Don Bosco et les titres de la Vierge

La dévotion mariale de Don Bosco naît d’une relation filiale et vivante avec la présence maternelle de Marie, expérimentée à chaque étape de sa vie. Des piliers votifs érigés pendant son enfance aux Becchi, aux images vénérées à Chieri et Turin, jusqu’aux pèlerinages accomplis avec ses garçons dans les sanctuaires du Piémont et de la Ligurie, chaque étape révèle un titre différent de la Vierge — Consolatrice, Douloureuse, Immaculée, Notre-Dame des Grâces et bien d’autres — qui parle aux fidèles de protection, de réconfort et d’espérance. Cependant, le titre qui définirait à jamais sa vénération fut « Marie Auxiliatrice » : ce fut la Vierge elle-même, selon la tradition salésienne, qui le lui indiqua. Le 8 décembre 1862, Don Bosco confia au clerc Giovanni Cagliero : « Jusqu’à présent, ajoutait-il, nous avons célébré avec solennité et pompe la fête de l’Immaculée, et c’est en ce jour que nos premières œuvres des oratoires festifs ont commencé. Mais la Vierge veut que nous l’honorions sous le titre de Marie Auxiliatrice : les temps sont si tristes que nous avons vraiment besoin que la Très Sainte Vierge nous aide à conserver et à défendre la foi chrétienne. » (MB VII, 334)

Les titres marials
            Écrire aujourd’hui un article sur les titres marials utilisés par Don Bosco pour vénérer la Sainte Vierge au cours de sa vie, peut apparaître comme une entreprise hors du temps. Quelqu’un, en effet, pourrait dire : Notre Dame n’est-elle pas une ? Quel est l’intérêt de tant de titres si ce n’est de créer la confusion ? Et puis, après tout, Marie Auxiliatrice n’est-elle pas la Madone de Don Bosco ?
Laissant aux experts les réflexions plus profondes qui justifient ces titres d’un point de vue historique, théologique et dévotionnel, nous nous contenterons de rappeler un passage de Lumen gentium. Ce document sur l’Église du Concile Vatican II nous rassure en nous rappelant que Marie est notre mère et que « par son intercession multiple, elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel. Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n’est pas achevé, et qui se trouvent engagés dans les périls et les épreuves, jusqu’à ce qu’ils parviennent à la patrie bienheureuse. C’est pourquoi la bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Église sous les titres d’Avocate, Auxiliatrice, Secourable, Médiatrice«  (Lumen Gentium 62).
Ces quatre titres admis par le Concile synthétisent à leur manière toute une série de titres et d’invocations par lesquels le peuple chrétien a appelé Marie. Les titres attribués à Marie ont fait s’exclamer le grand poète Alessandro Manzoni.
« Ô Vierge, ô Dame, ô Toute-Sainte, quels beaux noms te donnent toutes les langues ; combien de peuples superbes se vantent de ton aimable protection! » (extrait de Il nome di Maria).
La liturgie de l’Église elle-même semble comprendre et justifier les louanges adressées à Marie par le peuple chrétien, lorsqu’elle se demande : « Comment chanterons-nous tes louanges, Sainte Vierge Marie ? »
Laissons donc les doutes de côté et allons voir les titres marials chers à Don Bosco, avant même qu’il ne diffuse dans le monde entier celui de Marie Auxiliatrice.

Durant sa jeunesse
            Les édicules sacrés ou tabernacles disséminés le long des rues des villes dans de nombreuses régions d’Italie, les chapelles de campagne et les piloni (piliers votifs avec une image sainte) que l’on trouve aux carrefours des routes ou à l’entrée des chemins privés dans nos contrées, constituent un patrimoine de foi populaire qu’aujourd’hui encore le temps n’a pas effacé.
Ce serait une tâche ardue de calculer exactement combien on en trouve sur les routes du Piémont. Rien que dans la région des Becchi et de Morialdo, on en compte une vingtaine, et pas moins de quinze dans la région de Capriglio.
Il s’agit pour la plupart de piliers votifs hérités du passé et restaurés à plusieurs reprises. Il y en a aussi de plus récents qui témoignent d’une piété qui n’a pas disparu.
Le pilone le plus ancien de la région des Becchi semble remonter à 1700. Il a été érigé au fond de la « plaine » vers le Mainito, là où se réunissaient les familles qui vivaient dans l’ancienne « Scaiota », transformée plus tard en ferme salésienne, aujourd’hui en cours de rénovation.
C’est le pilone de la Consolata, avec une petite statue de la Vierge Consolatrice des affligés, toujours ornée de fleurs des champs apportées par les fidèles.
Le petit Jean Bosco a dû passer de nombreuses fois devant cet édicule sacré, enlevant son chapeau, fléchissant peut-être le genou et murmurant un Ave Maria comme sa mère le lui avait appris.
En 1958, les salésiens ont rénové le vieux pilone et, au cours d’une cérémonie solennelle, l’ont inauguré pour renouveler la dévotion au service de la communauté et de la population.
Cette petite statue de la Consolata est peut-être la première image de Marie en plein air que Don Bosco a vénérée au cours de sa vie.

Dans la vieille maison des Becchi
            Sans parler des églises de Morialdo et de Capriglio, nous ne savons pas exactement quelles images religieuses étaient accrochées aux murs de la ferme Biglione ou dans la maison des Becchi. Nous savons cependant que plus tard, dans la maison de Joseph, lorsque Don Bosco y séjournait, il a pu voir deux vieilles images sur les murs de sa chambre, l’une de la Sainte Famille et l’autre de Notre-Dame des Anges. C’est ce qu’a affirmé sœur Eulalia Bosco. Où Joseph les avait-il prises ? Est-ce que Jean les a vues quand il était petit ? Celle de la Sainte Famille est encore exposée aujourd’hui dans la pièce centrale du premier étage de la maison de Joseph. Elle représente saint Joseph assis à sa table de travail, avec l’Enfant dans ses bras, tandis que la Vierge, debout de l’autre côté, les regarde.
Nous savons également qu’à la ferme Moglia, près de Moncucco, Giovannino avait l’habitude de réciter des prières et le chapelet avec la famille des propriétaires devant un petit tableau de Notre-Dame des Douleurs, qui est toujours conservé aux Becchi au premier étage de la maison de Joseph, dans la chambre de Don Bosco, au-dessus de la tête de son lit. Il est très noirci, dans un cadre noir souligné d’or à l’intérieur.
À Castelnuovo, Giovannino avait souvent l’occasion de monter à l’église Notre-Dame du Château pour prier la Sainte Vierge. Le jour de la fête de l’Assomption, les villageois portaient en procession la statue de la Madone. Tout le monde ne sait pas que cette statue, ainsi que la peinture sur l’icône du maître-autel, représente Notre-Dame du Saint-Cordon, la Madone des Augustins.
À Chieri, comme étudiant puis comme séminariste, Jean Bosco a prié de nombreuses fois à l’autel de Notre-Dame des Grâces dans la cathédrale Santa Maria della Scala, à celui du Saint Rosaire dans l’église Saint-Dominique, et devant l’Immaculée Conception dans la chapelle du séminaire.
C’est ainsi que, dans sa jeunesse, Don Bosco a eu l’occasion de vénérer Marie sous les titres de Consolata, Notre-Dame des Douleurs, Notre-Dame des Grâces, Notre-Dame du Rosaire et Immaculée Conception.

À Turin
            Dès 1834, Jean Bosco s’était rendu à Turin à l’église Notre-Dame des Anges pour l’examen d’admission dans l’Ordre franciscain. Il y est retourné plusieurs fois pour faire les exercices spirituels, en préparation aux ordres sacrés, dans l’église de la Visitation, et a reçu les ordres sacrés dans l’église de l’Immaculée Conception, tout près du palais de l’archevêque.
Arrivé au Collège ecclésiastique de Turin, il priait certainement souvent devant l’image de l’Annonciation dans la première chapelle à droite de l’église Saint-François d’Assise. En se rendant au Duomo et en entrant, comme c’est encore la coutume aujourd’hui par le portail de droite, combien de fois se sera-t-il arrêté devant l’ancienne statue de la Madone des Grâces, connue des anciens Turinois sous le nom de « Madona Granda ».
Si l’on pense ensuite aux promenades-pèlerinages que Don Bosco faisait avec ses gamins du Valdocco dans les sanctuaires marials de Turin à l’époque de l’Oratoire itinérant, on rappellera tout d’abord le Sanctuaire de la Consolata, cœur religieux de Turin, rempli de souvenirs du premier Oratoire. C’est à la « Consola » que Don Bosco a emmené si souvent ses jeunes. C’est à la « Consola » qu’il fit recours en larmes à l’occasion de la mort de sa mère.
Mais nous ne pouvons pas oublier les sorties en ville à Notre-Dame du Pilone, à Notre-Dame de Campagna, au Mont des Capucins, à l’église de la Nativité à Pozzo Strada, à l’église des Grâces à la Crocetta.
Le voyage-pèlerinage le plus spectaculaire de ces premières années de l’Oratoire a été celui de Notre-Dame de Superga. Cette église monumentale, dédiée à la Nativité de Marie, rappelait aux gamins de Don Bosco que la Mère de Dieu est « comme une aurore qui se lève », prélude à la venue du Christ.
On voit par là que Don Bosco a fait vivre à ses garçons les mystères de la vie de Marie à travers ses plus beaux titres.

Les promenades d’automne
            En 1850, Don Bosco inaugura les promenades « hors les murs », d’abord aux Becchi et dans les environs, puis sur les collines du Monferrat jusqu’à Casale, de la région d’Alesssandria jusqu’à Tortona, et en Ligurie jusqu’à Gênes.
Pendant les premières années, sa destination principale, voire exclusive, était les Becchi et leurs environs, où il célébrait solennellement la fête du Rosaire dans la petite chapelle érigée en 1848 au rez-de-chaussée de la maison de son frère Joseph.
Les années 1857-1864 furent les années d’or des promenades d’automne, et les garçons y participaient en groupes de plus en plus importants, entrant dans les villages la fanfare en tête, accueillis dans un climat de fête par les gens et les curés locaux. Ils se reposaient dans les granges, mangeaient des repas paysans frugaux, célébraient des offices dans les églises et, le soir, donnaient des représentations sur une scène improvisée.
En 1857, la destination du pèlerinage fut Santa Maria di Vezzolano, un sanctuaire et une abbaye chers à Don Bosco, situés en contrebas du village d’Albugnano, à 5 km de Castelnuovo.
En 1861, ce fut au tour du sanctuaire de Crea, célèbre dans tout le Monferrat. Au cours de ce même voyage, Don Bosco emmena aussi ses garçons à Notre-Dame du Puits à San Salvatore.
Le 14 août 1862, depuis Vignale, où les jeunes séjournaient, Don Bosco conduisit le joyeux groupe en pèlerinage au sanctuaire de Notre-Dame des Grâces à Casorzo. Quelques jours plus tard, le 18 octobre, avant de quitter Alexandrie, ils se rendent de nouveau à la cathédrale pour prier Notre-Dame della Salve, vénérée avec grande piété par les habitants, et lui demander une heureuse conclusion de leur marche.
Toujours lors de la dernière promenade de 1864 à Gênes, sur le chemin du retour, entre Serravalle et Mornèse, un groupe conduit par Don Cagliero se rendit en pieux pèlerinage au sanctuaire de Notre-Dame de la Garde, à Gavi.
Ces excursions-pèlerinages retrouvaient les vestiges d’une religiosité populaire caractéristique de notre peuple, expression d’une dévotion mariale que Jean Bosco avait apprise de sa mère.

Et puis encore…
            Dans les années 1860, le titre de Marie Auxiliatrice commença à dominer l’esprit et le cœur de Don Bosco, avec la construction de l’église dont il rêvait depuis 1844 et qui devint alors le centre spirituel du Valdocco, l’église-mère de la Famille salésienne, le point focal de la dévotion à la Vierge, invoquée sous ce titre.
Mais les pèlerinages marials de Don Bosco ne cessèrent pas pour autant. Il suffit de le suivre dans ses longs voyages à travers l’Italie et la France pour voir combien de fois il saisissait l’occasion pour une visite fugace au sanctuaire marial du lieu.
Il suffit de le suivre de Notre-Dame d’Oropa en Piémont à Notre-Dame du Miracle à Rome, de Notre-Dame du Boschetto à Camogli à la Madone de Gennazzano, de Notre-Dame du Feu à Forli à Notre-Dame de l’Orme à Cuneo, de Notre-Dame de Bonne Espérance à Bigione à Notre-Dame des Victoires à Paris.
            Notre-Dame des Victoires, placée dans une niche dorée, est une Reine qui se tient debout en tenant son Divin Fils avec ses deux mains. Jésus a les pieds posés sur le globe étoilé représentant le monde.
C’est devant cette Reine des Victoires à Paris que Don Bosco donna un « sermon de charité » en 1883, c’est-à-dire une de ces conférences destinées à obtenir une aide pour ses œuvres de charité en faveur de la jeunesse pauvre et abandonnée. C’était sa première conférence dans la capitale française, dans le sanctuaire qui est pour les Parisiens ce qu’est le sanctuaire de la Consolata pour les Turinois.
Tel fut l’aboutissement des pérégrinations mariales de Don Bosco, commencées au pied du pilone de la Consolata, sous la « Scaiota » des Becchi.




Éduquer les facultés de l’esprit avec saint François de Sales

Saint François de Sales présente l’esprit comme la partie la plus élevée de l’âme, dirigée par l’intellect, la mémoire et la volonté. Le cœur de sa pédagogie est l’autorité de la raison, une « torche divine » qui rend l’homme véritablement humain et doit guider, éclairer et discipliner les passions, l’imagination et les sens. Éduquer l’esprit signifie donc cultiver l’intellect par l’étude, la méditation et la contemplation, exercer la mémoire comme réservoir des grâces reçues, et renforcer la volonté afin qu’elle choisisse constamment le bien. De cette harmonie jaillissent les vertus cardinales – prudence, justice, force et tempérance – qui forment des personnes libres, équilibrées et capables d’une véritable charité.

            L’esprit est considéré par François de Sales comme la partie supérieure de l’âme. Ses facultés sont l’entendement, la mémoire et la volonté. L’imagination pourrait en faire partie, dans la mesure où la raison et la volonté interviennent dans son fonctionnement. La volonté, quant à elle, est la faculté maîtresse, à laquelle il convient de réserver un traitement particulier. C’est par l’esprit que l’homme devient, selon la définition classique, un « animal raisonnable ». « Nous ne sommes hommes que par la raison », écrit François de Sales. Après « les grâces corporelles », ce sont « les dons de l’esprit » qui devront faire l’objet de nos réflexions et de notre reconnaissance, et parmi ceux-ci l’auteur de l’Introduction distingue les dons reçus de la nature et ceux acquis par l’éducation :

Considérez les dons de l’esprit : combien y a-t-il au monde de gens hébétés, enragés, insensés ; et pourquoi n’êtes-vous pas du nombre ? Dieu vous a favorisée. Combien y en a-t-il qui ont été nourris rustiquement et en extrême ignorance ; et la Providence divine vous a fait élever civilement et honorablement.

            Parmi les hommes qui ont été comblés sous ce rapport, il faut nommer le « glorieux saint Augustin », riche de « tous les dons de nature et de grâce que le Seigneur lui avait libéralement départis », et doué entre autres « d’un grand esprit, d’un bon jugement accompagné d’une heureuse mémoire ».

La raison, « divin flambeau »
            Dans son Exercice du sommeil ou repos spirituel, composé à Padoue quand il avait vingt-trois ans, François se proposait un sujet de méditation surprenant :

Je m’arrêterai en l’admiration de la beauté de la raison que Dieu a donnée à l’homme, afin qu’éclairé et enseigné par sa merveilleuse splendeur, il haïsse le vice et aime la vertu. Hé ! que ne suivons-nous la lumière brillante de ce divin flambeau, puisque l’usage nous en est donné pour voir où nous devons mettre le pied !

            « La raison naturelle est un bon arbre que Dieu a planté en nous, les fruits qui en proviennent ne peuvent être que bons », affirme l’auteur du Traité ; il est vrai qu’elle est « grandement blessée et comme à moitié morte par le péché », mais son exercice n’est pas fondamentalement entravé.
            Dans le royaume intérieur de l’homme, « la raison doit être la reine, à laquelle toutes les facultés de notre esprit, tous nos sens et notre corps même doivent demeurer absolument assujettis ». C’est la raison qui distingue l’homme de l’animal et il faut se garder d’imiter « guenons et marmots, lesquels sont toujours mornes, tristes et fâcheux au défaut de la lune, comme au contraire, au renouvellement d’icelle, ils sautent, dansent et font leurs singeries ». Il faut faire régner, dit saint François de Sales, « l’autorité de la raison ».
            Entre la partie supérieure de l’esprit, qui doit régner, et la partie inférieure de notre être, que François de Sales désigne parfois sous le nom biblique de « chair », la bataille parfois devient âpre. Chaque camp a ses alliés. L’esprit, qui est le « donjon de l’âme », est accompagné « de ses trois soldats : l’entendement, la mémoire et la volonté ». Attention donc à la chair qui complote et se cherche des alliés dans la place :

Cette chair pratique ores l’entendement, ores la volonté, ores l’imagination, lesquels se bandant contre la raison, livrent bien souvent la place, et font division et mauvais offices à la raison. […] Cette chair allèche la volonté, ores par des plaisirs, ores par des richesses ; ores elle nous met des imaginations de prétentions, ores en l’entendement une grande curiosité, tout sous espèces et prétexte de bien.

            Dans cette bataille, rien n’est perdu tant que l’esprit résiste, alors même que toutes les passions de l’âme semblent en révolte : « Si ces soldats étaient fidèles, l’esprit n’aurait aucune crainte, ains (mais) il se moquerait de ses ennemis, comme font ceux qui, ayant des munitions suffisantes, se trouvent au donjon d’une forteresse imprenable ; et ce, bien que les ennemis soient aux faubourgs, voire que la ville fût prise. » La cause de tous ces déchirements intérieurs est l’amour-propre. En effet, « nos entendements sont ordinairement si pleins de raisons, d’opinions et de considérations suggérées par l’amour-propre que cela cause de grandes guerres en l’âme ».
            En éducation, il est important de faire sentir la supériorité de l’esprit. « Le principe d’une éducation humaine est là, dit le père Lajeunie : montrer à l’enfant, dès que sa petite raison s’éveille, ce qui est beau et bien, et par l’amour du beau, le détourner du laid ; créer ainsi dans son cœur l’habitude du contrôle de ses réflexes instinctifs au lieu de les suivre servilement ; car c’est ainsi que se forme ce processus de sensualisation qui le rend esclave de ses désirs spontanés. À l’heure des choix décisifs cette habitude de céder toujours sans contrôle aux pulsions instinctives peut s’avérer catastrophique. »

L’entendement, « œil de l’âme »
            L’entendement, qui est cette faculté typiquement humaine et rationnelle de connaître et de comprendre, a souvent été comparé à la vue. On dit par exemple : « Je vois », pour dire : « J’ai compris ». Pour François de Sales, l’entendement est « l’œil de notre âme ». L’activité incroyable dont il est capable le rend semblable à « un ouvrier, lequel avec cent milliers d’yeux et de mains, comme un autre Argus, fait plus d’ouvrage que tous les ouvriers du monde, puisqu’il n’y a rien au monde qu’il ne représente ».
            Comment fonctionne l’entendement humain ? François de Sales a analysé avec précision les quatre actions dont il est capable : la simple pensée, l’étude, la méditation et la contemplation. La simple pensée s’exerce sur une grande diversité de choses, sans aucune fin, « comme font les mouches qui se vont posant sur les fleurs sans en prétendre tirer aucun suc ». L’étude au contraire se fait lorsque nous considérons les choses « pour les savoir, pour les bien entendre et pour en pouvoir bien parler », afin d’en « remplir notre mémoire », comme font les hannetons qui « se vont posant sur les roses, non pour autre fin que pour se saouler et se remplir le ventre ».
            François de Sales pourrait s’arrêter là, mais il connaît et recommande deux autres formes plus élevées. Alors que l’étude a pour but d’accroître les connaissances, la méditation se fait « pour émouvoir les affections », et particulièrement celle de l’amour. Mais l’activité suprême de l’entendement est la contemplation, qui consiste à nous réjouir du bien que nous avons connu au moyen de la méditation et que nous avons aimé par le moyen de cette connaissance ; nous ressemblons cette fois aux petits oiseaux de la volière qui prennent plaisir à « donner du plaisir à leur maître ». Avec la contemplation l’esprit humain parvient à son sommet ; l’auteur du Traité de l’amour de Dieu dira que la raison « vivifie enfin l’entendement même par la contemplation ».
            Revenons à l’étude, cette activité de l’entendement qui nous intéresse plus particulièrement. « C’est un vieil axiome entre les philosophes, dit François de Sales, que tout homme désire de savoir ». Reprenant à son compte cette affirmation d’Aristote ainsi que l’exemple de Platon, il veut montrer que c’est là un grand privilège. Ce qu’il veut savoir, c’est la vérité. La vérité est plus belle que « cette fameuse Hélène, pour la beauté de laquelle moururent tant de Grecs et de Troyens ». L’esprit est fait pour la recherche de la vérité : « La vérité est l’objet de notre entendement, qui a, par conséquent, tout son contentement à découvrir et connaître la vérité des choses ». Quand l’esprit trouve quelque chose de nouveau, il en ressent une joie intense, et quand on a commencé à trouver quelque chose de beau, on est porté à poursuivre la recherche, « comme ceux qui ont trouvé une minière d’or fouillent toujours plus avant pour trouver davantage de ce tant désiré métal ». La vérité suprême étant Dieu, c’est la connaissance de Dieu qui est la science suprême qui remplit notre esprit. C’est lui qui nous « a donné l’entendement pour le connaître » ; hors de lui, que de « pensées vaines et cogitations inutiles » !

Cultiver son intelligence
            L’homme se caractérise par un grand désir de savoir. C’est ce désir « qui fit sortir d’Athènes et tant courir ce grand Platon », et qui « fit renoncer ces anciens philosophes à leurs commodités corporelles ». Certains vont même jusqu’à jeûner « pour mieux étudier ». C’est que l’étude nous procure un plaisir intellectuel, supérieur aux plaisirs sensuels et difficile à arrêter : « L’amour intellectuel trouvant en l’union qu’il fait à son objet plus de contentement qu’il n’avait espéré, y perfectionnant sa connaissance, il la continue en s’unissant et s’unit toujours plus en la continuant ».
            Il s’agit de « bien éclairer l’entendement » en s’efforçant de le « purger » des ténèbres de l’ignorance. François de Sales insiste sur la valeur de l’étude et de l’apprentissage : « Étudiez toujours de plus en plus, en esprit de diligence et d’humilité », écrivait-il à un étudiant. Mais il ne suffit pas de purger l’entendement de ses ignorances, il faut aussi le « parer et orner », le « tapisser de considérations ». Pour savoir parfaitement une chose, il faut bien apprendre, prendre du temps, en « assujettissant » l’entendement, c’est-à-dire en l’obligeant à se fixer sur une chose, avant de passer à une autre.
            Le jeune François appliquait son esprit non seulement aux études et aux connaissances intellectuelles, mais aussi à certains sujets essentiels à la vie de l’homme sur la terre, notamment à la « considération de la vanité des grandeurs, des richesses, des honneurs, des commodités et des voluptés de ce monde » ; à la « considération de la laideur, de l’abjection et de la déplorable misère qui se retrouve au vice et au péché » et à la « connaissance de l’excellence de la vertu ».
            L’esprit humain est souvent distrait, il oublie, il est superficiel, se contentant d’une connaissance vague ou vaine. Par la méditation, non seulement des vérités éternelles, mais aussi des phénomènes et des actions de ce monde, il devient capable d’une vision plus réaliste et plus profonde de la réalité. C’est pourquoi les méditations que l’auteur propose à Philothée comportent une première partie intitulée « considérations ». Considérer veut dire appliquer son esprit à un objet bien précis, l’examiner avec attention sous ses divers aspects. François de Sales invite Philothée à « penser », à « voir », à examiner les différents « points », dont certains méritent d’être considérées « à part ». Il exhorte à voir les choses en général et à descendre dans les cas particuliers. Il veut que l’on examine les principes, les causes et les conséquences de telle vérité ou de telle situation, ainsi que les circonstances qui les accompagnent. Il faut aussi savoir « peser » certaines paroles ou sentences dont l’importance risque de nous échapper, les considérer une à une, les comparer l’une à l’autre.
            Comme en toute chose, il peut y avoir des excès ou des déformations dans le désir de savoir. Attention à la vanité du faux savant : il en est en effet qui, « pour un peu de science, veulent être honorés et respectés du monde, comme si chacun devait aller à l’école chez eux et les tenir pour maîtres : c’est pourquoi on les appelle pédants ». Or, « la science nous déshonore quand elle nous enfle et qu’elle dégénère en pédanterie ». Quel ridicule de vouloir instruire Minerve, la déesse de la sagesse ! « La peste de la science est la présomption, laquelle rend les esprits enflés et hydropiques, ainsi que sont d’ordinaire les savants du monde ».
            Quand notre esprit se pose sur des questions qui nous dépassent et qui sont du domaine des mystères de la foi, il faut le « purger de toute curiosité », il faut le « tenir clos et couvert à telles vaines et sottes questions et curiosités ». C’est la « pureté d’entendement », « seconde modestie » ou « intérieure modestie ». Enfin il faut savoir que l’entendement peut se tromper et qu’il existe des « péchés de l’entendement », comme celui que François de Sales reproche à madame de Chantal qui s’était trompée dans la trop grande estime qu’elle avait de son directeur.

La mémoire et ses « magasins »
            Comme l’entendement, la mémoire est une faculté de l’esprit qui suscite l’admiration. François de Sales la compare à un magasin « qui vaut plus que tous ceux d’Anvers ou de Venise ». Ne dit-on pas « emmagasiner » dans sa mémoire ? La mémoire est un soldat dont la fidélité nous est bien utile. Elle est un don de Dieu, déclare l’auteur de l’Introduction : Dieu vous l’a donnée, dit-il à Philothée, « pour vous souvenir de lui », l’invitant à fuir les « souvenirs détestables et frivoles ».
            Cette faculté de l’esprit humain a besoin d’entraînement. Quand il était étudiant à Padoue, le jeune François exerçait sa mémoire non seulement dans les études, mais aussi dans sa vie spirituelle, où le souvenir des bienfaits reçus est un élément primordial. C’est par elle qu’il faut commencer :

Avant toute autre chose, je tâcherai à rafraîchir ma mémoire de tous les bons mouvements, désirs, affections, résolutions, projets, sentiments et douceurs qu’autrefois la divine Majesté m’a inspirés et fait expérimenter en la considération de ses saints mystères, de la beauté de la vertu, de la noblesse de son service et d’une infinité de bénéfices qu’elle m’a très libéralement départis ; je mettrai ordre aussi à me ramentevoir (souvenir) de l’obligation que je lui ai de ce que, par sa sainte grâce, elle a quelquefois débilité mes sens en m’envoyant certaines maladies et infirmités lesquelles m’ont grandement profité.

            Dans les difficultés et les craintes, il est indispensable de se servir de la mémoire pour « nous ressouvenir des promesses » et « demeurer fermes en cette confiance que tout périra plutôt que ces promesses viennent à manquer ». Cependant, la mémoire du passé n’est pas toujours bonne. En certaines circonstances exceptionnelles de la vie spirituelle, il « la faut purger de la souvenance des choses caduques et affaires mondaines », oublier pour un temps les choses matérielles et temporelles, quoique bonnes et utiles. Dans le domaine moral, et pour exercer les vertus, la personne qui s’est sentie offensée prendra une mesure radicale : « J’ai trop de mémoire des piques et injures, je la perdrai dorénavant ».

« Il faut avoir l’esprit juste et raisonnable »
            Les capacités de l’esprit humain, notamment de l’entendement et de la mémoire, ne sont pas destinées seulement aux prouesses intellectuelles, mais aussi et avant toute chose à la conduite de la vie. Chercher à comprendre l’homme, à comprendre la vie et à définir les normes de comportement selon la raison, telle devrait être une des tâches fondamentales de l’esprit humain et de son éducation. La partie centrale de l’Introduction, qui traite de « l’exercice des vertus », contient vers la fin un chapitre qui résume en quelque sorte l’enseignement de François de Sales sur les vertus : « Il faut avoir l’esprit juste et raisonnable ».
            Avec finesse et un brin d’humour, l’auteur dénonce nombre de conduites bizarres, folles ou simplement injustes : « Nous accusons pour peu le prochain, et nous nous excusons en beaucoup » ; « nous voulons vendre fort cher, et acheter à bon marché » ; « ce que nous faisons pour autrui nous semble toujours beaucoup, ce qu’il fait pour nous n’est rien » ; « nous avons un cœur doux, gracieux et courtois en notre endroit, et une cœur dur, sévère, rigoureux envers le prochain » ; « nous avons bien deux poids : l’un pour peser nos commodités avec le plus d’avantage que nous pouvons, l’autre pour peser celles du prochain avec le plus de désavantage qu’il se peut ». Pour bien juger, conseille-t-il à Philothée, il faut se mettre toujours à la place du prochain : « Rendez-vous vendeuse en achetant et acheteuse en vendant ». On ne perd rien à vivre « généreusement, noblement, courtoisement, et avec un cœur royal, égal et raisonnable ».
            C’est la raison qui est à la base de l’édifice de l’éducation. Certains parents n’ont pas l’esprit juste car « il y a des enfants vertueux que leurs pères et mères ne peuvent presque pas voir, pour quelque imperfection corporelle ; il y a des vicieux qui sont les favoris, pour quelque grâce corporelle ». Il y a des éducateurs et des responsables qui se laissent aller à des préférences. « Tenez bien la balance droite entre les filles », recommandait-il à une supérieure de la Visitation, afin que « les dons naturels ne vous fassent point distribuer iniquement vos affections et bons offices ». Il ajoutait même : « La beauté, la bonne grâce, le bien parler donnent souvent de grands attraits aux personnes qui vivent encore selon leurs inclinations; la charité regarde la vraie vertu et la beauté cordiale, et se répand sans particularité ».
            Mais c’est la jeunesse surtout qui court les risques les plus grands, car si « l’amour-propre nous détraque ordinairement de la raison », cela se vérifie peut-être davantage encore chez les jeunes tentés par la vanité et l’ambition. François de Sales explique au jeune homme qui va « prendre la haute mer du monde », la nature exacte de ces deux écueils qu’il va rencontrer :

Comme la vanité est un manquement de courage, qui, n’ayant pas la force d’entreprendre l’acquisition de la vraie et solide louange, en veut et se contente d’en avoir de la fausse et vide, aussi l’ambition est un excès de courage qui nous porte à pourchasser des gloires et honneurs sans et contre la règle de la raison. Ainsi, la vanité fait qu’on s’amuse à ces folâtres galanteries qui sont à louange devant les femmes et autres esprits minces, et qui sont à mépris devant les grands courages et esprits relevés ; et l’ambition fait que l’on veut avoir des honneurs avant que les avoir mérités. C’est elle qui nous fait mettre en compte pour nous, et à trop haut prix, le bien de nos prédécesseurs, et voudrions volontiers tirer notre estime de la leur.

            La raison d’un jeune homme risque de se perdre surtout quand celui-ci se laisse « embarrasser parmi les amourettes ». Attention donc, écrit l’évêque au jeune homme, à ne « point permettre à vos affections de prévenir votre jugement et raison au choix des sujets aimables: car quand une fois l’affection a pris course, elle traîne le jugement comme un esclave, à des choix fort impertinents et dignes du repentir qui les suit par après bientôt ». Il expliquait de même aux religieuses de la Visitation que « nos entendements sont ordinairement si pleins de raisons, d’opinions et de considérations suggérées par l’amour-propre que cela cause de grandes guerres en l’âme ».

La raison, source des quatre vertus cardinales
            La raison ressemble au fleuve du paradis, « que Dieu fait sourdre pour arroser tout l’homme en toutes ses facultés et exercices » ; il se divise en quatre bras, qui correspondent aux quatre vertus que la tradition philosophique appelle les quatre vertus cardinales : la prudence, la justice, la force et la tempérance. « Toutes les vertus sont vertus par la convenance ou conformité qu’elles ont à la raison ; et une action ne peut être dite vertueuse si elle ne procède de l’affection que le cœur porte à l’honnêteté et beauté de la raison ». Et le chemin du bonheur passe par une vie vertueuse guidée par la raison et caractérisée par ces quatre vertus.
            La prudence « incline notre entendement à véritablement discerner le mal qui doit être évité, d’avec le bien qui doit être fait ». Attention aux passions qui risquent de déformer notre jugement en ruinant la prudence ! La prudence ne s’oppose pas à la simplicité : nous serons à la fois « prudents comme le serpent, pour n’être pas déçus (trompés) ; simples comme la colombe, pour ne point tromper personne ».
            La justice consiste à « rendre à Dieu, au prochain et à soi-même ce qu’il est obligé ». À Dieu nous rendons « la révérence, hommage et soumission que nous lui devons comme à notre souverain Seigneur et principe ». La justice envers les parents comporte le devoir de la piété, laquelle « s’étend à tous les offices qui se peuvent légitimement rendre, soit en honneur, soit en service ».
            La vertu de force sert à « vaincre les difficultés qu’on sent à faire le bien et repousser le mal ». C’est elle qui gouverne « l’appétit irascible ». Elle est bien nécessaire, parce que l’appétit sensuel est « un sujet rebelle, séditieux, remuant ». Quand la raison domine sur les passions, la colère fait place à la douceur, sa grande alliée. Souvent, la force s’accompagne de la magnanimité, « une vertu qui nous porte et incline aux actions grandes et relevées ».
            Enfin la tempérance est indispensable « pour réprimer les inclinations insolentes de la sensualité », elle gouverne « l’appétit de convoitise » et modère les passions. Si l’âme se passionne trop pour la jouissance des cinq sens corporels, elle s’abaisse et se rend incapable de jouissances plus hautes. La vigilance sur nos sens est donc de rigueur, principalement sur les deux sens du toucher et du goût, qui sont « plus grossiers, brutaux et impétueux ».
            En conclusion, ces quatre vertus sont comme des manifestations de cette lumière naturelle que nous fournit la raison. En pratiquant ces vertus, la raison fera « l’exercice de sa supériorité et de l’autorité qu’elle a de ranger les appétits sensuels ».




Avec Nino Baglieri, pèlerin de l’Espérance, sur le chemin du Jubilé

Le parcours du Jubilé 2025, dédié à l’Espérance, trouve un témoin lumineux dans l’histoire du Serviteur de Dieu Nino Baglieri. De la chute dramatique qui le rendit tétraplégique à dix-sept ans jusqu’à sa renaissance intérieure en 1978, Baglieri est passé de l’ombre du désespoir à la lumière d’une foi active, transformant son lit de douleur en chaire de joie. Son histoire tisse les cinq signes jubilaires – pèlerinage, porte, profession de foi, charité et réconciliation – montrant que l’espérance chrétienne n’est pas une fuite, mais une force qui ouvre l’avenir et soutient chaque chemin.

1. L’espérance comme attente
            L’espérance, selon le dictionnaire en ligne Treccani, est un sentiment d’« attente confiante dans la réalisation, présente ou future, de ce que l’on désire ». L’étymologie du substantif « espérance » vient du latin spes, lui-même dérivé de la racine sanskrite spa– qui signifie tendre vers un but. En espagnol, « espérer » et « attendre » se traduisent par le verbe esperar, qui rassemble en un seul terme les deux significations, comme si on ne pouvait attendre que ce que l’on espère. Cet état d’esprit nous permet d’affronter la vie et ses défis avec courage et une lumière toujours ardente dans le cœur. L’espérance s’exprime – en positif ou en négatif – aussi dans certains proverbes populaires : « L’espérance est la dernière à mourir », « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir », « Qui vit d’espérance meurt désespéré ».
            Comme s’il avait voulu recueillir ce sentiment universel concernant l’espérance, mais conscient de devoir aider à redécouvrir l’espérance dans sa dimension la plus pleine et vraie, le pape François a voulu consacrer le Jubilé ordinaire de 2025 à l’Espérance. Spes non confundit (L’espérance ne déçoit pas) est la bulle d’indiction de ce Jubilé. Mais déjà en 2014 il disait : « La résurrection de Jésus n’est pas la fin heureuse d’un beau conte, ce n’est pas le happy end d’un film ; mais c’est l’intervention de Dieu le Père là où l’espérance humaine s’effondre. Quand tout semble perdu, dans la douleur, où tant de personnes ressentent le besoin de descendre de la croix, c’est le moment le plus proche de la résurrection. La nuit devient plus sombre juste avant que le matin commence, avant que la lumière commence. Au moment le plus sombre, Dieu intervient et ressuscite » (cf. Audience du 16 avril 2014).
            C’est dans ce contexte que s’insère parfaitement l’histoire du Serviteur de Dieu Nino Baglieri (Modica, 1er mai 1951 – 2 mars 2007). Jeune maçon de dix-sept ans, tombé d’un échafaudage haut de dix-sept mètres à cause de la rupture soudaine d’une planche, il s’écrasa au sol et devint tétraplégique. Depuis cette chute, le 6 mai 1968, il ne pouvait bouger que la tête et le cou, dépendant à vie des autres pour tout, même pour les choses les plus simples et humbles. Nino ne pouvait même pas serrer la main d’un ami ou caresser sa mère… et voyait s’évanouir la possibilité de réaliser ses rêves. Quelle espérance de vie a maintenant ce jeune ? Dans quels sentiments peut-il affronter la situation ? Quel avenir l’attend ? La première réponse de Nino fut le désespoir, l’obscurité totale face à une quête de sens sans réponse. D’abord un long pèlerinage dans des hôpitaux de différentes régions italiennes, puis la compassion des amis et connaissances qui le conduisent à se rebeller et à s’enfermer dans dix longues années de solitude et de colère, tandis que le tunnel de la vie devient de plus en plus profond.
            Dans la mythologie grecque, Zeus confie à Pandore un vase contenant tous les maux du monde. Une fois ouvert, les hommes perdent l’immortalité et commencent une vie de souffrance. Pour les sauver, Pandore ouvre de nouveau le vase et libère elpis, l’espérance, restée au fond : c’était le seul antidote aux afflictions de la vie. En regardant plutôt vers le Donateur de tout bien, nous savons que « l’espérance ne déçoit pas » (Rm 5,5). Le pape François écrit dans Spes non confundit : « Sous le signe de cette espérance, l’apôtre Paul insuffle courage à la communauté chrétienne de Rome […]. Tous espèrent. Dans le cœur de chaque personne est enfermée l’espérance comme désir et attente du bien, sans savoir ce que demain apportera. L’imprévisibilité du futur suscite cependant des sentiments parfois opposés qui vont de la confiance à la crainte, de la sérénité au découragement, de la certitude au doute. Nous rencontrons souvent des personnes découragées, qui regardent l’avenir avec scepticisme et pessimisme, comme si rien ne pouvait leur offrir le bonheur. Que le Jubilé soit pour tous une occasion de raviver l’espérance » (ibid., 1).

2. Le Témoin du « désespoir » devient « ambassadeur » de l’espérance
            Revenons à l’histoire de notre Serviteur de Dieu, Nino Baglieri.
            Il faut dix longues années avant que Nino ne sorte du tunnel du désespoir, que les ténèbres épaisses se dissipent et que la Lumière entre. C’était l’après-midi du 24 mars, Vendredi saint 1978, lorsque le père Aldo Modica, avec un groupe de jeunes, se rendit chez Nino, sollicité par sa mère Peppina et par quelques personnes fréquentant le chemin du Renouveau dans l’Esprit, alors à ses débuts dans la paroisse salésienne voisine. Nino écrit : « Pendant qu’ils invoquaient l’Esprit Saint, j’ai ressenti une sensation étrange, une grande chaleur envahissait mon corps, un fort picotement dans toutes mes membres, comme si une nouvelle force entrait en moi et que quelque chose de vieux en sortait. À ce moment-là, j’ai dit mon “oui” au Seigneur, j’ai accepté ma croix et je suis né à une vie nouvelle, je suis devenu un homme nouveau. Dix ans de désespoir effacés en quelques instants, car une joie inconnue est entrée dans mon cœur. Je désirais la guérison de mon corps, mais le Seigneur me gratifiait d’une joie encore plus grande : la guérison spirituelle ».
            Commence alors pour Nino un nouveau chemin : de « témoin du désespoir » il devient « pèlerin de l’espérance ». Non plus isolé dans sa petite chambre, mais « ambassadeur » de cette espérance, il raconte son vécu à travers une émission diffusée par une radio locale et – grâce encore plus grande – le bon Dieu lui donne la joie de pouvoir écrire avec la bouche. Nino raconte : « En mars 1979, le Seigneur m’a fait un grand miracle : j’ai appris à écrire avec la bouche. Voici comment j’ai commencé. J’étais avec mes amis qui faisaient leurs devoirs, j’ai demandé qu’on me donne un crayon et un cahier, j’ai commencé à faire des signes et à dessiner quelque chose, puis j’ai découvert que je pouvais écrire et j’ai commencé à écrire ». Il commence alors à rédiger ses mémoires et à avoir des contacts par lettre avec des personnes de toutes catégories et de différentes parties du monde, des milliers de lettres encore conservées aujourd’hui. L’espérance retrouvée le rend créatif. Nino redécouvre le goût des relations et veut devenir – autant que possible – indépendant : avec l’aide d’une baguette qu’il utilise avec la bouche, et d’un élastique fixé au téléphone, il compose les numéros pour communiquer avec beaucoup de personnes malades, pour leur adresser un mot de réconfort. Il découvre une nouvelle manière d’affronter sa condition de souffrance, qui le fait sortir de l’isolement et le conduit à devenir témoin de l’Évangile de la joie et de l’espérance : « Maintenant, il y a beaucoup de joie dans mon cœur, en moi il n’y a plus de douleur, dans mon cœur il y a Ton amour. Merci Jésus mon Seigneur. De mon lit de douleur je veux te louer et de tout mon cœur te remercier parce que tu m’as appelé à connaître la vie, à connaître la vraie vie ».
            Nino a changé de perspective, il a opéré un virage à 360° – le Seigneur lui a offert la conversion – il a placé sa confiance en ce Dieu miséricordieux qui, à travers la « malchance », l’a appelé à travailler dans sa vigne, pour être signe et instrument de salut et d’espérance. Ainsi, beaucoup de personnes qui venaient le voir pour le consoler en ressortaient consolées, les larmes aux yeux. Elles ne trouvaient pas sur ce petit lit un homme triste et abattu, mais un visage souriant qui dégageait – malgré tant de souffrances, dont les plaies et les problèmes respiratoires – la joie de vivre : le sourire était une constante sur son visage et Nino se sentait « utile dans un lit de croix ». Nino Baglieri est l’opposé de beaucoup de personnes d’aujourd’hui, toujours à la recherche du sens de la vie, qui visent le succès facile et le bonheur des choses éphémères et sans valeur, vivent en ligne, consomment la vie en un clic, veulent tout et tout de suite mais ont les yeux tristes, éteints. Nino, en apparence, n’avait rien, pourtant il avait la paix et la joie dans le cœur. Il n’a pas vécu isolé, mais soutenu par l’amour de Dieu exprimé par l’étreinte et la présence de toute sa famille et de plus en plus de personnes qui le connaissent et entrent en relation avec lui.

3. Raviver l’espérance
            Construire l’espérance, c’est chaque fois que je ne me contente pas de ma vie et que je m’engage à la changer. Chaque fois que je ne me laisse pas endurcir par les expériences négatives et que j’empêche qu’elles me rendent méfiant. Chaque fois que je tombe et que j’essaie de me relever, que je ne permets pas aux peurs d’avoir le dernier mot. Chaque fois que, dans un monde marqué par les conflits, je choisis la confiance avec le désir de la relancer toujours, avec tous. Chaque fois que je ne fuis pas le rêve de Dieu qui me dit : « je veux que tu sois heureux », « je veux que tu aies une vie pleine… pleine aussi de sainteté ». Le sommet de la vertu de l’espérance est en effet un regard vers le Ciel pour bien habiter la terre ou, comme dirait Don Bosco, marcher avec les pieds sur la terre et le cœur au Ciel.
            Dans ce sillon d’espérance s’accomplit le jubilé qui, avec ses signes, nous demande de nous mettre en route, de franchir certaines frontières.
            Premier signe : le pèlerinage. Quand on se déplace d’un lieu à un autre, on est ouvert à la nouveauté, au changement. Toute la vie de Jésus a été « une mise en route », un chemin d’évangélisation qui s’accomplit dans le don de la vie puis au-delà, dans la Résurrection et l’Ascension.
            Deuxième signe : la porte. En Jn 10,9 Jésus affirme : « Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira et trouvera un pâturage ». Passer la porte, c’est se laisser accueillir, être communauté. Dans l’évangile, on parle aussi de la « porte étroite » : le Jubilé devient un chemin de conversion.
            Troisième signe : la profession de foi. Il s’agit d’exprimer l’appartenance au Christ et à l’Église en le déclarant publiquement.
            Quatrième signe : la charité. La charité est le mot de passe pour le ciel. En 1 P 4,8 nous lisons cette exhortation de l’apôtre Pierre : « Gardez entre vous une grande charité, car la charité couvre une multitude de péchés ».
            Cinquième signe :la réconciliation et l’indulgence jubilaire. Le jubilé est un « temps favorable » (cf. 2Co 6,2) qui nous permet d’expérimenter la grande miséricorde de Dieu et de parcourir des chemins de rapprochement et de pardon envers nos frères ; de vivre la prière du Notre Père où l’on demande : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». C’est devenir des créatures nouvelles.
            Dans la vie de Nino, il y a aussi des épisodes qui le rattachent – grâce au « fil » de l’espérance – à ces dimensions jubilaires. Par exemple, le repentir pour quelques bêtises de son enfance. Il raconte qu’à trois, « nous volions dans la sacristie les offrandes des messes, qui nous servaient à jouer au baby-foot. Quand on rencontre de mauvaises compagnies, elles te mènent sur de mauvais chemins. De plus, l’un de nous a pris le trousseau de clés de l’Oratoire et l’a caché dans mon sac d’école qui était dans le bureau ; ils ont trouvé les clés, ont appelé les parents, nous ont donné deux gifles et nous ont exclus de l’école. Quelle honte ! ». Mais surtout dans la vie de Nino, il y a la charité : aider le frère pauvre, celui qui est dans l’épreuve physique et morale, se rendre proche de ceux qui ont aussi des difficultés psychologiques et atteindre par écrit nos frères en prison pour leur témoigner la bonté et l’amour de Dieu. Nino, qui avant la chute avait été maçon, a dit : « J’aimais construire de mes mains quelque chose qui reste dans le temps. Même maintenant, écrit-il, je me sens un maçon qui travaille dans le Royaume de Dieu, pour laisser quelque chose qui dure dans le temps, pour voir les Œuvres Merveilleuses que Dieu accomplit dans notre Vie ». Il ajoute cette confidence : « Mon corps semble mort, mais dans ma poitrine mon cœur continue de battre. Mes jambes ne bougent pas, et pourtant, à travers le monde, je marche ».

4. Pèlerin en marche vers le ciel
            Nino, devenu coopérateur salésien de la grande Famille Salésienne, conclut son « pèlerinage » terrestre le vendredi 2 mars 2007 à 8h00 du matin, à seulement 55 ans, dont 39 passés comme tétraplégique entre le lit et le fauteuil roulant, après avoir demandé pardon à sa famille pour les difficultés qu’elle a dû affronter à cause de sa condition. Il quitte la scène du monde en survêtement et baskets, comme il l’avait expressément demandé, pour courir dans les prairies vertes fleuries et sautiller comme une biche le long des cours d’eau. Nous lisons dans son Testament spirituel : « Je ne finirai jamais de te remercier, ô Seigneur, de m’avoir appelé à Toi à travers la Croix le 6 mai 1968. Une croix lourde pour mes jeunes forces… ». Le 2 mars, la vie – don continu qui part des parents et est peu à peu nourri avec émerveillement et beauté – offre à Nino Baglieri son plus beau cadeau : l’étreinte de son Seigneur et Dieu, accompagné de la Vierge Marie.
            À l’annonce de son départ, un chœur unanime s’élève de tous côtés : « un saint est mort », un homme qui a fait de son lit de croix l’étendard de la vie pleine, un don pour tous. Donc un grand témoin de l’espérance.
            Cinq ans après sa mort, comme prévu par les Normae Servandae in Inquisitionibus ab Episcopis faciendis in Causis Sanctorum de 1983, l’évêque du diocèse de Noto, à la demande du Postulateur général de la Congrégation Salésienne, après avoir consulté la Conférence épiscopale sicilienne et obtenu le Nihil obstat du Saint-Siège, ouvre l’enquête diocésaine pour la cause de béatification et canonisation du Serviteur de Dieu Nino Baglieri.
            Le procès diocésain, qui a duré 12 ans, s’est déroulé selon deux axes principaux : le travail de la Commission historique qui a recherché, collecté, étudié et présenté de nombreuses sources, surtout des écrits « du » et « sur » le Serviteur de Dieu ; le Tribunal ecclésiastique, responsable de l’enquête, qui a également entendu sous serment les divers témoins.
            Ce parcours s’est achevé le 5 mai 2024 en présence de Mgr Salvatore Rumeo, évêque actuel du diocèse de Noto. Quelques jours plus tard, les actes du procès ont été remis au Dicastère pour les Causes des Saints qui les a ouverts le 21 juin 2024. Début 2025, ce même Dicastère a décrété leur « validité juridique », permettant à la phase romaine de la Cause d’entrer dans le vif du sujet.
            Actuellement, la contribution à la Cause continue en faisant connaître la figure de Nino. Celui-ci a laissé à la fin de son chemin terrestre la recommandation suivante : « Ne me laissez pas sans rien faire. Je continuerai ma mission depuis le ciel. Je vous écrirai du Paradis ».
            Le chemin de l’espérance en sa compagnie devient ainsi désir du Ciel, quand « nous nous rencontrerons face à face avec la beauté infinie de Dieu (cf. 1Co 13,12) et pourrons lire avec une joyeuse admiration le mystère de l’univers, qui participera avec nous à la plénitude sans fin […]. En attendant, nous nous unissons pour prendre soin de cette maison qui nous a été confiée, sachant que ce qu’il y a de bon en elle sera accueilli dans la fête du ciel. Avec toutes les créatures, nous marchons sur cette terre en cherchant Dieu […]. Marchons en chantant ! » (cf. Laudato Si’, 243-244).

Roberto Chiaramonte




Don Pietro Ricaldone renaît à Mirabello Monferrato

Don Pietro Ricaldone (Mirabello Monferrato, 27 avril 1870 – Rome, 25 novembre 1951) fut le quatrième successeur de Don Bosco à la tête des Salésiens, un homme d’une vaste culture, d’une profonde spiritualité et d’un grand amour pour les jeunes. Né et élevé au milieu des collines du Monferrat, il porta toujours en lui l’esprit de cette terre, le traduisant dans un engagement pastoral et éducatif qui allait faire de lui une figure d’envergure internationale. Aujourd’hui, les habitants de Mirabello Monferrato souhaitent le faire revivre dans sa patrie.

Le Comité Don Pietro Ricaldone : renaissance d’un héritage (2019)
En 2019, un groupe d’anciens et anciennes élèves, d’historiens et de passionnés des traditions locales a créé le Comité Don Pietro Ricaldone à Mirabello Monferrato. L’objectif – simple et ambitieux à la fois – a été dès le début de replacer la figure de Don Pietro au cœur du village et des jeunes, afin que son histoire et son héritage spirituel ne se perdent pas.

Pour préparer le 150e anniversaire de sa naissance (1870–2020), le Comité a exploré les Archives Historiques Municipales de Mirabello et les Archives Historiques Salésiennes, découvrant des lettres, des notes et d’anciens volumes. De ce travail est née une biographie illustrée, conçue pour les lecteurs de tous âges, où la personnalité de Ricaldone se révèle de manière claire et captivante. La collaboration avec Don Egidio Deiana, spécialiste de l’histoire salésienne, a été fondamentale durant cette phase.

En 2020, une série d’événements était prévue – expositions photographiques, concerts, spectacles de théâtre et de cirque – tous centrés sur la mémoire de Don Pietro. Bien que la pandémie ait obligé à reprogrammer une grande partie des festivités, un événement commémoratif a eu lieu en juillet de la même année, comprenant une exposition photographique sur les étapes de la vie de Ricaldone, une animation pour enfants avec des ateliers créatifs et une célébration solennelle, en présence de quelques Supérieurs Salésiens.
Cette rencontre a marqué le début d’une nouvelle saison d’attention portée à la commune de Mirabello.

Au-delà du 150e : le concert pour le 70e anniversaire de sa mort
L’enthousiasme suscité par la redécouverte de la figure de Don Pietro Ricaldone a conduit le Comité à prolonger ses activités au-delà du 150e anniversaire.
En vue du 70e anniversaire de sa mort (25 novembre 1951), le Comité a organisé un concert intitulé « Hâter l’aube radieuse du jour tant désiré », une phrase tirée de la circulaire de Don Pietro sur le Chant Grégorien de 1942.
En pleine Seconde Guerre mondiale, Don Pietro – alors Recteur Majeur – écrivit une célèbre circulaire sur le Chant Grégorien dans laquelle il soulignait l’importance de la musique comme voie privilégiée pour ramener les cœurs des hommes à la charité, à la douceur et surtout à Dieu : « D’aucuns s’étonneront peut-être que, dans un tel fracas d’armes, je vous invite à vous occuper de musique. Pourtant, je pense que même sans avoir recours à la mythologie, ce thème répond pleinement aux exigences de l’heure présente. Tout ce qui peut exercer une influence éducative et ramener les hommes aux sentiments de charité et de douceur, et surtout à Dieu, doit être pratiqué par nous, avec diligence et sans délai, pour hâter l’aube radieuse du jour tant désiré ».

Promenades et racines salésiennes : la « Promenade de Don Bosco »
Bien qu’initialement conçu comme un hommage à Don Ricaldone, le Comité a fini par promouvoir à nouveau la figure de Don Bosco et toute la tradition salésienne, dont Don Pietro fut l’héritier et le protagoniste.
Depuis 2021, chaque deuxième dimanche d’octobre, le Comité organise la « Promenade de Don Bosco » en proposant le pèlerinage que Don Bosco effectua avec les jeunes de Mirabello à Lu Monferrato du 12 au 17 octobre 1861. Durant ces cinq jours, on mit au point les détails du premier collège salésien hors de Turin, confié au Bienheureux Michel Rua avec Don Albera parmi les enseignants. Même si l’initiative ne concerne pas directement Don Pietro, elle souligne ses racines et son lien avec la tradition salésienne locale qu’il a lui-même promue.

Hospitalité et échanges culturels
Le Comité a favorisé l’accueil de groupes de jeunes, d’écoles professionnelles et de salésiens du monde entier. Certaines familles offrent l’hospitalité gratuitement, renouvelant ainsi la fraternité typique de Don Bosco et de Don Pietro. En 2023, un groupe nombreux de la Crocetta a fait étape à Mirabello, tandis que chaque été arrivent des groupes internationaux accompagnés par Don Egidio Deiana. Chaque visite est un dialogue entre mémoire historique et joie des jeunes.

Le 30 mars 2025, près de cent capitulaires salésiens ont fait étape à Mirabello, sur les lieux où Don Bosco ouvrit son premier collège hors de Turin et où Don Pietro vécut ses années de formation. Le Comité, en collaboration avec la Paroisse et l’Office de Tourisme Pro Loco, a organisé l’accueil et réalisé une vidéo de vulgarisation sur l’histoire salésienne locale, appréciée par tous les participants.
Les initiatives se poursuivent et aujourd’hui, le Comité, sous la conduite de son président, collabore à la création du Chemin de Don Bosco dans le Montferrat, un itinéraire spirituel d’environ 200 km empruntant les routes automnales parcourues par le Saint. L’objectif est d’obtenir la reconnaissance officielle au niveau régional, mais aussi d’offrir aux pèlerins une expérience de formation et d’évangélisation. Les promenades des jeunes de Don Bosco étaient en effet des expériences de formation et d’évangélisation. C’est ce même esprit que Don Pietro Ricaldone a défendu et promu par la suite tout au long de son rectorat.

La mission du Comité : maintenir vivante la mémoire de Don Pietro
Derrière chaque initiative se trouve la volonté de mettre en lumière l’œuvre éducative, pastorale et culturelle de Don Pietro Ricaldone. Les fondateurs du Comité conservent des souvenirs personnels d’enfance et désirent transmettre aux nouvelles générations les valeurs de foi, de culture et de solidarité qui animaient le prêtre de Mirabello. À une époque où de nombreux repères vacillent, redécouvrir le parcours de Don Pietro signifie offrir un modèle de vie capable d’éclairer le présent : « Là où passent les Saints, Dieu marche avec eux et rien n’est plus comme avant » (Saint Jean-Paul II).
Le Comité Don Pietro Ricaldone se fait le porte-parole de cet héritage. Il espère que la mémoire d’un grand fils de Mirabello continuera d’éclairer le chemin pour les générations futures, traçant une voie sûre faite de foi, de culture et de solidarité.




Neuvaine à Marie Auxiliatrice 2025

Cette neuvaine à Marie Auxiliatrice 2025 nous invite à nous redécouvrir enfants sous le regard maternel de Marie. Chaque jour, à travers les grandes apparitions – de Lourdes à Fatima, de Guadalupe à Banneaux – nous contemplons un aspect de son amour : humilité, espérance, obéissance, émerveillement, confiance, consolation, justice, douceur, rêve. Les méditations du Recteur Majeur et les prières des « enfants » nous accompagnent dans un chemin de neuf jours qui ouvre le cœur à la foi simple des petits, nourrit la prière et encourage à construire, avec Marie, un monde guéri et plein de lumière, pour nous et pour tous ceux qui cherchent l’espérance et la paix.

Jour 1
Être fils et filles – Humilité et foi

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Lourdes
La petite Bernadette Soubirous
11 février 1858. Je venais d’avoir 14 ans. C’était un matin comme les autres, un jour d’hiver. Nous avions faim, comme toujours. Il y avait cette grotte, avec une bouche noire. Dans le silence j’ai senti comme un grand souffle. Le buisson s’est mis à bouger ; une force le secouait. Et puis j’ai vu une jeune femme, blanche, pas plus grande que moi, qui m’a saluée en inclinant légèrement la tête ; en même temps, elle écartait un peu ses bras tendus et en ouvrant ses mains, comme les statues de la Sainte Vierge. J’avais peur. Puis il m’est venu à l’esprit de prier : j’ai pris le chapelet que j’ai toujours sur moi et j’ai commencé à le réciter.

Marie se montre à sa fille Bernadette Soubirous. À elle qui ne savait ni lire ni écrire, à elle qui parlait en dialecte et n’allait pas au catéchisme. Une pauvre fille, intimidée par tout le monde dans le pays, mais prête à faire confiance et à se confier, comme ceux qui n’ont rien. Et rien à perdre. Marie lui confie ses secrets, et elle le fait parce qu’elle lui fait confiance. Elle la traite avec amour, elle s’adresse à elle avec gentillesse, elle lui dit : « S’il vous plaît ». Et Bernadette s’abandonne et la croit, comme un petit enfant envers sa mère. Elle croit en la promesse que la Vierge lui fait, de ne pas la rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre. Et elle se souviendra de cette promesse pour le reste de sa vie. Une promesse qui lui permettra d’affronter toutes les difficultés de front, avec force et détermination, en faisant ce que la Vierge lui a demandé : prier, prier toujours pour nous tous, pécheurs. Elle promet, elle aussi : elle garde les secrets de Marie et répond à sa demande d’un sanctuaire sur le lieu de l’apparition. Et à l’article de la mort, Bernadette sourit, en repensant au visage de Marie, à son regard plein d’amour, à ses silences, à ses quelques paroles, intenses, et surtout à la fameuse promesse. Et elle se sent toujours fille, fille d’une Mère qui tient ses promesses.

Marie, une Mère qui promet
Toi qui as promis de devenir la mère de l’humanité, tu es restée proche de tes enfants, en commençant par les plus petits et les plus pauvres. Tu t’es faite proche d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Ayez la foi : Marie se montre aussi à nous si nous savons nous dépouiller de tout.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Humilité et Foi

Nous pouvons dire que la Très Sainte Vierge Marie est pour nous un phare d’humilité et de foi qui accompagne les siècles, qui accompagne nos vies, qui accompagne l’expérience de chacun d’entre nous. N’oublions pas, cependant, que l’humilité de Marie n’est pas d’abord une simple modestie extérieure, ce n’est pas une façade, mais plutôt une conscience profonde de sa petitesse face à la grandeur de Dieu.

Son « Oui, voici la servante du Seigneur », qu’elle prononce devant l’ange, est un acte d’humilité, pas de présomption ; c’est l’abandon confiant de ceux qui se reconnaissent comme des instruments entre les mains de Dieu. Marie ne recherche pas de remerciements ; elle cherche simplement à être servante, en se plaçant à la dernière place en silence, avec une humilité, une simplicité qui nous désarme. Et c’est cette humilité radicale qui est la clé qui a ouvert le cœur de Marie à la Grâce divine, en laissant le Verbe de Dieu, avec sa grandeur, avec son immensité, s’incarner en son sein maternel.

Marie nous apprend à nous présenter tels que nous sommes, humblement, sans orgueil. Il ne faut nous appuyer sur notre autorité personnelle, notre autoréférentialité, mais nous tenir librement devant Dieu pour pouvoir être pleinement disponibles, comme Marie, et vivre avec amour selon sa volonté. Là est donc la foi de Marie. L’humilité de la servante la place sur un chemin constant d’adhésion inconditionnelle au dessein de Dieu, même dans les moments les plus sombres et les plus incompréhensibles. Cela signifie affronter courageusement la pauvreté de son expérience de la grotte de Bethléem, de la fuite en Égypte, de la vie cachée à Nazareth, mais surtout au pied de la croix, où la foi de Marie atteint son apogée.

Là, sous la croix, le cœur transpercé par la douleur, Marie ne vacille pas, Marie ne tombe pas, Marie croit à la promesse. Sa foi n’est donc pas un sentiment passager, mais un roc solide sur lequel se fonde l’espérance de l’humanité, notre espérance. En Marie, l’humilité et la foi sont inextricablement liées.

Laissons cette humilité de Marie éclairer notre terre humaine, pour que la foi puisse germer aussi en nous. En reconnaissant notre petitesse devant Dieu, nous ne nous laissons pas aller par le fait que nous sommes petits. Nous ne nous laissons pas abattre par des présomptions, mais nous nous tenons, comme Marie, dans une attitude de grande liberté, de grande disponibilité, en reconnaissant que nous dépendons de Dieu. Nous vivons avec Dieu dans la simplicité, mais en même temps dans la grandeur.

Marie nous exhorte donc à cultiver une foi sereine et ferme, capable de surmonter les épreuves et de faire confiance aux promesses de Dieu. Contemplons la figure de Marie, humble et croyante, afin de pouvoir, nous aussi, dire généreusement notre « oui », comme elle.

Et nous, sommes-nous capables de saisir ses promesses d’amour avec les yeux d’un petit enfant ?

La prière d’un fils infidèle
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
clarifie mon cœur.
Rends-moi humble, petit, capable de me perdre dans ton étreinte de mère.
Aide-moi à redécouvrir l’importance du rôle d’un fils, et marque mes pas.
Tu promets, je promets dans un pacte que seuls mère et fils peuvent faire.
Je tomberai, mère, tu le sais.
Je ne tiendrai pas toujours mes promesses.
Je ne ferai pas toujours confiance.
Je ne réussirai pas toujours à te voir.
Mais toi, reste là, en silence, avec le sourire,
les bras tendus et les mains ouvertes.
Et moi, je prendrai le chapelet
et je prierai avec toi pour tous tes fils comme moi.

Ave Maria… Je vous salue, Marie…
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 2
Être fils et filles – Simplicité et espérance

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Fatima
Les petits bergers de Cova da Iria
À Cova da Iria, vers 13 heures, le ciel s’ouvre et le soleil apparaît. Soudain, vers 13h30, l’improbable se produit : devant une foule stupéfaite, le miracle le plus spectaculaire, le plus grandiose et le plus incroyable jamais survenu depuis les temps bibliques. Le soleil commence une danse effrénée et effrayante qui durera plus de dix minutes. Un temps interminable.

Trois petits bergers, simples et heureux, assistent et répandent le récit du miracle qui bouleverse des millions de personnes. Personne ne peut l’expliquer, des scientifiques aux hommes de foi. Pourtant, trois enfants ont vu Marie, ils ont écouté son message. Et ils le croient ; ils croient aux paroles de cette femme qui s’est montrée à eux et leur a demandé de retourner à Cova da Iria tous les 13 du mois. Ils n’ont pas besoin d’explications parce qu’ils placent toute leur espérance dans les paroles répétées de Marie. Une espérance difficile à garder, qui aurait effrayé n’importe quel enfant : Notre-Dame révèle à Lucie, Jacinthe et François les souffrances et les conflits mondiaux. Mais ils n’éprouvent aucun doute : ceux qui font confiance à la protection de Marie, la Mère qui protège, peuvent tout affronter. Et ils le savent bien, eux qui l’ont vécu en personne, risquant d’être tués pour ne pas trahir la parole donnée à leur Maman du Ciel. Les trois petits bergers étaient prêts au martyre, emprisonnés et menacés devant une marmite d’huile bouillante.
Ils avaient peur :
« Pourquoi devons-nous mourir sans embrasser nos parents ? Moi, je voudrais voir maman. »
Pourtant, ils décidèrent d’espérer encore, croyant en un amour plus grand qu’eux-mêmes :
« N’aie pas peur. Offrons ce sacrifice pour la conversion des pécheurs. Ce serait pire si la Vierge ne revenait jamais. »
« Pourquoi ne récitons-nous pas le chapelet ? »

Une mère n’est jamais sourde au cri de ses enfants. C’est en elle que ses enfants mettent leur espérance.
Marie, la Mère qui protège, s’est tenue aux côtés de ses trois enfants de Fatima et les a sauvés en les gardant en vie.
Et aujourd’hui encore, Elle protège tous ses enfants dans le monde qui se rendent en pèlerinage au sanctuaire de Notre-Dame de Fatima.

Marie, une Mère qui protège
Toi qui prends soin de l’humanité dès l’instant de l’Annonciation, tu es restée proche de tes enfants les plus simples et les plus assoiffés d’espérance. Tu t’es faite proche d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Mettez votre espérance en Marie : elle saura vous protéger.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Espérance et Renouveau.

Contempler la figure de Marie, c’est comme tourner le regard vers un horizon lumineux, une invitation constante à croire en un avenir plein de grâce. Et cette grâce nous transforme. Marie est la personnification de l’espérance chrétienne en action. Sa foi inébranlable face aux épreuves, sa persévérance à suivre Jésus jusqu’à la croix, son attente confiante de la résurrection sont pour moi les choses les plus importantes. Elles sont pour nous un phare d’espérance pour toute l’humanité

En Marie, nous voyons combien la certitude est, pour ainsi dire, la confirmation de la promesse d’un Dieu qui ne manque jamais à sa parole, que la douleur, la souffrance, l’obscurité n’ont pas le dernier mot, que la mort est vaincue par la vie.

Marie est alors l’espérance. C’est l’étoile du matin qui annonce l’arrivée du soleil de justice. S’adresser à elle, c’est confier nos attentes, nos aspirations à un cœur maternel qui les présente avec amour à son Fils ressuscité. D’une certaine manière, notre espérance est soutenue par l’espérance de Marie. Et s’il y a l’espérance, alors les choses ne restent pas comme avant ; il y a du renouveau, le renouveau de la vie. En accueillant le Verbe incarné, Marie a rendu possible la foi en l’espérance et en la promesse de Dieu. Cela a rendu possible une nouvelle création, un nouveau départ.

La maternité spirituelle de Marie continue de nous engendrer dans la foi, en nous accompagnant sur notre chemin de croissance et de transformation intérieures.

Demandons à la Vierge Marie la grâce nécessaire pour que cette espérance, que nous voyons se réaliser en Elle, puisse renouveler nos cœurs, guérir nos blessures, nous faire passer au-delà du voile de la négativité pour nous engager sur un chemin de sainteté, un chemin de proximité avec Dieu. Demandons à Marie, à Elle, la Femme qui se tient en prière avec les apôtres, de nous aider aujourd’hui, croyants et communautés chrétiennes, afin que nous soyons soutenus dans la foi et ouverts aux dons de l’Esprit, et qu’ainsi, la face de la terre soit renouvelée.

Marie nous exhorte à ne jamais nous résigner au péché et à la médiocrité mais que, pleins de l’espérance qui l’a comblée Elle-même, nous désirions ardemment une vie nouvelle dans le Christ.

Que Marie continue d’être un modèle et un soutien pour nous permettre de continuer à croire en la possibilité d’un nouveau commencement, d’une renaissance intérieure qui nous conformera toujours plus à l’image de son Fils Jésus.

Et nous, sommes-nous capables, avec les yeux d’un enfant, d’espérer en Elle et de la laisser nous protéger ?

La prière d’un fils décourage
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
fais que mon cœur soit simple et plein d’espoir.
J’ai confiance en toi : protège-moi dans toutes les situations.
Je me confie à toi : protège-moi dans toutes les situations.
J’écoute ta parole : protège-moi dans toutes les situations.
Donne-moi la capacité de croire en l’impossible
et de faire tout ce qui est en mon pouvoir
pour apporter ton amour, ton message d’espérance
et ta protection au monde entier.
Et je t’en supplie, ma Mère, protège toute l’humanité,
même celle qui ne te reconnaît pas encore.

Ave Maria… Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 3
Être fils et filles – Obéissance et don de soi

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Guadalupe
Le jeune Juan Diego
Juan Diego, petit et favori de mes enfants, lui dit la Dame… » Juan se leva d’un bond.
« Où vas-tu, Juanito ? » demanda la Dame.
Juan Diego répondit aussi poliment qu’il le put. Il dit à la Dame qu’il se rendait à l’église de Santiago pour entendre la messe en l’honneur de la Mère de Dieu.
« Mon fils bien-aimé, je suis la Mère de Dieu, et je veux que tu m’écoutes attentivement. J’ai un message très important à te transmettre : je désire qu’une église soit construite ici en mon honneur, une église d’où je puisse montrer mon amour à ton peuple.

Un dialogue doux, simple et tendre comme celui d’une mère avec son enfant. Et Juan Diego obéit : il alla voir l’Évêque pour lui raconter ce qu’il avait vu ; mais l’Évêque ne le crut pas. Alors le jeune homme retourna vers Marie et lui expliqua ce qui s’était passé. La Madone lui donna un autre message en l’exhortant à essayer encore et encore. Juan Diego obéissait sans s’avouer vaincu : il accomplirait la tâche que la Mère du Ciel lui confiait. Mais un jour, pris par les problèmes de la vie, il était sur le point de manquer le rendez-vous avec la Madone : son oncle était mourant.
« Penses-tu vraiment que j’oublierais celui que j’aime tant ? » Marie guérit l’oncle, et Juan Diego obéissait une fois de plus.
« Mon cher enfant, répondit la Dame, monte au sommet de la colline où nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Coupe et cueille les roses que tu y trouveras. Mets-les dans ta « tilma » [ta cape] et apporte-les-moi ici. Je te dirai ce que tu devras faire et dire. »
Tout en sachant qu’aucune rose ne poussait sur cette colline, et certainement pas en hiver, Juan Diego courut jusqu’au sommet : il y avait là le plus beau jardin qu’il ait jamais vu. Des roses de Castille, encore brillantes de rosée, s’étendaient à perte de vue. Il coupa délicatement les plus beaux bourgeons avec son couteau de pierre, en remplit sa cape et retourna rapidement à l’endroit où la Dame l’attendait. La Dame prit les roses, les arrangea dans la « tilma » de Juan Diego qu’elle lui attacha autour du cou en disant : « C’est le signe que veut l’Évêque. Vite, va chez lui et ne t’arrête pas en chemin. »

L’image de la Vierge était apparue sur la cape ; et à la vue de ce miracle, l’Évêque fut convaincu. Et aujourd’hui, le sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe conserve encore l’effigie miraculeuse.

Marie, une Mère qui n’oublie pas
Toi qui n’oublies aucun de tes enfants, tu ne laisses personne de côté ; tu as jeté ton regard sur les jeunes qui ont placé en toi tous leurs espoirs. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Obéissez même quand vous ne comprenez pas : une mère n’oublie pas, une mère ne laisse pas seul.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Maternité et Compassion

La maternité de Marie ne s’épuise pas dans son « oui » qui a rendu possible l’Incarnation du Fils de Dieu. Certes, ce moment est le fondement de tout, mais sa maternité est une attitude constante, une façon d’être pour nous, d’être en relation avec l’humanité entière.

Jésus, sur la croix, lui confie Jean par ces mots : « Femme, voici ton fils », étendant symboliquement sa maternité aux croyants de tous les temps.  Marie devient ainsi la mère de l’Église, la mère spirituelle de chacun de nous.

Nous voyons alors comment cette maternité se manifeste dans des soins tendres et attentionnés, dans une attention constante aux besoins de ses enfants et dans un profond désir de leur bien-être. Marie nous accueille, nous nourrit avec son expression de fidélité, nous protège sous son manteau. La maternité de Marie est un don immense qui nous permet de nous rapprocher d’Elle, de ressentir une présence aimante qui nous accompagne à chaque instant.

La compassion de Marie est alors le corollaire naturel de sa maternité. Une compassion qui n’est pas simplement un sentiment superficiel de pitié, mais une participation profonde à la douleur des autres, une « souffrance avec ».  On la voit se manifester de manière touchante lors de la passion de son fils. Et de la même manière que Marie ne reste pas indifférente à notre douleur, elle intercède pour nous, elle nous console, elle nous offre son aide maternelle.

Le cœur de Marie devient alors un refuge sûr où nous pouvons déposer nos fatigues et trouver réconfort et espérance. La maternité et la compassion deviennent en Marie, pour ainsi dire, deux visages d’une même expérience humaine à notre profit, deux expressions de son amour infini pour Dieu et pour l’humanité.

Sa compassion est alors la manifestation concrète de son être de mère, compassion qui est une conséquence de la maternité. La contemplation de Marie comme mère ouvre alors notre cœur à l’espérance et trouve en elle une expérience vraiment complète : Maman du Ciel qui nous aime.

Demandons à Marie de la voir comme un modèle d’humanité authentique, d’une maternité capable de « sentir », d’aimer, de souffrir avec les autres, à l’exemple de son Fils Jésus, qui a souffert par amour pour nous et est mort sur la croix.

Et nous, sommes-nous sûrs qu’une mère n’oublie pas, sûrs comme le sont les petits enfants ?

La prière d’un fils perdu
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur obéissant.
Quand je ne t’écoute pas, insiste, je t’en prie.
Quand je ne reviens pas, viens me chercher, s’il te plaît.
Quand je ne me pardonne pas, enseigne-moi l’indulgence, je t’en prie.
Parce que nous, les humains, nous nous perdons
et nous nous perdrons toujours.
Mais toi, ne nous oublie pas, nous, tes enfants errants.
Viens nous chercher,
viens nous prendre par la main.
Nous ne voulons pas et nous ne pouvons pas rester seuls ici.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 4
Être fils et filles – émerveillement et réflexion

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de la Salette
Les petits Mélanie et Maximin de La Salette
Le samedi 19 septembre 1846, les deux enfants gravirent les pentes du mont Planeau tôt le matin, au-dessus du village de La Salette, conduisant chacun quatre vaches au pâturage. À mi-chemin, près d’une petite source, Mélanie fut la première à voir un globe de feu sur un tas de pierres « comme si le soleil y était tombé », et le montra à Maximin. Une femme commença à émerger de cette sphère lumineuse, la tête dans les mains, les coudes sur les genoux, profondément triste. Devant leur étonnement, la Dame se leva et, d’une voix douce, et en français, leur dit : « Approchez, mes enfants, n’ayez pas peur, je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle. » Encouragés, les enfants s’approchèrent et virent que « la belle Dame » pleurait.

Une mère annonce une grande nouvelle à ses enfants et le fait en pleurant. Pourtant, les enfants ne sont pas troublés par ses pleurs. Ils écoutent dans le plus tendre des moments entre une mère et ses enfants. Parce que même les mères sont parfois inquiètes, parce que les mères confient aussi leurs sentiments, leurs pensées et leurs réflexions à leurs enfants. Et Marie confie aux deux jeunes bergers, pauvres et privés d’affection, un grand message : « Je m’inquiète pour l’humanité, je m’inquiète pour vous, mes enfants, qui vous éloignez de Dieu. Et la vie loin de Dieu est une vie compliquée, difficile, faite de souffrances. » C’est pourquoi elle pleure. Elle pleure comme n’importe quelle mère et transmet à ses plus jeunes et plus purs enfants un message aussi étonnant que grand. Un message à annoncer à tous, à porter au monde.
Et ils le feront, parce qu’ils ne peuvent pas garder pour eux un si beau moment : l’expression de l’amour d’une mère pour ses enfants doit être annoncée à tous. Le Sanctuaire de Notre-Dame de La Salette, qui se dresse sur le lieu des apparitions, pose ses fondements sur la révélation de la douleur de Marie face au pèlerinage de ses enfants pécheurs.

Marie, une Mère qui annonce, qui raconte
Toi qui te donnes entièrement à tes enfants au point de ne pas avoir peur de leur parler de toi, tu as touché le cœur des plus petits de tes enfants, capables de réfléchir sur tes paroles et de les accueillir avec émerveillement. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Laissez-vous surprendre par les paroles d’une mère : elles seront toujours les plus authentiques.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Amour et Miséricorde

Sentons-nous cette dimension de Marie, ou plutôt ces deux dimensions ? Marie est la femme au cœur débordant d’amour, d’attention et même de miséricorde. Nous la ressentons comme un port d’attache, comme un havre de paix, lorsque nous traversons des moments de difficulté ou d’épreuve.

Contempler Marie, c’est comme s’immerger dans un océan de tendresse, de compassion. Nous nous sentons entourés de toute une atmosphère inépuisable de confort et d’espérance. L’amour de Marie est un amour maternel qui embrasse toute l’humanité, parce que c’est un amour qui plonge ses racines dans son « oui » inconditionnel au dessein de Dieu.

Marie, en accueillant son fils en son sein, a accueilli l’amour de Dieu. De ce fait, son amour ne connaît ni frontières ni distinctions ; il se penche sur les fragilités, les misères humaines, avec une infinie délicatesse. Nous le voyons se manifester dans son attention à Élisabeth, dans son intercession aux noces de Cana, dans sa présence silencieuse et extraordinaire au pied de la croix.

Ici, l’amour de Marie, cet amour maternel, est le reflet de l’amour de Dieu, un amour qui se fait proche, qui console, qui pardonne, qui ne se lasse jamais, qui ne finit jamais. Ici, Marie nous enseigne qu’aimer signifie se donner complètement, être proche de ceux qui souffrent, partager les joies et les peines de nos frères avec la même générosité et le même dévouement qui animaient son cœur : amour et miséricorde.

La miséricorde devient alors la conséquence naturelle de l’amour de Marie, une compassion, viscérale peut-on dire, face aux souffrances de l’humanité, du monde. Nous regardons Marie, nous la contemplons, nous la rencontrons avec son regard maternel que nous sentons se poser sur nos faiblesses, nos péchés, notre vulnérabilité, sans agressivité mais avec une douceur infinie. C’est un cœur immaculé, sensible à nos cris de douleur.

Marie est une mère qui ne juge pas, qui ne condamne pas, mais qui accueille, console et pardonne. Nous ressentons la miséricorde de Marie comme un baume pour les blessures de l’âme, une caresse qui réchauffe le cœur. Marie nous rappelle que Dieu est riche en miséricorde et qu’il ne se lasse pas de pardonner à ceux qui se tournent vers lui avec un cœur repenti, serein, ouvert et disponible.

L’amour et la miséricorde en la Vierge Marie se fondent dans une étreinte qui embrasse toute l’humanité.

Demandons à Marie de nous aider à ouvrir grand nos cœurs à l’amour de Dieu, comme elle l’a fait elle-même, à laisser cet amour envahir nos cœurs, surtout lorsque nous ployons sous le poids des épreuves et des difficultés. En Marie, nous trouvons une mère tendre et puissante, prête à nous accueillir dans son amour et à intercéder pour notre salut.

Et nous, sommes-nous encore capables de nous émerveiller comme un petit enfant devant l’amour de sa mère ?

La prière d’un fils éloigne
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de compassion et de conversion.
Dans le silence, je te retrouve.
Dans la prière, je t’écoute.
Dans la réflexion, je te découvre.
Et devant tes paroles d’amour, ô Mère, je suis émerveillé
et je découvre tes liens très forts avec l’humanité.
Loin de toi, qui me tient la main dans les moments difficiles ?
Loin de toi, qui me console dans mes pleurs ?
Loin de toi, qui me conseille quand je prends le mauvais chemin ?
Je reviens vers toi, dans l’unité de ma personne.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 5
Être fils et filles – confiance et prière

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

La médaille de Catherine
La petite Catherine Labouré
Dans la nuit du 18 juillet 1830, vers 23 h 30, elle s’entendit appeler par son nom. C’était un enfant qui lui disait : « Lève-toi et suis-moi ». Catherine le suivit. Toutes les lumières étaient allumées. La porte de la chapelle s’ouvrit dès que l’enfant l’eut touchée du bout des doigts. Catherine s’agenouilla.
À minuit, la Vierge Marie vint, s’assit sur le fauteuil qui était à côté de l’autel. « J’ai alors bondi à côté d’elle, à ses pieds, sur les marches de l’autel, et j’ai posé mes mains sur ses genoux », raconta Catherine. « Je suis restée comme ça, je ne sais pas combien de temps. Il m’a semblé que c’était le moment le plus doux de ma vie… »
« Dieu veut te confier une mission », dit la Vierge à Catherine.

Catherine, orpheline à l’âge de 9 ans, ne se résigne pas à vivre sans sa maman. Et elle se rapproche de la Maman du Ciel. La Vierge, qui portait déjà de loin son regard sur elle, ne l’abandonnerait jamais. Au contraire, elle avait de grands projets pour elle. Elle, une de ses filles attentive et aimante, aurait une grande mission à remplir : vivre une vie chrétienne authentique, une relation personnelle forte et solide avec Dieu. Marie croit au potentiel de son enfant et lui confie la Médaille Miraculeuse, capable d’intercéder et d’accomplir des grâces et des miracles. Une mission importante, un message difficile. Pourtant, Catherine ne se décourage pas ; elle se confie à sa Maman au Ciel dont elle sait qu’elle ne l’abandonnera jamais.

Marie, une Mère qui donne confiance
Toi qui fais confiance et confies des missions et des messages à chacun de tes enfants, tu les accompagnes sur leur chemin, dans une présence discrète, en restant proches de tous, mais surtout de ceux qui ont fait l’expérience de grandes souffrances. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Croyez-moi : une mère ne vous confiera jamais que des tâches que vous pouvez accomplir et vous accompagnera tout au long du chemin.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Confiance et Prière

La Vierge Marie se présente à nous comme la femme d’une confiance inébranlable, puissante en intercession. Ici, en contemplant ces deux aspects, la confiance et la prière, nous voyons deux dimensions fondamentales de la relation de Marie avec Dieu.

Nous pouvons dire que la confiance de Marie en Dieu est un fil d’or qui traverse toute son existence, du début à la fin. Ce « oui », prononcé en toute conscience des conséquences, est un acte d’abandon total à la volonté divine. Marie se confie, Marie vit sa confiance en Dieu avec un cœur ferme en la divine Providence, sachant que Dieu ne l’abandonnera jamais.

Et donc, pour nous, dans notre vie quotidienne, regarder Marie – un acte d’abandon qui n’est pas passif, mais actif et confiant – est une invitation, non pas à oublier nos angoisses, nos peurs mais, d’une certaine manière, à tout regarder à la lumière de l’amour de Dieu qui, dans le cas de Marie, n’a jamais failli, et pas même dans notre vie. Cette confiance conduit à la prière, dont on peut dire qu’elle est presque le souffle de l’âme de Marie, le canal privilégié de sa communion intime avec Dieu. La confiance mène à la communion, sa vie abandonnée en Dieu a été un dialogue d’amour continu avec le Père, une offrande constante d’elle-même, de ses préoccupations, mais aussi de ses décisions.

La visitation à Élisabeth est un exemple de prière qui devient ensuite service. Nous voyons Marie accompagner Jésus jusqu’à la croix. Après l’Ascension, nous la voyons au Cénacle, unie aux Apôtres dans une attente fervente. Marie nous enseigne la valeur de la prière constante comme conséquence d’une confiance totale et complète, en s’abandonnant entre les mains de Dieu, précisément pour rencontrer Dieu et vivre avec Dieu.

Confiance et prière à la Vierge Marie sont étroitement liées : une profonde confiance en Dieu qui fait naître et fait jaillir une prière persévérante. Demandons à Marie d’être notre exemple et de nous encourager à faire de la prière une habitude quotidienne car nous voulons nous sentir continuellement abandonnés entre les mains miséricordieuses de Dieu.

Tournons-nous vers Elle avec une confiance filiale, afin qu’en l’imitant, en imitant sa confiance et sa persévérance dans la prière, nous puissions faire l’expérience, en toute quiétude, que ce n’est que lorsque nous nous abandonnons à Dieu que nous pouvons recevoir les « matières premières » nécessaires à notre chemin de foi.

Et nous, sommes-nous capables de faire confiance inconditionnellement comme de petits enfants ?

La prière d’un fils décourage
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de prier.
Je ne suis pas capable de t’écouter, ouvre mes oreilles.
Je ne suis pas capable de te suivre, fais avancer mes pas.
Je ne suis pas capable d’être fidèle à ce que tu voudras me confier, donne-m ‘en la force.
Les tentations sont nombreuses, accorde-moi de ne pas céder.
Les difficultés semblent insurmontables, ne me laisse pas tomber.
Les contradictions du monde crient à pleine voix, fais que je ne les suive pas.
Moi, ton fils défaillant, je veux être à ton service.
Fais de moi un fils obéissant.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 6
Être fils et filles – souffrance et guérison

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame des Douleurs a Kibeho
La petite Alphonsine Mumiremana et ses compagnes
L’histoire a commencé à 12h35, un samedi 28 novembre 1981, dans un pensionnat tenu par des religieuses locales, fréquenté par un peu plus d’une centaine de filles de la région. Un collège rural et pauvre, où l’on apprenait à devenir enseignantes ou secrétaires. Le complexe n’avait pas de chapelle et, par conséquent, il n’y avait pas d’atmosphère religieuse particulièrement ressentie. Ce jour-là, toutes les filles du collège étaient dans le réfectoire. La première du groupe à « voir » fut Alphonsine Mumureke, 16 ans. D’après ce qu’elle écrit elle-même dans son journal, elle servait ses compagnes à table, lorsqu’elle entendit une voix féminine l’appeler : « Ma fille, viens ici ». Elle se rendit dans le couloir, à côté du réfectoire, et une femme d’une beauté incomparable lui apparut. Elle était vêtue de blanc, avec un voile blanc sur la tête cachant ses cheveux et qui semblait joint au reste du vêtement, un vêtement sans coutures. Elle était pieds nus et ses mains étaient jointes sur sa poitrine, les doigts pointés vers le ciel.

Plus tard, la Vierge apparut à d’autres compagnes d’Alphonsine, qui étaient sceptiques au début ; mais ensuite, face à l’apparition de Marie, elles durent changer d’avis. Marie, s’adressant à Alphonsine, se présente comme la Dame des Douleurs de Kibeho, et raconte aux jeunes tous les événements impitoyables et sanglants qui allaient se dérouler peu de temps après avec le déclenchement de la guerre au Rwanda. La douleur sera grande, mais aussi la consolation et la guérison de cette douleur, parce qu’elle, la Dame des Douleurs, n’aurait jamais laissé ses enfants d’Afrique seuls. Les jeunes filles restent là, stupéfaites, devant la vision, mais elles croient en cette mère qui leur tend les bras en les appelant « mes enfants ». Elles savent que ce n’est qu’en Elle qu’elles trouveront consolation. Et afin de pouvoir prier pour que cette Mère Consolatrice soulage les souffrances de ses enfants, le sanctuaire dédié à Notre-Dame des Douleurs de Kibeho a été érigé ; c’est aujourd’hui un lieu marqué par l’extermination et le génocide. Et la Vierge Marie continue d’être là et de serrer tous ses enfants dans ses bras.

Marie, une Mère qui console
Toi qui as consolé tes enfants comme Jean sous la Croix, tu as posé ton regard sur ceux qui vivent dans la souffrance. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
N’ayez pas peur de passer par la souffrance : la Mère qui console sèchera vos larmes.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Souffrance et invitation à la Conversion

Marie est une figure de la souffrance emblématique, transfigurée et une puissante invitation à la conversion. Lorsque nous contemplons son douloureux cheminement, c’est un avertissement, silencieux et pourtant éloquent, un appel profond à revoir quelque peu nos vies, nos choix, et l’appel à revenir au cœur de l’Évangile. La souffrance qui traverse la vie de Marie, comme une épée tranchante, prophétisée par le vieillard Siméon, marquée par la disparition de l’Enfant Jésus, jusqu’à la douleur indicible au pied de la croix, Marie vit tout cela : le poids de la fragilité humaine, et le mystère de la douleur innocente d’une manière unique.

La souffrance de Marie n’était pas une souffrance stérile, une résignation passive mais, d’une certaine manière, nous remarquons qu’il y a une activité, une offrande silencieuse et courageuse, unie au sacrifice rédempteur de son Fils Jésus.

Quand nous regardons avec les yeux de la foi Marie, la femme qui souffre, cette souffrance, plutôt que de nous déprimer, nous révèle la profondeur de l’amour de Dieu pour nous, qui est visible dans la vie de Marie. Marie, d’une certaine manière, nous enseigne que, même dans la douleur la plus aiguë, une possibilité de croissance spirituelle, fruit de l’union avec le mystère pascal, peut trouver un sens.

C’est donc de l’expérience de la douleur transfigurée que jaillit une puissante invitation à la conversion. En regardant, en contemplant Marie qui a tant souffert par amour pour nous et pour notre salut, nous sommes, nous aussi, appelés à ne pas rester indifférents au mystère de la rédemption.

Marie, femme douce et maternelle, nous exhorte à abandonner les voies du mal, pour embrasser le chemin de la foi. La célèbre phrase de Marie aux noces de Cana, « Tout ce qu’il vous dira, faites-le », résonne encore pour nous aujourd’hui comme une invitation pressante à écouter la voix de Jésus dans les moments de difficulté, dans les moments d’épreuve, dans les moments de situations inattendues et inconnues.

L’exemple de foi de Marie est inébranlable dans la douleur, à la fois lumière et guide pour nous permettre de transformer nos souffrances en opportunités de croissance spirituelle ; et, en même temps, nous permettre de répondre avec générosité à l’appel pressant à la conversion, afin que la profondeur qui résonne encore dans le cœur de chaque être humain, l’invitation de Dieu, d’un Dieu qui nous aime, puisse, par l’intercession de Marie, trouver un sens, une issue, une croissance, même dans les moments les plus difficiles et les plus douloureux.

Et nous, nous laissons-nous consoler comme de petits enfants ?

La prière d’un fils qui souffre
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de guérir.
Quand je suis à terre, tends-moi la main, ô Mère.
Quand je me sens exténué, rassemble mes forces, ô Mère.
Quand la souffrance prend le dessus, ouvre-moi à l’Espérance, ô Mère.
Pour que je ne cherche pas seulement la guérison du corps,
mais que je réalise combien mon cœur a besoin de paix.
Et de la poussière, relève-moi, ô Mère.
Relève-moi, ainsi que tous tes enfants qui sont dans l’épreuve :
ceux qui vivent sous les bombes,
ceux qui sont persécutés,
ceux qui sont injustement emprisonnés,
ceux dont les droits et la dignité ont été violés,
ceux dont la vie est trop tôt interrompue.
Relève-les et réconforte-les
parce qu’ils sont tes enfants,
parce que nous sommes tes enfants.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 7
Être fils et filles – justice et dignité

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame d’Aparecida
Les petits pêcheurs Domingos, Felice et João
À l’aube du 12 octobre 1717, Domingos Garcia, Felipe Pedroso et João Alves poussèrent leur barque dans les eaux de la rivière Paraiba qui coulait près de leur village. Ils ne semblaient pas avoir de chance ce matin-là : pendant des heures, ils ont jeté leurs filets, sans rien prendre. Ils étaient sur le point d’abandonner, lorsque João Alves, le plus jeune, a voulu faire une dernière tentative. Il jeta donc son filet dans les eaux de la rivière et le remonta lentement. Il y avait quelque chose, mais ce n’était pas un poisson… Cela ressemblait plutôt à un morceau de bois. Lorsqu’il l’a libéré des mailles du filet, le morceau de bois s’est avéré être une statue de la Vierge Marie, malheureusement sans sa tête. João jeta à nouveau le filet dans l’eau et cette fois, en le remontant, il trouva un autre morceau de bois arrondi qui ressemblait à la tête de la statue : il essaya d’assembler les deux morceaux et se rendit compte qu’ils correspondaient parfaitement. Comme s’il obéissait à une impulsion, João Alves jeta de nouveau le filet dans l’eau et, lorsqu’il essaya de le remonter, il se rendit compte qu’il ne pouvait pas le faire car il était plein de poissons. Ses compagnons jetèrent à leur tour leurs filets dans l’eau et les prises de ce jour-là furent vraiment abondantes.

Une mère voit les besoins de ses enfants : Marie a vu les besoins des trois pêcheurs et est allée à leur secours. Ses enfants lui ont donné tout l’amour et la dignité que l’on peut donner à une mère : ils ont assemblé les deux morceaux de la statue, l’ont placée sur une cabane et en ont fait un sanctuaire. Du haut de la cabane, Notre-Dame d’Aparecida – ce qui signifie Apparue – sauva l’un de ses fils esclaves qui fuyait ses maîtres : elle vit sa souffrance et lui rendit sa dignité. Et aujourd’hui, cette cabane est devenue le plus grand sanctuaire marial au monde et porte le nom de Basilique de Notre-Dame d’Aparecida.

Marie, une Mère qui voit
Toi qui as vu la souffrance de tes enfants maltraités, à commencer par les disciples, tu te places auprès de tes enfants les plus pauvres et persécutés. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Ne vous cachez pas du regard d’une mère : elle voit même vos désirs et vos besoins cachés.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Dignité et Justice Sociale

La Très Sainte Vierge Marie est un miroir de la dignité humaine pleinement réalisée, silencieuse mais puissante et inspiratrice pour un sens juste du vécu social. Réfléchir sur la figure de Marie en relation avec ces thèmes révèle une perspective profonde et étonnamment actuelle.

Regardons Marie, la femme pleine de dignité, comme un don qui nous aide aujourd’hui à regarder sa pureté originelle, qui ne la place pas sur un piédestal inaccessible, mais qui révèle Marie dans la plénitude de cette dignité vers laquelle nous nous sentons tous un peu attirés, appelés.

En contemplant Marie, nous voyons resplendir la beauté et la noblesse, précisément la dignité de l’être humain, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, libre du jeu du péché, pleinement ouvert à l’amour divin, une humanité qui ne se perd pas dans les détails, dans les choses superficielles.

Nous pouvons dire que le « oui » libre et conscient de Marie est ce geste d’autodétermination qui élève Marie à ce qu’elle est au niveau de la volonté de Dieu, et entre en quelque sorte dans la logique de Dieu. Son humilité la rend alors encore plus libre, loin d’être amoindrie par l’humilité. L’humilité de Marie devient la conscience de la vraie grandeur qui vient de Dieu.

Ainsi, cette dignité de Marie nous aide à regarder comment nous la vivons dans la routine quotidienne de la vie. Le thème de la justice sociale peut paraître moins explicite, mais à travers une lecture contemplative et attentive de l’Évangile, en particulier du Magnificat, nous pouvons saisir, sentir et rencontrer cet esprit révolutionnaire qui proclame le renversement des puissants de leurs trônes et l’élévation des humbles, c’est-à-dire le renversement de la logique mondaine et l’attention privilégiée de Dieu envers les pauvres et les affamés.

Des paroles qui jaillissent d’un cœur humble, rempli d’Esprit Saint. On peut dire qu’il s’agit d’un manifeste de justice sociale « avant la lettre », une anticipation du Royaume de Dieu, où les derniers seront les premiers.

Contemplons Marie pour nous sentir attirés par cette dignité qui ne se limite pas à se refermer sur soi-même. C’est une dignité qui, dans le Magnificat, nous met au défi de ne pas nous enfermer dans notre propre logique. Elle nous permet, au contraire, de nous ouvrir, en louant Dieu, en cherchant à vivre avec dignité le don reçu pour le bien de l’humanité, pour le bien des pauvres, pour le bien de ceux que la société rejette.

Et nous, est-ce que nous nous cachons ou disons-nous tout comme le font les petits enfants ?

La prière d’un fils qui a peur
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de restituer la dignité.
À l’heure de l’épreuve, regarde mes manques et comble-les.
À l’heure de la fatigue, regarde mes faiblesses et guéris-les.
À l’heure de l’attente, regarde mon impatience et portes-y remède.
Ainsi, en regardant mes frères, je pourrai voir leurs manques et les combler,
voir leurs faiblesses et les guérir, ressentir leur impatience et y porter remède.
Parce que rien ne guérit mieux que l’amour
et personne n’est aussi fort qu’une mère qui cherche à obtenir justice pour ses enfants.
Et alors, moi aussi, Mère, je m’arrête au pied de la cabane,
je regarde avec des yeux confiants ton image
et je te prie pour la dignité de tous tes enfants.

Ave Maria … Je vous salue, Marie
Heureux celui qui voit avec son cœur.


Jour 8
Être fils et filles – Douceur et vie quotidienne

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Notre-Dame de Banneaux
La petite Mariette de Banneaux
Le 18 janvier 1933, Mariette est dans le jardin, récitant son chapelet. Marie vient et l’emmène à une petite source à l’orée du bois, où elle dit : « Cette source est pour moi. »  Et elle invite la petite fille à y tremper sa main et son chapelet. Avec un étonnement indicible, son père et deux autres personnes ont suivi Mariette dans tous ses gestes et dans toutes ses paroles. Et ce soir-là, le premier à être conquis par la grâce de Banneaux fut précisément le père de Mariette, qui courut se confesser et recevoir l’Eucharistie : il ne s’était pas confessé depuis sa première communion.
Le 19 janvier, Mariette demande : « Madame, qui êtes-vous ? – Je suis la Vierge des pauvres. »
À la source, elle ajoute : « Cette source est pour moi, pour toutes les nations, pour les malades. Je viens les consoler ! »

Mariette est une jeune fille normale qui vit ses journées comme nous tous, comme nos enfants, nos petits-enfants. Elle vit dans un petit village inconnu, le sien. Elle prie pour rester proche de Dieu. Elle prie sa Maman du Ciel pour garder vivant le lien avec Elle. Et Marie lui parle avec douceur, dans un endroit qui lui est familier. Elle lui apparaîtra à plusieurs reprises, lui confiera des secrets et lui dira de prier pour la conversion du monde : c’était pour Mariette un message fort d’espérance. La Mère serre contre son cœur tous ses fils et filles et les console. Toute la douceur que Mariette trouve en la « Gentille Dame », elle la transmet au monde. Et de cette rencontre est née une grande chaîne d’amour et de spiritualité qui trouve son accomplissement dans le sanctuaire de Notre-Dame de Banneaux.

Marie, une Mère qui reste à nos côtés
Toi qui es restée proche de tes enfants, sans jamais en perdre un seul, tu as illuminé le chemin quotidien des plus simples. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Abandonnez-vous dans l’étreinte de Marie : n’ayez pas peur, elle vous consolera.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie, Éducation et Amour

La Vierge Marie est une incomparable maîtresse en éducation, parce qu’elle est une source inépuisable d’amour ; et ceux qui aiment éduquent, ceux qui aiment éduquent vraiment.

Réfléchir sur la figure de Marie en relation avec ces deux piliers de la croissance humaine et spirituelle : nous avons ici un exemple à contempler, à prendre au sérieux, à assumer dans nos choix quotidiens.

L’éducation qui émane de Marie n’est pas faite de préceptes, d’enseignements formels, mais se manifeste à travers son exemple de vie : un silence contemplatif qui parle, son obéissance à la volonté de Dieu, humble et grande à la fois, sa profonde humanité.

Le premier aspect éducatif que Marie nous communique est celui de l’écoute.
Écouter la Parole de Dieu, écouter ce Dieu qui est continuellement là pour nous aider, pour nous accompagner. Marie garde dans son cœur, médite avec soin, encourage l’écoute attentive de la Parole de Dieu ainsi que l’écoute des besoins des autres.

Marie nous éduque à une humilité qui ne nous fait pas choisir de rester détachés et passifs ; elle nous éduque plutôt à une humilité qui, tout en nous faisant reconnaître notre petitesse face à la grandeur de Dieu, nous incite à nous mettre à son service comme protagonistes. Nos cœurs sont ouverts pour être vraiment proches de ceux que nous accompagnons, et avec qui nous vivons le projet de Dieu pour nous.

Marie est un exemple qui nous aide à nous laisser éduquer par la foi ; elle nous éduque à la persévérance, fermes dans l’amour de Jésus, jusqu’au pied de la croix.

Éducation et amour.  L’amour de Marie est le cœur battant de son existence ; il continue de battre pour nous ; chaque fois que nous nous approchons de Marie, nous ressentons cet amour maternel qui s’étend à nous tous. C’est un amour pour Jésus qui devient un amour pour l’humanité. Le cœur de Marie s’ouvre avec la tendresse infinie qu’elle reçoit de Dieu, qu’elle communique à Jésus, à ses enfants spirituels.

Demandons au Seigneur qu’en contemplant l’amour de Marie, qui est un amour qui éduque, nous nous laissions inciter à dépasser notre égoïsme, nos fermetures, et à nous ouvrir aux autres. En Marie, nous voyons une femme qui éduque avec amour et qui aime avec un amour éducateur.

Demandons au Seigneur de nous faire le don d’un amour, de son amour, qui est à la fois un amour qui nous purifie, nous soutient, nous fait grandir, afin que notre exemple soit vraiment un exemple qui communique l’amour ; et qu’en communiquant l’amour, nous puissions nous laisser éduquer par Marie et nous laisser aider afin que notre exemple éduque aussi les autres.

Et nous, sommes-nous capables de nous abandonner comme le font les petits enfants ?

La prière d’un enfant de notre temps
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur doux et docile.
Qui me remettra sur pied,
après que je serai brisé sous le poids des croix que je porte ?
Qui ramènera la lumière à mes yeux,
après avoir vu les décombres de la cruauté humaine ?
Qui soulagera les souffrances de mon âme,
après les erreurs que j’ai commises sur mon chemin ?
Ma Mère, toi seule peux me consoler.
Serre-moi contre ton cœur et garde-moi avec toi
pour éviter que je ne m’effondre.
Mon âme repose en toi et trouve la paix
comme un petit enfant dans les bras de sa mère.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Jour 9
Être fils et filles – Construction et rêve

Les enfants font confiance, les enfants se confient. Et une mère est toujours proche. On la voit même si elle n’est pas là.
Et nous, sommes-nous capables de la voir ?
Heureux celui qui voit avec son cœur.

Marie Auxiliatrice
Le petit Jean Bosco
À l’âge de 9 ans, je fis un rêve qui me laissa pour toute la vie une profonde impression. Pendant mon sommeil, il me sembla que je me trouvais près de chez moi, dans une cour très spacieuse. Une multitude d’enfants, rassemblés là, s’y amusaient. Les uns riaient, d’autres jouaient, beaucoup blasphémaient. Lorsque j’entendis ces blasphèmes, je m’élançai au milieu d’eux et, des poings et de la voix, je tentai de les faire taire. À ce moment apparut un homme d’aspect vénérable, dans la force de l’âge et magnifiquement vêtu.
« Ce n’est pas avec des coups mais par la douceur et la charité que tu devras gagner leur amitié.
 – Qui êtes-vous donc pour m’ordonner une chose impossible ?
– C’est précisément parce que ces choses te paraissent impossibles que tu dois les rendre possibles par l’obéissance et l’acquisition de la science.
– Où, par quels moyens pourrai-je acquérir la science ?
– Je te donnerai la maîtresse sous la conduite de qui tu pourras devenir un sage et sans qui toute sagesse devient sottise. »
À ce moment-là, je vis près de lui une dame d’aspect majestueux, vêtue d’un manteau qui resplendissait de toutes parts comme si chaque point eût été une étoile éclatante.
« Voilà ton champ d’action, (me dit-elle), voilà où tu dois travailler. Rends-toi humble, fort et robuste et tout ce que tu vois arriver en ce moment à ces animaux, tu devras le faire pour mes fils. »
Je tournai alors les yeux et voici qu’à la place de bêtes féroces, apparurent tout autant de doux agneaux. Tous, gambadant de tous côtés et bêlant, semblaient vouloir faire fête à cet homme et à cette femme.
À ce moment-là, toujours sommeillant, je me mis à pleurer et demandai qu’on voulût bien me parler de façon compréhensible car je ne voyais pas ce que cela pouvait bien signifier. Alors elle me mit la main sur la tête et me dit : « Tu comprendras tout en son temps. »

Marie guide et accompagne le jeune Jean Bosco tout au long de sa vie et de sa mission. Lui, enfant, découvre ainsi, à partir d’un rêve, sa vocation. Il ne comprendra pas mais il se laissera guider. Il ne comprendra pas pendant de longues années mais, à la fin, il prendra conscience que « c’est Elle qui a tout fait ». Et la mère, celle terrestre et Celle du Ciel, sera la figure centrale dans la vie de ce fils qui se fera pain pour ses enfants. Et après avoir rencontré Marie dans ses rêves, Jean Bosco, devenu prêtre, érigera un sanctuaire à la Madone afin que tous ses enfants puissent se confier à Elle. Et il dédiera ce sanctuaire à Notre Dame Auxiliatrice, parce qu’elle aura été son port d’attache, son aide permanente. Ainsi, tous ceux qui entrent dans la Basilique de Marie Auxiliatrice de Turin sont pris sous le manteau protecteur de Marie qui devient leur Guide.

Marie, une Mère qui accompagne et guide
Toi qui as accompagné ton Fils Jésus tout au long de son chemin, tu t’es proposée comme guide à ceux qui ont su t’écouter avec l’enthousiasme que seuls les petits enfants peuvent avoir. Tu t’es approchée d’eux, tu t’es manifestée à eux.
Laissez-vous accompagner : la Mère sera toujours à vos côtés pour vous montrer le chemin.

Intervention du Recteur Majeur
La Très Sainte Vierge Marie Aide à la Conversion

La Très Sainte Vierge Marie est une aide puissante et silencieuse sur notre chemin de croissance.
C’est un chemin qui a continuellement besoin de se libérer de ce qui le bloque vers la croissance. C’est un chemin qui doit être continuellement renouvelé, pour ne pas faire demi-tour ou s’arrêter dans les coins sombres de l’existence. Voilà, la conversion.

La présence de Marie est un phare d’espérance, une invitation constante pour nous à continuer à marcher vers Dieu, à aider nos cœurs à être toujours centrés sur Dieu, sur son amour. Réfléchir sur Marie, sur son rôle, signifie que nous découvrons Marie qui n’impose pas, qui ne juge pas, mais qui soutient, encourage, avec son humilité, avec son amour maternel, qui aide nos cœurs à rester proches d’Elle pour nous rapprocher toujours plus de son Fils Jésus qui est le chemin, la vérité et la vie.

Le « Oui » de Marie à l’Annonciation continue d’être valable pour nous aussi, en ouvrant à l’humanité l’histoire du salut qui est accessible et à notre portée. Son intercession aux noces de Cana soutient ceux qui se trouvent dans des situations inattendues et inédites. Marie est un modèle de conversion continue. Sa vie, une vie d’Immaculée Conception, a cependant été une adhésion progressive à la volonté de Dieu, un chemin de foi qui l’a conduite à travers joies et peines, culminant dans le sacrifice du Calvaire.

La persévérance de Marie à la suite de Jésus devient une invitation pour nous aussi à vivre cette proximité continue, cette transformation intérieure, dont nous savons bien qu’elle est un processus progressif, et qui exige constance, humilité et confiance en la grâce de Dieu.

Marie aide à la conversion par une écoute très attentive et concentrée sur la Parole de Dieu. Une écoute qui nous aide à trouver la force d’abandonner les voies du péché, pour reconnaître la force et la beauté de la marche vers Dieu.

Tournons-nous vers Marie avec une confiance filiale, car cela signifie que, tout en reconnaissant nos faiblesses, nos péchés, nos défauts, nous voulons nourrir ces désirs de changement, le changement d’un cœur qui veut se laisser accompagner par le cœur maternel de Marie. En Marie, nous trouvons une aide précieuse pour discerner les fausses promesses du monde et pour redécouvrir la beauté et la vérité de l’Évangile.

Que Marie, Secours des Chrétiens, soit une aide continuelle pour nous tous, qui nous fera découvrir la beauté de l’Évangile, et accepter de marcher vers le bien, la grandeur de la Parole de Dieu, vivante dans notre cœur, et pouvoir la communiquer aux autres.

Et nous, sommes-nous capables de nous laisser prendre par la main comme de petits enfants ?

La prière d’un fils sans énergie
Marie, toi qui te montres à ceux qui savent voir,
rends mon cœur capable de rêver et de construire.
Moi qui ne laisse personne m’aider,
moi qui me décourage, qui perds patience
et qui ne pense jamais avoir construit quoi que ce soit,
moi qui pense toujours être un raté,
aujourd’hui, je veux être un fils,
un fils capable de te donner ma main, ma Mère,
pour se faire accompagner sur les chemins de la vie.
Montre-moi mon champ d’action,
Montre-moi mon rêve
et fais qu’à la fin, moi aussi je comprenne tout
et reconnaisse ton passage dans ma vie.

Ave Maria … Je vous salue, Marie …
Heureux celui qui voit avec son cœur.




Faut-il encore se confesser ?

Le sacrement de la confession, souvent négligé dans l’agitation contemporaine, reste pour l’Église catholique une source irremplaçable de grâce et de renouveau intérieur. Nous invitons à redécouvrir sa signification originelle : non pas un rite formel, mais une rencontre personnelle avec la miséricorde de Dieu, instituée par le Christ lui-même et confiée au ministère de l’Église. À une époque qui relativise le péché, la confession se révèle être une boussole pour la conscience, un remède pour l’âme et une porte grande ouverte vers la paix du cœur.

Le Sacrement de la Confession : une nécessité pour l’âme 
Dans la tradition catholique, le Sacrement de la Confession – aussi appelé Sacrement de la Réconciliation ou de la Pénitence – occupe une place centrale dans le cheminement de la foi. Ce n’est pas un simple acte formel ni une pratique réservée à quelques fidèles particulièrement fervents, mais une nécessité profonde qui concerne chaque chrétien, appelé à vivre dans la grâce de Dieu. À une époque où la notion de péché tend à être relativisée, redécouvrir la beauté et la force libératrice de la Confession est essentiel pour répondre pleinement à l’amour de Dieu.

Jésus-Christ lui-même a institué le Sacrement de la Confession. Après sa Résurrection, Il apparut aux Apôtres et dit : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils seront retenus » (Jn 20,22-23). Ces paroles ne sont pas symboliques : elles établissent un pouvoir réel et concret confié aux Apôtres et, par succession, à leurs successeurs, les évêques et les prêtres.

Le pardon des péchés ne se fait donc pas seulement entre l’homme et Dieu de manière privée, mais il passe aussi par le ministère de l’Église. Dieu, dans son dessein de salut, a voulu que la confession personnelle devant un prêtre soit le moyen ordinaire pour recevoir Son pardon.

La réalité du péché 
Pour comprendre la nécessité de la Confession, il faut d’abord prendre conscience de la réalité du péché. 
Saint Paul affirme : « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3,23). Et : « Si nous disons que nous n’avons pas péché, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n’est pas en nous » (1Jn 1,8). 
Personne ne peut se dire exempt de péché, même après le Baptême, qui nous a purifiés de la faute originelle. Notre nature humaine, blessée par la concupiscence, nous pousse continuellement à tomber, à trahir l’amour de Dieu par des actes, des paroles, des omissions et des pensées. 
Saint Augustin écrit : « C’est vrai : la nature de l’homme fut créée à l’origine sans faute ni vice ; en revanche, la nature actuelle de l’homme, dans laquelle chacun naît d’Adam, a désormais besoin d’un Médecin, car elle n’est pas saine. Certes, tous les biens qu’elle possède dans sa structure, dans la vie, dans les sens et dans l’esprit, elle les reçoit du Dieu suprême, son créateur et artisan. Le vice, qui obscurcit et affaiblit ces biens naturels, et qui fait que la nature humaine a besoin de lumière et de soin, ne vient pas de son artisan irréprochable, mais du péché originel commis par le libre arbitre. » (La nature et la grâce).

Nier l’existence du péché revient à nier la vérité sur nous-mêmes. Ce n’est qu’en reconnaissant notre besoin de pardon que nous pouvons nous ouvrir à la miséricorde de Dieu, qui ne se lasse jamais de nous appeler à Lui.

La Confession : rencontre avec la Miséricorde Divine 
Le Sacrement de la Confession est avant tout une rencontre personnelle avec la Miséricorde divine. Ce n’est pas simplement une auto-accusation ou une séance d’auto-analyse ; c’est un acte d’amour de la part de Dieu qui, comme le père dans la parabole du fils prodigue (Lc 15,11-32), court au-devant du fils repentant, l’embrasse et le revêt d’une nouvelle dignité.

Le Catéchisme de l’Église Catholique affirme : « Ceux qui s’approchent du sacrement de la Pénitence reçoivent de la miséricorde de Dieu le pardon des offenses faites à Lui et se réconcilient en même temps avec l’Église, à laquelle ils ont infligé une blessure par le péché et qui coopère à leur conversion par la charité, l’exemple et la prière. » (CEC, 1422).

Se confesser, c’est se laisser aimer, guérir et renouveler. C’est accueillir le don d’un cœur nouveau.

Pourquoi se confesser à un prêtre ? 
Une des objections les plus courantes est : « Pourquoi dois-je me confesser à un prêtre ? Ne puis-je pas me confesser directement à Dieu ? » Certes, chaque fidèle peut – et doit – s’adresser directement à Dieu par une prière de repentir. Cependant, Jésus a établi un moyen concret, visible et sacramentel pour le pardon : la confession à un ministre ordonné. Et cela vaut pour chaque chrétien, y compris les prêtres, évêques et papes.

Le prêtre agit in persona Christi, c’est-à-dire en la personne du Christ lui-même. Il écoute, juge, absout et offre des conseils spirituels. Il ne s’agit pas d’une médiation humaine qui limiterait l’amour de Dieu, mais d’une garantie offerte par le Christ lui-même : le pardon est communiqué de manière visible, et le fidèle peut en avoir la certitude.

De plus, se confesser devant un prêtre exige l’humilité, une vertu indispensable à la croissance spirituelle. Reconnaître ouvertement ses fautes nous libère du joug de l’orgueil et nous ouvre à la vraie liberté des enfants de Dieu.

Il ne suffit pas de se confesser une fois par an, comme l’exige le minimum de la loi ecclésiastique. Les saints et maîtres spirituels ont toujours recommandé la confession fréquente – même bihebdomadaire ou hebdomadaire – comme moyen de progrès dans la vie chrétienne.

Saint Jean-Paul II se confessait chaque semaine. Sainte Thérèse de Lisieux, bien que moniale carmélite cloîtrée, se confessait régulièrement. La confession fréquente permet d’affiner la conscience, de corriger des défauts enracinés et de recevoir de nouvelles grâces.

Obstacles à la confession 
Malheureusement, beaucoup de fidèles négligent aujourd’hui le Sacrement de la Réconciliation. Parmi les principales raisons, on trouve :

La honte : craindre le jugement du prêtre. Mais le prêtre n’est pas là pour condamner, mais pour être un instrument de miséricorde.

La peur que les péchés confessés soient rendus publics : les confesseurs ne peuvent révéler à personne, en aucune circonstance (y compris aux plus hautes autorités ecclésiastiques), les péchés entendus en confession, même au prix de leur vie. S’ils le font, ils encourent immédiatement l’excommunication latae sententiae (canon 1386, Code de droit canonique). L’inviolabilité du secret sacramentel n’admet aucune exception ni dispense. Et ces conditions s’appliquent même si la Confession n’est pas terminée par l’absolution sacramentelle. Même après la mort du pénitent, le confesseur est tenu de respecter le secret sacramentel.

Le manque du sens du péché : dans une culture qui minimise le mal, on risque de ne plus reconnaître la gravité de ses fautes.

La paresse spirituelle : remettre la Confession à plus tard est une tentation courante qui refroidit la relation avec Dieu.

Les fausses convictions théologiques : certains croient à tort qu’il suffit de « se repentir dans le cœur » sans avoir besoin de la Confession sacramentelle.

Le fait de désespérer du salut : certains pensent qu’il n’y aura plus de pardon pour eux. Saint Augustin dit : « Certains, en effet, après être tombés dans le péché, se perdent encore davantage par désespoir. Non seulement ils négligent le remède de la repentance, mais deviennent esclaves de leurs passions et désirs dépravés pour satisfaire des convoitises honteuses et répréhensibles, comme s’ils perdaient ce à quoi les pousse la convoitise en ne cédant pas, convaincus d’être déjà au bord de la damnation certaine. Contre cette maladie extrêmement dangereuse et nuisible, il est utile de se souvenir des péchés dans lesquels sont tombés même les justes et les saints. » (ibid.)

Pour surmonter ces obstacles, il faut demander conseil à ceux qui peuvent en donner, s’instruire, prier.

Bien se préparer à la confession 
Une bonne confession demande une préparation adéquate, qui comprend :

1. Examen de conscience : réfléchir sincèrement à ses péchés, en s’aidant aussi de listes basées sur les Dix Commandements, les péchés capitaux ou les Béatitudes.

2. Contrition : douleur sincère d’avoir offensé Dieu, et non seulement peur de la punition.

3. Résolution de s’amender : désir réel de changer de vie, d’éviter le péché futur.

4. Accusation intégrale des péchés : avouer tous les péchés mortels de manière complète, en précisant la nature et le nombre (si possible).

5. Pénitence : accepter et accomplir l’œuvre réparatrice proposée par le confesseur.

Les effets de la Confession 
Se confesser ne produit pas seulement un effacement extérieur du péché. Les effets intérieurs sont profonds et transformateurs :

Réconciliation avec Dieu : Le péché rompt la communion avec Dieu ; la Confession la rétablit, nous ramenant à la pleine amitié divine.

Paix et sérénité intérieure : Recevoir l’absolution apporte une paix profonde. La conscience est libérée du poids de la culpabilité et ressent une joie nouvelle.

Force spirituelle : Par la grâce sacramentelle, le pénitent reçoit une force spéciale pour combattre les tentations futures et grandir dans les vertus.

Réconciliation avec l’Église : Étant donné que chaque péché nuit aussi au Corps Mystique du Christ, la Confession répare aussi notre lien avec la communauté ecclésiale.

La vitalité spirituelle de l’Église dépend aussi du renouvellement personnel de ses membres. Les chrétiens qui redécouvrent le Sacrement de la Confession deviennent presque sans s’en rendre compte plus ouverts aux autres, plus missionnaires, plus capables de rayonner la lumière de l’Évangile dans le monde. 
Seul celui qui a expérimenté le pardon de Dieu peut l’annoncer avec conviction aux autres.

Le Sacrement de la Confession est un don immense et irremplaçable. C’est la voie ordinaire par laquelle le chrétien peut revenir à Dieu chaque fois qu’il s’en éloigne. Ce n’est pas un fardeau, mais un privilège ; pas une humiliation, mais une libération.

Nous sommes donc appelés à redécouvrir ce Sacrement dans sa vérité et sa beauté, à le pratiquer avec un cœur ouvert et confiant, et à le proposer avec joie aussi à ceux qui se sont éloignés. Comme le dit le psalmiste : « Heureux l’homme à qui la faute est remise, à qui le péché est pardonné » (Ps 32,1).

Aujourd’hui plus que jamais, le monde a besoin d’âmes purifiées et réconciliées, capables de témoigner que la miséricorde de Dieu est plus forte que le péché. Si nous ne l’avons pas fait à Pâques, profitons du mois marial de mai et approchons-nous sans peur de la Confession : là nous attend le sourire d’un Père qui ne cesse jamais de nous aimer.




Enfin en Patagonie !

Entre 1877 et 1880, la mission salésienne prend un tournant vers la Patagonie. Après la proposition du 12 mai 1877 de la paroisse de Carhué, don Bosco rêve d’évangéliser les terres australes, mais don Cagliero l’invite à la prudence face aux difficultés culturelles. Les premiers essais connaissent des retards, tandis que la « campagne du désert » du général Roca (1879) redéfinit les équilibres avec les Indiens. Le 15 août 1879, l’archevêque Aneiros confie aux Salésiens la mission patagonienne : « Le moment est enfin venu où je peux vous offrir la Mission de Patagonie, vers laquelle votre cœur a tant aspiré ». Le 15 janvier 1880, le premier groupe dirigé par don Giuseppe Fagnano part, inaugurant l’épopée salésienne dans le sud de l’Argentine.

            Ce qui poussa don Bosco et don Cagliero à suspendre, au moins temporairement, tout projet missionnaire en Asie fut la nouvelle du 12 mai 1877 : l’archevêque de Buenos Aires avait offert aux salésiens la mission de Caruhé (au sud-est de la province de Buenos Aires), lieu de garnison et de frontière entre de nombreuses tribus indigènes du vaste désert de la Pampa et la province de Buenos Aires.
            Les portes de la Patagonie s’ouvraient donc pour la première fois aux salésiens. Don Bosco est enthousiasmé, mais don Cagliero refroidit immédiatement son enthousiasme :  » Je répète qu’en ce qui concerne la Patagonie, nous ne devons pas courir à la vitesse électrique, ni y aller à vapeur, parce que les salésiens ne sont pas encore préparés à cette entreprise […] ; on a publié trop de choses et on a pu faire trop peu en ce qui concerne les Indiens. Il est facile de concevoir, difficile de réaliser, et il y a trop peu de temps que nous sommes ici ; nous devons travailler avec zèle et activité à cette fin, mais sans faire de bruit, pour ne pas exciter l’admiration des gens d’ici, en voulant aspirer, à peine arrivés, à la conquête d’un pays que nous ne connaissons pas encore et dont nous ne savons même pas la langue ».
            L’option de Carmen de Patagónes n’étant plus disponible, car la paroisse avait été confiée par l’archevêque à un prêtre lazariste, il restait aux salésiens la paroisse de Carhué, la plus septentrionale, et celle de Santa Cruz, la plus méridionale, pour laquelle Don Cagliero obtint au printemps un passage par mer, ce qui devait retarder de six mois son retour prévu en Italie.
            Quant à la décision concernant celui qui devait « entrer le premier en Patagonie », don Cagliero la laissait à don Bosco, qui avait justement l’intention de lui offrir cet honneur. Mais avant même d’en prendre connaissance, don Cagliero décidait de rentrer : « La Patagonie m’attend, ceux de Dolores, de Carhué, du Chaco nous réclament, et moi je les contente tous en prenant la fuite ! » (8 juillet 1877). Il revint en Italie pour assister au 1er Chapitre général de la Société salésienne qui se tiendrait à Lanzo Torinese en septembre. Par ailleurs, il était toujours membre du Chapitre Supérieur de la Congrégation, où il occupait l’importante fonction de Catéchiste général (troisième personnage de la Congrégation, après don Bosco et don Rua).
            L’année 1877 se termina avec la troisième expédition de 26 missionnaires conduite par don Giacomo Costamagna et avec la nouvelle demande de Don Bosco au Saint-Siège pour une Préfecture à Carhué et un Vicariat à Santa Cruz. Il faut dire cependant que, pendant toute l’année, l’évangélisation directe par les salésiens en dehors de la ville s’était limitée à la brève expérience de don Cagliero et du clerc Evasio Rabagliati dans la colonie italienne de Villa Libertad à Entre Ríos (avril 1877), aux confins du diocèse de Paranà, et à quelques expéditions dans la Pampa par les salésiens de Saint-Nicolas de los Arroyos.

Le rêve se réalise (1880)
            En mai 1878, la première tentative de don Costamagna et du clerc Rabagliati pour rejoindre Carhué échoua à cause d’une tempête. Entre-temps, don Bosco était déjà revenu à la charge auprès du nouveau préfet de Propaganda Fide, le cardinal Giovanni Simeoni, en proposant un vicariat ou une préfecture basée à Carmen, comme l’avait suggéré le père Fagnano lui-même, qui voyait là un point stratégique pour atteindre les indigènes.
            L’année suivante (1879), alors que le projet d’entrée des Salésiens au Paraguay ne put se réaliser, les portes de la Patagonie s’ouvraient enfin à eux. En avril, en effet, le général Julio A. Roca entamait la fameuse « campagne du désert » dans le but de soumettre les Indiens et d’obtenir la sécurité intérieure, en les repoussant au-delà des fleuves Río Negro et Neuquén. Ce fut le « coup de grâce » porté à leur extermination, après les nombreux massacres de l’année précédente.
            Le vicaire général de Buenos Aires, Monseigneur Espinosa, aumônier d’une armée de six mille hommes, se fit accompagner du clerc argentin Luigi Botta et de don Costamagna. Le futur évêque comprit immédiatement l’ambiguïté de leur position, écrivit aussitôt à don Bosco, mais ne vit pas d’autre moyen d’ouvrir la route de la Patagonie aux missionnaires salésiens. De fait, quand le gouvernement demanda à l’archevêque d’établir quelques missions sur les rives du Río Negro et en Patagonie, on pensa immédiatement aux salésiens.
            De leur côté, les salésiens avaient l’intention de demander au gouvernement la concession pour dix ans d’un territoire administré par eux afin d’y construire, avec des matériaux payés par le gouvernement et la main-d’œuvre des Indiens, les bâtiments nécessaires à une sorte de reducción : les indigènes échapperaient à la contamination des colons chrétiens « corrompus et vicieux » et les missionnaires y planteraient la croix du Christ et le drapeau argentin. Mais l’inspecteur salésien, le père Francesco Bodrato, ne voulut pas décider seul, et le père Lasagna lui déconseilla le projet en mai, estimant que le gouvernement Avellaneda était en fin de mandat et qu’il ne s’intéressait pas au problème religieux. Il était donc préférable de préserver l’indépendance et la liberté d’action des salésiens.
            Le 15 août 1879, Mgr Aneiros offrait officiellement à Don Bosco la mission de Patagonie :  » Le moment est enfin arrivé où je peux vous offrir la mission de Patagonie, à laquelle votre cœur a tant aspiré, avec le soin des âmes des Patagons, qui peut servir de centre à la mission « .
            Don Bosco l’accepta immédiatement et volontiers, même s’il ne s’agissait pas encore du consentement tant attendu à l’érection de circonscriptions ecclésiastiques autonomes par rapport à l’archidiocèse de Buenos Aires, une réalité à laquelle s’opposait constamment l’Ordinaire du diocèse.

Le départ
            Le groupe de missionnaires partit pour la Patagonie tant désirée le 15 janvier 1880. Il était composé de don Giuseppe Fagnano, directeur de la Mission et curé de Carmen de Patagónes (le Père Lazariste s’était retiré), de deux prêtres, dont l’un était chargé de la paroisse de Viedma sur l’autre rive du Río Negro, d’un laïc salésien (coadjuteur) et de quatre religieuses. En décembre, don Domenico Milanesio arriva pour prêter main forte, et quelques mois plus tard, don Joseph Beauvoir arriva avec un autre coadjuteur novice. Ce fut le début de l’épopée missionnaire salésienne en Patagonie.




Habemus Papam : Léon XIV

Le 8 mai 2025, jour de la mémoire de la Bienheureuse Vierge du Rosaire de Pompéi, le cardinal Robert Francis Prevost (69 ans) a été élu 267e pontife. Il est le premier pape né aux États-Unis et a choisi le nom de Léon XIV.


Voici son profil biographique essentiel

Naissance : 14 septembre 1955, Chicago (Illinois, États-Unis)
Famille : Louis Marius Prevost (d’origine française et italienne) et Mildred Martínez (d’origine espagnole) ; ses frères Louis Martin et John Joseph
Langues : anglais, espagnol, italien, portugais et français ; lit le latin et l’allemand
Surnom au Pérou : « Latin Yankee » – synthèse de sa double culture
Nationalité : américaine et péruvienne

Formation
– Petit séminaire augustinien (1973)
– Licence en mathématiques, Université de Villanova (1977)
– Master en théologie, Catholic Theological Union, Chicago (1982)
– Licence en droit canonique, Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin – Angelicum (1984)
– Doctorat en droit canonique, Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin – Angelicum (1987), avec une thèse intitulée : « Le rôle du prieur local de l’Ordre de Saint-Augustin »
– Profession religieuse : noviciat Saint-Louis de la province Notre-Dame du Bon Conseil de l’Ordre de Saint-Augustin (1977)
– Vœux solennels (29.08.1981)
– Ordination sacerdotale : 19.06.1982, Rome (par l’archevêque Jean Jadot)

Ministère et fonctions principales
1985-1986 : Missionnaire à Chulucanas, Piura (Pérou)
1987 : Directeur des vocations et directeur des missions de la province augustinienne « Mère du Bon Conseil » d’Olympia Fields, dans l’Illinois (États-Unis)
1988 : Envoyé en mission à Trujillo (Pérou) comme directeur du projet de formation commune des aspirants augustiniens des vicariats de Chulucanas, Iquitos et Apurímac
1988-1992 : Directeur de la communauté
1992-1998 : Enseignant des profès
1989-1998 : Vicaire judiciaire de l’archidiocèse de Trujillo, professeur de droit canonique, de patristique et de morale au Grand Séminaire « San Carlos y San Marcelo »
1999 : Prieur provincial de la province « Mère du Bon Conseil » (Chicago)
2001-2013 : Prieur général des Augustins pour deux mandats (environ 2 700 religieux dans 50 pays)
2013 : enseignant des profès et vicaire provincial dans sa province (Chicago)
2014 : Administrateur apostolique du diocèse de Chiclayo et évêque titulaire de Sufar, Pérou (nomination épiscopale le 03.11.2014)
2014 : consécration épiscopale, en la fête de Notre-Dame de Guadalupe (12.12.2014)
2015 : nommé évêque de Chiclayo (26 septembre 2015)
2018 : 2e vice-président de la Conférence épiscopale du Pérou (8 mars 2018 – 30 janvier 2023)
2020 : Administrateur apostolique de Callao, Pérou (15 avril 2020 – 17 avril 2021)
2023 : Archevêque ad personam (30 janvier 2023 – 30 septembre 2023)
2023 : Préfet du Dicastère pour les Évêques (30.01.2023 [12.04.2023] – 09.05.2025)
2023 : Président de la Commission pontificale pour l’Amérique latine (30 janvier 2023 [12 avril 2023] – 9 mai 2025)
2023 : Créé cardinal-diacre, titulaire de Sainte-Monique des Augustins (30.09.2023 [28.01.2024] – 06.02.2025)
2025 : Promu cardinal-évêque du diocèse suburbicaire d’Albano (06.02.2025 – 08.05.2025)
2025 : Élu Souverain Pontife (08.05.2025)

Service dans la Curie romaine
Il a été membre des dicastères pour l’Évangélisation, Section pour la première évangélisation et les nouvelles Églises particulières ; pour la Doctrine de la Foi ; pour les Églises orientales ; pour le Clergé ; pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique ; pour la Culture et l’Éducation ; pour les Textes législatifs, et de la Commission pontificale pour l’État de la Cité du Vatican

Que le Saint-Esprit illumine son ministère, comme il l’a fait pour le grand saint Augustin.
Prions pour un pontificat fécond et riche d’espérance !




Les cadeaux des jeunes à Marie (1865)

Dans le rêve que Don Bosco relate dans la Chronique de l’Oratoire, daté du 30 mai, la dévotion mariale se mue en un jugement symbolique saisissant sur les jeunes de l’Oratoire : un cortège de jeunes garçons s’avance, chacun porteur d’un don, devant un autel splendidement orné pour la Vierge. Un ange, gardien de la communauté, accueille ou rejette les offrandes, en dévoilant leur portée morale – fleurs parfumées ou fanées, épines de la désobéissance, animaux incarnant des vices graves tels que l’impureté, le vol et le scandale. Au cœur de cette vision résonne le message éducatif de Don Bosco : humilité, obéissance et chasteté sont les trois piliers qui permettent de mériter la couronne de roses de Marie.

Le Serviteur de Dieu trouvait sa consolation dans la dévotion à la Sainte Vierge, honorée d’une manière particulière pendant le mois de mai par toute la communauté. Parmi ses mots du soir, la Chronique ne nous a conservé que celui du 30 du mois, qui se révèle extrêmement précieux.

30 mai

            J’ai vu un grand autel dédié à Marie et magnifiquement décoré. J’ai vu tous les jeunes de l’Oratoire s’y rendre en procession. Ils chantaient les louanges de la Vierge céleste, mais pas tous de la même façon, tout en chantant le même chant. Beaucoup chantaient vraiment bien et avec une grande précision de rythme, les uns avec plus de force et les autres avec une voix plus douce. D’autres chantaient d’une voix mauvaise et rauque, d’autres étaient désaccordés, d’autres avançaient en silence et se détachaient de la file, d’autres bâillaient et semblaient s’ennuyer, d’autres se bousculaient les uns les autres et riaient. Puis chacun apportait un cadeau à Marie. Ils portaient tous des bouquets de fleurs, plus ou moins grands et différents les uns des autres. Certains avaient un bouquet de roses, d’autres portaient des œillets, d’autres des violettes, etc. D’autres apportaient à la Vierge des cadeaux vraiment étranges. D’autres encore apportaient à la Vierge des cadeaux vraiment étranges : une tête de pourceau, un chat, un plat de crapauds, un lapin, un agneau ou d’autres offrandes.
            Un beau jeune homme se tenait devant l’autel et, en regardant de près, on pouvait voir qu’il avait des ailes derrière les épaules. C’était peut-être l’Ange gardien de l’Oratoire ; au fur et à mesure que les jeunes offraient leurs cadeaux, il les recevait et les déposait sur l’autel.
            Les premiers offrirent de magnifiques bouquets de fleurs et l’Ange, sans rien dire, les déposait sur l’autel. Beaucoup d’autres offrirent leurs bouquets. Il les examinait, défaisait le bouquet, enlevait les fleurs gâtées qu’il jetait, refaisait le bouquet et le plaçait sur l’autel. Aux autres qui avaient dans leurs bouquets des fleurs belles mais inodores, comme des dahlias, des camélias, etc., l’Ange les fit enlever, parce que Marie veut la réalité et non l’apparence. Après avoir refait le bouquet, l’Ange l’offrit à la Vierge. Parmi les fleurs, beaucoup avaient des épines, peu ou beaucoup, et d’autres des clous ; l’Ange enleva les unes et les autres.
            Enfin arriva celui qui portait le pourceau, et l’Ange lui dit : – Comment as-tu le courage de venir offrir ce cadeau à Marie ? Sais-tu ce que signifie le porc ? Il signifie le vilain vice de l’impureté ; Marie, qui est toute pure, ne peut supporter ce péché. Retire-toi, tu n’es pas digne de te tenir devant elle.
            Vinrent ensuite ceux qui avaient un chat, et l’Ange leur dit :
            – Vous aussi, vous osez apporter ces cadeaux à Marie ? Savez-vous ce que signifie le chat ? C’est l’image du vol et vous osez l’offrir à la Vierge ? Les voleurs sont ceux qui prennent l’argent, les objets, les livres de leurs camarades, ceux qui volent les aliments de l’Oratoire, qui déchirent leurs vêtements par méchanceté, qui gaspillent l’argent de leurs parents en n’étudiant pas. – Et il les mit de côté eux aussi.
            Vinrent alors ceux qui avaient des plats de crapauds. L’Ange les regarda avec colère :
            – Les crapauds symbolisent les péchés honteux des scandales, et vous venez les offrir à la Vierge ? Arrière ! retirez-vous avec les autres coupables. – Et ils se retirèrent tout confus.
            Certains s’avançaient avec un couteau planté dans le cœur. Ce couteau signifiait le sacrilège. L’Ange leur dit :
            – Ne voyez-vous pas que vous avez la mort dans l’âme, que si vous êtes encore en vie, c’est une miséricorde spéciale de Dieu, sans quoi vous seriez perdus ? Par pitié, faites-vous enlever ce couteau ! – Et eux aussi furent refusés.
            L’un après l’autre, tous les autres jeunes s’approchèrent. Certains offrirent des agneaux, d’autres des lapins, d’autres des poissons, d’autres des noix, d’autres des raisins, etc. L’Ange accepta tout et déposa le tout sur l’autel. Après avoir ainsi séparé les bons des mauvais, il fit mettre en rang devant l’autel tous ceux dont les cadeaux avaient été acceptés par Marie ; et ceux qui avaient été mis à part étaient, à mon grand regret, beaucoup plus nombreux que je n’avais pensé.
            Puis, de chaque côté de l’autel, apparurent deux autres anges, tenant deux riches corbeilles remplies de magnifiques couronnes, composées de roses somptueuses. Ces roses n’étaient pas tout à fait des roses de la terre, bien qu’apparemment artificielles, symbole d’immortalité.
            L’Ange gardien prit ces couronnes une à une et couronna tous les jeunes qui étaient alignés devant l’autel. Parmi ces couronnes, il y en avait des plus grandes et des plus petites, mais toutes étaient d’une admirable beauté. Notez aussi qu’il n’y avait pas seulement les jeunes de notre maison, mais beaucoup d’autres que je n’avais jamais vus. Il se passa alors une chose merveilleuse ! Certains jeunes étaient apparemment si laids qu’ils en étaient presque repoussants ; ils reçurent les couronnes les plus belles, signe que leur laideur extérieure était compensée par le don et la vertu de chasteté pratiquée à un degré éminent. Beaucoup d’autres avaient la même vertu, mais à un degré moins éminent. Beaucoup se distinguaient par d’autres vertus, telles que l’obéissance, l’humilité, l’amour de Dieu, et tous avaient des couronnes correspondant à l’excellence de ces vertus. L’Ange leur dit :
            – Marie a voulu aujourd’hui que vous soyez couronnés de ces belles roses. Mais n’oubliez pas de continuer à faire en sorte qu’elles ne vous soient pas enlevées. Il y a trois moyens de les conserver. Pratiquez : 1° l’humilité ; 2° l’obéissance ; 3° la chasteté. Ces trois vertus vous rendront toujours agréables à Marie et vous rendront un jour dignes de recevoir une couronne infiniment plus belle que celle-ci.
            Alors les jeunes se mirent à entonner devant l’autel l’AveMaris stella (Je vous salue, Étoile de la mer).
            Et, après avoir chanté le premier verset, ils se mirent en route en procession comme ils étaient venus et commencèrent à chanter Louange à Marie d’une voix si forte que j’en fus étonné et émerveillé. Je les suivis à quelque distance, puis je retournai voir les jeunes que l’Ange avait écartés, mais je ne les vis plus.
            Mes amis ! Je sais quels sont ceux qui ont été couronnés et ceux qui ont été chassés par l’Ange. Je le dirai aux uns et aux autres, afin qu’ils s’efforcent d’apporter à la Vierge des présents qu’elle daignera accepter.
            En attendant, quelques observations. – La première : Tous apportaient des fleurs à la Vierge, et il y avait toutes sortes de fleurs, mais j’ai remarqué que toutes, plus ou moins, avaient des épines parmi les fleurs. J’ai pensé et repensé à ce que signifiaient ces épines et j’ai trouvé qu’elles signifiaient en fait la désobéissance. Garder de l’argent sans permission et sans vouloir le remettre au préfet, demander la permission d’aller dans un endroit et puis aller dans un autre, aller en classe en retard alors que les autres sont déjà là depuis un certain temps, se préparer des petits plats et des petits goûters en cachette, aller dans les dortoirs des autres alors que c’est absolument interdit, quelle que soit la raison ou le prétexte que l’on peut avoir, se lever tard le matin, abandonner les pratiques de piété prescrites, bavarder quand il est temps de se taire, acheter des livres sans les montrer, envoyer des lettres sans permission par l’intermédiaire d’une tierce personne pour ne pas être vu et les recevoir par la même voie, faire des contrats, des achats et des ventes les uns avec les autres : voilà ce que signifient les épines. Beaucoup d’entre vous demanderont : est-ce donc un péché de transgresser les règles de la maison ? J’ai déjà réfléchi sérieusement à cette question et je vous réponds absolument oui. Je ne vous dis pas que c’est grave ou léger, il faut tenir compte des circonstances, mais c’est un péché. Certains me diront : mais ce n’est pas dans la loi de Dieu que nous devons obéir aux règles de la maison ! Ecoutez, c’est dans les commandements : – Honore ton père et ta mère ! – Sais-tu ce que signifient ces mots père et mère ? Ils englobent aussi ceux qui les représentent. N’est-il pas écrit dans l’Écriture Sainte : Oboedite praepositis vestris (Obéissez à vos supérieurs, Hébreux 13,17) ? Si vous devez obéir, il est naturel qu’ils doivent commander. Voilà l’origine des règles d’un Oratoire, et voilà si elles sont obligatoires, oui ou non.
            Deuxième observation. – Certains avaient des clous au milieu de leurs fleurs, ces clous qui avaient servi à clouer le bon Jésus. Mais quoi ? On commence toujours par les petites choses pour arriver aux grandes. Un tel voulait avoir de l’argent pour satisfaire ses caprices ; alors, pour le dépenser à sa guise, il ne voulait pas le remettre ; il se mit à vendre ses livres d’école et finit par voler de l’argent et les affaires de ses camarades. Un autre voulait satisfaire sa gourmandise, d’où les bouteilles, etc., puis il s’est permis certaines licences, bref il est tombé dans le péché mortel. C’est ainsi qu’on a trouvé des clous dans ces bouquets, et c’est ainsi que le bon Jésus a été crucifié. L’Apôtre dit qu’en péchant on crucifie de nouveau le Sauveur : Rursus crucifigentes filium Dei (ils crucifient de nouveau le Fils de Dieu, He 6,6).
            Troisième observation. – Beaucoup de jeunes avaient dans leurs bouquets, parmi les fleurs fraîches et odorantes, des fleurs pourries et décomposées, ou de belles fleurs sans odeur. Elles signifiaient les bonnes œuvres mais accomplies en état de péché mortel, œuvres qui ne font rien pour augmenter leurs mérites. Les fleurs sans odeur sont les bonnes œuvres mais accomplies à des fins humaines, par ambition, uniquement pour plaire aux maîtres et aux supérieurs. C’est pourquoi l’Ange leur reprocha d’avoir osé apporter de telles offrandes à Marie et les renvoya arranger leur bouquet. Ils se retirèrent, le défirent, enlevèrent les fleurs fanées, puis, ayant remis les fleurs en ordre, les remirent comme auparavant et les rendirent à l’Ange qui les accepta et les plaça sur la table. Lorsqu’ils revenaient, ils n’attendaient plus un ordre, mais chacun rapportait son bouquet dès qu’il était prêt, certains plus tôt, d’autres plus tard, puis allait se placer auprès de ceux qui allaient recevoir la couronne.
            J’ai vu dans ce rêve tout ce qui a été et tout ce qui adviendra de mes jeunes. Je l’ai déjà dit à beaucoup, je le dirai à d’autres. En attendant, veillez à ce que cette Vierge céleste reçoive toujours de vous des cadeaux qui ne puissent jamais être refusés.
(MB VIII, 129-132)

Photo d’ouverture : Carlo Acutis lors d’une visite au sanctuaire marial de Fátima.




Saint Dominique Savio. Les lieux de son enfance

Saint Dominique Savio, le « petit grand saint », vécut sa brève mais intense enfance dans les collines du Piémont, en des lieux aujourd’hui empreints de mémoire et de spiritualité. Lors de sa béatification en 1950, la figure de ce jeune disciple de Don Bosco fut célébrée comme un symbole de pureté, de foi et de dévouement évangélique. Retraçons les lieux principaux de son enfance — Riva près de Chieri, Morialdo et Mondonio — à travers des témoignages historiques et des récits vivants, révélant l’environnement familial, scolaire et spirituel qui forgea son chemin vers la sainteté.

            L’année sainte 1950 fut aussi celle de la béatification de Dominique Savio, qui eut lieu le 5 mars. Le disciple de Don Bosco, âgé de 15 ans, était le premier saint laïc « confesseur » à monter sur les autels à cet âge.
            Ce jour-là, Saint-Pierre de Rome était remplie de jeunes qui témoignaient, par leur présence, d’une admirable ouverture aux idéaux les plus sublimes de l’Évangile. La basilique se transforma, selon Radio Vatican, en un immense et bruyant oratoire salésien. Lorsque le voile recouvrant la figure du nouveau Bienheureux tomba des rayons du Bernin, des applaudissements frénétiques s’élevèrent de toute la basilique et l’écho parvint jusqu’à la place, où l’on découvrit la tapisserie représentant le Bienheureux depuis la loggia des bénédictions.
            Le système éducatif de Don Bosco reçut ce jour-là sa plus haute reconnaissance. Nous avons voulu revisiter les lieux de l’enfance de Dominique, après avoir relu les informations détaillées que nous fournit Don Molineris dans sa Nouvelle vie de Dominique Savio. À l’aide de documents sérieux, il décrit ce que les biographies de saint Dominique Savio ne disent pas.

À Riva, près de Chieri
            Nous voici tout d’abord à San Giovanni di Riva, près de Chieri, le hameau où notre « petit grand saint » est né le 2 avril 1842 de Carlo Savio et Brigida Gaiato, deuxième de dix enfants. De l’aîné, qui n’a survécu que 15 jours après sa naissance, il hérita le nom et le droit d’aînesse.
            Son père, comme nous le savons, était originaire de Ranello, un hameau de Castelnuovo d’Asti, et était allé vivre dans sa jeunesse chez son oncle Carlo, forgeron à Mondonio, dans une maison située sur l’actuelle Via Giunipero, au numéro 1, encore appelée « ca dèlfré » ou maison du forgeron. C’est là, auprès de « Barba Carlòto » (oncle Charles), qu’il avait appris le métier. Quelque temps après son mariage, contracté le 2 mars 1840, il était devenu indépendant et déménagea dans la maison Gastaldi à San Giovanni di Riva. Il loua un logement comprenant des pièces au rez-de-chaussée pour la cuisine, une réserve et un atelier, et des chambres au premier étage, auxquelles on accédait par un escalier extérieur aujourd’hui disparu.
            En 1978, les héritiers Gastaldi ont vendu aux salésiens la maison et la ferme attenante. Et aujourd’hui, un centre de jeunes moderne, géré par des anciens élèves et des coopérateurs salésiens, garde le souvenir de la famille et donne une nouvelle vie à la petite maison où Dominique est né.

À Morialdo
            En novembre 1843, c’est-à-dire alors que Dominique n’avait pas encore atteint l’âge de deux ans, la famille Savio déménagea, pour des raisons professionnelles, à Morialdo, le hameau de Castelnuovo lié au nom de saint Jean Bosco, né à la ferme Biglione, au lieu-dit des Becchi.
            À Morialdo, les Savio louèrent quelques chambres près de l’entrée de la propriété de Viale Giovanna, qui avait épousé Stefano Persoglio. L’ensemble de la ferme a ensuite été vendu par leur fils, Persoglio Alberto, à Pianta Giuseppe et à sa famille.
            Cette ferme est devenue également en grande partie la propriété des salésiens qui, après l’avoir aménagée, l’ont destinée à servir pour des réunions de jeunes et pour des visites de pèlerins. À moins de 2 km du Colle Don Bosco, elle est située dans un cadre champêtre, au milieu des festons de vignes, des champs fertiles et des prairies vallonnées, dans une atmosphère de joie au printemps et de nostalgie en automne lorsque les feuilles jaunissantes sont dorées par les rayons du soleil, avec un panorama enchanteur les jours de beau temps, quand la chaîne des Alpes se découvre à l’horizon depuis le sommet du Mont Rose près d’Albugnano, du Grand Paradis, du Rocciamelone, jusqu’à Monviso. C’est vraiment un lieu à visiter et à utiliser pour des journées de vie spirituelle intense, une école de sainteté dans le style de Don Bosco.
            La famille Savio resta à Morialdo jusqu’en février 1853, soit neuf ans et trois mois. Dominique, qui n’a vécu que 14 ans et mois, y a passé près des deux tiers de sa courte existence. Il peut donc être considéré non seulement comme l’élève et le fils spirituel de Don Bosco, mais aussi comme son compatriote.

À Mondonio
            Pourquoi la famille Savio a-t-elle quitté Morialdo ? Don Molineris nous le suggère dans son livre. Son oncle forgeron étant mort, le père de Domenico pouvait hériter non seulement des outils du métier mais aussi de la clientèle de Mondonio. C’est probablement la raison du déménagement, qui n’a cependant pas eu lieu dans la maison de Via Giunipero, mais dans la partie basse du village, où ils ont loué aux frères Bertello la première maison à gauche de la rue principale du village. La petite maison se composait, et se compose encore aujourd’hui, d’un rez-de-chaussée avec deux pièces pour la cuisine et une chambre, et d’un étage supérieur, au-dessus de la cuisine, avec deux chambres et assez d’espace pour un atelier, avec une porte et la rampe qui donne sur la rue.
            Nous savons que les époux Savio ont eu dix enfants, dont trois sont morts en bas âge et trois autres, dont le nôtre, n’ont pas atteint l’âge de 15 ans. La mère est décédée en 1871 à l’âge de 51 ans. Le père, resté seul à la maison avec son fils Giovanni après avoir placé ses trois filles survivantes, demanda l’hospitalité à Don Bosco en 1879 et mourut au Valdocco le 16 décembre 1891.
            Au Valdocco, Dominique était entré le 29 octobre 1854 ; il y resta, à l’exception de courtes périodes de vacances, jusqu’au 1er mars 1857. Il est décédé huit jours plus tard à Mondonio, dans la petite chambre à côté de la cuisine, le 9 mars de cette année-là. Son séjour à Mondonio a donc été d’environ 20 mois en tout, et celui à Valdocco de 2 ans et 4 mois.

Souvenirs de Morialdo
            De ce bref passage en revue des trois maisons Savio, il ressort que celle de Morialdo doit être la plus riche en souvenirs. San Giovanni di Riva rappelle la naissance de Dominique, à Mondonio il alla un an l’école et mourut saintement, mais Morialdo nous rappelle sa vie en famille, à l’église et à l’école. C’est à Morialdo que Minòt, comme on l’appelait, a dû entendre, voir et apprendre tant de choses de son père et de sa mère, c’est là qu’il a montré sa foi et son amour dans la petite église Saint-Pierre, révélé son intelligence et sa bonté à l’école de Don Giovanni Zucca, sa joie et sa vivacité dans les jeux avec ses camarades du village.
            C’est à Morialdo que Dominique Savio s’est préparé à sa première communion, qu’il fera ensuite dans l’église paroissiale de Castelnuovo le 8 avril 1849. C’est là, alors qu’il n’avait que 7 ans, qu’il a écrit ses « souvenirs », c’est-à-dire ses résolutions de première communion :
            1. Je me confesserai très souvent et je communierai aussi souvent que le confesseur me le permettra ;
            2. Je veux sanctifier les jours de fête ;
            3. Mes amis seront Jésus et Marie ;
            4. La mort mais pas les péchés.
            Tels furent les résolutions qui ont guidé ses actions jusqu’à la fin de sa vie.
            Le comportement d’un garçon, sa façon de penser et d’agir reflètent l’environnement dans lequel il a vécu, et en particulier la famille dans laquelle il a passé son enfance. C’est pourquoi, si l’on veut comprendre quelque chose à Dominique, il est toujours bon de réfléchir à sa vie dans cette maison de Morialdo.

La famille
            Sa famille n’était pas une famille d’agriculteurs. Son père était forgeron et sa mère couturière. Ses parents n’étaient pas de constitution robuste. Des signes de fatigue se lisaient sur le visage de son père, tandis que la finesse des traits distinguait le visage de sa mère. Le père de Domenico était un homme d’initiative et de courage. Sa mère venait de Cerreto d’Asti, un village pas très éloigné, où elle tenait une boutique de couturière « et grâce à son habileté, elle épargnait aux habitants la fatigue de descendre dans la vallée pour chercher du tissu ». Elle fut aussi couturière à Morialdo. Don Bosco le savait-il ? Curieux, en effet, fut son dialogue avec le petit Dominique qui était allé le trouver aux Becchi :
– Eh bien, qu’en pensez-vous ?
            – Eh, il me semble qu’il y a là de la bonne étoffe (
en piémontais : Eh, m’a smia ch’a-j’sia bon-a stòfa !).
            – À quoi peut servir cette étoffe ?
            – À faire un bel habit pour le Seigneur.
            – Alors, je suis l’étoffe et vous, soyez le tailleur ; prenez-moi avec vous (
en piémontais : ch’èmpija ansema a chiel) et vous ferez un bel habit pour le Seigneur » (OE XI, 185).
            Dialogue extraordinaire entre deux compatriotes qui se sont compris au premier coup d’œil. Et leur langage convenait parfaitement au fils de la couturière.
            À la mort de leur mère, le 14 juillet 1871, le curé de Mondonio, Don Giovanni Pastrone, dit à ses filles en pleurs pour les consoler : « Ne pleurez pas, parce que votre mère était une sainte femme ; et maintenant elle est déjà au Paradis ».
            Son fils Dominique, qui l’avait précédée au ciel de plusieurs années, lui avait dit, ainsi qu’à son père, avant de mourir : « Ne pleurez pas, je vois déjà le Seigneur et la Madone qui m’attendent les bras ouverts ». Ces dernières paroles de Dominique, rapportées par sa voisine Anastasia Molino, présente au moment de sa mort, étaient le sceau d’une vie joyeuse, le signe manifeste de cette sainteté que l’Église a reconnue solennellement le 5 mars 1950, puis confirmée définitivement le 12 juin 1954 par sa canonisation.

Photo en frontispice. La maison où Dominique mourut en 1857. C’est une bâtisse rurale datant probablement de la fin du XVIIe siècle. Reconstruite sur une autre maison encore plus ancienne, elle est l’un des monuments les plus chers au cœur des habitants de Mondonio.