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John Lee Tae Seok, également connu sous le nom de « Father Jolly », était un salésien coréen qui a consacré sa vie à soigner les plus pauvres et les plus souffrants, en particulier au Sud-Soudan.Bien que sa vie ait été malheureusement courte, il a laissé une marque indélébile dans le cœur des personnes qu’il a rencontrées grâce à son engagement en tant que médecin, éducateur et homme de foi.Son héritage continue d’inspirer des milliers de personnes à travers le monde.
Enfance et racines de sa vocation
Yohan Lee Tae Seok (John Lee) est né le 19 septembre 1962 à Busan, une ville méridionale de la Corée du Sud. Il était le neuvième des dix enfants, quatre garçons et six filles, d’une famille profondément catholique (un frère, Tae-Young Lee, est devenu franciscain et une sœur, Christina, une consacrée dans le mouvement des Focolari).
Dès son plus jeune âge, il faisait figure de leader et avait un penchant pour le service du prochain. Il participait à la messe tous les jours et était doué pour la musique. Ayant perdu son père à l’âge de dix ans, sa mère devint son point de référence, le soutenant dans son cheminement de foi et dans ses études.
Malgré son désir de devenir prêtre dès l’âge de quinze ans, sa mère le convainquit de poursuivre ses études de médecine.
En 1987, après avoir obtenu son diplôme avec mention à l’école de médecine de l’université d’Inje, John commença à travailler comme médecin militaire pendant son service militaire obligatoire. C’est à cette époque qu’il rencontra les Salésiens par l’intermédiaire d’un aumônier militaire, une rencontre qui changera sa vie pour toujours. Déterminé à suivre la vocation salésienne, John essaya pendant des mois de communiquer sa décision à sa mère, sans succès.
Il raconte lui-même :
« C’est Marie Auxiliatrice qui a pris les choses en main.J’avais décidé de m’engager dans la vie salésienne avec une grande joie, mais j’avais hâte de communiquer ma décision à ma mère.Mon père étant décédé lorsque j’avais dix ans, ma mère avait dû travailler dur pour que je puisse faire des études de médecine.Et grâce à ses nombreux sacrifices, j’ai pu devenir médecin.J’aurais dû commencer à aider ma mère pour la récompenser des sacrifices qu’elle avait faits sans jamais rien me reprocher.C’est pourquoi il m’était si difficile de lui annoncer ma décision.Il m’était presque impossible de le lui dire.
J’avais essayé plusieurs fois, mais sans jamais réussir, car en la regardant, je perdais courage.J’ai essayé de le dire à l’une de mes sœurs avec qui je parlais de tout sans problème et à qui je confiais tout.Mais je n’y arrivais pas.Les mois passèrent sans que je puisse dire quoi que ce soit.
Mais un beau jour est arrivé.Je suis allé voir ma sœur pour un nouvel essai, mais je restai bouche bée : ma sœur savait déjà tout de ma décision.Un rêve de la nuit précédente lui avait tout expliqué.J’aimerais vous raconter le contenu de ce rêve, mais je ne peux pas le faire sans la permission de l’évêque.Quoi qu’il en soit, ma sœur raconta son rêve à ma mère et toutes mes difficultés se sont envolées en un instant.
Je n’avais pas pensé à une aide directe de Marie Auxiliatrice jusqu’à ce que j’entende, pour la première fois, de la bouche du maître des novices, que toutes les vocations salésiennes sont liées à Marie Auxiliatrice.
Je n’avais pas demandé l’aide de Marie.Marie avait remarqué ma difficulté et m’avait aidé de manière silencieuse et discrète.C’est la première expérience de Marie que j’ai pu faire.Pour moi, cette expérience a été inestimable car elle m’a permis de comprendre la réalité de « Marie secours des chrétiens » et d’apprendre l’attitude que nous devons avoir lorsque nous aidons les autres : c’est-à-dire être attentifs aux besoins des autres et être prêts à leur apporter l’aide dont ils ont besoin.À partir de ce moment-là, j’ai pu parler aux garçons avec certitude de la présence de Marie Auxiliatrice ».
La vocation salésienne et le service des pauvres
John Lee commence son noviciat le 24 janvier 1993 et fait sa première profession le 30 janvier 1994.
Après avoir terminé ses deux années d’études de philosophie à l’Université catholique de Gwangju, il fait son stage pratique dans la Maison salésienne de Dae Rim Dong, à Séoul. Là, il s’occupe de quelque 80 garçons à risque, en faisant preuve de beaucoup de créativité en classe et dans la cour de récréation. Il fait la classe à ces garçons difficiles, qui apprennent à écrire l’alphabet coréen à l’âge de 18 ans. Grâce à ses talents musicaux, il leur fait chanter chaque dimanche soir un Tantum Ergo en latin, sur un rythme pop composé par lui.
Il poursuit ses études de théologie
Envoyé à Rome pour étudier à l’Université pontificale salésienne en 1997, il rencontre un missionnaire alors en vacances, le frère Comino, qui a travaillé pendant 20 ans en Corée du Sud, puis a été envoyé au Soudan en 1991. En racontant son expérience missionnaire, il renforce le désir de John Lee de devenir missionnaire.
En voyant le film « Molokai » sur la vie du Père Damien, un missionnaire belge qui a travaillé à la léproserie de Kalaupapa sur l’île hawaïenne de Molokai, il sent en lui le désir de s’engager à vivre comme le Père Damien.
Pendant les vacances de 1999, il fait une expérience missionnaire au Kenya où il rencontre le père James Pulickal, un salésien d’origine indienne qui travaille à Tonj, au Sud-Soudan. Il se rend à Tonj alors qu’il y avait encore la guerre. Profondément impressionné, il décide de consacrer sa vie aux enfants pauvres de Tonj. Dans ce petit village du Sud-Soudan, détruit par la guerre civile, il rencontre des lépreux et des pauvres et sa vie change pour toujours.
Après avoir été ordonné prêtre en 2001, John Lee retourne à Tonj, déterminé à servir la population locale en tant que médecin, prêtre et salésien, et à traiter les malades comme s’ils étaient Jésus. Il rejoint la communauté salésienne de Tonj, composée de confrères de différentes nationalités, dans le but de reconstruire – après la guerre – la communauté chrétienne, l’oratoire, les écoles et les postes de mission dans les villages environnants.
La mission au Sud-Soudan : Tonj, un petit miracle
Après la guerre, les conditions étaient très mauvaises. Cela a incité le père John Lee Tae Seok à travailler pour améliorer la vie des villageois. Il a tout d’abord ouvert une petite clinique, qui est rapidement devenue le seul centre médical disponible dans une vaste région. Il traitait toutes sortes de maladies, souvent avec des moyens limités, mais avec un immense dévouement. En plus de fournir des soins médicaux immédiats, il s’efforça à long terme d’éduquer la population locale à la prévention des maladies et à l’hygiène, ce dont les habitants n’étaient pas conscients en raison de leur manque d’instruction.
Outre son travail de médecin, Lee Tae Seok était un éducateur infatigable. Il fonda une école pour les enfants du village, où il enseignait non seulement les matières scolaires, mais aussi les valeurs de coexistence pacifique et de respect mutuel, essentielles dans un contexte post-conflit comme celui du Sud-Soudan. Grâce à sa passion pour la musique, il apprit également aux enfants à jouer des instruments de musique, créant ainsi un groupe musical qui est devenu célèbre dans la région. Le groupe offrait non seulement aux jeunes un moyen de s’exprimer, mais il contribuait également à créer un sentiment de communauté et d’espoir pour l’avenir.
Un médecin au cœur de prêtre
Le travail de John Lee Tae Seok ne se limitait pas à la médecine et à l’éducation. En tant que prêtre, son principal objectif était d’apporter l’espérance à une population qui avait connu des années de souffrance. Il célébrait régulièrement la messe, administrait les sacrements et offrait un réconfort spirituel à ceux qui avaient tout perdu à cause de la guerre. Sa foi profonde était évidente dans tous les aspects de son travail, et sa présence apportait un sentiment de paix et d’espoir, même dans les moments les plus difficiles.
L’un des aspects les plus admirables de sa mission était sa capacité à voir la dignité humaine en chaque personne, indépendamment de son statut social ou de son état de santé. Il traitait les malades avec un immense respect et consacrait son temps à tous ceux qui avaient besoin d’aide, même lorsqu’il était épuisé par les longues heures passées à la clinique ou par le manque de ressources. Cette profonde compassion ne passait pas inaperçue : les habitants du village le considéraient non seulement comme un médecin et un prêtre, mais aussi comme un véritable ami et un frère.
La lutte contre la maladie et son héritage
Malgré son travail inlassable et l’amour qu’il portait aux autres, John Lee Tae Seok était lui-même atteint d’une grave maladie. Pendant son séjour au Sud-Soudan, il commença à montrer des signes d’une maladie, qui s’est avérée être un cancer du colon. Lorsque la maladie fut diagnostiquée, elle était déjà à un stade avancé, mais Lee Tae Seok continua son travail aussi longtemps que possible, refusant d’abandonner les personnes qui dépendaient de lui.
Le 14 janvier 2010, à l’âge de 47 ans, John Lee Tae Seok est décédé à Séoul, en Corée du Sud, après une lutte de treize mois contre le cancer. La nouvelle de sa mort a laissé un grand vide dans la communauté de Tonj et parmi tous ceux qui l’ont connu. Ses funérailles ont été un événement émouvant, des milliers de personnes ayant assisté à l’hommage rendu à un homme qui avait consacré sa vie au service des autres.
Malgré sa mort prématurée, l’héritage de John Lee Tae Seok se perpétue. Ses derniers mots ont été une invitation à poursuivre ses rêves pour Tonj : « Je ne pourrai pas réaliser mes rêves pour Tonj, mais je vous prie de les poursuivre ». La clinique qu’il a fondée à Tonj poursuit ses activités et de nombreuses personnes qu’il a formées poursuivent son œuvre tant dans le domaine médical que dans celui de l’éducation. L’orchestre qu’il a créé continue de jouer et d’apporter de la joie dans la vie des gens.
Témoignages
Le père Václav KLEMENT, salésien, qui a été son supérieur (missionnaire en Corée du Sud de 1986 à 2002), nous raconte :
« Au cours des 22 dernières années, depuis que l’obéissance m’a conduit dans beaucoup de pays en Asie de l’Est, en Océanie et dans tout le monde salésien, j’ai vu tant de petits « miracles » accomplis par le père John Lee grâce au film Don’t Cry for Me, Sudan et d’autres, à ses écrits (« Les rayons du soleil en Afrique sont encore tristes » et « Veux-tu être mon ami ? ») ou aux diverses publications qui racontent sa vie.
Un jeune étudiant japonais a fait le pas vers le catéchuménat après avoir vu le film « Don’t Cry for Me, Sudan ». Un catéchumène thaïlandais en route vers le baptême a été « confirmé » dans sa foi grâce au témoignage de la vie joyeusement sacrifiée du père John Lee. Un jeune salésien vietnamien, jouissant de tous les avantages du confort, a été réveillé et motivé pour la vie missionnaire par le film Don’t Cry for Me, Sudan. Oui, il y a beaucoup de chrétiens et de non-chrétiens qui ont été réveillés, confirmés dans la foi ou inspirés pour un parcours vocationnel grâce au père John Lee.
Les Salésiens de la Province de Corée ont lancé une nouvelle présence salésienne à Busan, la ville natale du père John Lee. En 2020, ils ont ouvert une nouvelle communauté dans le Fr. John Lee Memorial Hall à Busan, dans le quartier où John est né en 1962. Le bâtiment de quatre étages construit par le gouvernement local de Busan-Seogu est confié aux Salésiens de Don Bosco. Ainsi l’histoire du père John Lee est racontée par ses confrères salésiens immergés dans la vie du quartier qui accueillent de nombreux jeunes et fidèles pour les rapprocher du témoignage rayonnant de la vie missionnaire ».
Impact international et héritage spirituel
La spiritualité du père John Lee était profondément liée à Marie Auxiliatrice. Il interprétait de nombreux événements de sa vie comme des signes de la présence maternelle de Marie. Cette dévotion a également influencé son approche du service : aider les autres discrètement, être attentifs à leurs besoins et prêts à les soutenir.
Le père John Lee Tae Seok a pleinement incarné l’esprit salésien, consacrant sa vie aux jeunes et aux pauvres, suivant l’exemple de Don Bosco. Sa capacité à combiner médecine, éducation et spiritualité a fait de lui une figure unique, capable de laisser une empreinte durable dans un pays marqué par la souffrance.
Son œuvre se poursuit dans la « John Lee Foundation », qui continue à soutenir les œuvres salésiennes au Soudan.
Sa mémoire a été immortalisée par de nombreux prix et documentaires internationaux.
En 2011, après sa mort, le Ministère de l’Administration Publique et de la Sécurité de Corée du Sud, sur recommandation du public, lui a décerné un prix, en même temps qu’à d’autres personnes qui ont contribué au bien de la société par leur travail bénévole, leurs dons et leurs bonnes actions contre vents et marées. Il s’agit de la plus haute distinction, celle de l’Ordre Mugunghwa.
Le 9 septembre 2010, la chaîne de télévision coréenne KBS a réalisé un film sur son travail à Tonj, intitulé « Don’t Cry For Me Sudan ». Ce documentaire a touché le cœur de centaines de milliers de personnes et a contribué à faire connaître le père John Lee et sa mission dans le monde.
En 2018, le ministre de l’éducation du Soudan du Sud, Deng Deng Hoc Yai, a introduit l’étude de la vie du père John Lee dans les manuels d’études sociales pour les écoles primaires et dans deux pages du manuel de citoyenneté pour les écoles secondaires. C’est la première fois que les manuels scolaires du Sud-Soudan incluent l’histoire d’un étranger pour son service volontaire dans le pays.
Le succès du film documentaire « Don’t Cry for Me, Sudan » a incité les producteurs à continuer. Le 9 septembre 2020, le réalisateur Soo-Hwan Goo a lancé un nouveau documentaire intitulé « Resurrection », qui retrace l’histoire des étudiants de Lee dix ans après sa mort et présente environ soixante-dix d’entre eux, tant en République du Sud-Soudan qu’en Éthiopie.
John Lee Tae Seok a été un exemple vivant d’amour et de solidarité chrétienne. Sa vie nous enseigne que même dans les circonstances les plus difficiles, avec la foi et le dévouement, nous pouvons faire la différence dans le monde. Les rêves de John pour Tonj continuent de vivre grâce à ceux qui, inspirés par sa figure, travaillent à construire un avenir meilleur pour les plus pauvres et les plus démunis.
Un salésien dont on reparlera.

