25 Sep 2025, jeu

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(suite de l’article précédent)

5) Être authentiques
À l’ère numérique, les personnes authentiques sont très importantes. Elles ne se vantent pas, elles n’essaient pas d’entrer dans un moule, elles sont à l’aise avec ce qu’elles sont et n’ont pas peur de le montrer. Elles expriment leurs pensées et leurs sentiments en toute honnêteté, sans se soucier de ce que les autres pourraient penser, créant ainsi un environnement d’honnêteté et d’acceptation.
Dans les Mémoires de Don Bosco, on peut lire cette heureuse déclaration : « J’étais craint par tous mes camarades, même par ceux qui étaient plus âgés et plus grands que moi, à cause de mon courage et ma force physique ».
« C’est inutile, dira à son tour Don Cafasso, il fait comme il veut, il faut le laisser faire ; même quand un projet lui a été déconseillé, Don Bosco réussit ». Mécontente de ne pas l’avoir gagné à sa cause, la marquise Barolo l’accusera d’être « têtu, obstiné, orgueilleux ».
Ce sont de bonnes briques. Il sait les utiliser à bon escient pour construire un chef-d’œuvre.

Simplicité.
Beaucoup de gens ont besoin de faire semblant d’être différents, de paraître plus forts qu’ils ne le sont. De vouloir être ce qu’ils ne sont pas.
Les fleurs s’épanouissent simplement. Elles sont d’une légèreté silencieuse. La personne simple est comme les oiseaux dans le ciel : le chant parfois, le silence plus souvent, la vie toujours. Don Bosco vit comme il respire. C’est toujours lui. Jamais double, jamais prétentieux, jamais complexe. L’intelligence n’est pas l’ébouriffement, la complication, le snobisme. La réalité est complexe sans aucun doute. Nous ne pourrions pas décrire facilement un arbre, une fleur, une étoile, une pierre… Cela ne les empêche pas d’être simplement ce qu’ils sont. La rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu’elle fleurit, elle ne s’occupe pas d’elle-même, elle ne veut pas être vue…
Les Mémoires racontent qu’en 1877, à Ancône, « Don Bosco alla célébrer vers dix heures dans l’église du Gesù, officiée par les Missionnaires du Précieux Sang. La messe lui fut servie par un jeune homme qui n’oublia jamais cette rencontre jusqu’à la fin de sa vie. Il vit entrer dans la sacristie un « petit prêtre », au visage et à l’attitude modestes, totalement inconnu. Mais « dans ce visage brun », il vit quelque chose d’une bonté attirante, qui suscita immédiatement en lui un mélange de curiosité et de respect. Au cours de la célébration, il remarqua qu’il y avait en lui quelque chose de particulier, qui invitait au recueillement et à la ferveur. À la fin de la messe, après l’action de grâce, le prêtre lui posa la main sur la tête, lui donna dix centimes, voulut savoir qui il était et ce qu’il faisait, et lui dit quelques bonnes paroles. Quarante-huit ans plus tard, ce jeune homme, qui s’appelait Eugenio Marconi et qui était élève à l’Institut du Bon Pasteur, écrira plus tard : « Oh, la douceur de cette voix ! l’affabilité, l’affection contenues dans ces paroles ! J’étais troublé et ému ». Il découvrit peu après que le « petit prêtre » était Don Bosco et fut pour lui un ami dévoué tout au long de sa vie.
Le contraire de simple n’est pas compliqué, mais faux. La simplicité est la nudité, la spoliation, la pauvreté. Sans autre richesse que tout. Sans autre trésor que rien. La simplicité, c’est la liberté, la légèreté, la transparence. Simple comme l’air, libre comme l’air. Comme une fenêtre ouverte sur le grand souffle du monde, sur la présence infinie et silencieuse de tout.
Là où souffle l’Esprit de l’Évangile : « Regardez les oiseaux qui vivent dans la liberté : ils ne sèment pas, ils ne moissonnent pas, ils ne mettent pas leur récolte dans des greniers… et votre Père qui est aux cieux les nourrit ! N’êtes-vous donc pas beaucoup plus importants qu’eux ? » (Mt 6, 26).
Les Mémoires biographiques affirment tranquillement : « Il était évident qu’il se jetait dans les bras de la divine Providence, comme un enfant dans ceux de sa mère » (MB III, 36).
Tout est simple pour Dieu. Tout est divin pour les simples. Même le travail. Même l’effort. 

6) Être résistants
La vie est pleine de surprises. Les choses ne se passent pas toujours sans heurts et nous sommes parfois confrontés à des défis qui mettent à l’épreuve notre force et notre détermination. Dans ces moments-là, la résilience est une qualité puissante. Il s’agit d’avoir la force mentale et émotionnelle pour rebondir face à l’adversité, pour continuer à avancer même lorsque les choses deviennent difficiles. Et c’est quelque chose que les gens admirent. Avoir à ses côtés quelqu’un qui incarne le courage peut être une incroyable source d’inspiration. Je pense que le meilleur titre pour une vie de Don Bosco est « Petit Jean toujours debout ».
Monseigneur Cagliero se souvient : « Je ne me souviens pas de l’avoir vu un seul instant, pendant les 35 ans où j’ai été à ses côtés, découragé, ennuyé ou agité à cause des dettes qui l’accablaient souvent. Il disait souvent : « La Providence est grande, et comme elle pense aux oiseaux du ciel, elle pensera à mes jeunes ».
« Regardez, je suis un pauvre prêtre, mais s’il me restait ne serait-ce qu’un morceau de pain, je le partagerais avec toi ». C’est la phrase la plus souvent répétée par Don Bosco.
Les vrais amis sont comme les étoiles… on ne les voit pas toujours, mais on sait qu’ils sont toujours là.

7) Être humbles
Les personnes humbles n’ont pas besoin d’être constamment félicitées ou reconnues pour se sentir bien dans leur peau et ne ressentent pas le besoin de prouver leur valeur aux autres. En outre, elles ont l’esprit ouvert et sont toujours prêtes à apprendre des autres, quel que soit leur statut ou leur position.
Don Bosco n’a jamais eu honte de demander l’aumône. Humble et fort, comme le lui avait demandé la Maîtresse dans son premier rêve. Il gardait la tête haute avec tout le monde.

8) Répandre la tendresse
Michel Rua s’était pris d’affection pour Don Bosco, ce prêtre à côté duquel on se sentait joyeux et comme plein de chaleur. Il vivait à la Manufacture Royale d’Armes, où son père avait été employé. Quatre de ses frères étaient morts très jeunes et il était très fragile. C’est pourquoi sa mère ne le laissait pas aller souvent à l’oratoire. Mais il a quand même rencontré Don Bosco chez les Frères des Ecoles Chrétiennes, où il est allé jusqu’en troisième année. Il raconte :
« Quand Don Bosco venait dire la messe et prêcher, dès qu’il entrait dans la chapelle, on avait l’impression qu’un courant électrique traversait tous ces nombreux enfants. Nous sautions, nous nous levions de nos sièges, nous nous agglutinions autour de lui. Il mettait longtemps à atteindre la sacristie. Les bons Frères n’ont pas pu empêcher ce désordre apparent. Quand d’autres prêtres venaient, rien de tel ne se produisait ».
Don Bosco était aussi attirant qu’un aimant. Il y a un épisode comique et tendre, raconté dans les Mémoires biographiques de Don Bosco avec la légèreté des Fioretti :
« Un soir, Don Bosco, qui marchait sur un trottoir de la rue Doragrossa, aujourd’hui rue Garibaldi, passa devant la porte vitrée d’une magnifique boutique de drapier dont la vitre occupait toute la largeur de la porte. Un bon jeune homme de l’Oratoire, qui y faisait les courses, voyant Don Bosco, dans le premier élan de son cœur, sans réfléchir que la porte vitrée était fermée, courut pour aller le saluer ; mais il heurta la tête à la vitre et la brisa en mille morceaux. Au bruit de la vitre, Don Bosco s’arrêta et ouvrit la porte ; le garçon mortifié s’approcha de lui ; le maître sortit de la boutique, éleva la voix et cria ; les voyageurs s’attroupèrent. Don Bosco demanda au jeune :  » Qu’as-tu fait ? » et celui-ci répondit naïvement : « Je vous ai vu passer et, comme je désirais vous saluer, je n’ai plus fait attention au fait que je devais ouvrir la porte vitrée et je l’ai cassée » (Mémoires biographiques MB III, 169-170).
C’était un sentiment d’amitié explosive que les gamins ressentaient pour Don Bosco. Dans la lignée de saint François de Sales, chantre de l’amitié spirituelle, Don Bosco estimait que l’amitié basée sur la bienveillance et la confiance mutuelles semblait essentielle à son système de prévention.
L’amitié, pour Don Bosco, est ce « plus » qui transforme une méthode éducative semblable à d’autres en un chef-d’œuvre unique et original.
Don Rua, Monseigneur Cagliero et d’autres l’appelaient papa
En fin de compte, la gentillesse est ce qui compte le plus. C’est la façon dont vous traitez les autres, la compassion dont vous faites preuve et l’amour que vous répandez qui définissent réellement qui vous êtes en tant que personne. La gentillesse peut être aussi simple qu’un sourire, un mot d’encouragement ou une main tendue. L’idée est de faire en sorte que les autres se sentent valorisés et aimés. Les garçons de Don Bosco témoignaient avec une insistance presque monotone : « Il m’aimait bien ». L’un d’eux, saint Louis Orione, écrira : « Je marcherais sur des charbons ardents pour le revoir et lui dire merci ».
Le garçon ne comprend pas comment Don Bosco, qu’il avait rencontré par hasard des semaines auparavant dans la cour, se souvenait encore de son nom. Il prend son courage à deux mains et lui demande : « Don Bosco, comment avez-vous fait pour vous rappeler mon nom ? »
– « Je n’oublie jamais mes enfants », lui répondit-il.

À un garçon qui quittait l’Oratoire de son plein gré, Don Bosco, le rencontrant, lui demanda :
– « Qu’as-tu dans la main ? ».
– « Cinq lires que ma mère m’a données pour acheter un billet de train ».
– « Ta maman a payé ton billet pour le trajet de l’Oratoire à ta maison, et c’est très bien. Maintenant, prends ces cinq autres lires. C’est pour ton billet de retour. Chaque fois que tu en auras besoin, viens me voir ! »
L’attention est une forme de gentillesse, tout comme l’inattention est la plus grande impolitesse que l’on puisse faire. Elle est parfois une violence implicite, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants : la négligence est à juste titre considérée comme une maltraitance lorsqu’elle atteint un seuil insupportable, mais à petite dose, elle fait partie des ignominies ordinaires que beaucoup d’enfants sont contraints de subir. L’inattention, c’est la glace : et il est difficile de grandir dans la glace, où la seule consolation est peut-être une télévision pleine de rêves violents ou consuméristes. L’attention, c’est la chaleur et l’affection, qui permettent au meilleur potentiel de se développer et de s’épanouir.
« J’ai aussi besoin que les gens connaissent l’importance des Salésiens Coopérateurs. Jusqu’à présent, cela semble une petite chose, mais j’espère que, par ce biais, une bonne partie de la population italienne deviendra salésienne et ouvrira la voie à beaucoup de choses. L’Œuvre des Salésiens Coopérateurs… se répandra dans tous les pays, dans toute la chrétienté, un temps viendra où le nom de Coopérateur signifiera vrai chrétien… Déjà je vois non seulement des familles, mais des villes et des villages entiers devenir des Salésiens Coopérateurs. »
Puisque les prédictions de Don Bosco se sont réalisées, préparez-vous à voir de bonnes choses dans ce siècle !

9) C’est ainsi que Don Bosco prêchait Dieu
Ceux qui écrivent sur lui se trompent lourdement lorsqu’ils essaient de faire de lui un pédagogue ou même un brillant innovateur social. Certes, Don Bosco s’est préoccupé d’œuvres caritatives comme beaucoup d’autres, et encore de justice sociale. Mais sa force exceptionnelle réside dans le fait qu’en tout ce qu’il a fait, il s’en est remis uniquement et complètement à Dieu.
« C’est vraiment admirable, s’est exclamé une des personnes présentes, la manière dont les choses se déroulent. Don Bosco commence et n’abandonne jamais ».
 « C’est pour cela, reprit Don Bosco, que nous ne renonçons jamais, parce que nous avançons toujours en sécurité. Avant d’entreprendre quelque chose, nous nous assurons que c’est la volonté de Dieu que les choses se fassent. Nous commençons nos œuvres avec la certitude que c’est Dieu qui les veut. Forts de cette certitude, nous allons de l’avant. Il peut sembler que mille difficultés se dressent sur le chemin ; peu importe, Dieu le veut, et nous restons intrépides face à tout obstacle. J’ai une confiance illimitée dans la Providence, mais la Providence elle-même veut être aidée par nos immenses efforts« .
Ses efforts ont toujours la couleur de l’infini.
Nietzsche lui-même affirme que la perception de la vie intérieure des gens est instinctive. Les jeunes ont donc une aptitude naturelle à observer ce qui se cache derrière l’extérieur d’une personne.  Ils ont des antennes spéciales pour capter des signaux qui ne peuvent être observés par des moyens ordinaires. Ils sont capables de percevoir ce qui est caché aux autres. 
Notre antenne spirituelle nous rend sensibles à la beauté morale des personnes, nous fait instinctivement remarquer la dimension morale et spirituelle de leur vie. 
En 1864, Don Bosco arrive à Mornèse avec ses garçons, lors de leurs promenades d’automne. Il fait déjà nuit. Les gens viennent à sa rencontre, précédés par le curé Don Valle et le prêtre Don Pestarino. La fanfare joue, beaucoup s’agenouillent au passage de Don Bosco en lui demandant de les bénir. Les jeunes et le peuple entrent dans l’église, on donne la bénédiction avec le Saint-Sacrement, puis tout le monde va dîner.
Ensuite, encouragés par les applaudissements, les garçons de Don Bosco donnent un petit concert de marches et de musique joyeuse. Au premier rang, Maria Mazzarello, 27 ans. À la fin, Don Bosco prononce quelques mots : « Nous sommes tous fatigués et mes garçons veulent passer une bonne nuit de sommeil. Mais demain, nous parlerons plus longuement ».
Don Bosco est resté cinq jours à Mornèse. Chaque soir, Maria Mazzarello peut écouter le petit « mot du soir » qu’il donne à ses jeunes. Elle grimpe sur les bancs pour s’approcher de cet homme. Quelqu’un lui reproche ce geste déplacé. Elle répond : « Don Bosco est un saint, je le sens ».

C’est bien plus qu’un sentiment. Combien de femmes lui devront un changement dans la vie ? Il suffit d’un mouvement, un simple mouvement comme celui que font les enfants lorsqu’ils s’élancent de toutes leurs forces, sans peur de tomber ou de mourir, sans se soucier du poids du monde.
C’est encore une question de miroir : personne n’a tourné son visage vers les femmes plus que Jésus-Christ, comme on tourne son regard vers le feuillage des arbres, comme on se penche sur l’eau d’une rivière pour y puiser la force et la volonté de continuer son chemin. Les femmes dans la Bible sont nombreuses. Elles sont là au début et elles sont là à la fin. Elles donnent naissance à Dieu, le regardent grandir, jouer et mourir, puis le ressuscitent par les gestes simples d’un amour insensé.

Il y a encore des gens qui s’inquiètent des démonstrations de l’existence de Dieu. La démonstration la plus parfaite de Dieu n’est pas difficile.
L’enfant demande à sa mère : « D’après toi, Dieu existe-t-il ? »
« Oui. »
 « Comment est-il ? »
La femme attira son fils vers elle.
Elle le sera très fort dans ses bras et lui dit : « Dieu est comme ça. »
« J’ai compris ».
Don Paolo Albera : « Don Bosco éduquait en aimant, en attirant, en conquérant et en transformant. […] Il nous enveloppait tous et presque entièrement dans une atmosphère de contentement et de bonheur, d’où étaient bannis le chagrin, la tristesse, la mélancolie…. Tout en lui exerçait sur nous une puissante attraction : son regard pénétrant, parfois plus efficace qu’un sermon ; le simple mouvement de sa tête ; le sourire qui fleurissait perpétuellement sur ses lèvres, toujours nouveau et varié, et pourtant toujours calme ; la flexion de sa bouche, comme lorsqu’on veut parler sans prononcer les mots ; les mots mêmes cadencés d’une manière plutôt qu’une autre ; le port de sa personne et sa démarche svelte et aisée : tout cela agissait sur nos jeunes cœurs comme un aimant auquel il était impossible d’échapper ; et même si nous l’avions pu, nous ne l’aurions pas fait pour tout l’or du monde, tant nous étions heureux de cet ascendant singulier qu’il avait sur nous, et qui chez lui était la chose la plus naturelle, sans étude ni effort ».

Toujours présent et vivant. Dieu comme compagnie, air que l’on respire. Dieu comme l’eau pour les poissons. Dieu comme le nid chaud d’un cœur aimant. Dieu comme le parfum de la vie. Dieu est ce que savent les enfants, pas les adultes.

Maintenant, allons changer le monde (Willy Wonka)

By P. Bruno FERRERO

Salésien de Don Bosco, expert en catéchèse, auteur de plusieurs livres. Il a été directeur éditorial de la maison d'édition salésienne Elledici. Il est le rédacteur en chef du journal italien 'Il Bollettino Salesiano', en version imprimée.