon bercail, je ne me saurais fâcher d’être pasteur de cet affligé diocèse. Après notre madame de Chantal, je ne sais si j’ai fait rencontre d’une âme plus forte en un corps féminin, d’un esprit plus raisonnable et d’une humilité plus sincère ». Les femmes ne sont pas les dernières dans l’exercice des vertus. Comparées aux grands théologiens qui ont dit des merveilles sur les vertus, mais non pas pour les exercer, « il y a eu tant de saintes femmes qui ne savaient pas parler des vertus, lesquelles néanmoins en savaient très bien l’exercice ».
            Les plus dignes d’admiration sont les femmes mariées : « Ah ! mon Dieu, que les vertus d’une femme mariée sont agréables à Dieu car il faut qu’elles soient fortes et excellentes pour durer en cette vocation ! » Dans le combat de la chasteté, il estimait que « les femmes ont souvent combattu plus vaillamment que les hommes ».
            Fondateur d’une congrégation de femmes avec Jeanne de Chantal, il fut en relation constante avec les premières religieuses. À côté des louanges, les critiques commencèrent à pleuvoir. Le fondateur, poussé dans ses retranchements, dut se défendre et les défendre, non seulement en tant que religieuses, mais aussi en tant que femmes. Dans un document qui devait servir de préface aux Constitutions de la Visitation, on retrouve toute la verve polémique dont il savait faire preuve, dirigée non plus cette fois contre les « hérésiarques », mais contre les « censeurs » malveillants et ignorants de cet institut féminin :

La présomption et importune arrogance de plusieurs enfants de ce siècle, qui font profession de blâmer tout ce qui n’est pas selon leur esprit, me donne occasion, voire me force de faire cette préface, mes très chères sœurs, pour armer et mettre en défense votre sainte vocation contre la pointe de leurs langues empestées, afin que les bonnes et pieuses âmes, qui sans doute affectionnent votre tant aimable et honorable institut, trouvent ici de quoi repousser ces traits et flèches de la témérité de ces bizarres et insolents censeurs.

            Estimant peut-être qu’un tel préambule risquait de desservir la cause, François de Sales écrivit une seconde version édulcorée, afin de mettre en lumière l’égalité foncière des sexes. Après avoir cité la Genèse, il concluait : « La femme donc, non moins que l’homme, a la faveur d’avoir été faite à l’image de Dieu ; honneur pareil en l’un et en l’autre sexe ; leurs vertus sont égales ».

L’éducation des filles
             L’ennemi du véritable amour est la « vanité ». Comme chez les moralistes et les pédagogues de son temps, c’était le défaut que François de Sales craignait le plus dans l’éducation des filles. Il en a décrit avec une pointe d’ironie plusieurs manifestations. Voyez « ces demoiselles du monde, lesquelles pour être bien accommodées, s’en vont enflées d’orgueil et de vanité, la tête levée, les yeux ouverts, désirant être remarquées des mondains ».
            L’évêque de Genève s’amuse un peu en se moquant de ces « filles du monde » qui « portent leurs cheveux éparpillés et poudrés », dont la tête est « ferrée comme l’on ferre les pieds des chevaux », et qui « portent quantité d’affiquets ». Il y en a qui « portent des robes qui les serrent et les gênent extrêmement, et cela pour faire voir qu’elles ont la taille belle ». Voilà bien une « folie qui les rend d’ordinaire incapables de rien faire ».
            Que penser alors de certaines beautés artificielles changées en « boutiques de vanité » ? François de Sales préfère une « face nette et décrassée », il veut qu’il n’y ait rien d’affecté, car tout ce qui est fardé déplaît. Il vaut mieux s’en tenir en toute chose à la simplicité et au naturel. Faut-il pour autant condamner tout « artifice » ? Il admet fort bien que « s’il y a quelque défaut en la nature, il faut le corriger par le soin, en sorte que l’on voie l’amendement, mais pur et sans artifice ».
            Que dire des parfums, des affiquets et des habits ? À propos du parfum il dit dans un sermon en parlant de Marie-Madeleine : « C’est une chose excellente ; aussi celui qui est parfumé ressent quelque chose d’excellent », en ajoutant en connaisseur que « le musc d’Espagne est de grande estime parmi le monde ». Dans son chapitre sur « la bienséance des habits », il permet aux filles des affiquets, « parce qu’elles peuvent bien désirer d’agréer à plusieurs, quoique ce ne soit qu’afin d’en gagner un par un saint mariage ». Que voulez-vous ? disait-il avec un brin d’indulgence, « il faut bien que les filles soient un petit peu jolies ».
            C’était sans doute la lecture de la Bible qui l’avait préparé à ne pas bouder la beauté féminine. Chez la bien-aimée du Cantique des Cantiques, il admirait « la remarquable beauté de son visage qui semble un bouquet de fleurs ». Il décrit Jacob, rencontrant Rachel près du puits, qui « pleurait d’attendrissement en voyant une vierge qui lui plaisait et qui le charmait par les grâces de son visage ». Il aimait aussi conter l’histoire de sainte Brigide, née en Écosse, un pays où l’on trouve « les plus belles créatures qu’on puisse voir » ; elle-même était « une fille extrêmement belle », précisant qu’elle était « naturellement » belle.
            L’idéal salésien de la beauté s’appelle la « bonne grâce », qui désigne non seulement la beauté extérieure, mais aussi les mouvements, les gestes et les actions qui sont « comme l’âme et la vie de la beauté ». La grâce veut « la simplicité et la modestie », elle est une perfection qui vient de l’intérieur de la personne. La beauté unie à la grâce fait de Rébecca l’idéal féminin de la Bible. Elle était « si belle et si gracieuse auprès du puits où elle tirait de l’eau pour abreuver ses brebis », et sa générosité lui inspira de donner à boire non seulement au serviteur d’Abraham, mais aussi à ses chameaux.

Instruction et préparation à la vie
            Au temps de François de Sales, la femme avait peu de chances d’accéder à de fortes études. Les filles apprenaient ce qu’elles pouvaient chez elles avec leurs frères, ou quand la famille en avait la possibilité, dans un monastère. La lecture était certainement plus fréquente que l’écriture. Les collèges n’existaient que pour les garçons, ce qui veut dire que l’apprentissage du latin, langue de la culture, leur était pratiquement interdit.
            François de Sales n’était pas contraire aux femmes qui se rendaient savantes, à condition qu’elles ne tombent pas dans la pédanterie et la vanité. Il admirait sainte Catherine qui « fut fort savante, mais sa science était humble ». Parmi les correspondantes de l’évêque de Genève, une femme comme madame de La Fléchère avait étudié le latin, l’italien, l’espagnol et les beaux-arts, mais c’était une exception.
            Pour trouver leur place dans la vie, que ce soit dans la société civile ou dans la vie religieuse, les filles avaient souvent besoin à un certain moment d’une aide particulière. Georges Rolland rapporte que l’évêque s’occupa personnellement de plusieurs cas difficiles. Une femme de Genève, avec trois de ses filles, fut grandement assistée par l’évêque « et d’argent et de crédit ». Il mit une de ses filles en apprentissage chez une femme de la ville, et il lui paya sa pension pendant six années « en blé et en argent ». Il donna aussi cinq cents florins pour le mariage de la fille d’un imprimeur de Genève.
            L’intolérance religieuse du temps provoquait des drames parfois rocambolesques, auxquels l’évêque tentait de remédier. Élevée à Paris par ses parents dans « les erreurs de Calvin », Marie Judith Gilbert découvrit à dix-neuf ans le livre de l’Introduction à la vie dévote, qu’elle n’osait lire qu’en secret. Elle sympathisa avec son auteur dont elle entendit parler. Étroitement surveillée par son père et sa mère, elle réussit à se faire enlever en carrosse, se fit instruire dans la religion catholique et entra chez les sœurs de la Visitation.
            Le rôle social de la femme restait encore très limité. François de Sales n’était pas opposé par principe à l’intervention des femmes dans la vie publique. Parfois cependant il devait tempérer le zèle intempestif d’une correspondante toujours prête à redresser les torts en lui écrivant ces quelques lignes :

Votre sexe et votre vocation ne vous permettent d’empêcher le mal hors de chez vous que par l’inspiration et proposition du bien, et des remontrances simples, humbles et charitables à l’endroit des défaillants, et par avertissement aux supérieurs quand cela se peut.

            Il est significatif qu’une contemporaine de François de Sales, mademoiselle de Gournay, une des premières féministes avant la lettre, femme de lettres et auteur de textes polémiques comme son traité de L’égalité des hommes et des femmes et Le grief des dames, lui voua une grande admiration. Elle s’acharna toute sa vie à démontrer cette égalité en rassemblant tous les témoignages possibles, sans oublier celui du « bon et saint évêque de Genève ».

Éducation à l’amour
            François de Sales n’a pu tant parler de l’amour divin que parce qu’il a été très attentif aux manifestations de l’amour humain sous toutes ses formes. Tout amour a une histoire. Comme pour l’amour divin on peut décrire « l’histoire de la naissance, du progrès, de la décadence, des opérations, propriétés, avantages et excellences » de l’amour humain.
            L’amour naît de la contemplation du beau et le beau se laisse percevoir par les sens, surtout par les yeux. Il se produit un phénomène d’interaction entre le regard et la beauté, « le regard de la beauté nous la faisant aimer, et l’amour nous la faisant regarder ». L’odorat intervient également, car « les parfums n’ont point d’autre pouvoir pour attirer à leur suite que leur suavité ».
            Après les sens extérieurs interviennent les sens intérieurs, la fantaisie et l’imagination, qui magnifient et transfigurent le réel. « L’amour, par une imperceptible faculté, fait paraître la beauté que l’on aime, plus belle, et la vue pareillement affine l’amour pour lui faire trouver la beauté plus aimable ». On comprend alors pourquoi ceux qui ont peint Cupidon, le dieu de l’amour, lui ont bandé les yeux, disant que « l’amour est aveugle ». À ce stade on arrive à l’amour-passion, qui fait rechercher la rencontre et la conversation, qui désire le secret, et qui fait proférer des paroles qui seraient ridicules si elles ne sortaient d’un cœur passionné.
            Or, cet amour-passion, qui n’est peut-être qu’une « amourette », une « muguetterie », est sujet à bien des péripéties, si bien que l’auteur de l’Introduction présente plusieurs séries de considérations et de mises en garde à propos des « amitiés folâtres », qui ne sont souvent que des « avortons ou plutôt fantômes d’amitié ».
            François de Sales s’est exprimé aussi à propos du baiser, se demandant par exemple avec les commentateurs anciens comment Rachel avait permis à Jacob de l’embrasser. Il explique qu’il y a plusieurs sortes de baisers. Les baisers qui s’échangent fréquemment entre jeunes gens et qui ne sont pas mauvais au départ, peuvent le devenir à cause de la fragilité humaine. Mais le baiser peut aussi être bon. En certains pays la coutume le veut. Il est bon aussi quand c’est un témoignage d’amitié ou de respect. « Notre Jacob embrasse donc très innocemment sa Rachel ; Rachel accepte ce baiser de courtoisie et d’amitié de la part de cet homme au caractère bon et au franc visage ».
            Sur le plan affectif, l’éducation vise à promouvoir la maturité et l’autonomie du sujet, mais il faut du temps pour cela. Il n’est pas toujours facile de concilier la prudence des parents avec le désir de liberté des filles. C’est ainsi qu’une fille à qui on a défendu de sortir dans la rue dès qu’il fait nuit ne manquera pas de dire : « Mon Dieu, j’ai la plus terrible mère qui se peut dire ! Elle ne veut pas même que je sorte de la maison ». On ne lui a défendu de sortir que la nuit, et elle dit que c’est toujours.
            Dans la question de la danse et du bal, qui était également à l’ordre du jour, François de Sales évita les condamnations absolues, comme faisaient les rigoristes du temps, tant catholiques que protestants, tout en se montrant très prudent. Comme pour certains jeux, il y a danger quand on s’y affectionne et qu’on ne peut plus s’en passer : « Il faut que ce soit par récréation et non par affection, pour peu de temps et non jusqu’à se lasser ou s’étourdir ». Il est recommandé par ailleurs d’éviter les passe-temps qui favorisent « les folles amours ».

Le moment du choix
            Quand la jeune fille a grandi, arrive le jour où « il faudra lui parler, cela veut dire de la parole principale, qui est quand on parle aux filles de les marier ». Homme de son temps, François de Sales partageait dans une large mesure les idées qui accordaient aux parents un rôle important dans la détermination de la vocation de leurs enfants, que ce soit le mariage ou la vie religieuse. « On ne choisit pas pour l’ordinaire son prince et son évêque, son père et sa mère, ni même souvent son mari », constatait l’auteur de l’Introduction. Cependant il dit clairement que « les filles ne peuvent être mariées quand elles disent non ».
            La pratique courante est bien décrite dans ce passage de l’Introduction à la vie dévote parlant de la demoiselle qu’on veut marier : « Premièrement on lui propose le parti ; deuxièmement elle agrée la proposition, et en troisième lieu elle consent ». Comme les filles se mariaient souvent très jeunes, il ne faut pas s’étonner de leur immaturité affective. Elles aiment non seulement leur époux, constatait François de Sales, mais aussi « les bagues et bagatelles, et leurs compagnes avec lesquelles elles s’amusent éperdument à jouer, danser et folâtrer ».
            Le problème de la liberté du choix se posait également pour les enfants que l’on destinait à la vie religieuse. La fille de la baronne de Chantal, Françoise, devait être placée dans un monastère par sa mère qui désirait pour elle une vocation religieuse, mais l’évêque intervint : « Si Françoise veut de son gré être religieuse, bon ; autrement je n’approuve pas qu’on devance sa volonté par des résolutions ». Il conseille d’« user de modération » et de procéder plutôt par « inspirations suaves ».
            Certaines jeunes filles hésitaient entre la vie religieuse et le mariage, n’arrivant pas à se décider. Il encouragea la future madame de Longecombe à faire le pas du mariage qu’il voulut célébrer lui-même. Il fit cette bonne œuvre, dira plus tard son mari, à la demande de sa femme « qui avait en affection d’être épousée de sa main et qui peut-être, sans cela, n’aurait jamais pu franchir ce passage à cause de la grande aversion qu’elle avait au mariage ».

La femme et la dévotion
            Étranger à tout féminisme avant la lettre, François de Sales était conscient de l’exceptionnel apport de la femme au plan spirituel. D’autre part, on a fait remarquer qu’en favorisant la dévotion chez les femmes, l’auteur de l’Introduction a favorisé du même coup la possibilité pour elles d’une plus grande autonomie, et d’une forme de « vie privée au féminin ».
            La qualité principale de la femme réside dans sa « puissance d’aimer ». Jeanne de Chantal en était la démonstration vivante : « Je vous vois, ce me semble, ma chère fille, avec votre cœur vigoureux, qui aime et qui veut puissamment ». Après avoir énuméré un certain nombre de docteurs et de savants, il pouvait écrire dans la préface du Traité de l’amour de Dieu : « Qui a jamais mieux exprimé les célestes passions de l’amour sacré que sainte Catherine de Gênes, sainte Angèle de Foligno, sainte Catherine de Sienne, sainte Mathilde ? » À la suite d’une prédication à Grenoble il fit ce constat avec une pointe d’ironie : « Je ne vis jamais un peuple plus docile que celui-ci, ni plus porté à la piété. Surtout les dames y sont très dévotes, car ici, comme partout ailleurs, les hommes laissent aux femmes le soin du ménage et de la dévotion ».
            Les femmes pouvaient-elles se mêler des problèmes de la religion ? « Voici donc cette femme qui fait la théologienne », s’exclame François de Sales en parlant de la Samaritaine de l’Évangile. Faut-il nécessairement y voir une dépréciation des théologiennes ? Ce n’est pas sûr. D’autant qu’il affirme avec force : « Je vous dis qu’une pauvre femme peut autant aimer Dieu qu’un docteur en théologie ». La supériorité n’est pas toujours là où on pense.
            Il y a des femmes supérieures aux hommes, à commencer par la Sainte Vierge comparée à saint Joseph. Certes, François de Sales respecte toujours les principes de l’ordre établi par les lois religieuses et civiles de son temps, envers lesquelles il prêche l’obéissance, mais sa pratique témoigne d’une grande liberté d’esprit. C’est ainsi que pour le gouvernement des monastères de femmes, il estimait qu’il valait mieux qu’elles soient sous la juridiction de l’évêque que de leurs frères en religion, qui risqueraient de les contraindre de façon excessive.
            Les visitandines, quant à elles, ne dépendront d’aucun ordre masculin et n’auront aucun gouvernement central, chaque monastère étant placé directement sous la juridiction de l’évêque du diocèse. Aux sœurs de la Visitation en partance pour une nouvelle fondation il osa même décerner le titre inattendu d’« apôtresses », « non en la dignité, mais en l’office et au mérite ». C’est le témoignage silencieux des visitandines qui sera leur prédication.
            Si l’on entend bien la pensée de l’évêque de Genève, la mission ecclésiale de la femme est d’annoncer non pas la parole de Dieu, mais « la gloire de Dieu » par la beauté de leur témoignage. Les cieux, dit le psalmiste, racontent la gloire de Dieu sans paroles, par leur seule splendeur. Et « n’est-ce pas une plus grande merveille de voir une âme décorée de plusieurs grandes vertus que non pas le ciel décoré d’étoiles ? »

By P. Wirth MORAND

Salésien de Don Bosco, professeur d'université, bibliste et historien salésien, membre émérite du Centre d'études Don Bosco, auteur de plusieurs ouvrages.