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En mai 2026, nous célébrerons le dixième anniversaire de la mort de Don Giovanni Bocchi, un salésien qui a dédié quinze ans de sa vie à la mission au Cameroun, laissant une empreinte indélébile dans l’Église locale et dans la formation de nombreuses vocations sacerdotales et religieuses. En tant que l’un des nombreux jeunes Camerounais qui ont bénéficié de son ministère pastoral et de son accompagnement spirituel, je ressens le devoir de témoigner de l’impact que ce missionnaire a eu sur notre Église et sur ma propre vocation.
Ce portrait biographique est basé sur des documents d’archives, des témoignages directs et des écrits de Don Bocchi lui-même depuis le Cameroun. C’est une tentative de restituer la figure d’un homme de Dieu qui a su être un pont entre différentes cultures, un père spirituel pour des générations de jeunes, et un témoin authentique de l’Évangile en terre de mission.
Les racines de la Garfagnana et la formation salésienne
Giovanni Bocchi est né le 8 mars 1929 à Pugliano, un hameau de Minucciano, dans la haute Garfagnana de Lucques, de Giuseppe Bocchi et Annunziata Bertoni. C’était un monde paysan, rythmé par la nature et une foi simple et robuste. Dans ce contexte montagnard, dominé par le Pizzo d’Uccello et le Pisanino, le jeune Giovanni a mûri cette sensibilité humaine et spirituelle qui le caractériserait : la valeur de l’effort, de la solidarité et de l’essentiel.
À dix-sept ans, il entre dans la congrégation salésienne. Le 27 août 1946, il franchit le seuil du noviciat de Varazze, entamant un long chemin de formation. Le 28 août 1947, il prononce sa première profession religieuse triennale à Varazze, promettant de vivre dans la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. Il renouvelle ses vœux le 25 août 1950, toujours à Varazze. Le 7 septembre 1952, à Alassio, il prononce sa profession perpétuelle, se liant pour toujours à la congrégation salésienne.
Le chemin vers le sacerdoce se poursuit avec les études théologiques à Bollengo, où il reçoit progressivement les ordres : lecteur (1er janvier 1955), acolyte (30 juin 1955), sous-diacre (1er juillet 1956) et diacre (1er janvier 1957). Enfin, le 1er juillet 1957, il est ordonné prêtre à Bollengo. À vingt-huit ans, Don Giovanni Bocchi est prêtre pour toujours, prêt à consacrer sa vie au salut des âmes. À l’école de Don Bosco, il avait assimilé le Système Préventif, basé sur la raison, la religion et l’amabilité, le transformant en un style de vie.
Les premiers pas de son ministère en Italie
Du 11 septembre 1963 au 11 septembre 1966, Don Bocchi occupe le poste de directeur de la maison salésienne de Savone. Mais son bureau était la cour, son pupitre était le confessionnal. Il aimait être au milieu des jeunes, qui voyaient en lui un père et un ami. C’est précisément pendant ces années que sa vocation particulière de confesseur et de directeur spirituel commence à se manifester. Parmi ses pénitents se trouvait Véra Grita, une jeune enseignante qui deviendra Coopératrice salésienne et dont la cause de béatification est aujourd’hui en cours. Don Bocchi l’accompagne dans son chemin spirituel à partir de 1963, l’aidant à discerner la volonté de Dieu.
Du 11 septembre 1966 au 22 juillet 1970, à Gênes-Sampierdarena, Don Bocchi est délégué provincial aux apostolats sociaux. Il se consacre à l’assistance des ouvriers et de leurs familles, portant l’Évangile dans les usines et les quartiers populaires. C’était un prêtre de frontière, qui cherchait à promouvoir la dignité humaine et chrétienne des travailleurs. Cette expérience enrichit sa sensibilité pastorale et le prépara à comprendre les dynamiques de la pauvreté qu’il rencontrerait ensuite en Afrique.
Le 22 juillet 1970, il arrive à La Spezia-Canaletto, ville qui deviendra sa deuxième maison pendant de nombreuses années. Du 1er septembre 1976 au 23 juin 1981, il est curé de Maria Ausiliatrice al Canaletto, se montrant un pasteur infatigable. Sa porte était toujours ouverte, sa prédication simple et profonde. Mais c’est surtout au confessionnal que Don Bocchi exerçait son plus grand charisme : il passait des heures à écouter, consoler, pardonner. C’était un ministre de la miséricorde de Dieu.
Le 23 juin 1981, il est nommé directeur de la communauté salésienne de La Spezia. Mais son cœur était toujours tourné vers les jeunes, vers la mission. Il ressentait un fort désir de partir pour des terres lointaines.
L’appel de l’Afrique
En 1982, lorsque Don Giovanni Bocchi partit pour le Cameroun, il avait déjà plus de cinquante ans. Ce n’était plus un jeune homme, mais un prêtre mûr, avec une solide expérience pastorale. Sa décision d’embrasser la mission africaine représentait un choix courageux, qui témoignait de sa profonde liberté intérieure et de sa totale disponibilité à la volonté de Dieu.
La congrégation salésienne connaissait alors un fort élan missionnaire vers l’Afrique, dans le cadre du « Projet Afrique » lancé par le Recteur Majeur Don Egidio Viganò. Comme il l’écrira quelques années plus tard, l’Afrique était devenue « le fleuron » de sa vie sacerdotale. Avec l’enthousiasme d’un novice et la sagesse d’un vétéran, il se prépara à devenir « Africain avec les Africains ».
Fondation d’une nouvelle présence salésienne
Le 1er septembre 1982, Don Giovanni Bocchi arriva au Cameroun pour fonder, avec ses confrères Don Rizzato et Don De Marchi, une nouvelle présence salésienne à Ebolowa. La ville, qui comptait environ 38 000 habitants, venait de devenir le chef-lieu de la province du Centre-Sud. La paroisse confiée aux salésiens présentait des dimensions incroyables : elle embrassait presque toute la ville avec ses 13 quartiers et comprenait 5 pistes pour un total d’environ 160 km, le long desquelles se trouvent plus de 40 villages, chacun avec sa propre chapelle. Géographiquement, elle couvrait plus de 9 000 km², avec 45 000 habitants.
Les tournées pastorales duraient des mois, et le prêtre restait hors de chez lui trois ou quatre jours par semaine. C’était un champ de travail immense, que les trois missionnaires ont affronté avec un dévouement extraordinaire.
Don Bocchi se lança immédiatement dans l’apprentissage de la langue locale, le Bulu, pour communiquer efficacement avec la population. Outre le ministère paroissial, il s’engagea à développer des œuvres éducatives et sociales qui allaient changer le visage de la mission. L’école catholique devint rapidement l’une des plus grandes du Sud du Cameroun, avec 1 350 élèves du primaire.
Parallèlement, des œuvres de formation professionnelle voient le jour : une grande menuiserie, suivie de la mécanique automobile et de la réparation audio-vidéo. Il avait une vision intégrale de l’éducation, qui ne se limitait pas à l’instruction mais comprenait la formation professionnelle et l’accompagnement humain. Les gens l’appelaient « Fata » (père) et l’accueillaient avec affection.
La rencontre qui a changé ma vie
C’est dans ce contexte que ma rencontre personnelle avec Don Bocchi a eu lieu, une rencontre qui allait changer le cours de ma vie. Je fréquentais le petit séminaire Saint-Jean XXIII d’Ebolowa, convaincu de devoir devenir prêtre diocésain – mon père était catéchiste formé par les missionnaires spiritains.
Don Bocchi venait régulièrement dans notre séminaire comme confesseur. L’attitude des salésiens envers nous, séminaristes, était surprenante par rapport à la distance institutionnelle à laquelle nous étions habitués. Je n’avais jamais vu de prêtres aussi proches des jeunes, aussi solidaires, aussi paternels, aussi souriants, qui se laissaient approcher, toucher et salir par les enfants et les jeunes.
Tout a commencé par un match de football entre nous, séminaristes, et les jeunes du Centre des Jeunes Don Bosco. C’est à cette occasion que j’ai vu pour la première fois des prêtres qui jouaient avec les jeunes, qui riaient et plaisantaient naturellement. C’était un style pastoral qui m’interrogeait profondément.
Un « malentendu » qui devient vocation
Mon jeune frère Luc, qui fréquentait l’oratoire salésien, était l’ami du Père Alcide (Don Alcide Baggio, maintenant missionnaire à Kinshasa, en République Démocratique du Congo). Quand je lui ai exprimé mon admiration pour cette façon d’être prêtre, il rapporta à Don Bocchi mon désir de devenir salésien. Mais Don Bocchi ne se limita pas à en prendre acte. Il m’offrit les Mémoires de l’Oratoire et une biographie de Dominique Savio : « Lis, et ensuite nous en parlerons. »
Il n’imposait pas, mais proposait ; il offrait des outils de discernement. Cette attitude révélait sa profonde confiance dans la liberté de la personne et dans l’action du Saint-Esprit. Il est vrai aussi que, étant mon confesseur et ami de mon père, il pouvait dire qu’il me connaissait bien. La lecture de ces textes m’a ouvert un horizon complètement nouveau. Quand j’ai découvert la vie de Don Bosco et de son élève Dominique Savio, j’ai compris la raison de l’attitude que les salésiens montraient envers nous, les jeunes.
Les difficultés institutionnelles et le courage pastoral
Mon choix de me rapprocher des salésiens ne fut pas bien vu par les supérieurs du séminaire diocésain. L’évêque me convoqua pour me dire : « Écoute-moi bien, mon fils. Si pour une raison quelconque tu ne continues pas avec les salésiens, ne reviens jamais dans mon diocèse, car tu es allé chez eux sans ma permission. »
C’était une menace qui m’effrayait profondément. Mais Don Bocchi, ayant eu connaissance de la situation, en fut scandalisé. Il m’accompagna personnellement à Sangmelima chez l’évêque, Mgr Jean-Baptiste Ama, pour clarifier la question et me rassurer en disant que si telle était vraiment la volonté de Dieu, je pourrais continuer sans problème. Sa fermeté à défendre la liberté de conscience fut déterminante pour ma vocation.
Don Bocchi avait aussi le don de l’humour. Me voyant encore incertain, il me dit avec un sourire : « Si Dieu t’appelle, personne ne peut s’y opposer. Moi-même, jeune, j’ai essayé de résister, et regarde ce que Dieu m’a fait » – en désignant en plaisantant sa tête chauve. De la peur initiale, je passai au rire. C’était sa manière. Avec bonté et affection, il aidait chacun à découvrir le projet de Dieu, transformant même les moments de tension en occasions de croissance.
Son accompagnement se caractérisait par quelques éléments fondamentaux : respect de la liberté (« Prie, réfléchis, et ensuite tu décides »), patience dans le temps de discernement, confiance en la Providence (« Si c’est la volonté de Dieu, cela se fera »), et proximité humaine concrète.
Livourne puis Yaoundé : le rêve du Sanctuaire
Le 26 juin 1990, Don Bocchi rentre temporairement en Italie. Du 26 juin 1990 au 26 juin 1992, il est directeur de la communauté salésienne de Livourne. Ce fut une période de repos nécessaire après huit années très intenses en Afrique, mais aussi un temps où il maintenait des contacts avec la mission camerounaise et se consacrait à la sensibilisation missionnaire auprès des bienfaiteurs toscans. Il était resté en contact avec des groupes d’amis en Toscane, et celui de Livourne était l’un des plus actifs pour soutenir Don Bocchi dans des initiatives de sensibilisation et de solidarité.
Le 26 juin 1992, Don Bocchi retourna au Cameroun, cette fois à Yaoundé, dans la paroisse de Mimboman. Initialement, il en eut la charge (du 1er septembre 1992 au 1er septembre 1993), mais son service durera, avec une interruption, jusqu’en 1999. Le transfert représentait un nouveau défi : il passait de la réalité provinciale d’Ebolowa à la complexité d’une grande métropole africaine en croissance rapide, avec une urbanisation sauvage, le chômage des jeunes et la diffusion de nouvelles sectes religieuses.
Du 6 juillet 1993 au 1er septembre 1995, Don Bocchi fut rappelé en Italie comme directeur de la communauté salésienne de Pietrasanta. Ce fut une période relativement courte mais significative, durant laquelle il continua son ministère sacerdotal en territoire toscan. Le 1er septembre 1995, Don Bocchi retourna à Yaoundé-Mimboman, cette fois comme vicaire (1995-1996) puis comme curé (du 1er septembre 1996 au 1er septembre 1999), occupant simultanément le rôle de vicaire la dernière année (à partir du 1er septembre). Il se consacra avec passion à l’animation de l’oratoire de Mimboman, qui devint rapidement un point de référence pour des centaines de jeunes du quartier et de la ville. Son style restait le même : proximité avec les jeunes, amour des pauvres, zèle pour les âmes.
Le projet du Sanctuaire Marie-Auxiliatrice
Le projet le plus ambitieux fut la conception d’un Sanctuaire dédié à Marie Auxiliatrice, une entreprise audacieuse qui semblait dépasser les forces humaines. Mais Don Bocchi voyait la soif de Dieu chez les gens, leur désir d’un lieu sacré. Le Sanctuaire devait être un centre d’irradiation de la foi, pas seulement un bâtiment. Il impliqua la communauté chrétienne, chercha des bienfaiteurs, mobilisa les amis en Italie. Bien qu’il n’ait pas pu voir l’œuvre achevée en raison de son retour pour des raisons de santé, il jeta les bases d’une réalisation que d’autres, jusqu’à aujourd’hui, cherchent à mener à terme.
Pour lui, Marie n’était pas une dévotion parmi tant d’autres, mais la mère, le guide, l’inspiratrice de toute sa vie de salésien et de missionnaire. Il avait appris de Don Bosco à lui faire confiance, à l’invoquer dans les moments difficiles.
Le retour définitif en Italie et les dernières années
En 1999, après quinze ans d’intense activité missionnaire en Afrique, marqués également par des périodes de service en Italie, la santé de Don Bocchi commença sérieusement à décliner, mise à rude épreuve par le climat et la vie de sacrifice. À sa grande douleur, il fut contraint de quitter sa chère terre africaine, affrontant cette nouvelle épreuve avec la même foi et le même abandon qui avaient caractérisé son ministère.
Cette année-là, le 11 juillet, représenta pour nous deux un tournant radical et définitif. C’est précisément dans cet Oratoire et dans cette paroisse destinée à devenir un futur sanctuaire que Don Bocchi put assister à mon ordination sacerdotale. Pour lui, c’était l’accomplissement d’une mission éducative : il avait écrit et présenté personnellement ma candidature à l’évêque, selon le rite liturgique. Il m’avait accompagné depuis mes treize ans jusqu’à l’âge adulte, me trouvant même une famille adoptive, celle de Franco et Carla Sommella à Spezia, Vezzano Ligure.
Le jour de mon ordination sacerdotale, j’étais sans voix. Je lisais dans ses yeux la même joie qui brillait dans ceux de mes parents africains. La séparation qui s’ensuivit, bien que douloureuse, marqua pour lui la conclusion d’un parcours. Mon confesseur et père spirituel voyait son œuvre réalisée, achevée sous le signe d’une mission accomplie.
Entre Pise et La Spezia : le ministère du pardon
Moins de deux mois plus tard, donc du 1er septembre 1999 au 30 juin 2000, Don Bocchi retourna brièvement à La Spezia-Canaletto, la communauté qu’il avait déjà connue dans les années 1970. Du 30 juin 2000 au 1er septembre 2004, il fut directeur et curé à Pise de la paroisse de Don Bosco et San Ranieri. Malgré son âge et ses infirmités, il se donna avec générosité.
Le 1er septembre 2004, il est transféré à La Spezia, dans la paroisse Notre-Dame des Neiges, où jusqu’à la fin de ses jours il se consacra à ce qu’il aimait appeler le « ministère du pardon ». Il accueillait tout le monde avec un sourire lumineux qui transmettait joie et sérénité. Il devint un point de référence spirituel pour toute la ville. Sa réputation de confesseur sage et miséricordieux se répandit rapidement : les fidèles qui se rendaient à son confessionnal étaient vraiment un fleuve, et pour eux, Don Gianni était toujours disponible. Il accueillait tout le monde avec la même patience, la même bonté. Il ne regardait pas l’horloge, il ne se lassait pas d’écouter. Pour lui, chaque âme était un trésor précieux.
Le privilège de l’indulgence plénière reçu en Afrique
Durant ces années, Don Bocchi exerça un privilège spécial qu’il avait reçu du Pape Jean-Paul II lors d’une de ses visites au Cameroun : la faculté d’accorder l’indulgence plénière. C’était une reconnaissance de sa sainteté de vie et de sa fidélité à l’Évangile. Il exerça ce privilège avec une grande humilité, heureux de pouvoir offrir aux fidèles non seulement le pardon mais aussi la rémission totale de la peine.
Les dernières années furent marquées par la maladie, qui s’aggrava progressivement. Mais il ne perdit jamais sa sérénité. Il continua à prier, à offrir, à bénir. Il se prépara à la rencontre avec le Seigneur avec la paix au cœur, avec la certitude d’avoir combattu le bon combat.
Le dernier adieu
Don Giovanni Bocchi s’est éteint le 1er mai 2016 à La Spezia, à l’âge de quatre-vingt-sept ans. Les funérailles furent célébrées dans l’église Notre-Dame des Neiges à La Spezia, présidées par Monseigneur Luigi Ernesto Palletti, évêque du diocèse, en présence de nombreux prêtres et d’une grande foule émue. Ce fut le dernier embrassement choral à un père, témoignage de l’affection et de l’estime qu’il s’était acquises durant toutes les années de son ministère.
Le témoignage de Don Karim Madjidi
Don Karim Madjidi, alors vicaire provincial de la Circonscription Centrale (2015-2018), participa à la cérémonie et illustra la figure et l’œuvre de Don Bocchi. Il souligna comment il avait été une grande figure de prêtre qui avait su donner toute sa vie au Seigneur, acceptant toutes ses obédiences, changeant continuellement de ville, toujours au service, à l’oratoire.
Don Karim a souligné son impact durable sur l’Église camerounaise : Don Bocchi avait suivi tant de jeunes qui s’étaient préparés à devenir prêtres, tant de religieuses. Sa manière d’être prêtre – qui invitait tous à prier la Vierge, à s’approcher de la confession, de l’Eucharistie mais avec un sens humain, vraiment humain, proche – avait laissé une marque profonde.
Sa dépouille repose désormais dans le cimetière de son village natal, Pugliano, au milieu des montagnes qui l’ont vu naître. C’est un retour symbolique aux racines, à la terre qui l’a formé, aux montagnes qui lui ont enseigné la solidité de la foi.
L’héritage spirituel
L’héritage le plus précieux de Don Giovanni Bocchi ne se trouve pas dans les œuvres matérielles, aussi grandes soient-elles, mais dans les cœurs qu’il a transformés. Sa prédication, et surtout son témoignage, ont favorisé de nombreuses conversions à la foi et la naissance de nombreuses vocations religieuses et sacerdotales.
De nombreux jeunes, grâce à son ministère, ont embrassé la vie sacerdotale ou religieuse. D’autres se sont engagés comme laïcs dans l’Église et dans la société. Ma propre vocation est le fruit de son accompagnement. Aujourd’hui, en tant que psychologue de l’éducation, prédicateur et depuis quelques années membre du Conseil général des Salésiens, je poursuis l’héritage de cette graine qu’il a plantée dans mon cœur de jeune séminariste incertain.
Les « Jean Bocchi » du Cameroun
Aujourd’hui encore, chez nous au Cameroun, de nombreux enfants portent le nom de « Jean Bocchi » en l’honneur du missionnaire. Pour les mères africaines, donner le nom d’une personne à leurs enfants est la plus haute reconnaissance : cela signifie que cette personne a sauvé leur vie ou celle de leurs familles. C’est un geste qui va au-delà de l’affection, qui témoigne d’une gratitude profonde. Ces enfants sont la mémoire vivante d’un père qui a aimé sans réserve.
Une méthode éducative universelle
Don Bocchi a su incarner le charisme salésien en terre africaine, l’adaptant au contexte local sans en trahir l’essence. Il a démontré la validité universelle du Système Préventif de Don Bosco. Il a appris notre langue Bulu, a compris les dynamiques sociales, a su se faire Africain avec les Africains sans perdre son identité de Salésien. Son témoignage démontre que l’évangélisation authentique n’est pas une imposition de modèles extérieurs, mais une incarnation de l’Évangile dans la culture locale, respectueuse des diversités et valorisant les richesses humaines de chaque peuple.
Près de dix ans après sa mort, la figure de Don Giovanni Bocchi reste vivante. Pour nous au Cameroun, il a été un père dans la foi, qui a su nous aider sans assistanat, nous former et nous défier sans colonialisme culturel. Il a cru en nos potentialités et a respecté notre dignité.
Son héritage perdure dans les œuvres qu’il a fondées, dans les vocations qu’il a suscitées, dans les « Jean Bocchi » qui portent son nom. Mais surtout, il perdure dans la méthode éducative qu’il a transmise et dans l’amour pour les jeunes dont il a témoigné.
Don Alphonse OWOUDOU, sdb
Conseiller Régional Afrique Centrale et Ouest

