Entretien avec le Recteur Majeur, Don Fabio Attard

Nous avons réalisé un entretien exclusif avec le Recteur Majeur des Salésiens, Don Fabio Attard, qui revient sur les étapes fondamentales de sa vocation et de son parcours humain et spirituel. Sa vocation est née dans un oratoire et s’est consolidée à travers un parcours de formation riche qui l’a conduit de l’Irlande à la Tunisie, de Malte à Rome. De 2008 à 2020, il a été Conseiller général pour la Pastorale des Jeunes, fonction qu’il a exercée avec une vision multiculturelle acquise grâce à des expériences dans différents contextes. Son message central est la sainteté comme fondement de l’action éducative salésienne : « Je voudrais voir une Congrégation plus sainte », affirme-t-il, soulignant que l’efficacité professionnelle doit s’enraciner dans l’identité consacrée.

Quelle est l’histoire de ta vocation ?

Je suis né à Gozo, Malte, le 23 mars 1959, cinquième d’une fratrie de sept enfants. À ma naissance, mon père était pharmacien à l’hôpital, tandis que ma mère avait ouvert un petit magasin de tissus et de couture, qui s’est développé au fil du temps pour devenir une petite chaîne de cinq magasins. C’était une femme très travailleuse, mais l’entreprise est toujours restée familiale.

J’ai fréquenté l’école primaire et secondaire locale. Un élément très beau et particulier de mon enfance est que mon père était catéchiste laïc à l’oratoire, qui jusqu’en 1965 était dirigé par les salésiens. Ayant lui-même, dans sa jeunesse, fréquenté cet oratoire, il y était resté comme seul catéchiste laïc. Quand j’ai commencé à le fréquenter, à l’âge de six ans, les salésiens venaient de quitter l’œuvre. Un jeune prêtre (qui est toujours en vie) a pris la relève et a poursuivi les activités de l’oratoire dans le même esprit salésien, ayant lui-même vécu là en tant que séminariste.
On continuait avec le catéchisme, la bénédiction eucharistique quotidienne, le football, le théâtre, la chorale, les excursions, les fêtes… tout ce qu’on vit normalement dans un oratoire. Il y avait beaucoup d’enfants et d’adolescents, et j’ai grandi dans cet environnement. En pratique, ma vie se déroulait entre ma famille et l’oratoire. J’étais également enfant de chœur dans ma paroisse. Ainsi, à la fin de mes études secondaires, je me suis orienté vers la prêtrise, car depuis mon enfance, j’avais ce désir dans mon cœur.

Aujourd’hui, je me rends compte à quel point j’avais été influencé par ce jeune prêtre que j’admirais : il était toujours présent avec nous dans la cour, dans les activités de l’oratoire. Cependant, à cette époque, les salésiens n’étaient plus là. Alors je suis entré au séminaire, où l’on faisait alors deux ans de propédeutique en tant qu’internes. Au cours de la troisième année – qui correspondait à la première année de philosophie – j’ai rencontré un ami de la famille, âgé d’environ 35 ans, une vocation adulte, qui était entré comme aspirant salésien (il est encore en vie aujourd’hui et est coadjuteur). Quand il a fait cette démarche, un feu s’est allumé en moi et avec l’aide de mon directeur spirituel, j’ai commencé un discernement vocationnel.
Ce fut un parcours important mais aussi exigeant. J’avais 19 ans, mais ce guide spirituel m’a aidé à chercher la volonté de Dieu, et pas simplement la mienne. La dernière année – la quatrième de philosophie – au lieu de le suivre au séminaire, je l’ai vécue comme aspirant salésien, en terminant les deux années de philosophie requises.

Dans ma famille, l’environnement était fortement marqué par la foi. Nous participions chaque jour à la messe, nous récitions le chapelet à la maison, nous étions très unis. Aujourd’hui encore, bien que nos parents soient au paradis, nous conservons cette même unité entre frères et sœurs.

Une autre expérience familiale m’a profondément marqué, même si je ne m’en suis rendu compte qu’avec le temps. Mon frère, le deuxième de la famille, est mort à 25 ans d’une insuffisance rénale. Aujourd’hui, grâce aux progrès de la médecine, il serait encore en vie grâce à la dialyse et aux greffes, mais à l’époque, il n’y avait pas beaucoup de possibilités. J’ai été à ses côtés pendant les trois dernières années de sa vie, nous partagions la même chambre et je l’aidais souvent la nuit. C’était un jeune serein, joyeux, qui vivait sa fragilité avec une joie extraordinaire.
J’avais 16 ans quand il est mort. Cinquante ans ont passé, mais quand je repense à cette époque, à cette expérience quotidienne de proximité, faite de petits gestes, je réalise à quel point cela a marqué ma vie.

Je suis né dans une famille où régnaient la foi, le sens du travail et la responsabilité partagée. Mes parents sont pour moi deux exemples extraordinaires. Ils ont vécu le mystère de la croix avec une grande foi et dans une grande sérénité, sans jamais faire peser quoi que ce soit sur qui que ce soit, sachant transmettre en même temps la joie de la vie familiale. Je peux dire que j’ai eu une très belle enfance. Nous n’étions ni riches ni pauvres, mais toujours sobres et discrets. Ils nous ont appris à travailler, à bien gérer les ressources, à ne pas gaspiller, à vivre avec dignité, avec élégance et, surtout, avec une particulière attention envers les pauvres et les malades.

Comment ta famille a-t-elle réagi lorsque tu as pris la décision de suivre la vocation consacrée ?

Le moment était venu où, avec mon directeur spirituel, nous avions clarifié que ma voie était celle des salésiens. Je devais également l’annoncer à mes parents. Je me souviens que c’était une soirée tranquille, nous étions en train de dîner tous les trois. À un moment donné, j’ai dit : « J’ai quelque chose à vous dire : j’ai fait mon discernement et j’ai décidé d’entrer chez les salésiens. »
Mon père était ravi. Il m’a immédiatement répondu : « Que le Seigneur te bénisse. » Ma mère, en revanche, s’est mise à pleurer, un peu comme toutes les mères. Elle m’a demandé : « Alors tu t’en vas ? » Alors mon père est intervenu avec douceur et fermeté : « Qu’il s’éloigne de nous ou non, c’est son chemin. »
Ils m’ont béni et encouragé. Ce sont des moments qui restent gravés à jamais dans ma mémoire.

Je me souviens en particulier de ce qui s’est passé vers la fin de la vie de mes parents. Mon père est décédé en 1997, et six mois plus tard, on a découvert un cancer incurable chez ma mère.
À cette époque, mes supérieurs m’avaient demandé d’aller enseigner à l’Université Pontificale Salésienne (UPS), mais je ne savais pas quelle décision prendre. Ma mère n’allait pas bien, elle était proche de la mort. En discutant avec mes frères, ils m’ont dit : « Fais ce que tes supérieurs te demandent. »
J’étais à la maison et j’en ai parlé avec elle : « Maman, mes supérieurs me demandent d’aller à Rome. »
Avec la lucidité d’une vraie mère, elle m’a répondu : « Écoute, mon fils, si cela ne tenait qu’à moi, je te demanderais de rester ici, car je n’ai personne d’autre et je ne voudrais pas être un fardeau pour tes frères. Mais… » – et là, elle a dit une phrase que je garde dans mon cœur – « Tu n’es pas à moi, tu appartiens à Dieu. Fais ce que tes supérieurs te disent. »
Cette phrase, prononcée un an avant sa mort, est pour moi un trésor, un héritage précieux. Ma mère était une femme intelligente, sage, perspicace : elle savait que la maladie allait l’emporter, mais à ce moment-là, elle a su être libre intérieurement. Libre de dire des mots qui confirmaient une fois de plus le don qu’elle avait fait à Dieu : offrir un fils à la vie consacrée.

La réaction de ma famille, du début à la fin, a toujours été marquée par un profond respect et un grand soutien. Et aujourd’hui encore, mes frères et sœurs continuent à perpétuer cet esprit.

Quel a été ton parcours de formation depuis le noviciat jusqu’à aujourd’hui ?

Ce fut un parcours très riche et varié. J’ai commencé le pré-noviciat à Malte, puis j’ai fait mon noviciat à Dublin, en Irlande. Une expérience vraiment belle.

Après le noviciat, mes compagnons sont partis à Maynooth pour étudier la philosophie à l’université, mais j’avais déjà terminé ces études. C’est pourquoi mes supérieurs m’ont demandé de rester encore un an au noviciat, où j’ai enseigné l’italien et le latin. Ensuite, je suis retourné à Malte pour effectuer deux ans de stage, qui ont été très beaux et enrichissants.

J’ai ensuite été envoyé à Rome pour étudier la théologie à l’Université pontificale salésienne, où j’ai passé trois années extraordinaires. Ces années m’ont ouvert l’esprit. Nous vivions en communauté avec quarante confrères provenant de vingt pays différents : Asie, Europe, Amérique latine… Le corps enseignant était également international. C’était au milieu des années 1980, environ vingt ans après le Concile Vatican II, et on respirait encore beaucoup d’enthousiasme. Il y avait des débats théologiques animés, la théologie de la libération, l’intérêt pour la méthode et la pratique. Ces études m’ont appris à lire la foi non seulement comme un contenu intellectuel, mais comme un choix de vie.

Après ces trois années, j’ai poursuivi les études en faisant deux années de spécialisation en théologie morale à l’Académie Alphonsienne, avec les Pères rédemptoristes. Là aussi, j’ai rencontré des personnalités importantes, comme le célèbre Bernhard Häring, avec lequel j’ai noué une amitié personnelle et que j’allais voir régulièrement chaque mois pour discuter avec lui. Au total, ce furent cinq années – entre le baccalauréat et la licence – qui m’ont profondément formé sur le plan théologique.

Par la suite, m’étant porté volontaire pour les missions, mes supérieurs m’ont envoyé en Tunisie, avec un autre salésien, pour rétablir la présence salésienne dans le pays. Nous avons repris une école gérée par une congrégation féminine qui était sur le point de fermer faute de vocations. C’était une école de 700 élèves. Nous avons donc dû apprendre le français et aussi l’arabe. Pour nous préparer, nous avons passé quelques mois à Lyon, en France, puis nous nous sommes consacrés à l’étude de l’arabe.
Je suis resté là-bas trois ans. Ce fut une autre grande expérience, car nous nous sommes retrouvés à vivre la foi et le charisme salésien dans un contexte où l’on ne pouvait pas parler explicitement de Jésus. Cependant, il était possible de construire des parcours éducatifs fondés sur des valeurs humaines : le respect, la disponibilité, la vérité. Notre témoignage était silencieux mais éloquent. Dans cet environnement, j’ai appris à connaître et à aimer le monde musulman. Tous étaient musulmans, les élèves, les enseignants et les familles ; ils nous ont accueillis très chaleureusement. Ils nous ont fait sentir comme faisant partie de leur famille. Je suis retourné plusieurs fois en Tunisie et j’ai toujours rencontré le même respect et la même appréciation, au-delà de notre appartenance religieuse.

Après cette expérience, je suis retourné à Malte et j’ai travaillé pendant cinq ans dans le secteur social, plus précisément dans une maison salésienne qui accueille des jeunes ayant besoin d’un accompagnement éducatif plus attentif, y compris en internat.

Après ces huit années passées dans la pastorale (entre la Tunisie et Malte), on m’a proposé de terminer mon doctorat. J’ai choisi de retourner en Irlande, car le thème était lié à la conscience selon la pensée du cardinal John Henry Newman, aujourd’hui saint. Une fois mon doctorat terminé, le Recteur Majeur de l’époque, Don Juan Edmundo Vecchi – d’éternelle e mémoire – m’a demandé de rejoindre l’Université Pontificale Salésienne en tant que professeur de théologie morale.

En regardant tout mon parcours, depuis l’aspirantat jusqu’au doctorat, je peux dire que cela a été un ensemble d’expériences non seulement de contenus, mais aussi de contextes culturels très différents. Je remercie le Seigneur et la Congrégation, car ils m’ont offert la possibilité de vivre une formation aussi variée et riche.

Tu connais donc le maltais, qui est ta langue maternelle, l’anglais, qui est la deuxième langue à Malte, le latin, que tu as enseigné, l’italien, que tu as étudié en Italie, le français et l’arabe, que tu as appris à Manouba, en Tunisie… Combien de langues connais-tu ?

Cinq, six langues, plus ou moins. Mais quand on me pose la question, je réponds toujours que ce sont des coïncidences historiques.
À Malte, nous grandissons déjà avec deux langues : le maltais et l’anglais, et à l’école, nous apprenons une troisième langue. À mon époque, on enseignait aussi l’italien. Ensuite, j’étais naturellement porté vers les langues, et j’ai également choisi le latin. Plus tard, en Tunisie, j’ai dû apprendre le français et aussi l’arabe.

À Rome, en vivant avec de nombreux étudiants hispanophones, l’oreille s’habitue, et quand j’ai été élu conseiller pour la pastorale des jeunes, j’ai approfondi un peu l’espagnol, qui est une très belle langue.

Toutes les langues sont belles. Bien sûr, leur apprentissage demande un effort dans l’étude et dans la pratique. Certains ont plus de facilités que d’autres ; cela fait partie des dispositions personnelles. Mais ce n’est ni un mérite ni une faute. C’est simplement un don, une prédisposition naturelle.

De 2008 à 2020, tu as été conseiller général pour la pastorale des jeunes pendant deux mandats. Comment ton expérience t’a-t-elle aidé dans cette mission ?

Lorsque le Seigneur nous confie une mission, nous emportons avec nous tout le bagage d’expériences que nous avons accumulées au fil du temps.
Ayant vécu dans des contextes culturels différents, je ne courais pas le risque de tout voir à travers le filtre d’une seule culture. Je suis européen, je viens de la Méditerranée, d’un pays qui a été une colonie anglaise, mais j’ai eu la chance de vivre dans des communautés internationales et multiculturelles.

Les années d’études à l’UPS m’ont également beaucoup aidé. Nous avions des professeurs qui ne se limitaient pas à transmettre des contenus, mais qui nous apprenaient à faire la synthèse, à construire une méthode. Par exemple, si l’on étudiait l’histoire de l’Église, on comprenait à quel point il était essentiel de comprendre la patristique. Si l’on abordait la théologie biblique, on apprenait à la relier à la théologie sacramentelle, à la morale, à l’histoire de la spiritualité. En somme, on nous apprenait à penser de manière organique. Cette capacité de synthèse, cette architecture de la pensée, fait ensuite partie de votre formation personnelle. Quand on fait de la théologie, on apprend à identifier les points fixes et à les relier entre eux. Il en va de même pour une proposition pastorale, pédagogique ou philosophique. Quand on rencontre des personnes de grande envergure, on absorbe non seulement ce qu’elles disent, mais aussi la manière dont elles le disent, et cela forge ton style.

Un autre élément important est qu’au moment de mon élection, j’avais déjà vécu des expériences dans des milieux missionnaires, où la religion catholique était pratiquement absente, et j’avais travaillé avec des personnes marginalisées et vulnérables. J’avais également acquis une certaine expérience dans le monde universitaire et, parallèlement, je m’étais beaucoup consacré à l’accompagnement spirituel.

De plus, entre 2005 et 2008, juste après mon expérience à l’UPS, l’archidiocèse de Malte m’avait demandé de fonder un institut de formation pastorale, à la suite d’un synode diocésain qui en avait reconnu la nécessité. L’archevêque m’a confié la tâche de le mettre sur pied à partir de zéro. La première chose que j’ai faite a été de constituer une équipe composée de prêtres, de religieux, de laïcs, hommes et femmes. Nous avons mis en place une nouvelle méthode de formation, qui est encore utilisée aujourd’hui. L’institut continue de très bien fonctionner, et d’une certaine manière, cette expérience a été une préparation précieuse pour le travail que j’ai accompli par la suite dans la pastorale des jeunes.
Dès le début, j’ai toujours cru au travail d’équipe et à la collaboration avec les laïcs. Ma première expérience en tant que directeur s’est déroulée dans ce style : une équipe éducative stable, qu’on appellerait aujourd’hui une CEP (Communauté éducative et pastorale), avec des réunions régulières et non occasionnelles. Nous nous réunissions chaque semaine avec les éducateurs et les professionnels. Et cette approche, qui est devenue une méthode au fil du temps, est restée une référence pour moi.

À cela s’ajoute l’expérience universitaire. J’ai passé six ans comme professeur à l’Université pontificale salésienne, où arrivaient des étudiants de plus de cent pays, puis comme examinateur et directeur de thèses de doctorat à l’Académie Alphonsienne.

Je pense que tout cela m’a préparé à assumer cette responsabilité avec lucidité et vision de futur.

Ainsi, lorsque la Congrégation, lors du Chapitre général de 2008, m’a demandé d’assumer cette charge, j’avais déjà une vision large et multiculturelle. Cela m’a aidé, car mettre ensemble des diversités ne m’était pas difficile : cela faisait partie de la normalité. Bien sûr, il ne s’agissait pas simplement de faire un « mélange » d’expériences : il fallait trouver les fils conducteurs, donner une cohérence et une unité.

Ce que j’ai pu vivre en tant que Conseiller général n’est pas mon mérite personnel. Je crois que n’importe quel salésien, s’il avait eu les mêmes opportunités et le soutien de la Congrégation, aurait pu vivre des expériences similaires et apporter sa contribution avec générosité.

Y a-t-il une prière, une « bonne nuit » salésienne, une habitude que tu ne manques jamais de faire ?

La dévotion à Marie. À la maison, nous avons grandi avec le chapelet quotidien, récité en famille. Ce n’était pas une obligation, c’était quelque chose de naturel : nous le faisions avant de manger, car nous mangions toujours ensemble. À l’époque, c’était possible. Aujourd’hui, c’est peut-être moins le cas, mais à l’époque, c’était ainsi que nous vivions : la famille réunie, la prière partagée, le repas en commun.

Au début, je ne me rendais peut-être pas compte de la profondeur de cette dévotion mariale. Mais avec les années, quand on commence à distinguer l’essentiel du secondaire, j’ai compris à quel point cette présence maternelle avait accompagné ma vie.
La dévotion à Marie s’exprime sous différentes formes : le chapelet quotidien, lorsque c’est possible ; un moment de recueillement devant une image ou une statue de la Vierge Marie ; une prière simple, mais faite avec le cœur. Ce sont des gestes qui accompagnent le cheminement de la foi.

Bien sûr, il y a quelques points fixes : l’Eucharistie quotidienne et la méditation quotidienne. Ce sont des piliers qui ne se discutent pas, qui se vivent. Non seulement parce que nous sommes consacrés, mais parce que nous sommes croyants. On ne vit la foi qu’en la nourrissant. Quand nous la nourrissons, elle grandit en nous. Et ce n’est que si elle grandit en nous que nous pouvons aider les autres à grandir aussi. Pour nous, qui sommes éducateurs, c’est évident : si notre foi ne se traduit pas dans une vie concrète, tout le reste devient façade.

Ces pratiques – la prière, la méditation, la dévotion – ne sont pas réservées aux saints. Elles sont l’expression de la cohérence de notre vie. Si j’ai fait un choix de foi, j’ai aussi la responsabilité de le cultiver. Sinon, tout se réduit à quelque chose d’extérieur, d’apparent. Et cela, avec le temps, ne tient pas.

Si tu pouvais revenir en arrière, ferais-tu les mêmes choix ?

Oui, absolument. Il y a eu des moments très difficiles dans ma vie, comme pour tout le monde. Je ne veux pas passer pour la « victime du jour ». Je crois que chaque personne, pour grandir, doit traverser des phases d’obscurité, des moments de désolation, de solitude, où elle se sent trahie ou injustement accusée. J’ai vécu ces moments-là. Mais j’ai eu la chance d’avoir un directeur spirituel à mes côtés.

Quand on traverse certaines épreuves avec quelqu’un qui t’accompagne, on parvient à comprendre que tout ce que Dieu permet a un sens, un but. Et quand on sort de ce « tunnel », on découvre qu’on est une personne différente, plus mûre. C’est comme si, à travers cette épreuve, on était transformé.

Si j’étais resté seul, j’aurais risqué de prendre de mauvaises décisions, sans vision, aveuglé par la fatigue du moment. Quand on est en colère, quand on se sent seul, ce n’est pas le moment de prendre des décisions. C’est le moment de marcher, de demander de l’aide, de se faire accompagner.

Vivre certaines étapes avec l’aide de quelqu’un, c’est comme être une pâte mise au four : le feu la cuit, la mûrit. C’est pourquoi, à la question de savoir si je changerais quelque chose, ma réponse est non. Car même les moments les plus difficiles, même ceux que je ne comprenais pas, m’ont aidé à devenir la personne que je suis aujourd’hui.

Est-ce que je me sens quelqu’un de parfait ? Non. Mais je sens que je suis en chemin, chaque jour, essayant de vivre devant la miséricorde et la bonté de Dieu.

Et aujourd’hui, au moment où je donne cette interview, je peux dire sincèrement que je me sens heureux. Je n’ai peut-être pas encore pleinement compris ce que signifie être Recteur Majeur – cela prend du temps –, mais je sais que c’est une mission, pas une promenade. Cela comporte des difficultés. Cependant, je me sens aimé, estimé par mes collaborateurs et par toute la Congrégation.

Et tout ce que je suis aujourd’hui, je le dois à ce que j’ai vécu, même dans les passages les plus difficiles. Je ne les changerais pour rien au monde. Ils ont fait de moi ce que je suis.

As-tu un projet qui te tient particulièrement à cœur ?

Oui. Si je ferme les yeux et que j’imagine quelque chose que je désire vraiment, je voudrais voir une Congrégation plus sainte. Plus sainte. Plus sainte.

La première lettre de Don Pascual Chávez, intitulée « Soyez saints », m’a profondément inspiré en 2002. Cette lettre m’a touché au plus profond de moi-même, elle m’a marqué.
Les projets sont nombreux, tous valables, bien structurés, avec des visions vastes et profondes. Mais quelle valeur ont-ils s’ils sont menés par des personnes qui ne sont pas saintes ? Nous pouvons faire un excellent travail, nous pouvons même être appréciés – et cela n’est pas négatif en soi –, mais nous ne travaillons pas pour avoir du succès. Notre point de départ est une identité : nous sommes des personnes consacrées.

Ce que nous proposons n’a de sens que si cela vient de là. Il est clair que nous souhaitons que nos projets soient couronnés de succès, mais nous souhaitons encore plus qu’ils apportent la grâce, qu’ils touchent les gens au plus profond d’eux-mêmes. Il ne suffit pas d’être efficaces. Nous devons être efficaces au sens le plus profond du terme : efficaces dans notre témoignage, dans notre identité, dans notre foi.
L’efficacité peut exister même sans aucune référence religieuse. Nous pouvons être d’excellents professionnels, mais cela ne suffit pas. Notre consécration n’est pas un détail : c’est le fondement. Si elle devient marginale, si nous la mettons de côté pour faire place à l’efficacité, alors nous perdons notre identité.

Les gens nous observent. Dans les écoles salésiennes, on reconnaît que les résultats sont bons – et c’est une bonne chose. Mais nous reconnaissent-ils aussi comme des hommes de Dieu ? Telle est la question.
Si on nous voit seulement comme de bons professionnels, alors nous sommes efficaces et rien de plus. Mais notre vie doit se nourrir de Lui – Voie, Vérité et Vie – et non de ce que « je pense », ou de ce que « je veux », ou de « ce qui me semble ».

C’est pourquoi, plutôt que de parler d’un projet personnel, je préfère parler d’un désir profond : devenir saints. Et en parler de manière concrète, non idéalisée. Quand Don Bosco parlait à ses garçons du trinôme savoir-santé-sainteté, il ne visait pas une sainteté faite uniquement de prière à la chapelle. Il pensait à une sainteté vécue dans la relation avec Dieu et nourrie par la relation avec Dieu. La sainteté chrétienne est le reflet de cette relation vivante et quotidienne.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui s’interroge sur sa vocation ?

Je lui dirais de découvrir, pas à pas, quel est le projet de Dieu pour lui.
Le cheminement vocationnel n’est pas une question que l’on pose en attendant une réponse toute faite de la part de l’Église. C’est un pèlerinage. Quand un jeune me dit : « Je ne sais pas si je veux devenir salésien ou non », j’essaie de l’éloigner de cette formulation. Car il ne s’agit pas simplement de décider : « Je vais devenir salésien ». La vocation n’est pas une option par rapport à une « chose ».

Dans ma propre expérience, lorsque j’ai dit à mon directeur spirituel : « Je veux devenir salésien, je dois le devenir », il m’a fait réfléchir très calmement : « Est-ce vraiment la volonté de Dieu ? Ou est-ce seulement ton désir à toi ? »

Il est normal qu’un jeune cherche ce qu’il désire, c’est une bonne chose. Mais celui qui l’accompagne a pour tâche d’éduquer cette recherche, de transformer un enthousiasme initial en un cheminement de maturation intérieure.
« Tu veux faire du bien ? C’est bien. Alors, apprends à te connaître toi-même, reconnais que tu es aimé de Dieu. »
Ce n’est qu’à partir de cette relation profonde avec Dieu que peut émerger la vraie question : « Quel est le projet de Dieu pour moi ? »
Car ce que je désire aujourd’hui pourrait ne plus me suffire demain. Si la vocation se réduit à ce qui me « plaît », alors elle sera fragile. La vocation est plutôt une voix intérieure qui interpelle, qui demande d’entrer en dialogue avec Dieu et de répondre.

Quand un jeune arrive à ce stade, quand il est accompagné dans la découverte de cet espace intérieur où habite Dieu, alors il commence vraiment à cheminer.

C’est pourquoi celui qui l’accompagne doit être très attentif, profond, patient. Jamais superficiel.

L’Évangile d’Emmaüs en est une image parfaite. Jésus s’approche des deux disciples, il les écoute même s’il sait qu’ils parlent dans la confusion. Puis, après les avoir écoutés, il commence à parler. Et eux, à la fin, l’invitent : « Reste avec nous, car le soir tombe. »
Et ils le reconnaissent dans le geste de rompre le pain. Puis ils se disent : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous tandis qu’il nous parlait en chemin ? »

Aujourd’hui, beaucoup de jeunes sont en quête. Notre tâche, en tant qu’éducateurs, est de ne pas être pressés. Mais de les aider, avec calme et progressivement, à découvrir la grandeur qui est déjà dans leur cœur. Car c’est là, dans cette profondeur, qu’ils rencontrent le Christ. Comme le dit saint Augustin : « Tu étais en moi, et moi en dehors de moi. C’est là que je te cherchais. »

As-tu un message à transmettre aujourd’hui à la Famille salésienne ?

C’est le même message que j’ai partagé ces derniers jours, lors de la réunion du Conseil de la Famille salésienne : La foi. Enracinons-nous toujours plus dans la personne du Christ.

C’est de cet enracinement que naît une connaissance authentique de Don Bosco. Les premiers salésiens, lorsqu’ils ont voulu écrire un livre sur le vrai Don Bosco, ne l’ont pas intitulé « Don Bosco apôtre des jeunes », mais « Don Bosco avec Dieu » – un texte écrit par Don Eugenio Ceria en 1929.
Et cela nous fait réfléchir. Pourquoi eux, qui l’avaient vu à l’œuvre tous les jours, n’ont-ils pas choisi de mettre en avant le Don Bosco infatigable, organisateur, éducateur ? Non, ils ont voulu raconter le Don Bosco profondément uni à Dieu.
Ceux qui l’ont bien connu ne se sont pas arrêtés aux apparences, mais sont allés à la racine : Don Bosco était un homme immergé en Dieu.

À la Famille salésienne, je dis : nous avons reçu un trésor. Un immense don. Mais tout don implique une responsabilité.
Dans mon discours final, j’ai dit : « Il ne suffit pas d’aimer Don Bosco, il faut le connaître. »
Et nous ne pouvons vraiment le connaître que si nous sommes des personnes de foi.

Nous devons le regarder avec les yeux de la foi. C’est seulement ainsi que nous pouvons rencontrer le croyant qu’était Don Bosco, en qui le Saint-Esprit a agi avec force : avec dynamis, avec charis, avec charisme, avec grâce.
Nous ne pouvons pas nous limiter à répéter certaines de ses maximes ou à raconter ses miracles. Car nous courons le risque de nous arrêter aux anecdotes de Don Bosco, au lieu de nous arrêter à l’histoire de Don Bosco, car Don Bosco est plus grand que Don Bosco.
Cela signifie étudier, réfléchir, approfondir. Cela signifie éviter toute superficialité.

Et alors nous pourrons dire en vérité : « Telle est ma foi, tel est mon charisme : enracinés dans le Christ, sur les pas de Don Bosco. »




Entretien avec le nouveau provincial don Peter Končan

Petite biographie
Il a terminé son noviciat dans la communauté de Pinerolo, en Italie, a prononcé ses premiers vœux le 8 septembre 1993 à Ljubljana Rakovnik, puis ses vœux perpétuels six ans plus tard. Il a reçu sa formation théologique à l’Université pontificale salésienne de Rome de 1997 à 2000 et a été ordonné prêtre à Ljubljana le 29 juin 2001.
En tant que prêtre, la majeure partie de son travail éducatif et pastoral s’est déroulée au sein de l’œuvre salésienne de Želimlje. De 2000 à 2003, il a exercé la fonction d’éducateur puis, jusqu’en 2020, celle de directeur de l’internat. Durant ces années, il a également été professeur de religion dans le lycée et responsable de la formation salésienne des laïcs.
De 2010 à 2016, il a assuré la direction de la communauté de Želimlje et, de 2021 à 2024, celle de la communauté salésienne de Ljubljana Rakovnik. De 2018 à 2024, il a été Vicaire du Provincial et Délégué à la Formation. En 2021, il a également assumé la coordination de ce secteur au niveau européen en tant que coordinateur du RECN.
Le 6 décembre 2023, il a été nommé 15e Inspecteur de la Province des Saints Cyrille et Méthode de Ljubljana.

Peux-tu te présenter ?
Je suis né le 30 mai 1974 à Ljubljana, en Slovénie, dans une famille paysanne d’un petit village appelé Šentjošt. Je suis le plus jeune de 4 enfants, qui ont tous une famille aujourd’hui, j’ai donc 11 neveux et nièces avec qui nous restons très proches. Mon village natal et ma famille ont été fortement marqués par la terreur communiste pendant et après la Seconde Guerre mondiale : certains de mes proches ont été tués, des maisons détruites… Dans cette situation très difficile, mes parents ont dû recommencer à construire la ferme à partir de zéro, faire preuve de beaucoup de labeur et d’ingéniosité pour subvenir aux besoins de leurs enfants. Mes parents nous ont impliqués, nous les enfants, dans le travail quotidien et c’est ainsi que j’ai appris, moi aussi, que pour obtenir quelque chose d’important, il faut travailler dur.

Qui t’a parlé de l’histoire de Jésus pour la première fois ?
Mes parents ont toujours exprimé ouvertement leur identité chrétienne, même si à cette époque, être chrétien n’était pas approprié et cela leur a causé pas mal de problèmes. Chaque soir, après le travail accompli, nous nous retrouvions en famille pour prier le chapelet, les litanies et d’autres prières. J’aimais être enfant de chœur et c’est pourquoi j’allais souvent à pied à l’église qui se trouvait à 2 kilomètres de chez moi pour participer à la messe. L’exemple de mes parents, la vie chrétienne dans la famille et dans la paroisse sont donc les raisons fondamentales pour lesquelles j’ai ressenti l’appel de Dieu dès mon plus jeune âge.

Comment as-tu connu Don Bosco ?
Mes parents allaient souvent en pèlerinage à Ljubljana Rakovnik où se trouvaient les salésiens et c’est ainsi que j’ai connu Don Bosco, qui m’a tout de suite fasciné. J’ai commencé à participer aux retraites organisées par les salésiens et après l’école primaire, à 14 ans, il m’a semblé très naturel d’aller au petit séminaire dirigé par les salésiens à Želimlje. Mes parents ont été très contents de ma décision et m’ont toujours soutenu dans mon cheminement. Je leur suis vraiment très reconnaissant pour tout leur amour, pour la famille sereine dans laquelle j’ai grandi et pour les nombreuses valeurs importantes qu’ils m’ont transmises. Don Bosco les a également fascinés et c’est ainsi que, au cours de ma formation, ils ont également fait leurs promesses en tant que salésiens coopérateurs.

Expérience de la formation initiale
Je faisais mes études secondaires à l’époque où le communisme s’est effondré et où la Slovénie est devenue indépendante, et c’est alors que nous, les salésiens, avons pu reprendre notre travail typique. C’est pourquoi j’ai été saisi par l’enthousiasme des nombreuses possibilités de travail pour les jeunes qui s’ouvraient devant moi, et pendant les années passées dans les maisons de formation internationales en Italie, mon horizon s’est également élargi car j’ai eu la possibilité de connaître de nombreux salésiens du monde entier et de vivre de nombreuses expériences nouvelles. Pendant cette période, j’ai beaucoup travaillé à ma croissance humaine et spirituelle et j’ai également appris à aimer énormément Don Bosco et sa façon d’être et de travailler avec les jeunes. Je suis devenu de plus en plus convaincu que c’est un chemin pensé par Dieu pour moi et que le charisme salésien est un très grand don pour les jeunes de notre temps.

Quelle est ta plus belle expérience ?
Les 20 années passées dans l’internat de Želimlje, puis à Rakovnik, à vivre avec près de 300 jeunes chaque jour, ont été vraiment très belles et ont beaucoup marqué ma vie. J’ai eu le privilège de suivre leur croissance humaine, intellectuelle et spirituelle et de toucher de près leurs joies, leurs espoirs et leurs blessures. Les jeunes m’ont appris combien il est important de « perdre » du temps en étant avec eux. Pendant cette période, j’ai également appris et expérimenté combien les collaborateurs laïcs sont précieux, car sans eux nous ne pouvons pas mener à bien notre mission.

Comment sont les jeunes de la région et quels sont les défis les plus importants ?
Dans les œuvres salésiennes et autour de nos programmes, il y a encore beaucoup de jeunes généreux, avec un cœur ouvert et disponibles pour faire du bien à leurs camarades. Je suis très fier de leur enthousiasme et également content que beaucoup trouvent en Don Bosco le modèle et la force pour leur croissance humaine et spirituelle.
D’un autre côté, il est également vrai qu’ils sont très marqués par le monde virtuel et par tous les autres défis de notre époque. Heureusement, les valeurs traditionnelles n’ont pas complètement disparu, mais il est également vrai qu’elles ne sont plus assez fortes pour guider les jeunes. C’est pourquoi nous, les salésiens, nous essayons d’aider les jeunes avec des propositions concrètes de soutien et en cheminant avec eux. Lors du dernier chapitre provincial, nous avons identifié certaines pauvretés (défis) de notre contexte : la fragilité de la famille, la tiédeur spirituelle, le relativisme et la recherche d’identité, la passivité, l’apathie et le manque de préparation concrète des jeunes à la vie.

Où trouves-tu la force de continuer ?
Tout d’abord chez mes confrères. Heureusement, j’ai autour de moi des confrères dévoués et généreux qui me sont d’un grand soutien. Le provincial seul ne peut pas faire grand-chose. Je suis convaincu que la seule façon juste de faire avancer les choses est que tous (salésiens, jeunes et laïcs) mettent leurs dons et leurs forces au service du bien commun. Et deuxièmement, nous tous et notre mission ne sommes qu’une petite partie d’un grand dessein de Dieu. C’est Lui qui est le véritable protagoniste et cette conscience me procure une grande sérénité intérieure.

Quelle place Marie Auxiliatrice occupe-t-elle dans ta vie ?
Déjà dans ma famille, j’ai appris que Marie est un grand soutien pour la vie quotidienne. C’est avec plaisir et avec beaucoup de confiance que je me rends en pèlerinage dans les différents sanctuaires marials, où Marie me remplit de paix et de force intérieure pour tous les défis de ma vie. Je peux témoigner de nombreuses grâces que Marie m’a accordées, à moi ou à mes proches.

Don Peter KONČAN,
Provincial de Slovénie




Interview du nouveau provincial, le Père Domingos LEONG

Le Père Domingos Leong est le Supérieur de la province « Marie Auxiliatrice » (CIN) pour les six ans 2024-2030. Il succède au Père Joseph Ng Chi Yuen, qui a servi la province de Chine en tant que provincial depuis 2018. Nous l’avons interviewé.

Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Domingos Leong, né dans une famille catholique vivant à Macao, alors colonie portugaise en Chine. J’ai deux sœurs et je suis le seul garçon de la famille. Mes deux parents étaient enseignants dans des écoles gérées par les Salésiens et les FMA. Toute ma formation s’est déroulée dans des écoles salésiennes, tant à Macao qu’à Hong-Kong. Je suis entré chez les Salésiens après mon diplôme de lycée et j’ai reçu ma formation à Hong-Kong. J’ai été envoyé étudier la philosophie aux États-Unis (Newton, New Jersey) où ma vision globale de la Congrégation s’est élargie. Après mon ordination, je suis allé à Rome pour poursuivre mes études de Liturgie à Saint-Anselme, Rome.

Quel était ton rêve quand tu étais enfant ?
Étant donné que mes parents étaient enseignants et que certains de mes proches travaillaient dans le domaine de l’éducation, je rêvais de devenir enseignant à mon tour.

Te souviens-tu d’un éducateur en particulier ?
Pendant mes années au collège, j’allais à l’Oratoire le dimanche. Je me souviens qu’à l’âge de 12 ans, à ma grande surprise, on m’a demandé de m’occuper d’un groupe de jeunes, d’organiser des jeux pour eux et de leur enseigner le catéchisme. Je crois que c’était la graine de la vocation salésienne plantée dans mon cœur.

Quelle est ta meilleure expérience ?
Après mon ordination, nous avons eu l’opportunité d’organiser un « groupe de volontaires » qui servait en Chine continentale pendant les vacances d’été. Des jeunes de nos écoles, tant à Hong-Kong qu’à Macao, sont allés servir dans des zones rurales. Avec les jeunes locaux, nous avons partagé de belles expériences, non seulement en servant, mais aussi en témoignant de notre foi dans un environnement totalement différent. Je crois que c’est le meilleur moyen de promouvoir la vocation religieuse.

Quels sont les besoins locaux les plus urgents et ceux des jeunes ?
Les jeunes locaux, bien qu’ils ne manquent pas de moyens matériels, se sentent seuls et ont besoin d’accompagnement, tant de la part de leurs pairs que des adultes. Les jeunes sont victimes de familles dysfonctionnelles et ne sont pas écoutés.

Que dirais-tu aux jeunes en ce moment ?
Soyez courageux ! Nous, les Salésiens, sommes toujours disponibles et prêts à vous aider chaque fois que vous en avez besoin, surtout en cette année de l’Espérance. Avec les membres de la Famille Salésienne, nous sommes votre GRAND soutien et n’hésitez pas à demander.

Père Domingos LEONG




Interview du nouveau supérieur à Malte, don Eric CACHIA

Malte, terre bénie par l’apôtre Paul, est une île située au cœur de la mer Méditerranée, entre l’Europe et l’Afrique du Nord. Au fil des siècles, elle a accueilli l’influence de nombreuses cultures, enrichissant son charme. Ce petit État, parmi les plus densément peuplés au monde, abrite les Salésiens de Don Bosco depuis 1903, engagés avec passion dans l’éducation des jeunes. Nous avons interviewé don Eric, récemment nommé à la tête de la communauté salésienne maltaise.

Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Don Eric Cachia, je suis né le 4 août 1976 à Malte. Je suis l’aîné de trois enfants, j’ai deux sœurs plus jeunes que moi et deux adorables nièces. J’ai fréquenté l’école maternelle dans l’école publique de mon village, ħaż-Żebbuġ, pendant six ans. Au cours de la dernière année, il était nécessaire de passer un examen pour accéder à l’école souhaitée. Je rêvais d’entrer au petit séminaire, mais pour rendre ma mère heureuse, j’ai également passé l’examen pour le lycée public et un autre pour le Savio College, l’école salésienne, dont je ne savais presque rien à l’époque et que je ne souhaitais pas fréquenter au départ. J’ai passé cet examen à contrecœur, mais les desseins de Dieu ont voulu que je sois admis chez les Salésiens.

Après sept ans d’études, j’ai obtenu mon diplôme de maturité et j’ai entrepris le Noviciat à Lanuvio, près de Rome, en émettant mes premiers vœux religieux dans les mains du nouveau Recteur Majeur, don Juan E. Vecchi, au Sacré-Cœur de Rome. J’étais le plus jeune du groupe : j’avais seulement 19 ans. De retour à Malte, j’ai obtenu un Baccalauréat en Philosophie et Sociologie et j’ai ensuite effectué deux ans de stage en tant que responsable de l’Oratoire à Tas-Sliema.

Pour mes études de théologie, je me suis rendu à Rome, où j’ai fréquenté l’Université Pontificale Salésienne (UPS) et vécu au sein de la communauté Gerini. J’ai été ordonné diacre en 2004 et j’ai poursuivi ma formation à Dublin, en Irlande, obtenant un Master en Développement Holistique dans le Ministère Pastoral de la Famille. De retour à Malte, le 21 juillet 2005, avec neuf autres religieux et diocésains, j’ai été ordonné prêtre.

Ma première obédience a été celle de responsable de l’Oratoire à Tas-Sliema et économe de la communauté. Après quelques mois, j’ai été nommé délégué pour la Pastorale des Jeunes au Conseil de la Délégation de Malte. J’ai occupé ce poste pendant un an avant d’être nommé économe de la Délégation, rôle que j’ai exercé pendant 10 ans et, par la suite, pendant 6 autres années lorsque, en 2018, Malte est devenue une Visitatoria.

Entre-temps, j’ai également occupé d’autres postes : directeur du Savio College, accompagnateur dans la formation au post-noviciat de Malte pendant six ans et, pendant quatre ans, assistant coordinateur de l’Association des Écoles Catholiques à Malte. Pour répondre aux besoins pastoraux, j’ai obtenu un Master en Psychothérapie Systémique et Familiale et j’ai été élu secrétaire du Comité de l’Association Nationale de Psychothérapie à Malte. En 2017, je suis devenu directeur du St. Patrick’s, une réalité qui comprend une école, un internat et une église publique, en plus du rôle de directeur de l’école. Enfin, en décembre 2023, j’ai été nommé Provincial, fonction que j’ai assumée à partir de juillet 2024.

Quel était ton rêve d’enfant ?
À 7 ans, je suis devenu enfant de chœur et je n’arrive toujours pas à expliquer l’expérience vécue lors de ma première messe comme servant d’autel. J’ai ressenti une présence d’amour dans mon cœur qui m’invitait à devenir prêtre. Déjà à la maison, je jouais à « faire le prêtre » et, à l’école, malgré les tensions entre l’Église et l’État de l’époque, je débattais souvent sur des thèmes religieux.

Le désir de devenir prêtre incluait celui de donner une voix à ceux qui n’en avaient pas. J’aimais écrire des histoires, parler en public et organiser des événements. À l’âge de 14 ans, par exemple, j’organisais déjà des promenades pour les servants de messe.

Quelle est l’histoire de ta vocation ?
Ma vocation est née de la rencontre avec divers prêtres que je considérais comme des modèles de vie. Cependant, c’est à l’école salésienne que j’ai trouvé une nouvelle énergie. J’y ai découvert des talents cachés et vécu des expériences qui m’ont fait sentir partie prenante d’une grande famille. Dans ce contexte joyeux et stimulant, le Seigneur a parlé à mon cœur.

Lors de ma dernière année scolaire, j’ai compris que ma voie serait celle des Salésiens. Après un an de discernement et de discussions avec ma famille et un prêtre, j’ai trouvé la paix dans ma décision : « Je me donne pour les jeunes de demain. Je serai salésien pour poursuivre ce que j’ai reçu. »

Une anecdote curieuse m’a été racontée par ma grand-mère paternelle lorsque j’étais sur le point d’être ordonné diacre. Mon père était l’un des 18 enfants d’une famille nombreuse et modeste. Un salésien anglais, don Patrick McLoughlin, connu pour sa réputation de sainteté, avait l’habitude, après la messe, de passer chez les sœurs pour apporter une part de gâteau à ma grand-mère. Le soir, il revenait avec des repas restants pour aider à nourrir la famille en difficulté. Un jour, ma grand-mère lui demanda : « Comment puis-je remercier pour tant de gentillesse et de providence ? » Il répondit : « Prie seulement : qui sait, peut-être qu’un de tes fils deviendra salésien. » Parmi 51 cousins, j’ai été le premier – et l’un des deux – à choisir la vie religieuse… et salésienne.

Comment ta famille a-t-elle réagi ?
Ma famille a toujours été d’un grand soutien. Mes parents n’ont jamais imposé leurs idées, mais ont toujours cherché à soutenir mes décisions. Mon père était maçon et ma mère femme au foyer. La simplicité et l’unité familiale étaient parmi les valeurs les plus fortes qui nous caractérisaient. Ils faisaient des sacrifices que je n’ai compris, adulte, que comme une expression d’un amour vécu de manière concrète. Ce n’était pas facile de quitter le pays et de commencer mon chemin à seulement 18 ans, mais aujourd’hui mes parents sont fiers et, d’une certaine manière, ils font aussi partie de la Famille Salésienne. Depuis plus de 30 ans, ils préparent des repas pour les jeunes pendant les camps d’été. Qui sait combien de fois mon père, bien qu’il soit resté analphabète, a parlé avec la sagesse du cœur à un jeune ou à un parent. Et combien de fois ils ont envoyé des dépliants au niveau de la visite pour soutenir nos œuvres salésiennes !

La plus belle joie et la plus grande peine
Il y a tant de joies que l’on garde dans son cœur, mais l’une des plus grandes est lorsque je rencontre un ancien élève et qu’il me dit : « En toi, j’ai retrouvé le père que je n’ai jamais eu. » Vivre pleinement sa vocation signifie aussi offrir ce qui aurait pu être tout aussi beau, comme fonder une famille. Cela implique, parfois, de devoir souffrir en silence pour ce choix offert. La plus grande peine, en revanche, est de voir des enfants souffrir à cause de guerres, de violences et d’abus… de les voir privés de la capacité de rêver d’un monde plein d’espoir et de possibilités. Il est tout aussi difficile de rester crédible et optimiste dans un contexte de sécularisme féroce qui consomme souvent les énergies et tente d’éteindre l’enthousiasme.

Les besoins locaux et des jeunes
Malte vit une réalité très particulière. Culturellement, elle reste profondément catholique, mais dans la pratique quotidienne, ce n’est pas tout à fait le cas. Ces dernières années, des choix politiques principalement orientés vers le renforcement de l’économie ont généré une profonde crise au sein des familles. De nombreux jeunes grandissent marqués par l’absence de figures de référence et de modèles qui les accompagnent avec amour. Il manque des points d’orientation stables, et en même temps, de nombreux jeunes cherchent un nouveau sens à leur vie. La foi, de plus en plus reléguée à la sphère privée, peut cependant susciter de l’intérêt lorsqu’elle parvient à parler un langage qui défie et invite à viser haut. Dans ces cas, les jeunes sont heureux de se rassembler pour vivre des expériences qui demandent à être accompagnées. Environ 20 % de la population n’est plus maltaise. L’économie, qui a attiré des personnes du monde entier, transforme le visage de l’île. De nombreux jeunes non maltais se sentent seuls, tandis que d’autres commencent ou reprennent un chemin de foi. Il s’agit de nouvelles frontières et de formes émergentes de pauvreté, marquées par des défis psycho-affectifs et des problèmes de santé mentale. Ces situations mettent en évidence l’urgence de faire face à l’isolement, à la précarité et aux carences relationnelles qui caractérisent cette réalité complexe.

Les grands défis de l’évangélisation
Tout peut se résumer en un mot : crédibilité. Les jeunes, aujourd’hui plus que jamais, n’ont pas besoin de simples transmetteurs de contenus, mais de personnes avec des cœurs authentiques et des oreilles capables d’écouter le battement de cœurs en quête de sens pour leur vie. Ils ont besoin d’éducateurs qui sachent créer des processus, d’accompagnateurs qui n’ont pas peur de montrer leur fragilité et leurs limites, mais qui soient de véritables guides. Des guides qui proposent ce qu’ils ont eux-mêmes vécu : la rencontre avec Jésus comme but et appel pour chaque personne. Un guide qui conduit à redécouvrir sa place dans une Église en marche vers les périphéries, prête à embrasser et à soigner les blessures, avant même d’indiquer ce qu’il faut faire. Le véritable défi, du moins pour l’Europe, est de trouver des jeunes qui aient le courage de parier leur vie sur Jésus. Comme cela a été souligné lors du Synode, certaines structures, contextes et langages de l’Église ne sont plus incisifs. À cela s’ajoute une Église qui, dans certains cas, semble fatiguée et distraite, trop concentrée sur l’auto-préservation. Cette situation reflète également celle des familles, qui doivent être remises au centre des priorités dans chaque nation : elles sont l’avenir de l’État et de l’Église. C’est pourquoi les milieux salésiens, avec leur humanisme qui valorise le beau présent en chaque personne, doivent se proposer non seulement comme des réponses immédiates mais aussi comme des modèles pour d’autres groupes et réalités. Peut-être que nous comprenons seulement aujourd’hui que la joie et l’espoir de don Bosco vont bien au-delà de simples émotions : ce sont les fondations sur lesquelles construire le relancement d’une humanité renouvelée et rachetée par le Christ.

Comment vois-tu l’avenir ?
Je regarde l’avenir avec espoir. Le présent que nous vivons, selon moi, est marqué par de nombreuses crises sur divers fronts : je dirais qu’il ne pourrait pas aller pire que cela. C’est donc une période de renouveau ; nous nous confions à Christ en ce temps de purification et de transformation. Oui, il y a des défis qui façonneront certainement l’avenir.

Quelle place occupe Marie Auxiliatrice dans ta vie ?
Enfant, nous priions quotidiennement le Rosaire en famille. Cependant, pour moi, c’était peut-être seulement une pratique de piété populaire. Avec le temps, surtout pendant mes années en tant que Salésien, j’ai pu réaliser à quel point cette mère céleste m’est proche. Je me souviens de nombreux moments où, pris par les difficultés pratiques et les préoccupations liées à la pastorale, j’étais sur le point d’abandonner. Mais Elle intervenait toujours au bon moment. Chaque jour, je me rends compte de la façon dont « c’est vraiment Elle qui a tout fait ». J’éprouve un profond attachement à la bénédiction de Marie Auxiliatrice. Chaque matin, je confie à Elle tous les jeunes et les laïcs collaborateurs, mais en particulier ceux qui se trouvent aux périphéries de la société. Il y a un an, à l’occasion de la fête de la Vierge de Guadalupe, j’ai partagé sur les réseaux sociaux une phrase que Marie a dite à Juan Diego : « N’aie peur de rien. Ne suis-je pas, moi, ta Mère ? N’es-tu pas sous mon ombre et ma protection ? Ne suis-je pas la source de ta joie ? N’es-tu pas dans le creux de mon manteau, dans le croisement de mes bras ? As-tu besoin de quelque chose d’autre ? Ne laisse rien d’autre te préoccuper ou te troubler. » Deux heures plus tard, je reçois l’appel du Recteur Majeur et la demande d’accepter ou non la nomination à Inspecteur.

Que dirais-tu aux jeunes ?
De ne pas abandonner ! Je reprendrais les paroles du Pape François adressées aux jeunes en avril 2024 : « Se lever pour se tenir debout face à la vie, pas assis sur le canapé. Il y a différents canapés qui nous attirent et ne nous permettent pas de nous lever. » Si seulement les jeunes comprenaient qu’ils sont l’espoir d’aujourd’hui et de demain, qu’ils sont comme des semences délicates et fragiles, mais en même temps riches d’infinies possibilités ! Je les exhorterais à défier le Christ, mais aussi à permettre au Christ de les défier : c’est seulement ainsi qu’on comprend qu’avec Lui, on construit une relation intime avec un Dieu vivant, non avec une image façonnée par des peurs ou des angoisses. Je défierais ces jeunes qui ont déjà fait l’expérience de Don Bosco : il est extraordinaire de se plonger dans le Cœur du Christ, en donnant sa vie pour les jeunes à venir. « Qui enverrai-je ? », demanda le Christ à ses disciples. Que beaucoup d’autres aient la même détermination : « Envoie-moi ! »

Père Eric CACHIA, sdb
supérieur de Malte




Interview du nouveau supérieur don Vincentius Prastowo

Don Vincentius Prastowo est le nouvel inspecteur (provincial) salésien pour l’Indonésie, un pays qui, avec ses 279 millions d’habitants et plus de 700 langues, se classe au quatrième rang mondial en termes de population. L’Indonésie est le plus grand État-archipel de la planète, composé de 17 508 îles, et abrite la plus grande communauté musulmane au monde. La présence salésienne dans ce pays remonte à 1985, bien que la première expérience dans l’actuel Timor oriental ait commencé dès 1927. Nous l’avons interviewé.

Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Vincentius Prastowo. Je suis né le 28 novembre 1980 à Magelang, à Java central. Je suis de la deuxième génération de ma famille à embrasser la foi catholique. Mes parents ont été les premiers dans notre famille élargie à recevoir le sacrement du baptême, une décision qui a profondément changé le cours de nos vies. Grâce à eux, j’ai connu Jésus-Christ et les valeurs catholiques qui m’ont été transmises depuis mon enfance. J’ai fréquenté une école primaire catholique dirigée par les Sœurs de l’Immaculée Conception (SPM), où ma foi a grandi à travers l’éducation religieuse, les activités liturgiques et les interactions étroites avec les sœurs religieuses.

Quelle est l’histoire de ta vocation ?
Mon intérêt pour la vie religieuse a commencé pendant mon adolescence, inspiré par les prêtres jésuites qui servaient dans ma paroisse. Leur dévouement sincère dans le service, leur profondeur intellectuelle et leur spiritualité profonde ont laissé une impression durable sur moi. Cette inspiration m’a conduit à poursuivre ma formation au Séminaire Mineur Stella Maris à Bogor, dirigé par les Franciscains, de 1994 à 1998.
Au séminaire, non seulement j’ai appris la théologie et la philosophie de base, mais j’ai également approfondi ma compréhension de la vie de prière, de la discipline et de la vie communautaire. Ces années ont été fondamentales pour façonner mon chemin et clarifier mon désir de poursuivre une vie au service de Dieu et des autres.

Comment as-tu rencontré les salésiens ?
Chaque année, le Séminaire Stella Maris accueillait des visites de diverses congrégations religieuses, introduisant les séminaristes à différentes spiritualités et missions. Lors d’une de ces visites, j’ai rencontré le Père Jose Llopiz Carbonell et le Père Andress Calejja, deux prêtres salésiens qui venaient fréquemment au séminaire. Ils apportaient des calendriers annuels avec l’image de Marie, Secours des Chrétiens, qui a immédiatement attiré mon attention.
À travers des conversations avec eux, je suis devenu curieux de la mission salésienne et j’ai décidé d’explorer davantage leur communauté. Ma curiosité m’a conduit à visiter régulièrement la communauté salésienne à Jakarta à la fin de chaque année. J’ai été profondément impressionné par leur approche de l’éducation et leur engagement à accompagner les jeunes. Ils ne prêchaient pas seulement la foi ; ils la pratiquaient en guidant des jeunes issus de milieux modestes.
La chaleur et l’amour que j’ai expérimentés dans la communauté salésienne ont finalement consolidé ma décision de choisir ce chemin.

Quelles ont été les difficultés que tu as rencontrées ?
Choisir la voie salésienne n’a pas été sans défis. Ma formation initiale s’est déroulée au Timor oriental, une région impliquée dans un conflit politique à l’époque en raison de sa lutte pour l’indépendance par rapport à l’Indonésie. La situation a créé des tensions significatives, tant pour moi que pour ma famille. Mes parents étaient profondément préoccupés pour ma sécurité et ont même suggéré de choisir une congrégation « plus sûre ».
Cependant, ma détermination restait ferme. Je croyais que cette vocation était la vie que Dieu avait planifiée pour moi. Au milieu du conflit en cours, j’ai affronté de nombreuses épreuves, y compris la menace de violence, l’adaptation culturelle et la nostalgie pour ma famille. Pourtant, dans chaque difficulté, j’ai trouvé la force dans la prière et la protection de Dieu.
Cette expérience m’a appris à surmonter la peur et a renforcé ma conviction. Une de mes plus grandes joies a été la liberté et le courage de déterminer ma vocation, malgré les obstacles sur le chemin.

En tant que salésien, j’ai réalisé les immenses défis auxquels sont confrontées les communautés dans les régions insulaires de l’Indonésie. Notre nation, composée de milliers d’îles, fait face à des disparités dans l’accès à l’éducation et aux opportunités économiques. Dans les zones reculées, les besoins les plus urgents des jeunes sont une éducation de qualité et l’accès à des emplois décents.
Je crois fermement que la collaboration entre le gouvernement central et les gouvernements locaux est essentielle pour atténuer la pauvreté dans ces régions. Donner la priorité au développement des infrastructures éducatives, offrir des bourses d’études pour les enfants défavorisés et créer des opportunités d’emploi équitables sont des étapes vitales.
En tant que membre de la communauté salésienne, je me sens appelé à contribuer à ces efforts, en particulier à travers des programmes d’éducation professionnelle visant à donner aux jeunes des compétences qui les préparent au marché du travail et favorisent l’autosuffisance.

Comment se déroule votre travail salésien dans le contexte du pays ?
L’Indonésie est connue comme le pays avec la plus grande population musulmane au monde. Cependant, je suis reconnaissant pour le fait que son peuple est généralement modéré et ouvert à la diversité. Dans ce contexte, les salésiens travaillent dans des zones majoritairement musulmanes avec un esprit de fraternité et de collaboration. Notre mission cherche à construire des ponts à travers l’éducation et le service, en respectant les croyances individuelles tout en défendant des valeurs universelles telles que l’amour, la justice et la paix.
Cette prise de conscience de la diversité est un trésor que nous devons continuer à célébrer. Dans la vie quotidienne, nous apprenons à nous respecter et à travailler ensemble avec diverses communautés. Je crois que la diversité culturelle, religieuse et traditionnelle de l’Indonésie est une bénédiction qui doit être préservée et appréciée.

Comment vois-tu l’avenir des jeunes et l’éducation salésienne ?
On prévoit que l’Indonésie connaîtra un boom démographique à partir de 2030. Cela signifie une augmentation significative de la population en âge de travailler, présentant à la fois des opportunités et des défis. Bien que cette croissance offre le potentiel d’une avancée économique, elle comporte également des risques de chômage généralisé si elle n’est pas bien gérée.
En tant que communauté axée sur l’éducation, les salésiens jouent un rôle crucial dans la préparation des jeunes à affronter l’avenir. Nous nous concentrons sur la formation professionnelle qui s’aligne sur les besoins de l’industrie, tout en développant un caractère fort et une discipline. L’un de nos principaux projets est d’élever la dignité des jeunes dans les îles éloignées en leur fournissant des compétences pour l’ère numérique et technologique.
Pour prospérer dans l’ère 5.0, les jeunes Indonésiens ont besoin d’adaptabilité, de créativité et de capacité de collaboration. Les programmes de formation que nous offrons visent à répondre à ces besoins, donnant aux jeunes le pouvoir non seulement de rivaliser sur le marché du travail, mais aussi de devenir des agents de changement dans leurs communautés.

Quelle place occupe Marie Auxiliatrice dans ta vie ?
Marie a toujours occupé une place spéciale dans mon parcours. Depuis mon enfance, je l’ai connue et aimée à travers la prière du Rosaire souvent récitée dans notre quartier. L’image de Marie, Secours des Chrétiens, m’a continuellement renforcé et guidé à travers les défis de la vie.
Dans la tradition salésienne, la dévotion à Marie est fortement soulignée. Nous croyons qu’elle est toujours présente, nous accompagnant et nous protégeant à chaque étape de notre chemin. Mes expériences personnelles confirment qu’à travers la prière et en nous confiant à Marie, des difficultés apparemment insurmontables peuvent être surmontées.

Que dirais-tu aux jeunes en ce moment ?
Aux jeunes, mon message est le suivant : ne perdez jamais espoir. Ne laissez pas les difficultés, les défis ou les obstacles écraser vos rêves. Croyez qu’il y a toujours un chemin à suivre, surtout lorsque nous nous appuyons sur Dieu et cherchons l’intercession de Marie.
La vie est un don plein d’opportunités. N’ayez pas peur de sortir de votre zone de confort, d’affronter des défis et de poursuivre votre véritable vocation. Dans chaque voyage, Dieu fournit la force, et Marie sera toujours présente comme une mère aimante et fidèle.
Que les jeunes Indonésiens puissent se lever, grandir et devenir des agents de changement, apportant de l’espoir à la nation et au monde. Marchons ensemble dans la foi, l’amour et le service.

Père Vincentius Prastowo
Provincial de l’Indonésie




Interview du nouveau provincial don Simon Zakerian

Il a émis sa Première Profession à Damas le 8 septembre 2002 et la Profession Perpétuelle à Alep le 2 août 2008. Il a été ordonné prêtre dans sa ville natale, Qamishli, le 11 septembre 2010.
Après sa formation initiale, il a servi la Province salésienne dans divers ministères, occupant différentes responsabilités. De 2010 à 2014 à Alep, en Syrie, il a servi comme collaborateur pastoral ; de 2015 à 2017 à Damas, il a été Directeur. De 2017 à 2018 à Alexandrie, en Égypte, il a de nouveau occupé le poste de Directeur et, de 2018 à juillet 2024 à Al-Fidar et à El Houssoun, au Liban, toujours avec la responsabilité de Directeur. Au niveau de la Province, il a servi comme conseiller délégué de la Pastorale des Jeunes pendant environ 12 ans, terminant ce service en juin 2024 et commençant ensuite le nouveau service le 6 juillet 2024 en tant que provincial.
La Province du Moyen-Orient comprend la Palestine – Israël, la Syrie, l’Égypte et le Liban.

Peux-tu te présenter ?
Je suis né en Syrie, dans une ville appelée al-Qamishli (au nord-est de la Syrie), le 2 juillet 1978 dans une famille arménienne, et comme tous les Arméniens de la diaspora, elle a survécu au génocide ottoman de 1915, lorsque mes grands-parents ont fui et sont arrivés à Qamishli.
Mon père s’appelle Aram et ma mère Araxi ; nous sommes une famille de deux frères et six sœurs.

Qui t’a raconté pour la première fois l’histoire de Jésus ?
Ma famille a toujours eu une profonde foi chrétienne, que mes parents m’ont transmise depuis mon enfance, même avec l’aide de ma grand-mère qui me parlait de Jésus. L’Église arménienne m’a également aidé car, étant petit, je faisais l’enfant de chœur et je servais la messe. Puis j’ai commencé à fréquenter l’oratoire de don Bosco dans ma ville, dès la cinquième année. Comme j’aimais beaucoup jouer au football, j’ai continué à fréquenter don Bosco pendant des années et peu à peu mon appartenance à l’oratoire a grandi de plus en plus, m’impliquant non seulement dans des activités sportives mais aussi dans des activités d’animation et de service.

Quelle est l’histoire de ta vocation ?
Ma vocation est née d’un désir que Dieu a mis dans mon cœur. Quand je servais la messe, je me disais : quand je serai grand, je monterai moi aussi à l’autel comme ce prêtre. Après avoir connu les Salésiens, ce désir a mûri de plus en plus et l’exemple des Salésiens, qui étaient avec nous dans la cour, à l’église et dans les différents moments de notre vie, m’a fait réfléchir sérieusement à ma vie et à son sens. C’est ainsi que j’ai commencé à réfléchir plus profondément et à me demander pourquoi j’existais et quel était le sens de ma vie. J’ai donc commencé à me demander comment je pouvais discerner ma vocation, à me demander ce que Dieu voulait de moi. Avec ces pensées, avec la prière et le service, j’ai cheminé à la recherche de la volonté du Seigneur pour moi. À Qamishli, il y avait un missionnaire italien qui était toujours avec nous dans la cour ; il organisait des tournois de football, nous encourageait, nous accompagnait à l’église pour vivre la sainte messe et l’adoration eucharistique, et nous faisait voir des films sur la vie des saints pour ensuite nous pousser à faire des œuvres de charité et de service dans l’oratoire et à l’extérieur. Son témoignage m’a fait penser que je pouvais aussi vivre et faire comme lui. Et c’est ainsi qu’avec son aide et celle d’autres salésiens, j’ai commencé mon discernement. J’ai aimé la vie de ce salésien car il était proche de Dieu, des gens et des jeunes comme don Bosco, avec une vie joyeuse et belle, simple et profonde. On comprenait que ce n’était pas un travail mais une vocation divine !

Comment a réagi ta famille ?
Ma famille est une famille simple et au début, elle ne voulait pas que je quitte la maison, mais ensuite elle a compris que c’était un appel du Seigneur et ainsi j’ai pu commencer le chemin. À partir de ce moment-là, ma famille a toujours encouragé ma vocation avec affection et prière.

Quels ont été les plus grands défis ?
Le plus grand défi a été de quitter le monde pour suivre le Christ dans la vie consacrée. Ce n’était pas facile, car ma vie était liée à de nombreux amis et au football. J’étais footballeur et je jouais dans une équipe de ma ville de série A, et donc quitter tout cela a été difficile.

Quelle est ton expérience la plus belle ?
Je dois cependant dire qu’une fois le chemin commencé, j’ai expérimenté ce que dit Jésus dans l’évangile, à savoir que celui qui le suit aura en retour de nombreux frères, sœurs, amis, confrères, jeunes et laïcs avec qui partager la vie et la mission. C’est vraiment un don magnifique.

Comment sont les jeunes du lieu ?
Les jeunes de notre province sont des héros, ils sont formidables. Comme je le dis toujours à tous, ce sont eux les véritables protagonistes de l’histoire de notre terre, car ils ont toujours vécu dans des situations très difficiles et de guerre, ils ont appris à vivre dans ces situations comme des chrétiens et comme des témoins, avec beaucoup de foi et d’espoir. Pour moi, ils étaient et sont encore un bel exemple.

Que pourrait-on faire de plus et mieux ?
L’avenir des jeunes de nos pays aujourd’hui est très ambigu et pas facile, mais ils peuvent faire beaucoup, et je prie Dieu qu’il nous accorde la paix, afin qu’ils puissent construire un avenir dans ces pays et regarder l’avenir avec espoir et sans peur, car Lui est avec nous et ne nous abandonne pas.

Quelle place occupe dans ta vie Marie Auxiliatrice ?
Dans nos maisons du Moyen-Orient, nous sommes habitués, nous salésiens avec les jeunes, à invoquer très souvent Marie Auxiliatrice, car nous savons que c’est elle qui a aidé don Bosco surtout dans les moments les plus difficiles. Et nous, justement dans ces moments de guerre, ne cessons de demander son intercession maternelle, elle qui est notre refuge, elle la Vierge des temps difficiles comme le disait don Bosco.

Que dirais-tu aux jeunes en ce moment ?
Je dis aux jeunes de ne pas avoir peur de la vie et des difficultés, mais de tout affronter avec amour et espoir, non pas tout seuls, mais avec Dieu et avec les frères et sœurs, car ensemble nous pouvons changer nous-mêmes et le monde, comme ont vécu et agi nos saints et notre père fondateur don Bosco. J’invite donc les jeunes à ouvrir leur cœur à l’appel de Dieu, à ne pas être indifférents lorsqu’ils entendent sa voix… ne durcissez pas votre cœur !
Et je termine en disant à moi-même et à tous les jeunes, les mêmes mots du pape François dans Christus Vivit : « Il vit et te veut vivant ! »

Don Simon ZAKERIAN
Provincial du Moyen-Orient




Interview avec le nouvel inspecteur Don Milan Ivančević

La Croatie salesienne représente une partie de la Congrégation Salesienne qui mérite une attention particulière. Dans un pays de près de 4 millions d’habitants, de nombreuses vocations émergent, non seulement parmi les salesiens, mais aussi parmi les Filles de Marie Auxiliaire. Récemment, la communauté a accueilli un nouvel inspecteur salesien : le père Milan Ivančević. Nous avons eu le plaisir de l’interviewer et souhaitons partager son témoignage.

Peux-tu te présenter ?
Milan Ivančević, salésien, né le 25 octobre 1962, à Šlimac (Rama – Prozor, BiH). Nous sommes trois frères et trois sœurs, et j’ai 29 neveux et nièces. J’ai terminé l’école primaire et secondaire dans ma ville natale. Après avoir étudié les mathématiques et la physique à Mostar et enseigné deux ans dans une école primaire, je suis entré dans la communauté salésienne à l’automne 1989. J’ai prononcé mes vœux perpétuels le 8 septembre 1997 et j’ai été ordonné prêtre le 27 juin 1998.
En tant que prêtre salésien, j’ai exercé les services suivants :
– 1998 – 1999 : Vicaire paroissial à la paroisse Marie-Auxiliatrice à Knežija ;
– 1999 – 2002 : Enseignant de religion à Žepče ;
– 2002 – 2003 : Conseiller de la Communauté pour l’Éducation des Vocations Salésiennes à Podsused ;
– 2003 – 2005 : Études spécialisées à Rome à l’UPS (licence en spiritualité) ;
– 2005 – 2006 : Conseiller de la Communauté pour l’Éducation des Vocations Salésiennes à Podsused ;
– 2006 – 2015 : Directeur dans la même communauté et membre du Conseil provincial ;
– 2015 – 2021 : Directeur de la communauté salésienne de Žepče et directeur du KŠC Don Bosco ;
– 2021 – 2024 : Curé et directeur de la communauté à Split ;
– 2024 – : Provincial.

Qui t’a raconté pour la première fois l’histoire de Jésus ?
Ma mère m’a fait faire les premiers pas dans la foi, par la parole et par l’exemple. Plus tard, en grandissant, tous les autres membres de la famille nous ont également formés dans la foi, car il y avait une prière régulière en famille : prière du matin et du soir, avant et après les repas.
Nous habitions dans un village à 7 km de l’église, mais nous allions régulièrement à la messe dominicale. Tout était imprégné de foi mais aussi de beaucoup de souffrance. Ma région a beaucoup souffert pendant la Seconde Guerre mondiale. Un jour, ma mère, alors âgée de seulement 11 ans, a perdu deux frères qui ont été tués par les tchetniks (serbes) à l’automne 1942 simplement parce qu’ils étaient croates. Cette blessure a marqué la famille pour toute la vie, ainsi que la pauvreté.

Comment as-tu connu Don Bosco / les salésiens ?
J’ai entendu parler des Salésiens assez tard. Pendant mes études de mathématiques, j’ai confié à ma tante, maintenant décédée, qui était religieuse en Allemagne, mon désir de vouloir devenir prêtre. Elle m’a fourni quatre adresses en Allemagne auxquelles on pouvait s’adresser concernant la vocation au sacerdoce. Parmi celles-ci, il y avait celle des Salésiens en Allemagne. J’ai donc commencé à correspondre avec eux, et les lettres ont été traduites par le salésien croate Don Franjo Crnjaković, qui travaillait alors en Allemagne. Lorsque le moment fut venu d’entrer dans la communauté, le problème de ne pas connaître la langue allemande s’est posé. Puis Don Franjo m’a envoyé l’adresse des salésiens de Zagreb et ainsi je suis devenu salésien croate.

Tu avais fait des études supérieures en mathématiques. Pourquoi salésien ?
J’aimais les mathématiques et travailler avec les enfants à l’école. J’aimais aider les jeunes à résoudre des problèmes de mathématiques. Depuis mon enfance, la vocation sacerdotale couvait en quelque sorte en moi. La première expérience dont je me souviens est celle avec un parent âgé qui était parmi les rares parents à recevoir une pension. Quand j’étais en classe de troisième, un jour il m’a vu heureux pour mes excellentes notes et m’a dit : « Promets-moi que tu étudieras pour devenir prêtre, et à partir de maintenant je te donnerai 5 stoi de chacune de mes pensions » (valeur actuelle 10 euros). Et bien sûr, je l’ai promis car pour moi, enfant, cela avait une grande valeur. Bien des années plus tard, alors que je travaillais déjà dans une école et que j’étais proche de la décision d’entrer dans la communauté, j’ai assisté à ses funérailles et sur sa tombe ouverte, je l’ai remercié et lui ai promis que je deviendrais prêtre. Parmi les enfants à qui j’enseignais les mathématiques, il y avait aussi ceux abandonnés par leurs parents. Observer leur situation m’a aidé à décider d’emprunter la voie du service aux jeunes en tant que salésien.

La plus belle joie et la plus grande fatigue
L’expérience de la confession surtout me rend heureux. Quand je vois devant moi la transformation de l’âme humaine et que je me reconnais comme le moyen par lequel cela se produit, cela ne peut être comparé à rien sur terre, c’est un événement céleste. Surtout quand il s’agit de jeunes, mais dans tous ces cas chaque âme est jeune car elle est belle. Et ce qui me blesse le plus, c’est le désespoir des enfants et des jeunes lorsque leurs parents se séparent. Je suis toujours profondément touché par leur souffrance. Et aussi la prise de conscience de la légèreté avec laquelle certaines personnes prennent la décision d’avorter. J’en ai la chair de poule à cause de la cécité qui fait que les gens ne sont pas conscients de l’énormité de l’erreur qu’ils commettent. Ces choses pénètrent profondément dans l’humanité et la remettent en question.

Quelles sont les nécessités locales les plus urgentes et celles des jeunes ? Que pourrait-on faire de plus et mieux ?
Le besoin le plus urgent de notre population est de redonner espoir aux gens afin qu’ils n’aient pas peur de la vie et aussi de renforcer les gens dans la foi que Dieu guide et soutient ce monde. La vie est d’autant plus belle et riche lorsqu’elle est imprégnée de foi, car c’est justement dans la foi qu’elle a un sens évident et peut toujours trouver des motifs de joie. La culture moderne vole cette valeur aux jeunes et la remplace par des valeurs éphémères, qui s’épuisent facilement et rapidement, laissant un vide dans l’âme. Nous avons la chance qu’un grand nombre de jeunes parviennent à cultiver et vivre leur foi, parfois même à contre-courant. Mais malheureusement, beaucoup sont encore loin de la foi et cherchent un sens dans quelque chose de plus petit qu’eux.
Peut-être pourrions-nous sortir encore plus et commencer à chercher les sans-abri. Mais il est nécessaire de sortir préparés, car si nous n’apportons que nos forces, nous réussirons un peu, mais si nous avançons avec la force de Dieu, alors Il fait beaucoup pour nos petites choses. Je pense que dans nos cœurs, qui sont consacrés à Dieu, nous devons retrouver cet amour originel et témoigner avec une force renouvelée que Dieu est réellement vivant et qu’Il nous invite à participer à sa vie. Et cela ne peut pas être caché, les âmes le voient.

Comment vois-tu l’avenir ?
L’avenir, comme le présent, est entre les mains de Dieu. La Bible nous enseigne que le monde est entre de bonnes mains. C’est pourquoi nous ne devons pas avoir peur. « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8,31). Il est vrai que les changements se produisent à une vitesse incroyable, le monde devient de plus en plus petit car tout est facile et rapide à atteindre. Les cultures et les traditions se mélangent et personne ne peut imaginer quelles seront les conséquences. Mais si nous avons confiance dans le Seigneur, qui est la source de la vie, Il fera tout pour le bien. C’est à nous d’écouter, de discerner et de chercher notre place et notre rôle dans ce qu’Il nous demande. Et si nous sommes sur ce chemin, alors nous sommes prêts aux merveilleuses surprises que le Seigneur nous prépare.

Quelle place occupe dans ta vie Marie Auxiliatrice ?
Marie, la Mère de Jésus, a une place importante dans ma vie. Ma mère nous a montré la présence de la Vierge tout au long de sa vie et a murmuré et prié le rosaire jusqu’à son dernier souffle. Je fais aussi volontiers des pèlerinages aux sanctuaires de la Vierge et je témoigne de la manière dont son regard insuffle de l’espoir aux gens. Don Bosco nous a laissé la dévotion à Marie Auxiliatrice et nous a promis que nous verrions ce que sont les miracles si nous avons une confiance enfantine en l’Immaculée Auxiliatrice. Le mystère de Noël et de l’Eucharistie ne peut être compris sans nous immerger profondément, et le moyen le plus simple d’y parvenir est de prier le rosaire.

Que dirais-tu aux jeunes en ce moment ?
Mon message aux jeunes est de ne pas avoir peur d’être croyants, même si la mode nous dit que c’est du passé. Et en effet, personne n’est aussi intéressé par notre demain que Dieu, qui dans ses commandements nous donne la force pour l’avenir. Il nous prépare pour l’avenir avec ses commandements. Si chaque jour nous essayons d’harmoniser notre vie selon le Décalogue, alors nous pouvons déjà dire de nous-mêmes : heureux ceux qui nous suivront car ils auront des personnes devant eux. Alors je dis aux jeunes : soyez courageux, n’ayez pas peur de la vie, c’est le plus beau don de Dieu.

Milan Ivančević, sdb
Provincial Croatie




Entretien avec le nouveau supérieur, le père Gabriel NGENDAKURIYO

Nous avons interviewé le nouveau supérieur, le père Gabriel NGENDAKURIYO, de la Province des Grands Lacs d’Afrique (AGL), qui comprend l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi. La Province est ainsi nommée en raison de sa proximité avec le grand lac Victoria, le plus grand d’Afrique et le deuxième du monde.

Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Gabriel NGENDAKURIYO, salésien de Don Bosco, prêtre. Né le 3 juillet 1954, au Burundi, j’ai fréquenté l’école dans ce même pays jusqu’à la fin des études secondaires. Entré tout de suite après dans la Congrégation salésienne, j’ai fait mon noviciat à Butare au Rwanda (1978-1979) et la Philosophie au Grand Séminaire interdiocésain de Nyakibanda (Rwanda). Parti en 1981 pour le stage pratique à Lubumbashi (Zaïre, à l’époque), j’ai terminé les études de Théologie dans ce même pays (Kolwezi) et ai été ordonné prêtre à Lubumbashi, le 11 août 1987.
A peine un mois plus tard, je me trouvais à Rukago (Burundi) comme vicaire paroissial. En 1991, j’ai été envoyé à Rome, puis à Jérusalem, pour des études qui me préparaient à être formateur dans notre Institut de Théologie Saint François de Sales de Lubumbashi. J’y suis entré en 1994 pour en sortir en 2006, au moment où le Recteur Majeur (P. Pascual Chavez) venait de me nommer Supérieur provincial d’une nouvelle Circonscription nommée Afrique des Grands Lacs (AGL) et œuvrant dans trois pays : le Burundi, le Rwanda et l’Uganda.
Après un mandat de 6 ans (2006-2012) et une année sabbatique en Terre Sainte, j’ai été nommé Directeur de Buterere (Burundi) et, après 2 ans, Directeur de la Communauté Don Rua à l’UPS (Rome). Six ans plus tard (août 2021), je me retrouvais à Buterere, cette fois-ci comme Recteur de notre Sanctuaire dédié à Marie Auxiliatrice. C’est d’ici que je suis parti à Kigali pour un autre mandat de Supérieur provincial. Voilà pourquoi je suis maintenant à Rome pour la session de formation destinée aux « nouveaux » provinciaux !

Qui vous a raconté l’histoire de Jésus pour la première fois ?
Je suis né de parents profondément chrétiens et pratiquants. Ma connaissance de Jésus a été une connaissance « vitale et concrète » avant de devenir théorique. On priait tous les jours le chapelet, on allait à la messe tous les dimanches (deux heures de marche), j’étais servant de messe (enfant de chœur), j’ai accompagné ma grande sœur au catéchuménat avant de commencer l’école primaire … L’histoire de Jésus, ce sont mes parents qui me l’ont racontée en premier.

Quelle est l’histoire de votre vocation ?
A la fin de l’école primaire, j’ai demandé d’aller au petit séminaire diocésain, car j’avais clairement en moi le désir de devenir prêtre. Cela ne m’a pas été accordé. J’ai alors été orienté dans une école à cycle court (qui formait des enseignants pour l’école primaire) tenue par le Frères de Notre Dame de la Miséricorde, qui m’ont beaucoup édifié et marqué. C’est comme si quelqu’un m’attendait au tournant : Don Bosco m’a brûlé le cœur dès que je suis arrivé dans une école salésienne (j’avais 17 ans).

Quel est votre meilleur souvenir ?
Le moment de mon ordination sacerdotale. Et aussi ma première arrivée en Terre Sainte, et à Lourdes.

Quels sont les besoins locaux et les besoins des jeunes les plus urgents ?
Dans ma Province d’AGL, la nécessité la plus urgente est la formation aux valeurs humaines et chrétiennes authentiques. Aujourd’hui, les maîtres sont nombreux et de toute sortes. Il est devenu difficile de séparer l’ivraie du bon grain. Nous œuvrons pour une évangélisation en profondeur, avec les moyens qui nous sont propres et sur lesquels repose globalement le « système préventif ».

Les chrétiens de la région sont-ils persécutés ?
Non ! Alors pas du tout, pour le moment. Les chrétiens jouissent d’une liberté suffisante pour vivre et proclamer leur foi, bien évidemment dans le respect de l’ordre public.

Les relations avec les personnes d’autres religions dans votre région ?
Tout n’est pas toujours rose dans les rapports entre chrétiens catholiques et certaines nouvelles formes de religions d’obédience protestante. Néanmoins, les divergences qui peuvent s’observer ne dégénèrent jamais dans des formes de violence.

Comment voyez-vous l’avenir ?
Je considère l’avenir avec optimisme et réalisme. L’histoire de l’humanité est dynamique ; elle a toujours connu des hauts et des bas. Elle traverse sans doute aujourd’hui un moment très délicat et nous invite à bien lire « les signes des temps » et à « bien prendre le tournant ».

Quelle place Marie Auxiliatrice occupe-t-elle dans votre vie ?
Depuis mon enfance, Marie (j’ai connu le titre d’Auxiliatrice seulement plus tard) occupe une place très importante dans ma vie. Depuis que j’ai découvert qu’elle m’écoute et prend soin de moi, je lui parle avec respect, spontanéité et familiarité. Et c’est avec plaisir que je fais tout pour la faire connaître et aimer. Je suis son « fils », son « confident », son « disciple »…

Que diriez-vous aux jeunes d’aujourd’hui ?
Je leur dirais que la vie est belle et vaut la peine d’être vécue. Mais aussi que la « vie en plénitude », belle, n’exclut nullement l’effort (aussi dans le sens de l’ascèse) qui ennoblit la personne humaine.
Allez les jeunes !

P. Gabriel NGENDAKURIYO,
Supérieur de la Province des Grands Lacs d’Afrique




Entretien avec le nouvel inspecteur de Shillong, Inde (INS), le père John ZOSIAMA

Nous avons interviewé le nouvel inspecteur de Shillong, en Inde, le père John ZOSIAMA. Une région particulière du nord-est de l’Inde, limitrophe du Bhoutan, du Bangladesh et du Myanmar (Birmanie).

Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis né le 20 août 1974 à Chhingchhip, dans l’État du Mizoram, au nord-est de l’Inde. J’ai reçu ma première éducation dans le village, où j’ai terminé le lycée, puis j’ai suivi des cours pré-universitaires à Aizawl, la capitale du Mizoram.

Qui vous a raconté l’histoire de Jésus pour la première fois ?
Je viens d’une famille catholique traditionnelle. Nous priions ensemble régulièrement, surtout le soir avec le chapelet. Ma mère aimait beaucoup la Vierge Marie et n’a jamais abandonné la prière quotidienne. C’est elle qui nous a parlé de Jésus et des valeurs de l’Évangile.

Quelle est l’histoire de votre vocation et pourquoi êtes-vous devenu salésien ?
Enfant, j’étais servant de messe à la paroisse et j’allais au catéchisme le dimanche. À l’époque, je voulais devenir prêtre, mais à l’adolescence, ce désir s’est estompé, je voulais continuer mes études, trouver un bon travail dans l’administration et fonder une famille heureuse.
Cependant, avant de m’inscrire à l’université, j’ai commencé à réfléchir sérieusement à ma vie et à ma vocation. Je sentais dans mon cœur que Dieu m’appelait à le servir en tant que prêtre, en particulier pour soutenir l’Église catholique dans un contexte où les autres dénominations chrétiennes sont assez fortes. J’ai ressenti le désir d’apporter ma contribution à l’Église, surtout auprès des jeunes qui risquaient de s’égarer.
Notre catéchiste, sachant que j’étais intéressé par le séminaire, m’a parlé des Salésiens et m’a encouragé à les rejoindre. J’avais également entendu parler de cet ordre et je connaissais certaines de leurs œuvres à Shillong. J’ai décidé de contacter ma tante, une Sœur Missionnaire de Marie Auxiliatrice (MSMHC), qui à son tour a informé le Vicaire Provincial de Guwahati. Dès qu’on m’a demandé de me présenter, je suis parti seul de mon village, pour un voyage de deux jours jusqu’à Guwahati. C’est ainsi qu’a commencé mon aspirantat salésien.

Comment a réagi votre famille ?
Ma mère a été très heureuse d’apprendre ma décision de devenir prêtre ; elle m’a dit de ne pas m’inquiéter pour eux, car le Seigneur s’occuperait de tout. Mon père, en revanche, était plus hésitant, car il espérait que je continuerais à étudier et que je subviendrais aux besoins de la famille. Finalement, lui aussi a accepté, et avant mon départ, pendant la prière familiale, il m’a cité le passage de Mt 6,33 : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît ».

La plus belle joie et la plus grande fatigue
J’ai vécu de très belles expériences pastorales, tant pendant ma formation pratique que pendant mon ministère diaconal. Être avec les jeunes, les enseigner, jouer ensemble et me lier d’amitié avec eux, tout cela m’a procuré une grande joie. Je me souviens avec plaisir des deux années passées à l’aspirantat avec environ 150 jeunes : une période pleine de moments heureux. Plus tard, au cours de mon ministère diaconal, j’ai eu l’occasion de visiter de nombreux villages et de rencontrer des gens simples. Partager avec eux le message de la Bonne Nouvelle m’a donné un profond sentiment de joie et de réalisation en tant que salésien.
Le plus grand défi que j’ai vécu a été pendant mes études de philosophie, à cause de quelques malentendus avec les supérieurs. J’ai été jusqu’à douter de ma vocation, mais je me suis confié à Dieu, en pensant que s’il me voulait vraiment comme prêtre, il me montrerait le chemin. Grâce à la foi et à la prière, j’ai réussi à surmonter ces moments difficiles.

Comment est la jeunesse locale et quels sont les besoins les plus urgents ?
La jeunesse locale est pleine de vie et de talents dans de nombreux domaines ; beaucoup participent encore activement à la vie de l’église et aux initiatives sociales. Cependant, l’influence des médias sociaux augmente de plus en plus. Un grand nombre de jeunes sont attirés par le matérialisme, la sécularisation et les idées politiques vues en ligne, et en tant que Salésiens, nous ressentons l’urgence de les guider et de les soutenir. Beaucoup abandonnent l’école et restent au chômage : ils ont besoin d’être guidés et d’espérer en l’avenir, d’être formés et accompagnés pour devenir des citoyens responsables et de bons chrétiens.

Les chrétiens de la région sont-ils persécutés ?
Il n’y a pas de réelle persécution des chrétiens. Dans de nombreux États où nous sommes présents, la majorité de la population est chrétienne. Nous jouissons également d’une bonne coopération avec les personnes d’autres religions. Cependant, le gouvernement central restreint de plus en plus nos activités d’éducation et d’évangélisation par de nouvelles règles et lois, ce qui rend notre travail pastoral plus complexe.

Quels sont les grands défis de l’évangélisation et de la mission aujourd’hui ?
Le premier défi provient des nouvelles réglementations financières et politiques sur l’éducation introduites par le gouvernement central, qui compliquent nos activités et notre travail au service de la population. Néanmoins, l’Église et les œuvres d’évangélisation continuent de croître dans le nord-est de l’Inde. Je pense que, dans cette région, la tâche la plus urgente est de renforcer la foi par une éducation catéchétique solide et d’aider les croyants à vivre pleinement les valeurs de l’Évangile, en devenant des promoteurs de la paix et de la transformation sociale.

Que peut-on faire de plus et de mieux ?
En tant que Salésiens, nous pourrions intensifier notre engagement auprès des jeunes des périphéries, en particulier ceux qui abandonnent l’école, consomment de la drogue ou sont au chômage. Il est important d’étudier leur situation en profondeur, de développer des plans stratégiques avec les laïcs et les membres de la Famille salésienne. Nous devons apprendre à travailler en réseau, en équipe, pour atteindre plus efficacement les jeunes qui en ont le plus besoin.

Quelles sont les relations avec les autres religions dans votre région ?
Jusqu’à présent, elles sont très positives. Dans de nombreux cas, les enseignants de nos écoles et institutions appartiennent à d’autres religions, mais ils collaborent avec nous avec un grand engagement et un esprit d’ouverture.

Avez-vous des projets qui vous tiennent particulièrement à cœur ?
Je pense qu’il est essentiel d’étudier la situation des jeunes d’aujourd’hui, d’écouter leurs problèmes et leurs aspirations, puis de lancer une nouvelle pastorale salésienne destinée à ceux qui sont vraiment pauvres et délaissés. Peut-être faudra-t-il faire des choix courageux et difficiles, mais je crois que c’est la mission à laquelle Don Bosco nous a appelés. Prions et espérons que, comme confrères, nous nous laisserons transformer par les changements de notre temps.

Quelle place occupe Marie Auxiliatrice dans votre vie ?
Par l’intercession de la Vierge Marie, j’ai reçu d’innombrables grâces, notamment en l’invoquant comme Auxiliatrice. Si je suis ici aujourd’hui, je le dois aussi à Elle, qui a toujours écouté mes prières et intercédé pour moi. Je lui suis reconnaissant pour sa présence maternelle et pour le témoignage de ma mère, qui m’a appris à prier le rosaire avec foi.

Avez-vous un message pour la Famille salésienne ?
En tant que Famille salésienne, nous avons reçu un grand charisme à travers Don Bosco. Nous devons le garder et remercier Dieu pour ce don, en nous mettant au service des jeunes, en particulier des pauvres et des abandonnés, où que nous soyons. Nous sommes présents dans 137 pays et nous pouvons être un signe concret de l’amour de Dieu pour les garçons et les filles d’aujourd’hui.

Père John Zosiama
Provincial de Shillong, Inde (INS)




Entretien avec le nouvel inspecteur du Japon, le père François HAMASAKI

Nous avons interviewé le nouveau provincial du Japon, le père François HAMASAKI. C’est toujours agréable d’entendre des nouvelles des lieux géographiquement les plus éloignés de l’origine salésienne, du Valdocco.

Peux-tu te présenter ?
Je suis né dans la préfecture de Nagasaki, une région du Japon connue pour ses nombreux martyrs. On m’a dit que mes ancêtres étaient également chrétiens, dits « cachés » à cause de la persécution. Cependant, pendant mon enfance, j’ai déménagé dans la préfecture de Nara (près d’Osaka et de Kyoto, célèbre pour ses anciens temples et sanctuaires) et j’y ai grandi. Ma famille se compose de sept personnes : mes parents, mes quatre frères et sœurs, et moi. Nous sommes tous catholiques, et en particulier mes parents sont très fervents.

Quelle est l’histoire de ta vocation ?
À l’époque, les prêtres qui exerçaient leur ministère dans la préfecture de Nara venaient tous d’Australie et étaient des missionnaires maristes. Le curé de ma communauté était le père Tony Glynn, un homme qui s’est engagé à devenir un pont de paix entre le Japon et l’Australie. Il a même été le protagoniste d’un film intitulé Le train de l’amour. C’est grâce à son influence que j’ai commencé à désirer devenir prêtre. Cependant, à ce moment-là, je ne connaissais pas encore les Salésiens de Don Bosco, ni Don Bosco lui-même.
Par la suite, à travers diverses circonstances, comme la rencontre avec certaines sœurs, je suis entré dans l’aspirantat salésien pendant ma première année de lycée. Un événement curieux s’est produit juste avant mon entrée. Je recevais chaque mois un magazine sans savoir qui me l’envoyait. Après être entré chez les Salésiens, j’ai réalisé qu’il s’agissait du Bulletin Salésien japonais (Katorikku Seikatsu, Vie Catholique). Encore aujourd’hui, je ne sais pas qui me l’envoyait, mais je crois que c’était Don Bosco lui-même qui me guidait vers sa congrégation.
Aujourd’hui, je me sens très heureux. Cela est dû au fait que je perçois intensément la grandeur et la miséricorde de Dieu, et je ressens de la joie à être prêtre salésien. Cela me permet de vivre le charisme de Don Bosco, c’est-à-dire de consacrer ma vie aux jeunes.
Avant d’être ordonné prêtre, j’ai travaillé pendant deux ans et demi à la rédaction de Katorikku Seikatsu chez l’éditeur Don Bosco Sha. Après l’ordination, j’ai passé 12 ans à travailler avec les jeunes à l’aspirantat. Par la suite, j’ai travaillé pendant 9 ans dans une école et ensuite pendant 3 ans dans une petite paroisse et une crèche. Maintenant, je suis provincial.
Partout où j’ai été, j’ai ressenti de la joie à être avec les jeunes et j’ai vécu de nombreuses expériences et rencontres extraordinaires. Parmi toutes, celle qui a transformé ma façon de vivre, de penser et de ressentir en tant que salésien a été l’expérience de travail pastoral dans un centre de détention pour mineurs. Ici, j’ai compris l’importance de l’enseignement de Don Bosco : « Il ne suffit pas d’aimer, il faut que les jeunes se sentent aimés. » J’ai profondément compris l’amour de Dieu et sa miséricorde infinie.
Bien que, en raison de mon rôle actuel, je sois souvent éloigné du travail pastoral direct avec les jeunes, je continue à me consacrer au ministère dans les centres de détention pour mineurs afin de ne pas oublier le cœur de Don Bosco.

À quoi ressemblent les jeunes Japonais ?
En ce qui concerne la jeunesse japonaise d’aujourd’hui, comme dans d’autres pays, elle est confrontée à divers défis. Je pense qu’il y a deux problèmes principaux auxquels il faut prêter attention :
1. Les jeunes immigrés et les enfants de familles immigrées. Au cours des dernières décennies, le nombre de jeunes originaires des Philippines et d’Amérique latine a augmenté. Récemment, de nombreux jeunes d’Asie du Sud-Est, en particulier du Viêt-Nam, sont venus au Japon. On estime qu’il y a environ 600 000 jeunes Vietnamiens dans le pays. Notre province est déjà engagée dans le ministère auprès de ces jeunes, mais comme la population japonaise continue de vieillir, il est probable que le nombre de jeunes étrangers augmentera encore. Cela nécessitera une plus grande attention pastorale et spirituelle à leur égard.
2. Les jeunes pauvres. L’économie japonaise s’affaiblit et les inégalités économiques se creusent. De plus en plus de jeunes vivent dans la pauvreté. Par exemple, il existe de nombreuses « soupes populaires pour enfants » au Japon, qui offrent des repas gratuits aux familles dans le besoin. En outre, il y a une augmentation du nombre de jeunes impliqués dans des « emplois illégaux », c’est-à-dire des délits mineurs qui promettent de l’argent facile mais font d’eux des victimes des systèmes criminels.
Face à ces défis, je crois que le moment est venu pour notre province de prendre des décisions courageuses et d’agir, comme nous y invitait le père Àngel Fernández Artime, ancien Recteur Majeur et actuel cardinal. Nous devons porter une attention particulière aux jeunes qui ne reçoivent pas l’attention nécessaire de la part des institutions publiques, en travaillant avec la Famille salésienne et nos collaborateurs.
Enfin, je voudrais souligner l’importance de la Vierge Marie. Sans la confiance et la dévotion à Marie Auxiliatrice, comment pourrions-nous transmettre aux jeunes le cœur de Don Bosco ? Au fil des années, je ressens de plus en plus le besoin d’être guidé et aidé par elle. Comme Don Bosco, je dis très souvent : « Et maintenant, Marie, commençons ».
Je vous demande de prier pour les jeunes du Japon et pour nous, Salésiens du Japon, afin que nous puissions continuer à leur transmettre le cœur de Don Bosco.

Père Hamasaki Atsushi François,
Provincial du Japon