Mgr Giuseppe Malandrino et le Serviteur de Dieu Nino Baglieri

Mgr Giuseppe Malandrino, IXe évêque du diocèse de Noto, est retourné à la Maison du Père le 3 août 2025, jour de la fête de la patronne du diocèse de Noto, Maria Scala del Paradiso. 94 ans, 70 ans de sacerdoce et 45 ans de consécration épiscopale sont des chiffres très respectables pour un homme qui a servi l’Église en tant que Pasteur en ayant « l’odeur des brebis », comme le soulignait souvent le pape François.

Paratonnerre de l’humanité
Dans son expérience de pasteur du diocèse de Noto (19.06.1998 – 15.07.2007), il a eu l’occasion de cultiver son amitié avec le Serviteur de Dieu Nino Baglieri. Il ne manquait presque jamais de faire une « halte » chez Nino lorsque des raisons pastorales le menaient à Modica. Dans un de ses témoignages, Mgr Malandrino dit : « … me trouvant au chevet de Nino, j’avais la vive perception que ce cher frère infirme était vraiment le “paratonnerre de l’humanité”, selon une conception des souffrants qui m’est si chère et que j’ai voulu proposer également dans la Lettre Pastorale sur la mission permanente “Vous serez mes témoins” » (2003). Mgr Malandrino écrit : « Il est nécessaire de reconnaître dans les malades et les souffrants le visage du Christ souffrant et de les assister avec la même sollicitude et le même amour que Jésus dans sa passion, vécue dans un esprit d’obéissance au Père et de solidarité envers les frères ». Cela a été pleinement incarné par la maman de Nino, Madame Peppina. Cette femme sicilienne typique, avec un caractère fort et beaucoup de détermination, répond au médecin qui lui propose l’euthanasie pour son fils (compte tenu de ses graves problèmes de santé et de la perspective d’une vie de paralysé) : « Si le Seigneur le veut, il le prendra, mais s’il me le laisse ainsi, je serai heureuse de m’en occuper toute ma vie ». La mère de Nino, à ce moment-là, était-elle consciente de ce à quoi elle allait faire face ? Marie, la mère de Jésus, était-elle consciente de la douleur qu’elle aurait à souffrir pour le Fils de Dieu ? La réponse, à la lire avec des yeux humains, ne semble pas facile, surtout dans notre société du XXIe siècle où tout est liquide, fluctuant, se consume en un « instant ». Le Fiat de Maman Peppina est devenu, comme celui de Marie, un Oui de Foi et d’adhésion à cette volonté de Dieu qui trouve son accomplissement dans le fait de savoir porter la Croix, de savoir donner « âme et corps » à la réalisation du Plan de Dieu.

De la souffrance à la joie
La relation d’amitié entre Nino et Mgr Malandrino était déjà établie lorsque ce dernier était encore évêque d’Acireale. En effet, dès 1993, par l’intermédiaire du Père Attilio Balbinot, un camillien très proche de Nino, celui-ci lui offrit son premier livre : « De la souffrance à la joie ». Dans l’expérience de Nino, la relation avec l’évêque de son diocèse était une relation de filiation totale. Dès le moment de son acceptation du Plan de Dieu sur lui, il faisait sentir sa présence « active » en offrant ses souffrances pour l’Église, le Pape et les Évêques (ainsi que pour les prêtres et les missionnaires). Cette relation de filiation était renouvelée chaque année à l’occasion du 6 mai, jour de la chute, considéré ensuite comme le début mystérieux d’une renaissance. Le 8 mai 2004, quelques jours après que Nino ait fêté son 36e anniversaire de Croix, Mgr Malandrino se rend chez lui. En souvenir de cette rencontre, il écrit dans ses mémoires : « C’est toujours une grande joie chaque fois que je le vois et je reçois tant d’énergie et de force pour porter ma Croix et l’offrir avec tant d’Amour pour les besoins de la Sainte Église et en particulier pour mon Évêque et pour notre Diocèse. Que le Seigneur lui donne toujours plus de sainteté pour nous guider pendant de nombreuses années avec toujours plus d’ardeur et d’amour… ». Et encore : « … la Croix est lourde mais le Seigneur me donne tant de Grâces qui rendent la souffrance moins amère et elle devient légère et douce, la Croix se fait Don, offerte au Seigneur avec tant d’Amour pour le salut des âmes et la Conversion des Pécheurs… ». Enfin, il faut souligner que, lors de ces occasions de grâce, la demande pressante et constante de son « aide pour se faire Saint avec la Croix de chaque jour » ne manquait jamais. Nino, en effet, voulait absolument se faire saint.

Une béatification anticipée
Les funérailles du Serviteur de Dieu, le 3 mars 2007, ont représenté un moment d’une grande importance à cet égard. Mgr Malandrino lui-même, au début de la célébration eucharistique, s’est penché avec dévotion, bien qu’avec difficulté, pour embrasser le cercueil contenant la dépouille mortelle de Nino. C’était un hommage à un homme qui avait vécu 39 ans de son existence dans un corps qu’il « ne sentait pas » mais qui dégageait une joie de vivre à 360 degrés. Mgr Malandrino a souligné que la célébration de la messe, dans la cour des Salésiens devenue pour l’occasion une « cathédrale » à ciel ouvert, avait été une véritable apothéose (des milliers de personnes en larmes y ont participé) et l’on percevait clairement et communautairement que l’on se trouvait non pas devant des funérailles, mais devant une véritable « béatification ». Nino, par son témoignage de vie, était en effet devenu un point de référence pour beaucoup, jeunes ou moins jeunes, laïcs ou consacrés, mères ou pères de famille, qui, grâce à son précieux témoignage, parvenaient à lire leur propre existence et à trouver des réponses qu’ils ne trouvaient pas ailleurs. Mgr Malandrino a également souligné à plusieurs reprises cet aspect : « Vraiment, chaque rencontre avec mon cher Nino a été pour moi, comme pour tous, une expérience forte et vivante d’édification et un puissant stimulant – dans la douceur – au don de soi patient et généreux. La présence de l’évêque lui procurait à chaque fois une immense joie car, outre l’affection de l’ami qui venait le visiter, il y percevait la communion ecclésiale. Il est évident que ce que je recevais de lui était toujours beaucoup plus que le peu que je pouvais lui donner ». L’idée fixe de Nino était de « se faire saint ». Le fait d’avoir vécu et incarné pleinement l’Évangile de la Joie dans la Souffrance, avec ses douleurs physiques et son don total pour l’Église bien-aimée, a fait que tout ne s’est pas terminé avec son départ vers la Jérusalem du Ciel, mais a continué, comme l’a souligné Mgr Malandrino lors des funérailles : « … la mission de Nino continue maintenant aussi à travers ses écrits, il l’avait lui-même annoncé dans son Testament spirituel » : « … mes écrits continueront mon témoignage, je continuerai à donner de la Joie à tous et à parler du Grand Amour de Dieu et des Merveilles qu’il a faites dans ma vie ». Cela continue de se réaliser car « une ville située sur une montagne ne peut être cachée, et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur le chandelier, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison » (Matthieu 5,14-16). Métaphoriquement, on veut souligner que la « lumière » (entendue au sens large) doit être visible, tôt ou tard : ce qui est important viendra à la lumière et sera reconnu.
En rappelant ces jours marqués par la mort de Mgr Malandrino et par ses funérailles à Acireale (5 août, Notre-Dame des Neiges) et à Noto (7 août) avec l’inhumation qui a suivi dans la cathédrale qu’il avait lui-même fortement voulu restaurer après l’effondrement du 13 mars 1996 et qui a été rouverte en mars 2007 (mois où Nino Baglieri est décédé), nous pouvons retracer ce lien entre deux grandes figures de l’Église de Noto, fortement entrelacées et toutes deux capables de laisser une marque indélébile.

Roberto Chiaramonte




Sainte Monique, mère de Saint Augustin, témoin d’espérance

Une femme à la foi inébranlable, aux larmes fécondes, exaucée par Dieu après dix-sept longues années. Un modèle de chrétienne, d’épouse et de mère pour toute l’Église. Une femme témoin d’espérance qui s’est transformée en puissance d’intercession au Ciel. Don Bosco lui-même recommandait aux mères, affligées par la vie peu chrétienne de leurs enfants, de se confier à elle dans leurs prières.

Dans la grande galerie des saints et des saintes qui ont marqué l’histoire de l’Église, Sainte Monique (331-387) occupe une place singulière. Non pas pour des miracles spectaculaires, ni pour la fondation de communautés religieuses, ni pour des entreprises sociales ou politiques de grande envergure. Monique est avant tout citée et vénérée comme mère, la mère d’Augustin, ce jeune inquiet qui, grâce à ses prières, à ses larmes et à son témoignage de foi, devint l’un des plus grands Pères de l’Église et Docteurs de la foi catholique.
Mais limiter sa figure à son rôle maternel serait injuste et réducteur. Monique est une femme qui a su vivre sa vie ordinaire — comme épouse, mère, croyante — de manière extraordinaire, en transfigurant le quotidien avec la force de la foi. Elle est un exemple de persévérance dans la prière, de patience dans le mariage, d’espérance inébranlable face aux égarements de son fils.
Les informations sur sa vie nous proviennent presque exclusivement des Confessions d’Augustin, un texte qui n’est pas une chronique, mais une lecture théologique et spirituelle de l’existence. Pourtant, dans ces pages, Augustin dresse un portrait inoubliable de sa mère : non seulement une femme bonne et pieuse, mais un authentique modèle de foi chrétienne, une « mère des larmes » qui deviennent source de grâce.

Les origines à Thagaste
Monique naquit en 331 à Thagaste, ville de Numidie, Souk Ahras dans l’actuelle Algérie. C’était un centre animé, marqué par la présence romaine et une communauté chrétienne déjà bien enracinée. Elle venait d’une famille chrétienne aisée, où la foi faisait déjà partie de l’horizon culturel et spirituel.
Sa formation fut marquée par l’influence d’une nourrice austère, qui l’éduqua à la sobriété et à la tempérance. Saint Augustin écrira d’elle : « Je ne parlerai pas de ses dons, mais de tes dons à elle, qui ne s’était pas faite seule, ni éduquée seule. Tu l’as créée sans même que son père et sa mère ne sachent quelle fille ils auraient ; et la verge de ton Christ, c’est-à-dire la discipline de ton Fils unique, l’instruisit dans ta crainte, dans une maison de croyants, membre sain de ton Église » (Confessions IX, 8, 17).

Dans les Confessions, Augustin raconte aussi un épisode significatif. La jeune Monique avait pris l’habitude de boire de petites gorgées de vin de la cave, jusqu’à ce qu’une servante la réprimande en l’appelant « ivrogne ». Ce reproche lui suffit pour qu’elle se corrige définitivement. Cette anecdote, apparemment mineure, montre son honnêteté à reconnaître ses propres péchés, à se laisser corriger et à grandir en vertu.

À l’âge de 23 ans, Monique fut donnée en mariage à Patrice, un fonctionnaire municipal païen, connu pour son caractère colérique et son infidélité conjugale. La vie matrimoniale ne fut pas facile. La cohabitation avec un homme impulsif et éloigné de la foi chrétienne mit sa patience à rude épreuve.
Pourtant, Monique ne tomba jamais dans le découragement. Par son attitude faite de douceur et de respect, elle sut conquérir progressivement le cœur de son mari. Elle ne répondait pas avec dureté à ses accès de colère, n’alimentait pas de conflits inutiles. Avec le temps, sa constance porta ses fruits : Patrice se convertit et reçut le baptême peu avant de mourir.
Le témoignage de Monique montre que la sainteté ne s’exprime pas nécessairement par des gestes éclatants, mais par la fidélité quotidienne, par l’amour qui sait transformer lentement les situations difficiles. En ce sens, elle est un modèle pour tant d’épouses et de mères qui vivent des mariages marqués par des tensions ou des différences de foi.

Monique mère
De son mariage naquirent trois enfants : Augustin, Navigius et une fille dont nous ne connaissons pas le nom. Monique leur prodigua tout son amour, mais surtout sa foi. Navigius et sa sœur suivirent un chemin chrétien exemplaire : Navigius devint prêtre ; sa sœur embrassa la voie de la virginité consacrée. Augustin, en revanche, devint rapidement le centre de ses préoccupations et de ses larmes.
Dès son enfance, Augustin montrait une intelligence extraordinaire. Monique l’envoya étudier la rhétorique à Carthage, désireuse de lui assurer un avenir brillant. Mais avec les progrès intellectuels vinrent aussi les tentations : la sensualité, la mondanité, les mauvaises compagnies. Augustin embrassa la doctrine manichéenne, convaincu d’y trouver des réponses rationnelles au problème du mal. De plus, il commença à vivre en concubinage avec une femme dont il eut un fils, Adéodat. Les égarements de son fils incitèrent Monique à lui refuser l’accueil dans sa propre maison. Mais elle ne cessa pas pour autant de prier pour lui et d’offrir des sacrifices : « Le cœur saignant de ma mère t’offrait pour moi nuit et jour le sacrifice de ses larmes » (Confessions V, 7,13) et « elle versait plus de larmes que n’en versent jamais les mères à la mort physique de leurs enfants » (Confessions III, 11,19).
Pour Monique, ce fut une blessure profonde : son fils, qu’elle avait consacré au Christ dans son sein, était en train de se perdre. La douleur était indicible, mais elle ne cessa jamais d’espérer. Augustin lui-même écrira : « Le cœur de ma mère, frappé d’une telle blessure, n’aurait plus jamais guéri : car je ne saurais exprimer adéquatement ses sentiments envers moi et combien son travail pour m’enfanter dans l’esprit était plus grand que celui avec lequel elle m’avait enfanté dans la chair » (Confessions V, 9,16).

La question qui se pose spontanément est la suivante : pourquoi Monique n’a-t-elle pas fait baptiser Augustin immédiatement après sa naissance ?
En réalité, bien que le baptême des enfants fût déjà connu et pratiqué, ce n’était pas encore une pratique universelle. Beaucoup de parents préféraient le reporter à l’âge adulte, le considérant comme un « lavacrum définitif » : ils craignaient que, si le baptisé péchait gravement, son salut serait compromis. De plus, Patrice, encore païen, n’avait aucun intérêt à éduquer son fils dans la foi chrétienne.
Aujourd’hui, nous voyons clairement que ce fut un choix malheureux, car le baptême non seulement nous rend enfants de Dieu, mais nous donne la grâce de vaincre les tentations et le péché.
Une chose est cependant certaine : s’il avait été baptisé enfant, Monique se serait épargné, à elle et à son fils, beaucoup de souffrances.

L’image la plus forte de Monique est celle d’une mère qui prie et pleure. Les Confessions la décrivent comme une femme infatigable dans son intercession auprès de Dieu pour son fils.
Un jour, un évêque de Thagaste — ou, selon certains, Ambroise lui-même — la rassura avec des paroles restées célèbres : « Va, il ne peut pas se perdre, le fils de tant de larmes ». Cette phrase devint l’étoile polaire de Monique, la confirmation que sa douleur maternelle n’était pas vaine, mais faisait partie d’un mystérieux dessein de grâce.

Ténacité d’une mère
La vie de Monique fut aussi un pèlerinage dans les pas d’Augustin. Lorsque son fils décida de partir en secret pour Rome, Monique n’épargna aucun effort ; elle ne considéra pas la cause comme perdue, mais le suivit et le chercha jusqu’à ce qu’elle le trouve. Elle le rejoignit à Milan, où Augustin avait obtenu une chaire de rhétorique. Là, elle trouva un guide spirituel en saint Ambroise, évêque de la ville. Une profonde harmonie naquit entre Monique et Ambroise : elle reconnaissait en lui le pasteur capable de guider son fils, tandis qu’Ambroise admirait sa foi inébranlable.
À Milan, la prédication d’Ambroise ouvrit de nouvelles perspectives à Augustin. Il abandonna progressivement le manichéisme et commença à regarder le christianisme avec des yeux neufs. Monique accompagna silencieusement ce processus : elle ne forçait pas les choses, n’exigeait pas de conversions immédiates, mais priait, apportait son soutien et restait à ses côtés jusqu’à sa conversion.

La conversion d’Augustin
Dieu semblait ne pas l’écouter, mais Monique ne cessa jamais de prier et d’offrir des sacrifices pour son fils. Après dix-sept ans, enfin, ses supplications furent exaucées — et comment ! Augustin non seulement devint chrétien, mais il devint prêtre, évêque, docteur et père de l’Église.
Lui-même le reconnaît : « Toi, cependant, dans la profondeur de tes desseins, tu exauças le point vital de son désir, sans te soucier de l’objet momentané de sa demande, mais en veillant à faire de moi ce qu’elle te demandait toujours de faire » (Confessions V, 8,15).

Le moment décisif arriva en 386. Tourmenté intérieurement, Augustin luttait contre les passions et les résistances de sa volonté. Dans le célèbre épisode du jardin de Milan, en entendant la voix d’un enfant qui disait « Tolle, lege » (Prends, lis), il ouvrit l’Épître aux Romains et lut les paroles qui changèrent sa vie : « Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ et ne suivez pas la chair dans ses désirs » (Rm 13,14).
Ce fut le début de sa conversion. Avec son fils Adéodat et quelques amis, il se retira à Cassiciacum pour se préparer au baptême. Monique était avec eux, participant à la joie de voir enfin exaucées les prières de tant d’années.
La nuit de Pâques 387, dans la cathédrale de Milan, Ambroise baptisa Augustin, Adéodat et les autres catéchumènes. Les larmes de douleur de Monique se transformèrent en larmes de joie. Elle continua à rester à son service, tant et si bien qu’à Cassiciacum, Augustin dira : « Elle prit soin de nous comme si elle avait été la mère de tous et nous servit comme si elle avait été la fille de tous. »

Ostie : l’extase et la mort
Après le baptême, Monique et Augustin se préparèrent à retourner en Afrique. S’étant arrêtés à Ostie, où ils attendaient le bateau, ils vécurent un moment d’intense spiritualité. Les Confessions racontent l’extase d’Ostie : la mère et son fils, penchés à une fenêtre, contemplèrent ensemble la beauté de la création et s’élevèrent vers Dieu, goûtant par avance la béatitude du ciel.
Monique dira : « Mon fils, quant à moi, je ne trouve plus aucun attrait pour cette vie. Je ne sais ce que je fais encore ici-bas et pourquoi je me trouve ici. Ce monde n’est plus l’objet de mes désirs. Il n’y avait qu’une seule raison pour laquelle je désirais rester encore un peu dans cette vie : te voir chrétien catholique, avant de mourir. Dieu m’a exaucée au-delà de toutes mes attentes, il m’a accordé de te voir à son service et affranchi des aspirations de bonheur terrestres. Que fais-je ici ?» (Confessions IX, 10,11). Elle avait atteint son but terrestre.
Quelques jours plus tard, Monique tomba gravement malade. Sentant la fin proche, elle dit à ses enfants : « Mes enfants, vous enterrerez votre mère ici ; ne vous souciez pas de l’endroit. Je vous demande seulement ceci : souvenez-vous de moi à l’autel du Seigneur, où que vous soyez. » C’était la synthèse de sa vie : le lieu de la sépulture ne lui importait pas, mais le lien dans la prière et l’Eucharistie.
Elle mourut à 56 ans, le 12 novembre 387, et fut enterrée à Ostie. Au VIe siècle, ses reliques furent transférées dans une crypte cachée dans l’église Sant’Aurea. En 1425, les reliques furent transférées à Rome, dans la basilique Sant’Agostino in Campo Marzio, où elles sont encore vénérées aujourd’hui.

Le profil spirituel de Monique
Augustin décrit sa mère en pesant bien ses mots :
« […] femme quant à son aspect, virile dans sa foi, âgée par sa sérénité, maternelle par son amour, chrétienne par sa piété […] ». (Confessions IX, 4, 8).
Et encore :
« […] veuve chaste et sobre, assidue à l’aumône, dévote et soumise à tes saints, ne laissant passer aucun jour sans apporter l’offrande à ton autel, visitant ton église deux fois par jour, matin et soir, sans faute, et non pour jaser vainement et bavarder comme les autres vieilles femmes, mais pour entendre tes paroles et te faire entendre ses oraisons. Les larmes d’une telle femme, qui par elles te demandait non de l’or ni de l’argent, ni des biens périssables ou volages, mais le salut de l’âme de son fils, aurais-tu pu les dédaigner, toi qui l’avais ainsi faite par ta grâce, en lui refusant ton secours ? Certainement non, Seigneur. Toi, au contraire, tu étais près d’elle et tu l’exauçais, agissant selon l’ordre par lequel tu avais prévu de devoir agir » (Confessions V, 9,17).

De ce témoignage d’Augustin émerge une figure d’une actualité surprenante.
Elle fut une femme de prière : elle ne cessa jamais d’invoquer Dieu pour le salut de ses proches. Ses larmes deviennent un modèle d’intercession persévérante.
Elle fut une épouse fidèle : dans un mariage difficile, elle ne répondit jamais avec ressentiment à la dureté de son mari. Sa patience et sa douceur furent des instruments d’évangélisation.
Elle fut une mère courageuse : elle n’abandonna pas son fils dans ses égarements, mais l’accompagna avec un amour tenace, capable de faire confiance au temps de Dieu.
Elle fut un témoin d’espérance : sa vie montre qu’aucune situation n’est désespérée, si elle est vécue dans la foi.
Le message de Monique n’appartient pas seulement au IVe siècle. Il parle encore aujourd’hui, dans un contexte où de nombreuses familles vivent des tensions, où des enfants s’éloignent de la foi, où des parents expérimentent la fatigue de l’attente.
Aux parents elle enseigne à ne pas renoncer, à croire que la grâce opère de manière mystérieuse.
Aux femmes chrétiennes, elle montre comment la douceur et la fidélité peuvent transformer des relations difficiles.
À quiconque se sent découragé dans la prière, elle témoigne que Dieu écoute, même si son temps ne coïncide pas avec le nôtre.
Ce n’est pas un hasard si de nombreuses associations et mouvements ont choisi Monique comme patronne des mères chrétiennes et des femmes qui prient pour leurs enfants éloignés de la foi.

Une femme simple et extraordinaire
La vie de sainte Monique est l’histoire d’une femme à la fois simple et extraordinaire. Simple, parce qu’elle a vécu le quotidien d’une famille ; extraordinaire, parce qu’elle était transfigurée par la foi. Ses larmes et ses prières ont façonné un saint et, à travers lui, ont profondément marqué l’histoire de l’Église.
Sa mémoire, célébrée le 27 août, à la veille de la fête de saint Augustin, nous rappelle que la sainteté passe souvent par la persévérance cachée, le sacrifice silencieux, l’espérance qui ne déçoit pas.
Dans les paroles d’Augustin, adressées à Dieu pour sa mère, nous trouvons la synthèse de son héritage spirituel : « Je ne puis dire assez combien mon âme lui est redevable, mon Dieu ; mais tu sais tout. Rends-lui par ta miséricorde ce qu’elle te demanda pour moi avec tant de larmes » (Conf., IX, 13).

À travers les événements de sa vie, sainte Monique a atteint le bonheur éternel qu’elle a elle-même défini : « Le bonheur consiste sans aucun doute à atteindre le but et à croire que nous pouvons le rejoindre par une foi ferme, une espérance vive, une charité ardente » (La Félicité 4,35).




Devenir un signe d’espérance en eSwatini – Lesotho – Afrique du Sud après 130 ans

Au cœur de l’Afrique australe, entre les beautés naturelles et les défis sociaux d’eSwatini, du Lesotho et de l’Afrique du Sud, les Salésiens célèbrent 130 ans de présence missionnaire. En ce temps de Jubilé, de Chapitre Général et d’anniversaires historiques, la Province d’Afrique du Sud partage ses signes d’espérance : la fidélité au charisme de Don Bosco, l’engagement éducatif et pastoral auprès des jeunes et la force d’une communauté internationale qui témoigne de la fraternité et de la résilience. Malgré les difficultés, l’enthousiasme des jeunes, la richesse des cultures locales et la spiritualité de l’Ubuntu continuent d’indiquer des chemins d’avenir et de communion.

Salutations fraternelles des Salésiens de la plus petite Visitatoria et de la plus ancienne présence dans la Région Afrique-Madagascar (les 5 premiers confrères ont été envoyés par Don Rua en 1896). Cette année, nous remercions les 130 SDB qui ont travaillé dans nos 3 pays et qui intercèdent maintenant pour nous au ciel. « Petit, c’est beau » !

Sur le territoire de l’AFM vivent 65 millions de personnes qui communiquent dans 12 langues officielles, parmi tant de merveilles de la nature et de grandes ressources du sous-sol. Nous sommes parmi les rares pays d’Afrique subsaharienne où les catholiques sont une petite minorité par rapport aux autres Églises chrétiennes, avec seulement 5 millions de fidèles.

Quels sont les signes d’espérance que nos jeunes et la société recherchent ?
En premier lieu, nous cherchons à dépasser les records mondiaux tristement célèbres du fossé croissant entre riches et pauvres (100 000 millionnaires contre 15 millions de jeunes chômeurs), du manque de sécurité et de la violence croissante dans la vie quotidienne, de l’effondrement du système éducatif, qui a produit une nouvelle génération de millions d’analphabètes, aux prises avec diverses dépendances (alcool, drogue…). De plus, 30 ans après la fin du régime d’apartheid en 1994, la société et l’Église sont encore divisées entre les différentes communautés en termes d’économie, d’opportunités et de nombreuses blessures non encore cicatrisées. En effet, la communauté du « Pays de l’Arc-en-ciel » est aux prises avec de nombreuses « lacunes » qui ne peuvent être « comblées » qu’avec les valeurs de l’Évangile.

Quels sont les signes d’espérance que cherche l’Église catholique en Afrique du Sud ?
En participant à la rencontre triennale « Joint Witness » des supérieurs religieux et des évêques en 2024, nous avons constaté de nombreux signes de déclin : moins de fidèles, manque de vocations sacerdotales et religieuses, vieillissement et diminution du nombre de religieux, certains diocèses en faillite, perte/diminution continue d’institutions catholiques (assistance médicale, éducation, œuvres sociales ou médias) en raison de la forte baisse des religieux et des laïcs engagés. La Conférence épiscopale catholique (SACBC – qui comprend le Botswana, l’eSwatini et l’Afrique du Sud) indique comme priorité l’assistance aux jeunes dépendants de l’alcool et d’autres substances diverses.

Quels sont les signes d’espérance que cherchent les Salésiens d’Afrique australe ?
Nous prions chaque jour pour de nouvelles vocations salésiennes, afin de pouvoir accueillir de nouveaux missionnaires. En effet, l’époque de la Province anglo-irlandaise (jusqu’en 1988) est révolue et le Projet Afrique ne comprenait pas la pointe sud du continent. Après 70 ans en eSwatini (Swaziland) et 45 ans au Lesotho, nous n’avons que 4 vocations locales de chaque Royaume. Aujourd’hui, nous n’avons que 5 jeunes confrères et 4 novices en formation initiale. Cependant, la plus petite Visitatoria d’Afrique-Madagascar, avec ses 7 communautés locales, est chargée de l’éducation et de la pastorale dans 6 grandes paroisses, 18 écoles primaires et secondaires, 3 centres de formation professionnelle (TVET) et divers programmes d’aide sociale. Notre communauté provinciale, avec ses 18 nationalités différentes parmi les 35 SDB qui vivent dans les 7 communautés, est un grand don et un défi à relever.

En tant que communauté catholique minoritaire et fragile d’Afrique australe
Nous croyons que la seule voie pour l’avenir est de construire plus de ponts et de communion entre les religieux et les diocèses. Plus nous sommes faibles, plus nous nous efforçons de travailler ensemble. Puisque toute l’Église catholique cherche à se concentrer sur les jeunes, Don Bosco a été choisi par les évêques comme Patron de la Pastorale des Jeunes et sa Neuvaine est célébrée avec ferveur dans la plupart des diocèses et des paroisses au début de l’année pastorale.

En tant que Salésiens et Famille Salésienne, nous nous encourageons constamment les uns les autres : « work in progress » (un travail constant)
Au cours des deux dernières années, après l’invitation du Recteur Majeur, nous avons cherché à relancer notre charisme salésien, avec la sagesse d’une vision et d’une direction commune (à partir de l’assemblée annuelle provinciale), avec une série de petits pas quotidiens dans la bonne direction et avec la sagesse de la conversion personnelle et communautaire.
Nous sommes reconnaissants pour l’encouragement de Don Pascual Chávez lors de notre récent Chapitre Provincial de 2024 : « Vous savez bien qu’il est plus difficile, mais non impossible, de « refonder » que de fonder [le charisme], car il y a des habitudes, des attitudes ou des comportements qui ne correspondent pas à l’esprit de notre Saint Fondateur, Don Bosco, et à son Projet de Vie, et qui ont « droit de cité » [dans la Province]. Il y a vraiment besoin d’une vraie conversion de chaque confrère à Dieu, en tenant l’Évangile comme règle suprême de vie, et de toute la Province à Don Bosco, en assumant les Constitutions comme véritable projet de vie. »

Le conseil de Don Pascual a été voté et l’engagement a été pris : « Devenir plus passionnés de Jésus et plus dédiés aux jeunes », en investissant dans la conversion personnelle (en créant un espace sacré dans notre vie, pour permettre à Jésus de la transformer), dans la conversion communautaire (en investissant dans la formation permanente systématique avec un thème mensuel) et dans la conversion provinciale (en promouvant la mentalité provinciale à travers « One Heart One Soul » – fruit de notre assemblée provinciale) et avec des rencontres mensuelles des directeurs en ligne.

Sur l’image-souvenir de notre Visitatoria « Bienheureux Michel Rua » on voit le visage de tous les 46 confrères et des 4 novices : 35 vivent dans nos 7 communautés, 7 sont en formation à l’étranger et 5 SDB sont en attente de visa : un aux Catacombes San Callisto et un missionnaire qui fait de la chimiothérapie en Pologne. Une bénédiction pour nous est le nombre croissant de confrères missionnaires qui sont envoyés par le Recteur Majeur ou pour une période spécifique par d’autres Provinces africaines pour nous aider (AFC, ACC, ANN, ATE, MDG et ZMB). Nous sommes très reconnaissants à chacun de ces jeunes confrères. Nous croyons qu’avec leur aide, notre espérance de relance charismatique devient tangible. Notre Visitatoria, la plus petite d’Afrique-Madagascar, après presque 40 ans de fondation, n’a pas encore de véritable maison provinciale. La construction a commencé, avec l’aide du Recteur Majeur, seulement l’année dernière. Ici aussi, nous disons : « travaux en cours » …

Nous voulons également partager nos humbles signes d’espérance avec toutes les 92 autres Provinces en cette période précieuse du Chapitre Général. L’AFM a une expérience unique de 31 ans de volontaires missionnaires locaux (impliqués dans la Pastorale des Jeunes du Centre des Jeunes Don Bosco de Johannesburg depuis 1994), et un programme Love Matters pour une croissance sexuelle saine des adolescents depuis 2001. Nos volontaires, engagés pendant une année entière dans la vie de notre communauté, sont des membres précieux de notre Mission et des nouveaux groupes de la Famille Salésienne qui se développent lentement (VDB, Salésiens Coopérateurs et Anciens Élèves de Don Bosco).

Notre maison-mère du Cap célébrera l’année prochaine son cent trentième (130e) anniversaire et, grâce au cent cinquantième (150e) anniversaire des Missions Salésiennes, nous avons réalisé, avec l’aide de la Province de Chine, une « Chambre à la Mémoire de Saint Louis Versiglia », où notre Protomartyr a passé une journée lors de son retour d’Italie en Chine-Macao en mai 1917.

Don Bosco « Ubuntu » – chemin synodal
« Nous sommes ici grâce à vous ! » – Ubuntu est l’une des contributions des cultures d’Afrique du Sud à la communauté mondiale. Le mot en langue Nguni signifie « Je suis parce que vous êtes » (« I’m because you are ! »). Autres traductions possibles : « J’existe parce que vous existez »). L’année dernière, nous avons entrepris le projet « Eco Ubuntu », unprojet de sensibilisation environnementale d’une durée de 3 ans qui implique environ 15 000 jeunes de nos 7 communautés en eSwatini, au Lesotho et en Afrique du Sud. Outre la splendide célébration et le partage du Synode des Jeunes 2024, nos 300 jeunes [qui ont participé] gardent surtout Ubuntu dans leurs souvenirs. Leur enthousiasme est une source d’inspiration. L’AFM a besoin de vous : Nous y sommes grâce à vous !

Marco Fulgaro




Don Jose-Luis Carreno, missionnaire salésien

Don José Luis Carreño (1905-1986) a été décrit par l’historien Joseph Thekkedath comme « le salésien le plus aimé du sud de l’Inde » dans la première partie du XXe siècle. Partout où il a vécu – que ce soit en Inde britannique, dans la colonie portugaise de Goa, aux Philippines ou en Espagne – nous trouvons des salésiens qui gardent avec affection sa mémoire. Mais, chose étrange, nous ne disposons pas encore d’une biographie adéquate de ce grand salésien, à l’exception de la volumineuse lettre mortuaire rédigée par Don José Antonio Rico : « José Luis Carreño Etxeandía, ouvrier de Dieu ». Nous espérons que cette lacune pourra bientôt être comblée. Don Carreño a été l’un des artisans de la région Asie du Sud, et nous ne pouvons pas nous permettre de l’oublier.

José-Luis Carreño Etxeandía est né à Bilbao, en Espagne, le 23 octobre 1905. Orphelin de mère à l’âge de huit ans, il fut accueilli dans la maison salésienne de Santander. En 1917, à l’âge de douze ans, il entra à l’aspirantat de Campello. Il se souvient qu’à cette époque « on ne parlait pas beaucoup de Don Bosco… Mais pour nous, Don Binelli était un Don Bosco, sans parler de Don Rinaldi, alors Préfet Général, dont les visites nous laissaient une sensation surnaturelle, comme lorsque les messagers de Yahweh visitèrent la tente d’Abraham ».
Après le noviciat et le post-noviciat, il effectua son stage comme assistant des novices. Il devait être un clerc brillant, car Don Pedro Escursell écrit de lui au Recteur Majeur : « Je parle en ce moment même avec l’un des clercs modèles de cette maison. Il est assistant dans la formation du personnel de cette Province ; il me dit qu’il demande depuis longtemps à être envoyé en mission et qu’il a renoncé à le demander parce qu’il ne reçoit pas de réponse. C’est un jeune homme d’une grande valeur intellectuelle et morale. »
À la veille de son ordination sacerdotale, en 1932, le jeune José-Luis écrivit directement au Recteur Majeur, s’offrant pour les missions. L’offre fut acceptée, et il fut envoyé en Inde, où il débarqua à Mumbai en 1933. À peine un an plus tard, lorsque la Province de l’Inde du Sud fut érigée, il fut nommé maître des novices à Tirupattur : il avait à peine 28 ans. Avec ses extraordinaires qualités d’esprit et de cœur, il devint rapidement l’âme de la maison et laissa une profonde impression sur ses novices. « Il nous a conquis avec son cœur paternel », écrit l’un d’eux, l’archevêque Hubert D’Rosario de Shillong.
Don Joseph Vaz, un autre novice, racontait souvent comment Carreño s’était rendu compte qu’il tremblait de froid pendant une conférence. « Attends un instant, hombre », dit le maître des novices, et il sortit. Peu après, il revint avec un pull bleu qu’il donna à Joe. Joe remarqua que le pull était étrangement chaud. Puis il se rappela que sous sa soutane, son maître portait quelque chose de bleu… qui n’était plus là. Carreño lui avait donné son propre pull.
En 1942, lorsque le gouvernement britannique en Inde interna tous les étrangers des pays en guerre avec la Grande-Bretagne, Carreño ne fut pas inquiété, étant citoyen d’un pays neutre. En 1943, il reçut un message via Radio Vatican : il devait prendre la place de Don Eligio Cinato, inspecteur de la province de l’Inde du Sud, lui aussi interné. À la même période, l’archevêque salésien Louis Mathias de Madras-Mylapore l’invita à être son vicaire général.
En 1945, il fut officiellement nommé inspecteur, fonction qu’il occupa de 1945 à 1951. L’un de ses tout premiers actes fut de consacrer la Province au Sacré-Cœur de Jésus. De nombreux salésiens étaient convaincus que la croissance extraordinaire de la Province du Sud était due précisément à ce geste. Sous la direction de Don Carreño, les œuvres salésiennes doublèrent. L’un de ses actes les plus clairvoyants fut le lancement d’un collège universitaire dans le village reculé et pauvre de Tirupattur. Le Sacred Heart College finirait par transformer tout le district.
Carreño fut également le principal artisan de l’« indianisation » du visage salésien en Inde, cherchant dès le début des vocations locales, au lieu de s’appuyer exclusivement sur les missionnaires étrangers. Un choix qui s’avéra providentiel : d’abord, parce que le flux de missionnaires étrangers cessa, il s’interrompit pendant la guerre ; ensuite, parce que l’Inde indépendante décida de ne plus accorder de visas aux nouveaux missionnaires étrangers. « Si aujourd’hui les salésiens en Inde sont plus de deux mille, le mérite de cette croissance doit être attribué aux politiques initiées par Don Carreño », écrit Don Thekkedath dans son histoire des salésiens en Inde.
Don Carreño, comme nous l’avons dit, n’était pas seulement inspecteur, mais aussi vicaire de Mgr Mathias. Ces deux grands hommes, qui s’estimaient profondément, étaient cependant très différents de tempérament. L’archevêque était partisan de mesures disciplinaires sévères envers les confrères en difficulté, tandis que Don Carreño préférait des procédures plus douces. Le visiteur extraordinaire, Don Albino Fedrigotti, semble avoir donné raison à l’archevêque, qualifiant Don Carreño d’« excellent religieux, un homme au grand cœur », mais aussi « un peu trop poète ».
On ne manqua pas non plus de l’accuser d’être un mauvais administrateur, mais il est significatif qu’une figure comme Don Aurelio Maschio, grand procureur et architecte des œuvres salésiennes de Mumbai, ait rejeté avec décision cette accusation. En réalité, Don Carreño était un innovateur et un visionnaire. Certaines de ses idées – comme celle d’impliquer des volontaires non salésiens pour un service de quelques années – étaient, à l’époque, regardées avec suspicion, mais aujourd’hui elles sont largement acceptées et activement promues.
En 1951, à la fin de son mandat officiel d’inspecteur, on demanda à Carreño de rentrer en Espagne pour s’occuper des Salésiens Coopérateurs. Ce n’était pas la vraie raison de son départ, après dix-huit ans en Inde, mais Carreño accepta avec sérénité, même si ce ne fut pas sans douleur.
En 1952, on lui demanda d’aller à Goa, où il resta jusqu’en 1960. « Goa fut un coup de foudre », écrivit-il dans Urdimbre en el telar. Goa, de son côté, l’accueillit dans son cœur. Il poursuivit la tradition des salésiens qui servaient comme directeurs spirituels et confesseurs du clergé diocésain, et fut même le patron de l’association des écrivains de langue konkani. Surtout, il gouverna la communauté de Don Bosco Panjim avec amour, prit soin avec une paternité extraordinaire des nombreux garçons pauvres et, encore une fois, se dédia activement à la recherche de vocations à la vie salésienne. Les premiers salésiens de Goa – des personnes comme Thomas Fernandes, Elias Diaz et Romulo Noronha – racontaient avec les larmes aux yeux comment Carreño et d’autres passaient par le Goa Medical College, juste à côté de la maison salésienne, pour donner leur sang et ainsi obtenir quelques roupies avec lesquelles acheter des vivres et d’autres biens pour les garçons.
En 1961 eut lieu l’action militaire indienne avec l’annexion de Goa. À ce moment-là, Don Carreño se trouvait en Espagne et ne put plus retourner dans sa terre bien-aimée. En 1962, il fut envoyé aux Philippines comme maître des novices. Il n’accompagna que trois groupes de novices, car en 1965, il demanda à rentrer en Espagne. À l’origine de sa décision, il y avait une sérieuse divergence de vision entre lui et les missionnaires salésiens venant de Chine, et spécialement avec Don Carlo Braga, supérieur de la Visitatoria. Carreño s’opposa avec force à la politique d’envoyer les jeunes salésiens philippins nouvellement profès à Hong Kong pour les études de philosophie. Il se trouva que, finalement, les supérieurs acceptèrent la proposition de retenir les jeunes salésiens aux Philippines, mais à ce moment-là, la demande de Carreño de rentrer dans son pays avait déjà été acceptée.
Don Carreño ne passa que quatre ans aux Philippines, mais là aussi, comme en Inde, il laissa une empreinte indélébile, « une contribution incommensurable et cruciale à la présence salésienne aux Philippines », selon les mots de l’historien salésien Nestor Impelido.
De retour en Espagne, il a collaboré avec les Procures Missionnaires de Madrid et de New Rochelle, et à l’animation des provinces ibériques. Beaucoup en Espagne se souviennent encore du vieux missionnaire qui visitait les maisons salésiennes, contaminant les jeunes avec son enthousiasme missionnaire, ses chansons et sa musique.
Mais dans son imagination créative, un nouveau projet prenait forme. Carreño se consacra de tout son cœur au rêve de fonder un Pueblo Misionero avec deux objectifs : préparer de jeunes missionnaires – principalement originaires d’Europe de l’Est – pour l’Amérique latine ; et offrir un refuge aux missionnaires « retraités » comme lui, qui pourraient également servir de formateurs. Après une longue et douloureuse correspondance avec les supérieurs, le projet prit finalement forme dans l’Hogar del Misionero à Alzuza, à quelques kilomètres de Pampelune. La composante vocationnelle missionnaire ne décolla jamais, et très peu de missionnaires âgés rejoignirent effectivement Carreño. Son principal apostolat durant ces dernières années resta celui de la plume. Il laissa plus de trente livres, dont cinq dédiés au Saint-Suaire, auquel il était particulièrement attaché.
Don José-Luis Carreño est décédé en 1986 à Pampelune, à l’âge de 81 ans. Malgré les hauts et les bas de sa vie, ce grand amoureux du Sacré-Cœur de Jésus put affirmer, lors du jubilé d’or de son ordination sacerdotale : « Si il y a cinquante ans ma devise de jeune prêtre était ‘Le Christ est tout’, aujourd’hui, vieux et submergé par son amour, je l’écrirais en lettres d’or, car en réalité LE CHRIST EST TOUT ».

Don Ivo COELHO, sdb




Maison Salésienne de Castel Gandolfo

Entre les vertes collines des Castelli Romani et les eaux tranquilles du lac Albano, se dresse un lieu où l’histoire, la nature et la spiritualité se rencontrent de manière singulière : Castel Gandolfo. Dans ce contexte riche en mémoire impériale, en foi chrétienne et en beauté paysagère, la présence salésienne représente un point d’ancrage d’accueil, de formation et de vie pastorale. La Maison Salésienne, avec son activité paroissiale, éducative et culturelle, poursuit la mission de saint Jean Bosco, offrant aux fidèles et aux visiteurs une expérience d’Église vivante et ouverte, immergée dans un environnement qui invite à la contemplation et à la fraternité. C’est une communauté qui, depuis près d’un siècle, marche au service de l’Évangile au cœur même de la tradition catholique.

Un lieu béni par l’histoire et la nature
Castel Gandolfo est un joyau des Castelli Romani, situé à environ 25 km de Rome, immergé dans la beauté naturelle des Collines d’Albano et surplombant le suggestif lac Albano. À environ 426 mètres d’altitude, ce lieu se distingue par son climat doux et accueillant, un microclimat qui semble préparé par la Providence pour accueillir ceux qui cherchent le repos, la beauté et le silence.

Déjà à l’époque romaine, ce territoire faisait partie de l’Albanum Caesaris, un ancien domaine impérial fréquenté par les empereurs depuis l’époque d’Auguste. Cependant, ce fut l’empereur Tibère qui, le premier, y résida de manière stable, tandis que plus tard Domitien y fit construire une splendide villa, dont les vestiges sont aujourd’hui visibles dans les jardins pontificaux. L’histoire chrétienne du lieu commence avec la donation de Constantin à l’Église d’Albano : un geste qui marque symboliquement le passage de la gloire impériale à la lumière de l’Évangile.

Le nom Castel Gandolfo dérive du latin Castrum Gandulphi, le château construit par la famille Gandolfi au XIIe siècle. Lorsque le château passa au Saint-Siège en 1596, il devint la résidence d’été des Pontifes, et le lien entre ce lieu et le ministère du Successeur de Pierre devint profond et durable.

La « Specola Vaticana » : contempler le ciel, louer le Créateur
L’observatoire astronomique du Vatican, fondé par le pape Léon XIII en 1891 et transféré dans les années 1930 à Castel Gandolfo en raison de la pollution lumineuse de Rome, revêt une importance spirituelle particulière. Elle témoigne de la manière dont la science, lorsqu’elle est orientée vers la vérité, conduit à louer le Créateur.
Au fil des ans, la Specola a contribué à des projets astronomiques majeurs tels que la Carte du Ciel et à la découverte de nombreux objets célestes.

Avec la détérioration continue des conditions d’observation, même dans les Castelli Romani, l’activité scientifique s’est principalement déplacée dans les années 1980 vers l’Observatoire du Mont Graham en Arizona (USA), où le Vatican Observatory Research Group poursuit ses recherches astrophysiques. Castel Gandolfo reste cependant un centre d’études important. Depuis 1986, il accueille tous les deux ans la Vatican Observatory Summer School, dédiée aux étudiants et diplômés en astronomie du monde entier. La Specola organise également des conférences spécialisées, des événements de vulgarisation, des expositions de météorites et des présentations de matériaux historiques et artistiques sur le thème astronomique, le tout dans un esprit de recherche, de dialogue et de contemplation du mystère de la création.

Une église au cœur de la ville et de la foi
Au XVIIe siècle, le pape Alexandre VII confia à Gian Lorenzo Bernini la construction d’une chapelle palatine pour les employés des Villas Pontificales. Le projet, initialement conçu en l’honneur de saint Nicolas de Bari, fut finalement dédié à saint Thomas de Villeneuve, religieux augustin canonisé en 1658. L’église fut consacrée en 1661 et confiée aux Augustins, qui la gérèrent jusqu’en 1929. Avec la signature des Accords du Latran, le pape Pie XI confia aux Augustins la charge pastorale de la nouvelle Paroisse Pontificale de Sant’Anna au Vatican, tandis que l’église de San Tommaso da Villanova fut ensuite confiée aux Salésiens.

La beauté architecturale de cette église, fruit du génie baroque, est au service de la foi et de la rencontre entre Dieu et l’homme. De nombreux mariages, baptêmes et liturgies y sont célébrés aujourd’hui, attirant des fidèles du monde entier.

La maison salésienne
Les Salésiens sont présents à Castel Gandolfo depuis 1929. À cette époque, le village connut un développement notable, tant démographique que touristique, également grâce au début des célébrations papales dans l’église Saint-Thomas-de-Villeneuve. Chaque année, lors de la solennité de l’Assomption, le pape célébrait la Sainte Messe dans la paroisse pontificale, une tradition initiée par saint Jean XXIII le 15 août 1959, lorsqu’il sortit à pied du Palais Pontifical pour célébrer l’Eucharistie parmi le peuple. Cette coutume s’est maintenue jusqu’au pontificat du pape François, qui a interrompu les séjours estivaux à Castel Gandolfo. En 2016, en effet, l’ensemble du complexe des Villas Pontificales a été transformé en musée et ouvert au public.

La maison salésienne a fait partie de l’Inspection Romaine et, de 2009 à 2021, de la Circonscription Salésienne Italie Centrale. Depuis 2021, elle est passée sous la responsabilité directe du Siège Central, avec un directeur et une communauté nommés par le Recteur Majeur. Actuellement, les salésiens présents proviennent de différentes nations (Brésil, Inde, Italie, Pologne) et sont actifs dans la paroisse, les aumôneries et l’oratoire.

Les espaces pastoraux, bien qu’appartenant à l’État de la Cité du Vatican et donc considérés comme des zones extraterritoriales, font partie du diocèse d’Albano- Les salésiens participent activement à la vie pastorale de ce diocèse. Ils sont impliqués dans la catéchèse diocésaine pour adultes, dans l’enseignement à l’école théologique diocésaine, et au Conseil Presbytéral en tant que représentants de la vie consacrée.

Outre la paroisse Saint-Thomas-de-Villeneuve, les Salésiens gèrent également deux autres églises : Marie-Auxiliatrice (également appelée « Saint-Paul », du nom du quartier) et Madone-du-Lac, voulue par saint Paul VI. Toutes deux furent construites entre les années 1960-1970 pour répondre aux besoins pastoraux d’une population en croissance.

L’église paroissiale conçue par Bernini est aujourd’hui la destination de nombreux mariages et baptêmes célébrés par des fidèles du monde entier. Chaque année, avec les autorisations nécessaires, des dizaines, parfois des centaines de célébrations y ont lieu.

Le curé est responsable de la communauté paroissiale, mais également aumônier des Villas Pontificales et il accompagne spirituellement les employés du Vatican qui y travaillent.

L’oratoire, actuellement géré par des laïcs, voit l’implication directe des Salésiens, notamment dans la catéchèse. Lors des week-ends, des fêtes et des activités estivales comme l’Estate Ragazzi, des étudiants salésiens résidant à Rome y collaborent également, offrant un précieux soutien. Près de l’église Marie-Auxiliatrice existe également un théâtre actif, avec des groupes paroissiaux qui organisent des spectacles, lieu de rencontre, de culture et d’évangélisation.

Vie pastorale et traditions
La vie pastorale est rythmée par les principales fêtes de l’année : saint Jean Bosco en janvier, Marie Auxiliatrice en mai avec une procession dans le quartier San Paolo, la fête de la Madonna del Lago – et donc la fête du Lac – le dernier samedi d’août, avec la statue portée en procession sur une barque sur le lac. Cette dernière célébration implique de plus en plus les communautés environnantes, attirant de nombreux participants, dont de nombreux motards, avec lesquels on a commené d’organiser des moments de rencontre.

Le premier samedi de septembre, la fête patronale de Castel Gandolfo est célébrée en l’honneur de saint Sébastien, avec une grande procession en ville. La dévotion à saint Sébastien remonte à 1867, lorsque la ville fut épargnée par une épidémie qui frappa durement les villages voisins. Bien que la mémoire liturgique tombe le 20 janvier, la fête locale est célébrée en septembre, à la fois en souvenir de la protection obtenue et pour des raisons climatiques et pratiques.

Le 8 septembre on célèbre le patron de l’église, saint Thomas de Villeneuve, coïncidant avec la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie. À cette occasion a également lieu la fête des familles, destinée aux couples qui se sont mariés dans l’église de Bernini : elles sont invitées à revenir pour une célébration communautaire, une procession et un moment convivial. L’initiative a eu d’excellents résultats et se consolide au fil du temps.

Une curiosité : la boîte aux lettres
À côté de l’entrée de la maison salésienne se trouve une boîte aux lettres, connue sous le nom de « Boîte des correspondances », considérée comme la plus ancienne encore en usage. Elle remonte en effet à 1820, vingt ans avant l’introduction du premier timbre au monde, le célèbre Penny Black (1840). C’est une boîte officielle des Postes Italiennes toujours active, mais aussi un symbole éloquent : une invitation à la communication, au dialogue, à l’ouverture du cœur. Le retour du pape Léon XIV à sa résidence d’été l’augmentera sûrement.

Castel Gandolfo reste un lieu où le Créateur parle à travers la beauté de la création, la Parole proclamée et le témoignage d’une communauté salésienne qui, dans la simplicité du style de Don Bosco, continue d’offrir accueil, formation, liturgie et fraternité, rappelant à ceux qui fréquentent ces lieux en quête de paix et de sérénité que la vraie paix et sérénité ne se trouvent qu’en Dieu et dans sa grâce.




Le volontariat missionnaire change la vie des jeunes au Mexique

Le volontariat missionnaire représente une expérience qui transforme profondément la vie des jeunes. Au Mexique, la Province Salésienne de Guadalajara a mis sur pied depuis des décennies un parcours organique de Volontariat Missionnaire Salésien (VMS) qui continue d’avoir un impact durable dans le cœur de beaucoup de garçons et de filles. Grâce aux réflexions de Margarita Aguilar, coordinatrice du volontariat missionnaire à Guadalajara, nous partagerons le chemin concernant les origines, l’évolution, les phases de formation et les motivations qui poussent les jeunes à s’engager pour servir les communautés au Mexique.

Origines
Le volontariat, compris comme un engagement en faveur des autres et né du besoin d’aider son prochain tant sur le plan social que spirituel, s’est renforcé au fil du temps avec la contribution des gouvernements et des ONG pour sensibiliser aux thèmes de la santé, de l’éducation, de la religion, de l’environnement et de bien d’autres encore. Dans la Congrégation Salésienne, l’esprit du volontariat est présent depuis les origines. Maman Marguerite a été, aux côtés de Don Bosco, parmi les premiers « volontaires » à l’Oratoire ; elle s’est engagée à aider les jeunes à accomplir la volonté de Dieu et à contribuer au salut de leurs âmes. C’est le Chapitre Général XXII (1984) qui commença à parler explicitement de volontariat, et les chapitres suivants insistèrent sur cet engagement comme une dimension inséparable de la mission salésienne.

Au Mexique, les Salésiens sont répartis en deux Provinces : Mexico (MEM) et Guadalajara (MEG). C’est précisément dans cette dernière qu’à partir du milieu des années 1980, un projet de volontariat des jeunes a pris forme. La Province de Guadalajara, fondée il y a 62 ans, offre depuis près de 40 ans la possibilité à des jeunes désireux d’expérimenter le charisme salésien de consacrer une période de leur vie au service des communautés, surtout dans les zones frontalières.

Le 24 octobre 1987, le provincial envoya un groupe de quatre jeunes avec des salésiens dans la ville de Tijuana, dans une zone frontalière en forte expansion salésienne. Ce fut le début du Volontariat Juvénile Salésien (VJS), qui se développa progressivement et s’organisa de manière de plus en plus structurée.

L’objectif initial était proposé aux jeunes d’environ 20 ans, disponibles pour consacrer un à deux ans à la construction des premiers oratoires dans les communautés de Tijuana, Ciudad Juárez, Los Mochis et d’autres localités du nord. Beaucoup se souviennent des premiers jours : pelle et marteau à la main, vie en commun dans des maisons simples avec d’autres volontaires, après-midis passés avec les enfants, adolescents et jeunes du quartier à jouer sur le terrain où allait naître l’oratoire. Il manquait parfois le toit, mais ne manquaient ni la joie, ni l’esprit de famille ni la rencontre avec l’Eucharistie.

Ces premières communautés de salésiens et de volontaires portèrent dans les cœurs l’amour pour Dieu, pour Marie Auxiliatrice et pour Don Bosco. Elles manifestaient un esprit pionnier, un ardent zèle missionnaire et un dévouement total au service des autres.

Évolution
Avec la croissance de la Province et de la Pastorale des Jeunes, on sentit la nécessité de parcours de formation clairs pour les volontaires. L’organisation s’est renforcée grâce à certains outils :
Questionnaire de candidature : chaque aspirant volontaire remplissait une fiche et répondait à un questionnaire qui décrivait ses caractéristiques humaines, spirituelles et salésiennes en vue d’une croissance de la personne.

Cours de formation initiale : ateliers de théâtre, jeux et dynamiques de groupe, catéchèse et outils pratiques pour les activités sur le terrain. Avant le départ, les volontaires se réunissaient pour conclure la formation et recevoir l’envoi dans les communautés salésiennes.

Accompagnement spirituel : le candidat était invité à se faire accompagner par un salésien dans sa communauté d’origine. Pendant un certain temps, la préparation a été effectuée de concert avec les aspirants salésiens, renforçant ainsi l’aspect vocationnel, même si cette pratique a ensuite subi des modifications en fonction de l’animation vocationnelle de la Province.

Rencontre provinciale annuelle : chaque décembre, à l’approche de la Journée Internationale du Volontaire (5 décembre), les volontaires se rencontrent pour évaluer l’expérience, réfléchir sur le parcours de chacun et consolider les processus d’accompagnement.

Visites aux communautés : l’équipe de coordination visite régulièrement les communautés où opèrent les volontaires, pour soutenir non seulement les jeunes eux-mêmes, mais aussi les salésiens et les laïcs de la communauté éducative-pastorale, renforçant les réseaux de soutien.

Projet de vie personnelle : chaque candidat élabore, avec l’aide de l’accompagnateur spirituel, un projet de vie qui aide à intégrer les dimensions humaine, chrétienne, salésienne, vocationnelle et missionnaire. Une période minimale de six mois de préparation est prévue, avec des interventions en ligne sur les différentes dimensions.

Implication des familles : réunions d’information avec les parents sur les processus du VJS, pour faire comprendre le parcours et renforcer le soutien familial.

Formation continue pendant l’expérience : chaque mois, on aborde une dimension (humaine, spirituelle, apostolique, etc.) à l’aide de supports de lecture, de réflexions et de travaux d’approfondissement en cours d’exécution.

Post-volontariat : après la fin de l’expérience, une réunion de clôture est organisée pour évaluer l’expérience, planifier les étapes suivantes et accompagner le volontaire dans sa réinsertion dans sa communauté d’origine et sa famille, avec des phases en présentiel et en ligne.

Nouvelles étapes et renouvellements
Récemment, l’expérience a pris le nom de Volontariat Missionnaire Salésien (VMS), en lien avec l’accent mis par la Congrégation sur la dimension spirituelle et missionnaire. Quelques nouveautés ont été introduites :

Pré-volontariat court : pendant les vacances scolaires (décembre-janvier, Semaine Sainte et Pâques, et surtout l’été), les jeunes peuvent expérimenter pendant de courtes périodes la vie en communauté et l’engagement de service, pour avoir un premier « aperçu » de l’expérience.

Formation à l’expérience internationale : un processus spécifique a été mis en place pour préparer les volontaires à vivre l’expérience en dehors des frontières nationales.

Une plus grande insistance sur l’accompagnement spirituel : il ne s’agit plus seulement d’ »envoyer travailler », mais de placer au centre la rencontre avec Dieu, afin que le volontaire découvre sa propre vocation et mission.

Comme le souligne Margarita Aguilar, coordinatrice du VMS à Guadalajara, « un volontaire a besoin d’avoir les mains vides pour pouvoir embrasser sa mission avec foi et espérance en Dieu. »

Motivations des jeunes
À la base de l’expérience VMS, il y a toujours la question : « Quelle est ta motivation pour devenir volontaire ? » On peut identifier trois types de motivations principales :

Motivation opérationnelle/pratique : vouloir effectuer des activités concrètes liées aux compétences personnelles (enseigner dans une école, servir à la cantine, animer un oratoire). En découvrant que le volontariat n’est pas seulement un travail manuel ou didactique, certains peuvent être déçus s’ils s’attendaient à une expérience purement opérationnelle.

Motivation liée au charisme salésien : d’anciens bénéficiaires d’œuvres salésiennes souhaitent approfondir et vivre plus intensément le charisme, imaginant une expérience intense comme une longue rencontre festive du Mouvement Salésien des Jeunes, mais pour une période prolongée.

Motivation spirituelle : il s’agit de ceux qui ont l’intention de partager leur expérience de Dieu et de le découvrir chez les autres. Cependant, cette « fidélité » est parfois conditionnée par certaines attentes, Par exemple, « d’accord, mais seulement dans cette communauté » ou « d’accord, mais si je peux revenir pour un événement familial »… Il faut aider le volontaire à mûrir son « oui » de manière libre et généreuse.

Trois éléments clés du VMS
L’expérience de Volontariat Missionnaire Salésien s’articule autour de trois dimensions fondamentales :

Vie spirituelle : Dieu est le centre. Sans la prière, les sacrements et l’écoute de l’Esprit, l’expérience risque de se réduire à un simple engagement dans le travail qui va fatiguer le volontaire et le conduire à abandonner la partie.

Vie communautaire : la communion avec les salésiens et avec les autres membres de la communauté renforce la présence du volontaire auprès des enfants, adolescents et jeunes. Sans communauté, il n’y a pas de soutien dans les moments difficiles ni de milieu pour grandir ensemble.

Vie apostolique : le témoignage joyeux et la présence affective parmi les jeunes évangélisent plus que toute activité formelle. Il ne s’agit pas seulement de « faire », mais d’ »être » sel et lumière au quotidien.

Pour vivre pleinement ces trois dimensions, il faut un parcours de formation intégrale qui accompagne le volontaire du début à la fin, embrassant chaque aspect de la personne (humain, spirituel, vocationnel) selon la pédagogie salésienne et le mandat missionnaire.

Le rôle de la communauté d’accueil
Pour être un instrument authentique d’évangélisation, le volontaire a besoin d’une communauté qui le soutienne, lui serve d’exemple et de guide. De son côté, la communauté accueille le volontaire pour l’intégrer, le soutenir dans les moments de fragilité et l’aider à se libérer des liens qui entravent le dévouement total. Comme le souligne Margarita, « Dieu nous a appelés à être sel et lumière de la Terre et beaucoup de nos volontaires ont trouvé le courage de prendre l’avion en laissant derrière eux leur famille, leurs amis, leur culture, leur mode de vie pour adopter le style de vie du missionnaire. »

La communauté offre des espaces de discussion, de prière commune, d’accompagnement pratique et émotionnel, afin que le volontaire puisse rester solide dans son choix et porter du fruit dans le service.

L’histoire du volontariat missionnaire salésien à Guadalajara est un exemple de la façon dont une expérience peut grandir, se structurer et se renouveler en apprenant à partir des erreurs et des succès. En plaçant toujours au centre la motivation profonde du jeune, la dimension spirituelle et communautaire, il offre un chemin capable de transformer non seulement le milieu que l’on sert, mais aussi la vie des volontaires eux-mêmes.
Margarita Aguilar nous dit : « Un volontaire a besoin d’avoir les mains vides pour pouvoir embrasser sa mission avec foi et espérance en Dieu. »

Nous remercions Margarita pour ses précieuses réflexions. Son témoignage nous rappelle que le volontariat missionnaire n’est pas un simple service, mais un chemin de foi et de croissance qui touche la vie des jeunes et des communautés, renouvelant l’espérance et le désir de se donner par amour de Dieu et du prochain.




Béatification de Camille Costa de Beauregard. Et après…?

Le diocèse de Savoie et la ville de Chambéry ont vécu trois journées historiques, les 16, 17 et 18 mai 2025. Un compte rendu des faits et des perspectives d’avenir.

            Les reliques de Camille Costa de Beauregard ont été transférées du Bocage à l’église Notre-Dame (lieu du baptême de Camille), le vendredi 16 mai. Un magnifique cortège a ensuite parcouru les rues de la ville à partir de vingt heures. Après les cors des Alpes, les cornemuses ont pris le relais pour ouvrir la marche, suivies d’un char fleuri transportant un portrait géant du « père des orphelins ». Suivaient ensuite les reliques, sur une civière portée par de jeunes lycéens du Bocage, vêtus de magnifiques sweats rouges sur lesquels on pouvait lire cette phrase de Camille : « Plus la montagne est haute, mieux on voit loin« . Plusieurs centaines de personnes de tous âges défilaient ensuite, dans une ambiance « bon enfant ». Le long du parcours, les curieux, respectueux, s’arrêtaient, ébahis, de voir passer ce cortège insolite.
            À l’arrivée à l’église Notre-Dame, un prêtre était là pour animer une veillée de prière soutenue par les chants d’une belle chorale de jeunes. La cérémonie se déroulait donc dans un climat détendu, mais recueilli. Tous défilaient, à la fin de la veillée, pour vénérer les reliques et confier à Camille une intention personnelle. Un très beau moment !
            Samedi 17 mai. Grand jour ! Depuis Pauline Marie Jaricot (béatifiée en mai 2022), la France n’avait pas connu de nouveau « Bienheureux ». Aussi toute la Région Apostolique se trouvait représentée par ses évêques : Lyon, Annecy, Saint-Étienne, Valence, etc… À ceux-ci s’étaient ajoutés deux anciens archevêques de Chambéry : Monseigneur Laurent Ulrich, actuellement archevêque de Paris et Monseigneur Philippe Ballot, évêque de Metz. Deux évêques du Burkina Faso avaient fait le déplacement pour participer à cette fête. De nombreux prêtres diocésains étaient venus concélébrer, ainsi que plusieurs religieux dont sept Salésiens de Don Bosco. Le nonce apostolique en France, Monseigneur Celestino Migliore, avait mission de représenter le cardinal Semeraro (Préfet du Dicastère pour les causes des saints) retenu à Rome pour l’intronisation du pape Léon XIV. Inutile de dire que la cathédrale était comble, ainsi que les chapiteaux et le parvis et le Bocage : plus de trois mille personnes en tout.
            Quelle émotion, lorsqu’après la lecture du décret pontifical (signé la veille seulement par le pape Léon XIV) lu par le père Pierluigi Caméroni, postulateur de la cause, le portrait de Camille a été dévoilé dans la cathédrale ! Quelle ferveur dans ce grand vaisseau ! Quelle solennité soutenue par les chants d’une magnifique chorale interdiocésaine et du grand orgue merveilleusement servi par le maître Thibaut Duré ! Bref, une cérémonie grandiose pour cet humble prêtre qui donna toute sa vie au service des plus petits !
            Un reportage a été assuré par RCF Savoie (une station de radio régionale française qui fait partie du réseau RCF, Radios Chrétiennes Francophones) avec des interviews de plusieurs personnalités impliquées dans la défense de la cause de Camille, et d’autre part, par la chaîne KTO (la chaîne de télévision catholique de langue française) qui retransmettait en direct cette magnifique célébration.
            Une troisième journée, Dimanche 18 mai, venait couronner cette fête. Elle se déroulait au Bocage, sous un grand chapiteau ; c’était une messe d’action de grâce présidée par Monseigneur Thibault Verny, archevêque de Chambéry, entouré des deux évêques africains, du Provincial des Salésiens et de quelques prêtres, dont le père Jean-François Chiron (président, depuis treize ans, du Comité Camille créé par Monseigneur Philippe Ballot) qui prononçait une homélie remarquable. Une foule considérable était venue participer et prier. À la fin de la messe, une rose « Camille Costa de Beauregard fondateur du Bocage » a été bénie par le père Daniel Féderspiel, Provincial des Salésiens de France (cette rose, choisie par les anciens élèves, offerte aux personnalités présentes, est en vente dans les serres du Bocage).
            Après la cérémonie, les cors des Alpes ont donné un concert jusqu’au moment où le pape Léon, lors de son discours, au moment du Regina Coeli, a déclaré être très joyeux de la première béatification de son pontificat, le prêtre de Chambéry Camille Costa de Beauregard. Tonnerre d’applaudissements sous le chapiteau !
            L’après-midi, plusieurs groupes de jeunes du Bocage, lycée et maison des enfants, ou scouts, se sont succédé sur le podium pour animer un moment récréatif. Oui ! Quelle fête !

            Et maintenant ? Tout est fini ? Ou y a-t-il un après, une suite ?
            La béatification de Camille n’est qu’une étape dans le processus de canonisation. Le travail continue et vous êtes appelés à y contribuer. Que reste-t-il à faire ? Faire connaître toujours mieux la figure du nouveau Bienheureux autour de nous, par de multiples moyens, car il est nécessaire que beaucoup le prient afin que son intercession nous obtienne une nouvelle guérison inexplicable par la science, ce qui permettrait d’envisager un nouveau procès et une canonisation rapide. La sainteté de Camille serait alors présentée au monde entier. C’est possible, il faut y croire ! Ne nous arrêtons pas en chemin !

            Nous disposons de plusieurs moyens, tels que :
            – le livre Le bienheureux Camille Costa de Beauregard La noblesse du cœur, de Françoise Bouchard, Éditions Salvator ;
            – le livre Prier quinze jours avec Camille Costa de Beauregard, du père Paul Ripaud, Éditions Nouvelle Cité ;
            – une bande dessinée : Bienheureux Camille Costa de Beauregard, de Gaëtan Evrard, Éditions Triomphe ;
            – les vidéos à découvrir sur le site des « Amis de Costa« , et celle de la béatification ;
            – les visites des lieux de mémoire, au Bocage à Chambéry ; elles sont possibles en contactant soit l’accueil du Bocage, soit directement Monsieur Gabriel Tardy, directeur de la Maison des Enfants.

            À tous, merci de soutenir la cause du bienheureux Camille, il le mérite bien !

Père Paul Ripaud, sdb




Visite de la Basilique du Sacré-Cœur de Jésus à Rome (également en 3D)

La Basilique du Sacré-Cœur de Jésus à Rome est une église importante pour la ville. Elle est située dans le quartier Castro Pretorio, via Marsala, de l’autre côté de la gare Termini. Elle le siège d’une paroisse et aussi un titre cardinalice. À côté d’elle se trouve le Siège Central de la Congrégation Salésienne. Elle célèbre sa fête patronale précisément lors de la solennité du Sacré-Cœur. Sa position près de Termini en fait un point visible et reconnaissable pour ceux qui arrivent en ville. Sa statue dorée sur le clocher se dresse à l’horizon comme un symbole de bénédiction pour les résidents et les voyageurs.

Origines et histoire
L’idée de construire une église dédiée au Sacré-Cœur de Jésus remonte au pape Pie IX, qui, en 1870, posa la première pierre de l’édifice. Initialement voulue en l’honneur de saint Joseph, la nouvelle église fut dédiée par le pape dès 1871 au Sacré-Cœur de Jésus. Ce fut la deuxième grande église dédiée au Sacré-Cœur de Jésus après celle de Lisbonne, au Portugal, commencée en 1779 et consacrée en 1789, et avant le célèbre Sacré-Cœur de Montmartre, à Paris, en France, commencée en 1875 et consacrée en 1919.
Le chantier fut lancé dans des conditions difficiles. À la suite de l’annexion de Rome au Royaume d’Italie (1870), les travaux furent interrompus faute de fonds. Ce fut seulement grâce à l’intervention de saint Jean Bosco, sollicitée par le pape, que la construction put reprendre définitivement en 1880. Ce fut grâce à ses efforts et à ses sacrifices pour collecter des offrandes en Europe qu’il trouva les ressources nécessaires pour l’achèvement de l’édifice. L’architecte Francesco Vespignani, déjà « Architecte des Palais Sacrés » sous Léon XIII, mena le projet à terme. La consécration eut lieu le 14 mai 1887, scellant la fin de la première phase de construction.

Dès sa construction, l’église a assumé une fonction paroissiale. La paroisse du Sacré-Cœur de Jésus à Castro Pretorio fut instituée le 2 février 1879 par décret vicarial « Postremis hisce temporibus« . Par la suite, le pape Benoît XV l’éleva à la dignité de basilique mineure le 11 février 1921, par la lettre apostolique « Pia societas« . Plus récemment, le 5 février 1965, le pape Paul VI institua le titre cardinalice du Sacré-Cœur de Jésus à Castro Pretorio. Parmi les cardinaux titulaires, on peut rappeler Maximilien de Fürstenberg (1967-1988), Giovanni Saldarini (1991-2011) et Giuseppe Versaldi (de 2012 à aujourd’hui). Le titre cardinalice renforce le lien de la basilique avec la Curie papale et contribue à maintenir l’attention sur l’importance du culte au Sacré-Cœur et sur la spiritualité salésienne.

Architecture
La façade se présente en style néo-Renaissance, avec des lignes sobres et des proportions équilibrées, typiques de la reprise de la Renaissance dans l’architecture ecclésiastique de la fin du XIXe siècle. Le clocher, conçu dans le projet original de Vespignani, resta incomplet jusqu’en 1931, date à laquelle fut placée au sommet l’imposante statue dorée du Sacré-Cœur bénissant, don des anciens élèves des salésiens d’Argentine. Visible de loin, elle constitue un signe distinctif de la basilique et un symbole d’accueil pour ceux qui arrivent à Rome par la gare voisine.

L’intérieur suit un plan en forme de croix latine avec trois nefs, séparées par huit colonnes et deux piliers de granit gris qui soutiennent des arcs en plein cintre, et comprend un transept et une coupole centrale. La nef centrale et les nefs latérales sont couvertes d’un plafond à caissons, décorés dans le registre central. Les proportions intérieures sont harmonieuses : la largeur de la nef centrale d’environ 14 mètres et la longueur de 70 mètres créent un effet d’ampleur solennelle, tandis que les colonnes en granit, aux veines marquées, lui confèrent un caractère de solide majesté.
La coupole centrale, visible de l’intérieur avec ses fresques et ses caissons, attire la lumière naturelle à travers des fenêtres à la base et confère une verticalité à l’espace liturgique. Dans les chapelles latérales sont conservées des peintures de l’artiste romain Andrea Cherubini, qui a réalisé des scènes dévotionnelles en harmonie avec la dédicace au Sacré-Cœur.
Outre les peintures d’Andrea Cherubini, la basilique conserve diverses œuvres d’art sacré : statues en bois ou en marbre représentant la Vierge, les saints patrons de la Congrégation Salésienne et des figures charismatiques comme saint Jean Bosco.

Les séjours de saint Jean Bosco à Rome
Un élément de grande valeur historique et dévotionnelle est constitué par les Camerette (petites chambres) de Don Bosco à l’arrière de la basilique. C’est là que séjourna saint Jean Bosco neuf fois pendant ses vingt voyages à Rome. Initialement elles constituaient deux pièces séparées : bureau et chambre à coucher avec autel portatif. Elles furent ensuite unies pour accueillir pèlerins et groupes en prière, constituant un lieu de mémoire vivante de la présence du fondateur des Salésiens. Ici sont conservés des objets personnels et des reliques qui rappellent les miracles attribués au saint à cette période. Cet espace a été récemment rénové et continue d’attirer les pèlerins, stimulant des réflexions sur la spiritualité de Don Bosco et son dévouement aux jeunes.
La basilique et les bâtiments annexes sont la propriété de la Congrégation Salésienne, qui en a fait l’un des centres névralgiques de sa présence romaine. Déjà au temps de Don Bosco, le bâtiment à côté de l’église abritait la maison des Salésiens et devint par la suite le siège d’une école, d’un oratoire et de services pour les jeunes. Aujourd’hui, en plus des activités liturgiques, la structure accueille un travail significatif destiné aux migrants et aux jeunes en difficulté. Depuis 2017, le complexe est également le Siège Central du gouvernement de la Congrégation Salésienne.

Dévotion au Sacré-Cœur et célébrations liturgiques
La dédicace au Sacré-Cœur de Jésus se traduit par des pratiques dévotionnelles spécifiques. La fête liturgique du Sacré-Cœur, célébrée le vendredi suivant l’octave de la Fête-Dieu, est solennisée dans la basilique, avec des neuvaines, des célébrations eucharistiques, l’adoration eucharistique et une procession. La piété populaire autour du Sacré-Cœur – répandue surtout depuis le XIXe siècle avec l’approbation de la dévotion par Pie IX et Léon XIII – trouve en ce lieu un point de référence à Rome, attirant les fidèles pour des prières de réparation, de consécration et de remerciement.

Pour le Jubilé de 2025, la Basilique du Sacré-Cœur de Jésus a reçu le privilège de l’indulgence plénière, comme toutes les autres églises de l’Iter Europaeum.
Rappelons que pour célébrer le 50e anniversaire des relations diplomatiques entre l’Union Européenne et le Saint-Siège (1970-2020), un projet a été réalisé par la Délégation de l’Union Européenne auprès du Saint-Siège et les 28 Ambassades des États membres accréditées auprès du Saint-Siège. Ce projet consistait en un parcours liturgique et culturel où chaque pays indiquait une église ou une basilique de Rome à laquelle il est particulièrement lié pour des raisons historiques, artistiques ou de tradition d’accueil des pèlerins venant de ce pays. L’objectif principal était double : d’une part, favoriser la connaissance mutuelle entre citoyens européens et stimuler une réflexion sur les racines chrétiennes communes ; d’autre part, offrir aux pèlerins et visiteurs un instrument de découverte d’espaces religieux moins connus ou ayant une signification particulière, en faisant ressortir les connexions de l’Église avec l’ensemble de l’Europe. En élargissant la perspective, l’initiative a ensuite été reproposée dans le cadre des parcours jubilaires liés au Jubilé de Rome 2025, sous le nom latin « Iter Europaeum« , insérant cette étape dans le parcours officiel de la Ville Sainte.
L’Iter Europaeum prévoit des arrêts dans les 28 églises et basiliques de Rome, chacune « adoptée » par un État membre de l’Union Européenne. La Basilique du Sacré-Cœur de Jésus a été « adoptée » par le Luxembourg. Les églises de l’Iter Europaeum peuvent être vues ICI.

Visite de la Basilique
La Basilique peut être visitée physiquement, mais aussi virtuellement.

Pour une visite virtuelle en 3D, cliquez ICI.

Pour une visite virtuelle guidée, vous pouvez suivre les liens suivants :

1. Introduction
2. L’histoire
3. Façade
4. Clocher
5. Nef centrale
6. Mur intérieur de la façade
7. Sol
8. Colonnes
9. Murs de la nef centrale
10. Plafond 1
11. Plafond 2
12. Transept
13. Vitraux du transept
14. Autel principal
15. Chœur
16. Coupole
17. Chœur Don Bosco
18. Nefs latérales
19. Confessionnaux
20. Autels de la nef latérale droite
21. Fresques des nefs latérales
22. Coupoles de la nef gauche
23. Baptistère
24. Autels de la nef latérale gauche
25. Fresques des coupoles de la nef gauche
26. Sacristie
27. « Camerette » de Don Bosco (version précédente)
28. Musée Don Bosco (version précédente)

La Basilique du Sacré-Cœur de Jésus au Castro Pretorio est un exemple d’architecture néo-Renaissance liée à des événements historiques marqués par des crises et des renaissances. La combinaison d’éléments artistiques, architecturaux et historiques, comme les colonnes de granit aux décorations picturales, la célèbre statue sur le clocher et les Camerette de Don Bosco, fait de ce lieu une destination de pèlerinage spirituel et culturel. Sa situation près de la gare Termini en fait un signe d’accueil pour ceux qui arrivent à Rome, tandis que les activités pastorales destinées aux jeunes continuent d’incarner l’esprit de saint Jean Bosco : un cœur ouvert au service, à la formation et à la spiritualité incarnée. À visiter.




Entretien avec le Recteur Majeur, Don Fabio Attard

Nous avons réalisé un entretien exclusif avec le Recteur Majeur des Salésiens, Don Fabio Attard, qui revient sur les étapes fondamentales de sa vocation et de son parcours humain et spirituel. Sa vocation est née dans un oratoire et s’est consolidée à travers un parcours de formation riche qui l’a conduit de l’Irlande à la Tunisie, de Malte à Rome. De 2008 à 2020, il a été Conseiller général pour la Pastorale des Jeunes, fonction qu’il a exercée avec une vision multiculturelle acquise grâce à des expériences dans différents contextes. Son message central est la sainteté comme fondement de l’action éducative salésienne : « Je voudrais voir une Congrégation plus sainte », affirme-t-il, soulignant que l’efficacité professionnelle doit s’enraciner dans l’identité consacrée.

Quelle est l’histoire de ta vocation ?

Je suis né à Gozo, Malte, le 23 mars 1959, cinquième d’une fratrie de sept enfants. À ma naissance, mon père était pharmacien à l’hôpital, tandis que ma mère avait ouvert un petit magasin de tissus et de couture, qui s’est développé au fil du temps pour devenir une petite chaîne de cinq magasins. C’était une femme très travailleuse, mais l’entreprise est toujours restée familiale.

J’ai fréquenté l’école primaire et secondaire locale. Un élément très beau et particulier de mon enfance est que mon père était catéchiste laïc à l’oratoire, qui jusqu’en 1965 était dirigé par les salésiens. Ayant lui-même, dans sa jeunesse, fréquenté cet oratoire, il y était resté comme seul catéchiste laïc. Quand j’ai commencé à le fréquenter, à l’âge de six ans, les salésiens venaient de quitter l’œuvre. Un jeune prêtre (qui est toujours en vie) a pris la relève et a poursuivi les activités de l’oratoire dans le même esprit salésien, ayant lui-même vécu là en tant que séminariste.
On continuait avec le catéchisme, la bénédiction eucharistique quotidienne, le football, le théâtre, la chorale, les excursions, les fêtes… tout ce qu’on vit normalement dans un oratoire. Il y avait beaucoup d’enfants et d’adolescents, et j’ai grandi dans cet environnement. En pratique, ma vie se déroulait entre ma famille et l’oratoire. J’étais également enfant de chœur dans ma paroisse. Ainsi, à la fin de mes études secondaires, je me suis orienté vers la prêtrise, car depuis mon enfance, j’avais ce désir dans mon cœur.

Aujourd’hui, je me rends compte à quel point j’avais été influencé par ce jeune prêtre que j’admirais : il était toujours présent avec nous dans la cour, dans les activités de l’oratoire. Cependant, à cette époque, les salésiens n’étaient plus là. Alors je suis entré au séminaire, où l’on faisait alors deux ans de propédeutique en tant qu’internes. Au cours de la troisième année – qui correspondait à la première année de philosophie – j’ai rencontré un ami de la famille, âgé d’environ 35 ans, une vocation adulte, qui était entré comme aspirant salésien (il est encore en vie aujourd’hui et est coadjuteur). Quand il a fait cette démarche, un feu s’est allumé en moi et avec l’aide de mon directeur spirituel, j’ai commencé un discernement vocationnel.
Ce fut un parcours important mais aussi exigeant. J’avais 19 ans, mais ce guide spirituel m’a aidé à chercher la volonté de Dieu, et pas simplement la mienne. La dernière année – la quatrième de philosophie – au lieu de le suivre au séminaire, je l’ai vécue comme aspirant salésien, en terminant les deux années de philosophie requises.

Dans ma famille, l’environnement était fortement marqué par la foi. Nous participions chaque jour à la messe, nous récitions le chapelet à la maison, nous étions très unis. Aujourd’hui encore, bien que nos parents soient au paradis, nous conservons cette même unité entre frères et sœurs.

Une autre expérience familiale m’a profondément marqué, même si je ne m’en suis rendu compte qu’avec le temps. Mon frère, le deuxième de la famille, est mort à 25 ans d’une insuffisance rénale. Aujourd’hui, grâce aux progrès de la médecine, il serait encore en vie grâce à la dialyse et aux greffes, mais à l’époque, il n’y avait pas beaucoup de possibilités. J’ai été à ses côtés pendant les trois dernières années de sa vie, nous partagions la même chambre et je l’aidais souvent la nuit. C’était un jeune serein, joyeux, qui vivait sa fragilité avec une joie extraordinaire.
J’avais 16 ans quand il est mort. Cinquante ans ont passé, mais quand je repense à cette époque, à cette expérience quotidienne de proximité, faite de petits gestes, je réalise à quel point cela a marqué ma vie.

Je suis né dans une famille où régnaient la foi, le sens du travail et la responsabilité partagée. Mes parents sont pour moi deux exemples extraordinaires. Ils ont vécu le mystère de la croix avec une grande foi et dans une grande sérénité, sans jamais faire peser quoi que ce soit sur qui que ce soit, sachant transmettre en même temps la joie de la vie familiale. Je peux dire que j’ai eu une très belle enfance. Nous n’étions ni riches ni pauvres, mais toujours sobres et discrets. Ils nous ont appris à travailler, à bien gérer les ressources, à ne pas gaspiller, à vivre avec dignité, avec élégance et, surtout, avec une particulière attention envers les pauvres et les malades.

Comment ta famille a-t-elle réagi lorsque tu as pris la décision de suivre la vocation consacrée ?

Le moment était venu où, avec mon directeur spirituel, nous avions clarifié que ma voie était celle des salésiens. Je devais également l’annoncer à mes parents. Je me souviens que c’était une soirée tranquille, nous étions en train de dîner tous les trois. À un moment donné, j’ai dit : « J’ai quelque chose à vous dire : j’ai fait mon discernement et j’ai décidé d’entrer chez les salésiens. »
Mon père était ravi. Il m’a immédiatement répondu : « Que le Seigneur te bénisse. » Ma mère, en revanche, s’est mise à pleurer, un peu comme toutes les mères. Elle m’a demandé : « Alors tu t’en vas ? » Alors mon père est intervenu avec douceur et fermeté : « Qu’il s’éloigne de nous ou non, c’est son chemin. »
Ils m’ont béni et encouragé. Ce sont des moments qui restent gravés à jamais dans ma mémoire.

Je me souviens en particulier de ce qui s’est passé vers la fin de la vie de mes parents. Mon père est décédé en 1997, et six mois plus tard, on a découvert un cancer incurable chez ma mère.
À cette époque, mes supérieurs m’avaient demandé d’aller enseigner à l’Université Pontificale Salésienne (UPS), mais je ne savais pas quelle décision prendre. Ma mère n’allait pas bien, elle était proche de la mort. En discutant avec mes frères, ils m’ont dit : « Fais ce que tes supérieurs te demandent. »
J’étais à la maison et j’en ai parlé avec elle : « Maman, mes supérieurs me demandent d’aller à Rome. »
Avec la lucidité d’une vraie mère, elle m’a répondu : « Écoute, mon fils, si cela ne tenait qu’à moi, je te demanderais de rester ici, car je n’ai personne d’autre et je ne voudrais pas être un fardeau pour tes frères. Mais… » – et là, elle a dit une phrase que je garde dans mon cœur – « Tu n’es pas à moi, tu appartiens à Dieu. Fais ce que tes supérieurs te disent. »
Cette phrase, prononcée un an avant sa mort, est pour moi un trésor, un héritage précieux. Ma mère était une femme intelligente, sage, perspicace : elle savait que la maladie allait l’emporter, mais à ce moment-là, elle a su être libre intérieurement. Libre de dire des mots qui confirmaient une fois de plus le don qu’elle avait fait à Dieu : offrir un fils à la vie consacrée.

La réaction de ma famille, du début à la fin, a toujours été marquée par un profond respect et un grand soutien. Et aujourd’hui encore, mes frères et sœurs continuent à perpétuer cet esprit.

Quel a été ton parcours de formation depuis le noviciat jusqu’à aujourd’hui ?

Ce fut un parcours très riche et varié. J’ai commencé le pré-noviciat à Malte, puis j’ai fait mon noviciat à Dublin, en Irlande. Une expérience vraiment belle.

Après le noviciat, mes compagnons sont partis à Maynooth pour étudier la philosophie à l’université, mais j’avais déjà terminé ces études. C’est pourquoi mes supérieurs m’ont demandé de rester encore un an au noviciat, où j’ai enseigné l’italien et le latin. Ensuite, je suis retourné à Malte pour effectuer deux ans de stage, qui ont été très beaux et enrichissants.

J’ai ensuite été envoyé à Rome pour étudier la théologie à l’Université pontificale salésienne, où j’ai passé trois années extraordinaires. Ces années m’ont ouvert l’esprit. Nous vivions en communauté avec quarante confrères provenant de vingt pays différents : Asie, Europe, Amérique latine… Le corps enseignant était également international. C’était au milieu des années 1980, environ vingt ans après le Concile Vatican II, et on respirait encore beaucoup d’enthousiasme. Il y avait des débats théologiques animés, la théologie de la libération, l’intérêt pour la méthode et la pratique. Ces études m’ont appris à lire la foi non seulement comme un contenu intellectuel, mais comme un choix de vie.

Après ces trois années, j’ai poursuivi les études en faisant deux années de spécialisation en théologie morale à l’Académie Alphonsienne, avec les Pères rédemptoristes. Là aussi, j’ai rencontré des personnalités importantes, comme le célèbre Bernhard Häring, avec lequel j’ai noué une amitié personnelle et que j’allais voir régulièrement chaque mois pour discuter avec lui. Au total, ce furent cinq années – entre le baccalauréat et la licence – qui m’ont profondément formé sur le plan théologique.

Par la suite, m’étant porté volontaire pour les missions, mes supérieurs m’ont envoyé en Tunisie, avec un autre salésien, pour rétablir la présence salésienne dans le pays. Nous avons repris une école gérée par une congrégation féminine qui était sur le point de fermer faute de vocations. C’était une école de 700 élèves. Nous avons donc dû apprendre le français et aussi l’arabe. Pour nous préparer, nous avons passé quelques mois à Lyon, en France, puis nous nous sommes consacrés à l’étude de l’arabe.
Je suis resté là-bas trois ans. Ce fut une autre grande expérience, car nous nous sommes retrouvés à vivre la foi et le charisme salésien dans un contexte où l’on ne pouvait pas parler explicitement de Jésus. Cependant, il était possible de construire des parcours éducatifs fondés sur des valeurs humaines : le respect, la disponibilité, la vérité. Notre témoignage était silencieux mais éloquent. Dans cet environnement, j’ai appris à connaître et à aimer le monde musulman. Tous étaient musulmans, les élèves, les enseignants et les familles ; ils nous ont accueillis très chaleureusement. Ils nous ont fait sentir comme faisant partie de leur famille. Je suis retourné plusieurs fois en Tunisie et j’ai toujours rencontré le même respect et la même appréciation, au-delà de notre appartenance religieuse.

Après cette expérience, je suis retourné à Malte et j’ai travaillé pendant cinq ans dans le secteur social, plus précisément dans une maison salésienne qui accueille des jeunes ayant besoin d’un accompagnement éducatif plus attentif, y compris en internat.

Après ces huit années passées dans la pastorale (entre la Tunisie et Malte), on m’a proposé de terminer mon doctorat. J’ai choisi de retourner en Irlande, car le thème était lié à la conscience selon la pensée du cardinal John Henry Newman, aujourd’hui saint. Une fois mon doctorat terminé, le Recteur Majeur de l’époque, Don Juan Edmundo Vecchi – d’éternelle e mémoire – m’a demandé de rejoindre l’Université Pontificale Salésienne en tant que professeur de théologie morale.

En regardant tout mon parcours, depuis l’aspirantat jusqu’au doctorat, je peux dire que cela a été un ensemble d’expériences non seulement de contenus, mais aussi de contextes culturels très différents. Je remercie le Seigneur et la Congrégation, car ils m’ont offert la possibilité de vivre une formation aussi variée et riche.

Tu connais donc le maltais, qui est ta langue maternelle, l’anglais, qui est la deuxième langue à Malte, le latin, que tu as enseigné, l’italien, que tu as étudié en Italie, le français et l’arabe, que tu as appris à Manouba, en Tunisie… Combien de langues connais-tu ?

Cinq, six langues, plus ou moins. Mais quand on me pose la question, je réponds toujours que ce sont des coïncidences historiques.
À Malte, nous grandissons déjà avec deux langues : le maltais et l’anglais, et à l’école, nous apprenons une troisième langue. À mon époque, on enseignait aussi l’italien. Ensuite, j’étais naturellement porté vers les langues, et j’ai également choisi le latin. Plus tard, en Tunisie, j’ai dû apprendre le français et aussi l’arabe.

À Rome, en vivant avec de nombreux étudiants hispanophones, l’oreille s’habitue, et quand j’ai été élu conseiller pour la pastorale des jeunes, j’ai approfondi un peu l’espagnol, qui est une très belle langue.

Toutes les langues sont belles. Bien sûr, leur apprentissage demande un effort dans l’étude et dans la pratique. Certains ont plus de facilités que d’autres ; cela fait partie des dispositions personnelles. Mais ce n’est ni un mérite ni une faute. C’est simplement un don, une prédisposition naturelle.

De 2008 à 2020, tu as été conseiller général pour la pastorale des jeunes pendant deux mandats. Comment ton expérience t’a-t-elle aidé dans cette mission ?

Lorsque le Seigneur nous confie une mission, nous emportons avec nous tout le bagage d’expériences que nous avons accumulées au fil du temps.
Ayant vécu dans des contextes culturels différents, je ne courais pas le risque de tout voir à travers le filtre d’une seule culture. Je suis européen, je viens de la Méditerranée, d’un pays qui a été une colonie anglaise, mais j’ai eu la chance de vivre dans des communautés internationales et multiculturelles.

Les années d’études à l’UPS m’ont également beaucoup aidé. Nous avions des professeurs qui ne se limitaient pas à transmettre des contenus, mais qui nous apprenaient à faire la synthèse, à construire une méthode. Par exemple, si l’on étudiait l’histoire de l’Église, on comprenait à quel point il était essentiel de comprendre la patristique. Si l’on abordait la théologie biblique, on apprenait à la relier à la théologie sacramentelle, à la morale, à l’histoire de la spiritualité. En somme, on nous apprenait à penser de manière organique. Cette capacité de synthèse, cette architecture de la pensée, fait ensuite partie de votre formation personnelle. Quand on fait de la théologie, on apprend à identifier les points fixes et à les relier entre eux. Il en va de même pour une proposition pastorale, pédagogique ou philosophique. Quand on rencontre des personnes de grande envergure, on absorbe non seulement ce qu’elles disent, mais aussi la manière dont elles le disent, et cela forge ton style.

Un autre élément important est qu’au moment de mon élection, j’avais déjà vécu des expériences dans des milieux missionnaires, où la religion catholique était pratiquement absente, et j’avais travaillé avec des personnes marginalisées et vulnérables. J’avais également acquis une certaine expérience dans le monde universitaire et, parallèlement, je m’étais beaucoup consacré à l’accompagnement spirituel.

De plus, entre 2005 et 2008, juste après mon expérience à l’UPS, l’archidiocèse de Malte m’avait demandé de fonder un institut de formation pastorale, à la suite d’un synode diocésain qui en avait reconnu la nécessité. L’archevêque m’a confié la tâche de le mettre sur pied à partir de zéro. La première chose que j’ai faite a été de constituer une équipe composée de prêtres, de religieux, de laïcs, hommes et femmes. Nous avons mis en place une nouvelle méthode de formation, qui est encore utilisée aujourd’hui. L’institut continue de très bien fonctionner, et d’une certaine manière, cette expérience a été une préparation précieuse pour le travail que j’ai accompli par la suite dans la pastorale des jeunes.
Dès le début, j’ai toujours cru au travail d’équipe et à la collaboration avec les laïcs. Ma première expérience en tant que directeur s’est déroulée dans ce style : une équipe éducative stable, qu’on appellerait aujourd’hui une CEP (Communauté éducative et pastorale), avec des réunions régulières et non occasionnelles. Nous nous réunissions chaque semaine avec les éducateurs et les professionnels. Et cette approche, qui est devenue une méthode au fil du temps, est restée une référence pour moi.

À cela s’ajoute l’expérience universitaire. J’ai passé six ans comme professeur à l’Université pontificale salésienne, où arrivaient des étudiants de plus de cent pays, puis comme examinateur et directeur de thèses de doctorat à l’Académie Alphonsienne.

Je pense que tout cela m’a préparé à assumer cette responsabilité avec lucidité et vision de futur.

Ainsi, lorsque la Congrégation, lors du Chapitre général de 2008, m’a demandé d’assumer cette charge, j’avais déjà une vision large et multiculturelle. Cela m’a aidé, car mettre ensemble des diversités ne m’était pas difficile : cela faisait partie de la normalité. Bien sûr, il ne s’agissait pas simplement de faire un « mélange » d’expériences : il fallait trouver les fils conducteurs, donner une cohérence et une unité.

Ce que j’ai pu vivre en tant que Conseiller général n’est pas mon mérite personnel. Je crois que n’importe quel salésien, s’il avait eu les mêmes opportunités et le soutien de la Congrégation, aurait pu vivre des expériences similaires et apporter sa contribution avec générosité.

Y a-t-il une prière, une « bonne nuit » salésienne, une habitude que tu ne manques jamais de faire ?

La dévotion à Marie. À la maison, nous avons grandi avec le chapelet quotidien, récité en famille. Ce n’était pas une obligation, c’était quelque chose de naturel : nous le faisions avant de manger, car nous mangions toujours ensemble. À l’époque, c’était possible. Aujourd’hui, c’est peut-être moins le cas, mais à l’époque, c’était ainsi que nous vivions : la famille réunie, la prière partagée, le repas en commun.

Au début, je ne me rendais peut-être pas compte de la profondeur de cette dévotion mariale. Mais avec les années, quand on commence à distinguer l’essentiel du secondaire, j’ai compris à quel point cette présence maternelle avait accompagné ma vie.
La dévotion à Marie s’exprime sous différentes formes : le chapelet quotidien, lorsque c’est possible ; un moment de recueillement devant une image ou une statue de la Vierge Marie ; une prière simple, mais faite avec le cœur. Ce sont des gestes qui accompagnent le cheminement de la foi.

Bien sûr, il y a quelques points fixes : l’Eucharistie quotidienne et la méditation quotidienne. Ce sont des piliers qui ne se discutent pas, qui se vivent. Non seulement parce que nous sommes consacrés, mais parce que nous sommes croyants. On ne vit la foi qu’en la nourrissant. Quand nous la nourrissons, elle grandit en nous. Et ce n’est que si elle grandit en nous que nous pouvons aider les autres à grandir aussi. Pour nous, qui sommes éducateurs, c’est évident : si notre foi ne se traduit pas dans une vie concrète, tout le reste devient façade.

Ces pratiques – la prière, la méditation, la dévotion – ne sont pas réservées aux saints. Elles sont l’expression de la cohérence de notre vie. Si j’ai fait un choix de foi, j’ai aussi la responsabilité de le cultiver. Sinon, tout se réduit à quelque chose d’extérieur, d’apparent. Et cela, avec le temps, ne tient pas.

Si tu pouvais revenir en arrière, ferais-tu les mêmes choix ?

Oui, absolument. Il y a eu des moments très difficiles dans ma vie, comme pour tout le monde. Je ne veux pas passer pour la « victime du jour ». Je crois que chaque personne, pour grandir, doit traverser des phases d’obscurité, des moments de désolation, de solitude, où elle se sent trahie ou injustement accusée. J’ai vécu ces moments-là. Mais j’ai eu la chance d’avoir un directeur spirituel à mes côtés.

Quand on traverse certaines épreuves avec quelqu’un qui t’accompagne, on parvient à comprendre que tout ce que Dieu permet a un sens, un but. Et quand on sort de ce « tunnel », on découvre qu’on est une personne différente, plus mûre. C’est comme si, à travers cette épreuve, on était transformé.

Si j’étais resté seul, j’aurais risqué de prendre de mauvaises décisions, sans vision, aveuglé par la fatigue du moment. Quand on est en colère, quand on se sent seul, ce n’est pas le moment de prendre des décisions. C’est le moment de marcher, de demander de l’aide, de se faire accompagner.

Vivre certaines étapes avec l’aide de quelqu’un, c’est comme être une pâte mise au four : le feu la cuit, la mûrit. C’est pourquoi, à la question de savoir si je changerais quelque chose, ma réponse est non. Car même les moments les plus difficiles, même ceux que je ne comprenais pas, m’ont aidé à devenir la personne que je suis aujourd’hui.

Est-ce que je me sens quelqu’un de parfait ? Non. Mais je sens que je suis en chemin, chaque jour, essayant de vivre devant la miséricorde et la bonté de Dieu.

Et aujourd’hui, au moment où je donne cette interview, je peux dire sincèrement que je me sens heureux. Je n’ai peut-être pas encore pleinement compris ce que signifie être Recteur Majeur – cela prend du temps –, mais je sais que c’est une mission, pas une promenade. Cela comporte des difficultés. Cependant, je me sens aimé, estimé par mes collaborateurs et par toute la Congrégation.

Et tout ce que je suis aujourd’hui, je le dois à ce que j’ai vécu, même dans les passages les plus difficiles. Je ne les changerais pour rien au monde. Ils ont fait de moi ce que je suis.

As-tu un projet qui te tient particulièrement à cœur ?

Oui. Si je ferme les yeux et que j’imagine quelque chose que je désire vraiment, je voudrais voir une Congrégation plus sainte. Plus sainte. Plus sainte.

La première lettre de Don Pascual Chávez, intitulée « Soyez saints », m’a profondément inspiré en 2002. Cette lettre m’a touché au plus profond de moi-même, elle m’a marqué.
Les projets sont nombreux, tous valables, bien structurés, avec des visions vastes et profondes. Mais quelle valeur ont-ils s’ils sont menés par des personnes qui ne sont pas saintes ? Nous pouvons faire un excellent travail, nous pouvons même être appréciés – et cela n’est pas négatif en soi –, mais nous ne travaillons pas pour avoir du succès. Notre point de départ est une identité : nous sommes des personnes consacrées.

Ce que nous proposons n’a de sens que si cela vient de là. Il est clair que nous souhaitons que nos projets soient couronnés de succès, mais nous souhaitons encore plus qu’ils apportent la grâce, qu’ils touchent les gens au plus profond d’eux-mêmes. Il ne suffit pas d’être efficaces. Nous devons être efficaces au sens le plus profond du terme : efficaces dans notre témoignage, dans notre identité, dans notre foi.
L’efficacité peut exister même sans aucune référence religieuse. Nous pouvons être d’excellents professionnels, mais cela ne suffit pas. Notre consécration n’est pas un détail : c’est le fondement. Si elle devient marginale, si nous la mettons de côté pour faire place à l’efficacité, alors nous perdons notre identité.

Les gens nous observent. Dans les écoles salésiennes, on reconnaît que les résultats sont bons – et c’est une bonne chose. Mais nous reconnaissent-ils aussi comme des hommes de Dieu ? Telle est la question.
Si on nous voit seulement comme de bons professionnels, alors nous sommes efficaces et rien de plus. Mais notre vie doit se nourrir de Lui – Voie, Vérité et Vie – et non de ce que « je pense », ou de ce que « je veux », ou de « ce qui me semble ».

C’est pourquoi, plutôt que de parler d’un projet personnel, je préfère parler d’un désir profond : devenir saints. Et en parler de manière concrète, non idéalisée. Quand Don Bosco parlait à ses garçons du trinôme savoir-santé-sainteté, il ne visait pas une sainteté faite uniquement de prière à la chapelle. Il pensait à une sainteté vécue dans la relation avec Dieu et nourrie par la relation avec Dieu. La sainteté chrétienne est le reflet de cette relation vivante et quotidienne.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui s’interroge sur sa vocation ?

Je lui dirais de découvrir, pas à pas, quel est le projet de Dieu pour lui.
Le cheminement vocationnel n’est pas une question que l’on pose en attendant une réponse toute faite de la part de l’Église. C’est un pèlerinage. Quand un jeune me dit : « Je ne sais pas si je veux devenir salésien ou non », j’essaie de l’éloigner de cette formulation. Car il ne s’agit pas simplement de décider : « Je vais devenir salésien ». La vocation n’est pas une option par rapport à une « chose ».

Dans ma propre expérience, lorsque j’ai dit à mon directeur spirituel : « Je veux devenir salésien, je dois le devenir », il m’a fait réfléchir très calmement : « Est-ce vraiment la volonté de Dieu ? Ou est-ce seulement ton désir à toi ? »

Il est normal qu’un jeune cherche ce qu’il désire, c’est une bonne chose. Mais celui qui l’accompagne a pour tâche d’éduquer cette recherche, de transformer un enthousiasme initial en un cheminement de maturation intérieure.
« Tu veux faire du bien ? C’est bien. Alors, apprends à te connaître toi-même, reconnais que tu es aimé de Dieu. »
Ce n’est qu’à partir de cette relation profonde avec Dieu que peut émerger la vraie question : « Quel est le projet de Dieu pour moi ? »
Car ce que je désire aujourd’hui pourrait ne plus me suffire demain. Si la vocation se réduit à ce qui me « plaît », alors elle sera fragile. La vocation est plutôt une voix intérieure qui interpelle, qui demande d’entrer en dialogue avec Dieu et de répondre.

Quand un jeune arrive à ce stade, quand il est accompagné dans la découverte de cet espace intérieur où habite Dieu, alors il commence vraiment à cheminer.

C’est pourquoi celui qui l’accompagne doit être très attentif, profond, patient. Jamais superficiel.

L’Évangile d’Emmaüs en est une image parfaite. Jésus s’approche des deux disciples, il les écoute même s’il sait qu’ils parlent dans la confusion. Puis, après les avoir écoutés, il commence à parler. Et eux, à la fin, l’invitent : « Reste avec nous, car le soir tombe. »
Et ils le reconnaissent dans le geste de rompre le pain. Puis ils se disent : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous tandis qu’il nous parlait en chemin ? »

Aujourd’hui, beaucoup de jeunes sont en quête. Notre tâche, en tant qu’éducateurs, est de ne pas être pressés. Mais de les aider, avec calme et progressivement, à découvrir la grandeur qui est déjà dans leur cœur. Car c’est là, dans cette profondeur, qu’ils rencontrent le Christ. Comme le dit saint Augustin : « Tu étais en moi, et moi en dehors de moi. C’est là que je te cherchais. »

As-tu un message à transmettre aujourd’hui à la Famille salésienne ?

C’est le même message que j’ai partagé ces derniers jours, lors de la réunion du Conseil de la Famille salésienne : La foi. Enracinons-nous toujours plus dans la personne du Christ.

C’est de cet enracinement que naît une connaissance authentique de Don Bosco. Les premiers salésiens, lorsqu’ils ont voulu écrire un livre sur le vrai Don Bosco, ne l’ont pas intitulé « Don Bosco apôtre des jeunes », mais « Don Bosco avec Dieu » – un texte écrit par Don Eugenio Ceria en 1929.
Et cela nous fait réfléchir. Pourquoi eux, qui l’avaient vu à l’œuvre tous les jours, n’ont-ils pas choisi de mettre en avant le Don Bosco infatigable, organisateur, éducateur ? Non, ils ont voulu raconter le Don Bosco profondément uni à Dieu.
Ceux qui l’ont bien connu ne se sont pas arrêtés aux apparences, mais sont allés à la racine : Don Bosco était un homme immergé en Dieu.

À la Famille salésienne, je dis : nous avons reçu un trésor. Un immense don. Mais tout don implique une responsabilité.
Dans mon discours final, j’ai dit : « Il ne suffit pas d’aimer Don Bosco, il faut le connaître. »
Et nous ne pouvons vraiment le connaître que si nous sommes des personnes de foi.

Nous devons le regarder avec les yeux de la foi. C’est seulement ainsi que nous pouvons rencontrer le croyant qu’était Don Bosco, en qui le Saint-Esprit a agi avec force : avec dynamis, avec charis, avec charisme, avec grâce.
Nous ne pouvons pas nous limiter à répéter certaines de ses maximes ou à raconter ses miracles. Car nous courons le risque de nous arrêter aux anecdotes de Don Bosco, au lieu de nous arrêter à l’histoire de Don Bosco, car Don Bosco est plus grand que Don Bosco.
Cela signifie étudier, réfléchir, approfondir. Cela signifie éviter toute superficialité.

Et alors nous pourrons dire en vérité : « Telle est ma foi, tel est mon charisme : enracinés dans le Christ, sur les pas de Don Bosco. »




Don Bosco et le Sacré-Cœur. Garder, réparer, aimer

En 1886, à la veille de la consécration de la nouvelle basilique du Sacré-Cœur au centre de Rome, le « Bulletin salésien » a voulu préparer ses lecteurs – coopérateurs, bienfaiteurs, jeunes, familles – à une rencontre vitale avec « le Cœur transpercé qui continue d’aimer ». Pendant une année entière, le Bulletin fit défiler sous les yeux du monde salésien un véritable « rosaire » de méditations. Chaque numéro reliait un aspect de la dévotion à une urgence pastorale, éducative ou sociale que Don Bosco – déjà épuisé mais lucide – considérait comme stratégique pour l’avenir de l’Église et de la société italienne. Près de cent quarante ans plus tard, cette série reste un petit traité de spiritualité du cœur, écrit dans un style simple mais plein d’ardeur, capable de conjuguer contemplation et pratique. Nous présentons ici une lecture unifiée de ce parcours mensuel, montrant comment l’intuition salésienne peut encore parler aujourd’hui.


Février – La garde d’honneur : veiller sur l’Amour blessé
            La nouvelle année liturgique s’ouvre, dans le Bulletin, sur une invitation surprenante : non seulement adorer Jésus présent dans le tabernacle, mais « faire l’heure de garde » – une heure choisie librement au cours de laquelle chaque chrétien, sans interrompre ses activités quotidiennes, se fait sentinelle aimante qui console le Cœur transpercé par l’indifférence des foules du carnaval. L’idée, née à Paray-le-Monial et adoptée dans de nombreux diocèses, devient un programme éducatif : transformer le temps en espace de réparation, enseigner aux jeunes que la fidélité naît de petits gestes constants, faire de la journée une liturgie diffuse. Le vœu qui y est lié – destiner le produit du Manuel de la Garde d’Honneur à la construction de la basilique romaine – révèle la logique salésienne : la contemplation qui se traduit immédiatement en briques, car la vraie prière édifie (littéralement) la maison de Dieu.

Mars – Charité créative : l’empreinte salésienne
            Lors de la grande conférence du 8 mai 1884, le cardinal Parocchi résuma la mission salésienne en un mot : « charité ». Le Bulletin reprend ce discours pour rappeler que l’Église conquiert le monde davantage par des gestes d’amour que par des disputes théoriques. Don Bosco ne fonde pas des écoles d’élite, mais des établissements populaires ; il ne retire pas les jeunes de leur milieu uniquement pour les protéger, mais pour les rendre à la société comme de bons citoyens. Telle est la charité « selon les exigences du siècle » : répondre au matérialisme non par des polémiques, mais par des œuvres qui montrent la force de l’Évangile. D’où l’urgence d’un grand sanctuaire dédié au Cœur de Jésus : faire resplendir au cœur de Rome un signe visible de cet amour qui éduque et transforme.

Avril – L’Eucharistie : « chef-d’œuvre du Cœur de Jésus »
            Pour Don Bosco, rien n’est plus urgent que de ramener les chrétiens à la communion fréquente. Le Bulletin rappelle qu’« il n’y a pas de catholicisme sans la Vierge Marie et sans l’Eucharistie ». La table eucharistique est « la genèse de la société chrétienne » : c’est de là que naissent la fraternité, la justice, la pureté. Si la foi languit, il faut raviver le désir du Pain vivant. Ce n’est pas un hasard si saint François de Sales a confié aux Visitandines la mission de garder le Cœur eucharistique : la dévotion au Sacré-Cœur n’est pas un sentiment abstrait, mais un chemin concret qui conduit au tabernacle et de là se répand dans les rues. Et c’est encore le chantier romain qui en est la preuve : chaque lire offerte pour la basilique devient une « brique spirituelle » qui consacre l’Italie au Cœur qui se donne.

Mai – Le Cœur de Jésus resplendit dans le Cœur de Marie
            Le mois de Marie amène le Bulletin à établir un lien entre les deux grandes dévotions. En effet, il existe entre les deux Cœurs une communion profonde, symbolisée par l’image biblique du « miroir ». Le Cœur immaculé de Marie reflète la lumière du Cœur divin, la rendant supportable aux yeux des hommes : ceux qui n’osent pas fixer le Soleil regardent sa lumière reflétée dans la Mère. Culte de latrie pour le Cœur de Jésus, « hyperdulie » pour celui de Marie : une distinction qui évite les malentendus des polémiques jansénistes d’hier et d’aujourd’hui. Le Bulletin réfute les accusations d’idolâtrie et invite les fidèles à un amour équilibré, où contemplation et mission se nourrissent mutuellement : Marie introduit au Fils et le Fils conduit à la Mère. En vue de la consécration du nouveau sanctuaire, il est demandé d’unir les deux invocations qui dominent les collines de Rome et de Turin : le Sacré-Cœur de Jésus et Marie Auxiliatrice.

Juin – Consolations surnaturelles : l’amour à l’œuvre dans l’histoire
            Deux cents ans après la première consécration publique au Sacré-Cœur (Paray-le-Monial, 1686), le Bulletin affirme que la dévotion répond au mal de l’époque : « refroidissement de la charité par surabondance d’iniquité ». Le Cœur de Jésus – Créateur, Rédempteur, Glorificateur – est présenté comme le centre de toute l’histoire : de la création à l’Église, de l’Eucharistie à l’eschatologie. Ceux qui adorent ce Cœur entrent dans un dynamisme qui transforme la culture et la politique. C’est pourquoi le pape Léon XIII a demandé à tous d’apporter leur contribution au sanctuaire romain, monument de réparation mais aussi « digue » contre le « flot immonde » de l’erreur moderne. C’est un appel qui semble actuel : sans charité ardente, la société se désagrège.

Juillet – Humilité : la physionomie du Christ et du chrétien
            La méditation estivale choisit la vertu la plus négligée : l’humilité, « gemme transplantée par la main de Dieu dans le jardin de l’Église ». Don Bosco, fils spirituel de saint François de Sales, sait que l’humilité est la porte des autres vertus et le sceau de tout véritable apostolat : celui qui sert les jeunes sans chercher la visibilité actualise « la vie cachée de Jésus pendant trente ans ». Le Bulletin démasque l’orgueil déguisé en fausse modestie et invite à cultiver une double humilité : celle de l’intelligence, qui s’ouvre au mystère, et celle de la volonté, qui obéit à la vérité reconnue. La dévotion au Sacré-Cœur n’est pas du sentimentalisme, elle est une école de pensée humble et d’action concrète, capable de construire la paix sociale parce qu’elle enlève du cœur le poison de l’orgueil.

Août – La douceur : la force qui désarme
            Après l’humilité, la douceur, une vertu qui n’est pas faiblesse mais maîtrise de soi, « le lion qui produit du miel », dit le texte en renvoyant à l’énigme de Samson. Le Cœur de Jésus apparaît doux dans l’accueil des pécheurs, ferme dans la défense du temple. Les lecteurs sont invités à imiter ce double mouvement : douceur envers les personnes, fermeté contre l’erreur. Saint François de Sales redevient un modèle : d’un ton apaisé, il a déversé des fleuves de charité dans la turbulente Genève, convertissant plus de cœurs que n’aurait pu le faire la victoire dans les polémiques pleines d’âpretés. Dans un siècle qui « pèche par manque de cœur », construire le sanctuaire du Sacré-Cœur signifie ériger un gymnase de douceur sociale – une réponse évangélique au mépris et à la violence verbale qui empoisonnaient déjà alors le débat public.

Septembre – Pauvreté et question sociale : le Cœur qui réconcilie riches et pauvres
            Le grondement du conflit social, prévient le Bulletin, menace de « réduire en miettes l’édifice civil ». Nous sommes en pleine « question ouvrière » ; les socialistes agitent les masses, les capitaux se concentrent. Don Bosco ne nie pas la légitimité de la richesse honnête, mais rappelle que la véritable révolution commence dans le cœur. Le Cœur de Jésus a proclamé bienheureux les pauvres et a lui-même vécu la pauvreté. Le remède passe par une solidarité évangélique nourrie par la prière et la générosité. Tant que le sanctuaire romain ne sera pas terminé, écrit le journal, le signe visible de la réconciliation fera défaut. Au cours des décennies suivantes, la doctrine sociale de l’Église développera ces intuitions, mais le germe est déjà là : la charité n’est pas l’aumône, c’est la justice qui naît d’un cœur transformé.

Octobre – L’enfance : sacrement de l’espérance
            « Malheur à celui qui scandalise un de ces petits ! » Sur les lèvres de Jésus, l’invitation devient un avertissement. Le Bulletin rappelle les horreurs du monde païen contre les enfants et montre comment le christianisme a changé l’histoire en confiant aux petits une place centrale. Pour Don Bosco, l’éducation est un acte religieux : c’est à l’école et à l’oratoire que l’on garde le trésor de l’Église future. La bénédiction de Jésus aux enfants, reproduite sur les premières pages du Bulletin, est la manifestation du Cœur qui « se serre comme un cœur de père » et annonce la vocation salésienne : faire de la jeunesse un « sacrement » qui rend Dieu présent dans la cité. Les écoles, les collèges, les ateliers ne sont pas facultatifs : ils sont la manière concrète d’honorer le Cœur de Jésus vivant dans les jeunes.

Novembre – Triomphes de l’Église : l’humilité qui vainc la mort
            La liturgie commémore les saints et les défunts. Le Bulletin médite sur le « triomphe doux » de Jésus entrant à Jérusalem. Cette image devient la clé de lecture de l’histoire de l’Église : succès et persécutions alternent, mais l’Église, comme le Maître, ressuscite toujours. Les lecteurs sont invités à ne pas se laisser paralyser par le pessimisme. Les ombres du moment (lois anticléricales, réduction des ordres religieux, propagande maçonnique) n’effacent pas le dynamisme de l’Évangile. Le temple du Sacré-Cœur, construit dans l’hostilité et la pauvreté, sera le signe tangible que « la pierre scellée a été renversée ». Collaborer à sa construction, c’est parier sur l’avenir de Dieu.

Décembre – La béatitude de la douleur : la Croix accueillie par le cœur
            L’année se termine par la plus paradoxale des béatitudes : « Heureux ceux qui pleurent ». La douleur, scandale pour la raison païenne, devient dans le Cœur de Jésus un chemin de rédemption et de fécondité. Le Bulletin voit dans cette logique la clé pour lire la crise contemporaine : les sociétés fondées sur le divertissement à tout prix produisent injustice et désespoir. Quand la souffrance est acceptée en union avec le Christ, elle transforme les cœurs, fortifie le caractère, stimule la solidarité, libère de la peur. Même les pierres du sanctuaire sont « des larmes transformées en espérance », petites offrandes, parfois fruit de sacrifices cachés, qui construiront un lieu d’où pleuvront, promet le journal, « des torrents de purs délices ».

Un héritage prophétique
            Dans le montage mensuel du Bulletin Salésien de 1886, la pédagogie du crescendo est frappante : on part de la petite heure de garde pour aboutir à la consécration de la douleur ; du fidèle individuel au chantier national ; du tabernacle fortifié de l’oratoire aux remparts de l’Esquilin. C’est un parcours qui s’articule autour de trois axes principaux :
            Contemplation – Le Cœur de Jésus est avant tout un mystère à adorer : veillée, Eucharistie, réparation.
            Formation – Chaque vertu (humilité, douceur, pauvreté) est proposée comme un remède social, capable de guérir les blessures collectives.
            Construction – La spiritualité devient architecture : la basilique n’est pas un ornement, mais un laboratoire de citoyenneté chrétienne.
            Sans forcer, on peut reconnaître ici une première annonce des thèmes que l’Église développera tout au long du XXe siècle : l’apostolat des laïcs, la doctrine sociale, la centralité de l’Eucharistie dans la mission, la protection des mineurs, la pastorale de la souffrance. Don Bosco et ses collaborateurs saisissent les signes des temps et y répondent avec le langage du cœur.

            Le 14 mai 1887, lorsque Léon XIII consacra la Basilique du Sacré-Cœur, par l’intermédiaire de son vicaire le Cardinal Lucido Maria Parocchi, Don Bosco – trop faible pour monter à l’autel – assista à la cérémonie caché parmi les fidèles. À ce moment-là, toutes les paroles du Bulletin de 1886 devinrent pierre vivante : la garde d’honneur, la charité éducative, l’Eucharistie centre du monde, la tendresse de Marie, la pauvreté qui réconcilie, la béatitude de la douleur. Aujourd’hui, ces pages demandent un nouveau souffle. C’est à nous, consacrés ou laïcs, jeunes ou âgés, de poursuivre la veillée, d’ériger des chantiers d’espérance, d’apprendre la géographie du cœur. Le programme reste le même, simple et audacieux : garder, réparer, aimer.