11 Nov 2025, mar

Une grâce obtenue, un vœu manqué, un souvenir indélébile

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Tout document inédit contient généralement quelque chose de nouveau. Or, les documents que nous présentons ici nous offrent non seulement une information inconnue, mais aussi une heureuse surprise ; d’autant qu’ils franchissent les frontières de son siècle pour parvenir jusqu’à nous.

Don Bosco en France
Le nom de Don Bosco, éducateur et fondateur d’œuvres pour les garçons pauvres, a été très tôt connu et apprécié en France. Seules les Alpes séparaient Turin de la France ; de la Riviera ligure, on passait facilement à la Côte d’Azur avec les célèbres stations de Monaco, Saint-Tropez, Hyères, Toulon, Cannes et la capitale de la région, Nice maritime, qui passa à la France en 1860. Les journaux français, les pèlerinages français à Rome avec une étape au Valdocco et même une biographie édifiante (1881) ont joué leur rôle. Mais surtout le voyage de Don Bosco à travers la France (14 février-19 mai en 1883), du sud au nord, avec une longue étape à Paris, fait de lui, tant pour le peuple que pour une certaine aristocratie conservatrice, un nouveau Saint Vincent de Paul, un nouveau Curé d’Ars, un nouveau Saint François de Sales. Don Bosco a en effet fréquenté en particulier le sud de la France, où il a fondé diverses œuvres : à Nice, à Saint-Cyr, en Navarre, à Marseille. C’est donc dans le sud, et précisément à Toulon, qu’il rencontra et entra en étroite amitié et en harmonie spirituelle avec la famille Colle: la plus généreuse de toutes les familles nobles qui l’aidèrent financièrement, parmi lesquelles les célèbres Fassati, Callori, De Maistre, Uguccioni, etc.

La demande de Mme Chambon
A Toulon vivait la famille Chambon qui, après sept ans de mariage, n’avait pas encore eu la joie d’avoir un enfant. Madame Augustine, qui avait connu Don Bosco par sa réputation d’homme de Dieu, voire de thaumaturge, n’hésita pas à lui écrire pour lui demander de prier afin qu’elle ait le don de la maternité désirée.
Don Bosco, au milieu du mois d’août 1885, depuis Mathi, où il séjournait pour échapper un temps à la chaleur de Turin, lui répondit immédiatement. Dans son français approximatif, il lui écrit :  » Vous demandez, ô Dame, quelque chose de grave, d’extraordinaire, mais pas impossible. Je ne manquerai pas de prier et de faire prier tous nos enfants selon votre intention. Mais vous, de votre côté, vous ferez deux choses :
1. Vous demanderez sans cesse la grâce, tant qu’elle n’est pas contraire à votre bonheur éternel.
2. Vous direz chaque jour trois Notre Père au Saint Sacrement, pendant un an, et pendant cette année vous ferez toutes les œuvres de charité que vous pourrez faire pour les orphelins ».
En soi, Don Bosco ne demandait rien de nouveau : il s’agissait des recommandations habituelles à ceux qui lui demandaient de prier pour leur intention particulière. Même la conclusion de la lettre était la même : « Que le Bon Dieu soit avec vous et que la Sainte Vierge vous protège toujours, vous et votre famille, et s’il vous plaît, priez aussi pour moi et toute ma famille ». L’engagement est donc réciproque : chacun doit faire sa part tant du côté de la prière que de celui de la charité envers les nécessiteux. Et Don Bosco de rappeler le nombre immense de ses 160 000 « orphelins ».
On ne sait pas si et comment la dame a accepté les instructions de Don Bosco, mais toujours est-il que le 24 mars 1887, elle donne heureusement naissance au petit Joseph.

L’histoire ne s’arrête pas là
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Joseph, nommé capitaine dans l’armée française, est envoyé au front et sa mère, très inquiète, promet le 18 septembre 1915 d’apporter – sans fixer l’heure ni la date – un ex voto sur la tombe de Don Bosco, à qui elle est manifestement déjà reconnaissante pour le don de la maternité.
Son fils Joseph revint effectivement sain et sauf de la guerre, mais pour des raisons que nous ignorons, la dame ne put tenir sa promesse. Elle dut cependant en parler à son fils qui, désormais marié et devenu intendant général des réservistes, demanda à sa fille Jeanne, de passage à Turin, de tenir elle-même la promesse de sa grand-mère et d’apporter ainsi un ex-voto sur la tombe du saint. Mais cela ne lui fut pas possible, car on n’acceptait plus d’ex-voto au Valdocco. Ils étaient sans doute trop nombreux.
Ayant appris cela, le père ne s’est pas découragé et a contacté le directeur du Valdocco par courrier. Il lui raconte la petite histoire que nous avons reconstituée et joint comme contre-preuve une photocopie de la lettre de Don Bosco et du manuscrit de sa mère. Au lieu de l’ex-voto, il envoie une belle offrande (400 francs) non sans ajouter que non seulement sa mère a été une fervente admiratrice de Bosco et des œuvres salésiennes, mais que toute la famille en a gardé un souvenir vif et reconnaissant. Elle a également remercié les Salésiens du Valdocco pour le cadeau particulièrement précieux offert à sa fille : une relique de Don Bosco accompagnée du certificat de « Causae postulator ». Chez l’ancien combattant et chez l’homme à la carrière militaire, le souvenir d’être un don de Dieu grâce à la foi et à la charité de sa mère et de Don Bosco ne s’est pas perdu. La prière de Don Bosco (et celle de tant de futures mamans, comme Mme Augustine), a été exaucée de nombreuses fois par le Seigneur en son temps et aussi après lui, par l’intercession d’un de ses saints élèves : la petite robe de Dominique Savio, portée sur le dos, nécessairement unie à la prière et à la vie chrétienne, a souvent fait sourire de nombreuses familles, essuyé les larmes de tant de mamans, inondé et inonde encore de joie de nombreux berceaux.

P. Francesco MOTTO

Salésien de Don Bosco, expert de St Jean Bosco, auteur de plusieurs livres. Docteur en histoire et en théologie, conférencier invité à l'Université pontificale salésienne. Cofondateur et directeur pendant 20 ans de l'Institut historique salésien (ISS) et de la revue 'Recherches historiques salésiennes' (1992-2012), il est l'un des fondateurs de l'Association des chercheurs en histoire salésienne (ACSSA), dont il est actuellement le président (2015-2023). Il a été consultant auprès de la Congrégation pour les Causes des Saints (2009-2014).