Mgr Giuseppe Malandrino et le Serviteur de Dieu Nino Baglieri

Mgr Giuseppe Malandrino, IXe évêque du diocèse de Noto, est retourné à la Maison du Père le 3 août 2025, jour de la fête de la patronne du diocèse de Noto, Maria Scala del Paradiso. 94 ans, 70 ans de sacerdoce et 45 ans de consécration épiscopale sont des chiffres très respectables pour un homme qui a servi l’Église en tant que Pasteur en ayant « l’odeur des brebis », comme le soulignait souvent le pape François.

Paratonnerre de l’humanité
Dans son expérience de pasteur du diocèse de Noto (19.06.1998 – 15.07.2007), il a eu l’occasion de cultiver son amitié avec le Serviteur de Dieu Nino Baglieri. Il ne manquait presque jamais de faire une « halte » chez Nino lorsque des raisons pastorales le menaient à Modica. Dans un de ses témoignages, Mgr Malandrino dit : « … me trouvant au chevet de Nino, j’avais la vive perception que ce cher frère infirme était vraiment le “paratonnerre de l’humanité”, selon une conception des souffrants qui m’est si chère et que j’ai voulu proposer également dans la Lettre Pastorale sur la mission permanente “Vous serez mes témoins” » (2003). Mgr Malandrino écrit : « Il est nécessaire de reconnaître dans les malades et les souffrants le visage du Christ souffrant et de les assister avec la même sollicitude et le même amour que Jésus dans sa passion, vécue dans un esprit d’obéissance au Père et de solidarité envers les frères ». Cela a été pleinement incarné par la maman de Nino, Madame Peppina. Cette femme sicilienne typique, avec un caractère fort et beaucoup de détermination, répond au médecin qui lui propose l’euthanasie pour son fils (compte tenu de ses graves problèmes de santé et de la perspective d’une vie de paralysé) : « Si le Seigneur le veut, il le prendra, mais s’il me le laisse ainsi, je serai heureuse de m’en occuper toute ma vie ». La mère de Nino, à ce moment-là, était-elle consciente de ce à quoi elle allait faire face ? Marie, la mère de Jésus, était-elle consciente de la douleur qu’elle aurait à souffrir pour le Fils de Dieu ? La réponse, à la lire avec des yeux humains, ne semble pas facile, surtout dans notre société du XXIe siècle où tout est liquide, fluctuant, se consume en un « instant ». Le Fiat de Maman Peppina est devenu, comme celui de Marie, un Oui de Foi et d’adhésion à cette volonté de Dieu qui trouve son accomplissement dans le fait de savoir porter la Croix, de savoir donner « âme et corps » à la réalisation du Plan de Dieu.

De la souffrance à la joie
La relation d’amitié entre Nino et Mgr Malandrino était déjà établie lorsque ce dernier était encore évêque d’Acireale. En effet, dès 1993, par l’intermédiaire du Père Attilio Balbinot, un camillien très proche de Nino, celui-ci lui offrit son premier livre : « De la souffrance à la joie ». Dans l’expérience de Nino, la relation avec l’évêque de son diocèse était une relation de filiation totale. Dès le moment de son acceptation du Plan de Dieu sur lui, il faisait sentir sa présence « active » en offrant ses souffrances pour l’Église, le Pape et les Évêques (ainsi que pour les prêtres et les missionnaires). Cette relation de filiation était renouvelée chaque année à l’occasion du 6 mai, jour de la chute, considéré ensuite comme le début mystérieux d’une renaissance. Le 8 mai 2004, quelques jours après que Nino ait fêté son 36e anniversaire de Croix, Mgr Malandrino se rend chez lui. En souvenir de cette rencontre, il écrit dans ses mémoires : « C’est toujours une grande joie chaque fois que je le vois et je reçois tant d’énergie et de force pour porter ma Croix et l’offrir avec tant d’Amour pour les besoins de la Sainte Église et en particulier pour mon Évêque et pour notre Diocèse. Que le Seigneur lui donne toujours plus de sainteté pour nous guider pendant de nombreuses années avec toujours plus d’ardeur et d’amour… ». Et encore : « … la Croix est lourde mais le Seigneur me donne tant de Grâces qui rendent la souffrance moins amère et elle devient légère et douce, la Croix se fait Don, offerte au Seigneur avec tant d’Amour pour le salut des âmes et la Conversion des Pécheurs… ». Enfin, il faut souligner que, lors de ces occasions de grâce, la demande pressante et constante de son « aide pour se faire Saint avec la Croix de chaque jour » ne manquait jamais. Nino, en effet, voulait absolument se faire saint.

Une béatification anticipée
Les funérailles du Serviteur de Dieu, le 3 mars 2007, ont représenté un moment d’une grande importance à cet égard. Mgr Malandrino lui-même, au début de la célébration eucharistique, s’est penché avec dévotion, bien qu’avec difficulté, pour embrasser le cercueil contenant la dépouille mortelle de Nino. C’était un hommage à un homme qui avait vécu 39 ans de son existence dans un corps qu’il « ne sentait pas » mais qui dégageait une joie de vivre à 360 degrés. Mgr Malandrino a souligné que la célébration de la messe, dans la cour des Salésiens devenue pour l’occasion une « cathédrale » à ciel ouvert, avait été une véritable apothéose (des milliers de personnes en larmes y ont participé) et l’on percevait clairement et communautairement que l’on se trouvait non pas devant des funérailles, mais devant une véritable « béatification ». Nino, par son témoignage de vie, était en effet devenu un point de référence pour beaucoup, jeunes ou moins jeunes, laïcs ou consacrés, mères ou pères de famille, qui, grâce à son précieux témoignage, parvenaient à lire leur propre existence et à trouver des réponses qu’ils ne trouvaient pas ailleurs. Mgr Malandrino a également souligné à plusieurs reprises cet aspect : « Vraiment, chaque rencontre avec mon cher Nino a été pour moi, comme pour tous, une expérience forte et vivante d’édification et un puissant stimulant – dans la douceur – au don de soi patient et généreux. La présence de l’évêque lui procurait à chaque fois une immense joie car, outre l’affection de l’ami qui venait le visiter, il y percevait la communion ecclésiale. Il est évident que ce que je recevais de lui était toujours beaucoup plus que le peu que je pouvais lui donner ». L’idée fixe de Nino était de « se faire saint ». Le fait d’avoir vécu et incarné pleinement l’Évangile de la Joie dans la Souffrance, avec ses douleurs physiques et son don total pour l’Église bien-aimée, a fait que tout ne s’est pas terminé avec son départ vers la Jérusalem du Ciel, mais a continué, comme l’a souligné Mgr Malandrino lors des funérailles : « … la mission de Nino continue maintenant aussi à travers ses écrits, il l’avait lui-même annoncé dans son Testament spirituel » : « … mes écrits continueront mon témoignage, je continuerai à donner de la Joie à tous et à parler du Grand Amour de Dieu et des Merveilles qu’il a faites dans ma vie ». Cela continue de se réaliser car « une ville située sur une montagne ne peut être cachée, et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur le chandelier, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison » (Matthieu 5,14-16). Métaphoriquement, on veut souligner que la « lumière » (entendue au sens large) doit être visible, tôt ou tard : ce qui est important viendra à la lumière et sera reconnu.
En rappelant ces jours marqués par la mort de Mgr Malandrino et par ses funérailles à Acireale (5 août, Notre-Dame des Neiges) et à Noto (7 août) avec l’inhumation qui a suivi dans la cathédrale qu’il avait lui-même fortement voulu restaurer après l’effondrement du 13 mars 1996 et qui a été rouverte en mars 2007 (mois où Nino Baglieri est décédé), nous pouvons retracer ce lien entre deux grandes figures de l’Église de Noto, fortement entrelacées et toutes deux capables de laisser une marque indélébile.

Roberto Chiaramonte




Sainte Monique, mère de Saint Augustin, témoin d’espérance

Une femme à la foi inébranlable, aux larmes fécondes, exaucée par Dieu après dix-sept longues années. Un modèle de chrétienne, d’épouse et de mère pour toute l’Église. Une femme témoin d’espérance qui s’est transformée en puissance d’intercession au Ciel. Don Bosco lui-même recommandait aux mères, affligées par la vie peu chrétienne de leurs enfants, de se confier à elle dans leurs prières.

Dans la grande galerie des saints et des saintes qui ont marqué l’histoire de l’Église, Sainte Monique (331-387) occupe une place singulière. Non pas pour des miracles spectaculaires, ni pour la fondation de communautés religieuses, ni pour des entreprises sociales ou politiques de grande envergure. Monique est avant tout citée et vénérée comme mère, la mère d’Augustin, ce jeune inquiet qui, grâce à ses prières, à ses larmes et à son témoignage de foi, devint l’un des plus grands Pères de l’Église et Docteurs de la foi catholique.
Mais limiter sa figure à son rôle maternel serait injuste et réducteur. Monique est une femme qui a su vivre sa vie ordinaire — comme épouse, mère, croyante — de manière extraordinaire, en transfigurant le quotidien avec la force de la foi. Elle est un exemple de persévérance dans la prière, de patience dans le mariage, d’espérance inébranlable face aux égarements de son fils.
Les informations sur sa vie nous proviennent presque exclusivement des Confessions d’Augustin, un texte qui n’est pas une chronique, mais une lecture théologique et spirituelle de l’existence. Pourtant, dans ces pages, Augustin dresse un portrait inoubliable de sa mère : non seulement une femme bonne et pieuse, mais un authentique modèle de foi chrétienne, une « mère des larmes » qui deviennent source de grâce.

Les origines à Thagaste
Monique naquit en 331 à Thagaste, ville de Numidie, Souk Ahras dans l’actuelle Algérie. C’était un centre animé, marqué par la présence romaine et une communauté chrétienne déjà bien enracinée. Elle venait d’une famille chrétienne aisée, où la foi faisait déjà partie de l’horizon culturel et spirituel.
Sa formation fut marquée par l’influence d’une nourrice austère, qui l’éduqua à la sobriété et à la tempérance. Saint Augustin écrira d’elle : « Je ne parlerai pas de ses dons, mais de tes dons à elle, qui ne s’était pas faite seule, ni éduquée seule. Tu l’as créée sans même que son père et sa mère ne sachent quelle fille ils auraient ; et la verge de ton Christ, c’est-à-dire la discipline de ton Fils unique, l’instruisit dans ta crainte, dans une maison de croyants, membre sain de ton Église » (Confessions IX, 8, 17).

Dans les Confessions, Augustin raconte aussi un épisode significatif. La jeune Monique avait pris l’habitude de boire de petites gorgées de vin de la cave, jusqu’à ce qu’une servante la réprimande en l’appelant « ivrogne ». Ce reproche lui suffit pour qu’elle se corrige définitivement. Cette anecdote, apparemment mineure, montre son honnêteté à reconnaître ses propres péchés, à se laisser corriger et à grandir en vertu.

À l’âge de 23 ans, Monique fut donnée en mariage à Patrice, un fonctionnaire municipal païen, connu pour son caractère colérique et son infidélité conjugale. La vie matrimoniale ne fut pas facile. La cohabitation avec un homme impulsif et éloigné de la foi chrétienne mit sa patience à rude épreuve.
Pourtant, Monique ne tomba jamais dans le découragement. Par son attitude faite de douceur et de respect, elle sut conquérir progressivement le cœur de son mari. Elle ne répondait pas avec dureté à ses accès de colère, n’alimentait pas de conflits inutiles. Avec le temps, sa constance porta ses fruits : Patrice se convertit et reçut le baptême peu avant de mourir.
Le témoignage de Monique montre que la sainteté ne s’exprime pas nécessairement par des gestes éclatants, mais par la fidélité quotidienne, par l’amour qui sait transformer lentement les situations difficiles. En ce sens, elle est un modèle pour tant d’épouses et de mères qui vivent des mariages marqués par des tensions ou des différences de foi.

Monique mère
De son mariage naquirent trois enfants : Augustin, Navigius et une fille dont nous ne connaissons pas le nom. Monique leur prodigua tout son amour, mais surtout sa foi. Navigius et sa sœur suivirent un chemin chrétien exemplaire : Navigius devint prêtre ; sa sœur embrassa la voie de la virginité consacrée. Augustin, en revanche, devint rapidement le centre de ses préoccupations et de ses larmes.
Dès son enfance, Augustin montrait une intelligence extraordinaire. Monique l’envoya étudier la rhétorique à Carthage, désireuse de lui assurer un avenir brillant. Mais avec les progrès intellectuels vinrent aussi les tentations : la sensualité, la mondanité, les mauvaises compagnies. Augustin embrassa la doctrine manichéenne, convaincu d’y trouver des réponses rationnelles au problème du mal. De plus, il commença à vivre en concubinage avec une femme dont il eut un fils, Adéodat. Les égarements de son fils incitèrent Monique à lui refuser l’accueil dans sa propre maison. Mais elle ne cessa pas pour autant de prier pour lui et d’offrir des sacrifices : « Le cœur saignant de ma mère t’offrait pour moi nuit et jour le sacrifice de ses larmes » (Confessions V, 7,13) et « elle versait plus de larmes que n’en versent jamais les mères à la mort physique de leurs enfants » (Confessions III, 11,19).
Pour Monique, ce fut une blessure profonde : son fils, qu’elle avait consacré au Christ dans son sein, était en train de se perdre. La douleur était indicible, mais elle ne cessa jamais d’espérer. Augustin lui-même écrira : « Le cœur de ma mère, frappé d’une telle blessure, n’aurait plus jamais guéri : car je ne saurais exprimer adéquatement ses sentiments envers moi et combien son travail pour m’enfanter dans l’esprit était plus grand que celui avec lequel elle m’avait enfanté dans la chair » (Confessions V, 9,16).

La question qui se pose spontanément est la suivante : pourquoi Monique n’a-t-elle pas fait baptiser Augustin immédiatement après sa naissance ?
En réalité, bien que le baptême des enfants fût déjà connu et pratiqué, ce n’était pas encore une pratique universelle. Beaucoup de parents préféraient le reporter à l’âge adulte, le considérant comme un « lavacrum définitif » : ils craignaient que, si le baptisé péchait gravement, son salut serait compromis. De plus, Patrice, encore païen, n’avait aucun intérêt à éduquer son fils dans la foi chrétienne.
Aujourd’hui, nous voyons clairement que ce fut un choix malheureux, car le baptême non seulement nous rend enfants de Dieu, mais nous donne la grâce de vaincre les tentations et le péché.
Une chose est cependant certaine : s’il avait été baptisé enfant, Monique se serait épargné, à elle et à son fils, beaucoup de souffrances.

L’image la plus forte de Monique est celle d’une mère qui prie et pleure. Les Confessions la décrivent comme une femme infatigable dans son intercession auprès de Dieu pour son fils.
Un jour, un évêque de Thagaste — ou, selon certains, Ambroise lui-même — la rassura avec des paroles restées célèbres : « Va, il ne peut pas se perdre, le fils de tant de larmes ». Cette phrase devint l’étoile polaire de Monique, la confirmation que sa douleur maternelle n’était pas vaine, mais faisait partie d’un mystérieux dessein de grâce.

Ténacité d’une mère
La vie de Monique fut aussi un pèlerinage dans les pas d’Augustin. Lorsque son fils décida de partir en secret pour Rome, Monique n’épargna aucun effort ; elle ne considéra pas la cause comme perdue, mais le suivit et le chercha jusqu’à ce qu’elle le trouve. Elle le rejoignit à Milan, où Augustin avait obtenu une chaire de rhétorique. Là, elle trouva un guide spirituel en saint Ambroise, évêque de la ville. Une profonde harmonie naquit entre Monique et Ambroise : elle reconnaissait en lui le pasteur capable de guider son fils, tandis qu’Ambroise admirait sa foi inébranlable.
À Milan, la prédication d’Ambroise ouvrit de nouvelles perspectives à Augustin. Il abandonna progressivement le manichéisme et commença à regarder le christianisme avec des yeux neufs. Monique accompagna silencieusement ce processus : elle ne forçait pas les choses, n’exigeait pas de conversions immédiates, mais priait, apportait son soutien et restait à ses côtés jusqu’à sa conversion.

La conversion d’Augustin
Dieu semblait ne pas l’écouter, mais Monique ne cessa jamais de prier et d’offrir des sacrifices pour son fils. Après dix-sept ans, enfin, ses supplications furent exaucées — et comment ! Augustin non seulement devint chrétien, mais il devint prêtre, évêque, docteur et père de l’Église.
Lui-même le reconnaît : « Toi, cependant, dans la profondeur de tes desseins, tu exauças le point vital de son désir, sans te soucier de l’objet momentané de sa demande, mais en veillant à faire de moi ce qu’elle te demandait toujours de faire » (Confessions V, 8,15).

Le moment décisif arriva en 386. Tourmenté intérieurement, Augustin luttait contre les passions et les résistances de sa volonté. Dans le célèbre épisode du jardin de Milan, en entendant la voix d’un enfant qui disait « Tolle, lege » (Prends, lis), il ouvrit l’Épître aux Romains et lut les paroles qui changèrent sa vie : « Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ et ne suivez pas la chair dans ses désirs » (Rm 13,14).
Ce fut le début de sa conversion. Avec son fils Adéodat et quelques amis, il se retira à Cassiciacum pour se préparer au baptême. Monique était avec eux, participant à la joie de voir enfin exaucées les prières de tant d’années.
La nuit de Pâques 387, dans la cathédrale de Milan, Ambroise baptisa Augustin, Adéodat et les autres catéchumènes. Les larmes de douleur de Monique se transformèrent en larmes de joie. Elle continua à rester à son service, tant et si bien qu’à Cassiciacum, Augustin dira : « Elle prit soin de nous comme si elle avait été la mère de tous et nous servit comme si elle avait été la fille de tous. »

Ostie : l’extase et la mort
Après le baptême, Monique et Augustin se préparèrent à retourner en Afrique. S’étant arrêtés à Ostie, où ils attendaient le bateau, ils vécurent un moment d’intense spiritualité. Les Confessions racontent l’extase d’Ostie : la mère et son fils, penchés à une fenêtre, contemplèrent ensemble la beauté de la création et s’élevèrent vers Dieu, goûtant par avance la béatitude du ciel.
Monique dira : « Mon fils, quant à moi, je ne trouve plus aucun attrait pour cette vie. Je ne sais ce que je fais encore ici-bas et pourquoi je me trouve ici. Ce monde n’est plus l’objet de mes désirs. Il n’y avait qu’une seule raison pour laquelle je désirais rester encore un peu dans cette vie : te voir chrétien catholique, avant de mourir. Dieu m’a exaucée au-delà de toutes mes attentes, il m’a accordé de te voir à son service et affranchi des aspirations de bonheur terrestres. Que fais-je ici ?» (Confessions IX, 10,11). Elle avait atteint son but terrestre.
Quelques jours plus tard, Monique tomba gravement malade. Sentant la fin proche, elle dit à ses enfants : « Mes enfants, vous enterrerez votre mère ici ; ne vous souciez pas de l’endroit. Je vous demande seulement ceci : souvenez-vous de moi à l’autel du Seigneur, où que vous soyez. » C’était la synthèse de sa vie : le lieu de la sépulture ne lui importait pas, mais le lien dans la prière et l’Eucharistie.
Elle mourut à 56 ans, le 12 novembre 387, et fut enterrée à Ostie. Au VIe siècle, ses reliques furent transférées dans une crypte cachée dans l’église Sant’Aurea. En 1425, les reliques furent transférées à Rome, dans la basilique Sant’Agostino in Campo Marzio, où elles sont encore vénérées aujourd’hui.

Le profil spirituel de Monique
Augustin décrit sa mère en pesant bien ses mots :
« […] femme quant à son aspect, virile dans sa foi, âgée par sa sérénité, maternelle par son amour, chrétienne par sa piété […] ». (Confessions IX, 4, 8).
Et encore :
« […] veuve chaste et sobre, assidue à l’aumône, dévote et soumise à tes saints, ne laissant passer aucun jour sans apporter l’offrande à ton autel, visitant ton église deux fois par jour, matin et soir, sans faute, et non pour jaser vainement et bavarder comme les autres vieilles femmes, mais pour entendre tes paroles et te faire entendre ses oraisons. Les larmes d’une telle femme, qui par elles te demandait non de l’or ni de l’argent, ni des biens périssables ou volages, mais le salut de l’âme de son fils, aurais-tu pu les dédaigner, toi qui l’avais ainsi faite par ta grâce, en lui refusant ton secours ? Certainement non, Seigneur. Toi, au contraire, tu étais près d’elle et tu l’exauçais, agissant selon l’ordre par lequel tu avais prévu de devoir agir » (Confessions V, 9,17).

De ce témoignage d’Augustin émerge une figure d’une actualité surprenante.
Elle fut une femme de prière : elle ne cessa jamais d’invoquer Dieu pour le salut de ses proches. Ses larmes deviennent un modèle d’intercession persévérante.
Elle fut une épouse fidèle : dans un mariage difficile, elle ne répondit jamais avec ressentiment à la dureté de son mari. Sa patience et sa douceur furent des instruments d’évangélisation.
Elle fut une mère courageuse : elle n’abandonna pas son fils dans ses égarements, mais l’accompagna avec un amour tenace, capable de faire confiance au temps de Dieu.
Elle fut un témoin d’espérance : sa vie montre qu’aucune situation n’est désespérée, si elle est vécue dans la foi.
Le message de Monique n’appartient pas seulement au IVe siècle. Il parle encore aujourd’hui, dans un contexte où de nombreuses familles vivent des tensions, où des enfants s’éloignent de la foi, où des parents expérimentent la fatigue de l’attente.
Aux parents elle enseigne à ne pas renoncer, à croire que la grâce opère de manière mystérieuse.
Aux femmes chrétiennes, elle montre comment la douceur et la fidélité peuvent transformer des relations difficiles.
À quiconque se sent découragé dans la prière, elle témoigne que Dieu écoute, même si son temps ne coïncide pas avec le nôtre.
Ce n’est pas un hasard si de nombreuses associations et mouvements ont choisi Monique comme patronne des mères chrétiennes et des femmes qui prient pour leurs enfants éloignés de la foi.

Une femme simple et extraordinaire
La vie de sainte Monique est l’histoire d’une femme à la fois simple et extraordinaire. Simple, parce qu’elle a vécu le quotidien d’une famille ; extraordinaire, parce qu’elle était transfigurée par la foi. Ses larmes et ses prières ont façonné un saint et, à travers lui, ont profondément marqué l’histoire de l’Église.
Sa mémoire, célébrée le 27 août, à la veille de la fête de saint Augustin, nous rappelle que la sainteté passe souvent par la persévérance cachée, le sacrifice silencieux, l’espérance qui ne déçoit pas.
Dans les paroles d’Augustin, adressées à Dieu pour sa mère, nous trouvons la synthèse de son héritage spirituel : « Je ne puis dire assez combien mon âme lui est redevable, mon Dieu ; mais tu sais tout. Rends-lui par ta miséricorde ce qu’elle te demanda pour moi avec tant de larmes » (Conf., IX, 13).

À travers les événements de sa vie, sainte Monique a atteint le bonheur éternel qu’elle a elle-même défini : « Le bonheur consiste sans aucun doute à atteindre le but et à croire que nous pouvons le rejoindre par une foi ferme, une espérance vive, une charité ardente » (La Félicité 4,35).




Vers les hauteurs ! Saint Pier Giorgio Frassati

« Chers jeunes, notre espérance est Jésus. C’est Lui, comme le disait Saint Jean-Paul II, « qui suscite en vous le désir de faire de votre vie quelque chose de grand […], pour vous améliorer et améliorer la société, la rendant plus humaine et plus fraternelle » (XVe Journée Mondiale de la Jeunesse, Veillée de Prière, 19 août 2000). Restons unis à Lui, demeurons dans son amitié, toujours, en la cultivant par la prière, l’adoration, la Communion eucharistique, la Confession fréquente, la charité généreuse, comme nous l’ont enseigné les bienheureux Pier Giorgio Frassati et Carlo Acutis, qui seront bientôt proclamés Saints. Aspirez à de grandes choses, à la sainteté, où que vous soyez. Ne vous contentez pas de moins. Alors vous verrez grandir chaque jour, en vous et autour de vous, la lumière de l’Évangile » (Pape Léon XIV – homélie Jubilé des jeunes – 3 août 2025).

Pier Giorgio et Don Cojazzi
Le sénateur Alfredo Frassati, ambassadeur du Royaume d’Italie à Berlin, était le propriétaire et le directeur du quotidien La Stampa de Turin. Les Salésiens lui devaient une grande reconnaissance. À l’occasion du grand scandale connu sous le nom « L’affaire de Varazze », où l’on avait cherché à jeter le discrédit sur l’honorabilité des Salésiens, Frassati avait pris leur défense. Alors même que certains journaux catholiques semblaient perdus et désorientés face aux graves accusations, La Stampa, après une enquête rapide, avait anticipé les conclusions de la magistrature en proclamant l’innocence des Salésiens. Aussi, lorsque la famille Frassati demanda un Salésien pour suivre les études des deux enfants du sénateur, Pier Giorgio et Luciana, le Recteur Majeur Don Paolo Albera se sentit obligé d’accepter. Il envoya Don Antonio Cojazzi (1880-1953). C’était l’homme qu’il fallait : bonne culture, tempérament jeune et une capacité de communication exceptionnelle. Don Cojazzi avait obtenu une licence en lettres en 1905, en philosophie en 1906, et le diplôme d’aptitude à l’enseignement de la langue anglaise après un sérieux perfectionnement en Angleterre.
Chez les Frassati, Don Cojazzi devint plus qu’un simple « précepteur » qui suivait les enfants. Il devint un ami, surtout de Pier Giorgio, dont il dira : « Je l’ai connu à dix ans et je l’ai suivi pendant presque tout le collège et le lycée avec des leçons qui, les premières années, étaient quotidiennes ; je l’ai suivi avec un intérêt et une affection qui n’ont cessé de grandir ». Pier Giorgio, devenu l’un des jeunes leaders de l’Action Catholique de Turin, écoutait les conférences et les leçons que Don Cojazzi donnait aux membres du Cercle C. Balbo, suivait avec intérêt la Rivista dei Giovani, montait parfois à Valsalice en quête de lumière et de conseil dans les moments décisifs.

Un moment de notoriété
Pier Giorgio l’eut lors du Congrès National de la Jeunesse Catholique italienne, en 1921, quand cinquante mille jeunes défilèrent dans Rome en chantant et en priant. Pier Giorgio, étudiant en polytechnique, portait le drapeau tricolore du cercle turinois C. Balbo. Les troupes royales, tout à coup, encerclèrent l’énorme cortège et l’assaillirent pour arracher les drapeaux. On voulait empêcher les désordres. Un témoin raconta : « Ils frappent avec les crosses des mousquets, saisissent, brisent, arrachent nos drapeaux. Je vois Pier Giorgio aux prises avec deux gardes. Nous accourons à son aide, et le drapeau, avec la hampe brisée, reste dans ses mains. Emprisonnés de force dans une cour, les jeunes catholiques sont interrogés par la police. Le témoin se souvient du dialogue mené avec les manières et les courtoisies utilisées dans de telles circonstances :
– Et toi, comment t’appelles-tu ?
– Pier Giorgio Frassati, fils d’Alfredo.
– Que fait ton père ?
– Ambassadeur d’Italie à Berlin.
Stupeur, changement de ton, excuses, offre de liberté immédiate.
– Je sortirai quand les autres sortiront.
Pendant ce temps, le spectacle bestial continue. Un prêtre est jeté, littéralement jeté dans la cour avec sa soutane déchirée et une joue ensanglantée… Ensemble, nous nous sommes agenouillés par terre, dans la cour, quand ce prêtre blessé a levé son chapelet et a dit : « Oh ! les jeunes, pour nous et pour ceux qui nous ont frappés, prions ! »

Il aimait les pauvres
Pier Giorgio aimait les pauvres, il allait les chercher dans les quartiers les plus éloignés de la ville, montait les escaliers étroits et sombres, entrait dans les greniers où n’habitent que la misère et la douleur. Tout ce qu’il avait en poche était pour les autres, comme tout ce qu’il avait dans son cœur. Il arrivait à passer les nuits au chevet de malades inconnus. Une nuit où il ne rentrait pas, son père, de plus en plus anxieux, téléphona à la préfecture, aux hôpitaux. À deux heures du matin, il entendit la clé tourner dans la serrure et Pier Giorgio entra. Papa explosa :
– Écoute, tu peux rester dehors le jour, la nuit, personne ne te dit rien. Mais quand tu rentres si tard, préviens, téléphone !
Pier Giorgio le regarda, et avec sa simplicité habituelle répondit :
– Papa, là où j’étais, il n’y avait pas de téléphone.
Les Conférences Saint-Vincent de Paul le virent comme un collaborateur assidu ; les pauvres le connurent comme un consolateur et un secouriste ; les misérables greniers l’accueillirent souvent entre leurs murs sordides comme un rayon de soleil pour leurs habitants délaissés. D’une profonde humilité, il ne voulait pas que ce qu’il faisait soit connu de quiconque.

Mon beau et saint Giorgetto
Début juillet 1925, Pier Giorgio fut frappé et terrassé par une violente attaque de poliomyélite. Il avait 24 ans. Sur son lit de mort, alors qu’une terrible maladie dévastait son dos, il pensa encore à ses pauvres. Sur un billet, d’une écriture presque illisible, il écrivit pour l’ingénieur Grimaldi, son ami : Voici les injections de Converso, la police d’assurance est de Sappa. Je l’ai oubliée, pense à la renouveler.
De retour des funérailles de Pier Giorgio, Don Cojazzi écrit d’un trait un article pour la Rivista dei Giovani : « Je répéterai la vieille phrase, mais très sincère : je ne croyais pas l’aimer autant. Mon beau et saint Giorgetto ! Pourquoi ces mots me chantent-ils avec insistance dans le cœur ? Parce que je les ai entendus répéter, je les ai entendus prononcer pendant presque deux jours, par son père, sa mère, sa sœur, d’une voix qui disait toujours et ne répétait jamais. Et pourquoi me viennent en mémoire certains vers d’une ballade de Deroulède : « On parlera de lui longtemps, dans les palais dorés et dans les chaumières perdues ! Car les taudis et les greniers, où il passa tant de fois comme un ange consolateur, parleront aussi de lui. » Je l’ai connu à dix ans et je l’ai suivi pendant presque tout le collège et une partie du lycée… Je l’ai suivi avec une affection et un intérêt croissants jusqu’à sa transfiguration actuelle… J’écrirai sa vie. Il s’agit de la collecte de témoignages qui présentent la figure de ce jeune dans la plénitude de sa lumière, dans la vérité spirituelle et morale, dans le témoignage lumineux et contagieux de bonté et de générosité. »

Le best-seller de l’édition catholique
Encouragé et poussé également par l’archevêque de Turin, Mgr Giuseppe Gamba, Don Cojazzi se mit au travail avec ardeur. Les témoignages arrivèrent nombreux et qualifiés, ils furent ordonnés et examinés avec soin. La mère de Pier Giorgio suivait le travail, donnait des suggestions, fournissait du matériel. En mars 1928, la vie de Pier Giorgio est publiée. Luigi Gedda écrit : « Ce fut un succès retentissant. En seulement neuf mois, 30 000 exemplaires du livre furent épuisés. En 1932, 70 000 exemplaires avaient déjà été diffusés. En 15 ans, le livre sur Pier Giorgio atteignit 11 éditions, et fut peut-être le best-seller de l’édition catholique à cette époque. » La figure mise en lumière par Don Cojazzi fut un étendard pour l’Action Catholique pendant la période difficile du fascisme. En 1942, 771 associations de jeunes de l’Action Catholique, 178 sections aspirantes, 21 associations universitaires, 60 groupes d’étudiants du secondaire, 29 conférences de Saint-Vincent de Paul, 23 groupes d’Évangile… avaient pris le nom de Pier Giorgio Frassati. Le livre fut traduit dans au moins 19 langues. Le livre de Don Cojazzi marqua un tournant dans l’histoire de la jeunesse italienne. Pier Giorgio fut l’idéal désigné sans aucune réserve : quelqu’un qui a su démontrer qu’être chrétien jusqu’au bout n’est pas du tout utopique, ni fantastique.
Pier Giorgio Frassati marqua également un tournant dans l’histoire de Don Cojazzi. Ce billet écrit par Pier Giorgio sur son lit de mort lui révéla de manière concrète, presque brutale, le monde des pauvres. Don Cojazzi lui-même écrit : « Le Vendredi Saint de cette année (1928), avec deux universitaires, j’ai visité pendant quatre heures les pauvres en dehors de la Porta Metronia. Cette visite m’a procuré une leçon et une humiliation très salutaires. J’avais beaucoup écrit et parlé sur les Conférences Saint-Vincent de Paul… et pourtant je n’étais jamais allé une seule fois visiter les pauvres. Dans ces taudis sordides, les larmes me sont souvent venues aux yeux… La conclusion ? La voici claire et crue pour moi et pour vous : moins de belles paroles et plus de bonnes œuvres. »
Le contact vivant avec les pauvres n’est pas seulement une mise en œuvre immédiate de l’Évangile, mais une école de vie pour les jeunes. C’est la meilleure école pour les jeunes, pour les éduquer et les maintenir dans le sérieux de la vie. Qui va visiter les pauvres et touche du doigt leurs plaies matérielles et morales, comment peut-il gaspiller son argent, son temps, sa jeunesse ? Comment peut-il se plaindre de ses propres travaux et douleurs, quand il a connu, par expérience directe, que d’autres souffrent plus que lui ?

Ne pas vivoter, mais vivre !
Pier Giorgio Frassati est un exemple lumineux de sainteté juvénile, actuel, qui « cadre » avec notre époque. Il atteste une fois de plus que la foi en Jésus-Christ est la religion des forts et des vraiment jeunes, qui seule peut illuminer toutes les vérités avec la lumière du « mystère » et qui seule peut donner la joie parfaite. Son existence est le modèle parfait de la vie normale à la portée de tous. Lui, comme tous les disciples de Jésus et de l’Évangile, commença par les petites choses ; il atteignit les hauteurs les plus sublimes à force de se soustraire aux compromis d’une vie médiocre et sans signification et en employant son entêtement naturel dans de fermes résolutions. Tout, dans sa vie, lui fut un marchepied pour monter, même ce qui aurait dû être un obstacle. Parmi ses compagnons, il était l’animateur intrépide et exubérant de toute entreprise, attirant autour de lui tant de sympathie et tant d’admiration. La nature lui avait été généreuse : famille renommée, riche, esprit solide et pratique, physique imposant et robuste, éducation complète, rien ne lui manquait pour se faire une place dans la vie. Mais il n’entendait pas vivoter, mais plutôt conquérir sa place au soleil, en luttant. C’était une trempe d’homme et une âme de chrétien.
Sa vie avait en elle-même une cohérence qui reposait sur l’unité de l’esprit et de l’existence, de la foi et des œuvres. La source de cette personnalité si lumineuse était dans sa profonde vie intérieure. Frassati priait. Sa soif de la Grâce lui faisait aimer tout ce qui remplit et enrichit l’esprit. Il s’approchait chaque jour de la Sainte Communion, puis restait au pied de l’autel, longtemps, sans que rien ne puisse le distraire. Il priait sur les montagnes et en chemin. Ce n’était cependant pas une foi ostentatoire, même s’il faisait de grands signes de croix sur la voie publique en passant devant les églises, même s’il récitait le chapelet à haute voix, dans un wagon de chemin de fer ou dans une chambre d’hôtel. Mais c’était plutôt une foi vécue si intensément et sincèrement qu’elle jaillissait de son âme généreuse et franche avec une simplicité qui convainquait et émouvait. Sa formation spirituelle se renforçait dans les adorations nocturnes dont il fut un fervent promoteur et un participant assidu. Il fit plus d’une fois les exercices spirituels, qui lui procuraient sérénité et vigueur spirituelle.
Le livre de Don Cojazzi se termine par la phrase : « Il suffit de l’avoir connu ou d’avoir entendu parler de lui pour l’aimer, et l’aimer, c’est le suivre. » Le souhait est que le témoignage de Piergiorgio Frassati soit « sel et lumière » pour tous, surtout pour les jeunes d’aujourd’hui.




Don Bosco et l’église du Saint-Suaire

La Santa Sindone (Saint Linceul) de Turin, improprement appelée Saint Suaire en français, appartenait à la Maison de Savoie depuis 1463, et fut transférée de Chambéry à Turin, la nouvelle capitale, en 1578.
            C’est cette même année qu’eut lieu la première Ostension, voulue par Emmanuel-Philibert en hommage au cardinal Carlo Borromeo, venu en pèlerinage à Turin pour la vénérer.

Les ostensions du XIXe siècle et le culte du Saint-Suaire
            Au XIXe siècle, les ostensions eurent lieu en 1815, 1842, 1868 et 1898. La première eut lieu lors du retour de la Maison de Savoie dans ses États, la deuxième pour le mariage de Victor-Emmanuel II avec Marie-Adélaïde de Habsbourg-Lorraine, la troisième pour le mariage d’Humbert Ier avec Marguerite de Savoie-Gênes, et la quatrième lors de l’Exposition universelle.
            Les saints turinois du XIXe siècle (Cottolengo, Cafasso et Don Bosco) avaient une grande dévotion envers le Saint-Suaire, à l’instar du bienheureux Sebastiano Valfré, apôtre de Turin pendant le siège de 1706.
            Les Mémoires biographiques nous assurent que Don Bosco l’a vénéré en particulier lors de l’Ostension de 1842. À l’occasion de celle de 1868, il emmena avec lui les garçons de l’oratoire pour le voir (MB II, 117 ; IX, 137).
            Aujourd’hui, l’inestimable toile, offerte par Humbert II de Savoie au Saint-Siège, est confiée à l’archevêque de Turin, « gardien pontifical », et conservée dans la somptueuse chapelle Guarini, derrière la cathédrale.
            À Turin, on trouve également, via Piave, à l’angle de via San Domenico, la Chiesa del Santo Sudario, construite par la confrérie du même nom et reconstruite en 1761. À côté de l’église se trouve le musée du Saint-Suaire et le siège de la Sodalité Cultores Sanctae Sindonis, un centre d’études auquel des savants salésiens ont apporté leur précieuse contribution, notamment le Père Noël Noguier de Malijay, Don Antonio Tonelli, Don Alberto Caviglia, Don Pietro Scotti et, plus récemment, Don Pietro Rinaldi et Don Luigi Fossati, pour n’en citer que les principaux.

L’église du Saint-Suaire à Rome
            Une église du « Santo Sudario » existe également à Rome, le long de la rue du même nom, qui va du Largo Argentina parallèlement au Corso Vittorio. Érigée en 1604 sur un projet de Carlo di Castellamonte, c’était l’église des Piémontais, des Savoyards et des Niçois, construite par la Confraternité du Saint-Suaire qui avait vu le jour à Rome à cette époque. Après 1870, elle devint l’église particulière de la Maison de Savoie.
            Pendant ses séjours à Rome, Don Bosco célébra plusieurs fois la messe dans cette église. Pour cette église et pour la maison adjacente il élabora un projet conforme au but de la confrérie alors disparue : se consacrer à des œuvres de charité en faveur de la jeunesse abandonnée, des malades et des prisonniers.
            La confrérie avait cessé ses activités au début du siècle et la propriété et l’administration de l’église avaient été transférées à la Légation sarde auprès du Saint-Siège. Dans les années 1860, l’église nécessitait d’importants travaux de rénovation, à tel point qu’en 1868 elle fut temporairement fermée.
            Mais dès 1867, Don Bosco avait eu l’idée de proposer au gouvernement de lui céder l’usage et l’administration de l’église, en offrant sa collaboration en argent pour achever les travaux de restauration. Prévoyant peut-être l’entrée prochaine des troupes piémontaises à Rome, il souhaitait y ouvrir une maison. Il pensa pouvoir le faire avant que la situation ne se précipite, rendant plus difficile l’obtention de l’approbation du Saint-Siège et le respect des accords par l’État (MB IX, 415-416).
            Il présenta alors la demande au gouvernement. En 1869, lors de son passage à Florence, il prépara un projet d’accord qu’il présenta à Pie IX en arrivant à Rome. Ayant obtenu l’assentiment de ce dernier, il passa à la demande officielle au ministère des Affaires étrangères. Malheureusement, l’occupation de Rome vint alors compromettre toute l’affaire. Don Bosco lui-même se rendit compte de l’inopportunité d’insister. En effet, qu’une congrégation religieuse ayant sa maison-mère à Turin prenne en charge, à cette époque, une église romaine appartenant à la Maison de Savoie, aurait pu apparaître comme un acte d’opportunisme et de servilité à l’égard du nouveau gouvernement.
            En 1874, Don Bosco tâta de nouveau le terrain auprès du gouvernement. Mais, malheureusement, des nouvelles intempestives diffusées par les journaux mirent définitivement fin au projet (MB X, 1233-1235).
            Quant à nous, il nous plaît de rappeler que Don Bosco a jeté les yeux sur cette église du Saint-Suaire, à la recherche d’une occasion favorable pour ouvrir une maison à Rome.




Le titre de Basilique au Temple du Sacré-Cœur à Rome

A l’occasion du centenaire de la mort de Don Paul Albera, on a souligné comment le deuxième successeur de Don Bosco a réalisé ce que l’on pourrait qualifier de rêve de Don Bosco. En effet, trente-quatre ans après la consécration du temple du Sacré-Cœur à Rome, qui eut lieu en présence de Don Bosco, désormais épuisé (mai 1887), le pape Benoît XVI – le pape de la célèbre et inouïe définition de la Première Guerre mondiale comme « massacre inutile » – conféra à l’église le titre de Basilique mineure (11 février 1921). Pour sa construction, Don Bosco avait « donné son âme » (et son corps aussi !) au cours des sept dernières années de sa vie. Il avait fait de même au cours des vingt années précédentes (1865-1868) pour la construction de l’église Marie Auxiliatrice de Turin-Valdocco, la première église salésienne élevée à la dignité de basilique mineure le 28 juin 1911, en présence du nouveau Recteur Majeur, le Père Paul Albera.

Le résultat de la supplication
Mais comment en est-on arrivé là ? Qui en est à l’origine ? Nous le savons désormais avec certitude grâce à la découverte récente du brouillon dactylographié de la demande de ce titre par le Recteur Majeur, le Père Paolo Albera. Il est inclus dans un livret commémorant le 25e anniversaire du Sacré-Cœur, édité en 1905 par le directeur de l’époque, le père Francesco Tomasetti (1868-1953). Le tapuscrit, daté du 17 janvier 1921, comporte des corrections minimes de la part du Recteur Majeur mais, ce qui est important, porte sa signature autographe.
Après une description de l’œuvre de Don Bosco et de l’activité incessante de la paroisse, probablement tirée de l’ancien dossier, le Père Albera s’adresse au Pape en ces termes

« Alors que la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus grandit et se répand dans le monde entier, et que de nouveaux Temples sont dédiés au Divin Cœur, également grâce à la noble initiative des Salésiens, comme à S. Paolo au Brésil, à La Plata en Argentine, à Londres, à Barcelone et ailleurs, il semble que le premier Temple-Sanctuaire dédié au Sacré-Cœur de Jésus à Rome, où une dévotion aussi importante a une affirmation si digne de la Ville Éternelle, mérite une distinction spéciale. C’est pourquoi le soussigné, après avoir entendu l’avis du Conseil supérieur de la pieuse Société salésienne, prie humblement Votre Sainteté de daigner accorder au Temple-Sanctuaire du Sacré-Cœur de Jésus au Castro Pretorio à Rome le titre et les privilèges de Basilique mineure, espérant que cette honorable élévation augmentera la dévotion, la piété et toute activité catholique bénéfique ».

La supplique, en belle copie, signée par le père Albera, fut vraisemblablement envoyée par le procureur, le père Francesco Tomasetti, à la Sacrée Congrégation des Brefs, qui l’accueillit favorablement. Il s’empressa de rédiger le projet de Bref apostolique à conserver dans les Archives du Vatican, le fit transcrire par des calligraphes experts sur un riche parchemin et le transmit à la Secrétairie d’État pour la signature du titulaire du moment, le cardinal Pietro Gasparri.
Aujourd’hui, les fidèles peuvent admirer cet original de l’octroi du titre demandé, joliment encadré dans la sacristie de la basilique (voir photo).
Nous ne pouvons qu’être reconnaissants à la Dr Patrizia Buccino, spécialiste en archéologie et en histoire, et au père Giorgio Rossi, historien salésien, qui ont diffusé la nouvelle. C’est à eux qu’il revient de compléter l’enquête entamée en recherchant dans les archives du Vatican l’intégralité de la correspondance, qui sera également portée à la connaissance du monde scientifique par le biais de la célèbre revue d’histoire salésienne « Ricerche Storiche Salesiane ».

Le Sacré-Cœur : une basilique nationale au rayonnement international
Vingt-six ans auparavant, le 16 juillet 1885, à la demande de Don Bosco et avec le consentement explicite du Pape Léon XIII, Monseigneur Gaetano Alimonda, archevêque de Turin, avait chaleureusement exhorté les Italiens à participer au succès de la « noble et sainte proposition [du nouveau temple] en la qualifiant de vote national des Italiens ».
Or, le Père Albera, dans sa demande au pontife, après avoir rappelé l’appel pressant du Cardinal Alimonda, rappelle que toutes les nations du monde ont été invitées à contribuer économiquement à la construction, à la décoration du temple et des œuvres annexes (y compris l’inévitable oratoire salésien avec hospice !) afin que le Temple-Sanctuaire, en plus d’un vœu national, devienne une « manifestation mondiale ou internationale de la dévotion au Sacré-Cœur ».
À cet égard, dans un article historico-ascétique publié à l’occasion du premier centenaire de la consécration de la basilique (1987), l’érudit Armando Pedrini l’a définie comme : « Un temple qui est donc international en raison de la catholicité et de l’universalité de son message à tous les peuples », compte tenu également de la « position proéminente » de la basilique à côté de la gare ferroviaire dont l’internationalité est reconnue.
Rome-Termini n’est donc pas seulement une grande gare avec des problèmes d’ordre public et un territoire difficile à gérer, dont on parle souvent dans les journaux et comme les gares de nombreuses capitales européennes. Mais c’est aussi la Basilique du Sacré-Cœur de Jésus. Et si le soir et la nuit, la zone n’apporte pas la sécurité aux touristes, pendant la journée, la Basilique distribue la paix et la sérénité aux fidèles qui y entrent, s’y arrêtent pour prier, y reçoivent les sacrements.
Les pèlerins qui passeront par la gare de Termini dans une année sainte pas trop lointaine (2025) s’en souviendront-ils ? Ils n’auront qu’à traverser une rue… et le Sacré-Cœur de Jésus les attend.

PS. À Rome, il existe une deuxième basilique paroissiale salésienne, plus grande et plus riche sur le plan artistique que celle du Sacré-Cœur : il s’agit de celle de Saint Jean Bosco à Tuscolano, qui est devenue telle en 1965, quelques années après son inauguration (1959). Où se trouve-t-elle ? Évidemment dans le quartier Don Bosco (à deux pas des célèbres studios de Cinecittà). Si la statue du clocher de la basilique du Sacré-Cœur domine la place de la gare Termini, la coupole de la basilique de Don Bosco, légèrement inférieure à celle de Saint-Pierre, la regarde en revanche de face, bien que depuis deux points extrêmes de la capitale. Et comme il n’y a pas deux sans trois, il y a une troisième splendide basilique paroissiale salésienne à Rome : celle de Santa Maria Ausiliatrice, dans le quartier Appio-Tuscolano, à côté du grand Institut Pio XI.

Lettre apostolique intitulée Pia Societas, datée du 11 février 2021, par laquelle Sa Sainteté Benoît XV a élevé l’église du Sacré-Cœur de Jésus au rang de Basilique.

Ecclesia parochialis SS.mi Cordis Iesu ad Castrum Praetorium in urbe titulo et privilegiis Basilicae Minoris decoratur.
Benedictus pp. XV

            Ad perpetuam rei memoriam.
            Pia Societas sancti Francisci Salesii, a venerabili Servo Dei Ioanne Bosco iam Augustae Taurinorum condita atque hodie per dissitas quoque orbis regiones diffusa, omnibus plane cognitum est quanta sibi merita comparaverit non modo incumbendo actuose sollerterque in puerorum, orbitate laborantium, religiosam honestamque institutionem, verum etiam in rei catholicae profectum tum apud christianum populum, tum apud infideles in longinquis et asperrimis Missionibus. Eiusdem Societatis sodalibus est quoque in hac Alma Urbe Nostra ecclesia paroecialis Sacratissimo Cordi Iesu dicata, in qua, etsi non abhinc multos annos condita, eximii praesertim Praedecessoris Nostri Leonis PP. XIII iussu atque auspiciis, christifideles urbani, eorumdem Sodalium opera, adeo ad Dei cultum et virtutum laudem exercentur, ut ea vel cum antiquioribus paroeciis in honoris ac meritorum contentionem veniat. Ipsemet Salesianorum Sodalium fundator, venerabilis Ioannes Bosco, in nova Urbis regione, aere saluberrimo populoque confertissima, quae ad Gastrum Praetorium exstat, exaedificationem inchoavit istius templi, et, quasi illud erigeret ex gentis italicae voto et pietatis testimonio erga Sacratissimum Cor Iesu, stipem praecipue ex Italiae christifidelibus studiose conlegit; verumtamen pii homines ex ceteris nationibus non defuerunt, qui, in exstruendum perficiendumque templum istud, erga Ssmum Cor Iesu amore incensi, largam pecuniae vim contulerint. Anno autem MDCCCLXXXVII sacra ipsa aedes, secundum speciosam formam a Virginio Vespignani architecto delineatam, tandem perfecta ac sollemniter consecrata dedicataque est. Eamdem vero postea, magna cum sollertia, Sodales Salesianos non modo variis altaribus, imaginibus affabre depictis et statuis, omnique sacro cultui necessaria supellectili exornasse, verum etiam continentibus aedificiis iuventuti, ut tempora nostra postulant, rite instituendae ditasse, iure ac merito Praedecessores Nostri sunt » laetati, et Nos haud minore animi voluptate probamus. Quapropter cum dilectus filius Paulus Albera, hodiernus Piae Societatis sancti Francisci Salesii rector maior, nomine proprio ac religiosorum virorum quibus praeest, quo memorati templi Ssmi Cordi Iesu dicati maxime augeatur decus, eiusdem urbanae paroeciae fidelium fides et pietas foveatur, Nos supplex rogaverit, ut eidem templo dignitatem, titulum et privilegia Basilicae Minoris pro Nostra benignitate impertiri dignemur; Nos, ut magis magisque stimulos fidelibus ipsius paroeciae atque Urbis totius Nostrae ad Sacratissimum Cor Iesu impensius colendum atque adamandum addamus, nec non benevolentiam, qua Sodales Salesianos ob merita sua prosequimur, publice significemus, votis hisce piis annuendum ultro libenterque censemus. Quam ob rem, conlatis consiliis cum VV. FF. NN. S. R. E. Cardinalibus Congregationi Ss. Rituum praepositis, Motu proprio ac de certa scientia et matura deliberatione Nostris, deque apostolicae potestatis plenitudine, praesentium Litterarum tenore perpetuumque in modum, enunciatum templum Sacratissimo Cordi Iesu dicatum, in hac alma Urbe Nostra atque ad Castrum Praetorium situm, dignitate ac titulo Basilicae Minoris honestamus, cum omnibus et singulis honoribus, praerogativis, privilegiis, indultis quae aliis Minoribus Almae huius Urbis Basilicis de iure competunt. Decernentes praesentes Litteras firmas, validas atque efficaces semper exstare ac permanere, suosque integros effectus sortiri iugiter et obtinere, illisque ad quos pertinent nunc et in posterum plenissime suffragari; sicque rite iudicandum esse ac definiendum, irritumque ex nunc et inane fieri, si quidquam secus super his, a quovis, auctoritate qualibet, scienter sive ignoranter attentari contigerit. Non obstantibus contrariis quibuslibet.

            Datum Romae apud sanctum Petrum sub annulo Piscatoris, die XI februarii MCMXXI, Pontificatus Nostri anno septimo.
P. CARD. GASPARRI, a Secretis Status.

***

L’église paroissiale du Sacré-Cœur de Jésus, située près du Castrum Praetorium dans la ville, est honorée du titre et des privilèges de Basilique Mineure.
Benoît XV

Pour la mémoire éternelle de cette chose.
La Pieuse Société de Saint François de Sales, fondée par le vénérable Serviteur de Dieu Jean Bosco à Turin et aujourd’hui répandue dans les régions les plus éloignées du monde, a acquis des mérites reconnus de tous, non seulement en s’engageant activement et habilement dans l’éducation religieuse et honnête des enfants orphelins, mais aussi dans le progrès de la cause catholique, tant parmi le peuple chrétien que parmi les infidèles dans les Missions lointaines et très difficiles. Les membres de cette même Société possèdent également dans cette Ville Éternelle Notre église paroissiale dédiée au Sacré-Cœur de Jésus, dans laquelle, bien que fondée il n’y a pas si longtemps, sur l’ordre et sous les auspices de Notre éminent Prédécesseur le Pape Léon XIII, les fidèles urbains, grâce à l’œuvre de ces mêmes membres, sont tellement exercés au culte de Dieu et à la louange des vertus, qu’elle rivalise même avec les paroisses plus anciennes en termes d’honneur et de mérites. Le fondateur lui-même des Salésiens, le vénérable Jean Bosco, a commencé la construction de ce temple dans un nouveau quartier de la Ville, à l’air très sain et très peuplé, situé près du Castrum Praetorium, et, comme s’il l’érigeait selon le vœu du peuple italien et comme témoignage de piété envers le Sacré-Cœur de Jésus, il a recueilli avec zèle des aumônes principalement auprès des fidèles d’Italie ; cependant, des personnes pieuses d’autres nations n’ont pas manqué, qui, enflammées par l’amour envers le Sacré-Cœur de Jésus, ont contribué une somme d’argent considérable à la construction et à l’achèvement de ce temple. En l’an 1887, ce même édifice sacré, selon la belle forme dessinée par l’architecte Virginio Vespignani, fut enfin achevé et solennellement consacré et dédié. Nos Prédécesseurs se sont réjouis à juste titre et à bon droit de ce que les Salésiens aient ensuite, avec une grande habileté, non seulement orné ce même édifice de divers autels, d’images habilement peintes et de statues, et de tout le mobilier nécessaire au culte sacré, mais aussi qu’ils l’aient enrichi de bâtiments contigus pour l’éducation de la jeunesse, comme l’exigent nos temps, et Nous approuvons cela avec non moins de joie. C’est pourquoi, puisque notre cher fils Paul Albera, actuel recteur majeur de la Pieuse Société de Saint François de Sales, en son nom propre et au nom des religieux qu’il dirige, afin d’accroître au maximum la splendeur du temple susmentionné dédié au Sacré-Cœur de Jésus, et de favoriser la foi et la piété des fidèles de cette même paroisse urbaine, Nous a humblement demandé de daigner accorder à ce même temple la dignité, le titre et les privilèges de Basilique Mineure par Notre bienveillance ; Nous, afin d’inciter de plus en plus les fidèles de cette paroisse et de toute Notre Ville à cultiver et à aimer plus intensément le Sacré-Cœur de Jésus, et aussi pour manifester publiquement la bienveillance que Nous portons aux Salésiens en raison de leurs mérites, Nous estimons qu’il faut accéder volontiers et de bon gré à ces pieux vœux. C’est pourquoi, après avoir consulté Nos Vénérables Frères les Cardinaux de la Sainte Église Romaine préposés à la Congrégation des Sacrés Rites, de Notre propre Motu proprio et de Notre science certaine et mûre délibération, et en vertu de la plénitude de la puissance apostolique, par la teneur des présentes Lettres et de manière perpétuelle, Nous honorons le temple susmentionné dédié au Sacré-Cœur de Jésus, situé dans cette Ville Éternelle et près du Castrum Praetorium, de la dignité et du titre de Basilique Mineure, avec tous et chacun des honneurs, prérogatives, privilèges, indults qui reviennent de droit aux autres Basiliques Mineures de cette Ville Éternelle. Nous décrétons que les présentes Lettres sont et demeurent toujours fermes, valides et efficaces, qu’elles produisent et obtiennent toujours leurs pleins effets, et qu’elles profitent pleinement à ceux qu’elles concernent maintenant et à l’avenir ; et qu’il doit en être ainsi jugé et défini, et que tout ce qui serait tenté autrement à ce sujet, par quiconque, sous quelque autorité que ce soit, sciemment ou par ignorance, est nul et non avenu dès maintenant. Nonobstant toute disposition contraire.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, sous l’anneau du Pêcheur, le 11 février 1921, la septième année de Notre Pontificat.
P. CARD. GASPARRI, Secrétaire d’État.




Les prophéties de Malachie. Les papes et la fin du monde

Lesdites « Prophéties de Malachie » représentent l’un des textes prophétiques les plus fascinants et controversés sur le destin de l’Église catholique et du monde. Attribuées à Malachie d’Armagh, archevêque irlandais ayant vécu au XIIe siècle, ces prédictions décrivent brièvement, à travers d’énigmatiques devises latines, les souverains pontifes depuis Célestin II jusqu’au dernier pape, le mystérieux « Pierre Second ». Bien qu’elles soient considérées par les chercheurs comme des falsifications modernes remontant à la fin du XVIe siècle, les prophéties continuent de susciter débats, interprétations apocalyptiques et spéculations sur de possibles scénarios eschatologiques. Au-delà de leur authenticité, elles représentent néanmoins un puissant appel à la vigilance spirituelle et à l’attente consciente du jugement dernier.

Malachie d’Armagh. Biographie d’un « Boniface d’Irlande »
Malachie (en irlandais Máel Máedóc Ua Morgair, en latin Malachias) naquit vers 1094 près d’Armagh, dans une famille noble. Il reçut sa formation intellectuelle du savant Imhar O’Hagan et, malgré sa réticence initiale, fut ordonné prêtre en 1119 par l’archevêque Cellach. Après une période de perfectionnement liturgique au monastère de Lismore, Malachie entreprit une intense activité pastorale qui le conduisit à occuper des postes à responsabilité croissante. En 1123, comme Abbé de Bangor, il initia la restauration de la discipline sacramentelle ; nommé Évêque de Down et Connor en 1124, il poursuivit la réforme liturgique et pastorale et en 1132, devenu Archevêque d’Armagh, après de difficiles conflits avec les usurpateurs locaux, il libéra le siège primatial d’Irlande et promut la structure diocésaine sanctionnée par le synode de Ráth Breasail.

Durant son ministère, Malachie introduisit d’importantes réformes en adoptant la liturgie romaine, en remplaçant les héritages monastiques claniques par la structure diocésaine prescrite par le synode de Ráth Breasail (1111) et promut la confession individuelle, le mariage sacramentel et la confirmation.
Pour ces interventions réformatrices, saint Bernard de Clairvaux le compara à saint Boniface, l’apôtre de la Germanie.

Malachie effectua deux voyages à Rome (1139 et 1148) pour recevoir le pallium métropolitain pour les nouvelles provinces ecclésiastiques d’Irlande, et fut à cette occasion nommé légat pontifical. Au retour de son premier voyage, avec l’aide de saint Bernard de Clairvaux, il fonda l’abbaye cistercienne de Mellifont (1142), la première de nombreuses fondations cisterciennes en terre irlandaise. Il mourut lors d’un second voyage vers Rome, le 2 novembre 1148 à Clairvaux, dans les bras de saint Bernard, qui écrivit sa biographie intitulée « Vita Sancti Malachiae ».

En 1190, le pape Clément III le canonisa officiellement, faisant de lui le premier saint irlandais proclamé selon la procédure formelle de la Curie romaine.

La « Prophétie des Papes » : un texte qui apparaît quatre siècles plus tard
À la figure de cet archevêque réformateur fut associée, seulement au XVIe siècle, une collection de 112 devises qui décriraient autant de souverains pontifes : de Célestin II jusqu’à l’énigmatique « Pierre Second », destiné à assister à la destruction de la « ville aux sept collines ».
La première publication de ces prophéties remonte à 1595, lorsque le moine bénédictin Arnold Wion les inséra dans son ouvrage Lignum Vitae, les présentant comme un manuscrit rédigé par Malachie lors de sa visite à Rome en 1139.
Les prophéties consistent en de brèves phrases symboliques censées caractériser chaque pape par des références à son nom, son lieu de naissance, ses armoiries ou des événements significatifs de son pontificat. Ci-dessous sont rapportées les devises attribuées aux derniers souverains pontifes :

109 – De medietate Lunae (« De la moitié de la lune »)
Attribuée à Jean-Paul Ier, qui régna seulement un mois. Il fut élu le 26.08.1978, alors que la lune était au dernier quartier (25.08.1978), et mourut le 28.09.1978, quand la lune était au premier quartier (24.09.1978).

110 – De labore solis (« Du labeur du soleil »)
Attribuée à Jean-Paul II, qui guida l’Église pendant 26 ans, le troisième plus long pontificat de l’histoire après saint Pierre (34-37 ans) et le bienheureux Pie IX (plus de 31 ans). Il fut élu le 16.10.1978, peu après une éclipse solaire partielle (02.10.1978), et mourut le 02.04.2005, quelques jours avant une éclipse solaire annulaire (08.04.2005).

111 – Gloria olivae (« Gloire de l’olivier »)
Attribuée à Benoît XVI (2005-2013). Le cardinal Ratzinger, engagé dans le dialogue œcuménique et interreligieux, choisit le nom de Benoît XVI en continuité avec Benoît XV, pape qui œuvra pour la paix durant la Première Guerre Mondiale, comme il l’expliqua lui-même lors de sa première Audience Générale du 27 avril 2005 (la paix est symbolisée par le rameau d’olivier apporté par la colombe à Noé à la fin du Déluge). Ce lien symbolique fut ultérieurement renforcé par la canonisation, en 2009, de Bernard Tolomei (1272-1348), fondateur de la congrégation bénédictine de Sainte-Marie-du-Mont-Olivet (Moines Olivétains).

112[a] – In persecutione extrema Sanctae Romanae Ecclesiae sedebit
Celle-ci n’est pas proprement une devise, mais une phrase introductive. Dans l’édition originale de 1595, elle apparaît comme une ligne à part, suggérant la possibilité d’insérer d’autres papes entre Benoît XVI et le pape prophétisé sous le nom de « Pierre Second ». Cette interprétation contredirait celle qui identifie nécessairement le Pape François comme le dernier souverain pontife.

112[b] – Petrus Secundus
Fait référence au dernier pape (l’Église a eu comme premier pontife saint Pierre et aura comme dernier pape un autre Pierre) qui guidera les fidèles en des temps de tribulation.
Le paragraphe entier de la prophétie dit :
« In persecutione extrema Sanctae Romanae Ecclesiae sedebit Petrus Secundus, qui pascet oves in multis tribulationibus; quibus transactis, Civitas septicollis diruetur, et Iudex tremendus judicabit populum suum. Amen. »
« Pendant l’ultime persécution de la Sainte Église Romaine siégera Pierre Second, qui paîtra les brebis au milieu de nombreuses tribulations ; à la fin de celles-ci, la ville aux sept collines [Rome] sera détruite, et le Juge redoutable jugera son peuple. Amen. »
« Pierre Second » serait donc le dernier souverain pontife avant la fin des temps, avec une claire référence apocalyptique à la destruction de Rome et au jugement dernier.

Spéculations contemporaines
Au cours de ces dernières années, les interprétations spéculatives se sont multipliées : certains identifient le pape François comme le 112e et dernier pontife, d’autres supposent qu’il est un pape de transition vers le véritable dernier pape, et certains vont même jusqu’à prévoir 2027 comme possible date de la fin des temps.
Cette dernière hypothèse se base sur un curieux calcul : de la première élection papale mentionnée dans la prophétie (Célestin II en 1143) jusqu’à la première publication du texte (durant le pontificat de Sixte V, 1585-1590) s’écoulèrent environ 442 ans ; en suivant la même logique, et en ajoutant 442 autres années depuis la publication, on arriverait à 2027. Ces spéculations, toutefois, manquent de fondement scientifique, car le manuscrit original ne contient aucune référence chronologique explicite.

L’authenticité contestée
Dès l’apparition du texte, de nombreux historiens ont exprimé des doutes sur son authenticité pour diverses raisons :
– absence de manuscrits anciens : il n’existe aucune copie datable d’avant 1595 ;
– style linguistique : le latin utilisé est typique du XVIe siècle, non du XIIe ;
– précision rétrospective : les devises se référant aux papes antérieurs au conclave de 1590 sont étonnamment précises, tandis que celles qui suivent s’avèrent beaucoup plus vagues et facilement adaptables à des événements postérieurs ;
– finalités politiques : à une époque de fortes tensions entre factions curiales, une telle liste prophétique aurait pu influencer l’électorat cardinalice lors du Conclave de 1590.

La position de l’Église
La doctrine catholique enseigne, comme le rapporte le Catéchisme, que le destin de l’Église ne peut être différent de celui de son Chef, Jésus-Christ. Les paragraphes 675-677 décrivent « L’ultime épreuve de l’Église » :

Avant l’avènement du Christ, l’Église doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants. La persécution qui accompagne son pèlerinage sur la terre dévoilera le « mystère d’iniquité » sous la forme d’une imposture religieuse apportant aux hommes une solution apparente à leurs problèmes au prix de l’apostasie de la vérité. L’imposture religieuse suprême est celle de l’Anti-Christ, c’est-à-dire celle d’un pseudo-messianisme où l’homme se glorifie lui-même à la place de Dieu et de son Messie venu dans la chair.
Cette imposture antichristique se dessine déjà dans le monde chaque fois que l’on prétend accomplir dans l’histoire l’espérance messianique qui ne peut s’achever qu’au-delà d’elle à travers le jugement eschatologique. Même sous sa forme mitigée, l’Église a rejeté cette falsification du Royaume à venir sous le nom de millénarisme, surtout sous la forme politique d’un messianisme sécularisé, « intrinsèquement pervers ».
L’Église n’entrera dans la gloire du Royaume qu’à travers cette ultime Pâque où elle suivra son Seigneur dans sa mort et sa Résurrection. Le Royaume ne s’accomplira donc pas par un triomphe historique de l’Église selon un progrès ascendant mais par une victoire de Dieu sur le déchaînement ultime du mal qui fera descendre du Ciel son Épouse. Le triomphe de Dieu sur la révolte du mal prendra la forme du jugement dernier après l’ultime ébranlement cosmique de ce monde qui passe.

En même temps, la doctrine catholique officielle invite à la prudence, se fondant sur les paroles mêmes de Jésus :
« Plusieurs faux prophètes surgiront, et ils séduiront beaucoup de gens » (Mt 24,11).
« Car il surgira des faux Christs et des faux prophètes; ils feront de grands prodiges et des miracles, au point de séduire, s’il était possible, même les élus » (Mt 24,24).

L’Église souligne, suivant l’Évangile de Matthieu (Mt 24,36), que le moment de la fin du monde ne peut être connu des hommes, mais seulement de Dieu lui-même. Et le Magistère officiel – Le Catéchisme (n. 673-679) – réaffirme que personne ne peut « lire » l’heure du retour du Christ.

Les prophéties attribuées à Saint Malachie n’ont jamais reçu d’approbation officielle de l’Église. Cependant, au-delà de leur authenticité historique, elles nous rappellent une vérité fondamentale de la foi chrétienne : la fin des temps arrivera, comme Jésus l’a enseigné.

Depuis deux mille ans, les hommes réfléchissent à cet événement eschatologique, oubliant souvent que la « fin des temps » pour chacun coïncide avec le terme de sa propre existence terrestre. Qu’importe si notre fin de vie coïncidera avec la fin des temps ? Pour beaucoup, ce ne sera pas le cas. Ce qui compte vraiment, c’est de vivre authentiquement la vie chrétienne au quotidien, en suivant les enseignements du Christ et en étant toujours prêts à rendre compte au Créateur et Rédempteur des talents reçus. L’avertissement de Jésus reste toujours actuel : « Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur viendra » (Mt 24,42).
Dans cette optique, le mystère de « Pierre Second » ne représente pas tant une menace de ruine qu’une invitation à la conversion constante et à la confiance dans le dessein divin de salut.




Don Pietro Ricaldone renaît à Mirabello Monferrato

Don Pietro Ricaldone (Mirabello Monferrato, 27 avril 1870 – Rome, 25 novembre 1951) fut le quatrième successeur de Don Bosco à la tête des Salésiens, un homme d’une vaste culture, d’une profonde spiritualité et d’un grand amour pour les jeunes. Né et élevé au milieu des collines du Monferrat, il porta toujours en lui l’esprit de cette terre, le traduisant dans un engagement pastoral et éducatif qui allait faire de lui une figure d’envergure internationale. Aujourd’hui, les habitants de Mirabello Monferrato souhaitent le faire revivre dans sa patrie.

Le Comité Don Pietro Ricaldone : renaissance d’un héritage (2019)
En 2019, un groupe d’anciens et anciennes élèves, d’historiens et de passionnés des traditions locales a créé le Comité Don Pietro Ricaldone à Mirabello Monferrato. L’objectif – simple et ambitieux à la fois – a été dès le début de replacer la figure de Don Pietro au cœur du village et des jeunes, afin que son histoire et son héritage spirituel ne se perdent pas.

Pour préparer le 150e anniversaire de sa naissance (1870–2020), le Comité a exploré les Archives Historiques Municipales de Mirabello et les Archives Historiques Salésiennes, découvrant des lettres, des notes et d’anciens volumes. De ce travail est née une biographie illustrée, conçue pour les lecteurs de tous âges, où la personnalité de Ricaldone se révèle de manière claire et captivante. La collaboration avec Don Egidio Deiana, spécialiste de l’histoire salésienne, a été fondamentale durant cette phase.

En 2020, une série d’événements était prévue – expositions photographiques, concerts, spectacles de théâtre et de cirque – tous centrés sur la mémoire de Don Pietro. Bien que la pandémie ait obligé à reprogrammer une grande partie des festivités, un événement commémoratif a eu lieu en juillet de la même année, comprenant une exposition photographique sur les étapes de la vie de Ricaldone, une animation pour enfants avec des ateliers créatifs et une célébration solennelle, en présence de quelques Supérieurs Salésiens.
Cette rencontre a marqué le début d’une nouvelle saison d’attention portée à la commune de Mirabello.

Au-delà du 150e : le concert pour le 70e anniversaire de sa mort
L’enthousiasme suscité par la redécouverte de la figure de Don Pietro Ricaldone a conduit le Comité à prolonger ses activités au-delà du 150e anniversaire.
En vue du 70e anniversaire de sa mort (25 novembre 1951), le Comité a organisé un concert intitulé « Hâter l’aube radieuse du jour tant désiré », une phrase tirée de la circulaire de Don Pietro sur le Chant Grégorien de 1942.
En pleine Seconde Guerre mondiale, Don Pietro – alors Recteur Majeur – écrivit une célèbre circulaire sur le Chant Grégorien dans laquelle il soulignait l’importance de la musique comme voie privilégiée pour ramener les cœurs des hommes à la charité, à la douceur et surtout à Dieu : « D’aucuns s’étonneront peut-être que, dans un tel fracas d’armes, je vous invite à vous occuper de musique. Pourtant, je pense que même sans avoir recours à la mythologie, ce thème répond pleinement aux exigences de l’heure présente. Tout ce qui peut exercer une influence éducative et ramener les hommes aux sentiments de charité et de douceur, et surtout à Dieu, doit être pratiqué par nous, avec diligence et sans délai, pour hâter l’aube radieuse du jour tant désiré ».

Promenades et racines salésiennes : la « Promenade de Don Bosco »
Bien qu’initialement conçu comme un hommage à Don Ricaldone, le Comité a fini par promouvoir à nouveau la figure de Don Bosco et toute la tradition salésienne, dont Don Pietro fut l’héritier et le protagoniste.
Depuis 2021, chaque deuxième dimanche d’octobre, le Comité organise la « Promenade de Don Bosco » en proposant le pèlerinage que Don Bosco effectua avec les jeunes de Mirabello à Lu Monferrato du 12 au 17 octobre 1861. Durant ces cinq jours, on mit au point les détails du premier collège salésien hors de Turin, confié au Bienheureux Michel Rua avec Don Albera parmi les enseignants. Même si l’initiative ne concerne pas directement Don Pietro, elle souligne ses racines et son lien avec la tradition salésienne locale qu’il a lui-même promue.

Hospitalité et échanges culturels
Le Comité a favorisé l’accueil de groupes de jeunes, d’écoles professionnelles et de salésiens du monde entier. Certaines familles offrent l’hospitalité gratuitement, renouvelant ainsi la fraternité typique de Don Bosco et de Don Pietro. En 2023, un groupe nombreux de la Crocetta a fait étape à Mirabello, tandis que chaque été arrivent des groupes internationaux accompagnés par Don Egidio Deiana. Chaque visite est un dialogue entre mémoire historique et joie des jeunes.

Le 30 mars 2025, près de cent capitulaires salésiens ont fait étape à Mirabello, sur les lieux où Don Bosco ouvrit son premier collège hors de Turin et où Don Pietro vécut ses années de formation. Le Comité, en collaboration avec la Paroisse et l’Office de Tourisme Pro Loco, a organisé l’accueil et réalisé une vidéo de vulgarisation sur l’histoire salésienne locale, appréciée par tous les participants.
Les initiatives se poursuivent et aujourd’hui, le Comité, sous la conduite de son président, collabore à la création du Chemin de Don Bosco dans le Montferrat, un itinéraire spirituel d’environ 200 km empruntant les routes automnales parcourues par le Saint. L’objectif est d’obtenir la reconnaissance officielle au niveau régional, mais aussi d’offrir aux pèlerins une expérience de formation et d’évangélisation. Les promenades des jeunes de Don Bosco étaient en effet des expériences de formation et d’évangélisation. C’est ce même esprit que Don Pietro Ricaldone a défendu et promu par la suite tout au long de son rectorat.

La mission du Comité : maintenir vivante la mémoire de Don Pietro
Derrière chaque initiative se trouve la volonté de mettre en lumière l’œuvre éducative, pastorale et culturelle de Don Pietro Ricaldone. Les fondateurs du Comité conservent des souvenirs personnels d’enfance et désirent transmettre aux nouvelles générations les valeurs de foi, de culture et de solidarité qui animaient le prêtre de Mirabello. À une époque où de nombreux repères vacillent, redécouvrir le parcours de Don Pietro signifie offrir un modèle de vie capable d’éclairer le présent : « Là où passent les Saints, Dieu marche avec eux et rien n’est plus comme avant » (Saint Jean-Paul II).
Le Comité Don Pietro Ricaldone se fait le porte-parole de cet héritage. Il espère que la mémoire d’un grand fils de Mirabello continuera d’éclairer le chemin pour les générations futures, traçant une voie sûre faite de foi, de culture et de solidarité.




Faut-il encore se confesser ?

Le sacrement de la confession, souvent négligé dans l’agitation contemporaine, reste pour l’Église catholique une source irremplaçable de grâce et de renouveau intérieur. Nous invitons à redécouvrir sa signification originelle : non pas un rite formel, mais une rencontre personnelle avec la miséricorde de Dieu, instituée par le Christ lui-même et confiée au ministère de l’Église. À une époque qui relativise le péché, la confession se révèle être une boussole pour la conscience, un remède pour l’âme et une porte grande ouverte vers la paix du cœur.

Le Sacrement de la Confession : une nécessité pour l’âme 
Dans la tradition catholique, le Sacrement de la Confession – aussi appelé Sacrement de la Réconciliation ou de la Pénitence – occupe une place centrale dans le cheminement de la foi. Ce n’est pas un simple acte formel ni une pratique réservée à quelques fidèles particulièrement fervents, mais une nécessité profonde qui concerne chaque chrétien, appelé à vivre dans la grâce de Dieu. À une époque où la notion de péché tend à être relativisée, redécouvrir la beauté et la force libératrice de la Confession est essentiel pour répondre pleinement à l’amour de Dieu.

Jésus-Christ lui-même a institué le Sacrement de la Confession. Après sa Résurrection, Il apparut aux Apôtres et dit : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils seront retenus » (Jn 20,22-23). Ces paroles ne sont pas symboliques : elles établissent un pouvoir réel et concret confié aux Apôtres et, par succession, à leurs successeurs, les évêques et les prêtres.

Le pardon des péchés ne se fait donc pas seulement entre l’homme et Dieu de manière privée, mais il passe aussi par le ministère de l’Église. Dieu, dans son dessein de salut, a voulu que la confession personnelle devant un prêtre soit le moyen ordinaire pour recevoir Son pardon.

La réalité du péché 
Pour comprendre la nécessité de la Confession, il faut d’abord prendre conscience de la réalité du péché. 
Saint Paul affirme : « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3,23). Et : « Si nous disons que nous n’avons pas péché, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n’est pas en nous » (1Jn 1,8). 
Personne ne peut se dire exempt de péché, même après le Baptême, qui nous a purifiés de la faute originelle. Notre nature humaine, blessée par la concupiscence, nous pousse continuellement à tomber, à trahir l’amour de Dieu par des actes, des paroles, des omissions et des pensées. 
Saint Augustin écrit : « C’est vrai : la nature de l’homme fut créée à l’origine sans faute ni vice ; en revanche, la nature actuelle de l’homme, dans laquelle chacun naît d’Adam, a désormais besoin d’un Médecin, car elle n’est pas saine. Certes, tous les biens qu’elle possède dans sa structure, dans la vie, dans les sens et dans l’esprit, elle les reçoit du Dieu suprême, son créateur et artisan. Le vice, qui obscurcit et affaiblit ces biens naturels, et qui fait que la nature humaine a besoin de lumière et de soin, ne vient pas de son artisan irréprochable, mais du péché originel commis par le libre arbitre. » (La nature et la grâce).

Nier l’existence du péché revient à nier la vérité sur nous-mêmes. Ce n’est qu’en reconnaissant notre besoin de pardon que nous pouvons nous ouvrir à la miséricorde de Dieu, qui ne se lasse jamais de nous appeler à Lui.

La Confession : rencontre avec la Miséricorde Divine 
Le Sacrement de la Confession est avant tout une rencontre personnelle avec la Miséricorde divine. Ce n’est pas simplement une auto-accusation ou une séance d’auto-analyse ; c’est un acte d’amour de la part de Dieu qui, comme le père dans la parabole du fils prodigue (Lc 15,11-32), court au-devant du fils repentant, l’embrasse et le revêt d’une nouvelle dignité.

Le Catéchisme de l’Église Catholique affirme : « Ceux qui s’approchent du sacrement de la Pénitence reçoivent de la miséricorde de Dieu le pardon des offenses faites à Lui et se réconcilient en même temps avec l’Église, à laquelle ils ont infligé une blessure par le péché et qui coopère à leur conversion par la charité, l’exemple et la prière. » (CEC, 1422).

Se confesser, c’est se laisser aimer, guérir et renouveler. C’est accueillir le don d’un cœur nouveau.

Pourquoi se confesser à un prêtre ? 
Une des objections les plus courantes est : « Pourquoi dois-je me confesser à un prêtre ? Ne puis-je pas me confesser directement à Dieu ? » Certes, chaque fidèle peut – et doit – s’adresser directement à Dieu par une prière de repentir. Cependant, Jésus a établi un moyen concret, visible et sacramentel pour le pardon : la confession à un ministre ordonné. Et cela vaut pour chaque chrétien, y compris les prêtres, évêques et papes.

Le prêtre agit in persona Christi, c’est-à-dire en la personne du Christ lui-même. Il écoute, juge, absout et offre des conseils spirituels. Il ne s’agit pas d’une médiation humaine qui limiterait l’amour de Dieu, mais d’une garantie offerte par le Christ lui-même : le pardon est communiqué de manière visible, et le fidèle peut en avoir la certitude.

De plus, se confesser devant un prêtre exige l’humilité, une vertu indispensable à la croissance spirituelle. Reconnaître ouvertement ses fautes nous libère du joug de l’orgueil et nous ouvre à la vraie liberté des enfants de Dieu.

Il ne suffit pas de se confesser une fois par an, comme l’exige le minimum de la loi ecclésiastique. Les saints et maîtres spirituels ont toujours recommandé la confession fréquente – même bihebdomadaire ou hebdomadaire – comme moyen de progrès dans la vie chrétienne.

Saint Jean-Paul II se confessait chaque semaine. Sainte Thérèse de Lisieux, bien que moniale carmélite cloîtrée, se confessait régulièrement. La confession fréquente permet d’affiner la conscience, de corriger des défauts enracinés et de recevoir de nouvelles grâces.

Obstacles à la confession 
Malheureusement, beaucoup de fidèles négligent aujourd’hui le Sacrement de la Réconciliation. Parmi les principales raisons, on trouve :

La honte : craindre le jugement du prêtre. Mais le prêtre n’est pas là pour condamner, mais pour être un instrument de miséricorde.

La peur que les péchés confessés soient rendus publics : les confesseurs ne peuvent révéler à personne, en aucune circonstance (y compris aux plus hautes autorités ecclésiastiques), les péchés entendus en confession, même au prix de leur vie. S’ils le font, ils encourent immédiatement l’excommunication latae sententiae (canon 1386, Code de droit canonique). L’inviolabilité du secret sacramentel n’admet aucune exception ni dispense. Et ces conditions s’appliquent même si la Confession n’est pas terminée par l’absolution sacramentelle. Même après la mort du pénitent, le confesseur est tenu de respecter le secret sacramentel.

Le manque du sens du péché : dans une culture qui minimise le mal, on risque de ne plus reconnaître la gravité de ses fautes.

La paresse spirituelle : remettre la Confession à plus tard est une tentation courante qui refroidit la relation avec Dieu.

Les fausses convictions théologiques : certains croient à tort qu’il suffit de « se repentir dans le cœur » sans avoir besoin de la Confession sacramentelle.

Le fait de désespérer du salut : certains pensent qu’il n’y aura plus de pardon pour eux. Saint Augustin dit : « Certains, en effet, après être tombés dans le péché, se perdent encore davantage par désespoir. Non seulement ils négligent le remède de la repentance, mais deviennent esclaves de leurs passions et désirs dépravés pour satisfaire des convoitises honteuses et répréhensibles, comme s’ils perdaient ce à quoi les pousse la convoitise en ne cédant pas, convaincus d’être déjà au bord de la damnation certaine. Contre cette maladie extrêmement dangereuse et nuisible, il est utile de se souvenir des péchés dans lesquels sont tombés même les justes et les saints. » (ibid.)

Pour surmonter ces obstacles, il faut demander conseil à ceux qui peuvent en donner, s’instruire, prier.

Bien se préparer à la confession 
Une bonne confession demande une préparation adéquate, qui comprend :

1. Examen de conscience : réfléchir sincèrement à ses péchés, en s’aidant aussi de listes basées sur les Dix Commandements, les péchés capitaux ou les Béatitudes.

2. Contrition : douleur sincère d’avoir offensé Dieu, et non seulement peur de la punition.

3. Résolution de s’amender : désir réel de changer de vie, d’éviter le péché futur.

4. Accusation intégrale des péchés : avouer tous les péchés mortels de manière complète, en précisant la nature et le nombre (si possible).

5. Pénitence : accepter et accomplir l’œuvre réparatrice proposée par le confesseur.

Les effets de la Confession 
Se confesser ne produit pas seulement un effacement extérieur du péché. Les effets intérieurs sont profonds et transformateurs :

Réconciliation avec Dieu : Le péché rompt la communion avec Dieu ; la Confession la rétablit, nous ramenant à la pleine amitié divine.

Paix et sérénité intérieure : Recevoir l’absolution apporte une paix profonde. La conscience est libérée du poids de la culpabilité et ressent une joie nouvelle.

Force spirituelle : Par la grâce sacramentelle, le pénitent reçoit une force spéciale pour combattre les tentations futures et grandir dans les vertus.

Réconciliation avec l’Église : Étant donné que chaque péché nuit aussi au Corps Mystique du Christ, la Confession répare aussi notre lien avec la communauté ecclésiale.

La vitalité spirituelle de l’Église dépend aussi du renouvellement personnel de ses membres. Les chrétiens qui redécouvrent le Sacrement de la Confession deviennent presque sans s’en rendre compte plus ouverts aux autres, plus missionnaires, plus capables de rayonner la lumière de l’Évangile dans le monde. 
Seul celui qui a expérimenté le pardon de Dieu peut l’annoncer avec conviction aux autres.

Le Sacrement de la Confession est un don immense et irremplaçable. C’est la voie ordinaire par laquelle le chrétien peut revenir à Dieu chaque fois qu’il s’en éloigne. Ce n’est pas un fardeau, mais un privilège ; pas une humiliation, mais une libération.

Nous sommes donc appelés à redécouvrir ce Sacrement dans sa vérité et sa beauté, à le pratiquer avec un cœur ouvert et confiant, et à le proposer avec joie aussi à ceux qui se sont éloignés. Comme le dit le psalmiste : « Heureux l’homme à qui la faute est remise, à qui le péché est pardonné » (Ps 32,1).

Aujourd’hui plus que jamais, le monde a besoin d’âmes purifiées et réconciliées, capables de témoigner que la miséricorde de Dieu est plus forte que le péché. Si nous ne l’avons pas fait à Pâques, profitons du mois marial de mai et approchons-nous sans peur de la Confession : là nous attend le sourire d’un Père qui ne cesse jamais de nous aimer.




Habemus Papam : Léon XIV

Le 8 mai 2025, jour de la mémoire de la Bienheureuse Vierge du Rosaire de Pompéi, le cardinal Robert Francis Prevost (69 ans) a été élu 267e pontife. Il est le premier pape né aux États-Unis et a choisi le nom de Léon XIV.


Voici son profil biographique essentiel

Naissance : 14 septembre 1955, Chicago (Illinois, États-Unis)
Famille : Louis Marius Prevost (d’origine française et italienne) et Mildred Martínez (d’origine espagnole) ; ses frères Louis Martin et John Joseph
Langues : anglais, espagnol, italien, portugais et français ; lit le latin et l’allemand
Surnom au Pérou : « Latin Yankee » – synthèse de sa double culture
Nationalité : américaine et péruvienne

Formation
– Petit séminaire augustinien (1973)
– Licence en mathématiques, Université de Villanova (1977)
– Master en théologie, Catholic Theological Union, Chicago (1982)
– Licence en droit canonique, Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin – Angelicum (1984)
– Doctorat en droit canonique, Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin – Angelicum (1987), avec une thèse intitulée : « Le rôle du prieur local de l’Ordre de Saint-Augustin »
– Profession religieuse : noviciat Saint-Louis de la province Notre-Dame du Bon Conseil de l’Ordre de Saint-Augustin (1977)
– Vœux solennels (29.08.1981)
– Ordination sacerdotale : 19.06.1982, Rome (par l’archevêque Jean Jadot)

Ministère et fonctions principales
1985-1986 : Missionnaire à Chulucanas, Piura (Pérou)
1987 : Directeur des vocations et directeur des missions de la province augustinienne « Mère du Bon Conseil » d’Olympia Fields, dans l’Illinois (États-Unis)
1988 : Envoyé en mission à Trujillo (Pérou) comme directeur du projet de formation commune des aspirants augustiniens des vicariats de Chulucanas, Iquitos et Apurímac
1988-1992 : Directeur de la communauté
1992-1998 : Enseignant des profès
1989-1998 : Vicaire judiciaire de l’archidiocèse de Trujillo, professeur de droit canonique, de patristique et de morale au Grand Séminaire « San Carlos y San Marcelo »
1999 : Prieur provincial de la province « Mère du Bon Conseil » (Chicago)
2001-2013 : Prieur général des Augustins pour deux mandats (environ 2 700 religieux dans 50 pays)
2013 : enseignant des profès et vicaire provincial dans sa province (Chicago)
2014 : Administrateur apostolique du diocèse de Chiclayo et évêque titulaire de Sufar, Pérou (nomination épiscopale le 03.11.2014)
2014 : consécration épiscopale, en la fête de Notre-Dame de Guadalupe (12.12.2014)
2015 : nommé évêque de Chiclayo (26 septembre 2015)
2018 : 2e vice-président de la Conférence épiscopale du Pérou (8 mars 2018 – 30 janvier 2023)
2020 : Administrateur apostolique de Callao, Pérou (15 avril 2020 – 17 avril 2021)
2023 : Archevêque ad personam (30 janvier 2023 – 30 septembre 2023)
2023 : Préfet du Dicastère pour les Évêques (30.01.2023 [12.04.2023] – 09.05.2025)
2023 : Président de la Commission pontificale pour l’Amérique latine (30 janvier 2023 [12 avril 2023] – 9 mai 2025)
2023 : Créé cardinal-diacre, titulaire de Sainte-Monique des Augustins (30.09.2023 [28.01.2024] – 06.02.2025)
2025 : Promu cardinal-évêque du diocèse suburbicaire d’Albano (06.02.2025 – 08.05.2025)
2025 : Élu Souverain Pontife (08.05.2025)

Service dans la Curie romaine
Il a été membre des dicastères pour l’Évangélisation, Section pour la première évangélisation et les nouvelles Églises particulières ; pour la Doctrine de la Foi ; pour les Églises orientales ; pour le Clergé ; pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique ; pour la Culture et l’Éducation ; pour les Textes législatifs, et de la Commission pontificale pour l’État de la Cité du Vatican

Que le Saint-Esprit illumine son ministère, comme il l’a fait pour le grand saint Augustin.
Prions pour un pontificat fécond et riche d’espérance !




Élection du 266e successeur de saint Pierre

Chaque décès ou renonciation d’un Pontife ouvre l’une des phases les plus délicates de la vie de l’Église catholique : l’élection du Successeur de saint Pierre. Bien que le dernier conclave remonte à mars 2013, lorsque Jorge Mario Bergoglio est devenu le pape François, comprendre comment on élit un pape reste fondamental pour saisir le fonctionnement d’une institution millénaire qui influence plus de 1,3 milliard de fidèles et — indirectement — la géopolitique mondiale.

1. La vacance du siège
Tout commence par la vacance du siège, c’est-à-dire la période qui s’écoule entre la mort (ou la renonciation) du Pontife régnant et l’élection du nouveau. La Constitution apostolique Universi Dominici Gregis, promulguée par Jean-Paul II le 22 février 1996 et mise à jour par Benoît XVI en 2007 et 2013, établit des procédures détaillées.

Constatation de la vacance
En cas de décès, le Cardinal Camerlingue — aujourd’hui le cardinal Kevin Farrell — constate officiellement le décès, ferme et scelle l’appartement pontifical, et notifie l’événement au Cardinal Doyen du Collège cardinalice.
En cas de renonciation, la vacance du siège prend effet à l’heure indiquée dans l’acte de démission, comme ce fut le cas à 20h00 le 28 février 2013 pour Benoît XVI.

Administration ordinaire
Pendant la vacance du siège, le Camerlingue gère matériellement le patrimoine du Saint-Siège mais ne peut accomplir d’actes qui relèvent exclusivement du Pontife (nominations épiscopales, décisions doctrinales, etc.).

Congrégations générales et particulières
Tous les cardinaux — électeurs ou non — présents à Rome se réunissent dans la Salle du Synode pour discuter des questions urgentes. Les « réunions particulières » incluent le Camerlingue et trois cardinaux tirés au sort à tour de rôle ; les « générales » convoquent l’ensemble du collège cardinalice et sont utilisées, entre autres, pour fixer la date de début du conclave.

2. Qui peut élire et qui peut être élu
Les électeurs
Depuis le motu proprio Ingravescentem aetatem (1970) de Paul VI, seuls les cardinaux n’ayant pas atteint 80 ans avant le début de la vacance du siège ont droit de vote. Le nombre maximum d’électeurs est fixé à 120, mais peut être temporairement dépassé en raison de consistoires rapprochés.
Les électeurs doivent :
– être présents à Rome au début du conclave (sauf raisons graves) ;
– prêter serment de garder le secret ;
– loger à la Domus Sanctae Marthae, la résidence voulue par Jean-Paul II pour garantir dignité et discrétion.
La clôture n’est pas un caprice médiéval : elle vise à protéger la liberté de conscience des cardinaux et à préserver l’Église de toute ingérence indue. Violer le secret entraîne l’excommunication automatique.

Les éligibles
En théorie, tout baptisé de sexe masculin peut être élu pape, puisque la charge de Pierre est de droit divin. Cependant, du Moyen Âge à aujourd’hui, le pape a toujours été choisi parmi les cardinaux. Si un non-cardinal ou même un laïc était choisi, il devrait immédiatement recevoir l’ordination épiscopale.

3. Le conclave : étymologie, logistique et symbolisme
Le terme « conclave » vient du latin cum clave, « avec clé » : les cardinaux sont « enfermés » jusqu’à l’élection, pour éviter toute pression extérieure. La clôture est garantie par plusieurs règles :
– Lieux autorisés : Chapelle Sixtine (votes), Domus Sanctae Marthae (logement), un parcours réservé entre les deux bâtiments.
– Interdiction de communication : appareils électroniques remis, interdiction de signaux, contrôle microspy.
– Secret assuré aussi par un serment prévoyant des sanctions spirituelles (excommunication latae sententiae) et canoniques.

4. Ordre du jour typique du conclave
1. Messe « Pro eligendo Pontifice » dans la Basilique Saint-Pierre le matin de l’entrée en conclave.
2. Procession dans la chapelle Sixtine en récitant le Veni Creator Spiritus.
3. Serment individuel des cardinaux, prononcé devant l’Évangéliaire.
4. Extra omnes ! (« Tous dehors ! ») : le Maître des Célébrations liturgiques pontificales congédie les non-électeurs.
5. Premier vote (facultatif) l’après-midi du jour d’entrée.
6. Double vote quotidien (matin et après-midi) suivi du dépouillement.

5. Procédure du vote
Chaque tour suit quatre étapes :
5.1. Praescrutinium. Distribution et remplissage en latin de la bulletin « Eligo in Summum Pontificem… ».
5.2. Scrutinium. Chaque cardinal, portant le bulletin plié, prononce : « Testor Christum Dominum… ». Il dépose le bulletin dans l’urne.
5.3. Postscrutinium. Trois scrutateurs tirés au sort comptent les bulletins, lisent à haute voix chaque nom, l’enregistrent et perforent le bulletin avec une aiguille et du fil.
5.4. Incinération. Bulletins et notes sont brûlés dans un four spécial ; la couleur de la fumée indique le résultat.
Pour être élu, il faut la majorité qualifiée, c’est-à-dire les deux tiers des voix valides.

6. La fumée : noire pour l’attente, blanche pour la joie
Depuis 2005, pour rendre le signal sans équivoque aux fidèles place Saint-Pierre, un réactif chimique est ajouté :
– Fumée noire (fumata nera) : aucun élu.
– Fumée blanche (fumata bianca) : pape est élu, les cloches sonnent.
Après la fumée blanche, il faut encore 30 minutes à une heure avant que le nouveau pape soit annoncé par le Cardinal Diacre sur la place Saint-Pierre. Peu après (de 5 à 15 minutes), le nouveau pape apparaîtra pour donner la bénédiction Urbi et Orbi.

7. « Acceptasne electionem ? » – Acceptation et nom pontifical
Quand quelqu’un atteint le seuil nécessaire, le Cardinal Doyen (ou le plus ancien par ordre et ancienneté juridique, si le Doyen est l’élu) demande : « Acceptasne electionem de te canonice factam in Summum Pontificem ? » (Acceptes-tu l’élection ?). Si l’élu consent — Accepto ! — on lui demande : « Quo nomine vis vocari ? » (Sous quel nom veux-tu être appelé ?). L’adoption du nom est un acte chargé de significations théologiques et pastorales : il rappelle des modèles (François d’Assise) ou des intentions réformatrices (Jean XXIII).

8. Rites suivants immédiatement
8.1 Vestition.
8.2 Entrée dans la Chapelle des Pleurs, où le nouveau pape peut se recueillir.
8.3 Oboedientia : les cardinaux électeurs défilent pour le premier acte d’obéissance.
8.4 Annonce au monde : le cardinal Protodiacre apparaît sur la Loggia centrale avec le célèbre « Annuntio vobis gaudium magnum : habemus Papam ! ».
8.5 Première bénédiction « Urbi et Orbi » du nouveau Pontife.

À partir de ce moment, il prend possession de la charge et commence officiellement son pontificat, tandis que le couronnement avec le pallium pétrinien et l’anneau du Pêcheur a lieu lors de la messe d’inauguration (généralement le dimanche suivant).

9. Quelques aspects historiques et évolution des normes
I–IIIe siècle. Acclamation du clergé et du peuple romain. En l’absence de réglementation stable, l’influence impériale était forte.
1059 – In nomine Domini. Collège cardinalice. Nicolas II limite l’intervention laïque ; naissance officielle du conclave.
1274 – Ubi Periculum. Clôture obligatoire. Grégoire X réduit les manœuvres politiques, instaure la réclusion.
1621–1622 – Grégoire XV. Scrutin secret systématique. Perfectionnement des bulletins ; exigences des deux tiers.
1970 – Paul VI. Limite d’âge à 80 ans. Réduit l’électorat, favorisant des décisions plus rapides.
1996 – Jean-Paul II. Universi Dominici Gregis. Codification moderne du processus, introduit la Domus Sanctae Marthae.

10. Quelques données concrètes de ce conclave
Cardinaux vivants : 252 (âge moyen : 78,0 ans).
Cardinaux votants : 134 (135). Le cardinal Antonio Cañizares Llovera, archevêque émérite de Valence, Espagne, et le cardinal John Njue, archevêque émérite de Nairobi, Kenya, ont annoncé qu’ils ne pourront pas participer au conclave.
Sur les 135 cardinaux votants, 108 (80 %) ont été nommés par le pape François. 22 (16 %) ont été nommés par le pape Benoît XVI. Les 5 restants (4 %) ont été nommés par le pape saint Jean-Paul II.
Parmi les 135 cardinaux votants, 25 ont participé comme électeurs au conclave de 2013.
Âge moyen des 134 cardinaux électeurs participants : 70,3 ans.
Années moyennes de service comme cardinal des 134 cardinaux électeurs participants : 7,1 ans.
Durée moyenne d’un pontificat : environ 7,5 ans.

Début du conclave : 7 mai, Chapelle Sixtine.
Cardinaux votants au conclave : 134. Nombre de votes requis pour l’élection : 2/3, soit 89 votes.

Horaire des votes : 4 votes par jour (2 le matin, 2 l’après-midi).
Après 3 jours complets (ou à définir), le vote est suspendu pendant une journée entière (« pour permettre une pause de prière, une discussion informelle entre les électeurs et une brève exhortation spirituelle »).
Suivent 7 autres tours de scrutin et une autre pause jusqu’à une journée entière.
Suivent 7 autres tours de scrutin et une autre pause jusqu’à une journée entière.
Suivent 7 autres tours de scrutin puis une pause pour évaluer la suite.

11. Dynamiques « internes » non écrites
Malgré le cadre juridique strict, le choix du pape est un processus à la fois spirituel et humain influencé par :
– le profil des candidats (« papabili ») : origine géographique, expériences pastorales, compétences doctrinales.
– les courants ecclésiaux : curial ou pastoral, réformiste ou conservateur, sensibilités liturgiques.
– l’agenda global : relations œcuméniques, dialogue interreligieux, crises sociales (migrants, changement climatique).
– les langues et réseaux personnels : les cardinaux ont tendance à se regrouper par régions (groupe des « Latino-américains », « Africains », etc.) et à échanger informellement lors des repas ou des « promenades » dans les jardins du Vatican.

Un événement à la fois spirituel et institutionnel
L’élection d’un pape n’est pas un simple acte technique comparable à une assemblée d’entreprise. Malgré sa dimension humaine, c’est un acte spirituel guidé essentiellement par l’Esprit Saint.
Le soin apporté aux règles minutieuses — du scellement des portes de la Sixtine à la combustion des bulletins — montre comment l’Église a transformé sa longue expérience historique en un système aujourd’hui perçu comme stable et solennel.
Savoir comment on choisit un pape n’est donc pas qu’une curiosité : c’est comprendre la dynamique entre autorité, collégialité et tradition qui soutient la plus ancienne institution religieuse encore active à l’échelle mondiale. Et, à une époque de changements vertigineux, cette « fumée » qui s’élève du toit de la Sixtine continue de rappeler que des décisions séculaires peuvent encore toucher le cœur de milliards de personnes, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Église.
Que cette connaissance des données et des procédures nous aide à prier plus profondément, comme il convient de le faire avant chaque décision importante qui affecte notre vie.