Le Jubilé et les pratiques dévotes pour la visite des églises. Dialogue
Saint Jean Bosco avait bien compris l’importance des Jubilés dans la vie de l’Église. S’il fut impossible de célébrer le Jubilé en 1850 en raison de diverses vicissitudes historiques, le Pape Pie IX convoqua un Jubilé extraordinaire à l’occasion de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception (8 décembre 1854). Ce Jubilé dura six mois, du 8 décembre 1854 au 8 juin 1855. Don Bosco ne laissa pas passer l’occasion et publia, justement en 1854, le volume « Le Jubilé et Pratiques dévotes pour la visite des églises ».
Avec la promulgation de l’encyclique « Quanta Cura » et du « Syllabus errorum », le Pape Pie IX convoqua un autre Jubilé extraordinaire, à nouveau d’une durée de six mois, du 8 décembre 1864 au 8 juin 1865. À cette occasion également, Don Bosco proposa, dans les Lectures Catholiques, les « Dialogues autour de l’institution du Jubilé ».
En vue du Jubilé ordinaire de 1875, Don Bosco republia son texte sous le titre « Le Jubilé de 1875, son institution et pratiques dévotes pour la visite des Églises », toujours soucieux d’offrir aux fidèles un soutien pour ces célébrations riches de grâces extraordinaires.
Nous présentons ici la dernière version, datée de 1875.
DIALOGUE I. Le Jubilé en général
Julien — Je vous salue, Monsieur le Prévôt, je suis ici pour vous faire exercer un peu la patience.
Prévôt — Bienvenue, cher Julien, vous me faites toujours plaisir lorsque vous venez me voir, et, comme je l’ai dit plusieurs fois, je suis toujours à votre disposition pour tout ce que je peux faire pour l’utilité spirituelle de tous mes paroissiens et spécialement pour vous, qui étant récemment venu à la foi catholique, avez besoin d’être instruit sur plusieurs points.
Julien — On m’a dit que le Pape a accordé le Jubilé ; je ne l’ai jamais fait, j’aimerais maintenant être instruit sur la manière de bien le faire.
Prévôt — Vous avez eu la sagesse de chercher à vous faire instruire à temps, car depuis que vous êtes devenu catholique, aucun Jubilé n’a encore eu lieu ; et comme il n’a pas été question de cette pratique de l’Église Catholique lors de votre abjuration, il est à craindre que vous ayez en tête pas mal d’erreurs. Dites-moi donc ce qui vous tient le plus à cœur à ce sujet, et je m’efforcerai de vous satisfaire en vous faisant les observations qui me sembleront utiles pour votre avantage spirituel.
Julien — Tout d’abord, j’aurais besoin que vous me disiez de manière simple et claire ce que signifie le mot Jubilé et quel sens les catholiques lui donnent, car lorsque j’étais malheureusement protestant, j’entendais dire toutes sortes de choses contre le Jubilé et contre les Indulgences.
Prévôt — Mon cher Julien, vous désirez savoir de moi deux choses : l’explication du mot Jubilé, et dans quel sens il est pris comme pratique religieuse proposée par l’Église Catholique.
En ce qui concerne le sens du mot, il n’est pas nécessaire que je m’attarde beaucoup, car il nous suffit de savoir ce que l’on veut signifier par là. Cependant, je vous citerai les principales explications données par les saints Pères.
Saint Jérôme et d’autres disent que le mot Jubilé dérive de Yubal, inventeur des instruments de musique, ou de Yobel qui signifie corne, car l’année du Jubilé chez les Hébreux était proclamée avec une trompette faite d’une corne de bélier.
D’autres font dériver Jubilé du mot Habil, qui signifie restituer avec joie, car en cette année, les choses achetées, prêtées ou engagées étaient restituées au premier propriétaire, ce qui causait une grande joie.
D’autres disent que le mot Jubilé est dérivé de Yobil, qui veut aussi dire joie, car en cette occasion, les bons chrétiens ont de grandes raisons de se réjouir des trésors spirituels dont ils peuvent s’enrichir.
Julien — C’est l’explication du mot Jubilé en général, mais je voudrais savoir comment il est défini par l’Église en tant que pratique de piété, à laquelle sont annexées les Indulgences.
Prévôt — Je vous donnerai volontiers satisfaction. Le Jubilé, comme pratique établie par l’Église, est une Indulgence plénière accordée par le Souverain Pontife à l’Église universelle, avec pleine remise de tous les péchés à ceux qui l’acquièrent dignement en accomplissant les œuvres prescrites.
Disons tout d’abord qu’on l’appelle Indulgence plénière pour la distinguer de l’Indulgence partielle, généralement accordée par les Souverains Pontifes à certains exercices de piété chrétienne, à certaines prières et à certains actes de religion.
Cette Indulgence est dite extraordinaire, car elle est généralement accordée rarement et dans des cas graves, comme lorsqu’il y a des menaces de guerres, de pestes et de tremblements de terre. Le Souverain Pontife Pie IX accorde cette année le Jubilé ordinaire, qui a lieu tous les vingt-cinq ans, afin d’inciter les fidèles chrétiens du monde entier à prier pour les besoins présents de la religion et spécialement pour la conversion des pécheurs, pour l’extirpation des hérésies et pour éloigner de nombreuses erreurs que certains cherchent à répandre parmi les fidèles à travers des écrits, des livres ou d’autres moyens que le démon, hélas, sait suggérer au détriment des âmes.
Julien — Je me réjouis beaucoup de la définition que vous me donnez du Jubilé, mais je reste assez confus parce qu’il est appelé de noms très divers : Année sainte, année centenaire, séculaire, jubilaire, Jubilé particulier, Jubilé universel, grand Jubilé, Indulgence sous forme de Jubilé. Ce sont les noms que j’entends pour parler du Jubilé de manière interchangeable. Ayez la bonté de m’en donner l’explication.
Prévôt — Ces noms, bien qu’ils soient parfois utilisés pour exprimer la même chose, ont cependant un sens quelque peu différent les uns des autres. — Je vous en donnerai une brève explication.
Le Jubilé est dit année jubilaire, année sainte parce qu’en cette année (comme je vous le dirai plus loin) les Hébreux devaient cesser tout travail et s’occuper exclusivement d’œuvres de vertu et de sainteté. À cela sont également invités tous les fidèles chrétiens, sans qu’ils soient pour autant obligés d’abandonner leurs occupations temporelles ordinaires. Il est aussi appelé année du centenaire ou centième année, car lors de sa première institution, il était célébré tous les cent ans.
Le Jubilé est dit partiel, lorsqu’il est accordé seulement dans certains lieux déterminés, comme à Rome, ou à Saint-Jacques de Compostelle en Espagne. Ce Jubilé est aussi appelé général, lorsqu’il est accordé aux fidèles dans tous les lieux de la chrétienté.
Mais il est proprement appelé Jubilé Général ou Grand Jubilé, lorsqu’il est célébré dans l’année fixée par l’Église. Chez les Hébreux, cela se produisait tous les cinquante ans, chez les chrétiens au début c’était tous les cent ans, puis tous les cinquante et maintenant tous les vingt-cinq ans.
Le Jubilé est dit extraordinaire et aussi Indulgence en forme de Jubilé, lorsqu’il est accordé pour une raison grave en dehors de l’année sainte.
Lorsque les Souverains Pontifes sont élevés à leur dignité, ils ont l’habitude de solenniser cet événement avec une Indulgence plénière, ou un Jubilé extraordinaire.
La différence entre le grand Jubilé et le Jubilé particulier réside dans le fait que le premier dure une année entière, et l’autre ne dure qu’une partie de l’année. Celui par exemple que le Pontife régnant Pie IX accorda en 1865 dura seulement trois mois, mais il était assorti des mêmes faveurs que le présent Jubilé, qui dure toute l’année 1875.
Je crois que la brève explication que je viens de vous donner de ces mots sera éclaircie par celles que j’espère pouvoir vous exposer dans d’autres entretiens. En attendant, cher Julien, soyez persuadé que le Jubilé est un grand trésor pour les chrétiens. Il convient ici de rappeler les belles paroles du savant Cardinal Gaetani dans son traité du Jubilé (chap. 15) : « Heureux le peuple qui sait ce qu’est le Jubilé ; malheureux ceux qui, par négligence ou par oubli, le négligent dans l’espoir d’arriver à un autre (Celui qui désirerait des informations plus abondantes sur ce qui a été brièvement mentionné ci-dessus pourrait consulter : MORONI, Année sainte et Jubilé ; BERGIER, article Jubilé ; l’œuvre Magnum theatrum vitae humanae, article Iubileum ; NAVARRO, De Jubileo, note 1 ; Benzonio, lib. 3, cap 4. Vittorelli ; Turrecremata ; Sarnelli, tome X ; Saint Isidore, Les Origines, lib. 5).
DIALOGUE II. Le Jubilé chez les Hébreux
Julien — J’ai écouté avec plaisir ce que vous m’avez dit sur les différentes significations qui sont généralement données au mot Jubilé, et sur les grands avantages que l’on peut en tirer. Mais cela ne me suffirait pas, si je devais répondre à mes anciens coreligionnaires, qui prennent la Bible comme seule norme de leur foi, et affirment avec force que le Jubilé est une nouveauté dans l’Église, dont il n’existe aucune trace dans la Bible. Je souhaiterais donc être instruit sur ce sujet.
Prévôt — Lorsque vos anciens ministres et compagnons de religion affirmaient qu’il n’est pas question de Jubilé dans les Saintes Écritures, ils cherchaient à vous cacher la vérité, ou ils l’ignoraient eux-mêmes.
Mais avant de vous exposer ce que la Bible dit du Jubilé, il convient que je vous fasse remarquer qu’il existe dans l’Église Catholique une autorité infaillible, qui vient de Dieu, et est dirigée par Dieu lui-même. Cela apparaît dans de nombreux textes de la Sainte Bible et surtout dans les paroles prononcées par le Sauveur à saint Pierre lorsqu’il le constitua chef de l’Église, en lui disant : — Tout ce que tu lieras sur la terre, sera lié dans le ciel ; tout ce que tu délieras sur la terre, sera aussi délié dans le ciel (S. Matt. 18). Par conséquent, nous pouvons admettre avec certitude tout ce que cette autorité établit pour le bien des chrétiens sans crainte de nous tromper. De plus, il est une maxime acceptée par tous les catholiques qui dit ceci : lorsque nous rencontrons une vérité qui a été crue et pratiquée en tout temps dans l’Église sans qu’on puisse trouver le temps et le lieu où elle a été instituée, nous devons la croire comme révélée par Dieu lui-même et transmise par des paroles ou par des écrits depuis le début de l’Église jusqu’à nos jours.
Julien — Cela, je le crois aussi ; car, en vertu de l’autorité infaillible de l’Église, peu importe qu’elle propose des choses écrites dans la Bible ou transmises par tradition. Cependant, je souhaiterais bien savoir ce qu’il y a dans la Bible concernant le Jubilé, et cela d’autant plus que peu de temps auparavant, un ancien ami protestant recommençait à se moquer de moi au sujet de la nouveauté du Jubilé dont, disait-il, il n’existe aucune mention dans la Bible.
Prévôt — Je suis prêt à satisfaire ce juste désir. Ouvrons ensemble la Bible et lisons ici dans le livre du Lévitique au chapitre XXV, et nous trouverons l’institution du Jubilé, telle qu’elle était pratiquée chez les Hébreux.
Le texte sacré dit ceci :
Tu compteras, dit le Seigneur à Moïse, sept semaines d’années, c’est-à-dire sept fois sept, ce qui fait au total quarante-neuf ans ; et le septième mois, au dix du mois, au temps de l’expiation, tu feras sonner la trompette dans tout le pays. Et tu sanctifieras l’année cinquantième, et tu annonceras la remise à tous les habitants de ton pays, car c’est l’année du Jubilé. Chacun retournera dans ses possessions et chacun retournera dans sa famille, car l’année cinquantième est l’année du Jubilé. Vous ne sèmerez pas, et vous ne moissonnerez pas ce qui naîtra spontanément dans les champs, et vous ne récolterez pas les prémices de la vendange afin de sanctifier le Jubilé, mais vous mangerez ce qui sera placé devant vous. Dans l’année du Jubilé, chacun retournera dans ses biens.
Telles sont les paroles du Lévitique. Je crois qu’elles n’ont pas besoin d’une longue explication pour vous faire comprendre à quel point l’institution du Jubilé est ancienne, c’est-à-dire qu’elle remonte aux temps où les Hébreux étaient sur le point d’entrer dans la Terre Promise, vers l’année 2500 de la création du monde.
On parle encore du Jubilé dans de nombreux autres endroits de la Bible : dans le même livre du Lévitique au chap. XXVII, dans le livre des Nombres au chap. XXXVI, dans celui de Josué au chap. VI. Mais ce que nous en avons dit doit suffire, et c’est en soi trop clair.
Julien — Vous m’avez fait un grand plaisir en me faisant voir ces paroles de la Bible, et je me réjouis beaucoup de ce que la Bible, non seulement parle du Jubilé, mais en commande l’observance à tous les Hébreux. Je désire d’autre part que vous m’expliquiez un peu plus en détail les paroles du texte sacré, pour connaître le but qu’avait Dieu en commandant le Jubilé.
Prévôt — Dans la Bible, le but qu’avait Dieu en ordonnant à Moïse l’observance du Jubilé apparaît clairement. Tout d’abord, Dieu, qui est toute charité, voulait que ce peuple s’habitue à être bienveillant et miséricordieux envers son prochain ; c’est pourquoi, durant l’année du Jubilé, toutes les dettes étaient remises. Ceux qui avaient vendu ou engagé des maisons, des vignes, des champs ou d’autres choses, reprenaient tout comme premiers propriétaires ; les exilés revenaient dans leur patrie, et les esclaves, sans aucun rachat, étaient laissés en liberté. De cette manière, les riches étaient empêchés de faire des acquisitions démesurées, les pauvres pouvaient conserver l’héritage de leurs ancêtres, et l’esclavage, si pratiqué à cette époque parmi les nations païennes, ne pouvait subsister. De plus, en cessant ses occupations temporelles, le peuple pouvait se consacrer librement pendant une année entière aux choses concernant le culte divin, et ainsi riches et pauvres, esclaves et maîtres s’unissaient d’un même cœur et d’une même âme pour bénir et remercier le Seigneur des bienfaits reçus.
Julien — À ce propos il me vient une difficulté. Si durant l’année du Jubilé on ne semait pas, si on ne récoltait pas les fruits des champs, de quoi les gens pouvaient-ils se nourrir ?
Prévôt — En cette occasion, c’est-à-dire durant l’année du Jubilé, un fait extraordinaire se produisait, qui est un véritable miracle. L’année précédente, le Seigneur faisait produire par la terre une telle abondance de fruits de toutes sortes qu’ils suffisaient pour toute l’année 49 et 50 et une partie de 51. En cela, nous devons admirer la bonté de Dieu, qui, tout en ordonnant de nous occuper des choses concernant son culte divin, pense lui-même à tout ce qui peut nous être nécessaire pour le corps. Ce principe a ensuite été confirmé plusieurs fois dans l’Évangile, spécialement lorsque Jésus-Christ a dit : Ne vous inquiétez pas pour demain en disant : Que mangerons-nous ? Que boirons-nous ? De quoi nous couvrirons-nous ? Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données en plus.
Julien — Un autre doute me vient en ce moment. Est-ce que l’année du Jubilé est encore précédée aujourd’hui par cette abondance quelque part sur la terre ?
Prévôt — Non, Julien, l’abondance matérielle du Jubilé hébreu dura auprès de ce peuple seulement jusqu’à la venue du Messie ; après sa venue, quand se fut réalisé ce que figurait l’ancien Jubilé, cette abondance matérielle cessa pour faire place à l’abondance de grâces et de bénédictions que les chrétiens peuvent goûter dans la sainte Religion catholique.
Julien — Je suis très satisfait de ce que vous m’avez dit (Sur ce sujet, on peut consulter CALMET-DELL’AQUILA, Dictionnaire Biblique, art. Jubilé ; MENOCHIO, De l’année cinquantième du Jubilé des Hébreux).
DIALOGUE III. Le Jubilé chez les Chrétiens
Julien — Je vais essayer de me souvenir comment le Jubilé était pratiqué chez les Juifs, et comment il est source de bénédictions célestes à des temps déterminés. Maintenant, j’aimerais aussi savoir si le Nouveau Testament mentionne le Jubilé. Car s’il existe un texte à ce sujet, les protestants n’ont d’autre choix que de convenir que les catholiques pratiquent le Jubilé selon l’Évangile.
Prévôt — Bien qu’il suffise à tout chrétien qu’une vérité soit enregistrée dans n’importe quelle partie de la Bible pour qu’elle soit pour lui une règle de foi, nous pouvons dans ce cas être amplement satisfaits, tant par l’autorité de l’Ancien que par celle du Nouveau Testament.
Saint Luc raconte le fait suivant au chapitre quatre (v. 19) à propos du Sauveur. Jésus était allé à Nazareth, sa patrie, où on lui présenta la Bible pour qu’il explique un passage au peuple. Il ouvrit le livre du prophète Isaïe et parmi d’autres, il appliqua à lui-même les mots suivants : L’esprit du Seigneur m’a envoyé annoncer aux esclaves la libération et aux aveugles le retour à la vue, remettre en liberté les opprimés, prêcher l’année de grâce du Seigneur et le jour de la rétribution.
Ces paroles, cher Julien, vous font connaître que le Sauveur rappelle l’ancien Jubilé, qui était tout matériel, et il l’ennoblit dans un sens moral, en disant qu’il annonçait la véritable année de la rétribution, une année de grâce au cours de laquelle, par ses miracles, par sa passion et sa mort, il donnerait la véritable liberté aux peuples esclaves du péché et une abondance de grâces et de bénédictions que l’on trouve dans la religion chrétienne (Voir MARTINI, Saint Luc).
Saint Paul parle lui aussi de ce temps de grâce, temps du salut et de la sanctification, dans sa deuxième lettre aux Corinthiens (chap. 6, 2).
Toutes ces déclarations et d’autres faits du Nouveau Testament nous permettent de tirer plusieurs conclusions : 1° L’ancien Jubilé, qui était tout matériel, est passé dans la loi nouvelle, tout spirituel. 2° La liberté que le peuple de Dieu accordait aux esclaves figurait la complète libération que nous acquerrons par la grâce de Dieu, qui nous libère du dur esclavage du démon. 3. L’année de la rétribution, ou du Jubilé, a été confirmée dans l’Évangile, reçue par l’Église et pratiquée selon les besoins des fidèles, et en tenant compte des circonstances de l’époque.
Julien — Je suis de plus en plus convaincu d’une vérité que je crois fermement, parce qu’elle est contenue dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament. Maintenant, j’aimerais encore savoir comment cette pratique religieuse a été conservée dans l’Église catholique.
Prévôt — C’est une chose de grande importance, et je vais essayer de vous satisfaire. Comme l’année du Jubilé chez les Juifs était une année de remise des dettes et de pardon, l’année du Jubilé a également été instituée chez les chrétiens, où l’on accorde de très grandes indulgences, c’est-à-dire la remise et le pardon des péchés. Ainsi il est arrivé que l’année du Jubilé chez les chrétiens a été appelée année sainte, tant pour les nombreuses œuvres de piété que les chrétiens ont l’habitude d’accomplir durant cette année, que pour les grandes faveurs célestes que chacun peut obtenir à cette occasion.
Julien — Ce n’est pas ce que je veux dire ; je voudrais entendre raconter la manière dont ce Jubilé a été introduit chez les chrétiens.
Prévôt — Pour comprendre comment le Jubilé a été introduit et conservé chez les chrétiens, il faut que je vous signale une croyance religieuse qui remonte aux premiers temps de l’Église. Selon cette croyance vénérable, durant l’année du Jubilé, appelée dans l’Évangile année de la rétribution, et par saint Paul année de grâce et temps de salut, on pouvait acquérir une indulgence plénière, ou la remise de toute satisfaction due à Dieu pour les péchés. On dit que le premier Jubilé a été accordé par les saints Apôtres eux-mêmes en l’an 50 de l’ère chrétienne (Voir Scaliger et Petavius).
Les premiers Papes qui succédèrent à saint Pierre dans le gouvernement de l’Église continuèrent à maintenir vivante cette pratique religieuse, en accordant de grandes faveurs à ceux qui, à des moments déterminés, se rendaient à Rome pour visiter l’église où était enterré le corps de saint Pierre (Voir Rutilius, De Iubileo. Laurea, Navarro, Vittorelli et d’autres).
Car il y a toujours eu chez les chrétiens, même des premiers siècles, la conviction qu’en visitant en temps voulu l’église Saint-Pierre du Vatican, où le corps de ce prince des Apôtres avait été enterré, on pouvait gagner d’extraordinaires faveurs spirituelles, que nous appelons indulgences.
Les faveurs célestes que l’on espérait, le grand respect que tous les catholiques avaient pour le glorieux saint Pierre, le désir de visiter l’église, les chaînes et le tombeau du prince des Apôtres, tout cela attirait des gens de toutes les parties du monde. En certaines années, on voyait des vieux, des jeunes, des riches et des pauvres partir de pays très lointains, surmonter les plus grands désagréments des routes pour se rendre à Rome, avec la certitude d’obtenir de grandes indulgences.
Désireux de favoriser l’esprit religieux chez les chrétiens, et voulant en même temps réguler leur fréquent concours à Rome, saint Grégoire le Grand établit au sixième siècle que tous les cent ans, pouvaient gagner l’Indulgence plénière, ou Jubilé, tous ceux qui, durant l’année séculaire, appelée aussi année sainte, se rendaient à Rome pour visiter la Basilique Vaticane, où le prince des Apôtres avait été enterré.
Julien — Ici je rencontre une difficulté. J’ai lu dans certains petits livres que le Jubilé a été institué seulement en l’an 1300 par un Pape nommé Boniface VIII, mais selon ce que vous dites, il serait beaucoup plus ancien.
Prévôt — Je sais aussi qu’il existe certains livrets imprimés, qui affirment que Boniface VIII est l’auteur du Jubilé, mais ce n’est pas exact. Car ce Pape a plutôt été le premier à publier par Bulle l’année sainte, c’est-à-dire l’Indulgence plénière du Jubilé, en assurant dans cette même Bulle qu’il n’a fait que mettre par écrit ce qui était déjà pratiqué universellement chez les chrétiens.
DIALOGUE IV. Première publication solennelle du Jubilé, ou année sainte
Julien — Cette première publication du Jubilé ou de l’année sainte est un événement si grand et si solennel que j’aimerais l’entendre raconter avec les circonstances les plus notables.
Prévôt — Puisque vous aimez les récits, je pense qu’il est opportun d’exposer les raisons qui ont poussé le Pape Boniface VIII à publier avec une solennité spéciale une Bulle qui instituait le premier Jubilé solennel. — En l’année 1300, des gens provenant des États Pontificaux et d’ailleurs affluaient à Rome en si grand nombre qu’il semblait que les portes du ciel s’étaient ouvertes dans la ville. Au début du mois de janvier, il y avait une telle masse de gens dans les rues de cette ville qu’on pouvait à peine s’y déplacer. Ému par ce fait, le Pape ordonna qu’on recherche tout ce qu’on pouvait trouver à ce sujet dans les anciens documents. Puis il fit appeler certains des plus vieux qui étaient là pour savoir ce qui les avait poussés à venir. Parmi eux il y avait un noble et riche Savoyard, âgé de cent sept ans. Le Pape lui-même, en présence de plusieurs Cardinaux, voulut l’interroger ainsi : Quel âge avez-vous ? — Cent sept ans. — Pourquoi êtes-vous venu à Rome ? — Pour gagner les grandes Indulgences. — Qui vous l’a dit ? — Mon père. — Quand ? — Mon père m’a emmené avec lui à Rome il y a cent ans, et il m’a dit qu’on pouvait obtenir de très grandes Indulgences tous les cent ans à Rome, et que si j’étais encore vivant dans cent ans, je ne devrais pas négliger de me rendre dans la Basilique du prince des Apôtres.
Après lui, on appela d’autres vieux et jeunes de diverses nations. Interrogés par le même Souverain Pontife, ils étaient tous d’accord pour affirmer qu’ils avaient toujours entendu dire que chaque année séculaire, en visitant la Basilique Saint-Pierre, ils gagnaient de grandes Indulgences avec la remise de tous les péchés. Au vu de cette conviction universelle et constante, le Pape promulgua une Bulle par laquelle il confirmait ce qui avait été pratiqué jusqu’alors par tradition orale. Un écrivain de l’époque, familier du Pape Boniface, assure avoir entendu ce Pape dire qu’il avait été poussé à publier sa Bulle à cause de la croyance répandue et acceptée dans tout le monde chrétien, c’est-à-dire que depuis la naissance du Christ, on avait l’habitude d’accorder une grande Indulgence chaque année séculaire (Cardinal Giovanni Monaco).
Julien — Puisque je vois que vous avez beaucoup lu, apportez-moi un extrait de cette Bulle, afin que je puisse être bien instruit sur cette pratique universelle de l’Église.
Prévôt — Il serait trop long de vous la rapporter en entier. Je vous en donne le début, et je pense que cela vous suffira. Voici les paroles du Pape : « Une tradition fidèle et ancienne d’hommes d’un grand âge assure qu’à ceux qui viennent visiter l’honorable Basilique du prince des Apôtres à Rome, sont accordées de grandes Indulgences et la remise des péchés. Nous donc, qui par devoir de notre office désirons et nous efforçons de procurer le salut des âmes, approuvons et confirmons par notre autorité apostolique toutes les Indulgences mentionnées, et les renouvelons en les authentifiant par le présent écrit. » Après cela, le Pape expose les motifs qui l’ont poussé à accorder ces Indulgences, et quelles sont les obligations à remplir par ceux qui souhaitent les acquérir.
Quand on connut la Bulle du Pape, un enthousiasme incroyable se leva de toutes parts pour faire le pèlerinage à Rome. De France, d’Angleterre, d’Espagne, d’Allemagne, affluaient en foule des pèlerins de tous âges, conditions, nobles et souverains. Le nombre d’étrangers présents à Rome atteignit jusqu’à deux millions. En cette circonstance, une grande famine aurait pu se produire, si le Pape n’avait pas pourvu aux besoins en faisant venir des vivres d’autres pays.
Julien — Maintenant je comprends très bien que la pratique du Jubilé est ancienne dans l’Église, mais ce que nous célébrons aujourd’hui me semble très différent, soit parce qu’on en parle plus souvent, soit parce qu’on ne se rend plus à Rome pour l’acquérir.
Prévôt — Vous faites une observation opportune, et à ce sujet, je vous dirai que le Jubilé, selon la Bulle du Pape Boniface, devait avoir lieu tous les cent ans ; mais comme cet intervalle de temps est trop long et que la vie de l’homme trop courte pour que tous puissent en profiter, un Pape nommé Clément VI le réduisit à tous les cinquante ans, comme c’était le cas pour les Juifs. Puis un autre Pape, nommé Grégoire XI, le réduisit à tous les trente-trois ans en mémoire des trente-trois ans de la vie du Sauveur. Enfin, le Pape Paul II, pour permettre à ceux qui meurent jeunes de pouvoir également acquérir l’Indulgence du Jubilé, décida qu’il aurait lieu tous les vingt-cinq ans. C’est ainsi qu’il a été pratiqué dans l’Église jusqu’à aujourd’hui. D’autre part, l’obligation de se rendre à Rome empêchait beaucoup de gens de profiter des faveurs spirituelles du Jubilé, soit à cause de la distance, soit à cause de l’âge ou de la maladie. Pour cette raison, les Papes de Rome accordèrent la même Indulgence, mais au lieu de l’obligation de se rendre à Rome, ils imposent certaines obligations à remplir par ceux qui souhaitent faire le saint Jubilé.
L’histoire ecclésiastique a déjà enregistré 20 années saintes, c’est-à-dire vingt années au cours desquelles les faveurs du Jubilé ont été publiées par les Papes à des moments différents.
Le dernier Jubilé a été célébré par Léon XII en l’an 1825. Il devait être publié également en 1850, mais les troubles publics de cette époque ne permirent pas de le faire. Maintenant, nous célébrons celui du Souverain Pontife Pie IX, qui est véritablement l’année sainte de 1875.
Julien — Pourquoi le présent Jubilé a-t-il été accordé par le Pape ?
Prévôt — Le Jubilé que le Pape accorde actuellement est un Jubilé ordinaire. Les motifs de ce Jubilé sont la conversion des pécheurs, en particulier des hérétiques, la paix entre les princes chrétiens, et le triomphe de la sainte religion catholique sur l’hérésie. En outre, le Saint-Père s’est également proposé d’obtenir de Dieu des lumières particulières pour connaître les nombreuses propositions erronées qui, depuis quelque temps, se répandent parmi les fidèles en provoquant de graves dommages pour la foi et avec un danger de damnation éternelle pour beaucoup. Le Pape explique dans son Encyclique les raisons de ses actions, et il prescrit enfin les œuvres à accomplir pour l’acquisition des saintes Indulgences.
Julien — Pensez-vous, Monsieur le Prévôt, que les choses de la religion vont si mal ? Les hérétiques se convertissent de temps en temps en grand nombre à la religion catholique, le catholicisme triomphe et progresse beaucoup dans les missions étrangères.
Prévôt — Il est vrai, mon cher Julien, que la religion catholique prospère beaucoup dans les missions étrangères. Il est vrai aussi que depuis quelques années, de nombreux juifs, hérétiques, en particulier des protestants ont renoncé à leurs erreurs pour embrasser la sainte religion catholique, et c’est justement à cause de ces progrès que le démon fait tous ses efforts pour soutenir et répandre l’hérésie et l’impiété. D’autre part, nous constatons de combien de manières aujourd’hui la religion est méprisée en public et en privé, dans les discours, dans les journaux, dans les livres ! Il n’y a rien de saint et de vénérable qui ne soit pris pour cible et critiqué. Prenez, je vous donne la lettre que le Pape écrit à tous les Évêques de la chrétienté, lisez-la à votre convenance ; elle mentionne les efforts que fait l’enfer contre l’Église en notre temps, les faveurs dont on peut bénéficier dans le cadre du Jubilé, et ce qu’il faut faire pour les acquérir. En attendant, gardez bien à l’esprit que le Jubilé a été une institution divine ; c’est Dieu qui l’a commandée à Moïse. Cette institution est passée chez les chrétiens, et a été pratiquée dans les premiers temps de l’Église avec quelques modifications, jusqu’à ce que Boniface VIII l’établisse régulièrement par une Bulle. D’autres Papes lui ont donné par la suite la forme sous laquelle elle est observée aujourd’hui. C’est pourquoi nous pratiquons une chose commandée par Dieu, et nous le faisons parce que c’est ordonné par l’Église pour nos besoins particuliers. Nous devons par conséquent avoir le souci d’en profiter, et d’exprimer des sentiments de profonde gratitude envers Dieu, qui nous montre de tant de manières son vif désir que nous profitions de ses faveurs et que nous pensions au salut de notre âme. Nous devons en même temps exprimer une vive vénération envers le Vicaire de Jésus-Christ, en accomplissant avec la plus grande diligence ce qu’il prescrit, afin de nous procurer les faveurs célestes (Pour plus en détails sur ce qui a été exposé ci-dessus, voir le Cardinal GAETANI, De l’année centième ; MANNI, Histoire de l’année sainte ; ZACCARIA, De l’année sainte).
DIALOGUE V. Les Indulgences
Julien — Nous arrivons à un point difficile, dont j’ai toujours entendu parler en mal par mes anciens compagnons d’hérésie, je veux dire des Indulgences. Je souhaiterais être instruit à leur sujet, en apaisant les difficultés qui se présenteront à mon esprit.
Prévôt — Je ne m’étonne pas que vos anciens compagnons d’hérésie aient parlé et parlent encore avec mépris des Indulgences, car les protestants ont pris prétexte des Indulgences pour se séparer de l’Église catholique. Lorsque vous, cher Julien, aurez une juste idée des Indulgences, vous en serez certainement satisfait et vous bénirez la divine miséricorde, qui nous offre un moyen si facile pour acquérir ces trésors divins.
Julien — Expliquez-moi donc ce que sont ces Indulgences, et je m’efforcerai d’en tirer profit.
Prévôt — Pour vous faire comprendre ce que signifie Indulgence, il est bon que vous sachiez que le péché produit dans notre âme deux effets amers : la faute qui nous prive de la grâce et de l’amitié de Dieu, et la peine qui en résulte, et qui nous empêche d’entrer au paradis. Cette peine est de deux sortes : l’une est éternelle, l’autre est temporelle. La faute, avec la peine éternelle, nous est totalement remise par les mérites infinis de Jésus-Christ dans le Sacrement de la Pénitence, à condition que nous recevions ce Sacrement avec les dispositions requises. Cependant, la peine temporelle ne nous est pas toujours entièrement remise dans ce Sacrement, elle reste en grande partie à satisfaire dans cette vie au moyen des bonnes œuvres et de la pénitence, ou dans l’autre vie par le feu du purgatoire. C’est sur cette vérité que reposaient les pénitences canoniques si sévères que l’Église imposait aux pécheurs repentis au cours des premiers siècles. Trois, sept, dix, jusqu’à quinze et vingt ans de jeûnes au pain et à l’eau, de privations et d’humiliations, parfois pour toute la vie, voilà ce que l’Église imposait pour un seul péché, et elle ne croyait pas que ces satisfactions dépassaient la mesure de ce que le pécheur devait à la justice de Dieu. Qui peut mesurer la gravité de l’injure que la faute fait au Dieu suprême et la malice du péché ? Qui peut pénétrer les profonds secrets éternels et savoir combien la justice divine exige de nous dans cette vie pour satisfaire nos dettes ? Combien de temps devrons-nous rester dans le feu du purgatoire ? Pour abréger le temps que nous devrions passer dans ce lieu de purification et alléger la pénitence que nous devrions faire dans la vie présente, il y a le trésor des saintes Indulgences. Celles-ci sont comme une faveur en échange des sévères pénitences canoniques que, pendant de nombreuses années, et parfois pour toute la vie, comme je l’ai dit, l’Église des premiers temps avait l’habitude d’infliger aux pécheurs repentis.
Julien — Il me semble raisonnable qu’après le pardon du péché, il reste encore à satisfaire la justice divine par quelque pénitence. Mais que sont précisément les Indulgences ?
Prévôt — Les Indulgences sont la remise de la peine temporelle due pour nos péchés, ce qui se fait par le biais des trésors spirituels confiés par Dieu à l’Église.
Julien — Quels sont ces trésors spirituels de l’Église ?
Prévôt — Ces trésors spirituels sont les mérites infinis de notre Seigneur Jésus-Christ, ceux de la sainte Vierge Marie et des Saints, comme nous le professons dans le Symbole des Apôtres, lorsque nous disons : Je crois en la Communion des Saints. Infinis sont en effet les mérites de Jésus-Christ, et surabondants sont ceux de la Vierge Marie, qui, conçue sans tache et ayant vécu sans péché, ne devait rien à la divine justice pour ses péchés. Quant aux Martyrs et autres Saints, ils ont satisfait plus que ce qui était nécessaire pour leur propre compte, par leurs souffrances, en union avec les souffrances de Jésus-Christ. Toutes ces satisfactions sont devant Dieu comme un trésor inépuisable, que le Pape de Rome dispense selon les nécessités de l’époque et selon les besoins des chrétiens.
Julien — Ici nous sommes devant la grande difficulté : l’Écriture Sainte ne nous parle pas d’Indulgences. Qui donc peut accorder les Indulgences ?
Prévôt — La faculté de dispenser les saintes Indulgences réside dans le Souverain Pontife. Car dans chaque société, dans chaque gouvernement, l’une des plus nobles prérogatives du Chef de l’État est le droit d’accorder des grâces et de commuer les peines. Or, le Souverain Pontife, représentant de Jésus-Christ sur terre, Chef de la grande Société chrétienne, a sans aucun doute le droit de faire grâce, de commuer ou de remettre en tout ou en partie les peines encourues par le péché, en faveur de ceux qui de tout cœur retournent à Dieu.
Julien — Sur quoi repose ce pouvoir du Souverain Pontife ?
Prévôt — Ce pouvoir, c’est-à-dire l’autorité du Souverain Pontife dans la concession des Indulgences, est fondé sur les paroles de Jésus-Christ. Au moment de désigner saint Pierre pour gouverner l’Église, il lui dit ces mots : « Je te donnerai les clés du royaume des cieux, tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que tu délieras sur la terre sera également délié dans le ciel. » Cette faculté embrasse sans aucun doute le droit d’accorder aux chrétiens tout ce qui peut contribuer au bien de leur âme.
Julien — Mais ces paroles me semblent magiques ; elles constituent saint Pierre chef de l’Église, lui donnent la faculté de remettre les péchés, la faculté de faire des préceptes, de dispenser les Indulgences, et tout cela dans ces quelques mots !
Prévôt — Les paroles dites par Jésus-Christ à saint Pierre lui confèrent un pouvoir plein et absolu, et ce pouvoir plein et absolu constitue saint Pierre Chef de l’Église, Vicaire de Jésus-Christ, dispensateur de tous les bienfaits célestes, donc aussi des saintes Indulgences. Cela apparaît dans le fait que le Seigneur lui a donné les clés du royaume des cieux : Tibi dabo claves regni coelorum, et dans les paroles par lesquelles il ordonna à saint Pierre de paître le troupeau, c’est-à-dire de dispenser aux chrétiens ce que les personnes et les temps requerront de lui pour le bien spirituel et éternel. Ces paroles du Sauveur confirment que le pouvoir donné à saint Pierre et à ses successeurs exclut tout doute sur la faculté de dispenser les Indulgences.
Julien — Je comprends très bien qu’avec ces paroles le Sauveur a donné spécialement à saint Pierre de grands pouvoirs, parmi lesquels la faculté de remettre les péchés. Mais je ne peux comprendre qu’il a reçu la faculté de dispenser les Indulgences.
Prévôt — Si vous comprenez très bien que ces paroles donnent spécialement à saint Pierre (comme il a donné aussi aux autres Apôtres avec des paroles similaires) la faculté de remettre les péchés, c’est-à-dire de pardonner la peine éternelle, est-ce qu’on peut dire qu’il n’a pas reçu la faculté de remettre la peine temporelle au moyen des Indulgences, sachant que la peine temporelle est infiniment moindre par rapport à la peine éternelle ?
Julien — C’est vrai, c’est vrai. Dites-moi seulement si ces paroles ont été comprises dans ce sens par les Apôtres.
Prévôt — C’est une chose certaine, et je peux vous citer plusieurs faits notés dans la Bible. Je me limite à en mentionner un seul. C’est celui de saint Paul, et il concerne les fidèles de Corinthe. Parmi ces chrétiens fervents, un jeune homme avait commis un péché grave, pour lequel il méritait d’être excommunié. Il se montra aussitôt repentant, exprimant un vif désir de faire la pénitence due. Alors les Corinthiens prièrent saint Paul de vouloir l’absoudre. Cet Apôtre usa d’indulgence, c’est-à-dire qu’il le libéra de l’excommunication, et le réintégra dans le sein de l’Église, bien que, en raison de la gravité du péché, et selon la discipline en vigueur à l’époque, il aurait dû rester encore longtemps séparé de l’Église. D’après ces paroles et d’autres du même saint Paul, il apparaît qu’il liait et absolvait lui-même, c’est-à-dire qu’il usait de rigueur et d’indulgence, selon ce qu’il jugeait être le plus avantageux pour les âmes.
Julien — Je suis très content de ce que vous m’avez raconté sur les Indulgences, comme cela se trouve dans l’Écriture sainte. Je suis pleinement sûr et tranquille en croyant que Dieu a donné à l’Église la faculté de dispenser les Indulgences. J’aimerais aussi beaucoup que vous me disiez si la concession des indulgences a toujours eu lieu dans l’Église, car les protestants disent que dans les premiers temps on ne parlait pas d’Indulgences.
Prévôt — Même là, les protestants se trompent, et l’Histoire ecclésiastique est pleine de faits qui démontrent la divine institution des Indulgences et l’usage constant de celles-ci depuis les premiers temps de l’Église. Et comme je sais que vous aimez beaucoup les faits, je veux vous en raconter quelques-uns comme confirmation de ce que je vous dis.
Julien — Les faits me plaisent beaucoup, encore plus que les raisons, et si vous m’en racontez beaucoup, cela me fera grand plaisir.
Prévôt — Après le temps des Apôtres, l’usage des Indulgences continua. Au premier siècle de l’ère chrétienne, nous avons le fait déjà mentionné. Au deuxième siècle, nous lisons qu’au temps de la persécution, lorsqu’un pécheur revenait à l’Église, il était d’abord obligé de confesser ses péchés ; puis on lui imposait un temps pendant lequel, s’il pratiquait avec ferveur des œuvres de pénitence, il obtiendrait l’Indulgence, c’est-à-dire que son temps de pénitence serait abrégé. Pour obtenir cela plus facilement, il était recommandé à ceux qui étaient conduits au martyre de prier l’évêque, ou de lui écrire un mot, en le suppliant de vouloir leur accorder l’indulgence en vue des souffrances des martyrs et ainsi leur accorder la paix avec Dieu et avec l’Église (Tertullien, Ad maj. 1, I).
Au troisième siècle, saint Cyprien écrivit aux fidèles détenus en prison en les avertissant de ne pas demander trop facilement l’Indulgence pour ceux qui la demandent, mais d’attendre qu’ils donnent des signes suffisants de contrition et de repentir pour leurs fautes. D’après ces paroles, il apparaît qu’à l’époque de saint Cyprien, les Indulgences étaient en usage, et que le saint recommandait aux martyrs d’être prudents en proposant leur médiation auprès des Évêques, sauf pour ceux qui se montraient sincèrement repentants (Ep. 21, 22, 23).
Au quatrième siècle, en l’an 325, un Concile général fut convoqué dans la ville de Nicée, où on traita plusieurs thèmes concernant le bien universel de l’Église. À propos des Indulgences, il fut décidé que ceux qui font pénitence peuvent obtenir l’Indulgence de l’Évêque, et que les plus négligents doivent faire leur pénitence pendant le temps fixé. Cela signifie concéder l’Indulgence à ceux-ci et la refuser à ceux-là (Concile de Nicée, canon 11, 12).
Dans les époques postérieures, les faits sont innombrables. Saint Grégoire le Grand, dans une lettre écrite au Roi des Wisigoths, envoya une petite clé qui avait touché le corps de saint Pierre, et contenait un peu de limaille des chaînes avec lesquelles ce saint Apôtre avait été lié, afin que, dit le Pape, ce qui avait servi à lier le cou de l’Apôtre lorsqu’il allait au martyre, vous absolve de tous vos péchés. Les saints Pères interprètent cela dans le sens d’une Indulgence plénière, que le Pape envoyait avec cette clé bénie.
En l’an 803, le Pape saint Léon vint avec une grande suite de cardinaux, d’archevêques et de prélats auprès de l’Empereur Charlemagne, qui le reçut avec la plus grande pompe. Ce pieux monarque demanda et obtint comme faveur particulière qu’il dédie le palais royal d’Aix-la-Chapelle à la bienheureuse Vierge Marie, et qu’il l’enrichisse de nombreuses indulgences à acquérir par ceux qui iraient le visiter. Si vous voulez que je vous raconte encore d’autres faits, je pourrais vous réciter presque toute l’Histoire ecclésiastique et notamment l’Histoire des Croisades, au cours desquelles les Papes accordaient l’Indulgence plénière à ceux qui s’engageaient pour aller en Palestine libérer les Lieux Saints.
Pour conclure et confirmer ce que j’ai dit jusqu’à présent, je vous expose ici la doctrine de l’Église Catholique concernant les Indulgences telle qu’elle a été définie au Concile de Trente :
« Depuis des temps très anciens, l’Église s’est servie de la faculté de dispenser les Indulgences que le Christ lui a accordée. C’est pourquoi le sacro-saint Concile ordonne et enseigne qu’il faut tenir pour vrai que les Indulgences sont utiles au salut du chrétien, comme le prouve l’autorité des Conciles. Quiconque dit que les Indulgences sont inutiles, ou nie qu’il y ait dans l’Église la faculté de les dispenser, qu’il soit anathème, qu’il soit excommunié (Session 25, chap. 21). »
Julien — Cela suffit. Si la faculté de dispenser les Indulgences a été donnée par Dieu à l’Église, a été pratiquée par les Apôtres, et depuis lors a toujours été en usage dans l’Église dans chaque siècle jusqu’à nos jours, nous devons dire franchement que les protestants sont dans une grave erreur lorsqu’ils se permettent de critiquer l’Église Catholique, parce qu’elle dispense les saintes Indulgences, comme si l’usage de celles-ci n’avait pas été pratiqué dans les premiers temps de l’Église.
DIALOGUE VI. Acquisition des Indulgences
Prévôt — Tout en admirant la bonté de Dieu qui dispense les saintes indulgences et accorde des trésors célestes qui ne diminuent pas, ni ne diminueront jamais, bien qu’ils soient répandus comme un immense océan qui ne souffre pas de diminution quelle que soit la quantité d’eau qu’on y puise, nous devons néanmoins remplir certaines obligations pour les acquérir. Tout d’abord, il est bon de souligner que tout chrétien n’est pas libre de se servir de ces trésors divins à sa guise ; il n’en jouira que quand, comment et dans la mesure selon laquelle la sainte Église et le souverain Pontife en ont décidé. C’est ainsi que les indulgences sont réparties généralement en deux classes : les indulgences partielles, c’est-à-dire de quelques jours, mois ou années, et les indulgences plénières. Par exemple, en disant : Jésus, mon Dieu, miséricorde, on gagne cent jours d’indulgence. Quand on dit : Marie, secours des chrétiens, priez pour nous, on en obtient 300 jours. Chaque fois qu’on accompagne le Viatique à un malade, on peut gagner sept ans d’indulgence. Ce sont des indulgences partielles.
L’Indulgence plénière est celle par laquelle toute la peine dont nous sommes débiteurs envers Dieu à cause de nos péchés nous est remise ; c’est précisément celle que le Pape accorde à l’occasion de ce Jubilé. En obtenant cette indulgence, vous redevenez devant Dieu comme vous l’étiez lorsque vous êtes né, c’est-à-dire lorsque vous avez été baptisé, de sorte que, si quelqu’un mourait après avoir obtenu l’indulgence du Jubilé, il irait au paradis sans passer par les peines du purgatoire.
Julien — Je désire de tout cœur obtenir cette indulgence plénière ; faites-moi seulement savoir ce que je dois faire.
Prévôt — Pour obtenir celle-ci, comme toute autre Indulgence, il est d’abord requis que l’on soit en grâce de Dieu, car celui qui est coupable d’un péché grave et d’une peine éternelle devant Dieu n’est certainement pas, ni ne peut être capable de recevoir la remise de la peine temporelle. Il est donc conseillé à tout chrétien qui désire acquérir des indulgences quand et comme elles sont accordées, de s’approcher du sacrement de la confession, en s’efforçant d’avoir une véritable contrition et de prendre la ferme résolution de ne plus offenser Dieu à l’avenir.
La deuxième condition est l’accomplissement de ce que le Pontife romain prescrit. En effet, la sainte Église, en ouvrant le trésor des saintes indulgences, oblige toujours les fidèles à une bonne action à faire en un temps et un lieu déterminés. Cela pour préparer notre cœur à accueillir les faveurs extraordinaires que la miséricorde de Dieu nous a préparées. C’est ainsi que pour acquérir l’indulgence de ce Jubilé, le souverain Pontife veut que chacun s’approche des sacrements de la confession et de la communion, visite dévotement quatre églises quinze fois de suite ou alternativement, en priant à son intention, pour l’exaltation et la prospérité de notre sainte mère l’Église, pour l’éradication de l’hérésie, pour la paix et la concorde des princes chrétiens, pour la paix et l’unité de tout le peuple chrétien.
Julien — Est-ce que cela suffit pour obtenir l’Indulgence du Jubilé ?
Prévôt — Ces deux choses ne suffisent pas, mais il en manque encore une, qui est la principale. Il est requis de détester tous les péchés, même véniels, et de plus de renoncer à l’affection pour chacun d’eux. Et nous le ferons certainement, si nous nous disposons à pratiquer les choses que le confesseur nous imposera, mais surtout si nous prenons une ferme et efficace résolution de ne plus jamais commettre aucun péché, en évitant les occasions et en pratiquant les moyens pour ne plus retomber. Le souverain Pontife Clément VI, pour inciter les chrétiens du monde entier à acquérir le Jubilé, disait : « Jésus-Christ, par sa grâce et par l’abondance des mérites de sa passion, a laissé à l’Église militante ici-bas un trésor infini, non pas caché sous un drap, ni enterré dans un champ, mais il l’a confié pour être dispensé salutairement aux fidèles, il l’a confié au bienheureux Pierre, qui porte les clés du ciel, et à ses successeurs, Vicaires de Jésus-Christ sur terre ; à ce trésor contribuent les mérites de la bienheureuse Mère de Dieu et de tous les élus (Clément VI. DD. cut.). »
À présent, mon cher Julien, vous avez appris ce qui est nécessaire pour acquérir cette indulgence plénière, et puisqu’il est prescrit entre autres de visiter quatre églises, je vais vous indiquer ici les pratiques dévotes nécessaires, qui pourront vous servir lors de chacune de ces visites (Celui qui désirerait s’instruire davantage sur les saintes indulgences pourrait consulter l’article de MORONI, Indulgences. Magnum Theatrum vitae humanae. Art . Indulgentia ; BERGIER, Indulgences ; FERRARI, Bibliothèque).
Pour plus de commodité, voici résumées les intentions de l’Église dans la promulgation de ce Jubilé, les faveurs accordées durant celui-ci et les conditions pour acquérir l’Indulgence Plénière.
INTENTIONS DE L’ÉGLISE DANS LA PROMULGATION DU JUBILÉ
Les intentions de l’Église en nous invitant à participer au Jubilé sont les suivantes : 1° renouveler la mémoire de notre Rédemption et susciter en nous une vive gratitude envers le Divin Sauveur ; 2° raviver en nous les sentiments de foi, de religion et de piété ; 3° nous prémunir, grâce aux lumières plus abondantes que le Seigneur accorde en ce temps de salut, contre les erreurs, l’impiété, la corruption et les scandales qui nous entourent de toutes parts ; 4° réveiller et accroître l’esprit de prière qui est l’arme du chrétien ; 5° nous inciter à la pénitence du cœur, à corriger nos mœurs et à racheter par de bonnes œuvres les péchés qui ont attiré sur nous la colère de Dieu ; 6° obtenir, par la conversion des pécheurs et le perfectionnement des justes, que Dieu hâte dans sa miséricorde le triomphe de l’Église au milieu de la guerre cruelle que lui font ses ennemis.
À ces intentions, nous devons également nous associer dans nos prières.
FAVEURS SPÉCIALES ACCORDÉES PENDANT LE JUBILÉ
Afin d’encourager les pécheurs à participer au Jubilé, il est donné à chaque confesseur durant toute cette année sainte la faculté d’absoudre tous les péchés, même ceux réservés à l’Évêque ou au Pape, ainsi que de commuer en d’autres œuvres de piété les vœux, de presque toute nature, que l’on aurait faits et que l’on ne pourrait pas accomplir.
En remplissant les conditions indiquées ci-dessous, chacun peut en cette circonstance acquérir non seulement la remise de tous ses péchés, mais aussi l’Indulgence Plénière, c’est-à-dire la remise de toute la peine temporelle qui lui resterait encore à purger dans ce monde ou au purgatoire.
Cette indulgence est applicable aux âmes du Purgatoire, mais elle ne peut être acquise qu’une seule fois au cours du Jubilé.
Le temps du Jubilé a commencé le 1er janvier et se termine le 31 décembre 1875.
CONDITIONS POUR ACQUÉRIR L’INDULGENCE DU JUBILÉ
1° Se confesser avec les dispositions requises, en méritant l’absolution par un véritable repentir.
2° S’approcher dignement de la communion. Ceux qui n’y ont pas encore été admis pourront la faire commuer en une bonne œuvre par le confesseur. Une seule communion ne suffit pas à satisfaire en même temps au précepte pascal et à l’acquisition du Jubilé.
3° Visiter pendant quinze jours consécutifs ou interpolés quatre églises avec l’intention d’acquérir le Jubilé. Il suffit de formuler cette intention une fois au début. La visite doit être faite aux quatre églises le même jour. (Pour Turin, les églises désignées sont Saint-Jean, La Consolata, les Saints-Martyrs et Saint-Philippe ; ailleurs, chacun prendra conseil auprès du curé ou du directeur). On peut compter pour un seul jour seulement le temps qui va des premières vêpres du jour jusqu’à la fin du jour suivant ; par exemple, de midi aujourd’hui jusqu’à la fin de demain, on peut compter un seul jour. Visiter une seule église par jour ne serait pas suffisant. Toutefois, en cas de grave empêchement, les confesseurs ont la faculté de modifier les visites ou même de les commuer en d’autres œuvres pieuses. Les visites peuvent être faites avant ou après la confession et la communion, ou même entre les deux. Il n’est pas nécessaire, mais il est extrêmement souhaitable qu’elles soient faites en état de grâce, c’est-à-dire sans péché mortel sur la conscience.
Aucune prière spéciale n’est prescrite lors de ces visites, il peut suffire de s’attarder environ un quart d’heure dans chaque église en récitant les Actes de Foi, d’Espérance, etc., en priant cinq Pater, Ave et Gloria aux intentions de l’Église et du Pape.
Pour aider les fidèles, voici quelques considérations qui peuvent servir de lecture lors de ces visites.
VISITE DE LA PREMIÈRE ÉGLISE. La confession
Une grande marque de la miséricorde de Dieu envers les pécheurs se trouve dans le sacrement de la confession. Si Dieu avait dit qu’il nous pardonnait nos péchés seulement par le baptême, et non plus ceux qu’on aurait commis malheureusement après avoir reçu ce sacrement, oh combien de chrétiens iraient à la perdition éternelle ! Mais Dieu, connaissant notre misère, institua un autre sacrement qui remet nos péchés commis après le baptême. C’est le sacrement de la confession. Voici comment en parle l’Évangile. Huit jours après sa résurrection, Jésus apparut à ses disciples et leur dit : La paix soit avec vous. Comme le Père céleste m’a envoyé, je vous envoie, c’est-à-dire je vous donne la faculté qui m’a été donnée par le Père céleste de faire tout ce qui est bon pour le salut des âmes. Ensuite, le Sauveur souffla sur eux en disant : Recevez l’Esprit Saint, ceux à qui vous remettrez les péchés, ils seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils seront retenus. Chacun comprend que les mots retenir ou ne pas retenir signifient donner ou ne pas donner l’absolution. C’est cette grande faculté que Dieu a donnée à ses apôtres et à leurs successeurs dans l’administration des saints sacrements.
Ces paroles du Sauveur donnent aux ministres sacrés l’obligation d’écouter les confessions. De là naît également l’obligation pour le chrétien de confesser ses fautes, afin qu’il sache quand il faut donner ou ne pas donner l’absolution, quels conseils suggérer pour remédier au mal fait, donner en somme tous les avis paternels nécessaires pour réparer les maux de la vie passée et ne plus les commettre à l’avenir.
La confession n’a jamais été pratiquée seulement à certaines époques et en certains lieux. Dès que les Apôtres commencèrent à prêcher l’Évangile, le Sacrement de la Pénitence commença également à être pratiqué. Nous lisons que lorsque saint Paul prêchait à Éphèse, de nombreux fidèles qui avaient déjà embrassé la foi venaient aux pieds des Apôtres et confessaient leurs péchés. Confitentes et annunciantes actus suos. Depuis le temps des Apôtres jusqu’à nous, la pratique de ce grand Sacrement a toujours été observée. L’Église catholique a toujours condamné comme hérétique quiconque a eu l’audace de nier cette vérité. Il n’y a personne qui ait pu s’en dispenser. Riches et pauvres, serviteurs et maîtres, rois, monarques, empereurs, prêtres, évêques, et même les Souverains Pontifes, tous doivent plier le genou aux pieds d’un ministre sacré pour obtenir le pardon des fautes qu’ils auraient pu commettre après le Baptême. Mais hélas, combien de chrétiens abusent de ce Sacrement ! Certains s’approchent sans faire leur examen de conscience, d’autres se confessent avec indifférence, sans contrition ou sans résolution ; d’autres encore taisent des choses importantes en confession, ou ne remplissent pas les obligations imposées par le confesseur. Tous ces gens prennent la chose la plus sainte et la plus utile pour se ruiner eux-mêmes. Sainte Thérèse a eu à ce sujet une terrible révélation. Elle vit que les âmes tombaient en enfer comme la neige tombe en hiver sur le dos des montagnes. Effrayée par cette vision, elle demanda l’explication à Jésus-Christ qui lui répondit qu’elles allaient à la perdition à cause des confessions mal faites de leur vivant.
Pour nous encourager à aller nous confesser avec une pleine sincérité, nous devons penser que le prêtre, qui nous attend au tribunal de la pénitence, nous attend au nom de Dieu et que c’est au nom de Dieu qu’il pardonne les péchés des hommes. Supposons qu’il y a un coupable condamné à mort pour un grave délit, et qu’au moment d’être conduit au gibet, le ministre du roi se présente à lui en disant : Ta faute est pardonnée, le roi te fait grâce et t’accueille parmi ses amis, et pour que tu ne doutes pas de ce que je dis, voici le décret qui m’autorise à révoquer ta sentence de mort. Quels sentiments de gratitude et d’amour n’exprimerait pas ce coupable envers le roi et son ministre ! C’est ce qui arrive exactement pour nous. Nous sommes de véritables coupables qui, en péchant, avons mérité la peine éternelle de l’enfer. Le ministre du Roi des rois, au nom de Dieu nous dit au tribunal de la pénitence : Dieu m’envoie vers vous pour vous absoudre de vos fautes, pour fermer l’enfer et vous ouvrir le Paradis, pour vous rétablir dans l’amitié avec Dieu. Afin que vous ne doutiez pas de la faculté qui m’est donnée, voici un décret signé par le même Jésus-Christ, qui m’autorise à révoquer la sentence de mort. Le décret s’exprime ainsi : Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils seront retenus. Quorum remiseritis peccata, remittuntur eis, quorum retinueritis, retenta sunt. Avec quelle estime et quelle vénération devons-nous nous approcher d’un ministre qui, au nom de Dieu, peut nous faire un si grand bien et empêcher un si grand mal !
Il y a une raison toute spéciale qui doit nous aider à dire toutes nos fautes au confesseur : c’est qu’à l’occasion du Jubilé, il a la faculté d’absoudre tous les péchés, même les péchés réservés. Quiconque aurait encouru des censures, des excommunications et d’autres peines ecclésiastiques peut être absous par n’importe quel confesseur sans recourir ni à l’Évêque ni au Pape.
La peur que le confesseur puisse révéler à d’autres les choses entendues en confession de doit pas nous éloigner de la confession. Non, cela n’a jamais été le cas dans le passé, et cela ne le sera jamais à l’avenir. Un bon père garde sans aucun doute sous le secret les confidences de ses enfants. Le confesseur est un véritable père spirituel ; c’est pourquoi, même humainement parlant, il garde un secret rigoureux sur ce que nous lui révélons. Mais il y a plus : un précepte absolu, naturel, ecclésiastique et divin oblige le confesseur à garder le silence sur toute chose entendue en confession. Même s’il s’agissait d’empêcher un mal grave, de se délivrer lui-même et tout le monde de la mort, il ne peut se servir d’une information obtenue en confession, à moins que le pénitent ne lui donne expressément la permission d’en parler. Va donc, ô chrétien, va souvent auprès de cet ami, plus souvent tu iras vers lui, plus tu auras l’assurance de marcher sur le chemin du ciel ; plus souvent tu iras vers lui, toujours plus tu recevras la confirmation du pardon de tes péchés, et tu obtiendras cette félicité éternelle promise par Jésus-Christ, qui a donné un si grand pouvoir à ses ministres. Ne te laisse pas arrêter par la multitude ou la gravité de tes péchés. Le prêtre est le ministre de la miséricorde de Dieu, qui est infinie. C’est pourquoi il peut absoudre n’importe quel nombre de péchés, quelle que soit leur gravité. Apportons seulement un cœur humilié et contrit, et alors nous aurons certainement le pardon. Cor contritum et humiliatum, Deus, non despicies.
PRIÈRE
Ô mon Jésus, qui êtes mort sur la croix pour moi, je vous remercie de tout mon cœur de ne pas m’avoir laissé mourir dans le péché. Dès ce moment, je me convertis à vous, je vous promets d’abandonner le péché et d’observer fidèlement vos commandements tant que vous me laisserez en vie. Je regrette de vous avoir offensé ; à l’avenir, je veux vous aimer et vous servir jusqu’à la mort. Vierge Sainte, ma Mère, aidez-moi au dernier moment de ma vie. Jésus, Marie, Joseph, que mon âme repose en paix en votre sainte compagnie ! — Trois Pater, Ave et Gloria.
VISITE DE LA DEUXIÈME ÉGLISE. La sainte Communion
Comprends-tu, chrétien, ce que signifie faire la sainte communion ? Cela signifie s’approcher de la table des anges pour recevoir le corps, le sang, l’âme et la divinité de notre Seigneur Jésus-Christ, qui est donné en nourriture à notre âme sous les espèces du pain et du vin consacrés. À la messe, au moment où le prêtre prononce sur le pain et le vin les paroles de la consécration, le pain et le vin deviennent le corps et le sang de Jésus-Christ. Les paroles utilisées par notre divin Sauveur lors de l’institution de ce Sacrement sont : Ceci est mon corps, ceci est mon sang : Hoc est corpus meum, hic est calix sanguinis mei.
Ces paroles sont prononcées par les prêtres au nom de Jésus-Christ dans le sacrifice de la Sainte Messe. Par conséquent, lorsque nous allons faire la Communion, nous recevons Jésus-Christ lui-même, son corps, son sang, son âme et sa divinité, c’est-à-dire le vrai Dieu et vrai homme, vivant comme il est vivant au ciel. Ce n’est pas son image, ni sa figure, comme une statue, un crucifix, mais c’est Jésus-Christ lui-même tel qu’il est né de la Vierge Marie Immaculée et qu’il est mort pour nous sur la croix. Jésus-Christ lui-même nous a assuré de sa réelle présence dans la sainte Eucharistie lorsqu’il a dit : Ceci est mon corps, qui sera donné pour le salut des hommes : Corpus quod pro vobis tradetur. C’est ce pain vivant qui est descendu du Ciel : Hic est panis vivus qui de coelo descendit. Le pain que je donnerai est ma chair. La boisson que je donnerai est mon vrai sang. Qui ne mange pas de ce corps et ne boit pas de ce sang n’a pas en lui la vie.
Jésus a institué ce Sacrement pour le bien de nos âmes et il désire que nous nous en approchions souvent. Voici les paroles qu’il a dites pour nous inviter : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et accablés, et je vous soulagerai : Venite ad me omnes qui laboratis et onerati estis, et ego reficiam vos. Ailleurs, il disait aux Juifs : Vos pères ont mangé la manne dans le désert et sont morts, mais celui qui mange la nourriture figurée dans la manne, cette nourriture que je donne, cette nourriture qui est mon corps et mon sang, ne mourra plus éternellement. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui, car ma chair est une vraie nourriture, et mon sang une vraie boisson. » Qui pourrait résister à ces invitations pleines d’amour du divin Sauveur ? Pour répondre à ces invitations, les chrétiens des premiers temps allaient chaque jour écouter la parole de Dieu et chaque jour ils s’approchaient de la sainte communion. C’est dans ce sacrement que les martyrs trouvaient la force, les vierges la ferveur, les saints le courage.
Et nous, avec quelle fréquence nous approchons-nous de cette nourriture céleste ? Si nous examinons les désirs de Jésus-Christ et nos besoins, nous devons communier très souvent. Tout comme la manne servait chaque jour de nourriture corporelle aux Hébreux pendant tout le temps qu’ils vécurent dans le désert jusqu’à ce qu’ils soient conduits dans la terre promise, de même la sainte Communion devrait être notre réconfort, la nourriture quotidienne dans les dangers de ce monde pour nous guider vers la véritable terre promise du Paradis. Saint Augustin dit ceci : Si chaque jour nous demandons à Dieu le pain corporel, pourquoi ne chercherions-nous pas aussi à nous nourrir chaque jour du pain spirituel par la sainte Communion ? Saint Philippe Néri encourageait les chrétiens à se confesser tous les huit jours et à communier encore plus souvent selon le conseil du confesseur. Enfin, la sainte Église manifeste le vif désir de la communion fréquente au Concile de Trente, où il est dit : « Il serait extrêmement souhaitable que tout fidèle chrétien maintienne sa conscience en état de pouvoir faire la sainte communion non seulement spirituellement, mais aussi sacramentellement chaque fois qu’il assiste à la sainte Messe. »
Quelqu’un dira : Je suis trop pécheur. Si tu es pécheur, essaie de te mettre en grâce par le Sacrement de la Confession, et ensuite approche-toi de la sainte Communion, et tu en recevras un grand secours. Un autre dira : Je communie rarement pour avoir plus de ferveur. Et c’est une tromperie. Les choses qui se font rarement se font généralement mal. D’autre part, comme tes besoins sont fréquents, les secours pour ton âme doivent être fréquents. Certains ajoutent : Je suis plein d’infirmités spirituelles et je n’ose pas communier souvent. Jésus-Christ répond : Ceux qui vont bien n’ont pas besoin du médecin, mais ceux qui sont le plus sujets aux malaises doivent être souvent visités par le médecin. Courage donc, ô chrétien ! Si tu veux faire l’action la plus glorieuse pour Dieu, la plus agréable à tous les saints du ciel, la plus efficace pour vaincre les tentations, la plus sûre pour te faire persévérer dans le bien, c’est certainement la sainte Communion.
PRIÈRE
Pourquoi donc, ô mon Jésus, votre Église, ma mère, veut-elle que je jubile cette année ? Y a-t-il un motif de joie plus qu’en d’autres temps ? Ah, le fait que vous soyez ici sur terre, le fait de pouvoir nous unir à Vous dans la sainte Communion n’est-ce pas un motif supérieur à tout autre pour nous faire jubiler continuellement ? Pour moi, je ne vois rien d’autre qui puisse réjouir mon cœur en dehors de Vous, vrai époux de l’Église triomphante, seule source de consolation et de force de l’Église militante. Mais comment a-t-on pu destiner un an spécial à la jubilation ? Malheureusement, ô mon Jésus, nous ne faisons pas cas de ce grand bien de la Communion comme nous devrions ! Nous oublions facilement, hélas, ce trésor incompréhensible, pour lequel votre épouse, notre tendre mère, est contrainte de temps à autre de réveiller notre attention pour nous faire revenir à vous. Voilà pourquoi elle veut que je me réjouisse. Elle ne veut pas que je me réjouisse seulement cette année, mais elle veut par ce moyen que je retourne à Vous, que je n’aurais jamais dû perdre et dont je n’aurais jamais dû m’éloigner. Oh, liez-moi à Vous dans la sainte communion par un lien qui ne se défera jamais plus éternellement. Trois Pater, Ave et Gloria.
VISITE DE LA TROISIÈME ÉGLISE. L’aumône
Un moyen très efficace, mais bien négligé par les hommes pour gagner le paradis, est l’aumône. Par aumône, j’entends toute œuvre de miséricorde exercée envers le prochain par amour de Dieu. Dieu dit dans la sainte Écriture que l’aumône obtient le pardon des péchés, même s’ils sont une grande multitude : Charitas operit multitudinem peccatorum. Le divin Sauveur dit dans l’Évangile : Quod superest date pauperibus. Ce qui dépasse vos besoins, donnez-le aux pauvres. Que celui qui a deux vêtements en donne un au nécessiteux, et que celui qui a déjà plus que le nécessaire en fasse part à celui qui a faim (Luc 3). Dieu nous assure que tout ce que nous faisons pour les pauvres, il le considère comme fait à lui-même. C’est ce que dit Jésus-Christ : tout que vous ferez à l’un de mes frères les plus malheureux, vous l’avez fait à moi (Matt. 25). Désirez-vous que Dieu vous pardonne vos péchés et vous libère de la mort éternelle ? Faites l’aumône. Eleemosyna ab omni peccato et a morte liberat. Voulez-vous empêcher que votre âme aille dans les ténèbres de l’enfer ? Faites l’aumône. Eleemosyna non partietur animam ire ad tenebras (Tob. 4). En somme, Dieu nous assure que l’aumône est un moyen très efficace pour obtenir le pardon de nos péchés, nous faire trouver miséricorde à ses yeux et nous conduire à la vie éternelle. Eleemosyna est quae purgat a peccato, facit invenire misericordiam et vitam aeternam.
Si donc tu veux que Dieu te fasse miséricorde, commence par pratiquer la miséricorde envers les pauvres. Tu diras peut-être : je fais ce que je peux. Mais fais attention, le Seigneur te dit de donner aux pauvres tout le superflu : quod superest date pauperibus. C’est pourquoi j’appelle superflus certains achats et augmentations de richesses que tu fais d’année en année. Superflue cette recherche excessive dans les objets de table, les repas, les tapis, les vêtements qui pourraient servir à ceux qui ont faim, à ceux qui ont soif, et à couvrir ceux qui sont nus. Superflu ce luxe dans les voyages, dans les théâtres, dans les bals et autres divertissements, là où va finir le patrimoine des pauvres.
Il vaut la peine de noter ici l’interprétation que certains donnent du précepte du superflu, et qui n’est certainement pas celle qui est conforme aux paroles de Jésus-Christ. C’est un conseil, disent-ils ; donc, ayant donné une partie du superflu en aumône, nous pouvons dépenser le reste à notre guise. Je réponds que le Sauveur n’a fixé aucune limite. Ses paroles sont positives, claires et sans distinction : Quod superest date pauperibus. Donnez le superflu aux pauvres. Afin que chacun soit persuadé que la sévérité de son commandement était motivée par l’abus que beaucoup en font et pour lequel ils courent un grave risque de se perdre éternellement, il a voulu ajouter ces autres paroles : Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille, qu’un riche se sauve, condamnant ainsi les vains prétextes par lesquels les possesseurs de biens temporels s’efforcent de s’exempter de donner le superflu aux pauvres.
Quelqu’un pourra dire en vérité : Je n’ai pas de richesses. Si tu n’as pas de richesses, donne ce que tu peux. D’ailleurs, les moyens et les façons de faire l’aumône ne te manquent pas. N’y a-t-il pas des malades à visiter, à assister, à veiller ? N’y a-t-il pas des jeunes abandonnés à accueillir, instruire, loger chez toi, si tu le peux, ou au moins les conduire là où ils peuvent apprendre la doctrine du salut ? N’y a-t-il pas des pécheurs à admonester, des indécis à conseiller, des affligés à consoler, des querelles à apaiser, des injures à pardonner ? Vois combien il y a de moyens pour faire l’aumône et mériter la vie éternelle ! De plus, ne peux-tu pas faire une prière, une confession, une communion, réciter un chapelet, écouter une messe en suffrage des âmes du purgatoire, pour la conversion des pécheurs, ou pour que les infidèles soient éclairés et viennent à la foi ? N’est-ce pas aussi une grande aumône de livrer aux flammes des livres pervers, de diffuser de bons livres et de parler autant que tu le peux en l’honneur de notre sainte Église catholique ?
Un autre motif qui doit t’inciter à faire l’aumône est celui que mentionne le Sauveur dans le Saint Évangile. Il dit ceci : Vous ne donnerez pas aux pauvres un verre d’eau fraîche, sans que le Père céleste vous en donne la récompense. Pour tout ce que vous donnerez aux pauvres, vous aurez le centuple dans la vie présente et une récompense dans la vie éternelle. Ainsi, donner quelque chose aux pauvres dans la vie présente est multiplier pour moi, est percevoir cent pour un dans la vie présente, et Dieu nous réservera ensuite la pleine récompense dans l’autre vie.
Voici la raison pour laquelle on voit tant de familles donner des aumônes copieuses de toutes parts et croître toujours de richesses en richesses et de prospérité en prospérité. La raison en est donnée par Dieu : donnez aux pauvres, et il vous sera donné : date, et dabitur vobis. Il vous sera donné le centuple dans la vie présente, et la vie éternelle dans l’autre : centuplum accipiet in hac vita et vitam aeternam possidebit.
PRIÈRE
Ô mon Jésus, je suis pleinement convaincu de mon devoir de faire l’aumône, mais comment ferai-je, moi qui ai une telle pénurie de vrais biens, c’est-à-dire spirituels, que je réussis à peine à vivre ? Comment prierai-je pour les infidèles et pour les hérétiques si je crois à peine aux vérités enseignées par votre sainte Église ? Comment prierai-je pour les pécheurs, si j’aime moi-même le péché ? Comment prierai-je pour votre Église, pour votre Vicaire, si je me rends compte à peine qu’ils sont persécutés, tant je suis aveuglé par les occupations mondaines ? Ah ! Seigneur, par votre saint Cœur, je vous conjure de vouloir me faire un peu d’aumône, de me donner un peu de cette charité qui animait vos premiers disciples, de cette charité qui bouillonnait dans le cœur des saints Jean l’Évangéliste, François-Xavier, Vincent de Paul, dans celui de la Bienheureuse Marguerite Marie Alacoque. Alors oui, tout ce que j’ai sera à tous mes frères, et, pour autant que cela dépend de moi, je célébrerai véritablement l’année du jubilé, en partageant les biens que vous m’avez donnés avec ceux qui en sont dépourvus, afin que moi aussi je jouisse et jubile de vos richesses. Trois Pater, Ave et Gloria.
VISITE DE LA QUATRIÈME ÉGLISE. La pensée du salut
Aux yeux de la foi, la pensée du salut est la chose la plus importante, mais dans le monde, c’est la plus négligée. Quand tu es dans cette église, ô chrétien, porte ton regard sur un Crucifix, et écoute ce que Jésus te dit. Il délie sa langue et te parle ainsi : une seule chose pour toi, homme, est nécessaire : sauver ton âme, unum est necessarium. Si tu acquiers des honneurs, la gloire, les richesses, les sciences et que tu ne sauves pas ton âme, tout est perdu pour toi. Quid prodest homini si mundum universum lucretur, animae vero suae detrimentum patiatur ? (Matt. 16, 26).
Cette pensée a décidé tant de jeunes à quitter le monde, tant de riches à donner leurs richesses aux pauvres, tant de missionnaires à abandonner leur patrie, à aller dans des pays très lointains, tant de martyrs à donner leur vie pour la foi. Tous ces gens pensaient que s’ils perdaient l’âme, tous les biens du monde n’auraient servi à rien pour la vie éternelle. Pour cette raison, saint Paul exhortait les chrétiens à penser sérieusement à l’affaire du salut : « Nous vous prions, écrit-il, frères, prêtez attention à la grande affaire de votre salut » (1Thess. 10, 4).
Mais de quelle affaire parle ici saint Paul ? Il parlait, dit saint Jérôme, de cette affaire qui importe au-dessus de tout ; si cette affaire échoue, on perd le royaume éternel du Paradis, et il ne reste plus rien d’autre que d’être jeté dans une fosse de tourments, qui n’auront plus de fin.
Saint Philippe Néri avait donc raison d’appeler fous tous ceux qui dans cette vie cherchent à se procurer honneurs, emplois lucratifs et richesses, où peu se préoccupent de sauver leur âme. Chaque perte de biens, de réputation, de parents, de santé, même de la vie, peut se réparer sur cette terre ; mais avec quel bien du monde, avec quelle fortune peut-on réparer la perte de l’âme ? Écoute, chrétien, c’est Jésus-Christ qui t’appelle, écoute sa voix. Il veut te donner miséricorde et pardon de tes péchés, et la remise de la peine due pour ces péchés. Retiens bien dans ton esprit que celui qui aujourd’hui ne pense pas à se sauver, court un grave risque d’être demain avec les damnés en enfer et d’être perdu pour toute l’éternité.
Considère qu’en ce moment, pendant que tu es dans l’église à penser à ton âme, tant de gens meurent et vont peut-être en enfer. Depuis le commencement du monde jusqu’à nos jours, combien de gens de tout âge et de toute condition sont morts et sont allés à l’éternelle perdition ! Peut-être avaient-ils l’intention de se damner ? Je crois qu’aucun d’eux n’a eu cette intention. L’illusion était dans le fait de différer leur conversion ; ils sont morts dans le péché, et maintenant ils sont damnés. Retiens bien cette maxime : l’homme dans ce monde fait beaucoup s’il se sauve, et il sait beaucoup s’il a la science du salut ; mais il ne fait rien s’il perd son âme, et ne sait rien s’il ignore les choses qui peuvent éternellement le sauver.
PRIÈRE
Ô mon Rédempteur, vous avez dépensé votre sang pour acheter mon âme, et je l’ai tant de fois perdue par le péché ! Je vous remercie de me donner encore du temps pour me mettre en votre grâce. Ô mon Dieu, je me repens de vous avoir offensé, j’aurais préféré mourir avant et n’avoir jamais déplu à ce Dieu si bon que vous êtes. Oui, mon Dieu, je vous offre tout moi-même, je cache mes iniquités dans vos saintes plaies, et je sais avec certitude, ô mon Dieu, que vous ne sauriez mépriser un cœur qui s’humilie et se repent. Ô Marie, refuge des pécheurs, secourez un pécheur qui se recommande à vous et met sa confiance en vous. — Trois Pater, Ave et Gloria, avec l’oraison jaculatoire : Mon Jésus, miséricorde.
Avec la permission de l’Autorité ecclésiastique.