Don Bosco et les processions eucharistiques

Un aspect peu connu mais important du charisme de saint Jean Bosco est celui des processions eucharistiques. Pour le saint des jeunes, l’Eucharistie n’était pas seulement une dévotion personnelle, mais un instrument pédagogique et un témoignage public. Dans un Turin en pleine transformation, Don Bosco a vu dans les processions une occasion de renforcer la foi des jeunes et d’annoncer le Christ dans les rues. L’expérience salésienne, poursuivie dans le monde entier, montre comment la foi peut s’incarner dans la culture et répondre aux défis sociaux. Aujourd’hui encore, vécues dans un climat d’authenticité et d’ouverture, ces processions peuvent devenir des signes prophétiques de foi.

Quand on parle de saint Jean Bosco (1815-1888), on pense immédiatement à ses oratoires populaires, à sa passion éducative pour les jeunes et à la famille salésienne née de son charisme. Moins connu, mais non moins décisif, est le rôle que la dévotion eucharistique — et en particulier les processions eucharistiques — a joué dans son œuvre. Pour Don Bosco, l’Eucharistie n’était pas seulement le cœur de la vie intérieure ; elle constituait aussi un puissant instrument pédagogique et un signe public de renouveau social dans un Turin en rapide transformation industrielle. Retracer le lien entre le saint des jeunes et les processions du Saint-Sacrement, c’est entrer dans un laboratoire pastoral où liturgie, catéchèse, éducation civique et promotion humaine s’entremêlent de manière originale et, parfois, surprenante.

Les processions eucharistiques dans le contexte du XIXe siècle
Pour comprendre Don Bosco, il faut se rappeler que le XIXe siècle italien a connu un intense débat sur le rôle public de la religion. Après l’époque napoléonienne et le mouvement du Risorgimento, les manifestations religieuses dans les rues des villes n’étaient plus une évidence : dans de nombreuses régions se profilait un État libéral, qui regardait avec suspicion toute expression publique du catholicisme, craignant les rassemblements de masse ou les résurgences « réactionnaires ». Les processions eucharistiques, cependant, conservaient une force symbolique très puissante : elles rappelaient la seigneurie du Christ sur toute la réalité et, en même temps, faisaient émerger une Église populaire, visible et incarnée dans les quartiers. C’est sur ce fond que se détache l’obstination de Don Bosco, qui n’a jamais renoncé à accompagner ses jeunes pour témoigner de la foi en dehors des murs de l’oratoire, que ce soit dans les rues de Valdocco ou dans les campagnes environnantes.

Dès ses années de formation au séminaire de Chieri, Giovanni Bosco a développé une sensibilité eucharistique à saveur « missionnaire ». Les chroniques racontent qu’il s’arrêtait souvent à la chapelle, après les cours, pour une longue prière devant le tabernacle. Dans les « Mémoires de l’Oratoire », il reconnaît lui-même avoir appris de son directeur spirituel, Don Cafasso, la valeur de « se faire pain » pour les autres. Contempler Jésus qui se donne dans l’Hostie signifiait, pour lui, apprendre la logique de l’amour gratuit. Cette ligne traverse toute son existence. « Restez amis de Jésus au Saint-Sacrement et de Marie Auxiliatrice », répétera-t-il aux jeunes, indiquant la communion fréquente et l’adoration silencieuse comme les piliers d’un chemin de sainteté laïque et quotidienne.

L’oratoire de Valdocco et les premières processions internes
Dans les premières années 1840 du XIXe siècle, l’oratoire de Turin ne possédait pas encore de véritable église. Les célébrations avaient lieu dans des baraques en bois ou dans des cours aménagées. Don Bosco, cependant, ne renonçait pas à organiser de petites processions internes, presque des « répétitions générales » de ce qui allait devenir une pratique stable. Les jeunes portaient des cierges et des étendards, chantaient des louanges mariales et, à la fin, s’arrêtaient autour d’un autel improvisé pour la bénédiction eucharistique. Ces premières tentatives avaient une fonction éminemment pédagogique : habituer les jeunes à une participation dévote mais joyeuse, unissant discipline et spontanéité. Dans le Turin ouvrier, où la misère débouchait souvent sur la violence, défiler en ordre avec le foulard rouge au cou était déjà un signal à contre-courant : c’était montrer que la foi pouvait éduquer au respect de soi et des autres.

Don Bosco savait bien qu’une procession ne s’improvise pas : il faut des signes, des chants, des gestes qui parlent au cœur avant même de parler à l’esprit. C’est pourquoi il s’occupait personnellement de l’explication des symboles. Le dais devenait l’image de la tente de la rencontre, signe de la présence divine qui accompagne le peuple en chemin. Les fleurs éparpillées le long du parcours rappelaient la beauté des vertus chrétiennes qui doivent orner l’âme. Les lampions, indispensables lors des sorties nocturnes, faisaient allusion à la lumière de la foi qui éclaire les ténèbres du péché. Chaque élément faisait l’objet d’un petit « sermon » convivial au réfectoire ou pendant la récréation, de sorte que la préparation logistique se mêlait à la catéchèse systématique. Le résultat ? Pour les jeunes, la procession n’était pas une obligation rituelle mais une occasion de fête pleine de sens.

L’un des aspects les plus caractéristiques des processions salésiennes était la présence de la fanfare formée par les élèves eux-mêmes. Don Bosco considérait la musique comme un antidote contre l’oisiveté et, en même temps, un puissant instrument d’évangélisation. « Une marche joyeuse bien exécutée, écrivait-il, attire les gens comme l’aimant attire le fer ». La fanfare précédait le Saint-Sacrement, alternant des morceaux sacrés et des airs populaires adaptés avec des textes religieux. Ce « dialogue » entre foi et culture populaire réduisait les distances avec les passants et créait autour de la procession une aura de fête partagée. Nombreux sont les chroniqueurs laïcs qui témoigneront avoir été « intrigués » par ce groupe de très jeunes musiciens disciplinés, si différent des fanfares militaires ou philharmoniques de l’époque.

Les processions comme réponse aux crises sociales
Le Turin du XIXe siècle a connu des épidémies de choléra (1854 et 1865), des grèves, des famines et des tensions anticléricales. Don Bosco a souvent réagi en proposant des processions extraordinaires de réparation ou de supplication. Pendant le choléra de 1854, il emmena les jeunes dans les rues les plus touchées, récitant à haute voix les litanies pour les malades et distribuant du pain et des médicaments. C’est à ce moment-là qu’est née la promesse — qui sera maintenue par la suite — de construire l’église de Marie Auxiliatrice : « Si la Madone sauve mes jeunes, je lui élèverai un sanctuaire ». Les autorités civiles, initialement opposées aux cortèges religieux par crainte de contagion, ont dû reconnaître l’efficacité du réseau d’assistance salésien, alimenté spirituellement précisément par les processions. L’Eucharistie, portée auprès des malades, devenait ainsi un signe tangible de la compassion chrétienne.

Contrairement à certains modèles dévotionnels confinés dans les sacristies, les processions de Don Bosco revendiquaient pour la foi un droit de citoyenneté dans l’espace public. Il ne s’agissait pas d’« occuper » les rues, mais de les restituer à leur vocation communautaire. Passer sous les balcons, traverser les places et les arcades, c’était rappeler que la ville n’est pas seulement un lieu d’échanges économiques ou de conflits politiques, mais aussi de rencontre fraternelle. C’est pourquoi Don Bosco insistait sur un ordre impeccable : manteaux brossés, chaussures propres, rangs réguliers. Il voulait que l’image de la procession communique beauté et dignité, persuadant même les observateurs les plus sceptiques que la proposition chrétienne élevait la personne.

L’héritage salésien des processions
Après la mort de Don Bosco, ses fils spirituels ont diffusé la pratique des processions eucharistiques dans le monde entier, depuis les écoles agricoles de l’Émilie jusqu’aux missions de Patagonie, des collèges asiatiques aux quartiers ouvriers de Bruxelles. Ce qui importait n’était pas de répéter servilement un rite piémontais, mais de transmettre son noyau pédagogique : le protagonisme des jeunes, la catéchèse symbolique, l’ouverture à la société environnante. C’est ainsi qu’en Amérique latine, les salésiens ont inséré des danses traditionnelles au début du cortège ; en Inde, ils ont adopté des tapis de fleurs selon l’art local ; en Afrique subsaharienne, ils ont alterné des chants grégoriens et les rythmes polyphoniques des tribus. L’Eucharistie devenait un pont entre les cultures, réalisant le rêve de Don Bosco de « faire de tous les peuples une seule famille ».

Sur le plan théologique, les processions de Don Bosco incarnent une forte vision de la présence réelle du Christ. Porter le Saint-Sacrement « dehors » signifie proclamer que le Verbe ne s’est pas fait chair pour rester enfermé, mais pour « planter sa tente parmi nous » (cf. Jn 1,14). Cette présence demande à être annoncée sous des formes compréhensibles, sans se réduire à un geste intimiste. Chez Don Bosco, la dynamique centripète de l’adoration (rassembler les cœurs autour de l’Hostie) génère une dynamique centrifuge : les jeunes, nourris à l’autel, se sentent envoyés pour servir. De la procession découlent des micro-engagements : assister un camarade malade, pacifier une dispute, étudier avec plus de diligence. L’Eucharistie se prolonge dans les « processions invisibles » de la charité quotidienne.

Aujourd’hui, dans des contextes sécularisés ou multireligieux, les processions eucharistiques peuvent soulever des questions : sont-elles encore communicatives ? Ne risquent-elles pas d’apparaître comme un folklore nostalgique ? L’expérience de Don Bosco suggère que la clé réside dans la qualité relationnelle plus que dans la quantité d’encens ou de parements. Une procession qui implique les familles, explique les symboles, intègre des langages artistiques contemporains, et surtout comporte des gestes concrets de solidarité, conserve une force prophétique surprenante. Le récent Synode sur les jeunes (2018) a rappelé à plusieurs reprises l’importance de « sortir » et de « montrer la foi dans la chair ». La tradition salésienne, avec sa liturgie itinérante, offre un paradigme déjà éprouvé d’une « Église en sortie ».

Les processions eucharistiques n’étaient pas pour Don Bosco de simples traditions liturgiques, mais de véritables actes éducatifs, spirituels et sociaux. Elles représentaient une synthèse entre foi vécue, communauté éducatrice et témoignage public. À travers elles, Don Bosco formait des jeunes capables d’adorer, de respecter, de servir et de témoigner.
Aujourd’hui, dans un monde fragmenté et distrait, reproposer la valeur des processions eucharistiques à la lumière du charisme salésien peut être un moyen efficace de retrouver le sens de l’essentiel : le Christ présent au milieu de son peuple, qui marche avec lui, l’adore, le sert et l’annonce.
À une époque qui recherche l’authenticité, la visibilité et les relations, la procession eucharistique – si elle est vécue selon l’esprit de Don Bosco – peut être un signe puissant d’espérance et de renouveau.

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Le Vénérable père Carlo Crespi, « témoin et pèlerin d’espérance »

Le père Carlo Crespi, missionnaire salésien en Équateur, a vécu sa vie en se consacrant à la foi et à l’espérance. Ces dernières années, dans le sanctuaire de Marie Auxiliatrice, il a réconforté les fidèles, insufflant de l’optimisme même dans les moments de crise. Sa pratique exemplaire des vertus théologales, mise en évidence par le témoignage de ceux qui l’ont connu, s’est également exprimée dans son engagement pour l’éducation : en fondant des écoles et des instituts, il a offert aux jeunes de nouvelles perspectives. Son exemple de résilience et de dévouement continue d’éclairer le chemin spirituel et humain de la communauté. Son héritage perdure et inspire des générations de croyants.

            Au cours des dernières années de sa vie, le père Carlo Crespi (Legnano, 29 mai 1891 – Cuenca, 30 avril 1982), missionnaire salésien en Équateur, avait progressivement relégué au second plan les aspirations universitaires de sa jeunesse. Il va à l’essentiel et sa croissance spirituelle apparaît irrésistible. On le voit dans le sanctuaire de Marie Auxiliatrice, diffusant la dévotion à la Vierge, confessant et conseillant des files interminables de fidèles. Pour lui les horaires, les repas et même le sommeil ne comptent plus. Comme il l’a fait de manière exemplaire toute sa vie, il garde les yeux fixés sur les biens éternels, qui apparaissent maintenant plus proches que jamais.
            Il avait cette espérance eschatologique liée aux attentes de l’homme dans la vie et au-delà de la mort, et qui influençait de manière significative sa vision du monde et son comportement quotidien. Selon saint Paul, l’espérance est un ingrédient indispensable pour une vie qui se donne, qui grandit en collaborant avec les autres et en développant sa propre liberté. L’avenir devient ainsi une tâche collective qui nous fait grandir en tant que personnes. Sa présence nous invite à regarder l’avenir avec un sentiment de confiance, d’initiative et de connexion avec les autres.
            Telle était l’espérance du Vénérable père Crespi ! Une grande vertu qui, comme les bras d’un joug, soutient la foi et la charité ; comme le bras transversal de la croix est le trône du salut, est le support du serpent salutaire élevé par Moïse dans le désert ; pont de l’âme pour prendre le vol dans la lumière.
            Le niveau exceptionnel atteint par le père Crespi dans la pratique de toutes les vertus a été souligné, de manière concordante, par les témoins entendus au cours de l’Enquête diocésaine de sa Cause de béatification, mais il ressort également de l’analyse attentive des documents et des événements biographiques du père Carlo Crespi. Sa façon d’exercer les vertus chrétiennes a été, de l’avis de ceux qui l’ont connu, non seulement hors du commun, mais aussi sans faille tout au long de sa longue vie. Les gens le suivaient fidèlement parce que dans son quotidien transparaissait, presque naturellement, l’exercice des vertus théologales, parmi lesquelles l’espérance jouait un rôle de premier plan dans les nombreux moments de difficulté. Il a semé l’espérance dans le cœur des gens et a vécu cette vertu au plus haut degré.
            Lorsque l’école « Cornelio Merchan » fut détruite par un incendie, il pleura lui aussi devant les ruines fumantes, mais au peuple accouru en larmes il manifesta une espérance constante et hors du commun en encourageant tout le monde : « Pachilla n’existe plus, mais nous en construirons une meilleure et les enfants seront plus heureux et plus contents ». De ses lèvres n’est jamais sorti un mot d’amertume ou de douleur pour la perte subie.
            À l’école de Don Bosco et de Maman Marguerite, il a vécu et témoigné de l’espérance en plénitude. Confiant dans le Seigneur et espérant dans la Divine Providence, il a réalisé de grandes œuvres et de grands services sans budget, même s’il n’a jamais manqué d’argent. Il n’avait pas le temps de s’agiter ou de désespérer, son attitude positive donnait confiance et espérance aux autres.
            Don Carlo a souvent été décrit comme un homme au cœur plein d’optimisme et d’espérance face aux grandes souffrances de la vie, parce qu’il était enclin à relativiser les événements humains, même les plus difficiles. Au milieu de son peuple, il était témoin et pèlerin d’espérance sur le chemin de la vie !
            Pour comprendre de quelle manière et dans quels domaines de la vie du Vénérable la vertu de l’espérance a trouvé une expression concrète, il faut lire le récit édifiant fait par le père Carlo Crespi lui-même dans une lettre, envoyée de Cuenca en 1925, au Recteur Majeur Don Filippo Rinaldi. En réponse à une demande insistante, il relate un épisode qu’il avait vécu personnellement. En consolant une femme kivara pour la perte prématurée de son fils, il lui annonce la bonne nouvelle de la vie sans fin : « Ému jusqu’aux larmes, je me suis approché de la vénérable fille de la forêt aux cheveux défaits volant au vent. Je l’ai assurée que son fils avait eu une bonne mort, qu’avant de mourir, il n’avait eu sur les lèvres que le nom de sa mère lointaine, qu’il avait eu une sépulture dans un cercueil spécial, et que son âme avait certainement été recueillie par le grand Dieu au Paradis […]. J’ai donc pu échanger tranquillement quelques mots avec elle, et jeter dans ce cœur brisé le doux baume de la Foi et de l’Espérance chrétiennes ».
            La pratique de la vertu d’espérance a grandi en lui en même temps que les autres vertus chrétiennes qu’elle stimulait. Il a été un homme riche de foi, d’espérance et de charité.
            Lorsque la situation socio-économique de Cuenca au XXe siècle s’est considérablement détériorée, avec d’importantes répercussions sur la vie de la population, il a eu l’intuition qu’en formant les jeunes d’un point de vue humain, culturel et spirituel, il sèmerait en eux l’espérance en une vie et un avenir meilleurs, contribuant à changer le sort de toute la société.
            Le père Crespi a donc pris de nombreuses initiatives en faveur de la jeunesse de Cuenca, en commençant tout d’abord par l’éducation scolaire. L’École Populaire Salésienne « Cornelio Merchán », le Collège Normal Orientaliste destiné aux enseignants salésiens, la fondation des écoles d’arts et métiers devenues par la suite le « Técnico Salesiano » et l’Institut Technologique Supérieur, et pour finir l’Université Polytechnique Salésienne, toutes ces fondations confirment le désir du Serviteur de Dieu d’offrir à la population de Cuenca des perspectives meilleures et plus nombreuses en vue d’une croissance spirituelle, humaine et professionnelle. Les jeunes et les pauvres, considérés avant tout comme des enfants de Dieu destinés à la béatitude éternelle, ont donc été rejoints par le père Crespi à travers une promotion humaine et sociale capable de confluer dans une dynamique plus large, celle du salut.
            Tout cela a été réalisé par lui avec peu de moyens économiques, mais une intarissable espérance dans l’avenir des jeunes. Il a travaillé activement sans perdre de vue le but ultime de sa mission : la vie éternelle. C’est précisément dans ce sens que le père Carlo Crespi a compris la vertu théologale de l’espérance et c’est à travers cette perspective qu’il fit passer tout son sacerdoce.
            La réaffirmation de la vie éternelle a sans aucun doute été l’un des thèmes centraux abordés dans les écrits du père Carlo Crespi. Cette donnée nous permet de saisir l’évidente importance qu’il accordait à la vertu de l’espérance. Cette donnée montre clairement comment la pratique de cette vertu a constamment imprégné le parcours terrestre du Serviteur de Dieu.
            Même la maladie n’a pu éteindre l’inépuisable espérance qui a toujours animé le père Crespi.
            Peu avant de clore son existence terrestre, Don Carlo a demandé qu’on lui mette un crucifix dans les mains. Sa mort est survenue le 30 avril 1982 à 17h30 à la Clinique Santa Inés de Cuenca à la suite d’une bronchopneumonie et d’une crise cardiaque.
            Le médecin personnel du Vénérable Serviteur de Dieu pendant 25 ans et jusqu’à la mort, a été le témoin direct de la sérénité et de la conscience avec lesquelles le père Crespi a vécu la rencontre tant attendue avec Jésus après avoir vécu toute sa vie le regard tourné vers le ciel.
            Dans le procès de canonisation on lit son témoignage : « Pour moi, un signe spécial est précisément sa façon très humaine et très simple de communiquer avec nous, en riant et en plaisantant. Mais quand il a vu que les portes de l’éternité étaient ouvertes et que peut-être la Vierge l’attendait, il nous a fait taire et il nous a fait tous prier ».

Carlo Riganti
Président de l’Association Carlo Crespi




Les prophéties de Malachie. Les papes et la fin du monde

Lesdites « Prophéties de Malachie » représentent l’un des textes prophétiques les plus fascinants et controversés sur le destin de l’Église catholique et du monde. Attribuées à Malachie d’Armagh, archevêque irlandais ayant vécu au XIIe siècle, ces prédictions décrivent brièvement, à travers d’énigmatiques devises latines, les souverains pontifes depuis Célestin II jusqu’au dernier pape, le mystérieux « Pierre Second ». Bien qu’elles soient considérées par les chercheurs comme des falsifications modernes remontant à la fin du XVIe siècle, les prophéties continuent de susciter débats, interprétations apocalyptiques et spéculations sur de possibles scénarios eschatologiques. Au-delà de leur authenticité, elles représentent néanmoins un puissant appel à la vigilance spirituelle et à l’attente consciente du jugement dernier.

Malachie d’Armagh. Biographie d’un « Boniface d’Irlande »
Malachie (en irlandais Máel Máedóc Ua Morgair, en latin Malachias) naquit vers 1094 près d’Armagh, dans une famille noble. Il reçut sa formation intellectuelle du savant Imhar O’Hagan et, malgré sa réticence initiale, fut ordonné prêtre en 1119 par l’archevêque Cellach. Après une période de perfectionnement liturgique au monastère de Lismore, Malachie entreprit une intense activité pastorale qui le conduisit à occuper des postes à responsabilité croissante. En 1123, comme Abbé de Bangor, il initia la restauration de la discipline sacramentelle ; nommé Évêque de Down et Connor en 1124, il poursuivit la réforme liturgique et pastorale et en 1132, devenu Archevêque d’Armagh, après de difficiles conflits avec les usurpateurs locaux, il libéra le siège primatial d’Irlande et promut la structure diocésaine sanctionnée par le synode de Ráth Breasail.

Durant son ministère, Malachie introduisit d’importantes réformes en adoptant la liturgie romaine, en remplaçant les héritages monastiques claniques par la structure diocésaine prescrite par le synode de Ráth Breasail (1111) et promut la confession individuelle, le mariage sacramentel et la confirmation.
Pour ces interventions réformatrices, saint Bernard de Clairvaux le compara à saint Boniface, l’apôtre de la Germanie.

Malachie effectua deux voyages à Rome (1139 et 1148) pour recevoir le pallium métropolitain pour les nouvelles provinces ecclésiastiques d’Irlande, et fut à cette occasion nommé légat pontifical. Au retour de son premier voyage, avec l’aide de saint Bernard de Clairvaux, il fonda l’abbaye cistercienne de Mellifont (1142), la première de nombreuses fondations cisterciennes en terre irlandaise. Il mourut lors d’un second voyage vers Rome, le 2 novembre 1148 à Clairvaux, dans les bras de saint Bernard, qui écrivit sa biographie intitulée « Vita Sancti Malachiae ».

En 1190, le pape Clément III le canonisa officiellement, faisant de lui le premier saint irlandais proclamé selon la procédure formelle de la Curie romaine.

La « Prophétie des Papes » : un texte qui apparaît quatre siècles plus tard
À la figure de cet archevêque réformateur fut associée, seulement au XVIe siècle, une collection de 112 devises qui décriraient autant de souverains pontifes : de Célestin II jusqu’à l’énigmatique « Pierre Second », destiné à assister à la destruction de la « ville aux sept collines ».
La première publication de ces prophéties remonte à 1595, lorsque le moine bénédictin Arnold Wion les inséra dans son ouvrage Lignum Vitae, les présentant comme un manuscrit rédigé par Malachie lors de sa visite à Rome en 1139.
Les prophéties consistent en de brèves phrases symboliques censées caractériser chaque pape par des références à son nom, son lieu de naissance, ses armoiries ou des événements significatifs de son pontificat. Ci-dessous sont rapportées les devises attribuées aux derniers souverains pontifes :

109 – De medietate Lunae (« De la moitié de la lune »)
Attribuée à Jean-Paul Ier, qui régna seulement un mois. Il fut élu le 26.08.1978, alors que la lune était au dernier quartier (25.08.1978), et mourut le 28.09.1978, quand la lune était au premier quartier (24.09.1978).

110 – De labore solis (« Du labeur du soleil »)
Attribuée à Jean-Paul II, qui guida l’Église pendant 26 ans, le troisième plus long pontificat de l’histoire après saint Pierre (34-37 ans) et le bienheureux Pie IX (plus de 31 ans). Il fut élu le 16.10.1978, peu après une éclipse solaire partielle (02.10.1978), et mourut le 02.04.2005, quelques jours avant une éclipse solaire annulaire (08.04.2005).

111 – Gloria olivae (« Gloire de l’olivier »)
Attribuée à Benoît XVI (2005-2013). Le cardinal Ratzinger, engagé dans le dialogue œcuménique et interreligieux, choisit le nom de Benoît XVI en continuité avec Benoît XV, pape qui œuvra pour la paix durant la Première Guerre Mondiale, comme il l’expliqua lui-même lors de sa première Audience Générale du 27 avril 2005 (la paix est symbolisée par le rameau d’olivier apporté par la colombe à Noé à la fin du Déluge). Ce lien symbolique fut ultérieurement renforcé par la canonisation, en 2009, de Bernard Tolomei (1272-1348), fondateur de la congrégation bénédictine de Sainte-Marie-du-Mont-Olivet (Moines Olivétains).

112[a] – In persecutione extrema Sanctae Romanae Ecclesiae sedebit
Celle-ci n’est pas proprement une devise, mais une phrase introductive. Dans l’édition originale de 1595, elle apparaît comme une ligne à part, suggérant la possibilité d’insérer d’autres papes entre Benoît XVI et le pape prophétisé sous le nom de « Pierre Second ». Cette interprétation contredirait celle qui identifie nécessairement le Pape François comme le dernier souverain pontife.

112[b] – Petrus Secundus
Fait référence au dernier pape (l’Église a eu comme premier pontife saint Pierre et aura comme dernier pape un autre Pierre) qui guidera les fidèles en des temps de tribulation.
Le paragraphe entier de la prophétie dit :
« In persecutione extrema Sanctae Romanae Ecclesiae sedebit Petrus Secundus, qui pascet oves in multis tribulationibus; quibus transactis, Civitas septicollis diruetur, et Iudex tremendus judicabit populum suum. Amen. »
« Pendant l’ultime persécution de la Sainte Église Romaine siégera Pierre Second, qui paîtra les brebis au milieu de nombreuses tribulations ; à la fin de celles-ci, la ville aux sept collines [Rome] sera détruite, et le Juge redoutable jugera son peuple. Amen. »
« Pierre Second » serait donc le dernier souverain pontife avant la fin des temps, avec une claire référence apocalyptique à la destruction de Rome et au jugement dernier.

Spéculations contemporaines
Au cours de ces dernières années, les interprétations spéculatives se sont multipliées : certains identifient le pape François comme le 112e et dernier pontife, d’autres supposent qu’il est un pape de transition vers le véritable dernier pape, et certains vont même jusqu’à prévoir 2027 comme possible date de la fin des temps.
Cette dernière hypothèse se base sur un curieux calcul : de la première élection papale mentionnée dans la prophétie (Célestin II en 1143) jusqu’à la première publication du texte (durant le pontificat de Sixte V, 1585-1590) s’écoulèrent environ 442 ans ; en suivant la même logique, et en ajoutant 442 autres années depuis la publication, on arriverait à 2027. Ces spéculations, toutefois, manquent de fondement scientifique, car le manuscrit original ne contient aucune référence chronologique explicite.

L’authenticité contestée
Dès l’apparition du texte, de nombreux historiens ont exprimé des doutes sur son authenticité pour diverses raisons :
– absence de manuscrits anciens : il n’existe aucune copie datable d’avant 1595 ;
– style linguistique : le latin utilisé est typique du XVIe siècle, non du XIIe ;
– précision rétrospective : les devises se référant aux papes antérieurs au conclave de 1590 sont étonnamment précises, tandis que celles qui suivent s’avèrent beaucoup plus vagues et facilement adaptables à des événements postérieurs ;
– finalités politiques : à une époque de fortes tensions entre factions curiales, une telle liste prophétique aurait pu influencer l’électorat cardinalice lors du Conclave de 1590.

La position de l’Église
La doctrine catholique enseigne, comme le rapporte le Catéchisme, que le destin de l’Église ne peut être différent de celui de son Chef, Jésus-Christ. Les paragraphes 675-677 décrivent « L’ultime épreuve de l’Église » :

Avant l’avènement du Christ, l’Église doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants. La persécution qui accompagne son pèlerinage sur la terre dévoilera le « mystère d’iniquité » sous la forme d’une imposture religieuse apportant aux hommes une solution apparente à leurs problèmes au prix de l’apostasie de la vérité. L’imposture religieuse suprême est celle de l’Anti-Christ, c’est-à-dire celle d’un pseudo-messianisme où l’homme se glorifie lui-même à la place de Dieu et de son Messie venu dans la chair.
Cette imposture antichristique se dessine déjà dans le monde chaque fois que l’on prétend accomplir dans l’histoire l’espérance messianique qui ne peut s’achever qu’au-delà d’elle à travers le jugement eschatologique. Même sous sa forme mitigée, l’Église a rejeté cette falsification du Royaume à venir sous le nom de millénarisme, surtout sous la forme politique d’un messianisme sécularisé, « intrinsèquement pervers ».
L’Église n’entrera dans la gloire du Royaume qu’à travers cette ultime Pâque où elle suivra son Seigneur dans sa mort et sa Résurrection. Le Royaume ne s’accomplira donc pas par un triomphe historique de l’Église selon un progrès ascendant mais par une victoire de Dieu sur le déchaînement ultime du mal qui fera descendre du Ciel son Épouse. Le triomphe de Dieu sur la révolte du mal prendra la forme du jugement dernier après l’ultime ébranlement cosmique de ce monde qui passe.

En même temps, la doctrine catholique officielle invite à la prudence, se fondant sur les paroles mêmes de Jésus :
« Plusieurs faux prophètes surgiront, et ils séduiront beaucoup de gens » (Mt 24,11).
« Car il surgira des faux Christs et des faux prophètes; ils feront de grands prodiges et des miracles, au point de séduire, s’il était possible, même les élus » (Mt 24,24).

L’Église souligne, suivant l’Évangile de Matthieu (Mt 24,36), que le moment de la fin du monde ne peut être connu des hommes, mais seulement de Dieu lui-même. Et le Magistère officiel – Le Catéchisme (n. 673-679) – réaffirme que personne ne peut « lire » l’heure du retour du Christ.

Les prophéties attribuées à Saint Malachie n’ont jamais reçu d’approbation officielle de l’Église. Cependant, au-delà de leur authenticité historique, elles nous rappellent une vérité fondamentale de la foi chrétienne : la fin des temps arrivera, comme Jésus l’a enseigné.

Depuis deux mille ans, les hommes réfléchissent à cet événement eschatologique, oubliant souvent que la « fin des temps » pour chacun coïncide avec le terme de sa propre existence terrestre. Qu’importe si notre fin de vie coïncidera avec la fin des temps ? Pour beaucoup, ce ne sera pas le cas. Ce qui compte vraiment, c’est de vivre authentiquement la vie chrétienne au quotidien, en suivant les enseignements du Christ et en étant toujours prêts à rendre compte au Créateur et Rédempteur des talents reçus. L’avertissement de Jésus reste toujours actuel : « Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur viendra » (Mt 24,42).
Dans cette optique, le mystère de « Pierre Second » ne représente pas tant une menace de ruine qu’une invitation à la conversion constante et à la confiance dans le dessein divin de salut.




Avec Nino Baglieri, pèlerin de l’Espérance, sur le chemin du Jubilé

Le parcours du Jubilé 2025, dédié à l’Espérance, trouve un témoin lumineux dans l’histoire du Serviteur de Dieu Nino Baglieri. De la chute dramatique qui le rendit tétraplégique à dix-sept ans jusqu’à sa renaissance intérieure en 1978, Baglieri est passé de l’ombre du désespoir à la lumière d’une foi active, transformant son lit de douleur en chaire de joie. Son histoire tisse les cinq signes jubilaires – pèlerinage, porte, profession de foi, charité et réconciliation – montrant que l’espérance chrétienne n’est pas une fuite, mais une force qui ouvre l’avenir et soutient chaque chemin.

1. L’espérance comme attente
            L’espérance, selon le dictionnaire en ligne Treccani, est un sentiment d’« attente confiante dans la réalisation, présente ou future, de ce que l’on désire ». L’étymologie du substantif « espérance » vient du latin spes, lui-même dérivé de la racine sanskrite spa– qui signifie tendre vers un but. En espagnol, « espérer » et « attendre » se traduisent par le verbe esperar, qui rassemble en un seul terme les deux significations, comme si on ne pouvait attendre que ce que l’on espère. Cet état d’esprit nous permet d’affronter la vie et ses défis avec courage et une lumière toujours ardente dans le cœur. L’espérance s’exprime – en positif ou en négatif – aussi dans certains proverbes populaires : « L’espérance est la dernière à mourir », « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir », « Qui vit d’espérance meurt désespéré ».
            Comme s’il avait voulu recueillir ce sentiment universel concernant l’espérance, mais conscient de devoir aider à redécouvrir l’espérance dans sa dimension la plus pleine et vraie, le pape François a voulu consacrer le Jubilé ordinaire de 2025 à l’Espérance. Spes non confundit (L’espérance ne déçoit pas) est la bulle d’indiction de ce Jubilé. Mais déjà en 2014 il disait : « La résurrection de Jésus n’est pas la fin heureuse d’un beau conte, ce n’est pas le happy end d’un film ; mais c’est l’intervention de Dieu le Père là où l’espérance humaine s’effondre. Quand tout semble perdu, dans la douleur, où tant de personnes ressentent le besoin de descendre de la croix, c’est le moment le plus proche de la résurrection. La nuit devient plus sombre juste avant que le matin commence, avant que la lumière commence. Au moment le plus sombre, Dieu intervient et ressuscite » (cf. Audience du 16 avril 2014).
            C’est dans ce contexte que s’insère parfaitement l’histoire du Serviteur de Dieu Nino Baglieri (Modica, 1er mai 1951 – 2 mars 2007). Jeune maçon de dix-sept ans, tombé d’un échafaudage haut de dix-sept mètres à cause de la rupture soudaine d’une planche, il s’écrasa au sol et devint tétraplégique. Depuis cette chute, le 6 mai 1968, il ne pouvait bouger que la tête et le cou, dépendant à vie des autres pour tout, même pour les choses les plus simples et humbles. Nino ne pouvait même pas serrer la main d’un ami ou caresser sa mère… et voyait s’évanouir la possibilité de réaliser ses rêves. Quelle espérance de vie a maintenant ce jeune ? Dans quels sentiments peut-il affronter la situation ? Quel avenir l’attend ? La première réponse de Nino fut le désespoir, l’obscurité totale face à une quête de sens sans réponse. D’abord un long pèlerinage dans des hôpitaux de différentes régions italiennes, puis la compassion des amis et connaissances qui le conduisent à se rebeller et à s’enfermer dans dix longues années de solitude et de colère, tandis que le tunnel de la vie devient de plus en plus profond.
            Dans la mythologie grecque, Zeus confie à Pandore un vase contenant tous les maux du monde. Une fois ouvert, les hommes perdent l’immortalité et commencent une vie de souffrance. Pour les sauver, Pandore ouvre de nouveau le vase et libère elpis, l’espérance, restée au fond : c’était le seul antidote aux afflictions de la vie. En regardant plutôt vers le Donateur de tout bien, nous savons que « l’espérance ne déçoit pas » (Rm 5,5). Le pape François écrit dans Spes non confundit : « Sous le signe de cette espérance, l’apôtre Paul insuffle courage à la communauté chrétienne de Rome […]. Tous espèrent. Dans le cœur de chaque personne est enfermée l’espérance comme désir et attente du bien, sans savoir ce que demain apportera. L’imprévisibilité du futur suscite cependant des sentiments parfois opposés qui vont de la confiance à la crainte, de la sérénité au découragement, de la certitude au doute. Nous rencontrons souvent des personnes découragées, qui regardent l’avenir avec scepticisme et pessimisme, comme si rien ne pouvait leur offrir le bonheur. Que le Jubilé soit pour tous une occasion de raviver l’espérance » (ibid., 1).

2. Le Témoin du « désespoir » devient « ambassadeur » de l’espérance
            Revenons à l’histoire de notre Serviteur de Dieu, Nino Baglieri.
            Il faut dix longues années avant que Nino ne sorte du tunnel du désespoir, que les ténèbres épaisses se dissipent et que la Lumière entre. C’était l’après-midi du 24 mars, Vendredi saint 1978, lorsque le père Aldo Modica, avec un groupe de jeunes, se rendit chez Nino, sollicité par sa mère Peppina et par quelques personnes fréquentant le chemin du Renouveau dans l’Esprit, alors à ses débuts dans la paroisse salésienne voisine. Nino écrit : « Pendant qu’ils invoquaient l’Esprit Saint, j’ai ressenti une sensation étrange, une grande chaleur envahissait mon corps, un fort picotement dans toutes mes membres, comme si une nouvelle force entrait en moi et que quelque chose de vieux en sortait. À ce moment-là, j’ai dit mon “oui” au Seigneur, j’ai accepté ma croix et je suis né à une vie nouvelle, je suis devenu un homme nouveau. Dix ans de désespoir effacés en quelques instants, car une joie inconnue est entrée dans mon cœur. Je désirais la guérison de mon corps, mais le Seigneur me gratifiait d’une joie encore plus grande : la guérison spirituelle ».
            Commence alors pour Nino un nouveau chemin : de « témoin du désespoir » il devient « pèlerin de l’espérance ». Non plus isolé dans sa petite chambre, mais « ambassadeur » de cette espérance, il raconte son vécu à travers une émission diffusée par une radio locale et – grâce encore plus grande – le bon Dieu lui donne la joie de pouvoir écrire avec la bouche. Nino raconte : « En mars 1979, le Seigneur m’a fait un grand miracle : j’ai appris à écrire avec la bouche. Voici comment j’ai commencé. J’étais avec mes amis qui faisaient leurs devoirs, j’ai demandé qu’on me donne un crayon et un cahier, j’ai commencé à faire des signes et à dessiner quelque chose, puis j’ai découvert que je pouvais écrire et j’ai commencé à écrire ». Il commence alors à rédiger ses mémoires et à avoir des contacts par lettre avec des personnes de toutes catégories et de différentes parties du monde, des milliers de lettres encore conservées aujourd’hui. L’espérance retrouvée le rend créatif. Nino redécouvre le goût des relations et veut devenir – autant que possible – indépendant : avec l’aide d’une baguette qu’il utilise avec la bouche, et d’un élastique fixé au téléphone, il compose les numéros pour communiquer avec beaucoup de personnes malades, pour leur adresser un mot de réconfort. Il découvre une nouvelle manière d’affronter sa condition de souffrance, qui le fait sortir de l’isolement et le conduit à devenir témoin de l’Évangile de la joie et de l’espérance : « Maintenant, il y a beaucoup de joie dans mon cœur, en moi il n’y a plus de douleur, dans mon cœur il y a Ton amour. Merci Jésus mon Seigneur. De mon lit de douleur je veux te louer et de tout mon cœur te remercier parce que tu m’as appelé à connaître la vie, à connaître la vraie vie ».
            Nino a changé de perspective, il a opéré un virage à 360° – le Seigneur lui a offert la conversion – il a placé sa confiance en ce Dieu miséricordieux qui, à travers la « malchance », l’a appelé à travailler dans sa vigne, pour être signe et instrument de salut et d’espérance. Ainsi, beaucoup de personnes qui venaient le voir pour le consoler en ressortaient consolées, les larmes aux yeux. Elles ne trouvaient pas sur ce petit lit un homme triste et abattu, mais un visage souriant qui dégageait – malgré tant de souffrances, dont les plaies et les problèmes respiratoires – la joie de vivre : le sourire était une constante sur son visage et Nino se sentait « utile dans un lit de croix ». Nino Baglieri est l’opposé de beaucoup de personnes d’aujourd’hui, toujours à la recherche du sens de la vie, qui visent le succès facile et le bonheur des choses éphémères et sans valeur, vivent en ligne, consomment la vie en un clic, veulent tout et tout de suite mais ont les yeux tristes, éteints. Nino, en apparence, n’avait rien, pourtant il avait la paix et la joie dans le cœur. Il n’a pas vécu isolé, mais soutenu par l’amour de Dieu exprimé par l’étreinte et la présence de toute sa famille et de plus en plus de personnes qui le connaissent et entrent en relation avec lui.

3. Raviver l’espérance
            Construire l’espérance, c’est chaque fois que je ne me contente pas de ma vie et que je m’engage à la changer. Chaque fois que je ne me laisse pas endurcir par les expériences négatives et que j’empêche qu’elles me rendent méfiant. Chaque fois que je tombe et que j’essaie de me relever, que je ne permets pas aux peurs d’avoir le dernier mot. Chaque fois que, dans un monde marqué par les conflits, je choisis la confiance avec le désir de la relancer toujours, avec tous. Chaque fois que je ne fuis pas le rêve de Dieu qui me dit : « je veux que tu sois heureux », « je veux que tu aies une vie pleine… pleine aussi de sainteté ». Le sommet de la vertu de l’espérance est en effet un regard vers le Ciel pour bien habiter la terre ou, comme dirait Don Bosco, marcher avec les pieds sur la terre et le cœur au Ciel.
            Dans ce sillon d’espérance s’accomplit le jubilé qui, avec ses signes, nous demande de nous mettre en route, de franchir certaines frontières.
            Premier signe : le pèlerinage. Quand on se déplace d’un lieu à un autre, on est ouvert à la nouveauté, au changement. Toute la vie de Jésus a été « une mise en route », un chemin d’évangélisation qui s’accomplit dans le don de la vie puis au-delà, dans la Résurrection et l’Ascension.
            Deuxième signe : la porte. En Jn 10,9 Jésus affirme : « Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira et trouvera un pâturage ». Passer la porte, c’est se laisser accueillir, être communauté. Dans l’évangile, on parle aussi de la « porte étroite » : le Jubilé devient un chemin de conversion.
            Troisième signe : la profession de foi. Il s’agit d’exprimer l’appartenance au Christ et à l’Église en le déclarant publiquement.
            Quatrième signe : la charité. La charité est le mot de passe pour le ciel. En 1 P 4,8 nous lisons cette exhortation de l’apôtre Pierre : « Gardez entre vous une grande charité, car la charité couvre une multitude de péchés ».
            Cinquième signe :la réconciliation et l’indulgence jubilaire. Le jubilé est un « temps favorable » (cf. 2Co 6,2) qui nous permet d’expérimenter la grande miséricorde de Dieu et de parcourir des chemins de rapprochement et de pardon envers nos frères ; de vivre la prière du Notre Père où l’on demande : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». C’est devenir des créatures nouvelles.
            Dans la vie de Nino, il y a aussi des épisodes qui le rattachent – grâce au « fil » de l’espérance – à ces dimensions jubilaires. Par exemple, le repentir pour quelques bêtises de son enfance. Il raconte qu’à trois, « nous volions dans la sacristie les offrandes des messes, qui nous servaient à jouer au baby-foot. Quand on rencontre de mauvaises compagnies, elles te mènent sur de mauvais chemins. De plus, l’un de nous a pris le trousseau de clés de l’Oratoire et l’a caché dans mon sac d’école qui était dans le bureau ; ils ont trouvé les clés, ont appelé les parents, nous ont donné deux gifles et nous ont exclus de l’école. Quelle honte ! ». Mais surtout dans la vie de Nino, il y a la charité : aider le frère pauvre, celui qui est dans l’épreuve physique et morale, se rendre proche de ceux qui ont aussi des difficultés psychologiques et atteindre par écrit nos frères en prison pour leur témoigner la bonté et l’amour de Dieu. Nino, qui avant la chute avait été maçon, a dit : « J’aimais construire de mes mains quelque chose qui reste dans le temps. Même maintenant, écrit-il, je me sens un maçon qui travaille dans le Royaume de Dieu, pour laisser quelque chose qui dure dans le temps, pour voir les Œuvres Merveilleuses que Dieu accomplit dans notre Vie ». Il ajoute cette confidence : « Mon corps semble mort, mais dans ma poitrine mon cœur continue de battre. Mes jambes ne bougent pas, et pourtant, à travers le monde, je marche ».

4. Pèlerin en marche vers le ciel
            Nino, devenu coopérateur salésien de la grande Famille Salésienne, conclut son « pèlerinage » terrestre le vendredi 2 mars 2007 à 8h00 du matin, à seulement 55 ans, dont 39 passés comme tétraplégique entre le lit et le fauteuil roulant, après avoir demandé pardon à sa famille pour les difficultés qu’elle a dû affronter à cause de sa condition. Il quitte la scène du monde en survêtement et baskets, comme il l’avait expressément demandé, pour courir dans les prairies vertes fleuries et sautiller comme une biche le long des cours d’eau. Nous lisons dans son Testament spirituel : « Je ne finirai jamais de te remercier, ô Seigneur, de m’avoir appelé à Toi à travers la Croix le 6 mai 1968. Une croix lourde pour mes jeunes forces… ». Le 2 mars, la vie – don continu qui part des parents et est peu à peu nourri avec émerveillement et beauté – offre à Nino Baglieri son plus beau cadeau : l’étreinte de son Seigneur et Dieu, accompagné de la Vierge Marie.
            À l’annonce de son départ, un chœur unanime s’élève de tous côtés : « un saint est mort », un homme qui a fait de son lit de croix l’étendard de la vie pleine, un don pour tous. Donc un grand témoin de l’espérance.
            Cinq ans après sa mort, comme prévu par les Normae Servandae in Inquisitionibus ab Episcopis faciendis in Causis Sanctorum de 1983, l’évêque du diocèse de Noto, à la demande du Postulateur général de la Congrégation Salésienne, après avoir consulté la Conférence épiscopale sicilienne et obtenu le Nihil obstat du Saint-Siège, ouvre l’enquête diocésaine pour la cause de béatification et canonisation du Serviteur de Dieu Nino Baglieri.
            Le procès diocésain, qui a duré 12 ans, s’est déroulé selon deux axes principaux : le travail de la Commission historique qui a recherché, collecté, étudié et présenté de nombreuses sources, surtout des écrits « du » et « sur » le Serviteur de Dieu ; le Tribunal ecclésiastique, responsable de l’enquête, qui a également entendu sous serment les divers témoins.
            Ce parcours s’est achevé le 5 mai 2024 en présence de Mgr Salvatore Rumeo, évêque actuel du diocèse de Noto. Quelques jours plus tard, les actes du procès ont été remis au Dicastère pour les Causes des Saints qui les a ouverts le 21 juin 2024. Début 2025, ce même Dicastère a décrété leur « validité juridique », permettant à la phase romaine de la Cause d’entrer dans le vif du sujet.
            Actuellement, la contribution à la Cause continue en faisant connaître la figure de Nino. Celui-ci a laissé à la fin de son chemin terrestre la recommandation suivante : « Ne me laissez pas sans rien faire. Je continuerai ma mission depuis le ciel. Je vous écrirai du Paradis ».
            Le chemin de l’espérance en sa compagnie devient ainsi désir du Ciel, quand « nous nous rencontrerons face à face avec la beauté infinie de Dieu (cf. 1Co 13,12) et pourrons lire avec une joyeuse admiration le mystère de l’univers, qui participera avec nous à la plénitude sans fin […]. En attendant, nous nous unissons pour prendre soin de cette maison qui nous a été confiée, sachant que ce qu’il y a de bon en elle sera accueilli dans la fête du ciel. Avec toutes les créatures, nous marchons sur cette terre en cherchant Dieu […]. Marchons en chantant ! » (cf. Laudato Si’, 243-244).

Roberto Chiaramonte




Don Pietro Ricaldone renaît à Mirabello Monferrato

Don Pietro Ricaldone (Mirabello Monferrato, 27 avril 1870 – Rome, 25 novembre 1951) fut le quatrième successeur de Don Bosco à la tête des Salésiens, un homme d’une vaste culture, d’une profonde spiritualité et d’un grand amour pour les jeunes. Né et élevé au milieu des collines du Monferrat, il porta toujours en lui l’esprit de cette terre, le traduisant dans un engagement pastoral et éducatif qui allait faire de lui une figure d’envergure internationale. Aujourd’hui, les habitants de Mirabello Monferrato souhaitent le faire revivre dans sa patrie.

Le Comité Don Pietro Ricaldone : renaissance d’un héritage (2019)
En 2019, un groupe d’anciens et anciennes élèves, d’historiens et de passionnés des traditions locales a créé le Comité Don Pietro Ricaldone à Mirabello Monferrato. L’objectif – simple et ambitieux à la fois – a été dès le début de replacer la figure de Don Pietro au cœur du village et des jeunes, afin que son histoire et son héritage spirituel ne se perdent pas.

Pour préparer le 150e anniversaire de sa naissance (1870–2020), le Comité a exploré les Archives Historiques Municipales de Mirabello et les Archives Historiques Salésiennes, découvrant des lettres, des notes et d’anciens volumes. De ce travail est née une biographie illustrée, conçue pour les lecteurs de tous âges, où la personnalité de Ricaldone se révèle de manière claire et captivante. La collaboration avec Don Egidio Deiana, spécialiste de l’histoire salésienne, a été fondamentale durant cette phase.

En 2020, une série d’événements était prévue – expositions photographiques, concerts, spectacles de théâtre et de cirque – tous centrés sur la mémoire de Don Pietro. Bien que la pandémie ait obligé à reprogrammer une grande partie des festivités, un événement commémoratif a eu lieu en juillet de la même année, comprenant une exposition photographique sur les étapes de la vie de Ricaldone, une animation pour enfants avec des ateliers créatifs et une célébration solennelle, en présence de quelques Supérieurs Salésiens.
Cette rencontre a marqué le début d’une nouvelle saison d’attention portée à la commune de Mirabello.

Au-delà du 150e : le concert pour le 70e anniversaire de sa mort
L’enthousiasme suscité par la redécouverte de la figure de Don Pietro Ricaldone a conduit le Comité à prolonger ses activités au-delà du 150e anniversaire.
En vue du 70e anniversaire de sa mort (25 novembre 1951), le Comité a organisé un concert intitulé « Hâter l’aube radieuse du jour tant désiré », une phrase tirée de la circulaire de Don Pietro sur le Chant Grégorien de 1942.
En pleine Seconde Guerre mondiale, Don Pietro – alors Recteur Majeur – écrivit une célèbre circulaire sur le Chant Grégorien dans laquelle il soulignait l’importance de la musique comme voie privilégiée pour ramener les cœurs des hommes à la charité, à la douceur et surtout à Dieu : « D’aucuns s’étonneront peut-être que, dans un tel fracas d’armes, je vous invite à vous occuper de musique. Pourtant, je pense que même sans avoir recours à la mythologie, ce thème répond pleinement aux exigences de l’heure présente. Tout ce qui peut exercer une influence éducative et ramener les hommes aux sentiments de charité et de douceur, et surtout à Dieu, doit être pratiqué par nous, avec diligence et sans délai, pour hâter l’aube radieuse du jour tant désiré ».

Promenades et racines salésiennes : la « Promenade de Don Bosco »
Bien qu’initialement conçu comme un hommage à Don Ricaldone, le Comité a fini par promouvoir à nouveau la figure de Don Bosco et toute la tradition salésienne, dont Don Pietro fut l’héritier et le protagoniste.
Depuis 2021, chaque deuxième dimanche d’octobre, le Comité organise la « Promenade de Don Bosco » en proposant le pèlerinage que Don Bosco effectua avec les jeunes de Mirabello à Lu Monferrato du 12 au 17 octobre 1861. Durant ces cinq jours, on mit au point les détails du premier collège salésien hors de Turin, confié au Bienheureux Michel Rua avec Don Albera parmi les enseignants. Même si l’initiative ne concerne pas directement Don Pietro, elle souligne ses racines et son lien avec la tradition salésienne locale qu’il a lui-même promue.

Hospitalité et échanges culturels
Le Comité a favorisé l’accueil de groupes de jeunes, d’écoles professionnelles et de salésiens du monde entier. Certaines familles offrent l’hospitalité gratuitement, renouvelant ainsi la fraternité typique de Don Bosco et de Don Pietro. En 2023, un groupe nombreux de la Crocetta a fait étape à Mirabello, tandis que chaque été arrivent des groupes internationaux accompagnés par Don Egidio Deiana. Chaque visite est un dialogue entre mémoire historique et joie des jeunes.

Le 30 mars 2025, près de cent capitulaires salésiens ont fait étape à Mirabello, sur les lieux où Don Bosco ouvrit son premier collège hors de Turin et où Don Pietro vécut ses années de formation. Le Comité, en collaboration avec la Paroisse et l’Office de Tourisme Pro Loco, a organisé l’accueil et réalisé une vidéo de vulgarisation sur l’histoire salésienne locale, appréciée par tous les participants.
Les initiatives se poursuivent et aujourd’hui, le Comité, sous la conduite de son président, collabore à la création du Chemin de Don Bosco dans le Montferrat, un itinéraire spirituel d’environ 200 km empruntant les routes automnales parcourues par le Saint. L’objectif est d’obtenir la reconnaissance officielle au niveau régional, mais aussi d’offrir aux pèlerins une expérience de formation et d’évangélisation. Les promenades des jeunes de Don Bosco étaient en effet des expériences de formation et d’évangélisation. C’est ce même esprit que Don Pietro Ricaldone a défendu et promu par la suite tout au long de son rectorat.

La mission du Comité : maintenir vivante la mémoire de Don Pietro
Derrière chaque initiative se trouve la volonté de mettre en lumière l’œuvre éducative, pastorale et culturelle de Don Pietro Ricaldone. Les fondateurs du Comité conservent des souvenirs personnels d’enfance et désirent transmettre aux nouvelles générations les valeurs de foi, de culture et de solidarité qui animaient le prêtre de Mirabello. À une époque où de nombreux repères vacillent, redécouvrir le parcours de Don Pietro signifie offrir un modèle de vie capable d’éclairer le présent : « Là où passent les Saints, Dieu marche avec eux et rien n’est plus comme avant » (Saint Jean-Paul II).
Le Comité Don Pietro Ricaldone se fait le porte-parole de cet héritage. Il espère que la mémoire d’un grand fils de Mirabello continuera d’éclairer le chemin pour les générations futures, traçant une voie sûre faite de foi, de culture et de solidarité.




Neuvaine à Marie Auxiliatrice 2025

Cette neuvaine à Marie Auxiliatrice 2025 nous invite à nous redécouvrir enfants sous le regard maternel de Marie. Chaque jour, à travers les grandes apparitions – de Lourdes à Fatima, de Guadalupe à Banneaux – nous contemplons un aspect de son amour : humilité, espérance, obéissance, émerveillement, confiance, consolation, justice, douceur, rêve. Les méditations du Recteur Majeur et les prières des « enfants » nous accompagnent dans un chemin de neuf jours qui ouvre le cœur à la foi simple des petits, nourrit la prière et encourage à construire, avec Marie, un monde guéri et plein de lumière, pour nous et pour tous ceux qui cherchent l’espérance et la paix.

Jour 1
Être fils et filles – Humilité et foi

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Lourdes
La petite Bernadette Soubirous
11 février 1858. Je venais d’avoir 14 ans. C’était un matin comme les autres, un jour d’hiver. Nous avions faim, comme toujours. Il y avait cette grotte, avec une bouche noire. Dans le silence j’ai senti comme un grand souffle. Le buisson s’est mis à bouger ; une force le secouait. Et puis j’ai vu une jeune femme, blanche, pas plus grande que moi, qui m’a saluée en inclinant légèrement la tête ; en même temps, elle écartait un peu ses bras tendus et en ouvrant ses mains, comme les statues de la Sainte Vierge. J’avais peur. Puis il m’est venu à l’esprit de prier : j’ai pris le chapelet que j’ai toujours sur moi et j’ai commencé à le réciter.

Marie se montre à sa fille Bernadette Soubirous. À elle qui ne savait ni lire ni écrire, à elle qui parlait en dialecte et n’allait pas au catéchisme. Une pauvre fille, intimidée par tout le monde dans le pays, mais prête à faire confiance et à se confier, comme ceux qui n’ont rien. Et rien à perdre. Marie lui confie ses secrets, et elle le fait parce qu’elle lui fait confiance. Elle la traite avec amour, elle s’adresse à elle avec gentillesse, elle lui dit : « S’il vous plaît ». Et Bernadette s’abandonne et la croit, comme un petit enfant envers sa mère. Elle croit en la promesse que la Vierge lui fait, de ne pas la rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre. Et elle se souviendra de cette promesse pour le reste de sa vie. Une promesse qui lui permettra d’affronter toutes les difficultés de front, avec force et détermination, en faisant ce que la Vierge lui a demandé : prier, prier toujours pour nous tous, pécheurs. Elle promet, elle aussi : elle garde les secrets de Marie et répond à sa demande d’un sanctuaire sur le lieu de l’apparition. Et à l’article de la mort, Bernadette sourit, en repensant au visage de Marie, à son regard plein d’amour, à ses silences, à ses quelques paroles, intenses, et surtout à la fameuse promesse. Et elle se sent toujours fille, fille d’une Mère qui tient ses promesses.

Marie, une Mère qui promet
Toi qui as promis de devenir la mère de l’humanité, tu es restée proche de tes enfants, en commençant par les plus petits et les plus pauvres. Tu t’es faite proche d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Ayez la foi : Marie se montre aussi à nous si nous savons nous dépouiller de tout.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Humilité et Foi

Nous pouvons dire que la Très Sainte Vierge Marie est pour nous un phare d’humilité et de foi qui accompagne les siècles, qui accompagne nos vies, qui accompagne l’expérience de chacun d’entre nous. N’oublions pas, cependant, que l’humilité de Marie n’est pas d’abord une simple modestie extérieure, ce n’est pas une façade, mais plutôt une conscience profonde de sa petitesse face à la grandeur de Dieu.

Son « Oui, voici la servante du Seigneur », qu’elle prononce devant l’ange, est un acte d’humilité, pas de présomption ; c’est l’abandon confiant de ceux qui se reconnaissent comme des instruments entre les mains de Dieu. Marie ne recherche pas de remerciements ; elle cherche simplement à être servante, en se plaçant à la dernière place en silence, avec une humilité, une simplicité qui nous désarme. Et c’est cette humilité radicale qui est la clé qui a ouvert le cœur de Marie à la Grâce divine, en laissant le Verbe de Dieu, avec sa grandeur, avec son immensité, s’incarner en son sein maternel.

Marie nous apprend à nous présenter tels que nous sommes, humblement, sans orgueil. Il ne faut nous appuyer sur notre autorité personnelle, notre autoréférentialité, mais nous tenir librement devant Dieu pour pouvoir être pleinement disponibles, comme Marie, et vivre avec amour selon sa volonté. Là est donc la foi de Marie. L’humilité de la servante la place sur un chemin constant d’adhésion inconditionnelle au dessein de Dieu, même dans les moments les plus sombres et les plus incompréhensibles. Cela signifie affronter courageusement la pauvreté de son expérience de la grotte de Bethléem, de la fuite en Égypte, de la vie cachée à Nazareth, mais surtout au pied de la croix, où la foi de Marie atteint son apogée.

Là, sous la croix, le cœur transpercé par la douleur, Marie ne vacille pas, Marie ne tombe pas, Marie croit à la promesse. Sa foi n’est donc pas un sentiment passager, mais un roc solide sur lequel se fonde l’espérance de l’humanité, notre espérance. En Marie, l’humilité et la foi sont inextricablement liées.

Laissons cette humilité de Marie éclairer notre terre humaine, pour que la foi puisse germer aussi en nous. En reconnaissant notre petitesse devant Dieu, nous ne nous laissons pas aller par le fait que nous sommes petits. Nous ne nous laissons pas abattre par des présomptions, mais nous nous tenons, comme Marie, dans une attitude de grande liberté, de grande disponibilité, en reconnaissant que nous dépendons de Dieu. Nous vivons avec Dieu dans la simplicité, mais en même temps dans la grandeur.

Marie nous exhorte donc à cultiver une foi sereine et ferme, capable de surmonter les épreuves et de faire confiance aux promesses de Dieu. Contemplons la figure de Marie, humble et croyante, afin de pouvoir, nous aussi, dire généreusement notre « oui », comme elle.

Et nous, sommes-nous capables de saisir ses promesses d’amour avec les yeux d’un petit enfant ?

La prière d’un fils infidèle
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
clarifie mon cœur.
Rends-moi humble, petit, capable de me perdre dans ton étreinte de mère.
Aide-moi à redécouvrir l’importance du rôle d’un fils, et marque mes pas.
Tu promets, je promets dans un pacte que seuls mère et fils peuvent faire.
Je tomberai, mère, tu le sais.
Je ne tiendrai pas toujours mes promesses.
Je ne ferai pas toujours confiance.
Je ne réussirai pas toujours à te voir.
Mais toi, reste là, en silence, avec le sourire,
les bras tendus et les mains ouvertes.
Et moi, je prendrai le chapelet
et je prierai avec toi pour tous tes fils comme moi.

Ave Maria… Je vous salue, Marie…
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 2
Être fils et filles – Simplicité et espérance

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Fatima
Les petits bergers de Cova da Iria
À Cova da Iria, vers 13 heures, le ciel s’ouvre et le soleil apparaît. Soudain, vers 13h30, l’improbable se produit : devant une foule stupéfaite, le miracle le plus spectaculaire, le plus grandiose et le plus incroyable jamais survenu depuis les temps bibliques. Le soleil commence une danse effrénée et effrayante qui durera plus de dix minutes. Un temps interminable.

Trois petits bergers, simples et heureux, assistent et répandent le récit du miracle qui bouleverse des millions de personnes. Personne ne peut l’expliquer, des scientifiques aux hommes de foi. Pourtant, trois enfants ont vu Marie, ils ont écouté son message. Et ils le croient ; ils croient aux paroles de cette femme qui s’est montrée à eux et leur a demandé de retourner à Cova da Iria tous les 13 du mois. Ils n’ont pas besoin d’explications parce qu’ils placent toute leur espérance dans les paroles répétées de Marie. Une espérance difficile à garder, qui aurait effrayé n’importe quel enfant : Notre-Dame révèle à Lucie, Jacinthe et François les souffrances et les conflits mondiaux. Mais ils n’éprouvent aucun doute : ceux qui font confiance à la protection de Marie, la Mère qui protège, peuvent tout affronter. Et ils le savent bien, eux qui l’ont vécu en personne, risquant d’être tués pour ne pas trahir la parole donnée à leur Maman du Ciel. Les trois petits bergers étaient prêts au martyre, emprisonnés et menacés devant une marmite d’huile bouillante.
Ils avaient peur :
« Pourquoi devons-nous mourir sans embrasser nos parents ? Moi, je voudrais voir maman. »
Pourtant, ils décidèrent d’espérer encore, croyant en un amour plus grand qu’eux-mêmes :
« N’aie pas peur. Offrons ce sacrifice pour la conversion des pécheurs. Ce serait pire si la Vierge ne revenait jamais. »
« Pourquoi ne récitons-nous pas le chapelet ? »

Une mère n’est jamais sourde au cri de ses enfants. C’est en elle que ses enfants mettent leur espérance.
Marie, la Mère qui protège, s’est tenue aux côtés de ses trois enfants de Fatima et les a sauvés en les gardant en vie.
Et aujourd’hui encore, Elle protège tous ses enfants dans le monde qui se rendent en pèlerinage au sanctuaire de Notre-Dame de Fatima.

Marie, une Mère qui protège
Toi qui prends soin de l’humanité dès l’instant de l’Annonciation, tu es restée proche de tes enfants les plus simples et les plus assoiffés d’espérance. Tu t’es faite proche d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Mettez votre espérance en Marie : elle saura vous protéger.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Espérance et Renouveau.

Contempler la figure de Marie, c’est comme tourner le regard vers un horizon lumineux, une invitation constante à croire en un avenir plein de grâce. Et cette grâce nous transforme. Marie est la personnification de l’espérance chrétienne en action. Sa foi inébranlable face aux épreuves, sa persévérance à suivre Jésus jusqu’à la croix, son attente confiante de la résurrection sont pour moi les choses les plus importantes. Elles sont pour nous un phare d’espérance pour toute l’humanité

En Marie, nous voyons combien la certitude est, pour ainsi dire, la confirmation de la promesse d’un Dieu qui ne manque jamais à sa parole, que la douleur, la souffrance, l’obscurité n’ont pas le dernier mot, que la mort est vaincue par la vie.

Marie est alors l’espérance. C’est l’étoile du matin qui annonce l’arrivée du soleil de justice. S’adresser à elle, c’est confier nos attentes, nos aspirations à un cœur maternel qui les présente avec amour à son Fils ressuscité. D’une certaine manière, notre espérance est soutenue par l’espérance de Marie. Et s’il y a l’espérance, alors les choses ne restent pas comme avant ; il y a du renouveau, le renouveau de la vie. En accueillant le Verbe incarné, Marie a rendu possible la foi en l’espérance et en la promesse de Dieu. Cela a rendu possible une nouvelle création, un nouveau départ.

La maternité spirituelle de Marie continue de nous engendrer dans la foi, en nous accompagnant sur notre chemin de croissance et de transformation intérieures.

Demandons à la Vierge Marie la grâce nécessaire pour que cette espérance, que nous voyons se réaliser en Elle, puisse renouveler nos cœurs, guérir nos blessures, nous faire passer au-delà du voile de la négativité pour nous engager sur un chemin de sainteté, un chemin de proximité avec Dieu. Demandons à Marie, à Elle, la Femme qui se tient en prière avec les apôtres, de nous aider aujourd’hui, croyants et communautés chrétiennes, afin que nous soyons soutenus dans la foi et ouverts aux dons de l’Esprit, et qu’ainsi, la face de la terre soit renouvelée.

Marie nous exhorte à ne jamais nous résigner au péché et à la médiocrité mais que, pleins de l’espérance qui l’a comblée Elle-même, nous désirions ardemment une vie nouvelle dans le Christ.

Que Marie continue d’être un modèle et un soutien pour nous permettre de continuer à croire en la possibilité d’un nouveau commencement, d’une renaissance intérieure qui nous conformera toujours plus à l’image de son Fils Jésus.

Et nous, sommes-nous capables, avec les yeux d’un enfant, d’espérer en Elle et de la laisser nous protéger ?

La prière d’un fils décourage
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
fais que mon cœur soit simple et plein d’espoir.
J’ai confiance en toi : protège-moi dans toutes les situations.
Je me confie à toi : protège-moi dans toutes les situations.
J’écoute ta parole : protège-moi dans toutes les situations.
Donne-moi la capacité de croire en l’impossible
et de faire tout ce qui est en mon pouvoir
pour apporter ton amour, ton message d’espérance
et ta protection au monde entier.
Et je t’en supplie, ma Mère, protège toute l’humanité,
même celle qui ne te reconnaît pas encore.

Ave Maria… Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 3
Être fils et filles – Obéissance et don de soi

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Guadalupe
Le jeune Juan Diego
Juan Diego, petit et favori de mes enfants, lui dit la Dame… » Juan se leva d’un bond.
« Où vas-tu, Juanito ? » demanda la Dame.
Juan Diego répondit aussi poliment qu’il le put. Il dit à la Dame qu’il se rendait à l’église de Santiago pour entendre la messe en l’honneur de la Mère de Dieu.
« Mon fils bien-aimé, je suis la Mère de Dieu, et je veux que tu m’écoutes attentivement. J’ai un message très important à te transmettre : je désire qu’une église soit construite ici en mon honneur, une église d’où je puisse montrer mon amour à ton peuple.

Un dialogue doux, simple et tendre comme celui d’une mère avec son enfant. Et Juan Diego obéit : il alla voir l’Évêque pour lui raconter ce qu’il avait vu ; mais l’Évêque ne le crut pas. Alors le jeune homme retourna vers Marie et lui expliqua ce qui s’était passé. La Madone lui donna un autre message en l’exhortant à essayer encore et encore. Juan Diego obéissait sans s’avouer vaincu : il accomplirait la tâche que la Mère du Ciel lui confiait. Mais un jour, pris par les problèmes de la vie, il était sur le point de manquer le rendez-vous avec la Madone : son oncle était mourant.
« Penses-tu vraiment que j’oublierais celui que j’aime tant ? » Marie guérit l’oncle, et Juan Diego obéissait une fois de plus.
« Mon cher enfant, répondit la Dame, monte au sommet de la colline où nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Coupe et cueille les roses que tu y trouveras. Mets-les dans ta « tilma » [ta cape] et apporte-les-moi ici. Je te dirai ce que tu devras faire et dire. »
Tout en sachant qu’aucune rose ne poussait sur cette colline, et certainement pas en hiver, Juan Diego courut jusqu’au sommet : il y avait là le plus beau jardin qu’il ait jamais vu. Des roses de Castille, encore brillantes de rosée, s’étendaient à perte de vue. Il coupa délicatement les plus beaux bourgeons avec son couteau de pierre, en remplit sa cape et retourna rapidement à l’endroit où la Dame l’attendait. La Dame prit les roses, les arrangea dans la « tilma » de Juan Diego qu’elle lui attacha autour du cou en disant : « C’est le signe que veut l’Évêque. Vite, va chez lui et ne t’arrête pas en chemin. »

L’image de la Vierge était apparue sur la cape ; et à la vue de ce miracle, l’Évêque fut convaincu. Et aujourd’hui, le sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe conserve encore l’effigie miraculeuse.

Marie, une Mère qui n’oublie pas
Toi qui n’oublies aucun de tes enfants, tu ne laisses personne de côté ; tu as jeté ton regard sur les jeunes qui ont placé en toi tous leurs espoirs. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Obéissez même quand vous ne comprenez pas : une mère n’oublie pas, une mère ne laisse pas seul.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Maternité et Compassion

La maternité de Marie ne s’épuise pas dans son « oui » qui a rendu possible l’Incarnation du Fils de Dieu. Certes, ce moment est le fondement de tout, mais sa maternité est une attitude constante, une façon d’être pour nous, d’être en relation avec l’humanité entière.

Jésus, sur la croix, lui confie Jean par ces mots : « Femme, voici ton fils », étendant symboliquement sa maternité aux croyants de tous les temps.  Marie devient ainsi la mère de l’Église, la mère spirituelle de chacun de nous.

Nous voyons alors comment cette maternité se manifeste dans des soins tendres et attentionnés, dans une attention constante aux besoins de ses enfants et dans un profond désir de leur bien-être. Marie nous accueille, nous nourrit avec son expression de fidélité, nous protège sous son manteau. La maternité de Marie est un don immense qui nous permet de nous rapprocher d’Elle, de ressentir une présence aimante qui nous accompagne à chaque instant.

La compassion de Marie est alors le corollaire naturel de sa maternité. Une compassion qui n’est pas simplement un sentiment superficiel de pitié, mais une participation profonde à la douleur des autres, une « souffrance avec ».  On la voit se manifester de manière touchante lors de la passion de son fils. Et de la même manière que Marie ne reste pas indifférente à notre douleur, elle intercède pour nous, elle nous console, elle nous offre son aide maternelle.

Le cœur de Marie devient alors un refuge sûr où nous pouvons déposer nos fatigues et trouver réconfort et espérance. La maternité et la compassion deviennent en Marie, pour ainsi dire, deux visages d’une même expérience humaine à notre profit, deux expressions de son amour infini pour Dieu et pour l’humanité.

Sa compassion est alors la manifestation concrète de son être de mère, compassion qui est une conséquence de la maternité. La contemplation de Marie comme mère ouvre alors notre cœur à l’espérance et trouve en elle une expérience vraiment complète : Maman du Ciel qui nous aime.

Demandons à Marie de la voir comme un modèle d’humanité authentique, d’une maternité capable de « sentir », d’aimer, de souffrir avec les autres, à l’exemple de son Fils Jésus, qui a souffert par amour pour nous et est mort sur la croix.

Et nous, sommes-nous sûrs qu’une mère n’oublie pas, sûrs comme le sont les petits enfants ?

La prière d’un fils perdu
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur obéissant.
Quand je ne t’écoute pas, insiste, je t’en prie.
Quand je ne reviens pas, viens me chercher, s’il te plaît.
Quand je ne me pardonne pas, enseigne-moi l’indulgence, je t’en prie.
Parce que nous, les humains, nous nous perdons
et nous nous perdrons toujours.
Mais toi, ne nous oublie pas, nous, tes enfants errants.
Viens nous chercher,
viens nous prendre par la main.
Nous ne voulons pas et nous ne pouvons pas rester seuls ici.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 4
Être fils et filles – émerveillement et réflexion

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de la Salette
Les petits Mélanie et Maximin de La Salette
Le samedi 19 septembre 1846, les deux enfants gravirent les pentes du mont Planeau tôt le matin, au-dessus du village de La Salette, conduisant chacun quatre vaches au pâturage. À mi-chemin, près d’une petite source, Mélanie fut la première à voir un globe de feu sur un tas de pierres « comme si le soleil y était tombé », et le montra à Maximin. Une femme commença à émerger de cette sphère lumineuse, la tête dans les mains, les coudes sur les genoux, profondément triste. Devant leur étonnement, la Dame se leva et, d’une voix douce, et en français, leur dit : « Approchez, mes enfants, n’ayez pas peur, je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle. » Encouragés, les enfants s’approchèrent et virent que « la belle Dame » pleurait.

Une mère annonce une grande nouvelle à ses enfants et le fait en pleurant. Pourtant, les enfants ne sont pas troublés par ses pleurs. Ils écoutent dans le plus tendre des moments entre une mère et ses enfants. Parce que même les mères sont parfois inquiètes, parce que les mères confient aussi leurs sentiments, leurs pensées et leurs réflexions à leurs enfants. Et Marie confie aux deux jeunes bergers, pauvres et privés d’affection, un grand message : « Je m’inquiète pour l’humanité, je m’inquiète pour vous, mes enfants, qui vous éloignez de Dieu. Et la vie loin de Dieu est une vie compliquée, difficile, faite de souffrances. » C’est pourquoi elle pleure. Elle pleure comme n’importe quelle mère et transmet à ses plus jeunes et plus purs enfants un message aussi étonnant que grand. Un message à annoncer à tous, à porter au monde.
Et ils le feront, parce qu’ils ne peuvent pas garder pour eux un si beau moment : l’expression de l’amour d’une mère pour ses enfants doit être annoncée à tous. Le Sanctuaire de Notre-Dame de La Salette, qui se dresse sur le lieu des apparitions, pose ses fondements sur la révélation de la douleur de Marie face au pèlerinage de ses enfants pécheurs.

Marie, une Mère qui annonce, qui raconte
Toi qui te donnes entièrement à tes enfants au point de ne pas avoir peur de leur parler de toi, tu as touché le cœur des plus petits de tes enfants, capables de réfléchir sur tes paroles et de les accueillir avec émerveillement. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Laissez-vous surprendre par les paroles d’une mère : elles seront toujours les plus authentiques.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Amour et Miséricorde

Sentons-nous cette dimension de Marie, ou plutôt ces deux dimensions ? Marie est la femme au cœur débordant d’amour, d’attention et même de miséricorde. Nous la ressentons comme un port d’attache, comme un havre de paix, lorsque nous traversons des moments de difficulté ou d’épreuve.

Contempler Marie, c’est comme s’immerger dans un océan de tendresse, de compassion. Nous nous sentons entourés de toute une atmosphère inépuisable de confort et d’espérance. L’amour de Marie est un amour maternel qui embrasse toute l’humanité, parce que c’est un amour qui plonge ses racines dans son « oui » inconditionnel au dessein de Dieu.

Marie, en accueillant son fils en son sein, a accueilli l’amour de Dieu. De ce fait, son amour ne connaît ni frontières ni distinctions ; il se penche sur les fragilités, les misères humaines, avec une infinie délicatesse. Nous le voyons se manifester dans son attention à Élisabeth, dans son intercession aux noces de Cana, dans sa présence silencieuse et extraordinaire au pied de la croix.

Ici, l’amour de Marie, cet amour maternel, est le reflet de l’amour de Dieu, un amour qui se fait proche, qui console, qui pardonne, qui ne se lasse jamais, qui ne finit jamais. Ici, Marie nous enseigne qu’aimer signifie se donner complètement, être proche de ceux qui souffrent, partager les joies et les peines de nos frères avec la même générosité et le même dévouement qui animaient son cœur : amour et miséricorde.

La miséricorde devient alors la conséquence naturelle de l’amour de Marie, une compassion, viscérale peut-on dire, face aux souffrances de l’humanité, du monde. Nous regardons Marie, nous la contemplons, nous la rencontrons avec son regard maternel que nous sentons se poser sur nos faiblesses, nos péchés, notre vulnérabilité, sans agressivité mais avec une douceur infinie. C’est un cœur immaculé, sensible à nos cris de douleur.

Marie est une mère qui ne juge pas, qui ne condamne pas, mais qui accueille, console et pardonne. Nous ressentons la miséricorde de Marie comme un baume pour les blessures de l’âme, une caresse qui réchauffe le cœur. Marie nous rappelle que Dieu est riche en miséricorde et qu’il ne se lasse pas de pardonner à ceux qui se tournent vers lui avec un cœur repenti, serein, ouvert et disponible.

L’amour et la miséricorde en la Vierge Marie se fondent dans une étreinte qui embrasse toute l’humanité.

Demandons à Marie de nous aider à ouvrir grand nos cœurs à l’amour de Dieu, comme elle l’a fait elle-même, à laisser cet amour envahir nos cœurs, surtout lorsque nous ployons sous le poids des épreuves et des difficultés. En Marie, nous trouvons une mère tendre et puissante, prête à nous accueillir dans son amour et à intercéder pour notre salut.

Et nous, sommes-nous encore capables de nous émerveiller comme un petit enfant devant l’amour de sa mère ?

La prière d’un fils éloigne
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de compassion et de conversion.
Dans le silence, je te retrouve.
Dans la prière, je t’écoute.
Dans la réflexion, je te découvre.
Et devant tes paroles d’amour, ô Mère, je suis émerveillé
et je découvre tes liens très forts avec l’humanité.
Loin de toi, qui me tient la main dans les moments difficiles ?
Loin de toi, qui me console dans mes pleurs ?
Loin de toi, qui me conseille quand je prends le mauvais chemin ?
Je reviens vers toi, dans l’unité de ma personne.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 5
Être fils et filles – confiance et prière

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

La médaille de Catherine
La petite Catherine Labouré
Dans la nuit du 18 juillet 1830, vers 23 h 30, elle s’entendit appeler par son nom. C’était un enfant qui lui disait : « Lève-toi et suis-moi ». Catherine le suivit. Toutes les lumières étaient allumées. La porte de la chapelle s’ouvrit dès que l’enfant l’eut touchée du bout des doigts. Catherine s’agenouilla.
À minuit, la Vierge Marie vint, s’assit sur le fauteuil qui était à côté de l’autel. « J’ai alors bondi à côté d’elle, à ses pieds, sur les marches de l’autel, et j’ai posé mes mains sur ses genoux », raconta Catherine. « Je suis restée comme ça, je ne sais pas combien de temps. Il m’a semblé que c’était le moment le plus doux de ma vie… »
« Dieu veut te confier une mission », dit la Vierge à Catherine.

Catherine, orpheline à l’âge de 9 ans, ne se résigne pas à vivre sans sa maman. Et elle se rapproche de la Maman du Ciel. La Vierge, qui portait déjà de loin son regard sur elle, ne l’abandonnerait jamais. Au contraire, elle avait de grands projets pour elle. Elle, une de ses filles attentive et aimante, aurait une grande mission à remplir : vivre une vie chrétienne authentique, une relation personnelle forte et solide avec Dieu. Marie croit au potentiel de son enfant et lui confie la Médaille Miraculeuse, capable d’intercéder et d’accomplir des grâces et des miracles. Une mission importante, un message difficile. Pourtant, Catherine ne se décourage pas ; elle se confie à sa Maman au Ciel dont elle sait qu’elle ne l’abandonnera jamais.

Marie, une Mère qui donne confiance
Toi qui fais confiance et confies des missions et des messages à chacun de tes enfants, tu les accompagnes sur leur chemin, dans une présence discrète, en restant proches de tous, mais surtout de ceux qui ont fait l’expérience de grandes souffrances. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Croyez-moi : une mère ne vous confiera jamais que des tâches que vous pouvez accomplir et vous accompagnera tout au long du chemin.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Confiance et Prière

La Vierge Marie se présente à nous comme la femme d’une confiance inébranlable, puissante en intercession. Ici, en contemplant ces deux aspects, la confiance et la prière, nous voyons deux dimensions fondamentales de la relation de Marie avec Dieu.

Nous pouvons dire que la confiance de Marie en Dieu est un fil d’or qui traverse toute son existence, du début à la fin. Ce « oui », prononcé en toute conscience des conséquences, est un acte d’abandon total à la volonté divine. Marie se confie, Marie vit sa confiance en Dieu avec un cœur ferme en la divine Providence, sachant que Dieu ne l’abandonnera jamais.

Et donc, pour nous, dans notre vie quotidienne, regarder Marie – un acte d’abandon qui n’est pas passif, mais actif et confiant – est une invitation, non pas à oublier nos angoisses, nos peurs mais, d’une certaine manière, à tout regarder à la lumière de l’amour de Dieu qui, dans le cas de Marie, n’a jamais failli, et pas même dans notre vie. Cette confiance conduit à la prière, dont on peut dire qu’elle est presque le souffle de l’âme de Marie, le canal privilégié de sa communion intime avec Dieu. La confiance mène à la communion, sa vie abandonnée en Dieu a été un dialogue d’amour continu avec le Père, une offrande constante d’elle-même, de ses préoccupations, mais aussi de ses décisions.

La visitation à Élisabeth est un exemple de prière qui devient ensuite service. Nous voyons Marie accompagner Jésus jusqu’à la croix. Après l’Ascension, nous la voyons au Cénacle, unie aux Apôtres dans une attente fervente. Marie nous enseigne la valeur de la prière constante comme conséquence d’une confiance totale et complète, en s’abandonnant entre les mains de Dieu, précisément pour rencontrer Dieu et vivre avec Dieu.

Confiance et prière à la Vierge Marie sont étroitement liées : une profonde confiance en Dieu qui fait naître et fait jaillir une prière persévérante. Demandons à Marie d’être notre exemple et de nous encourager à faire de la prière une habitude quotidienne car nous voulons nous sentir continuellement abandonnés entre les mains miséricordieuses de Dieu.

Tournons-nous vers Elle avec une confiance filiale, afin qu’en l’imitant, en imitant sa confiance et sa persévérance dans la prière, nous puissions faire l’expérience, en toute quiétude, que ce n’est que lorsque nous nous abandonnons à Dieu que nous pouvons recevoir les « matières premières » nécessaires à notre chemin de foi.

Et nous, sommes-nous capables de faire confiance inconditionnellement comme de petits enfants ?

La prière d’un fils décourage
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de prier.
Je ne suis pas capable de t’écouter, ouvre mes oreilles.
Je ne suis pas capable de te suivre, fais avancer mes pas.
Je ne suis pas capable d’être fidèle à ce que tu voudras me confier, donne-m ‘en la force.
Les tentations sont nombreuses, accorde-moi de ne pas céder.
Les difficultés semblent insurmontables, ne me laisse pas tomber.
Les contradictions du monde crient à pleine voix, fais que je ne les suive pas.
Moi, ton fils défaillant, je veux être à ton service.
Fais de moi un fils obéissant.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 6
Être fils et filles – souffrance et guérison

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame des Douleurs a Kibeho
La petite Alphonsine Mumiremana et ses compagnes
L’histoire a commencé à 12h35, un samedi 28 novembre 1981, dans un pensionnat tenu par des religieuses locales, fréquenté par un peu plus d’une centaine de filles de la région. Un collège rural et pauvre, où l’on apprenait à devenir enseignantes ou secrétaires. Le complexe n’avait pas de chapelle et, par conséquent, il n’y avait pas d’atmosphère religieuse particulièrement ressentie. Ce jour-là, toutes les filles du collège étaient dans le réfectoire. La première du groupe à « voir » fut Alphonsine Mumureke, 16 ans. D’après ce qu’elle écrit elle-même dans son journal, elle servait ses compagnes à table, lorsqu’elle entendit une voix féminine l’appeler : « Ma fille, viens ici ». Elle se rendit dans le couloir, à côté du réfectoire, et une femme d’une beauté incomparable lui apparut. Elle était vêtue de blanc, avec un voile blanc sur la tête cachant ses cheveux et qui semblait joint au reste du vêtement, un vêtement sans coutures. Elle était pieds nus et ses mains étaient jointes sur sa poitrine, les doigts pointés vers le ciel.

Plus tard, la Vierge apparut à d’autres compagnes d’Alphonsine, qui étaient sceptiques au début ; mais ensuite, face à l’apparition de Marie, elles durent changer d’avis. Marie, s’adressant à Alphonsine, se présente comme la Dame des Douleurs de Kibeho, et raconte aux jeunes tous les événements impitoyables et sanglants qui allaient se dérouler peu de temps après avec le déclenchement de la guerre au Rwanda. La douleur sera grande, mais aussi la consolation et la guérison de cette douleur, parce qu’elle, la Dame des Douleurs, n’aurait jamais laissé ses enfants d’Afrique seuls. Les jeunes filles restent là, stupéfaites, devant la vision, mais elles croient en cette mère qui leur tend les bras en les appelant « mes enfants ». Elles savent que ce n’est qu’en Elle qu’elles trouveront consolation. Et afin de pouvoir prier pour que cette Mère Consolatrice soulage les souffrances de ses enfants, le sanctuaire dédié à Notre-Dame des Douleurs de Kibeho a été érigé ; c’est aujourd’hui un lieu marqué par l’extermination et le génocide. Et la Vierge Marie continue d’être là et de serrer tous ses enfants dans ses bras.

Marie, une Mère qui console
Toi qui as consolé tes enfants comme Jean sous la Croix, tu as posé ton regard sur ceux qui vivent dans la souffrance. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
N’ayez pas peur de passer par la souffrance : la Mère qui console sèchera vos larmes.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Souffrance et invitation à la Conversion

Marie est une figure de la souffrance emblématique, transfigurée et une puissante invitation à la conversion. Lorsque nous contemplons son douloureux cheminement, c’est un avertissement, silencieux et pourtant éloquent, un appel profond à revoir quelque peu nos vies, nos choix, et l’appel à revenir au cœur de l’Évangile. La souffrance qui traverse la vie de Marie, comme une épée tranchante, prophétisée par le vieillard Siméon, marquée par la disparition de l’Enfant Jésus, jusqu’à la douleur indicible au pied de la croix, Marie vit tout cela : le poids de la fragilité humaine, et le mystère de la douleur innocente d’une manière unique.

La souffrance de Marie n’était pas une souffrance stérile, une résignation passive mais, d’une certaine manière, nous remarquons qu’il y a une activité, une offrande silencieuse et courageuse, unie au sacrifice rédempteur de son Fils Jésus.

Quand nous regardons avec les yeux de la foi Marie, la femme qui souffre, cette souffrance, plutôt que de nous déprimer, nous révèle la profondeur de l’amour de Dieu pour nous, qui est visible dans la vie de Marie. Marie, d’une certaine manière, nous enseigne que, même dans la douleur la plus aiguë, une possibilité de croissance spirituelle, fruit de l’union avec le mystère pascal, peut trouver un sens.

C’est donc de l’expérience de la douleur transfigurée que jaillit une puissante invitation à la conversion. En regardant, en contemplant Marie qui a tant souffert par amour pour nous et pour notre salut, nous sommes, nous aussi, appelés à ne pas rester indifférents au mystère de la rédemption.

Marie, femme douce et maternelle, nous exhorte à abandonner les voies du mal, pour embrasser le chemin de la foi. La célèbre phrase de Marie aux noces de Cana, « Tout ce qu’il vous dira, faites-le », résonne encore pour nous aujourd’hui comme une invitation pressante à écouter la voix de Jésus dans les moments de difficulté, dans les moments d’épreuve, dans les moments de situations inattendues et inconnues.

L’exemple de foi de Marie est inébranlable dans la douleur, à la fois lumière et guide pour nous permettre de transformer nos souffrances en opportunités de croissance spirituelle ; et, en même temps, nous permettre de répondre avec générosité à l’appel pressant à la conversion, afin que la profondeur qui résonne encore dans le cœur de chaque être humain, l’invitation de Dieu, d’un Dieu qui nous aime, puisse, par l’intercession de Marie, trouver un sens, une issue, une croissance, même dans les moments les plus difficiles et les plus douloureux.

Et nous, nous laissons-nous consoler comme de petits enfants ?

La prière d’un fils qui souffre
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de guérir.
Quand je suis à terre, tends-moi la main, ô Mère.
Quand je me sens exténué, rassemble mes forces, ô Mère.
Quand la souffrance prend le dessus, ouvre-moi à l’Espérance, ô Mère.
Pour que je ne cherche pas seulement la guérison du corps,
mais que je réalise combien mon cœur a besoin de paix.
Et de la poussière, relève-moi, ô Mère.
Relève-moi, ainsi que tous tes enfants qui sont dans l’épreuve :
ceux qui vivent sous les bombes,
ceux qui sont persécutés,
ceux qui sont injustement emprisonnés,
ceux dont les droits et la dignité ont été violés,
ceux dont la vie est trop tôt interrompue.
Relève-les et réconforte-les
parce qu’ils sont tes enfants,
parce que nous sommes tes enfants.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 7
Être fils et filles – justice et dignité

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame d’Aparecida
Les petits pêcheurs Domingos, Felice et João
À l’aube du 12 octobre 1717, Domingos Garcia, Felipe Pedroso et João Alves poussèrent leur barque dans les eaux de la rivière Paraiba qui coulait près de leur village. Ils ne semblaient pas avoir de chance ce matin-là : pendant des heures, ils ont jeté leurs filets, sans rien prendre. Ils étaient sur le point d’abandonner, lorsque João Alves, le plus jeune, a voulu faire une dernière tentative. Il jeta donc son filet dans les eaux de la rivière et le remonta lentement. Il y avait quelque chose, mais ce n’était pas un poisson… Cela ressemblait plutôt à un morceau de bois. Lorsqu’il l’a libéré des mailles du filet, le morceau de bois s’est avéré être une statue de la Vierge Marie, malheureusement sans sa tête. João jeta à nouveau le filet dans l’eau et cette fois, en le remontant, il trouva un autre morceau de bois arrondi qui ressemblait à la tête de la statue : il essaya d’assembler les deux morceaux et se rendit compte qu’ils correspondaient parfaitement. Comme s’il obéissait à une impulsion, João Alves jeta de nouveau le filet dans l’eau et, lorsqu’il essaya de le remonter, il se rendit compte qu’il ne pouvait pas le faire car il était plein de poissons. Ses compagnons jetèrent à leur tour leurs filets dans l’eau et les prises de ce jour-là furent vraiment abondantes.

Une mère voit les besoins de ses enfants : Marie a vu les besoins des trois pêcheurs et est allée à leur secours. Ses enfants lui ont donné tout l’amour et la dignité que l’on peut donner à une mère : ils ont assemblé les deux morceaux de la statue, l’ont placée sur une cabane et en ont fait un sanctuaire. Du haut de la cabane, Notre-Dame d’Aparecida – ce qui signifie Apparue – sauva l’un de ses fils esclaves qui fuyait ses maîtres : elle vit sa souffrance et lui rendit sa dignité. Et aujourd’hui, cette cabane est devenue le plus grand sanctuaire marial au monde et porte le nom de Basilique de Notre-Dame d’Aparecida.

Marie, une Mère qui voit
Toi qui as vu la souffrance de tes enfants maltraités, à commencer par les disciples, tu te places auprès de tes enfants les plus pauvres et persécutés. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Ne vous cachez pas du regard d’une mère : elle voit même vos désirs et vos besoins cachés.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Dignité et Justice Sociale

La Très Sainte Vierge Marie est un miroir de la dignité humaine pleinement réalisée, silencieuse mais puissante et inspiratrice pour un sens juste du vécu social. Réfléchir sur la figure de Marie en relation avec ces thèmes révèle une perspective profonde et étonnamment actuelle.

Regardons Marie, la femme pleine de dignité, comme un don qui nous aide aujourd’hui à regarder sa pureté originelle, qui ne la place pas sur un piédestal inaccessible, mais qui révèle Marie dans la plénitude de cette dignité vers laquelle nous nous sentons tous un peu attirés, appelés.

En contemplant Marie, nous voyons resplendir la beauté et la noblesse, précisément la dignité de l’être humain, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, libre du jeu du péché, pleinement ouvert à l’amour divin, une humanité qui ne se perd pas dans les détails, dans les choses superficielles.

Nous pouvons dire que le « oui » libre et conscient de Marie est ce geste d’autodétermination qui élève Marie à ce qu’elle est au niveau de la volonté de Dieu, et entre en quelque sorte dans la logique de Dieu. Son humilité la rend alors encore plus libre, loin d’être amoindrie par l’humilité. L’humilité de Marie devient la conscience de la vraie grandeur qui vient de Dieu.

Ainsi, cette dignité de Marie nous aide à regarder comment nous la vivons dans la routine quotidienne de la vie. Le thème de la justice sociale peut paraître moins explicite, mais à travers une lecture contemplative et attentive de l’Évangile, en particulier du Magnificat, nous pouvons saisir, sentir et rencontrer cet esprit révolutionnaire qui proclame le renversement des puissants de leurs trônes et l’élévation des humbles, c’est-à-dire le renversement de la logique mondaine et l’attention privilégiée de Dieu envers les pauvres et les affamés.

Des paroles qui jaillissent d’un cœur humble, rempli d’Esprit Saint. On peut dire qu’il s’agit d’un manifeste de justice sociale « avant la lettre », une anticipation du Royaume de Dieu, où les derniers seront les premiers.

Contemplons Marie pour nous sentir attirés par cette dignité qui ne se limite pas à se refermer sur soi-même. C’est une dignité qui, dans le Magnificat, nous met au défi de ne pas nous enfermer dans notre propre logique. Elle nous permet, au contraire, de nous ouvrir, en louant Dieu, en cherchant à vivre avec dignité le don reçu pour le bien de l’humanité, pour le bien des pauvres, pour le bien de ceux que la société rejette.

Et nous, est-ce que nous nous cachons ou disons-nous tout comme le font les petits enfants ?

La prière d’un fils qui a peur
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de restituer la dignité.
À l’heure de l’épreuve, regarde mes manques et comble-les.
À l’heure de la fatigue, regarde mes faiblesses et guéris-les.
À l’heure de l’attente, regarde mon impatience et portes-y remède.
Ainsi, en regardant mes frères, je pourrai voir leurs manques et les combler,
voir leurs faiblesses et les guérir, ressentir leur impatience et y porter remède.
Parce que rien ne guérit mieux que l’amour
et personne n’est aussi fort qu’une mère qui cherche à obtenir justice pour ses enfants.
Et alors, moi aussi, Mère, je m’arrête au pied de la cabane,
je regarde avec des yeux confiants ton image
et je te prie pour la dignité de tous tes enfants.

Ave Maria … Je vous salue, Marie
Heureux celui qui voit avec son cœur.


Jour 8
Être fils et filles – Douceur et vie quotidienne

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Banneaux
La petite Mariette de Banneaux
Le 18 janvier 1933, Mariette est dans le jardin, récitant son chapelet. Marie vient et l’emmène à une petite source à l’orée du bois, où elle dit : « Cette source est pour moi. »  Et elle invite la petite fille à y tremper sa main et son chapelet. Avec un étonnement indicible, son père et deux autres personnes ont suivi Mariette dans tous ses gestes et dans toutes ses paroles. Et ce soir-là, le premier à être conquis par la grâce de Banneaux fut précisément le père de Mariette, qui courut se confesser et recevoir l’Eucharistie : il ne s’était pas confessé depuis sa première communion.
Le 19 janvier, Mariette demande : « Madame, qui êtes-vous ? – Je suis la Vierge des pauvres. »
À la source, elle ajoute : « Cette source est pour moi, pour toutes les nations, pour les malades. Je viens les consoler ! »

Mariette est une jeune fille normale qui vit ses journées comme nous tous, comme nos enfants, nos petits-enfants. Elle vit dans un petit village inconnu, le sien. Elle prie pour rester proche de Dieu. Elle prie sa Maman du Ciel pour garder vivant le lien avec Elle. Et Marie lui parle avec douceur, dans un endroit qui lui est familier. Elle lui apparaîtra à plusieurs reprises, lui confiera des secrets et lui dira de prier pour la conversion du monde : c’était pour Mariette un message fort d’espérance. La Mère serre contre son cœur tous ses fils et filles et les console. Toute la douceur que Mariette trouve en la « Gentille Dame », elle la transmet au monde. Et de cette rencontre est née une grande chaîne d’amour et de spiritualité qui trouve son accomplissement dans le sanctuaire de Notre-Dame de Banneaux.

Marie, une Mère qui reste à nos côtés
Toi qui es restée proche de tes enfants, sans jamais en perdre un seul, tu as illuminé le chemin quotidien des plus simples. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Abandonnez-vous dans l’étreinte de Marie : n’ayez pas peur, elle vous consolera.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Éducation et Amour

La Vierge Marie est une incomparable maîtresse en éducation, parce qu’elle est une source inépuisable d’amour ; et ceux qui aiment éduquent, ceux qui aiment éduquent vraiment.

Réfléchir sur la figure de Marie en relation avec ces deux piliers de la croissance humaine et spirituelle : nous avons ici un exemple à contempler, à prendre au sérieux, à assumer dans nos choix quotidiens.

L’éducation qui émane de Marie n’est pas faite de préceptes, d’enseignements formels, mais se manifeste à travers son exemple de vie : un silence contemplatif qui parle, son obéissance à la volonté de Dieu, humble et grande à la fois, sa profonde humanité.

Le premier aspect éducatif que Marie nous communique est celui de l’écoute.
Écouter la Parole de Dieu, écouter ce Dieu qui est continuellement là pour nous aider, pour nous accompagner. Marie garde dans son cœur, médite avec soin, encourage l’écoute attentive de la Parole de Dieu ainsi que l’écoute des besoins des autres.

Marie nous éduque à une humilité qui ne nous fait pas choisir de rester détachés et passifs ; elle nous éduque plutôt à une humilité qui, tout en nous faisant reconnaître notre petitesse face à la grandeur de Dieu, nous incite à nous mettre à son service comme protagonistes. Nos cœurs sont ouverts pour être vraiment proches de ceux que nous accompagnons, et avec qui nous vivons le projet de Dieu pour nous.

Marie est un exemple qui nous aide à nous laisser éduquer par la foi ; elle nous éduque à la persévérance, fermes dans l’amour de Jésus, jusqu’au pied de la croix.

Éducation et amour.  L’amour de Marie est le cœur battant de son existence ; il continue de battre pour nous ; chaque fois que nous nous approchons de Marie, nous ressentons cet amour maternel qui s’étend à nous tous. C’est un amour pour Jésus qui devient un amour pour l’humanité. Le cœur de Marie s’ouvre avec la tendresse infinie qu’elle reçoit de Dieu, qu’elle communique à Jésus, à ses enfants spirituels.

Demandons au Seigneur qu’en contemplant l’amour de Marie, qui est un amour qui éduque, nous nous laissions inciter à dépasser notre égoïsme, nos fermetures, et à nous ouvrir aux autres. En Marie, nous voyons une femme qui éduque avec amour et qui aime avec un amour éducateur.

Demandons au Seigneur de nous faire le don d’un amour, de son amour, qui est à la fois un amour qui nous purifie, nous soutient, nous fait grandir, afin que notre exemple soit vraiment un exemple qui communique l’amour ; et qu’en communiquant l’amour, nous puissions nous laisser éduquer par Marie et nous laisser aider afin que notre exemple éduque aussi les autres.

Et nous, sommes-nous capables de nous abandonner comme le font les petits enfants ?

La prière d’un enfant de notre temps
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur doux et docile.
Qui me remettra sur pied,
après que je serai brisé sous le poids des croix que je porte ?
Qui ramènera la lumière à mes yeux,
après avoir vu les décombres de la cruauté humaine ?
Qui soulagera les souffrances de mon âme,
après les erreurs que j’ai commises sur mon chemin ?
Ma Mère, toi seule peux me consoler.
Serre-moi contre ton cœur et garde-moi avec toi
pour éviter que je ne m’effondre.
Mon âme repose en toi et trouve la paix
comme un petit enfant dans les bras de sa mère.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 9
Être fils et filles – Construction et rêve

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Marie Auxiliatrice
Le petit Jean Bosco
À l’âge de 9 ans, je fis un rêve qui me laissa pour toute la vie une profonde impression. Pendant mon sommeil, il me sembla que je me trouvais près de chez moi, dans une cour très spacieuse. Une multitude d’enfants, rassemblés là, s’y amusaient. Les uns riaient, d’autres jouaient, beaucoup blasphémaient. Lorsque j’entendis ces blasphèmes, je m’élançai au milieu d’eux et, des poings et de la voix, je tentai de les faire taire. À ce moment apparut un homme d’aspect vénérable, dans la force de l’âge et magnifiquement vêtu.
« Ce n’est pas avec des coups mais par la douceur et la charité que tu devras gagner leur amitié.
 – Qui êtes-vous donc pour m’ordonner une chose impossible ?
– C’est précisément parce que ces choses te paraissent impossibles que tu dois les rendre possibles par l’obéissance et l’acquisition de la science.
– Où, par quels moyens pourrai-je acquérir la science ?
– Je te donnerai la maîtresse sous la conduite de qui tu pourras devenir un sage et sans qui toute sagesse devient sottise. »
À ce moment-là, je vis près de lui une dame d’aspect majestueux, vêtue d’un manteau qui resplendissait de toutes parts comme si chaque point eût été une étoile éclatante.
« Voilà ton champ d’action, (me dit-elle), voilà où tu dois travailler. Rends-toi humble, fort et robuste et tout ce que tu vois arriver en ce moment à ces animaux, tu devras le faire pour mes fils. »
Je tournai alors les yeux et voici qu’à la place de bêtes féroces, apparurent tout autant de doux agneaux. Tous, gambadant de tous côtés et bêlant, semblaient vouloir faire fête à cet homme et à cette femme.
À ce moment-là, toujours sommeillant, je me mis à pleurer et demandai qu’on voulût bien me parler de façon compréhensible car je ne voyais pas ce que cela pouvait bien signifier. Alors elle me mit la main sur la tête et me dit : « Tu comprendras tout en son temps. »

Marie guide et accompagne le jeune Jean Bosco tout au long de sa vie et de sa mission. Lui, enfant, découvre ainsi, à partir d’un rêve, sa vocation. Il ne comprendra pas mais il se laissera guider. Il ne comprendra pas pendant de longues années mais, à la fin, il prendra conscience que « c’est Elle qui a tout fait ». Et la mère, celle terrestre et Celle du Ciel, sera la figure centrale dans la vie de ce fils qui se fera pain pour ses enfants. Et après avoir rencontré Marie dans ses rêves, Jean Bosco, devenu prêtre, érigera un sanctuaire à la Madone afin que tous ses enfants puissent se confier à Elle. Et il dédiera ce sanctuaire à Notre Dame Auxiliatrice, parce qu’elle aura été son port d’attache, son aide permanente. Ainsi, tous ceux qui entrent dans la Basilique de Marie Auxiliatrice de Turin sont pris sous le manteau protecteur de Marie qui devient leur Guide.

Marie, une Mère qui accompagne et guide
Toi qui as accompagné ton Fils Jésus tout au long de son chemin, tu t’es proposée comme guide à ceux qui ont su t’écouter avec l’enthousiasme que seuls les petits enfants peuvent avoir. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Laissez-vous accompagner : la Mère sera toujours à vos côtés pour vous montrer le chemin.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie Aide à la Conversion

La Très Sainte Vierge Marie est une aide puissante et silencieuse sur notre chemin de croissance.
C’est un chemin qui a continuellement besoin de se libérer de ce qui le bloque vers la croissance. C’est un chemin qui doit être continuellement renouvelé, pour ne pas faire demi-tour ou s’arrêter dans les coins sombres de l’existence. Voilà, la conversion.

La présence de Marie est un phare d’espérance, une invitation constante pour nous à continuer à marcher vers Dieu, à aider nos cœurs à être toujours centrés sur Dieu, sur son amour. Réfléchir sur Marie, sur son rôle, signifie que nous découvrons Marie qui n’impose pas, qui ne juge pas, mais qui soutient, encourage, avec son humilité, avec son amour maternel, qui aide nos cœurs à rester proches d’Elle pour nous rapprocher toujours plus de son Fils Jésus qui est le chemin, la vérité et la vie.

Le « Oui » de Marie à l’Annonciation continue d’être valable pour nous aussi, en ouvrant à l’humanité l’histoire du salut qui est accessible et à notre portée. Son intercession aux noces de Cana soutient ceux qui se trouvent dans des situations inattendues et inédites. Marie est un modèle de conversion continue. Sa vie, une vie d’Immaculée Conception, a cependant été une adhésion progressive à la volonté de Dieu, un chemin de foi qui l’a conduite à travers joies et peines, culminant dans le sacrifice du Calvaire.

La persévérance de Marie à la suite de Jésus devient une invitation pour nous aussi à vivre cette proximité continue, cette transformation intérieure, dont nous savons bien qu’elle est un processus progressif, et qui exige constance, humilité et confiance en la grâce de Dieu.

Marie aide à la conversion par une écoute très attentive et concentrée sur la Parole de Dieu. Une écoute qui nous aide à trouver la force d’abandonner les voies du péché, pour reconnaître la force et la beauté de la marche vers Dieu.

Tournons-nous vers Marie avec une confiance filiale, car cela signifie que, tout en reconnaissant nos faiblesses, nos péchés, nos défauts, nous voulons nourrir ces désirs de changement, le changement d’un cœur qui veut se laisser accompagner par le cœur maternel de Marie. En Marie, nous trouvons une aide précieuse pour discerner les fausses promesses du monde et pour redécouvrir la beauté et la vérité de l’Évangile.

Que Marie, Secours des Chrétiens, soit une aide continuelle pour nous tous, qui nous fera découvrir la beauté de l’Évangile, et accepter de marcher vers le bien, la grandeur de la Parole de Dieu, vivante dans notre cœur, et pouvoir la communiquer aux autres.

Et nous, sommes-nous capables de nous laisser prendre par la main comme de petits enfants ?

La prière d’un fils sans énergie
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de rêver et de construire.
Moi qui ne laisse personne m’aider,
moi qui me décourage, qui perds patience
et qui ne pense jamais avoir construit quoi que ce soit,
moi qui pense toujours être un raté,
aujourd’hui, je veux être un fils,
un fils capable de te donner ma main, ma Mère,
pour se faire accompagner sur les chemins de la vie.
Montre-moi mon champ d’action,
Montre-moi mon rêve
et fais qu’à la fin, moi aussi je comprenne tout
et reconnaisse ton passage dans ma vie.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.




Faut-il encore se confesser ?

Le sacrement de la confession, souvent négligé dans l’agitation contemporaine, reste pour l’Église catholique une source irremplaçable de grâce et de renouveau intérieur. Nous invitons à redécouvrir sa signification originelle : non pas un rite formel, mais une rencontre personnelle avec la miséricorde de Dieu, instituée par le Christ lui-même et confiée au ministère de l’Église. À une époque qui relativise le péché, la confession se révèle être une boussole pour la conscience, un remède pour l’âme et une porte grande ouverte vers la paix du cœur.

Le Sacrement de la Confession : une nécessité pour l’âme 
Dans la tradition catholique, le Sacrement de la Confession – aussi appelé Sacrement de la Réconciliation ou de la Pénitence – occupe une place centrale dans le cheminement de la foi. Ce n’est pas un simple acte formel ni une pratique réservée à quelques fidèles particulièrement fervents, mais une nécessité profonde qui concerne chaque chrétien, appelé à vivre dans la grâce de Dieu. À une époque où la notion de péché tend à être relativisée, redécouvrir la beauté et la force libératrice de la Confession est essentiel pour répondre pleinement à l’amour de Dieu.

Jésus-Christ lui-même a institué le Sacrement de la Confession. Après sa Résurrection, Il apparut aux Apôtres et dit : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils seront retenus » (Jn 20,22-23). Ces paroles ne sont pas symboliques : elles établissent un pouvoir réel et concret confié aux Apôtres et, par succession, à leurs successeurs, les évêques et les prêtres.

Le pardon des péchés ne se fait donc pas seulement entre l’homme et Dieu de manière privée, mais il passe aussi par le ministère de l’Église. Dieu, dans son dessein de salut, a voulu que la confession personnelle devant un prêtre soit le moyen ordinaire pour recevoir Son pardon.

La réalité du péché 
Pour comprendre la nécessité de la Confession, il faut d’abord prendre conscience de la réalité du péché. 
Saint Paul affirme : « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3,23). Et : « Si nous disons que nous n’avons pas péché, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n’est pas en nous » (1Jn 1,8). 
Personne ne peut se dire exempt de péché, même après le Baptême, qui nous a purifiés de la faute originelle. Notre nature humaine, blessée par la concupiscence, nous pousse continuellement à tomber, à trahir l’amour de Dieu par des actes, des paroles, des omissions et des pensées. 
Saint Augustin écrit : « C’est vrai : la nature de l’homme fut créée à l’origine sans faute ni vice ; en revanche, la nature actuelle de l’homme, dans laquelle chacun naît d’Adam, a désormais besoin d’un Médecin, car elle n’est pas saine. Certes, tous les biens qu’elle possède dans sa structure, dans la vie, dans les sens et dans l’esprit, elle les reçoit du Dieu suprême, son créateur et artisan. Le vice, qui obscurcit et affaiblit ces biens naturels, et qui fait que la nature humaine a besoin de lumière et de soin, ne vient pas de son artisan irréprochable, mais du péché originel commis par le libre arbitre. » (La nature et la grâce).

Nier l’existence du péché revient à nier la vérité sur nous-mêmes. Ce n’est qu’en reconnaissant notre besoin de pardon que nous pouvons nous ouvrir à la miséricorde de Dieu, qui ne se lasse jamais de nous appeler à Lui.

La Confession : rencontre avec la Miséricorde Divine 
Le Sacrement de la Confession est avant tout une rencontre personnelle avec la Miséricorde divine. Ce n’est pas simplement une auto-accusation ou une séance d’auto-analyse ; c’est un acte d’amour de la part de Dieu qui, comme le père dans la parabole du fils prodigue (Lc 15,11-32), court au-devant du fils repentant, l’embrasse et le revêt d’une nouvelle dignité.

Le Catéchisme de l’Église Catholique affirme : « Ceux qui s’approchent du sacrement de la Pénitence reçoivent de la miséricorde de Dieu le pardon des offenses faites à Lui et se réconcilient en même temps avec l’Église, à laquelle ils ont infligé une blessure par le péché et qui coopère à leur conversion par la charité, l’exemple et la prière. » (CEC, 1422).

Se confesser, c’est se laisser aimer, guérir et renouveler. C’est accueillir le don d’un cœur nouveau.

Pourquoi se confesser à un prêtre ? 
Une des objections les plus courantes est : « Pourquoi dois-je me confesser à un prêtre ? Ne puis-je pas me confesser directement à Dieu ? » Certes, chaque fidèle peut – et doit – s’adresser directement à Dieu par une prière de repentir. Cependant, Jésus a établi un moyen concret, visible et sacramentel pour le pardon : la confession à un ministre ordonné. Et cela vaut pour chaque chrétien, y compris les prêtres, évêques et papes.

Le prêtre agit in persona Christi, c’est-à-dire en la personne du Christ lui-même. Il écoute, juge, absout et offre des conseils spirituels. Il ne s’agit pas d’une médiation humaine qui limiterait l’amour de Dieu, mais d’une garantie offerte par le Christ lui-même : le pardon est communiqué de manière visible, et le fidèle peut en avoir la certitude.

De plus, se confesser devant un prêtre exige l’humilité, une vertu indispensable à la croissance spirituelle. Reconnaître ouvertement ses fautes nous libère du joug de l’orgueil et nous ouvre à la vraie liberté des enfants de Dieu.

Il ne suffit pas de se confesser une fois par an, comme l’exige le minimum de la loi ecclésiastique. Les saints et maîtres spirituels ont toujours recommandé la confession fréquente – même bihebdomadaire ou hebdomadaire – comme moyen de progrès dans la vie chrétienne.

Saint Jean-Paul II se confessait chaque semaine. Sainte Thérèse de Lisieux, bien que moniale carmélite cloîtrée, se confessait régulièrement. La confession fréquente permet d’affiner la conscience, de corriger des défauts enracinés et de recevoir de nouvelles grâces.

Obstacles à la confession 
Malheureusement, beaucoup de fidèles négligent aujourd’hui le Sacrement de la Réconciliation. Parmi les principales raisons, on trouve :

La honte : craindre le jugement du prêtre. Mais le prêtre n’est pas là pour condamner, mais pour être un instrument de miséricorde.

La peur que les péchés confessés soient rendus publics : les confesseurs ne peuvent révéler à personne, en aucune circonstance (y compris aux plus hautes autorités ecclésiastiques), les péchés entendus en confession, même au prix de leur vie. S’ils le font, ils encourent immédiatement l’excommunication latae sententiae (canon 1386, Code de droit canonique). L’inviolabilité du secret sacramentel n’admet aucune exception ni dispense. Et ces conditions s’appliquent même si la Confession n’est pas terminée par l’absolution sacramentelle. Même après la mort du pénitent, le confesseur est tenu de respecter le secret sacramentel.

Le manque du sens du péché : dans une culture qui minimise le mal, on risque de ne plus reconnaître la gravité de ses fautes.

La paresse spirituelle : remettre la Confession à plus tard est une tentation courante qui refroidit la relation avec Dieu.

Les fausses convictions théologiques : certains croient à tort qu’il suffit de « se repentir dans le cœur » sans avoir besoin de la Confession sacramentelle.

Le fait de désespérer du salut : certains pensent qu’il n’y aura plus de pardon pour eux. Saint Augustin dit : « Certains, en effet, après être tombés dans le péché, se perdent encore davantage par désespoir. Non seulement ils négligent le remède de la repentance, mais deviennent esclaves de leurs passions et désirs dépravés pour satisfaire des convoitises honteuses et répréhensibles, comme s’ils perdaient ce à quoi les pousse la convoitise en ne cédant pas, convaincus d’être déjà au bord de la damnation certaine. Contre cette maladie extrêmement dangereuse et nuisible, il est utile de se souvenir des péchés dans lesquels sont tombés même les justes et les saints. » (ibid.)

Pour surmonter ces obstacles, il faut demander conseil à ceux qui peuvent en donner, s’instruire, prier.

Bien se préparer à la confession 
Une bonne confession demande une préparation adéquate, qui comprend :

1. Examen de conscience : réfléchir sincèrement à ses péchés, en s’aidant aussi de listes basées sur les Dix Commandements, les péchés capitaux ou les Béatitudes.

2. Contrition : douleur sincère d’avoir offensé Dieu, et non seulement peur de la punition.

3. Résolution de s’amender : désir réel de changer de vie, d’éviter le péché futur.

4. Accusation intégrale des péchés : avouer tous les péchés mortels de manière complète, en précisant la nature et le nombre (si possible).

5. Pénitence : accepter et accomplir l’œuvre réparatrice proposée par le confesseur.

Les effets de la Confession 
Se confesser ne produit pas seulement un effacement extérieur du péché. Les effets intérieurs sont profonds et transformateurs :

Réconciliation avec Dieu : Le péché rompt la communion avec Dieu ; la Confession la rétablit, nous ramenant à la pleine amitié divine.

Paix et sérénité intérieure : Recevoir l’absolution apporte une paix profonde. La conscience est libérée du poids de la culpabilité et ressent une joie nouvelle.

Force spirituelle : Par la grâce sacramentelle, le pénitent reçoit une force spéciale pour combattre les tentations futures et grandir dans les vertus.

Réconciliation avec l’Église : Étant donné que chaque péché nuit aussi au Corps Mystique du Christ, la Confession répare aussi notre lien avec la communauté ecclésiale.

La vitalité spirituelle de l’Église dépend aussi du renouvellement personnel de ses membres. Les chrétiens qui redécouvrent le Sacrement de la Confession deviennent presque sans s’en rendre compte plus ouverts aux autres, plus missionnaires, plus capables de rayonner la lumière de l’Évangile dans le monde. 
Seul celui qui a expérimenté le pardon de Dieu peut l’annoncer avec conviction aux autres.

Le Sacrement de la Confession est un don immense et irremplaçable. C’est la voie ordinaire par laquelle le chrétien peut revenir à Dieu chaque fois qu’il s’en éloigne. Ce n’est pas un fardeau, mais un privilège ; pas une humiliation, mais une libération.

Nous sommes donc appelés à redécouvrir ce Sacrement dans sa vérité et sa beauté, à le pratiquer avec un cœur ouvert et confiant, et à le proposer avec joie aussi à ceux qui se sont éloignés. Comme le dit le psalmiste : « Heureux l’homme à qui la faute est remise, à qui le péché est pardonné » (Ps 32,1).

Aujourd’hui plus que jamais, le monde a besoin d’âmes purifiées et réconciliées, capables de témoigner que la miséricorde de Dieu est plus forte que le péché. Si nous ne l’avons pas fait à Pâques, profitons du mois marial de mai et approchons-nous sans peur de la Confession : là nous attend le sourire d’un Père qui ne cesse jamais de nous aimer.




Habemus Papam : Léon XIV

Le 8 mai 2025, jour de la mémoire de la Bienheureuse Vierge du Rosaire de Pompéi, le cardinal Robert Francis Prevost (69 ans) a été élu 267e pontife. Il est le premier pape né aux États-Unis et a choisi le nom de Léon XIV.


Voici son profil biographique essentiel

Naissance : 14 septembre 1955, Chicago (Illinois, États-Unis)
Famille : Louis Marius Prevost (d’origine française et italienne) et Mildred Martínez (d’origine espagnole) ; ses frères Louis Martin et John Joseph
Langues : anglais, espagnol, italien, portugais et français ; lit le latin et l’allemand
Surnom au Pérou : « Latin Yankee » – synthèse de sa double culture
Nationalité : américaine et péruvienne

Formation
– Petit séminaire augustinien (1973)
– Licence en mathématiques, Université de Villanova (1977)
– Master en théologie, Catholic Theological Union, Chicago (1982)
– Licence en droit canonique, Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin – Angelicum (1984)
– Doctorat en droit canonique, Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin – Angelicum (1987), avec une thèse intitulée : « Le rôle du prieur local de l’Ordre de Saint-Augustin »
– Profession religieuse : noviciat Saint-Louis de la province Notre-Dame du Bon Conseil de l’Ordre de Saint-Augustin (1977)
– Vœux solennels (29.08.1981)
– Ordination sacerdotale : 19.06.1982, Rome (par l’archevêque Jean Jadot)

Ministère et fonctions principales
1985-1986 : Missionnaire à Chulucanas, Piura (Pérou)
1987 : Directeur des vocations et directeur des missions de la province augustinienne « Mère du Bon Conseil » d’Olympia Fields, dans l’Illinois (États-Unis)
1988 : Envoyé en mission à Trujillo (Pérou) comme directeur du projet de formation commune des aspirants augustiniens des vicariats de Chulucanas, Iquitos et Apurímac
1988-1992 : Directeur de la communauté
1992-1998 : Enseignant des profès
1989-1998 : Vicaire judiciaire de l’archidiocèse de Trujillo, professeur de droit canonique, de patristique et de morale au Grand Séminaire « San Carlos y San Marcelo »
1999 : Prieur provincial de la province « Mère du Bon Conseil » (Chicago)
2001-2013 : Prieur général des Augustins pour deux mandats (environ 2 700 religieux dans 50 pays)
2013 : enseignant des profès et vicaire provincial dans sa province (Chicago)
2014 : Administrateur apostolique du diocèse de Chiclayo et évêque titulaire de Sufar, Pérou (nomination épiscopale le 03.11.2014)
2014 : consécration épiscopale, en la fête de Notre-Dame de Guadalupe (12.12.2014)
2015 : nommé évêque de Chiclayo (26 septembre 2015)
2018 : 2e vice-président de la Conférence épiscopale du Pérou (8 mars 2018 – 30 janvier 2023)
2020 : Administrateur apostolique de Callao, Pérou (15 avril 2020 – 17 avril 2021)
2023 : Archevêque ad personam (30 janvier 2023 – 30 septembre 2023)
2023 : Préfet du Dicastère pour les Évêques (30.01.2023 [12.04.2023] – 09.05.2025)
2023 : Président de la Commission pontificale pour l’Amérique latine (30 janvier 2023 [12 avril 2023] – 9 mai 2025)
2023 : Créé cardinal-diacre, titulaire de Sainte-Monique des Augustins (30.09.2023 [28.01.2024] – 06.02.2025)
2025 : Promu cardinal-évêque du diocèse suburbicaire d’Albano (06.02.2025 – 08.05.2025)
2025 : Élu Souverain Pontife (08.05.2025)

Service dans la Curie romaine
Il a été membre des dicastères pour l’Évangélisation, Section pour la première évangélisation et les nouvelles Églises particulières ; pour la Doctrine de la Foi ; pour les Églises orientales ; pour le Clergé ; pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique ; pour la Culture et l’Éducation ; pour les Textes législatifs, et de la Commission pontificale pour l’État de la Cité du Vatican

Que le Saint-Esprit illumine son ministère, comme il l’a fait pour le grand saint Augustin.
Prions pour un pontificat fécond et riche d’espérance !




Élection du 266e successeur de saint Pierre

Chaque décès ou renonciation d’un Pontife ouvre l’une des phases les plus délicates de la vie de l’Église catholique : l’élection du Successeur de saint Pierre. Bien que le dernier conclave remonte à mars 2013, lorsque Jorge Mario Bergoglio est devenu le pape François, comprendre comment on élit un pape reste fondamental pour saisir le fonctionnement d’une institution millénaire qui influence plus de 1,3 milliard de fidèles et — indirectement — la géopolitique mondiale.

1. La vacance du siège
Tout commence par la vacance du siège, c’est-à-dire la période qui s’écoule entre la mort (ou la renonciation) du Pontife régnant et l’élection du nouveau. La Constitution apostolique Universi Dominici Gregis, promulguée par Jean-Paul II le 22 février 1996 et mise à jour par Benoît XVI en 2007 et 2013, établit des procédures détaillées.

Constatation de la vacance
En cas de décès, le Cardinal Camerlingue — aujourd’hui le cardinal Kevin Farrell — constate officiellement le décès, ferme et scelle l’appartement pontifical, et notifie l’événement au Cardinal Doyen du Collège cardinalice.
En cas de renonciation, la vacance du siège prend effet à l’heure indiquée dans l’acte de démission, comme ce fut le cas à 20h00 le 28 février 2013 pour Benoît XVI.

Administration ordinaire
Pendant la vacance du siège, le Camerlingue gère matériellement le patrimoine du Saint-Siège mais ne peut accomplir d’actes qui relèvent exclusivement du Pontife (nominations épiscopales, décisions doctrinales, etc.).

Congrégations générales et particulières
Tous les cardinaux — électeurs ou non — présents à Rome se réunissent dans la Salle du Synode pour discuter des questions urgentes. Les « réunions particulières » incluent le Camerlingue et trois cardinaux tirés au sort à tour de rôle ; les « générales » convoquent l’ensemble du collège cardinalice et sont utilisées, entre autres, pour fixer la date de début du conclave.

2. Qui peut élire et qui peut être élu
Les électeurs
Depuis le motu proprio Ingravescentem aetatem (1970) de Paul VI, seuls les cardinaux n’ayant pas atteint 80 ans avant le début de la vacance du siège ont droit de vote. Le nombre maximum d’électeurs est fixé à 120, mais peut être temporairement dépassé en raison de consistoires rapprochés.
Les électeurs doivent :
– être présents à Rome au début du conclave (sauf raisons graves) ;
– prêter serment de garder le secret ;
– loger à la Domus Sanctae Marthae, la résidence voulue par Jean-Paul II pour garantir dignité et discrétion.
La clôture n’est pas un caprice médiéval : elle vise à protéger la liberté de conscience des cardinaux et à préserver l’Église de toute ingérence indue. Violer le secret entraîne l’excommunication automatique.

Les éligibles
En théorie, tout baptisé de sexe masculin peut être élu pape, puisque la charge de Pierre est de droit divin. Cependant, du Moyen Âge à aujourd’hui, le pape a toujours été choisi parmi les cardinaux. Si un non-cardinal ou même un laïc était choisi, il devrait immédiatement recevoir l’ordination épiscopale.

3. Le conclave : étymologie, logistique et symbolisme
Le terme « conclave » vient du latin cum clave, « avec clé » : les cardinaux sont « enfermés » jusqu’à l’élection, pour éviter toute pression extérieure. La clôture est garantie par plusieurs règles :
– Lieux autorisés : Chapelle Sixtine (votes), Domus Sanctae Marthae (logement), un parcours réservé entre les deux bâtiments.
– Interdiction de communication : appareils électroniques remis, interdiction de signaux, contrôle microspy.
– Secret assuré aussi par un serment prévoyant des sanctions spirituelles (excommunication latae sententiae) et canoniques.

4. Ordre du jour typique du conclave
1. Messe « Pro eligendo Pontifice » dans la Basilique Saint-Pierre le matin de l’entrée en conclave.
2. Procession dans la chapelle Sixtine en récitant le Veni Creator Spiritus.
3. Serment individuel des cardinaux, prononcé devant l’Évangéliaire.
4. Extra omnes ! (« Tous dehors ! ») : le Maître des Célébrations liturgiques pontificales congédie les non-électeurs.
5. Premier vote (facultatif) l’après-midi du jour d’entrée.
6. Double vote quotidien (matin et après-midi) suivi du dépouillement.

5. Procédure du vote
Chaque tour suit quatre étapes :
5.1. Praescrutinium. Distribution et remplissage en latin de la bulletin « Eligo in Summum Pontificem… ».
5.2. Scrutinium. Chaque cardinal, portant le bulletin plié, prononce : « Testor Christum Dominum… ». Il dépose le bulletin dans l’urne.
5.3. Postscrutinium. Trois scrutateurs tirés au sort comptent les bulletins, lisent à haute voix chaque nom, l’enregistrent et perforent le bulletin avec une aiguille et du fil.
5.4. Incinération. Bulletins et notes sont brûlés dans un four spécial ; la couleur de la fumée indique le résultat.
Pour être élu, il faut la majorité qualifiée, c’est-à-dire les deux tiers des voix valides.

6. La fumée : noire pour l’attente, blanche pour la joie
Depuis 2005, pour rendre le signal sans équivoque aux fidèles place Saint-Pierre, un réactif chimique est ajouté :
– Fumée noire (fumata nera) : aucun élu.
– Fumée blanche (fumata bianca) : pape est élu, les cloches sonnent.
Après la fumée blanche, il faut encore 30 minutes à une heure avant que le nouveau pape soit annoncé par le Cardinal Diacre sur la place Saint-Pierre. Peu après (de 5 à 15 minutes), le nouveau pape apparaîtra pour donner la bénédiction Urbi et Orbi.

7. « Acceptasne electionem ? » – Acceptation et nom pontifical
Quand quelqu’un atteint le seuil nécessaire, le Cardinal Doyen (ou le plus ancien par ordre et ancienneté juridique, si le Doyen est l’élu) demande : « Acceptasne electionem de te canonice factam in Summum Pontificem ? » (Acceptes-tu l’élection ?). Si l’élu consent — Accepto ! — on lui demande : « Quo nomine vis vocari ? » (Sous quel nom veux-tu être appelé ?). L’adoption du nom est un acte chargé de significations théologiques et pastorales : il rappelle des modèles (François d’Assise) ou des intentions réformatrices (Jean XXIII).

8. Rites suivants immédiatement
8.1 Vestition.
8.2 Entrée dans la Chapelle des Pleurs, où le nouveau pape peut se recueillir.
8.3 Oboedientia : les cardinaux électeurs défilent pour le premier acte d’obéissance.
8.4 Annonce au monde : le cardinal Protodiacre apparaît sur la Loggia centrale avec le célèbre « Annuntio vobis gaudium magnum : habemus Papam ! ».
8.5 Première bénédiction « Urbi et Orbi » du nouveau Pontife.

À partir de ce moment, il prend possession de la charge et commence officiellement son pontificat, tandis que le couronnement avec le pallium pétrinien et l’anneau du Pêcheur a lieu lors de la messe d’inauguration (généralement le dimanche suivant).

9. Quelques aspects historiques et évolution des normes
I–IIIe siècle. Acclamation du clergé et du peuple romain. En l’absence de réglementation stable, l’influence impériale était forte.
1059 – In nomine Domini. Collège cardinalice. Nicolas II limite l’intervention laïque ; naissance officielle du conclave.
1274 – Ubi Periculum. Clôture obligatoire. Grégoire X réduit les manœuvres politiques, instaure la réclusion.
1621–1622 – Grégoire XV. Scrutin secret systématique. Perfectionnement des bulletins ; exigences des deux tiers.
1970 – Paul VI. Limite d’âge à 80 ans. Réduit l’électorat, favorisant des décisions plus rapides.
1996 – Jean-Paul II. Universi Dominici Gregis. Codification moderne du processus, introduit la Domus Sanctae Marthae.

10. Quelques données concrètes de ce conclave
Cardinaux vivants : 252 (âge moyen : 78,0 ans).
Cardinaux votants : 134 (135). Le cardinal Antonio Cañizares Llovera, archevêque émérite de Valence, Espagne, et le cardinal John Njue, archevêque émérite de Nairobi, Kenya, ont annoncé qu’ils ne pourront pas participer au conclave.
Sur les 135 cardinaux votants, 108 (80 %) ont été nommés par le pape François. 22 (16 %) ont été nommés par le pape Benoît XVI. Les 5 restants (4 %) ont été nommés par le pape saint Jean-Paul II.
Parmi les 135 cardinaux votants, 25 ont participé comme électeurs au conclave de 2013.
Âge moyen des 134 cardinaux électeurs participants : 70,3 ans.
Années moyennes de service comme cardinal des 134 cardinaux électeurs participants : 7,1 ans.
Durée moyenne d’un pontificat : environ 7,5 ans.

Début du conclave : 7 mai, Chapelle Sixtine.
Cardinaux votants au conclave : 134. Nombre de votes requis pour l’élection : 2/3, soit 89 votes.

Horaire des votes : 4 votes par jour (2 le matin, 2 l’après-midi).
Après 3 jours complets (ou à définir), le vote est suspendu pendant une journée entière (« pour permettre une pause de prière, une discussion informelle entre les électeurs et une brève exhortation spirituelle »).
Suivent 7 autres tours de scrutin et une autre pause jusqu’à une journée entière.
Suivent 7 autres tours de scrutin et une autre pause jusqu’à une journée entière.
Suivent 7 autres tours de scrutin puis une pause pour évaluer la suite.

11. Dynamiques « internes » non écrites
Malgré le cadre juridique strict, le choix du pape est un processus à la fois spirituel et humain influencé par :
– le profil des candidats (« papabili ») : origine géographique, expériences pastorales, compétences doctrinales.
– les courants ecclésiaux : curial ou pastoral, réformiste ou conservateur, sensibilités liturgiques.
– l’agenda global : relations œcuméniques, dialogue interreligieux, crises sociales (migrants, changement climatique).
– les langues et réseaux personnels : les cardinaux ont tendance à se regrouper par régions (groupe des « Latino-américains », « Africains », etc.) et à échanger informellement lors des repas ou des « promenades » dans les jardins du Vatican.

Un événement à la fois spirituel et institutionnel
L’élection d’un pape n’est pas un simple acte technique comparable à une assemblée d’entreprise. Malgré sa dimension humaine, c’est un acte spirituel guidé essentiellement par l’Esprit Saint.
Le soin apporté aux règles minutieuses — du scellement des portes de la Sixtine à la combustion des bulletins — montre comment l’Église a transformé sa longue expérience historique en un système aujourd’hui perçu comme stable et solennel.
Savoir comment on choisit un pape n’est donc pas qu’une curiosité : c’est comprendre la dynamique entre autorité, collégialité et tradition qui soutient la plus ancienne institution religieuse encore active à l’échelle mondiale. Et, à une époque de changements vertigineux, cette « fumée » qui s’élève du toit de la Sixtine continue de rappeler que des décisions séculaires peuvent encore toucher le cœur de milliards de personnes, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Église.
Que cette connaissance des données et des procédures nous aide à prier plus profondément, comme il convient de le faire avant chaque décision importante qui affecte notre vie.




Le nouveau Siège Central des Salésiens. Rome, Sacré-Cœur

Aujourd’hui, la vocation originelle de la maison du Sacré-Cœur connaît un nouveau départ. Tradition et innovation continuent de caractériser le passé, le présent et l’avenir de cette œuvre si significative.

            Que de fois Don Bosco a souhaité venir à Rome pour ouvrir une maison salésienne ! Dès son premier voyage en 1858, son objectif était d’être présent dans la Ville Éternelle avec une présence éducative. Il est venu à Rome une vingtaine de fois et ce n’est que lors de son dernier voyage en 1887 qu’il réussit à réaliser son rêve en ouvrant la maison du Sacré-Cœur à Castro Pretorio.
            L’œuvre salésienne est située dans le quartier de l’Esquilin, né en 1875, après la brèche de Porta Pia et à cause de la nécessité du Royaume d’Italie de construire les ministères dans la nouvelle capitale. Le quartier, également appelé Umbertino, est d’architecture piémontaise, toutes les rues portent le nom de batailles ou d’événements liés au nouvel État. Dans ce quartier, qui rappelle Turin, ne pouvait manquer une église, qui soit aussi une paroisse, construit par un Piémontais, Don Giovanni Bosco. Le nom de l’église n’a pas été choisi par Don Bosco, mais par la volonté de Léon XIII, désireux de relancer une dévotion, plus que jamais actuelle, au Cœur de Jésus.
            Aujourd’hui, la maison du Sacré-Cœur est entièrement rénovée pour répondre aux besoins du Siège Central des Salésiens. Depuis sa fondation jusqu’à nos jours, la maison a subi plusieurs transformations. L’œuvre est née comme paroisse et comme sanctuaire international pour la diffusion de la dévotion au Sacré-Cœur, mais dès le début l’objectif déclaré par Don Bosco était de construire à côté une maison pour accueillir jusqu’à 500 jeunes pauvres. Don Rua mène l’œuvre à son terme et ouvre des ateliers pour artisans (école d’arts et métiers). Dans les années suivantes, le collège et le lycée classique voient le jour. Pendant quelques années, elle a également été le siège de l’université (Athénée pontifical salésien) et une maison de formation pour les salésiens qui étudiaient dans les universités romaines tout en s’impliquant dans l’école et dans l’oratoire (parmi ces étudiants, on compte également Don Quadrio). Elle a également été le siège de la province romaine d’abord, puis de la Circonscription de l’Italie Centrale à partir de 2008. Depuis 2017, en raison du déménagement de Via della Pisana, elle est devenue le Siège Central des Salésiens. La restructuration a commencé en 2022 pour adapter les locaux à sa fonction de maison du Recteur Majeur. Dans cette maison ont vécu ou sont passés Don Bosco, Don Rua, le cardinal Cagliero (son appartement était situé au premier étage de Via Marsala), Zeffirino Namuncurà, Mgr Versiglia, Artemide Zatti, tous les Recteurs Majeurs successeurs de Don Bosco, Saint Jean-Paul II, Sainte Thérèse de Calcutta, le pape François. Parmi les directeurs de la maison, il faut signaler Mgr Giuseppe Cognata ; c’est sous sa direction, en 1930, que la statue du Sacré-Cœur a été installée sur le clocher.
            Grâce au Sacré-Cœur, le charisme salésien s’est répandu dans différents quartiers de Rome. De fait, toutes les autres présences salésiennes de Rome ont été une ramification de cette maison : le Testaccio, l’Institut Pie XI, le Borgo Ragazzi Don Bosco, Don Bosco Cinecittà, Gerini, l’Université Pontificale Salésienne.

Carrefour d’accueil
            Les deux traits déterminants de la Maison du Sacré-Cœur sont, depuis le début :
            1) la catholicité. Ouvrir une maison à Rome a toujours signifié pour les fondateurs des ordres religieux une proximité avec le Pape et un élargissement des horizons au niveau universel. Lors de la première conférence aux coopérateurs salésiens au monastère Tor De’ Specchi à Rome en 1874, Don Bosco avait affirmé que les salésiens se répandraient dans le monde entier et qu’aider leurs œuvres signifiait vivre l’esprit catholique le plus authentique.
            2) l’attention aux jeunes pauvres. L’œuvre est située près de la gare, carrefour d’arrivées et de départs, lieu où se sont toujours retrouvés les plus pauvres. Cela est inscrit dans l’histoire du Sacré-Cœur.
            Au début, la maison accueillait les jeunes pauvres pour leur enseigner un métier, puis l’oratoire a accueilli les jeunes du quartier. Après la guerre, la maison a recueilli et soigné les sciuscià (garçons qui ciraient les chaussures des personnes qui sortaient de la gare), puis on les a transférés au Borgo Ragazzi Don Bosco. Au milieu des années 1980, lors de la première immigration en Italie, des jeunes immigrés ont été accueillis en collaboration avec la Caritas naissante. Dans les années 1990, un centre recevait de jour des jeunes en alternative à la prison et leur enseignait les rudiments de la lecture et de l’écriture et un métier. Depuis 2009, un projet d’intégration entre jeunes réfugiés et jeunes italiens a permis de nombreuses initiatives d’accueil et d’évangélisation. La Maison du Sacré-Cœur a également été le siège du Centre National des Œuvres Salésiennes d’Italie pendant environ 30 ans.

Le nouveau départ
            Aujourd’hui, la vocation originelle de la maison du Sacré-Cœur connaît un nouveau départ. Tradition et innovation continuent de caractériser le passé, le présent et l’avenir de cette œuvre si significative.
            Tout d’abord, la catholicité continue de se vivre grâce à la présence du Recteur Majeur avec son conseil et des confrères qui s’occupent de la dimension mondiale. Une vocation à l’accueil de nombreux salésiens qui viennent du monde entier et trouvent au Sacré-Cœur un lieu pour se sentir chez eux, expérimenter la fraternité, rencontrer le successeur de Don Bosco. En même temps, c’est le lieu d’où le Recteur Majeur anime et gouverne la Congrégation en traçant les lignes pour être fidèles à Don Bosco aujourd’hui.
            Ensuite, la présence d’un lieu salésien significatif où Don Bosco a écrit la lettre de Rome et a compris le rêve des neuf ans. À l’intérieur de la maison se trouvera le Musée de la Maison de Don Bosco à Rome qui, sur trois étages, racontera la présence du Saint dans la ville éternelle. La centralité de l’éducation comme « affaire de cœur » dans son Système Préventif, la relation avec les Papes qui ont aimé Don Bosco et que lui le premier a aimé et servi, le Sacré-Cœur comme lieu d’expansion du charisme dans le monde entier, le parcours difficile d’approbation des Constitutions, la compréhension du rêve des neuf ans et son dernier souffle éducatif en écrivant la lettre de Rome : tels sont les thèmes principaux qui, sous une forme multimédia immersive, seront racontés à ceux qui visiteront l’espace muséal.
            Troisièmement, la dévotion au Sacré-Cœur représente le centre du charisme. Avant même de recevoir l’invitation à construire l’église du Sacré-Cœur, Don Bosco avait orienté les jeunes vers cette dévotion. Dans le Giovane provveduto, on trouve déjà des prières et des pratiques de piété adressées au Cœur du Christ. Mais avec l’acceptation de la proposition de Léon XIII, il devient un véritable apôtre du Sacré-Cœur. Il n’épargne pas ses forces pour chercher des fonds pour l’église. Le soin apporté aux moindres détails insuffle dans les choix architecturaux et artistiques de la Basilique sa pensée et sa dévotion au Sacré-Cœur. Pour soutenir la construction de l’église et de la maison, il fonde la Pieuse Œuvre du Sacré-Cœur de Jésus, la dernière des cinq fondations réalisées par Don Bosco au cours de sa vie avec le concours des Salésiens, des Filles de Marie Auxiliatrice, des Coopérateurs Salésiens, et de l’Association des Dévots de Marie Auxiliatrice. Elle a été érigée pour la célébration perpétuelle de six messes quotidiennes dans l’église du Sacré-Cœur à Rome. Tous les inscrits, vivants et défunts, y participent, à travers la prière et les bonnes œuvres accomplies par les Salésiens et les jeunes dans toutes leurs maisons.
            La vision de l’Église qui découle de la fondation de la Pieuse Œuvre est celle d’un « corps vivant », composé de vivants et de défunts en communion entre eux à travers le Sacrifice de Jésus, renouvelé quotidiennement dans la célébration eucharistique au service des jeunes les plus pauvres. Le désir du Cœur de Jésus est que tous soient un (ut unum sint) comme Lui et le Père. La Pieuse Œuvre unit, à travers la prière et les offrandes, les bienfaiteurs vivants et défunts, les Salésiens du monde entier et les jeunes qui vivent dans la maison du Sacré-Cœur. Ce n’est que par la communion, qui a sa source dans l’Eucharistie, que les bienfaiteurs, les Salésiens et les jeunes peuvent contribuer à construire l’Église, à la faire resplendir dans son visage missionnaire. La Pieuse Œuvre a également pour tâche de promouvoir, de diffuser, d’approfondir la dévotion au Sacré-Cœur dans le monde entier et de la renouveler selon les temps et le sentiment de l’Église.

La gare centrale pour évangéliser
            Enfin, l’attention aux jeunes pauvres se manifeste dans la volonté missionnaire d’atteindre les jeunes de Rome à travers le Centre de Jeunes ouvert Via Marsala, juste à la sortie de la gare Termini où passent chaque jour environ 300 000 personnes. Un lieu qui soit une maison pour les nombreux jeunes italiens et étrangers qui visitent Rome ou vivent à Rome et qui ont une soif, parfois inconsciente, de Dieu. De plus, autour de la gare Termini s’amassent depuis toujours des pauvres marqués par la fatigue de la vie. Une autre porte ouverte sur Via Marsala, outre celle du Centre des Jeunes et de la Basilique, exprime le désir de répondre aux besoins de ces personnes avec le Cœur du Christ, car en elles resplendit la gloire de son visage.
            La prophétie de Don Bosco sur la Maison du Sacré-Cœur du 5 avril 1880 accompagne et guide la réalisation de ce qui vient d’être dit :

Don Bosco voyait loin. Notre Mgr Giovanni Marenco rappelait une de ses paroles mystérieuses, que le temps ne devait pas effacer. Le jour même où il accepta cette offre très onéreuse, le Bienheureux lui demanda :
– Sais-tu pourquoi nous avons accepté la maison de Rome ?
– Moi non, répondit celui-ci.
– Eh bien, fais attention. Nous l’avons acceptée parce que, lorsque le Pape sera celui qui n’est pas encore et comme il doit être, nous mettrons dans notre maison la gare centrale pour évangéliser la campagne romaine. Ce sera une œuvre non moins importante que celle d’évangéliser la Patagonie. Alors les Salésiens seront connus et leur gloire resplendira. (MB XIV, 591-592).

don Francesco Marcoccio