Prophètes du pardon et de la gratuité

En ces temps où les nouvelles, jour après jour, nous rapportent des expériences de conflit, de guerre et de haine, le risque est grand que nous, en tant que croyants, finissions par être entraînés dans une lecture des événements qui se réduit seulement au niveau politique, ou que nous nous limitions à prendre position en faveur d’une partie ou de l’autre avec des arguments qui reflètent nore manière de voir les choses, notre manière d’interpréter la réalité.

Dans le discours de Jésus qui suit les béatitudes, il y a une série de « petites/grandes leçons » que le Seigneur nous offre. Elles commencent toujours par le verset « vous avez entendu qu’il a été dit ». Dans l’une d’elles, le Seigneur rappelle l’ancien dicton « œil pour œil et dent pour dent » (Mt 5,38).
En dehors de la logique de l’Évangile, cette loi non seulement n’est pas contestée, mais elle peut même être prise comme une règle qui exprime la manière de rétablir les comptes avec ceux qui nous ont offensés. Obtenir vengeance est perçu comme un droit, voire même comme un devoir.
Jésus se présente devant cette logique avec une proposition complètement différente, totalement opposée. À l’inverse de ce que nous avons entendu, Jésus nous dit : « Mais moi, je vous dis » (Mt 5,39). Et ici, en tant que chrétiens, nous devons faire très attention. Les paroles de Jésus qui suivent sont importantes non seulement pour elles-mêmes, mais parce qu’elles expriment de manière très synthétique tout son message. Jésus ne vient pas pour nous dire qu’il y a une autre façon d’interpréter la réalité. Jésus ne vient pas à nous pour élargir l’éventail des opinions à propos des réalités terrestres, en particulier de celles qui touchent notre vie. Jésus n’est pas une autre opinion, mais il incarne lui-même la proposition alternative à la loi de la vengeance.
La phrase « mais moi, je vous dis » est d’une importance fondamentale car ce n’est plus la parole prononcée, mais la personne même de Jésus. Ce que Jésus nous communique, il le vit. Quand Jésus dit « de ne pas vous opposer au méchant ; au contraire, si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre » (Mt 5,39), ces mêmes paroles, il les a vécues en personne. Nous ne pouvons certainement pas dire de Jésus qu’il prêche bien mais que son message n’est pas approprié.
Pour en revenir à notre époque, ces paroles de Jésus risquent d’être perçues comme les paroles d’une personnalité faible, la réaction de quelqu’un qui n’est plus capable de réagir mais seulement de subir. Et de fait, quand nous regardons Jésus qui s’offre complètement sur le bois de la Croix, c’est l’impression que nous pouvons avoir. Et pourtant, nous savons très bien que le sacrifice sur la croix est le fruit d’une expérience qui part de la phrase « mais moi, je vous dis ». Car tout ce que Jésus nous a dit, il a fini par l’assumer pleinement. Et en l’assumant pleinement, il a réussi à passer de la croix à la victoire. La logique de Jésus est une logique qui, apparemment, est celle d’un perdant. Mais nous savons très bien que le message que Jésus nous a laissé, et qu’il a vécu pleinement, est le remède dont ce monde a vraiment besoin aujourd’hui.

Être prophètes du pardon signifie choisir le bien comme réponse au mal. Cela signifie avoir la certitude que la puissance du malin ne conditionnera pas ma façon de voir et d’interpréter la réalité. Le pardon n’est pas la réponse du faible. Le pardon est le signe le plus éloquent d’une liberté capable de reconnaître les blessures que le mal laisse derrière lui, mais avec la conviction que ces mêmes blessures ne seront jamais une poudrière qui fomente la vengeance et la haine.
Réagir au mal par le mal ne fait qu’élargir et approfondir les blessures de l’humanité. La paix et la concorde ne croissent pas sur le terrain de la haine et de la vengeance.

Être prophètes de la gratuité exige de nous la capacité de regarder le pauvre et l’indigent non pas avec la logique du profit, mais avec la logique de la charité. Le pauvre ne choisit pas d’être pauvre, mais celui qui possède a la possibilité de choisir d’être généreux, bon et plein de compassion. Combien le monde serait différent si nos leaders politiques, dans ce scénario où les conflits et les guerres se multiplient, avaient la sagesse de regarder ceux qui paient le prix de ces divisions, les pauvres, les marginalisés, ceux qui ne peuvent pas s’échapper parce qu’ils n’en ont pas les moyens !
Si nous partons d’une lecture purement horizontale, il y a de quoi désespérer. Il ne nous reste plus qu’à rester enfermés dans nos murmures, dans nos critiques. Mais non ! Nous sommes des éducateurs de jeunes. Nous savons bien que ces jeunes, dans notre monde, cherchent des points de référence d’une humanité saine, de leaders politiques capables d’interpréter la réalité avec des critères de justice et de paix. Mais quand nos jeunes regardent autour d’eux, nous savons bien qu’ils ne perçoivent que le vide d’une vision pauvre de la vie.
Nous qui sommes engagés dans l’éducation des jeunes avons une grande responsabilité. Il ne suffit pas de commenter l’obscurité que laisse une absence presque complète de leadership. Il ne suffit pas de commenter qu’il n’y a pas de propositions capables d’enflammer la mémoire des jeunes. Il appartient à chacun et à chacune de nous d’allumer une bougie d’espoir au milieu de cette obscurité, d’offrir des exemples d’humanité réussie au quotidien.
Il vaut vraiment la peine aujourd’hui d’être prophètes du pardon et de la gratuité.




Le syndrome de Philippe et celui d’André

Dans le récit de l’Évangile de Jean, chapitre 6, versets 4-14, qui présente la multiplication des pains, nous trouvons certains détails sur lesquels je m’attarde un peu longuement chaque fois que je médite ou commente ce passage.

Tout commence lorsque, face à la « grande » foule affamée, Jésus invite les disciples à prendre la responsabilité de leur donner à manger.
Le premier de ces détails est la réaction de Philippe, qui affirme qu’il est impossible de répondre à cet appel en raison de la multitude présente. André, quant à lui, tout en faisant remarquer qu’« il y a ici un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons », sous-estime ensuite cette même possibilité par un simple commentaire : « mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ? » (v.9).
Je souhaite simplement partager avec vous, chers lecteurs et lectrices, comment nous, chrétiens, qui sommes appelés à partager la joie de notre foi, pouvons parfois être contaminés sans le savoir par le syndrome de Philippe ou celui d’André. Parfois même par les deux !
Dans la vie de l’Église, comme aussi dans la vie de la Congrégation et de la Famille Salésienne, les défis ne manquent pas et ne manqueront jamais. Notre vocation n’est pas de former un groupe de personnes où l’on cherche seulement à être bien, sans déranger et sans être dérangé. Ce n’est pas une expérience faite de certitudes préfabriquées. Faire partie du corps du Christ ne doit pas nous distraire ni nous éloigner de la réalité du monde, telle qu’elle est. Au contraire, cela nous pousse à être pleinement impliqués dans les événements de l’histoire humaine. Cela signifie avant tout regarder la réalité non seulement avec nos yeux humains, mais aussi, et surtout, avec les yeux de Jésus. Nous sommes invités à répondre aux défis, guidés par l’amour qui trouve sa source dans le cœur de Jésus, c’est-à-dire vivre pour les autres comme Jésus nous l’enseigne et nous le montre.

Le syndrome de Philippe
Le syndrome de Philippe est subtil et c’est pourquoi il est aussi très dangereux. L’analyse que fait Philippe est juste et correcte. Sa réponse à l’invitation de Jésus n’est pas fausse. Son raisonnement suit une logique humaine très linéaire et sans défaut. Il regardait la réalité avec des yeux humains, avec un esprit rationnel et, en fin de compte, sans issue. Face à cette manière de procéder « raisonnable », l’affamé cesse de m’interpeller, le problème est le sien, pas le mien. Pour être plus précis à la lumière de ce que nous vivons quotidiennement : le réfugié aurait pu rester chez lui, il ne doit pas me déranger ; le pauvre et le malade se débrouillent seuls et il ne m’appartient pas de faire partie de leur problème, encore moins de leur trouver la solution. Voilà le syndrome de Philippe. C’est un disciple de Jésus, mais sa manière de voir et d’interpréter la réalité est encore figée, non remise en question, à des années-lumière de celle de son maître.

Le syndrome d’André
Vient ensuite le syndrome d’André. Je ne dis pas qu’il est pire que le syndrome de Philippe, mais il s’en faut de peu pour qu’il soit plus tragique. C’est un syndrome subtil et cynique : il voit une opportunité possible, mais ne va pas plus loin. Il y a une toute petite espérance, mais humainement, elle n’est pas réalisable. Alors on en vient à disqualifier aussi bien le don que le donateur. Et le donateur à qui, dans ce cas, échoit la « malchance », est un jeune garçon qui est simplement prêt à partager ce qu’il a !
Deux syndromes qui sont encore avec nous, dans l’Église et aussi parmi nous, pasteurs et éducateurs. Étouffer une petite espérance est plus facile que de laisser place à la surprise de Dieu, une surprise qui peut faire éclore une espérance, même petite. Se laisser conditionner par des clichés dominants pour ne pas explorer des opportunités qui défient les lectures et interprétations réductrices, est une tentation permanente. Si nous ne faisons pas attention, nous devenons les prophètes et les exécuteurs de notre propre ruine. À force de rester enfermés dans une logique humaine, « académiquement » raffinée et « intellectuellement » qualifiée, l’espace pour une lecture évangélique devient de plus en plus limité, et finit par disparaître.
Lorsque cette logique humaine et horizontale est mise en crise, l’un des signes qu’elle suscite pour se défendre est celui du « ridicule ». Celui qui ose défier la logique humaine parce qu’il laisse entrer l’air frais de l’Évangile, sera couvert de ridicule, attaqué, tourné en dérision. Quand cela arrive, nous pouvons dire que nous sommes face à une voie prophétique. Les eaux sont agitées.

Jésus et les deux syndromes
Jésus dépasse les deux syndromes en « prenant » les pains considérés comme peu nombreux et par conséquent insignifiants. Jésus ouvre la porte à cet espace prophétique et de foi que nous sommes appelés à habiter. Face à la foule, nous ne pouvons pas nous contenter de faire des lectures et des interprétations autoréférentielles. Suivre Jésus implique d’aller au-delà du raisonnement humain. Nous sommes appelés à regarder les défis avec ses yeux. Quand Jésus nous appelle, il ne nous demande pas des solutions mais le don de tout nous-mêmes, avec ce que nous sommes et ce que nous avons. Le risque est que, face à son appel, nous restions immobiles, esclaves par conséquent de notre pensée et avides de ce que nous croyons posséder.
Ce n’est que dans la générosité fondée sur l’abandon à sa Parole que nous parvenons à recueillir l’abondance de l’action providentielle de Jésus. « Ils les ramassèrent et remplirent douze paniers de morceaux qui, des cinq pains d’orge, étaient restés de ceux qui avaient mangé » (v.13). Le petit don du garçon fructifie de manière surprenante uniquement parce que les deux syndromes n’ont pas eu le dernier mot.
Le Pape Benoît commente ainsi ce geste du garçon : « Dans la scène de la multiplication, la présence d’un jeune garçon est également signalée, qui, face à la difficulté de nourrir tant de monde, met en commun le peu qu’il a : cinq pains et deux poissons. Le miracle ne se produit pas à partir de rien, mais d’un premier partage modeste de ce qu’un simple garçon avait avec lui. Jésus ne nous demande pas ce que nous n’avons pas, mais il nous fait voir que si chacun offre le peu qu’il a, le miracle peut toujours se reproduire : Dieu est capable de multiplier notre petit geste d’amour et de nous rendre participants de son don » (Angélus, 29 juillet 2012).
Face aux défis pastoraux que nous avons, face à tant de soif et de faim de spiritualité que les jeunes expriment, cherchons à ne pas avoir peur, à ne pas rester attachés à nos affaires, à nos façons de penser. Offrons-Lui le peu que nous avons, confions-nous à la lumière de sa Parole. Et que la Parole, et seulement elle, soit le critère permanent de nos choix et la lumière qui guide nos actions.

Photo : Miracle évangélique de la multiplication des pains et des poissons, vitrail de l’abbaye de Tewkesbury dans le Gloucestershire (Royaume-Uni), œuvre de 1888, réalisée par Hardman & Co.




Message du père Fabio Attard pour la fête du Recteur Majeur

Chers confrères, chers collaborateurs et collaboratrices de nos Communautés Éducatives et Pastorales, chers jeunes,

            Permettez-moi de partager avec vous ce message qui vient du fond de mon cœur. Je vous le communique avec toute l’affection, la reconnaissance et l’estime que j’ai pour chacun et chacune d’entre vous qui êtes engagés dans la mission d’éducateurs, de pasteurs et d’animateurs de jeunes sur tous les continents.
            Nous sommes tous bien conscients que l’éducation des jeunes a de plus en plus besoin d’adultes porteurs de sens, de personnes qui possèdent une base morale solide, capables de leur transmettre une espérance et une vision d’avenir.
            Si nous avons tous à cœur de marcher avec les jeunes, de les accueillir chez nous, de leur offrir des possibilités d’éducation en tous domaines, dans les réalités variées que nous menons, nous sommes également conscients des défis culturels, sociaux et économiques auxquels nous sommes confrontés.
            À côté de ces défis qui font partie de tout processus éducatif et pastoral, puisqu’il s’agit toujours d’un dialogue continu avec les réalités terrestres, nous reconnaissons que, en raison des situations de guerres et de conflits armés dans diverses parties du monde, l’appel que nous vivons devient plus complexe et plus difficile. Tout cela a un effet sur l’engagement que nous prenons. Il est encourageant de voir que, malgré les défis que nous devons affronter, nous sommes déterminés à continuer à vivre notre mission avec conviction.
            Ces derniers mois, le message du Pape François et maintenant les paroles du Pape Léon XIV invitent continuellement le monde à regarder en face cette situation douloureuse qui ressemble à une spirale grandissant de manière effrayante. Nous savons que les guerres n’engendrent jamais la paix. Nous sommes conscients, et certains d’entre nous en font l’expérience sur la ligne de front,que chaque conflit armé, chaque guerre apporte son lot de souffrances, de douleurs et d’aggravation de toutes sortes de pauvreté. Nous savons tous que ceux qui paient, en fin de compte, le prix de ces situations sont les personnes déplacées, les personnes âgées, les enfants et les jeunes qui se retrouvent sans présent et sans avenir.
            C’est pourquoi, chers confrères, chers collaborateurs, chères collaboratrices et chers jeunes du monde entier, je souhaiterais vous demander que, pour la fête du Recteur Majeur, qui est une tradition remontant à l’époque de Don Bosco, chaque communauté, à une date proche de la fête du Recteur Majeur, célèbre la Sainte Eucharistie pour la paix.
            C’est une invitation à la prière qui trouve sa source dans le sacrifice du Christ, crucifié et ressuscité. Une prière comme témoignage pour que personne ne reste indifférent face à une situation mondiale secouée par un nombre croissant de conflits.
            Il s’agit d’un geste de solidarité avec tous ceux, notamment les Salésiens, les laïcs et les jeunes qui, en ce moment particulier, avec beaucoup de courage et de détermination, continuent à vivre la mission salésienne au milieu de situations marquées par les guerres. Ce sont des Salésiens, des laïcs et des jeunes qui demandent et apprécient la solidarité de toute la Congrégation, la solidarité humaine, la solidarité spirituelle, la solidarité charismatique.
            Alors que le Conseil Général et moi-même, nous faisons tout notre possible pour être très proches de tous, de manière concrète, je crois qu’en ce moment particulier, ce signe de proximité et d’encouragement doit être donné par toute la Congrégation.
            À vous, nos chers frères et sœurs du Myanmar, de l’Ukraine, du Moyen-Orient, de l’Éthiopie, de l’Est de la République Démocratique du Congo, du Nigéria, d’Haïti et d’Amérique Centrale, nous voulons vous dire haut et fort que nous sommes avec vous. Nous vous remercions pour votre témoignage. Nous vous assurons de notre proximité humaine et spirituelle.
            Continuons à prier pour le don de la paix. Continuons à prier pour nos confrères, laïcs et jeunes qui, vivant dans des situations très difficiles, ne cessent d’espérer et de prier pour que la paix s’instaure enfin. Leur exemple, le don d’eux-mêmes et leur appartenance au charisme de Don Bosco, sont un témoignage fort pour nous. Avec tant de personnes consacrées, prêtres et laïcs engagés, ils sont les martyrs des temps modernes, c’est-à-dire les témoins de l’éducation et de l’évangélisation qui, malgré tout, en tant que véritables pasteurs et ministres de la charité évangélique, continuent d’aimer, de croire et d’espérer un avenir meilleur.
            Nous tous, cet appel à la solidarité, nous l’accueillons de tout notre cœur. Merci.

Prot. 25/0243 Rome, le 24 juin 2025
don Fabio ATTARD,
Recteur Majeur

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Quand le Seigneur frappe à la porte

Un confrère m’a dit : « Père, nous avons seulement besoin de ta proximité, de ton écoute, de ta prière. Cela nous console, nous encourage et nous donne force et espérance pour que nous continuions à servir les jeunes, pauvres et blessés, effrayés et terrorisés ! »

Le 25 mars 2025, l’Église célèbre la solennité de l’Annonciation de l’Ange Gabriel à Marie. L’une des solennités les plus significatives pour la foi chrétienne. En cette solennité, nous commémorons l’initiative de Dieu qui entre dans cette histoire humaine qu’il a lui-même créée. En ce jour, dans la Sainte Eucharistie, nous récitons le Credo et, lorsque nous professons que le Fils de Dieu s’est fait homme, nous, croyants, nous agenouillons en signe d’émerveillement devant cette initiative merveilleuse de Dieu devant laquelle il ne nous reste qu’à nous mettre à genoux.
Dans l’expérience de l’Annonciation, Marie a peur : « Ne crains pas, Marie », lui dit l’Ange. Après avoir exprimé ses questions, étant assurée qu’il s’agit du projet de Dieu pour elle, Marie répond par une simple phrase qui reste pour nous aujourd’hui un rappel et une invitation. Marie, la Bénie entre les femmes, dit simplement : « Qu’il me soit fait selon ta parole ».
Le 25 mars dernier, le Seigneur a frappé à la porte de mon cœur à travers l’appel que mes frères du Chapitre Général 29 m’ont adressé. Ils m’ont demandé de me rendre disponible pour assumer la mission d’être Recteur Majeur des Salésiens de Don Bosco, la Congrégation de Saint François de Sales. J’avoue que sur le coup, je sentais le poids de l’invitation, des moments qui désorientent parce que ce que le Seigneur me demandait n’était pas une chose légère. Le fait est que lorsque l’appel arrive, nous, en tant que croyants, entrons dans cet espace sacré où nous ressentons fortement le fait que c’est Lui qui prend l’initiative. La seule voie devant nous est de simplement nous abandonner entre les mains de Dieu, « sans si et sans mais ». Et tout cela n’est naturellement pas facile.

« Tu verras comment le Seigneur travaille »
Au cours de ces premières semaines, je me demande encore, comme Marie, quel est le sens de tout cela ? Puis, petit à petit, je commence à ressentir cette consolation qu’un de mes Provinciaux me disait autrefois : « Quand le Seigneur appelle, c’est Lui qui prend l’initiative, c’est de Lui que dépend ce qu’on fait. Quant à toi, tiens-toi seulement prêt et disponible. Tu verras comment le Seigneur travaille. »
À la lumière de cette expérience personnelle, mais d’une portée très vaste, car il s’agit de la Congrégation Salésienne et de la Famille Salésienne, je me suis immédiatement tourné vers mes chers frères Salésiens. Dès le premier instant, je leur ai demandé de m’accompagner de leur prière, de leur proximité, de leur soutien.
Je dois avouer que, dès ces premières semaines, je sens que cette mission doit s’inspirer de Marie. Après l’annonce de l’Ange, elle s’est mise en route pour aider sa cousine Élisabeth. C’est ainsi que je me suis mis à servir mes frères, à les écouter, en leur partageant et en leur assurant le soutien de toute la Congrégation, spécialement pour ceux qui vivent dans des situations de guerres, de conflits et de pauvreté extrême.
J’ai été frappé par le commentaire d’un provincial qui vit une situation extrêmement difficile avec ses confrères. Après un entretien très fraternel, il m’a dit : « Père, nous avons seulement besoin de ta proximité, de ton écoute, de ta prière. Cela nous console, nous encourage et nous donne force et espérance pour continuer à servir les jeunes, pauvres et blessés, effrayés et terrorisés ! » Après ce commentaire, nous sommes restés silencieux, lui et moi, avec quelques larmes qui coulaient de ses yeux et, je dois le dire, aussi des miens.
Après la rencontre, je suis resté seul dans mon bureau. Je me suis demandé si la mission que le Seigneur me demande d’accepter est sans doute celle de me rendre frère auprès de mes frères qui souffrent mais espèrent ? Qui se battent pour faire le bien pour les pauvres et n’ont aucune intention d’arrêter ? Je sentais en moi une voix qui me disait qu’il vaut la peine de dire « oui » quand le Seigneur frappe à la porte, quoi qu’il en coûte !




Discours du Recteur Majeur à la clôture du Chapitre Général 29

Mes chers confrères,

            Nous arrivons à la fin de cette expérience du XXIXe Chapitre Général avec un cœur rempli de joie et de gratitude pour tout ce que nous avons pu vivre, partager et projeter. Le don de la présence de l’Esprit de Dieu que nous avons supplié chaque jour dans la prière matinale, ainsi que pendant les travaux par le biais de la conversation dans l’Esprit, a été la force centrale de l’expérience du Chapitre Général. Nous avons cherché le rôle principal de l’Esprit et il nous a été donné abondamment.
            La célébration de chaque Chapitre Général est comme une borne kilométrique dans la vie de chaque congrégation religieuse. Cela vaut aussi pour nous, pour notre chère Congrégation Salésienne. C’est un moment qui donne continuité au chemin qui, depuis Valdocco, continue d’être vécu avec ardeur et mené avec zèle et détermination dans les différentes parties du monde.
            Nous arrivons à la fin de ce Chapitre Général avec l’approbation d’un Document Final qui nous servira de boussole pour les six prochaines années 2025-2031. La valeur de ce Document Final, nous la verrons et la ressentirons dans la mesure où nous réussirons après la conclusion de cette expérience de Pentecôte salésienne à maintenir la même qualité dans l’écoute, le même souci de nous laisser accompagner par l’Esprit Saint qui ont marqué ces semaines.
            Dès le début, lorsque le Recteur Majeur Don Angel Fernández Artime a rendu publique la Lettre de Convocation du Chapitre Général 29 (24 septembre 2023, ACG 441), les motivations qui devaient guider les travaux pré-capitulaires et ensuite les travaux du Chapitre Général lui-même étaient claires. Le Recteur Majeur a écrit ceci :
Le thème choisi est le fruit d’une réflexion riche et profonde que nous avons menée au sein du Conseil Général sur la base des réponses reçues des Provinces et de la vision que nous avons de la Congrégation en ce moment. Nous avons été agréablement surpris par la grande convergence et harmonie que nous avons trouvées dans de nombreuses contributions des Provinces, en lien avec la réalité que nous voyons dans la Congrégation, avec le chemin de fidélité qui existe dans de nombreux secteurs et aussi avec les défis du moment présent. (ACG 441)
            L’écoute des Provinces qui a conduit au choix du thème de ce Chapitre Général est déjà une indication claire d’une méthodologie d’écoute. À la lumière de ce que nous avons vécu ces dernières semaines, la valeur du procédé de l’écoute se confirme. La manière dont nous avons d’abord identifié puis interprété les défis que la Congrégation est déterminée à relever a mis en évidence ce climat salésien typique, cet esprit de famille, qui ne veut pas éviter les défis, qui ne cherche pas à uniformiser la pensée, mais qui fait tout son possible pour arriver à cet esprit de communion où chacun de nous puisse reconnaître sa voie pour être le Don Bosco d’aujourd’hui.
            Le point focal des défis indiqués est la « référence à la centralité de Dieu (comme Trinité) et de Jésus-Christ comme Seigneur de notre vie, sans jamais oublier les jeunes et notre engagement envers eux » (ACG 441). Le déroulement des travaux du Chapitre Général témoigne non seulement du fait que nous avons la capacité d’identifier les défis, mais que nous avons aussi trouvé le moyen de faire émerger la concorde et l’unité entre nous, en reconnaissant et en tirant parti du fait que nous nous trouvons sur des continents et dans des contextes différents, des cultures et des langues différentes. De plus, ce climat confirme que lorsque nous regardons aujourd’hui la réalité avec les yeux et avec le cœur de Don Bosco, lorsque nous sommes vraiment passionnés par le Christ et dévoués aux jeunes, alors nous découvrons que la diversité devient richesse, que marcher ensemble est beau même si c’est fatigant, que ce n’est qu’ensemble que nous pouvons affronter les défis sans peur.
            Dans un monde fragmenté par les guerres, les conflits et les idéologies dépersonnalisantes, dans un monde marqué par des pensées et des modèles économiques et politiques qui enlèvent leur place aux jeunes, notre présence est un signe, un « sacrement » d’espérance. Les jeunes, sans distinction de couleur de peau, d’appartenance religieuse ou ethnique, nous demandent de promouvoir des propositions et des lieux d’espérance. Ils sont filles et fils de Dieu qui attendent de nous que nous soyons leurs humbles serviteurs.
            Un deuxième point, confirmé et réaffirmé par ce Chapitre Général, est la conviction partagée que « si dans notre Congrégation manquaient la fidélité et la prophétie, nous serions comme la lumière qui ne brille pas et le sel qui ne donne pas de saveur » (ACG 441). Le point ici n’est pas tant de savoir si nous voulons être plus authentiques ou moins, mais le fait même que c’est la seule voie que nous avons et c’est celle qui a été fortement réaffirmée ici ces dernières semaines : grandir dans l’authenticité !
            Le courage manifesté à certains moments du Chapitre Général est une excellente préparation au courage qui nous sera demandé à l’avenir sur d’autres thèmes qui sont sortis de ce Chapitre Général. Je suis sûr que ce courage a trouvé ici un terrain fertile, un écosystème sain et prometteur et qui augure bien pour l’avenir. Avoir du courage signifie ne pas laisser la peur avoir le dernier mot. La parabole des talents nous l’enseigne de manière claire. Le Seigneur nous a donné un seul talent : le charisme salésien, concentré dans le Système Préventif. Il sera demandé à chacun de nous ce que nous avons fait de ce talent.

            Ensemble, nous sommes appelés à le faire fructifier dans des contextes stimulants, nouveaux et inédits. Nous n’avons aucune raison de l’enterrer. Nous avons tant de motivations, tant de cris de jeunes qui nous poussent à « sortir » pour semer l’espérance. Ce pas courageux, plein de conviction, Don Bosco l’a déjà fait en son temps et il nous demande aujourd’hui de le faire comme lui et avec lui.
            Je voudrais commenter ici quelques points qui se trouvent déjà dans le Document Final et qui, je crois, peuvent servir de flèches qui nous encouragent sur le chemin des six prochaines années.

1. Conversion personnelle
            Notre chemin en tant que Congrégation Salésienne dépend des choix personnels, intimes et profonds que chacun de nous décide de faire. En élargissant le contexte dans lequel il faut réfléchir sur le thème de la conversion personnelle, il est important de rappeler comment, ces dernières années après le Concile Vatican II, la Congrégation a fait un chemin de réflexion spirituelle, charismatique et pastorale, magistralement commenté par Don Pascual Chávez dans ses interventions hebdomadaires. Cette lecture et cette contribution enrichissent la réflexion importante que nous a laissée le Recteur Majeur Don Egidio Viganò dans sa dernière lettre à la Congrégation : Comment relire aujourd’hui le charisme du fondateur (ACG 352, 1995). Si aujourd’hui nous parlons d’un « changement d’époque », Don Viganò écrivait en 1995 :
La relecture du charisme de notre Fondateur nous occupe depuis maintenant trente ans. Deux grands phares lumineux nous ont aidés dans cet engagement : le premier est le Concile Œcuménique Vatican II, le second est le changement d’époque de cette heure d’accélération de l’histoire (ACG 352, 1995).
            Je fais référence à ce chemin de la Congrégation avec ses richesses et son patrimoine, parce que le thème de la conversion personnelle est le lieu où le chemin de la Congrégation trouve sa confirmation et son élan supplémentaire. La conversion personnelle n’est pas une affaire intimiste, autoréférentielle. Il ne s’agit pas d’un appel qui ne me touche que de manière détachée de tout et de tous. La conversion personnelle est cette expérience singulière d’où sortira et émergera ensuite une pastorale renouvelée. Le chemin de la Congrégation, nous pouvons le constater parce qu’il trouve dans le cœur de chacun de nous son point de départ. De là, nous pouvons noter ce renouvellement pastoral continu et convaincu. Le Pape François condense cette urgence en une phrase : « l’intimité de l’Église avec Jésus est une intimité itinérante, et la communion « se configure essentiellement comme communion missionnaire » » (Christifideles laici n. 32, Evangelii gaudium 23).
            Cela nous amène à découvrir que lorsque nous insistons sur la conversion personnelle, nous devons faire attention à ne pas tomber, d’une part, dans une interprétation intimiste de l’expérience spirituelle et, d’autre part, à ne pas sous-évaluer ce qui est le fondement de tout chemin pastoral.
            Dans cet appel à une passion renouvelée pour Jésus, j’invite chaque salésien et chaque communauté à prendre au sérieux les choix et les engagements concrets que le Chapitre Général a estimés urgents en vue d’un témoignage éducatif pastoral plus authentique. Nous croyons que nous ne pouvons pas grandir pastoralement sans cette attitude d’écoute de la Parole de Dieu. Nous reconnaissons que les différents engagements pastoraux que nous avons, les nécessités toujours plus grandes qui se présentent à nous et qui témoignent d’une pauvreté qui ne s’arrête jamais, risquent de nous enlever le temps nécessaire pour « être avec Lui ». Ce défi, nous le trouvons déjà dès le début de notre Congrégation. Il s’agit pour nous d’avoir des priorités claires qui renforcent notre colonne vertébrale spirituelle et charismatique qui donne âme et crédibilité à notre mission.
            Don Alberto Caviglia, commentant le thème de la « Spiritualité Salésienne » dans ses Conférences sur l’Esprit Salésien, a écrit :
La plus grande surprise qu’ont eue ceux qui ont étudié Don Bosco lors du procès de canonisation… ce fut la découverte de l’incroyable travail de construction de l’homme intérieur.
Le Cardinal Salotti (…), se référant aux études qu’il menait, disait au Saint-Père que « dans l’étude des volumineux procès de Turin, ce qui l’a frappé ce n’est pas la grandeur extérieure de son œuvre colossale, mais la vie intérieure de l’esprit, d’où est né et où s’est alimenté tout l’apostolat prodigieux du Vénérable Don Bosco ».
Beaucoup ne connaissent que l’œuvre extérieure qui semble si bruyante, mais ignorent en grande partie cet édifice savant, sublime de perfection chrétienne qu’il avait érigé patiemment dans son âme en s’exerçant chaque jour, chaque heure, dans la vertu propre de son état.
            Chers frères, tel a été notre Don Bosco. C’est ce Don Bosco que nous sommes appelés à découvrir aujourd’hui. L’article n°21 de nos Constitutions nous le dit de manière très claire :
Nous l’étudions et l’imitons, admirant en lui un splendide accord de nature et de grâce. Profondément homme, riche des vertus de son peuple, il était ouvert aux réalités terrestres ; profondément homme de Dieu, rempli des dons de l’Esprit Saint, il vivait « comme s’il voyait l’invisible ».
Ces deux aspects ont fusionné en un projet de vie fortement unitaire : le service des jeunes. Il l’a réalisé avec fermeté et constance, parmi les obstacles et les fatigues, avec la sensibilité d’un cœur généreux. « Il n’a pas fait un pas, il n’a pas prononcé un mot, il n’a entrepris aucune action qui n’ait eu pour but le salut de la jeunesse… En réalité, il n’avait à cœur que les âmes » (Const. 21).
            J’aimerais rappeler ici une invitation de Mère Teresa à ses sœurs quelques années avant sa mort. Son dévouement et celui de ses sœurs envers les pauvres sont connus de tous. Mais il est bon d’écouter ces paroles qu’elle a écrites à ses sœurs :
Tant que tu ne réussiras pas à entendre Jésus dans le silence de ton cœur, tu ne réussiras pas à l’entendre dire « J’ai soif » dans le cœur des pauvres. N’abandonne jamais ce contact intime et quotidien avec Jésus comme personne vivante et réelle, pas seulement comme une idée. (« Until you can hear Jesus in the silence of your own heart, you will not be able to hear him saying, « I thirst » in the hearts of the poor. Never give up this daily intimate contact with Jesus as the real living person – not just the idea”, in https://catholiceducation.org/en/religion-and- philosophy/the-fulfillment-jesus-wants-for-us.html)
            Ce n’est qu’en écoutant au plus profond de notre cœur celui qui nous appelle à le suivre, Jésus-Christ, que nous pouvons vraiment écouter avec un cœur authentique ceux qui nous appellent à les servir. Si la motivation radicale de notre vocation de service ne trouve pas ses racines dans la personne du Christ, l’alternative est que nos motivations soient nourries de la terre de notre égo. Et la conséquence est que notre propre action pastorale finit par gonfler cet égo. L’urgence de récupérer l’espace mystique, le terrain sacré de la rencontre avec Dieu, un terrain dans lequel nous devons enlever les sandales de nos certitudes et de nos manières d’interpréter la réalité avec ses défis, a été réaffirmée à plusieurs reprises et de diverses manières au cours de ces semaines.
            Chers frères, nous voici à la première étape. Ici, nous prouvons, si nous voulons, être vraiment des fils authentiques de Don Bosco. Ici, nous prouvons si nous aimons et imitons vraiment Don Bosco.

2. Connaître Don Bosco, pas seulement aimer Don Bosco
            Nous sommes conscients qu’un autre défi central que nous avons en tant que Salésiens est de communiquer la bonne nouvelle par notre témoignage et à travers nos propositions éducatives et pastorales dans une culture qui subit un changement radical. Si en Occident nous parlons de l’indifférence à la proposition religieuse, fruit du défi de la sécularisation, nous remarquons que sur d’autres continents, le défi prend d’autres formes, avant tout le passage à une culture mondialisée qui déplace radicalement l’échelle des valeurs et les styles de vie. Dans un monde fluide et hyperconnecté, ce que nous avons connu hier est radicalement changé aujourd’hui. En bref, il s’agit du thème, souvent évoqué, du changement d’époque.
            Ce changement a des effets dans tous les domaines et nous voyons de façon positive comment la Congrégation, depuis le CGS (1972) et jusqu’à aujourd’hui, est dans un processus continu de remise en question et de réflexion dans sa proposition éducative et pastorale. C’est un processus qui répond à la question : « que ferait Don Bosco aujourd’hui, dans une culture sécularisée et mondialisée comme la nôtre ? »
            Dans tout ce mouvement, nous reconnaissons que, depuis ses origines, la beauté et la force du charisme salésien résident précisément dans sa capacité interne à dialoguer avec l’histoire des jeunes que nous sommes appelés à rencontrer à chaque époque. Ce que nous contemplons à Valdocco, notre terre sainte salésienne, c’est le souffle de l’Esprit qui a guidé Don Bosco et nous reconnaissons qu’il continue à nous guider aujourd’hui. Les Constitutions commencent précisément par cette certitude fondatrice et fondamentale :
L’Esprit Saint a suscité, par l’intervention maternelle de Marie, saint Jean Bosco.
Il a formé en lui un cœur de père et de maître, capable d’un dévouement total : « J’ai promis à Dieu que mon dernier souffle sera pour mes pauvres jeunes ».
Pour prolonger sa mission dans le temps, il l’a guidé dans la création de diverses forces apostoliques, la première étant notre Société.
L’Église a reconnu en cela l’action de Dieu, surtout en approuvant les Constitutions et en proclamant saint le Fondateur.
C’est de cette présence active de l’Esprit que nous tirons l’énergie pour notre fidélité et le soutien de notre espérance. (Const. 1)
            Le charisme salésien renferme une invitation innée à nous mettre face aux jeunes de la même manière que Don Bosco se mettait face à Bartolomeo Garelli… « son ami » !
            Tout cela semble très facile à dire, comme une exhortation amicale. En réalité, cela cache en soi l’invitation urgente adressée à nous, fils de Don Bosco, afin que dans l’aujourd’hui de l’histoire, là où nous nous trouvons, nous proposions à nouveau le charisme salésien de manière adéquate et significative. Mais il y a une condition indispensable qui nous permet de faire ce chemin : la connaissance vraie et sérieuse de Don Bosco. Nous ne pouvons pas dire que nous « aimons » vraiment Don Bosco sans un effort sérieux pour « connaître » Don Bosco.
            Souvent, le risque est de nous contenter d’une connaissance de Don Bosco qui ne parvient pas à se connecter aux défis actuels. Équipés seulement d’une connaissance superficielle de Don Bosco, nous sommes vraiment pauvres du point de vue de ce bagage charismatique qui fait de nous d’authentiques fils de Don Bosco. Sans connaître Don Bosco, nous ne pouvons pas et nous n’arrivons pas à incarner Don Bosco dans les cultures où nous sommes. Tout effort qui prétend s’appuyer sur cette pauvreté de connaissance charismatique se traduit seulement par des opérations charismatiques de cosmétique, qui à la fin sont une trahison de l’héritage même de Don Bosco.
            Si nous souhaitons que le charisme salésien soit en mesure de dialoguer avec la culture actuelle, les cultures actuelles, nous devons continuellement l’approfondir pour lui-même et à la lumière des conditions toujours nouvelles dans lesquelles nous vivons. Le bagage que nous avons reçu au début de notre phase de formation initiale, s’il n’est pas sérieusement approfondi, n’est plus suffisant aujourd’hui, il est simplement inutile, voire même nuisible.
            Dans cette direction, la Congrégation a fait et fait un énorme effort pour relire la vie de Don Bosco, le charisme salésien à la lumière des conditions sociales et culturelles actuelles, dans toutes les parties du monde. C’est un patrimoine que nous avons, mais nous courons le risque de ne pas le connaître parce que nous ne parvenons pas à l’étudier comme il le mérite. La perte de mémoire risque non seulement de nous faire perdre le contact avec le trésor que nous avons, mais risque aussi de nous faire croire que ce trésor n’existe pas. Et cela sera vraiment tragique non pas tant et seulement pour nous Salésiens, mais pour les foules de jeunes qui nous attendent.
            L’urgence d’un tel approfondissement n’est pas seulement de nature intellectualiste, mais touche la soif d’une formation charismatique sérieuse des laïcs dans nos CEP. Le Document Final traite souvent et de manière systématique de ce thème. Les laïcs qui participent aujourd’hui avec nous à la mission salésienne sont des personnes désireuses d’une proposition de formation plus claire, significative du point de vue salésien. Nous ne pouvons pas vivre ces espaces de convergence éducative et pastorale si notre langage et notre manière de communiquer le charisme n’ont pas les connaissances requises et la préparation adéquate pour susciter la curiosité et l’attention de ceux qui vivent avec nous la mission salésienne.
            Il ne suffit pas de dire que nous aimons Don Bosco. Le véritable « amour » pour Don Bosco implique l’effort pour le connaître et l’étudier, et pas seulement à la lumière de son temps, mais aussi à la lumière du grand potentiel de son actualité, à la lumière de notre temps. Le Recteur Majeur Don Pascual Chávez avait invité toute la Congrégation et la Famille Salésienne à faire des trois années qui ont précédé le « Bicentenaire de la naissance de Don Bosco 1815-2013 » un temps d’approfondissement de l’histoire, de la pédagogie et de la spiritualité de Don Bosco (Don Pascual CHÁVEZ, Aguinaldo 2012, « En connaissant et en imitant Don Bosco, faisons des jeunes la mission de notre vie » ACG 412).
            C’est une invitation qui est plus que jamais d’actualité. Ce Chapitre Général est un appel et une opportunité pour renforcer cette connaissance de notre Père et Maître.
            Nous reconnaissons, chers confrères, qu’à ce stade, ce thème se relie à celui qui précède : la conversion personnelle. Si nous ne connaissons pas Don Bosco et si nous ne l’étudions pas, nous ne pouvons pas comprendre les dynamiques et les difficultés de son cheminement spirituel et, par conséquent, les racines de ses choix pastoraux. Nous arrivons à l’aimer seulement superficiellement, sans la vraie capacité de l’imiter comme l’homme qui est profondément saint. Surtout, il sera impossible d’intégrer aujourd’hui son charisme dans les différents contextes et dans les différentes situations. Ce n’est qu’en renforçant notre identité charismatique que nous pourrons offrir à l’Église et à la société un témoignage crédible et une proposition éducative et pastorale significative et pertinente pour les jeunes d’aujourd’hui.

3. Le chemin continue
            Dans cette troisième partie, je voudrais encourager toutes les Provinces à maintenir leur attention sur certains secteurs auxquels nous avons voulu donner un signe de continuité à travers diverses Délibérations et engagements concrets.
            Le domaine de l’animation et de la coordination de la marginalisation et du malaise des jeunes a été un secteur dans lequel la Congrégation s’est beaucoup investie au cours de ces dernières décennies. Je crois que la réponse des Provinces à la pauvreté croissante est un signe prophétique qui nous distingue et qui nous trouve tous déterminés à continuer à renforcer la réponse salésienne en faveur des plus pauvres.
            L’engagement des Provinces dans le domaine de la promotion d’environnements sûrs continue de trouver une réponse toujours croissante et professionnelle dans les Provinces. L’effort dans ce domaine témoigne que cette voie est la bonne pour affirmer l’engagement en faveur de la dignité de tous, en particulier les plus vulnérables.
            Le domaine de l’écologie intégrale émerge comme un appel à un travail éducatif et pastoral plus important. L’attention croissante dans les communautés éducatives et pastorales aux questions environnementales nous demande un engagement systématique pour promouvoir un changement de mentalité. Les diverses propositions de formation dans ce domaine déjà présentes dans la Congrégation doivent être reconnues, accompagnées et renforcées.
            Il y a ensuite deux domaines que je voudrais inviter la Congrégation à considérer attentivement pour les prochaines années. Ils font partie d’une vision plus large de l’engagement de la Congrégation. Je crois que ce sont deux domaines qui auront des conséquences substantielles sur nos processus éducatifs et pastoraux.

3.1 Intelligence artificielle : une mission réelle dans un monde artificiel
            En tant que Salésiens de Don Bosco, nous sommes appelés à marcher avec les jeunes dans tous les milieux où ils vivent et grandissent, y compris dans le vaste et complexe monde numérique. Aujourd’hui, l’Intelligence Artificielle (IA) se présente comme une innovation révolutionnaire, capable de façonner la manière dont les gens apprennent, communiquent et construisent des relations. Cependant, aussi révolutionnaire soit-elle, l’IA reste exactement cela : artificielle. Notre ministère, enraciné dans l’authentique connexion humaine et guidé par le Système Préventif, est profondément réel. L’intelligence artificielle peut nous aider, mais elle ne peut pas aimer comme nous. Elle peut organiser, analyser et enseigner de nouvelles manières, mais elle ne pourra jamais remplacer la dimension relationnelle et pastorale qui définissent notre mission salésienne.
            Don Bosco était un visionnaire qui ne craignait pas l’innovation, tant au niveau ecclésial qu’au niveau éducatif, culturel et social. Lorsque cette innovation servait le bien des jeunes, Don Bosco avançait à une vitesse surprenante. Il utilisait l’imprimerie, les nouvelles méthodes éducatives et les ateliers pour élever les jeunes et les préparer à la vie. S’il était parmi nous aujourd’hui, il regarderait sans aucun doute l’IA avec un œil critique et créatif. Il la verrait non pas comme une fin, mais comme un moyen, un outil pour amplifier l’efficacité pastorale sans perdre de vue la personne humaine, toujours au centre.
            L’IA n’est pas seulement un outil : elle fait partie de notre mission de Salésiens vivant à l’ère numérique. Le monde virtuel n’est plus un espace séparé, mais une partie intégrante de la vie quotidienne des jeunes. L’IA peut nous aider à répondre à leurs besoins de manière plus efficace et créative, en offrant des parcours d’apprentissage personnalisés, un mentorat virtuel et des plateformes qui favorisent des connexions significatives.
            En ce sens, l’IA devient à la fois un outil et une mission, car elle nous aide à atteindre les jeunes là où ils se trouvent, souvent immergés dans le monde numérique. Tout en embrassant l’IA, nous devons reconnaître qu’elle n’est qu’un aspect d’une réalité plus large qui comprend les médias sociaux, les communautés virtuelles, la narration numérique et bien d’autres choses encore. Ensemble, ces éléments forment une nouvelle frontière pastorale qui nous met au défi d’être présents et proactifs. Notre mission n’est pas simplement d’utiliser la technologie, mais d’évangéliser le monde numérique, en apportant l’Évangile dans des espaces où il pourrait autrement être absent.
            Notre réponse à l’IA et aux défis numériques doit être enracinée dans l’esprit salésien d’optimisme et d’engagement proactif. Continuons à marcher avec les jeunes, même dans le vaste monde numérique, avec des cœurs remplis d’amour parce que passionnés par le Christ et enracinés dans le charisme de Don Bosco. L’avenir est radieux lorsque la technologie est au service de l’humanité et lorsque la présence numérique est pleine d’une authentique chaleur salésienne et d’un engagement pastoral. Embrassons ce nouveau défi, certains que l’esprit de Don Bosco nous guidera dans chaque nouvelle opportunité.

3.2 L’Université Pontificale Salésienne
            L’Université Pontificale Salésienne (UPS) est l’Université de la Congrégation Salésienne, l’Université qui nous appartient à tous. Elle constitue une structure de grande et stratégique importance pour la Congrégation. Sa mission consiste à faire dialoguer le charisme avec la culture, l’énergie de l’expérience éducative et pastorale de Don Bosco avec la recherche académique, afin d’élaborer une proposition de formation de haut niveau au service de la Congrégation, de l’Église et de la société.
            Depuis ses débuts, notre Université a joué un rôle irremplaçable dans la formation de nombreux confrères pour des rôles d’animation et de responsabilité et elle continue d’accomplir cette mission précieuse. À une époque caractérisée par une désorientation diffuse concernant la grammaire de l’humain et le sens de l’existence, par la désagrégation du lien social et par la fragmentation de l’expérience religieuse, par des crises internationales et des phénomènes migratoires, une Congrégation comme la nôtre est appelée de toute urgence à affronter la mission éducative et pastorale en utilisant les solides ressources intellectuelles qui sont élaborées au sein d’une université.
            En tant que Recteur Majeur et Grand Chancelier de l’UPS, je souhaite réaffirmer que les deux priorités fondamentales pour l’Université de la Congrégation sont la formation d’éducateurs et de pasteurs, salésiens et laïcs, au service des jeunes, et l’approfondissement culturel – historique, pédagogique et théologique – du charisme. Autour de ces deux axes porteurs, qui requièrent un dialogue interdisciplinaire et une attention interculturelle, l’UPS est appelée à développer sa mission de recherche, d’enseignement et de transmission du savoir. Je me réjouis donc qu’en vue du 150e anniversaire de l’écrit de Don Bosco sur le Système Préventif, un projet de recherche sérieux ait été lancé, en collaboration avec la Faculté « Auxilium » des FMA, pour mettre en lumière l’inspiration originelle de la pratique éducative de Don Bosco et pour examiner comment elle inspire aujourd’hui les pratiques pédagogiques et pastorales dans la diversité des contextes et des cultures.
            Le gouvernement et l’animation de la Congrégation et de la Famille Salésienne tireront certainement des bénéfices du travail culturel de l’Université, et les études universitaires recevront une sève précieuse en maintenant un contact étroit avec la vie de la Congrégation et son service quotidien aux jeunes les plus pauvres de toutes les parties du monde.

3.3 150 ans : le voyage continue
            Nous sommes appelés à rendre grâce et louange à Dieu en cette année jubilaire de l’espérance, car cette année, nous commémorons l’engagement missionnaire de Don Bosco qui connaît en 1875 un moment de développement très significatif. La réflexion que le Vicaire du Recteur Majeur, Don Stefano Martoglio, nous a offerte dans l’Étrenne 2025, nous rappelle le thème central du 150e anniversaire de la première expédition missionnaire de Don Bosco : reconnaître, repenser et relancer.
            À la lumière du Chapitre Général 29 que nous sommes en train de conclure, cela nous aide à maintenir vivant cet appel au cours des six années qui nous attendent. Comme le dit le texte de l’Étrenne 2025, nous sommes appelés à être reconnaissants parce que « la reconnaissance rend manifeste la paternité de toute belle réalisation. Sans reconnaissance, il n’y a pas de capacité d’accueil. »
            À la reconnaissance, nous ajoutons le devoir de repenser notre fidélité, parce que « la fidélité implique la capacité de changer dans l’obéissance, vers une vision qui vient de Dieu et de la lecture des « signes des temps »… Repenser, alors, devient un acte générateur, dans lequel s’unissent foi et vie ; un moment dans lequel on doit se demander : que veux-tu nous dire, Seigneur ? »
            Enfin, le courage de relancer, de recommencer chaque jour. Comme nous le faisons ces jours-ci, regardons loin pour « accueillir les nouveaux défis, en relançant la mission avec espérance. (Parce que la) Mission est de porter l’espérance du Christ avec une conscience lucide et claire, liée à la foi. »

4. Conclusion
            À la fin de ce discours de clôture, j’aimerais présenter une réflexion de Tomáš HALÍK tirée de son livre L’après-midi du christianisme (HALÍK, Tomáš, L’après-midi du christianisme. Le courage de changer (Éditions Vita e Pensiero, Milan 2022). Dans le dernier chapitre du livre, qui porte comme titre « La société du chemin », l’auteur présente quatre concepts ecclésiologiques.
            Je crois que ces quatre concepts ecclésiologiques peuvent nous aider à interpréter positivement les grandes opportunités pastorales qui nous attendent. Je propose cette réflexion en étant conscient que ce que l’auteur propose est intimement lié au cœur du charisme salésien. Il est frappant et surprenant que plus nous avançons dans la lecture charismatique et pastorale, mais aussi pédagogique et culturelle de la réalité d’aujourd’hui, plus se confirme la conviction que notre charisme nous fournit une base solide pour que les différents processus que nous accompagnons puissent trouver leur juste place dans un monde où les jeunes attendent qu’on leur offre l’espérance, la joie et l’optimisme. Il est bon que nous reconnaissions avec une grande humilité, mais en même temps avec un grand sens de la responsabilité, comment le charisme de Don Bosco continue aujourd’hui à donner des orientations, non seulement pour nous, mais pour toute l’Église.

4.1 L’Église, peuple de Dieu en pèlerinage dans l’histoire. Cette image dessine      une Église en mouvement et aux prises avec des changements incessants. Dieu façonne l’Église dans l’histoire, se révèle à elle à travers l’histoire et lui transmet ses enseignements à travers des événements historiques. Dieu est dans l’histoire (Id. p. 229).

            Notre vocation d’éducateurs et de pasteurs consiste précisément à accompagner le troupeau dans cette phase de l’histoire, dans cette société en constante évolution. Notre présence dans les différentes « cours de la vie des gens » est la présence sacramentelle d’un Dieu qui veut rencontrer ceux qui le cherchent sans le savoir. Dans ce contexte, le « sacrement de la présence » acquiert pour nous une valeur inestimable parce qu’il se confond avec les événements historiques de nos jeunes et de tous ceux qui viennent à nous dans les diverses expressions de la mission salésienne : la COUR.

4.2 L’école est la deuxième vision de l’Eglise, école de vie et école de sagesse. Nous vivons à une époque où, dans l’espace public de nombreux pays européens, ce ne sont ni la religion traditionnelle ni l’athéisme qui dominent, mais plutôt l’agnosticisme, l’apathéisme et l’analphabétisme religieux… Dans cette époque, il est urgent que la société chrétienne se transforme en « école », selon l’idéal originel des universités médiévales, fondées comme des communautés de maîtres et d’élèves, des communautés de vie, de prière et d’enseignement (Id. pp. 231-232).

            En reprenant le projet éducatif pastoral de Don Bosco depuis ses origines, nous découvrons comment cette deuxième proposition touche directement l’expérience que nous offrons actuellement à nos jeunes : l’école et la formation professionnelle à la fois comme lieux et comme parcours d’expérience. Ce sont des parcours éducatifs, outil indispensable pour donner vie à un processus intégral où se rencontrent la culture et la foi. Pour nous aujourd’hui, cet espace est une excellente opportunité où nous pouvons témoigner de la bonne nouvelle dans des rencontres humaines et fraternelles, éducatives et pastorales avec tant de personnes et, surtout, avec tant d’enfants et de jeunes pour qu’ils se sentent accompagnés vers un avenir meilleur. Pour nous, pasteurs, l’expérience éducative est un mode de vie qui communique la sagesse et les valeurs dans un contexte qui rencontre et dépasse les résistances et fait fondre l’indifférence dans l’empathie et la proximité. Marcher ensemble favorise un espace de croissance intégrale inspiré par la sagesse et les valeurs évangéliques : l’ÉCOLE.

4.3 L’Église comme hôpital de campagne… Trop longtemps, face aux maladies de la société, l’Église s’est limitée à la morale ; aujourd’hui, elle est confrontée à la tâche de redécouvrir et d’appliquer le potentiel thérapeutique de la foi. La mission diagnostique doit être accomplie par cette discipline pour laquelle j’ai proposé le nom de « kaïrologie », l’art de lire et d’interpréter les signes des temps, l’herméneutique théologique des faits de société et de la culture. La kaïrologie doit s’intéresser aux temps de crise et aux changements de paradigmes culturels. Elle doit les saisir comme faisant partie d’une « pédagogie de Dieu », comme le moment opportun pour approfondir la réflexion sur la foi et renouveler sa praxis. En un sens, la kaïrologie développe la méthode du discernement spirituel, qui est une composante importante de la spiritualité de saint Ignace et de ses disciples ; elle l’applique lorsqu’elle approfondit et évalue l’état actuel du monde et les tâches qui nous incombent (Id. pp. 233-234).

            Ce troisième critère ecclésiologique est au cœur de la démarche salésienne. Nous ne sommes pas présents dans la vie des enfants et des jeunes pour les condamner. Nous nous rendons disponibles pour leur offrir un espace sain de communion (ecclésiale), éclairé par la présence d’un Dieu miséricordieux qui ne pose de conditions à personne. Nous élaborons et communiquons les différentes propositions pastorales précisément avec la mission de faciliter la rencontre des jeunes avec une proposition spirituelle capable d’éclairer l’époque dans laquelle ils vivent, de leur offrir une espérance pour l’avenir. La proposition de la personne de Jésus-Christ n’est pas le fruit d’un confessionnalisme stérile ou d’un prosélytisme aveugle, mais la découverte d’une relation avec une personne qui offre à tous un amour inconditionnel. Notre témoignage et celui de tous ceux qui vivent l’expérience éducative pastorale, en tant que communauté, est le signe le plus éloquent et le message le plus crédible des valeurs que nous voulons communiquer pour les partager : l’EGLISE.

4.4 Le quatrième modèle d’Eglise… il est nécessaire que l’Eglise établisse des centres spirituels, des lieux d’adoration et de contemplation, mais aussi de rencontre et de dialogue, où l’on puisse partager l’expérience de la foi. Beaucoup de chrétiens sont préoccupés par le fait que, dans un grand nombre de pays, le réseau des paroisses, établi il y a plusieurs siècles dans une situation socioculturelle et pastorale complètement différente et dans une autre conception de l’Église, s’effiloche (Id. pp. 236-237).

Le quatrième concept est celui d’une « maison » capable de communiquer l’accueil, l’écoute et l’accompagnement. Une « maison » dans laquelle la dimension humaine de l’histoire de chaque personne est reconnue et où, en même temps, la possibilité est offerte de permettre à cette humanité d’atteindre sa maturité. Don Bosco appelle à juste titre « maison » le lieu où la communauté vit son appel car, en accueillant nos jeunes, elle sait assurer les conditions et les propositions pastorales nécessaires pour que cette humanité grandisse de manière intégrale. Chacune de nos communautés, chaque « maison », est appelée à témoigner de l’originalité de l’expérience du Valdocco : une « maison » qui accueille l’histoire de nos jeunes, en leur offrant un avenir digne : la MAISON.
            Dans nos Constitutions, à l’article 40, nous trouvons la synthèse de ces « quatre concepts ecclésiologiques ». C’est une synthèse qui sert d’invitation et d’encouragement pour le présent et l’avenir de nos communautés pastorales éducatives, de nos provinces, de notre bien-aimée Congrégation salésienne :

L’oratoire de Don Bosco, critère permanent
            Don Bosco a vécu une expérience pastorale typique dans son premier oratoire, qui était pour les jeunes une maison qui accueille, une paroisse qui évangélise, une école qui initie à la vie, une cour où on se rencontre entre amis et où on vit dans la joie.
            Dans l’accomplissement de notre mission aujourd’hui, l’expérience du Valdocco reste un critère permanent de discernement et de renouvellement de toute activité et de tout travail.

            Je vous remercie.
            Rome, le 12 avril 2025