La foi, notre bouclier et notre victoire (1876)

« Quand je me suis consacré à cette partie du ministère sacré, j’ai eu l’intention de consacrer tous mes efforts à la plus grande gloire de Dieu et au bénéfice des âmes ; j’ai eu l’intention de m’efforcer de faire de bons citoyens sur cette terre, afin qu’ils soient un jour dignes habitants du ciel. Que Dieu m’aide à pouvoir continuer ainsi jusqu’au dernier souffle de ma vie. » Don Bosco

            Les jeunes, et pas seulement eux, attendaient avec impatience le récit du rêve. Don Bosco tint sa promesse, mais avec un jour de retard, au cours du mot du soir du 30 juin, solennité de la Fête-Dieu. Il commença ainsi : « Je suis content de vous voir. Oh ! combien de visages angéliques j’ai devant moi et tous tournés vers moi (rire général). Je pensais qu’en vous racontant ce rêve, je vous ferais peur ! Si j’avais un visage angélique, je pourrais vous dire : regardez-moi ! Et alors toutes vos craintes seraient dissipées. Mais malheureusement, je ne suis que poussière, tout comme vous. Mais nous sommes l’œuvre de Dieu et je peux dire avec saint Paul que vous êtes gaudium meum et corona mea : vous êtes ma consolation et ma couronne. Mais ne vous étonnez pas si, dans la couronne, il y a un Gloria Patri un peu rugueux. Mais venons-en au rêve. Je ne voulais pas vous le raconter, de peur de vous effrayer, mais je me suis dit : un père ne doit rien cacher à ses enfants, d’autant plus s’ils s’intéressent à ce qu’il sait et qu’ils doivent savoir ce que leur père sait et fait. Je suis donc résolu à vous le raconter dans tous ses détails, mais je vous prie de ne lui accorder que l’importance que l’on donne à un rêve ; que chacun prenne la part qui lui plaît le mieux et qui lui est la plus salutaire. Sachez donc que le rêve se fait pendant le sommeil (rire général). Mais sachez aussi que je n’ai pas fait ce rêve maintenant ; je l’ai fait il y a quinze jours, juste au moment où vous terminiez votre retraite. Depuis longtemps, je priais le Seigneur de me faire connaître l’état de l’âme de mes enfants et ce que l’on pouvait faire pour qu’ils progressent davantage dans la vertu et pour extirper certains vices de leur cœur. C’est de cela que j’étais préoccupé, surtout pendant ces exercices spirituels. Grâce à Dieu, ces exercices se sont très bien déroulés, tant pour les étudiants que pour les apprentis. Mais le Seigneur ne s’est pas arrêté là dans ses miséricordes ; il a voulu me faire la grâce de pouvoir lire dans les consciences des jeunes comme dans un livre ; et ce qui est plus admirable, je voyais non seulement l’état présent de chacun, mais les choses qui arriveraient à chacun dans l’avenir. Et cela, d’une manière également extraordinaire pour moi, car il ne m’était jamais arrivé de voir tellement bien, aussi clairement et sans voile, dans les choses futures et dans les consciences des jeunes. C’était la première fois. J’avais aussi beaucoup prié la Sainte Vierge pour qu’elle m’accorde la grâce qu’aucun de vous n’ait le démon dans son cœur, et j’espère que cela m’a aussi été accordé, car j’ai des raisons de croire que vous m’avez tous entièrement ouvert votre conscience. Avec ces pensées, et en priant le Seigneur de me faire connaître ce qui pourrait profiter ou nuire à la santé des âmes de mes chers jeunes, je me suis couché, et voici que j’ai commencé à faire le rêve que je vais vous raconter ici.
            Le préambule commence par un sentiment habituel de profonde humilité ; mais cette fois il se termine par une affirmation de nature à exclure tout doute sur le caractère surnaturel du phénomène.
            Le rêve pourrait s’intituler ainsi : La foi, notre bouclier et notre victoire.

            Il me semblait que j’étais à l’Oratoire avec mes jeunes, qui forment ma gloire et ma couronne. C’était le soir, au crépuscule. Je voyais encore, mais moins bien. En sortant ici du préau, je me dirigeais vers la loge du portier ; mais un nombre immense de jeunes m’entouraient, comme vous avez l’habitude de le faire, parce que nous sommes des amis. Les uns étaient venus pour me saluer, les autres pour me dire quelque chose. J’adressais un mot à celui-ci, un mot à celui-là. J’arrivais ainsi lentement au milieu de la cour, quand j’entendis des aïe ! aïe ! lugubres et prolongés, et un grand bruit, mêlé à des cris aigus de jeunes et à des hurlements féroces, qui venaient du côté de la loge du portier. En entendant ce vacarme inhabituel, les élèves allèrent voir ; mais bientôt, avec les apprentis effrayés, je les vis s’enfuir précipitamment, en criant et en courant vers nous. Beaucoup d’apprentis étaient passés par la porte au fond de la cour.
            Mais comme les cris devenaient de plus en plus forts, avec des accents de douleur et de désespoir, j’ai demandé avec anxiété à tout le monde ce qui s’était passé, et j’ai essayé d’avancer pour apporter de l’aide là où elle était nécessaire. Mais les jeunes qui m’entouraient m’ont retenu. Alors j’ai dit :
            – Mais laissez-moi aller voir ce qui vous fait si peur.
            – Non, non, pour l’amour du ciel, me dirent-ils tous, n’avancez pas, revenez, revenez, il y a un monstre qui va vous dévorer, fuyez, fuyez avec nous, n’y allez pas.
            Cependant, je voulus voir ce qu’il y avait là, et me dégageant des jeunes, j’avançai un peu dans la cour des apprentis, tandis que tous les jeunes criaient :
            -Voyez, voyez !
            – Qu’est-ce qu’il y a là ?
            – Voyez là-bas au fond !
            Je me suis tourné de ce côté et j’ai vu un monstre qui m’a d’abord semblé être un lion gigantesque, comme il n’en existe certainement pas sur la terre. Je l’ai regardé attentivement. Il était hideux, il avait presque l’apparence d’un ours, mais plus féroce et plus hideux. La partie arrière, proportionnellement aux autres membres, était plutôt petite, mais les épaules avant étaient très larges, ainsi que le ventre. Sa tête était énorme, et sa bouche si grande et si ouverte qu’elle semblait faite pour dévorer les gens d’une seule bouchée. De cette bouche sortaient deux grandes dents très longues et acérées, semblables à des épées tranchantes.
            Je me retirai rapidement au milieu des jeunes, qui me demandaient conseil avec anxiété ; mais je n’étais pas exempt de peur et je me trouvais un peu embarrassé. Je répondis néanmoins :
            – Je voudrais pouvoir vous dire ce que vous avez à faire, mais je ne le sais pas moi-même. En attendant, rassemblons-nous sous le préau.
            En disant cela, l’ours entra dans la seconde cour. Il s’avançait vers nous à pas graves et lents, comme quelqu’un qui est sûr de la proie qu’il veut prendre. Nous reculâmes, épouvantés, jusqu’à ce que nous nous retrouvions ici, sous le préau. Les jeunes s’étaient groupés autour de moi. Tous les yeux étaient fixés sur moi :
            – Don Bosco, que devons-nous faire ? – me disaient-ils. Et moi aussi, je regardais les jeunes, mais en silence, sans savoir de quel côté me tourner. Finalement, je me suis exclamé :
            – Tournons-nous vers le fond du préau, vers l’image de la Vierge, agenouillons-nous, prions-la avec ferveur, avec plus de dévotion que d’habitude, pour qu’elle nous dise ce que nous devons faire en ce moment, qu’elle nous fasse savoir qui est ce monstre, qu’elle vienne à notre secours et qu’elle nous libère. S’il s’agit d’un animal féroce, nous essaierons de le tuer d’une manière ou d’une autre ; s’il s’agit d’un démon, Marie nous viendra en aide. Ne craignez rien ! Notre Mère du Ciel pourvoira à notre salut !
            Pendant ce temps, l’ours continuait à s’approcher lentement et rampait presque sur le sol pour prendre de l’élan et bondir.
            Nous nous sommes agenouillés et avons commencé à prier. Quelques minutes de grande consternation se sont écoulées. La bête s’était approchée si près qu’elle aurait pu s’abattre sur nous d’un seul élan. Puis, je ne sais ni quand ni comment, nous nous sommes soudain vus transportés par-dessus le mur et nous nous sommes retrouvés dans le réfectoire des abbés.
            Au milieu du réfectoire, nous pouvions voir la Vierge, qui ressemblait, je ne sais pas, à la statue ici sous le préau, ou à celle du réfectoire, ou à celle sur le dôme, ou à celle dans l’église. Mais quoi qu’il en soit, le fait est qu’elle était toute rayonnante de la plus vive lumière et qu’elle éclairait tout le réfectoire, qui s’était agrandi et surélevé au centuple, comme un soleil au milieu de l’après-midi. Elle était entourée de bienheureux et d’anges, de sorte que la pièce ressemblait à un paradis. Ses lèvres bougeaient comme si elle voulait parler, nous dire quelque chose.
            Nous étions extraordinairement nombreux dans ce réfectoire. Dans nos cœurs, la peur fit place à l’étonnement. Les yeux de tous étaient fixés sur la Vierge qui, d’une voix très douce, nous rassurait.
            – Ne craignez pas, dit-elle ; ayez la foi ; ce n’est qu’une épreuve que mon divin Fils veut vous faire faire.
            Je regardai ensuite attentivement les personnages rayonnants de gloire qui entouraient la Sainte Vierge, et je reconnus Don Alasonatti, Don Ruffino, un certain Michel, un Frère des Écoles chrétiennes (Romano, directeur de la maison du noviciat des Frères à Turin), que certains d’entre vous ont peut-être connu, et mon frère Joseph, ainsi que d’autres qui étaient autrefois dans notre Oratoire, appartenant à la Congrégation et qui sont maintenant au paradis. Avec eux, j’en ai vu d’autres qui sont encore en vie.

***

            Et voici que l’un de ceux qui formaient la cour de la Vierge dit à haute voix : « Surgamus » (levons-nous).
            Nous étions debout et nous ne savions pas ce que cela signifiait, et nous avons dit : – Mais comment surgamus ? Si nous sommes déjà tous debout ! Surgamus ! répéta la même voix plus fort. Les jeunes, immobiles et étonnés, s’étaient tournés vers moi, attendant de moi un signe, et ils ne savaient que faire. Je me suis tourné vers l’endroit d’où venait la voix et j’ai dit :
            – Comment cela ? Que signifie surgamus, alors que nous sommes déjà tous debout ?
            Et la voix m’a répondu avec plus de force : Surgamus ! Je ne comprenais pas ce commandement.
            Alors un de ceux qui étaient avec la Sainte Vierge s’adressa à moi, debout sur une table pour dominer toute la multitude, et il se mit à dire d’une voix d’une force admirable, tandis que les jeunes écoutaient attentivement :
            – Mais toi qui es prêtre, tu devrais comprendre ce surgamus ! Quand tu célèbres la Sainte Messe, est-ce que tu ne dis pas chaque jour sursum corda (élevons notre cœur) ? Comprends-tu par là qu’il faut s’élever matériellement, ou élever les affections du cœur vers le ciel, vers Dieu ?
            Alors j’ai crié aux jeunes :
            – Allons, debout, mes enfants, ravivons, fortifions notre foi, élevons nos cœurs vers Dieu, faisons un acte d’amour et de repentir, faisons un effort de volonté pour prier avec une vive ferveur, faisons confiance à Dieu. J’ai fait un signe et nous nous sommes tous agenouillés.
            Un peu plus tard, alors que nous priions à voix basse avec confiance, une voix s’est à nouveau fait entendre : Surgite (levez-vous) ! Nous nous sommes tous levés et nous nous sommes sentis soulevés du sol par une force surnaturelle, et nous sommes montés. Je ne saurais dire à quelle hauteur, mais je sais que nous étions tous très haut. Je ne saurais pas dire non plus sur quoi nos pieds reposaient. Je me souviens m’être accroché au cadre ou au parapet d’une fenêtre. Tous les jeunes ont ensuite escaladé les fenêtres et les portes. Les uns s’accrochaient de-ci, les autres de-là, certains à des barres de fer, d’autres à des clous solides, d’autres encore à la charpente de la voûte. Nous étions tous soulevés dans les airs et je m’étonnais que nous ne tombions pas à terre.
            Et voici que le monstre que nous avions vu dans la cour entra dans la salle, suivi d’un nombre incalculable de bêtes de diverses espèces, mais toutes féroces. Elles couraient çà et là à travers le réfectoire en poussant des hurlements horribles, elles semblaient avides de combattre, elles paraissaient à tout moment sur le point de se jeter sur nous. Mais elles ne faisaient pas encore mine de nous attaquer. Cependant, elles nous regardaient en levant le museau, les yeux injectés de sang. Nous les observions d’en haut, et je me tenais fermement à cette fenêtre. – « Si je tombais, me disais-je, quel horrible supplice ils feraient de ma personne ! »

***

            Pendant que nous étions dans cette étrange position, une voix sortit de la Madone, chantant les paroles de saint Paul : Sumite ergo scutum fidei inexpugnabile (Prenez donc le bouclier invincible de la foi). C’était un chant si harmonieux, si uni, d’une mélodie si sublime, que nous étions comme en extase. Nous entendions toutes les notes, de la plus grave à la plus aiguë, et nous avions l’impression que cent voix chantaient à l’unisson.
            Nous écoutions ce chant du paradis, lorsque nous avons vu partir du côté de la Vierge un grand nombre de beaux jeunes gens, munis d’ailes et venant du ciel. Ils se sont approchés de nous avec des boucliers à la main et en ont placé un sur le cœur de chacun de nos jeunes. Tous ces boucliers étaient grands, beaux, resplendissants. Ils reflétaient la lumière de la Sainte Vierge et ressemblaient à quelque chose de céleste. Chaque bouclier semblait fait de fer au milieu, puis d’un grand cercle de diamant, et enfin, au bord, d’un cercle d’or très pur. Ce bouclier représentait la foi. Lorsque nous fûmes tous ainsi armés, ceux qui entouraient la Sainte Vierge chantèrent en duo et avec une si belle harmonie que je ne sais quels mots pourraient exprimer une telle douceur. C’était tout ce qu’on peut imaginer de plus beau, de plus suave, de plus mélodieux.
            Pendant que je contemplais ce spectacle et que j’étais absorbé par cette musique, je fus secoué par une voix puissante qui criait : Ad pugnam (Au combat) ! Toutes ces bêtes se mirent à s’agiter furieusement.
            D’un coup, nous sommes tous tombés debout sur le sol, et chacun de nous s’est mis à combattre les bêtes, protégé par le bouclier divin. Je ne saurais dire si nous avons combattu dans le réfectoire ou dans la cour. Le chœur céleste continuait ses harmonies. Les monstres nous lançaient des boules de plomb, tandis que des lances, des foudres et autres projectiles de toutes sortes sortaient de leurs mâchoires avec des vapeurs. Mais ces armes ne nous atteignaient pas ou frappaient nos boucliers et rebondissaient. Les ennemis, eux, voulaient blesser et tuer et se précipitaient à l’assaut, mais ils ne pouvaient nous infliger aucune blessure ; tous leurs coups frappaient impétueusement ces boucliers, ils s’y brisaient les dents et s’enfuyaient. Par vagues successives, ces masses de bêtes redoutables se suivaient les unes les autres, mais elles connurent toutes le même sort.
            La lutte fut longue. Enfin, la voix de la Vierge se fit entendre : Haec est victoria vestra, quae vincit mundum, fides vestra (Voici la victoire qui a vaincu le monde : votre foi, 1 Jn 5,4).
            À cette voix, cette multitude de bêtes effrayées s’enfuit précipitamment et disparut. Nous sommes restés libres, en sécurité, victorieux dans cette immense salle du réfectoire, toujours illuminée par la lumière éclatante de la Vierge.
            Alors j’ai regardé attentivement ceux qui portaient ce bouclier. Ils étaient des milliers. J’ai vu, entre autres, Don Alasonatti, Don Ruffino, mon frère Joseph et le Frère des Écoles Chrétiennes qui avait combattu avec nous.
            Mais les yeux de tous les jeunes ne pouvaient se détacher de la Sainte Vierge. Elle entonnait un cantique d’action de grâce qui suscita en nous une joie nouvelle et une extase indescriptible. Je ne sais pas si l’on peut entendre au ciel un cantique aussi beau.

***

            Mais notre joie fut soudain troublée par des cris déchirants et des gémissements mêlés à des hurlements féroces. Il semblait que nos jeunes étaient déchirés par ces bêtes qui s’étaient échappées de ce lieu quelques instants plus tôt. J’ai immédiatement voulu sortir pour voir ce qui se passait et porter secours à mes enfants, mais je n’ai pas pu sortir, car à la porte se trouvaient les jeunes qui me retenaient et ne voulaient à aucun prix que je sorte. J’ai fait tous les efforts possibles pour me libérer et je leur ai dit :
            – Mais laissez-moi aller aider ceux qui crient. Je veux voir mes jeunes et si on leur fait du mal ou si on les tue, je veux mourir avec eux. Je veux y aller, même au prix de ma vie. Et m’arrachant à leurs mains, je suis allé sous le portique. Oh ! quel misérable spectacle ! La cour était jonchée de morts, de moribonds et de blessés.
            Épouvantés, les jeunes cherchaient à fuir d’un côté et de l’autre, poursuivis par tous ces monstres qui se précipitaient sur eux, enfonçaient leurs dents dans les membres et les déchiraient. À tout moment il y avait des jeunes qui tombaient et expiraient en poussant des cris de douleur.
            Mais celui qui faisait le plus grand carnage était cet ours qui était apparu le premier dans la cour des apprentis. Avec ses deux dents en forme d’épée, il transperçait la poitrine des jeunes de droite à gauche et de gauche à droite, et ceux qui avaient une double blessure au cœur tombaient morts misérablement.
            Je me mis résolument à crier :
            – Courage, mes chers jeunes !
            Beaucoup de jeunes gens se réfugièrent près de moi. Mais l’ours, en me voyant, se précipita sur moi. Prenant courage, je fis quelques pas vers lui. Pendant ce temps, quelques jeunes parmi ceux qui étaient dans le réfectoire et qui avaient déjà vaincu les bêtes, vinrent sur le seuil et se joignirent à moi. Ce prince des démons s’avança contre moi et contre eux, mais il ne put nous blesser, car nous étions défendus par les boucliers. Il ne put même pas nous toucher, car en les voyant, il reculait effrayé et avec une sorte de révérence. Puis, regardant fixement ses longues dents en forme d’épée, je lus deux mots écrits en grosses lettres. Sur l’une était écrit Otium, et sur l’autre Gula.
            Stupéfait, je me suis dit : Est-il possible que dans notre maison, où tout le monde est si occupé, où il y a tant à faire qu’on ne sait même pas où mettre la tête pour venir à bout de nos occupations, il y ait des gens qui pèchent par oisiveté ? Et quant aux jeunes, il me semble qu’ils travaillent, qu’ils étudient à temps et à contretemps, et que dans les loisirs ils ne perdent pas de temps. – Et je ne pouvais m’en donner la raison.
            Mais on m’a répondu :
            – Pourtant, on perd des tas de demi-heures !
            – Et la gourmandise alors ? continuai-je ; parmi nous, il semble que même si nous le voulions, nous ne pourrions pas commettre beaucoup de péchés de gourmandise. Nous n’avons pas l’occasion d’être intempérants. La nourriture n’est pas recherchée et les boissons non plus. On donne à peine ce qui est nécessaire. Comment donc l’intempérance peut-elle se produire et conduire à l’enfer ?
            De nouveau on me répondit :
            – Ô prêtre ! Tu penses que tu as de grandes connaissances morales et que tu as déjà beaucoup d’expérience, mais en cela tu ne sais rien, tu es nouveau. Ne sais-tu pas que l’on peut commettre une gourmandise, une intempérance, même en buvant de l’eau ?
            Non content de cela, je voulais une explication plus claire, et comme le réfectoire était encore éclairé par la Vierge, je suis allé tout triste vers le Frère Michel pour lui demander d’éclaircir mon doute. Michael me répondit :
            – Eh ! mon cher ami, dans ce domaine tu es encore novice. Je vais t’expliquer ce que tu demandes.
            En ce qui concerne la gourmandise, sache que l’on peut pécher par intempérance, quand on mange ou boit plus qu’il n’est nécessaire à table. On commet l’intempérance en dormant ou quand on fait quoi que ce soit pour le corps qui dépasse le besoin, qui n’est pas nécessaire. En ce qui concerne l’oisiveté, sache qu’on entend par là non seulement le fait de ne pas travailler et d’occuper ou non son temps libre à se divertir, mais aussi le fait de laisser libre cours à son imagination en pensant à des choses dangereuses. Il y a aussi oisiveté lorsque, en étudiant, on s’amuse au détriment des autres, lorsqu’on perd certaines heures en lectures frivoles, ou que l’on reste inerte sans s’occuper d’autrui, en se laissant gagner par un moment de paresse, et surtout lorsque, à l’église, on ne prie pas et que l’on s’ennuie des choses de la piété. L’oisiveté est le père, la source, la cause de beaucoup de mauvaises tentations et de tous les maux. Quant à toi, qui es le directeur de ces jeunes, tu dois veiller à éloigner d’eux ces deux péchés, en essayant de raviver en eux la foi. Si tu peux amener tes jeunes à être tempérants dans les petites choses que j’ai dites, ils vaincront toujours le diable et, avec la tempérance, leur viendront l’humilité, la chasteté et les autres vertus. Et s’ils occupent bien leur temps, ils ne tomberont jamais dans les tentations de l’ennemi infernal et vivront et mourront comme des saints chrétiens.

***

            En entendant ces choses, je l’ai remercié pour cette belle instruction, et ensuite, pour vérifier si ce que je voyais était la réalité ou un simple rêve, j’ai essayé de toucher sa main, mais je n’ai pas pu la serrer. J’essayai de la serrer une deuxième fois, puis une troisième, mais en vain : je ne serrais que de l’air. Pourtant, je voyais toutes ces personnes, elles parlaient, elles semblaient vivantes. Je me suis approché de Don Alasonatti, de Don Ruffino, de mon frère, mais je n’ai pas pu leur serrer la main.
            J’étais hors de moi et je m’écriai :
            – Mais tout ce que je vois est vrai ou non ? N’ont-ils pas l’air d’être des personnes ? Ne les ai-je pas entendus parler ?
            Le Frère Michel me répondit :
            – Tu devrais savoir, car tu l’as étudié, que tant que l’âme n’est pas réunie au corps, il est inutile d’essayer de me toucher. Tu ne peux pas toucher les purs esprits. C’est seulement pour être vus par les mortels que nous devons reprendre notre figure. Mais lorsque nous ressusciterons tous au Jugement, nous reprendrons nos corps immortels et spiritualisés.
            J’ai alors voulu m’approcher de la Sainte Vierge, qui semblait avoir quelque chose à me dire. J’étais presque près d’elle, lorsqu’un nouveau bruit et de nouveaux cris stridents me parvinrent à l’oreille. Je voulus aussitôt quitter le réfectoire pour la seconde fois, mais en sortant, je me suis réveillé.

            À la fin de son récit, Don Bosco ajouta les observations et les recommandations suivantes : « Quoi qu’il en soit de ce rêve tissé de fils si variés, le fait est qu’on y répète et explique les paroles de saint Paul. Mais l’abattement et la prostration de mes forces provoqués par ce rêve furent tels que je priai le Seigneur de ne plus permettre qu’un tel rêve se présente de nouveau à mon esprit. Mais voici que la nuit suivante, j’ai eu de nouveau le même rêve, avec la fin que je n’avais pas vue la nuit précédente. Je bougeai et criai tellement que Don Berto entendit le bruit et vint au matin me demander pourquoi j’avais crié et si j’avais passé la nuit sans dormir. Ces rêves m’ont fatigué beaucoup plus que si j’avais passé toute la nuit à veiller et à écrire. Comme vous le voyez, il s’agit d’un rêve, et je ne souhaite pas lui donner une quelconque autorité, mais seulement y voir un rêve, sans aller plus loin. Je ne voudrais qu’on écrive sur lui dans notre maison, ou ici, ou là, pour que les gens du dehors, qui ne connaissent pas l’Oratoire, ne disent pas, comme ils l’ont déjà dit, que Don Bosco fait vivre ses jeunes avec des songes. Mais de cela je ne me soucie guère, qu’ils disent ce qu’ils veulent. Mais que chacun tire du rêve ce qui vaut pour lui. Pour l’instant, je ne vous donne pas d’explications, car il est facile à comprendre pour tous. Ce que je vous recommande vivement, c’est de raviver votre foi, en la préservant surtout au moyen de la tempérance et en fuyant l’oisiveté. Soyez les ennemis de ces deux choses, et soyez les amis de l’autre. Je reviendrai sur ce sujet dans d’autres soirées. En attendant, je vous souhaite une bonne nuit ».
(MB XII, 348-356)




Projet Missionnaire Basilicate – Calabre

Dans le cadre du « Projet Europe », l’Italie du Sud a lancé un nouveau projet missionnaire dans les régions de la Calabre et de la Basilicate en accueillant les premiers missionnaires « ad gentes », signe de générosité missionnaire et d’opportunité de croissance dans l’ouverture mondiale du charisme de Don Bosco.

L’Europe comme terre de mission : dans une nouvelle perspective missiologique salésienne, les missions prennent de moins en moins une connotation géographique, comme un mouvement vers « les terres de mission ». Aujourd’hui les missionnaires viennent des cinq continents et sont envoyés vers les cinq continents. Ce mouvement missionnaire multidirectionnel se produit déjà dans de nombreux diocèses et congrégations. Avec le « Projet Europe », les salésiens se sont confrontés à ce changement de paradigme missionnaire, pour lequel un chemin de conversion de l’esprit et du cœur est nécessaire. Le « Projet Europe », dans l’idée de Don Pascual Chávez, est un acte de courage apostolique et une opportunité de renaissance charismatique sur le continent européen à insérer dans le contexte plus large de la nouvelle évangélisation. L’objectif est d’engager toute la congrégation salésienne dans le renforcement du charisme salésien en Europe, surtout par un profond renouvellement spirituel et pastoral des confrères et des communautés, afin de continuer le projet de Don Bosco en faveur des jeunes, en particulier les plus pauvres.

Les provinces salésiennes sont appelées à repenser leurs présences salésiennes en vue d’une évangélisation plus efficace qui réponde au contexte actuel. Parmi elles, la province d’Italie Méridionale a élaboré un nouveau projet missionnaire qui concerne les régions de la Basilicate et de la Campanie. En partant d’une analyse du territoire, on peut constater que le Sud de l’Italie est caractérisé par une présence assez consistante de jeunes, une dénatalité moindre par rapport à d’autres régions italiennes, et une émigration très présente qui fait que de nombreux jeunes s’en vont pour étudier ou travailler ailleurs. Les traditions religieuses et familiales, qui ont toujours constitué un repère identitaire important pour la communauté, sont moins pertinentes qu’auparavant et de nombreux jeunes vivent la foi comme une réalité distante de leur vie, sans pour autant se montrer totalement opposés à celle-ci. Les Salésiens expérimentent une bonne adhésion aux expériences spirituelles des jeunes mais, en même temps, une faible réceptivité à des parcours systématiques et à des propositions de vie définitives. Parmi les autres problématiques touchant le monde des jeunes il y a l’analphabétisme émotionnel et affectif, les crises relationnelles des familles, le décrochage scolaire et le chômage. Tout cela alimente des phénomènes de pauvreté diffuse et la croissance d’organisations criminelles qui trouvent un terreau fertile pour y impliquer et détourner les jeunes. Dans ce contexte, de nombreux jeunes expriment un fort désir d’engagement social, en particulier dans les domaines politique et écologique et dans le monde du bénévolat.

La province salésienne a réfléchi ces dernières années sur la manière d’agir pour être pertinente sur le territoire et a fait plusieurs choix importants, parmi lesquels le développement des œuvres et des projets pour les jeunes les plus pauvres comme les maisons-familles et les centres de jour qui manifestent directement et clairement le choix en faveur des jeunes à risque. La prise en charge intégrale des jeunes doit viser à une formation intégrale, et pas seulement théorique, afin que le jeune puisse découvrir ou prendre conscience de ses propres capacités. De plus, une pratique missionnaire plus courageuse est requise pour réaliser des parcours d’éducation à la foi qui aident les jeunes à réaliser leur vocation chrétienne. Tout cela doit être réalisé avec l’engagement actif de tous : consacrés, laïcs, jeunes, familles, membres de la famille salésienne… dans un style pleinement synodal qui promeut la coresponsabilité et la participation.

La Basilicate et la Calabre ont été choisies comme des zones charismatiquement significatives et nécessitant un renforcement et un nouvel élan éducatif et pastoral. Il s’agit de territoires sur lesquels il faut parier en ouvrant de nouvelles frontières pastorales et en redimensionnant certaines déjà présentes. Les présences salésiennes sont au nombre de six : Potenza, Bova Marina, Corigliano Rossano, Locri, Soverato et Vibo Valentia. Quels sont les salésiens requis pour ce projet missionnaire ? Des salésiens disposés à travailler dans des contextes pauvres, populaires et peuplés, avec des difficultés économiques et parfois un manque de stimuli culturels, et attentifs en particulier à la première annonce. Des salésiens qui soient bien préparés, sur le plan spirituel, salésien, culturel et charismatique. Il est nécessaire d’avoir bien présent à l’esprit le motif pour lequel ce projet a été élaboré. Il s’agit de prendre soin de la Basilicate et de la Calabre, deux régions pauvres et avec peu de propositions pastorales systématiques en faveur des jeunes les plus nécessiteux, et où la première annonce devient de plus en plus une exigence, même dans des contextes de tradition catholique. Le travail éducatif-pastoral des salésiens cherche à donner de l’espoir à de nombreux jeunes qui sont souvent contraints de quitter leur famille pour se déplacer vers le Nord à la recherche d’une vie meilleure. Pour affronter cette réalité avec des offres pastorales et formatrices visionnaires, telles que la formation professionnelle et l’attention à la détresse juvénile, il devient de plus en plus urgent de travailler avec les institutions pour trouver des réponses. Aux côtés des salésiens consacrés, il y a sur ce territoire une bonne présence de laïcs et de membres de la Famille Salésienne. L’Église locale, tout comme la réalité sociale, nourrit un grand respect et une grande considération pour les fils de Don Bosco.

L’accueil de nouveaux missionnaires ad gentes est une bénédiction et un défi qui s’inscrivent dans ce projet pastoral. La province d’Italie Méridionale (IME) a reçu cette année quatre missionnaires envoyés lors de la 155e expédition missionnaire salésienne. Parmi eux, deux sont devenus membres de la nouvelle délégation provinciale AKM (Albanie, Kosovo, Monténégro), les deux autres ont été destinés au Sud de l’Italie et participeront au nouveau projet missionnaire de l’IME pour la Basilicate et la Campanie : Henri Mufele Ngankwini et Guy Roger Mutombo, de la République Démocratique du Congo (Province ACC). Pour accompagner au mieux les missionnaires qui arrivent, la Province IME veut faire en sorte qu’ils se sentent chez eux et aient une insertion progressive dans la nouvelle réalité communautaire et sociale. Les missionnaires sont progressivement intégrés dans l’histoire et la culture du lieu qui deviendra pour eux leur maison et, dès les premiers jours, ils suivent des cours de langue et de culture italiennes, pour une durée d’au moins deux ans, en vue d’une pleine inculturation. Parallèlement, ils sont introduits dans les processus de formation et font leurs premiers pas dans l’action éducative et pastorale de la Province avec les jeunes et les adolescents. Une dimension fondamentale est l’attention au chemin spirituel personnel : à chaque missionnaire sont garantis des moments adéquats de prière personnelle et communautaire, l’accompagnement et la direction spirituelle, la confession, si possible dans une langue qu’ils comprennent, et des temps de mise à jour et de formation. Par la suite, le missionnaire bénéficiera d’une formation continue pour une insertion encore plus complète dans les dynamiques de la Province, avec quelques points d’attention spécifiques. L’expérience missionnaire sera évaluée périodiquement pour identifier les points forts, les fragilités et les éventuels correctifs, dans un esprit fraternel.

Comme nous le rappelle Don Alfred Maravilla, Conseiller Général pour les Missions, « être missionnaires dans une Europe sécularisée pose d’importants défis internes et externes. La bonne volonté ne suffit pas. » « En regardant en arrière avec les yeux de la foi, nous réalisons qu’à travers le lancement du Projet Europe, l’Esprit préparait la Société Salésienne à affronter la nouvelle réalité de l’Europe, afin de pouvoir être plus conscients de nos ressources et aussi des défis, et avec l’espoir de relancer le charisme salésien sur le Continent. » Prions pour que dans les régions de Basilicate et de Calabre, la présence salésienne soit inspirée par l’Esprit pour le bien des jeunes les plus nécessiteux.

Marco Fulgaro




Sainteté salésienne 2024

Chaque année, le postulateur pour les causes des saints de la Congrégation Salésienne, don Pierluigi Cameroni, publie le “Dossier Postulation Générale Salésiens de Don Bosco – 2024”, qui présente la liste mise à jour des saints et bienheureux relatifs à l’année écoulée. Dans cette édition, en plus de la liste mise à jour, nous trouvons également la nouvelle affiche dédiée à ces témoins de la foi salésienne. Nous vous proposons un aperçu des noms inclus dans le dossier et des principales activités de la Postulation prévues pour 2024, afin de continuer à diffuser l’esprit de Don Bosco et la dévotion envers ses saints et bienheureux.

« N’oublions pas que ce sont justement les saints qui font avancer et font croître l’Église »
(Papa Francesco).

« Dorénavant que ceci soit notre devise : que la sainteté des enfants soit la preuve de la sainteté du père ». (Don Rua)

Il convient d’exprimer une profonde gratitude et louange à Dieu pour la sainteté déjà reconnue dans la Famille Salésienne de Don Bosco et pour celle qui est en processus de reconnaissance. Le résultat d’une Cause de Béatification et de Canonisation est un événement d’une extraordinaire pertinence et valeur ecclésiales. Il est question de faire un discernement sur la réputation de sainteté d’un baptisé, qui a vécu les béatitudes évangéliques à un niveau héroïque ou qui a donné sa vie pour le Christ.

De Don Bosco à nos jours a été attestée une tradition de sainteté à laquelle mérite de prêter attention, parce qu’elle est l’incarnation du charisme qui tire de lui son origine et qui s’est exprimé dans une pluralité d’états de vie et de formes. Cela concerne des hommes et femmes, des jeunes et adultes, des consacrés et laïcs, des évêques et missionnaires qui dans des contextes historiques, culturels, sociaux différents dans le temps et dans l’espace, ont fait briller d’une lumière particulière le charisme salésien, en représentant un patrimoine qui joue un rôle efficace dans la vie et dans la communauté des croyants et pour les personnes de bonne volonté.

1. La liste au 31 décembre 2024
Notre postulation concerne 179 cas parmi lesquels des Saints, Bienheureux, Vénérables et Serviteurs de Dieu. Les causes suivies directement par la Postulation sont 61 (+ 5 extra).

SAINTS (10)
saint Jean Bosco, prêtre (date de Canonisation : 1 avril 1934) – (Italie)
saint Joseph Cafasso, prêtre (22 juin 1947) – (Italie)
sainte Marie D. Mazzarello, vierge (24 juin 1951) – (Italie)
saint Dominique Savio, adolescent (12 juin 1954) – (Italie)
saint Leonard Murialdo, prêtre (3 mai 1970) – (Italie)
saint Louis Versiglia, évêque, martyr (1 octobre 2000) – (Italie – Chine)
saint Calixte Caravario, prêtre, martyr (1 octobre 2000) – (Italie – Chine)
saint Louis Orione, prêtre (16 mai 2004) – (Italie)
saint Louis Guanella, prêtre (23 octobre 2011) – (Italie)
saint Artemide Zatti, religieux (9 octobre 2022) – (Italie – Argentine)

BIENHEUREUX (117)
bienheureux Michel Rua, prêtre (date de Béatification : 29 octobre 1972) – (Italie)
bienheureuse Laure Vicuña, adolescente (3 septembre 1988) – (Chili – Argentine)
bienheureux Philippe Rinaldi, prêtre (29 avril 1990) – (Italie)
bienheureuse Madeleine Morano, vierge (5 novembre 1994) – (Italie)
bienheureux Joseph Kowalski, prêtre, martyr (13 juin 1999) – (Pologne)
bienheureux François Kęsy, laïc, et 4 compagnons martyrs (13 juin 1999) – (Pologne)
                Czesław Józ´wiak, laïc
                Édouard Kaz´mierski, laïc
                Édouard Klinik, laïc
                Jarogniew Wojciechowski, laïc
bienheureux Pie IX, pape (3 septembre 2000) – (Italie)
bienheureux Joseph Calasanz, prêtre, et 31 compagnons martyrs (11 mars 2001) – (Espagne)
                Antoine Marie Martín Hernández, prêtre
                Récaredo de los Ríos Fabregat, prêtre
                Julien Rodríguez Sánchez, prêtre
                Joseph Giménez López, prêtre
                Augustin García Calvo, coadjuteur
                Jean Martorell Soria, prêtre
                Jacques Buch Canal, coadjuteur
                Pierre Mesonero Rodríguez, clerc
                Joseph Otín Aquilué, prêtre
                Alvaro Sanjuán Canet, prêtre
                François Bandrés Sánchez, prêtre
                Serge Cid Pazo, prêtre
                Joseph Batalla Parramó, prêtre
                Joseph Rabasa Bentanachs, coadjuteur
                Gilles Rodicio Rodicio, coadjuteur
                Ange Ramos Velázquez, coadjuteur
                Philippe Hernández Martínez, clerc
                Zacharie Abadía Buesa, clerc
                Jacques Ortiz Alzueta, coadjuteur
                Xavier Bordas Piferrer, clerc
                Félix Vivet Trabal, clerc
                Michel Domingo Cendra, clerc
                Joseph Caselles Moncho, prêtre
                Joseph Castell Camps, prêtre
                Joseph Bonet Nadal, prêtre
                Jacques Bonet Nadal, prêtre
                Alexandre Planas Saurí, collaborateur laïc
                Elisée García García, coadjuteur
                Jules Junyer Padern, prêtre
                Marie Carmen Moreno Benítez, vierge
                Marie Amparo Carbonell Muñoz, vierge
bienheureux Louis Variara, prêtre (14 avril 2002) – (Italie – Colombie)
bienheureuse Marie Romero Meneses, vierge (14 avril 2002) – (Nicaragua – Costa Rica)
bienheureux Auguste Czartoryski, prêtre (25 avril 2004) – (France – Pologne)
bienheureuse Eusébia Palomino, vierge (25 avril 2004) – (Espagne)
bienheureuse Alexandrine M. Da Costa, laïque (25 avril 2004) – (Portugal)
bienheureux Albert Marvelli, laïc (5 septembre 2004) – (Italie)
bienheureux Bronislao Markiewicz, prêtre (19 juin 2005) – (Pologne)
bienheureux Henri Saiz Aparicio, prêtre, et 62 compagnons martyrs (28 octobre 2007) – (Espagne)
                Félix González Tejedor, prêtre
                Jean Codera Marqués, coadjuteur
                Virgile Edreira Mosquera, clerc
                Paul Gracia Sánchez, coadjuteur
                Carmel Jean Pérez Rodríguez, sous-diacre
                Théodule González Fernández, clerc
                Thomas Gilles de la Cal, aspirant
                Frédéric Cobo Sanz, aspirant
                Hygin de Mata Díez, aspirant
                Juste Juanes Santos, clerc
                Victorien Fernández Reinoso, clerc
                Émile Arce Díez, coadjuteur
                Raymond Eirín Mayo, coadjuteur
                Matthieu Garolera Masferrer, coadjuteur
                Anastase Garzón González, coadjuteur
                François Joseph Martín López de Arroyave, coadjuteur
                Jean de Mata Díez, collaborateur laïc
                Pie Conde Conde, prêtre
                Sabin Hernández Laso, prêtre
                Salvateur Fernández Pérez, prêtre
                Nicolas de la Torre Merino, coadjuteur
                Germain Martín Martín, prêtre
                Joseph Villanova Tormo, prêtre
                Stéphane Cobo Sanz, clerc
                François Edreira Mosquera, clerc
                Emmanuel Martín Pérez, clerc
                Valentin Gil Arribas, coadjuteur
                Pierre Artolozaga Mellique, clerc
                Emmanuel Borrajo Míguez, clerc
                Dionisio Ullívarri Barajuán, coadjuteur
                Michel Lasaga Carazo, prêtre
                Louis Martínez Alvarellos, clerc
                Jean Larragueta Garay, clerc
                Florent Rodríguez Güemes, clerc
                Pascal de Castro Herrera, clerc
                Stéphane Vázquez Alonso, coadjuteur
                Héliodore Ramos García, coadjuteur
                Joseph Marie Celaya Badiola, coadjuteur
                André Jiménez Galera, prêtre
                André Gómez Sáez, prêtre
                Antoine Cid Rodríguez, coadjuteur
                Antoine Torrero Luque, prêtre
                Antoine Henri Canut Isús, prêtre
                Michel Molina de la Torre, prêtre
                Paul Caballero López, prêtre
                Honoré Hernández Martín, clerc
                Jean Louis Hernández Medina, clerc
                Antoine Mohedano Larriva, prêtre
                Antoine Fernández Camacho, prêtre
                Joseph Limón Limón, prêtre
                Joseph Blanco Salgado, coadjuteur
                François Míguez Fernández, prêtre
                Emmanuel Fernández Ferro, prêtre
                Félix Paco Escartín, prêtre
                Thomas Alonso Sanjuán, coadjuteur
                Emmanuel Gómez Contioso, prêtre
                Antoine Pancorbo López, prêtre
                Stéphane García García, coadjuteur
                Rapaël Rodríguez Mesa, coadjuteur
                Antoine Rodríguez Blanco, prêtre diocésain
                Barthélemy Blanco Márquez, laïc
                Thérèse Cejudo Redondo, laïque
bienheureux Zéphyrin Namuncurá, laïc (11 novembre 2007) – (Argentine – Italie)
bienheureuse Marie Troncatti, vierge (24 novembre 2012) – (Italie – Équateur)
                Décret sur le miracle : 25 novembre 2024
                Canonisation : 7 septembre 2025 ?
bienheureux Stéphane Sándor, religieux, martyr (19 octobre 2013) – (Hongrie)
bienheureux Tite Zeman, prêtre, martyr (30 septembre 2017) – (Slovaquie).

VÉNÉRABLES (20)
vén. André Beltrami, prêtre, (date du Décret super virtutibus : 15 décembre 1966) – (Italie)
vén. Thérèse Valsè Pantellini, vierge (12 juillet 1982) – (Italie)
vén. Dorothée Chopitea, laïque (9 juin 1983) – (Espagne)
vén. Vincent Cimatti, prêtre (21 décembre 1991) – (Italie – Japon)
vén. Simon Srugi, religieux (2 avril 1993) – (Palestine)
vén. Rudolphe Komorek, prêtre (6 avril 1995) – (Pologne – Brésil)
vén. Louis Olivares, évêque (20 décembre 2004) – (Italie)
vén. Marghérite Occhiena, laïque (23 octobre 2006) – (Italie)
vén. Joseph Quadrio, prêtre (19 décembre 2009) – (Italie)
vén. Laure Meozzi, vierge (27 juin 2011) – (Italie – Pologne)
vén. Attilio Giordani, laïc (9 octobre 2013) – (Italie – Brésil)
vén. Joseph Auguste Arribat, prêtre (8 juillet 2014) – (France)
vén. Stéphane Ferrando, évêque (3 mars 2016) – (Italie – Inde)
vén. François Convertini, prêtre (20 janvier 2017) – (Italie – Inde)
vén. Joseph Vandor, prêtre (20 janvier – 2017) – (Hongrie – Cuba)
vén. Octave Ortiz Arrieta Coya, évêque (27 février 2017) – (Pérou)
vén. Auguste Hlond, cardinal (19 mai 2018) – (Pologne)
vén. Ignace Stuchly, prêtre (21 décembre 2020) – (République Tchèque)
vén. Charles Crespi Croci, prêtre (23 mars 2023) – (Italie – Équateur)
vén. Antoine De Almeida Lustosa, évêque (22 juin 2023) – (Brésil)

SERVITEUR DE DIEU (27)
Les Causes sont classées selon l’état d’avancement

Positio examinée par les cardinaux et les évêques
Elia Comini, prêtre (Italie) martyr
Congrès particulier des théologiens : 5 mai 2022
Congrès particulier des théologiens : 11 avril 2024
Session ordinaire des cardinaux et évêques : 10 décembre 2024
Décret sur le martyre : 18 décembre 2024

Positio examinée par les théologiens
Giovanni Świerc, prêtre et 8 compagnons, martyrs (Pologne)
                Ignace Dobiasz, prêtre
                François Harazim, prêtre
                Casimir Wojciechowski, prêtre
                Ignace Antonowicz, prêtre
                Lodovic Mroczek, prêtre
                Charles Golda, prêtre
                Vladimir Szembek, prêtre
                François Miśka, prêtre
Positio déposée : 21 juillet 2022
Congrès particulier des historiens : 28 mars 2023
Session ordinaire des cardinaux et évêques : juin 2025

Dépôt de la Positio
Costantin Vendrame, prêtre (Italie – Inde)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 1er février 2013
Positio déposée : 19 septembre 2023
Congrès particulier des théologiens : 23 janvier 2025

Oreste Marengo, évêque (Italie – Inde)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 6 décembre 2013
Positio déposée : 28 mai 2024
Congrès particulier des théologiens : septembre-octobre 2025

Rudolphe Lunkenbein, prêtre (Allemagne – Brésil) et Simon Bororo, laïc (Brésil), martyrs
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 16 décembre 2020
Positio déposée : 28 novembre 2024
Congrès particulier des théologiens : septembre-octobre 2025

Est en cours la rédaction de la Positio
André Majcen, prêtre (Slovénie – Chine – Vietnam)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 23 octobre 2020

Véra Grita, laïque (Italie)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 14 décembre 2022

Joseph Cognata, évêque (Italie)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 11 janvier 2023

Charles Della Torre, prêtre (Italie – Thaïlande)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 1er avril 2016

Sylvain Galli, prêtre (Italie)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 19 octobre 2022

Akash Bashir, laïc, martyr (Pakistan)
Décret de validité de l’enquête diocésaine : 24 octobre 2024

Attente de la validité de l’enquête diocésaine
Antoinette Böhm, vierge (Allemagne – Mexique)
Ouverture de l’enquête diocésaine : 7 mai 2017
Clôture de l’enquête diocésaine : 28 avril 2024
Validité de l’enquête diocésaine
Antoine Baglieri, laïc (Italie)
Ouverture de l’enquête diocésaine : 2 mars 2014    
Clôture de l’enquête diocésaine : 5 mai 2024
Validité de l’enquête diocésaine

Cause temporairement en arrêt
Anne Marie Lozano, vierge (Colombie)
Clôture de l’enquête diocésaine : 19 juin 2014

Est en cours l’enquête diocésaine
Louis Bolla, prêtre (Italie – Équateur – Pérou)
Ouverture de l’enquête diocésaine : 27 septembre 2021
Clôture de l’enquête diocésaine

Rosette Marchese, vierge (Italie)
Ouverture de l’enquête diocésaine : 30 avril 2021
Clôture de l’enquête diocésaine

Mathilde Salem, laïque (Syrie)
Ouverture de l’enquête diocésaine : 20 octobre 1995

Charles Braga, prêtre (Italie – Chine – Philippines)
Ouverture de l’enquête diocésaine : 30 janvier 2014           

Causes extra suivies par la postulation (5)
Vénérable COSTA DE BEAUREGARD CAMILLE, prêtre (France)
            Le Décret super virtutibus : 22 janvier 1991
            Consultation médicale super miro : 30 mars 2023
            Congrès particulier des théologiens : 19 octobre 2023
            Session Ordinaire des cardinaux et évêques : 20 février 2024
            Béatification : 17 mai 2025
Vénérable BARELLO MORELLO CASIMIR, tertiaire franciscain (Italie – Espagne)
            Le Décret super virtutibus : 1 juillet 2000
Vénérable TYRANOWSKI GIOVANNI, laïc (Pologne)
            Le Décret super virtutibus : 20 janvier2017
Vénérable BERTAZZONI AUGUSTO, évêque (Italie)
            Le Décret super virtutibus : 2 octobre 2019
Vénérable CANELLI FELICE, prêtre (Italie)
            Le Décret super virtutibus : 22 mai 2021

Il convient de rappeler aussi les Saints, les Bienheureux, les Vénérables et les Serviteurs de Dieu qui à des époques et de différentes manières sont entrés en contact avec le charisme salésien. Nous citons par exemple : la Bienheureuse Edwige Carboni, le Serviteur de Dieu le Cardinal Joseph Guarino qui est le fondateur des Sœurs apôtres de la Sainte Famille, le Serviteur de Dieu Salvo d’Acquisto qui est un ancien élève de Don Bosco et beaucoup d’autres encore.

2. ÉVÉNEMENTS DE 2024

Mardi 16 janvier 2024 dans la chapelle de la Fondation du Bocage à Chambéry a eu lieu la session d’ouverture pour la reconnaissance canonique et le traitement conservateur des restes mortels du vénérable Camille Costa de Beauregard (1841-1910), un prêtre diocésain.

Le 27 février 2024 dans la Session ordinaire des cardinaux et évêques du Dicastère des Causes des Saints a été fait un vote positif (7 sur 7) pour le présumé miracle attribué à l’intercession du Vénérable Camille Costa de Beauregard, prêtre diocésain (1841-1910). Il est arrivé à l’enfant René Jacquemond, pour la guérison de la «kératoconjonctivite intense avec desséchement de la cornée, forte injection périchératique, rougissement et injection de la conjonctive, la photophobie et le larmoiement de l’œil droit dû à un traumatisme violent provoqué par un agent végétal-bardane » (1910).

Le 7 mars 2024 la Consulte médicale du Dicastère des Causes des saints a donné un avis positif avec toutes les voix affirmatives, au présumé miracle attribué à l’intercession de la Bienheureuse Marie Troncatti, Fille de Marie Auxiliatrice (1883-1969). Il concerne «un traumatisme crânien encéphalique ouvert avec fracture comminutive du crâne, exposition du tissu cérébral dans la zone fronto-pariéto-temporale droite et état comateux. (G6)» (2015).

Le 14 mars 2024 le Souverain Pontife a autorisé le même Dicastère à promulguer le Décret concernant le miracle attribué à l’intercession du Vénérable Serviteur de Dieu Camille Costa de Beauregard, prêtre diocésain ; né à Chambéry (France) le 17 février 1841 et y est mort le 25 mars 1910. Le miracle s’est produit en 1910 et concerne l’enfant René Jacquemond, guéri de la «kératoconjonctivite intense avec desséchement de la cornée, forte injection périchératique, rougissement et injection de la conjonctive, la photophobie et le larmoiement de l’œil droit dû à un traumatisme violent provoqué par un agent végétal-bardane» (1910).

Le 15 mars 2024 à Lahore (Pakistan) a été clôturée l’enquête diocésaine de la cause de béatification et canonisation d’Akash Bashir (1994), laïc et ancien élève de Don Bosco. Il a été tué à cause de la haine contre la foi. C’est la première Cause de Béatification du Pakistan.

Le 11 avril 2024 au cours du Congrès particulier des Consulteurs théologiens auprès du Dicastère des Causes des Saints a été exprimé l’avis positif sur la Positio super martyrio du Serviteur de Dieu Elia Comini, prêtre profès de la Société Salésienne de Saint Jean Bosco (1910-1944). Il a été tué à cause de la haine contre la foi dans le massacre nazi de Monte Sole le 1er octobre 1944.

Le 28 avril 2024 à Cuautitlán (Mexique) fermeture de l’enquête diocésaine de la Cause de la Servante de Dieu Antoinette Böhm (1907-2008), Fille de Marie Auxiliatrice.

Il 5 mai 2024 à Modica (Ragusa) clôture de l’enquête diocésaine du Serviteur de Dieu Antoine Baglieri (1951-2007), laïc, Volontaire avec Don Bosco.

Le 28 mai 2024 le Congrès particulier des théologiens du Dicastère des Causes des saints a donné un vote positif au présumé miracle attribué à l’intercession de la Bienheureuse Marie Troncati, Fille de Marie Auxiliatrice (1883-1969). Il est en rapport avec « le traumatisme crânien encéphalique ouvert avec fracture comminutive du crâne, exposition du tissu cérébral dans la zone fronto-pariéto-temporale droite et état comateux. (G6) » (2015).

Le 31 mai 2024 a été déposé auprès du Dicastère des Causes des saints au Vatican le volume de la Positio super Vita, Virtutibus et Fama Sanctitatis du Serviteur de Dieu Oreste Marengo (1906-1998), évêque salésien missionnaire dans le Nord-Est de l’Inde.

Mardi 4 juin 2024, dans la communauté “Zéphyrirn Namuncurà” à Rome, ont été inaugurés et bénis par le Recteur Majeur, le Cardinal Ángel Fernández Artime, les nouveaux locaux de la Postulation Générale salésienne.

Le 24 novembre 2024, le Dicastère des Causes des saints en Congrès ordinaire a donné la validité juridique à l’enquête diocésaine pour la Cause de béatification et canonisation du Serviteur de Dieu Akash Bashir (Risalpur 22 juin 1994 – Lahore 15 mars 2015), laïc et ancien élève de Don Bosco.

Le 19 novembre 2024 dans la Session ordinaire des Cardinaux et évêques du Dicastère des Causes des saints a été donné un vote positif au présumé miracle attribué à l’intercession de la Bienheureuse Marie Troncatti, Religieuse Professe de la Congrégation des Filles de Marie Auxiliatrice (1883-1969). Il est en rapport avec la guérison miraculeuse d’un monsieur «d’un traumatisme crânien encéphalique ouvert avec fracture comminutive du crâne, exposition du tissu cérébral dans la zone fronto-pariéto-temporale droite, lésions axonales diffuses (DAI) et le coma grave a évolué vers un état végétatif de type 2». Cela s’est produit en 2015 en Équateur.

Le 25 novembre 2024, le Saint-Père a autorisé le même Dicastère à promulguer le Décret concernant
– le miracle attribué à l’intercession de la Bienheureuse Marie Troncatti, sœur professe de la Congrégation des Filles de Marie Auxiliatrice, née à Córteno Golgi (Italie) le 16 février 1883 et décédée à Sucúa (Équateur) le 25 août 1969.

Le 28 novembre 2024 a été deposé auprès du Dicastère des Causes des saints au Vatican le volume de la Positio super martyrio des Serviteurs de Dieu Rudolphe Lunkenbein, prêtreprofès de la Société de Saint François de Sales et Simon Bororo, laïc. Ils ont été assassinés à cause de la haine contre la foi le 15 juillet 1976.

Mardi 3 décembre 2024 les Consultants Théologiens du Dicastère des Causes des saints, au cours du Congrès particulier, ont répondu positivement en rapport avec la Positio super martyrio des Serviteurs de Dieu Jean Świerc et ses VIII Compagnons, prêtres, profès de la Société de Saint François de Sales. Ils ont été assassinés in odium fidei dans les camps d’extermination nazis au cours des années 1941-1942.

Mardi 10 décembre 2024 au cours de la Session ordinaire des cardinaux et évêques au sein du Dicastère des Causes des saints a été exprimé un avis positif concernant la Positio super martyrio du Serviteur de Dieu Élie Comini, prêtre profès de la Société Salésienne de Saint Jean Bosco (1910-1944). Il est assassiné à cause de la haine contre la foi dans le massacre nazi de Monte Sole le 1er  octobre 1944.

Mercredi 18 décembre 2024, le Saint-Père François a autorisé le Dicastère des Causes des saints à promulguer le Décret au sujet du martyre du Serviteur de Dieu Élie Comini, prêtre profès de la Société de Saint François de Sales, né le 7 mai 1910 à Calvenzano di vergato (Italie, Bologne) et tué en haine contre la foi, à Pioppe di Salvaro (Italie, Bologne) le 1er octobre 1944.




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Archives du Bulletin Salésien
Depuis quelque temps, nous avons agrandi les archives en ajoutant les numéros du Bulletin Salésien italien sur papier de 1910 à 1950, y compris le dernier numéro de cette période.

De 1946 à 1995, à l’édition classique du Bulletin Salésien (destinée aux Coopérateurs et Coopératrices Salésiennes) s’ajoutait une édition supplémentaire, avec une fréquence quasi mensuelle, destinée aux dirigeants. Cette version avait le même titre que la principale, mais présentait un sous-titre qui a changé au fil des ans :
– en 1946, elle était adressée aux « très révérends directeurs diocésains et décurions »
– en 1955, elle s’adressait aux « dirigeants de la Pieuse Union des Coopérateurs Salésiens »
– en 1958, aux « dirigeants des Coopérateurs Salésiens »
– depuis 1968, simplement aux « dirigeants » jusqu’à la fin en 1995.
Cette édition supplémentaire a également été ajoutée à la liste du Bulletin Salésien. Vous la trouverez, avec l’édition classique, sur la page dédiée aux Archives BS.

Calendrier Salésien 2025
Sur la page dédiée au Calendrier Salésien pour 2025, nous avons décidé de séparer le calendrier latin, en le proposant sur une page à part, accessible via le lien disponible en haut de la page principale du calendrier.

Dans cette section, dédiée au calendrier latin, il est également possible de consulter le calendrier officiel sur papier en format PDF, qui comprend les Addenda et varianda in Officio et Missa et le Parvum calendarium ad usum SDB.

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Dans un avenir proche
Nous préparons un nouvel outil, très utile pour connaître et approfondir le charisme salésien. Nous vous invitons à suivre le Bulletin salésien OnLine pour découvrir quand il sera lancé.

Nous vous remercions de votre attention et vous souhaitons une bonne lecture.




Bienheureux Luigi Variara : 150e anniversaire de la naissance

Cette année marque le 150e anniversaire de la naissance du Bienheureux Luigi Variara, une figure extraordinaire de prêtre et de missionnaire salésien. Né le 15 janvier 1875 à Viarigi, dans la province d’Asti, Luigi a grandi dans un environnement riche de foi, de culture et d’amour fraternel, qui a forgé son caractère et l’a préparé à la mission extraordinaire qui l’a conduit à servir les plus nécessiteux en Colombie.
Depuis son enfance passée dans le Montferrat, dans une famille marquée par l’influence spirituelle de Don Bosco, jusqu’à sa vocation missionnaire mûrie à Valdocco, la vie du Bienheureux Variara représente un exemple lumineux de dévouement envers autrui et de fidélité à Dieu. Revenons sur les moments marquants de son enfance et de sa formation en offrant un aperçu de l’extraordinaire héritage spirituel et humain qu’il nous a laissé.

De Viarigi à Agua de Dios
            Luigi Variara naît à Viarigi dans la province d’Asti le 15 janvier 1875, il y a 150 ans, d’une famille profondément chrétienne. Son père Pietro avait écouté Don Bosco en 1856, lorsqu’il était venu dans le village pour prêcher une mission. Lorsque Luigi est né, son père Pietro avait quarante-deux ans et était marié en secondes noces avec Livia Bussa. Pietro avait obtenu son diplôme de maître d’école, aimait la musique et le chant et animait les fonctions paroissiales en tant qu’organiste et directeur de la chorale qu’il avait lui-même fondée. Sa présence était très estimée et appréciée dans le village de Viarigi. Lorsque Luigi est né, en plein hiver rigoureux et en raison des circonstances de sa naissance, la sage-femme a jugé prudent de baptiser le nouveau-né. Deux jours plus tard, les rites baptismaux ont été complétés.
            L’enfance de Luigi est marquée par les traditions locales et la vie de famille, un milieu culturel et spirituel qui a contribué à façonner son caractère et à transmettre de solides valeurs favorables à la croissance du jeune garçon, marquant ainsi sa future vocation missionnaire en Colombie.
            Significatif est le rapport de Luigi avec son père Pietro, son formateur et son maître, qui lui a transmis le sens chrétien de la vie, les premiers rudiments de l’école et l’amour de la musique et du chant : des aspects qui, comme nous le savons, marqueront la vie et la mission de Luigi Variara. Son frère cadet Celso se souvient : « Bien qu’il ne révélât rien d’exceptionnel, Luigi était tout bonté et amour dans les manifestations de sa vie, tant avec ses parents, et en particulier avec sa mère qu’avec nous… Je ne me souviens pas que mon frère ait jamais utilisé des manières moins courtoises et moins fraternelles avec nous, ses frères plus jeunes. Fidèle et pieux à l’église et durant les fonctions, il passait le reste de son temps non pas à s’amuser dans la rue, mais à la maison, à lire et à étudier ses livres d’école et à tenir compagnie à sa mère ».
            Il faut souligner aussi la relation cordiale du petit Luigi avec sa sœur aînée Giovanna, fille du premier mariage et sa marraine de baptême. Bien qu’elle se soit mariée jeune, Giovanna a toujours maintenu un lien spécial avec le petit Luigi, contribuant à renforcer les traits de sa personnalité, son inclination à la piété et à l’étude. Un des enfants de Giovanna, Ulisse, deviendra prêtre, et Ernestina, Fille de Marie Auxiliatrice. De plus, Giovanna, qui mourra à quatre-vingt-dix ans en 1947, a maintenu des liens épistolaires entre Luigi et sa mère Livia durant la vie missionnaire de son frère.
            Un autre aspect qui influencera la croissance du petit Luigi est que la maison des Variara était presque toujours pleine d’enfants. Papa Pietro, à la fin des classes, emmenait avec lui les élèves les plus nécessiteux et après avoir fait un peu de répétition, les confiait aux soins de maman Livia. Et c’est ainsi que faisaient les autres familles. Un témoin raconte : « Madame Livia était la mère de tout le voisinage ; sa cour était toujours pleine de garçons et de filles ; elle nous apprenait à coudre, jouait avec nous, se montrait toujours de bonne humeur ». Luigi a grandi dans ce climat « oratorien », où l’on se sentait chez soi, aimé ; la présence paternelle de papa Pietro et maternelle de maman Livia étaient des ressources éducatives et affectives de première qualité non seulement pour leurs enfants, mais pour beaucoup d’autres enfants et jeunes, surtout les plus pauvres et défavorisés.
            Au cours de ces années, Luigi connaît et s’occupe d’un camarade handicapé, Andrea Ferrari, prenant soin de lui et lui permettant de se sentir à l’aise. On peut voir en cela comme une graine de cette sollicitude et de cette proximité qui marqueront ensuite la vie et la mission de Luigi Variara au service des malades de la lèpre à Agua de Dios en Colombie.
            Vraiment, Luigi Variara, enfant et jeune garçon, a expérimenté, avec ses frères et les garçons du voisinage, l’amour sincère de ses parents et à travers leur exemple, il a connu le vrai visage de Dieu le Père, source de l’amour authentique.

En passant par Valdocco
            Don Bosco était très connu dans le Montferrat : il l’avait parcouru dans tous les sens au cours des fameuses promenades d’automne avec ses garçons qui, avec leurs cris et leur joie bruyante et contagieuse, apportaient la fête partout où ils allaient. Les garçons du lieu se joignaient avec bonheur à la troupe joyeuse et bruyante et par la suite, nombreux étaient ceux qui partaient pour se retrouver avec ce prêtre qui les fascinait pour être éduqués par lui à l’oratoire de Turin.
            À Viarigi, on n’avait pas oublié la visite de Don Bosco en février 1856. Don Bosco avait accepté l’invitation du curé, Don Giovanni Battista Melino, à prêcher une mission. En effet, le village était profondément troublé et divisé à cause des scandales d’un ancien prêtre, un certain Grignaschi, qui rassemblait autour de lui une véritable secte et jouissait d’une grande popularité. Don Bosco réussit à attirer un auditoire très nombreux et invita la population à la conversion. C’est ainsi que Viarigi retrouva son équilibre religieux et sa paix spirituelle. Le lien spirituel qui s’était créé entre ce village du pays d’Asti et le Saint des jeunes s’est prolongé dans le temps et le petit Luigi fut préparé à sa première communion justement par le curé, Don Giovanni Battista Melino, celui-là même qui avait invité Don Bosco à prêcher la mission populaire.
            Dans la famille Variara, le désir de papa Pietro était que Luigi s’oriente vers le sacerdoce, mais lui, à la fin des classes élémentaires, n’avait aucun désir et aucune préoccupation vocationnelle particulière. Quoi qu’il en soit, il devait continuer ses études et c’est alors que Don Bosco entre en jeu. Le souvenir qu’il avait laissé à Viarigi, sa réputation d’homme de Dieu, l’amitié avec le curé, les rêves de papa Pietro, la renommée de l’oratoire de Turin ont fait que Luigi, le 1er octobre 1887, entra à Valdocco en première classe de collège, le désir de son père étant toujours que son fils s’oriente vers le sacerdoce. Cependant, le jeune Luigi, en toute simplicité mais avec fermeté, n’hésitait pas à déclarer qu’il ne ressentait pas de vocation, mais son père rétorquait : « Si tu ne l’as pas, Marie Auxiliatrice te la donnera. Sois bon et étudie ! » Don Bosco mourra quatre mois après l’arrivée du jeune Variara à l’oratoire de Valdocco, mais la rencontre de Luigi avec lui fut suffisante pour le marquer toute sa vie. Lui-même se souvient ainsi de l’événement : « Nous étions en hiver et un après-midi, nous jouions dans la grande cour de l’oratoire, lorsque tout à coup, on entendit crier d’un bout à l’autre : « Don Bosco, Don Bosco ! » Instinctivement, nous nous sommes tous précipités vers l’endroit où apparaissait notre bon Père, qui sortait pour une promenade dans sa voiture. Nous l’avons suivi jusqu’à l’endroit où il devait monter dans le véhicule. Tout à coup, on vit Don Bosco entouré de tous ses chers fils. Je cherchais désespérément un moyen de me mettre à un endroit d’où je pourrais le voir à ma guise, car je désirais ardemment le connaître. Je m’approchai autant que je le pouvais et, au moment où on l’aidait à monter dans la voiture, il me lança un doux regard, et ses yeux se posèrent attentivement sur moi. Je ne sais pas ce que j’ai ressenti à ce moment-là… C’était quelque chose que je ne sais pas exprimer ! Ce jour-là fut l’un des plus heureux de ma vie ; j’étais sûr d’avoir connu un Saint, et que ce Saint avait lu dans mon âme quelque chose que seul Dieu et lui pouvaient savoir ».




Le Cardinal Angelo Amato SDB : un fin théologien entre Occident et Orient

Le cardinal Tarcisio Bertone, SDB, a eu l’occasion de bien connaître le regretté cardinal Angelo Amato, SDB. En effet, tous deux partageaient la même vocation salésienne et avaient collaboré comme professeurs à l’Université Pontificale Salésienne. Par la suite, don Angelo Amato a succédé à Mgr Bertone en tant que Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, un poste qu’il a occupé de 2002 à 2008. 
Son Éminence le cardinal Bertone souhaite offrir son témoignage personnel sur le cardinal Amato, que nous présentons ci-dessous.

            Le Cardinal Angelo Amato a été l’un des Salésiens les plus intelligents et les plus versés dans les sciences humaines et ecclésiastiques. Sa capacité à recevoir et à relier la Philosophie et la Théologie s’est manifestée surtout durant ses années d’apprentissage à l’Athénée Salésien, faisant partie d’un groupe d’étudiants exceptionnels qui ont donné du prestige à l’Université Salésienne et se sont ensuite distingués non seulement dans l’enseignement mais aussi dans le service du Saint-Siège au sein des Dicastères de la Curie Romaine.
            Je me souviens en particulier de son exceptionnelle valeur dans l’étude de la Christologie et de la Mariologie ; ses écrits étaient très raffinés et il était recherché comme prédicateur d’Exercices spirituels, surtout auprès des personnes consacrées, sans oublier l’acuité de ses avis dans la promotion du Dialogue Œcuménique et Interreligieux. En effet, il a été particulièrement apprécié par le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de cette époque, le Cardinal Joseph Ratzinger (devenu ensuite le Pape Benoît XVI) et par le Conseil Pontifical pour la promotion de l’Unité des Chrétiens. Pour cette raison, il a été envoyé en Grèce pour étudier la Théologie des Pères Orientaux. Il a appris le grec ancien et le grec moderne et a même publié une étude très estimée à l’Université grecque de Thessalonique sur la conception et la pratique du sacrement de la Pénitence chez les Pères Orientaux. À cette époque, il a appris l’art et la spiritualité de l’ »écriture » des icônes qu’il a continué à pratiquer jusqu’à la fin de sa vie. À Rome, il a principalement enseigné à l’Université Pontificale Salésienne, devenant Doyen de la Faculté de Théologie et, en tant qu’expert en Christologie et en Mariologie, il a été nommé Consulteur de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et par la suite également Secrétaire de celle-ci.
            Il est intéressant de noter la contribution que Don Angelo Amato a apportée, en collaboration avec le Cardinal Joseph Ratzinger, à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi pour la rédaction de la célèbre déclaration dogmatique Dominus Jesus du 1er septembre 2000, une déclaration voulue par le Pape Jean-Paul II et rédigée par le Cardinal Ratzinger avec la collaboration fine et intelligente de Don Angelo Amato. Le Cardinal Ratzinger l’a ensuite valorisé pour les documents et les réflexions élaborés par ce Dicastère doctrinal de la Curie Romaine. Par la suite, lorsque le Secrétaire Mgr Tarcisio Bertone a été nommé Archevêque de Gênes, on lui a cherché un successeur. Je me souviens très bien des consultations du Cardinal Ratzinger et des dialogues avec Sa Sainteté Jean-Paul II. Parmi les candidats à la succession ressortait le nom de Don Angelo Amato, mais lors d’un entretien entre le Cardinal Ratzinger et moi-même avec le Pape Jean-Paul II, j’ai signalé une particularité qui me semblait poser quelques difficultés, à savoir le fait qu’un salésien succède à un autre salésien dans ce poste important. Le Pape Jean-Paul II s’adressant au Cardinal Ratzinger demanda : « Mais est-ce que cela pose problème au Cardinal Ratzinger ? Le Cardinal Ratzinger aime-t-il nommer un autre Salésien au poste de Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ? » Le Cardinal Ratzinger répondit : « Je préférerais Don Angelo Amato car j’ai très bien travaillé avec lui ici au Dicastère et nous sommes en parfaite harmonie. » Jean-Paul II répondit : « Alors nommons Don Angelo Amato nouveau Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi » et cela se produisit le 19 décembre 2002.
            Il a exercé de nombreuses activités dans la rédaction des documents qui ont caractérisé le magistère de ce dicastère de la curie romaine présidé par le Cardinal Ratzinger. Par la suite, le Pape Jean-Paul II décida de le créer Cardinal et de le nommer Préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints. Dans ce poste, il a mené une intense activité de promotion de la sainteté dans l’Église, de la sainteté dans la Vie Consacrée, Laïque, Sacerdotale, et a publié parmi ses volumes une série de biographies de Bienheureux et de Saints qui ont fait connaître et multiplié l’attrait de la sainteté dans la variété des charismes, des cultures et des personnes qui ont enrichi l’Église, avec de nombreux exemples bénéfiques et des initiatives bienfaisantes.
            Il est resté pendant 10 ans, jusqu’en 2018, Préfet de la Congrégation des Causes des Saints et a continué son activité au service du magistère de l’Église et des Papes. Le Pape François a envoyé un beau télégramme au Vicaire Général de la Congrégation Salésienne, où il exalte justement la « salésianité » du Cardinal Amato et son œuvre en tant que Préfet des Causes des Saints. 
            Nous le reportons ici dans son intégralité :

REVEREND DON STEFANO MARTOGLIO SDB 
VICAIRE DU RECTEUR MAJEUR 
SOCIÉTÉ SAINT FRANÇOIS DE SALES (SALÉSIENS) 
ROME

            Ayant appris la nouvelle du décès du cher Cardinal Angelo Amato, j’exprime ma proximité à vous et aux Confrères de cet Institut Religieux, ainsi qu’à la Famille du regretté Cardinal. Je rends grâce à Dieu pour le témoignage édifiant de ce fils spirituel de Saint Jean Bosco qui, pendant tant d’années, s’est dépensé avec finesse humaine et générosité au service de l’Évangile et de l’Église. Je pense à son âme sacerdotale et à la compétence théologique avec laquelle il a servi le Saint-Siège, en particulier au sein du Dicastère pour la Doctrine de la Foi et de celui des Causes des Saints. J’assure ma prière pour l’âme de ce bon et vigilant serviteur qui, fidèle à sa devise « Sufficit gratia mea », s’est abandonné à la bonté du Père céleste, même dans les derniers temps marqués par la souffrance. En espérant qu’il sera accueilli dans le festin éternel du Ciel, accompagné par Marie Auxiliatrice et par les Saints et Bienheureux qu’il a conduits à la gloire des autels, j’envoie ma bénédiction à tous ceux qui partagent la douleur de sa disparition.

François

            Parmi les Cardinaux Salésiens, surtout ceux dotés d’un grand charisme théologique, se distingue le Cardinal Angelo Amato qui laisse à la disposition non seulement de l’Université Pontificale Salésienne mais aussi des divers Centres institutionnels d’étude et de spiritualité, un grand patrimoine de doctrine et de sagesse, avec l’espoir qu’il continuera à influencer la vie de l’Église et des Communautés de formation.

✠ Tarcisio Card. Bertone




Vie de saint Paul Apôtre docteur des nations

Le moment culminant de l’Année Jubilaire pour chaque croyant est le passage par la Porte Sainte, un geste hautement symbolique qui doit être vécu avec une profonde méditation. Il ne s’agit pas d’une simple visite pour admirer la beauté architecturale, sculpturale ou picturale d’une basilique : les premiers chrétiens ne se rendaient pas dans les lieux de culte pour cette raison, d’autant plus qu’à l’époque, il n’y avait pas grand-chose à admirer. Ils venaient plutôt prier devant les reliques des saints apôtres et martyrs, et pour obtenir l’indulgence grâce à leur puissante intercession. Se rendre sur les tombes des apôtres Pierre et Paul sans connaître leur vie n’est pas un signe d’appréciation. C’est pourquoi, en cette Année Jubilaire, nous souhaitons présenter les parcours de foi de ces deux glorieux apôtres, tels qu’ils ont été narrés par Saint Jean Bosco.

Vie de saint Paul Apôtre docteur des nations racontée au peuple par le prêtre Jean Bosco

PRÉFACE

CHAPITRE I. Patrie, éducation de Saint Paul, sa haine contre les Chrétiens

CHAPITRE II. Conversion et Baptême de Saul — An 34 ap. J.-C.

CHAPITRE III. Premier voyage de Saul — Retour à Damas; des pièges lui sont tendus — Il va à Jérusalem et se présente aux Apôtres — Jésus-Christ lui apparaît — Années 35, 36 et 37 ap. J.-C.

CHAPITRE IV. Prophéties d’Agabus — Saul et Barnabé ordonnés évêques — Ils vont sur l’île de Chypre — Conversion du proconsul Sergius — Châtiment du magicien Élymas — Jean-Marc retourne à Jérusalem — Années 40-43 ap. J.-C.

CHAPITRE V. Saint Paul prêche à Antioche de Pisidie — An 44 ap. J.-C.

CHAPITRE VI. Saint Paul prêche dans d’autres villes — Opère un miracle à Lystres, où il est ensuite lapidé et laissé pour mort — An 45 ap. J.-C.

CHAPITRE VII. Paul miraculeusement guéri — Autres travaux apostoliques — Conversion de Sainte Thècle

CHAPITRE VIII. Saint Paul va conférer avec Saint Pierre — Il assiste au Concile de Jérusalem — An 50 ap. J.-C.

CHAPITRE IX. Paul se sépare de Barnabé — Il parcourt plusieurs villes d’Asie — Dieu l’envoie en Macédoine — À Philippes, il convertit la famille de Lydie — An 51 ap. J.-C.

CHAPITRE X. Saint Paul libère une jeune fille du démon — Il est battu de verges — Il est mis en prison — Conversion du geôlier et de sa famille — An 51 ap. J.-C.

CHAPITRE XI. Saint Paul prêche à Thessalonique — L’affaire de Jason — Il va à Bérée où il est de nouveau contrecarré par les Juifs — An 52 ap. J.-C.

CHAPITRE XII. État religieux des Athéniens — Saint Paul à l’Aréopage — Conversion de Saint Denys — Année 52 ap. J.-C.

CHAPITRE XIII. Saint Paul à Corinthe — Son séjour chez Aquilas — Baptême de Crispus et de Sosthène — Il écrit aux Thessaloniciens — Retour à Antioche — Années 53-54 ap. J.-C.

CHAPITRE XIV. Apollos à Éphèse — Le sacrement de la Confirmation — Saint Paul opère de nombreux miracles — Le fait de deux exorcistes juifs — An 55 ap. J.-C.

CHAPITRE XV. Sacrement de la Confession — Livres pervers brûlés — Lettre aux Corinthiens — Soulèvement pour la déesse Diane — Lettre aux Galates — Années 56-57 ap. J.-C.

CHAPITRE XVI. Saint Paul retourne à Philippes — Deuxième Lettre aux fidèles de Corinthe — Il va dans cette ville — Lettre aux Romains — Son sermon prolongé à Troas — Il ressuscite un mort — An 58 ap. J.-C.

CHAPITRE XVII. Prédication de Saint Paul à Milet — Son voyage jusqu’à Césarée — Prophétie d’Agabus — Année 58 ap. J.-C.

CHAPITRE XVIII. Saint Paul se présente à Saint Jacques — Les Juifs lui tendent des pièges — Il parle au peuple — Il réprimande le grand prêtre — An 59 ap. J.-C.

CHAPITRE XIX. Quarante Juifs s’engagent par vœu à tuer Saint Paul — Un de ses neveux découvre le complot — Il est transféré à Césarée — An 59 ap. J.-C.

CHAPITRE XX. Paul devant le gouverneur — Ses accusateurs et sa défense — An 59 ap. J.-C.

CHAPITRE XXI. Paul devant Festus — Ses paroles au roi Agrippa — An 60 ap. J.-C.

CHAPITRE XXII. Saint Paul est embarqué pour Rome — Il subit une terrible tempête, dont il est sauvé avec ses compagnons — An 60 ap. J.-C.

CHAPITRE XXIII. Saint Paul sur l’île de Malte — Il est libéré de la morsure d’une vipère — Il est accueilli chez Publius, dont il guérit le père — An 60 ap. J.-C.

CHAPITRE XXIV. Voyage de Saint Paul de Malte à Syracuse — Il prêche à Rhegium — Son arrivée à Rome — An 60 ap. J.-C.

CHAPITRE XXV. Paul parle aux Juifs et leur prêche Jésus-Christ — Progrès de l’Évangile à Rome — An 61 ap. J.-C.

CHAPITRE XXVI. Saint Luc — Les Philippiens envoient de l’aide à Saint Paul — Maladie et guérison d’Épaphrodite — Lettre aux Philippiens — Conversion d’Onésime — An 61 ap. J.-C.

CHAPITRE XXVII. Lettre de Saint Paul à Philémon — An 62 ap. J.-C.

CHAPITRE XXVIII. Saint Paul écrit aux Colossiens, aux Éphésiens et aux Hébreux — An 62 ap. J.-C.

CHAPITRE XXIX. Saint Paul est libéré — Martyre de Saint Jacques le Mineur — An 63 ap. J.-C.

CHAPITRE XXX. Autres voyages de Saint Paul — Il écrit à Timothée et à Tite — Son retour à Rome — An 68 ap. J.-C.

CHAPITRE XXXI. Saint Paul est de nouveau emprisonné — Il écrit la deuxième lettre à Timothée — Son martyre — Années 69-70 ap. J.-C.

CHAPITRE XXXII. Enterrement de Saint Paul — Merveilles opérées près de sa tombe — Basilique qui lui est dédiée

CHAPITRE XXXIII. Portrait de Saint Paul — Image de son esprit — Conclusion

PRÉFACE

            Saint Pierre est le prince des Apôtres, premier Pape, Vicaire de Jésus-Christ sur la terre. Il a été établi chef de l’Église ; mais sa mission était particulièrement dirigée vers la conversion des Juifs. Saint Paul est cet Apôtre qui a été appelé de manière extraordinaire par Dieu à porter la Lumière de l’Évangile aux Gentils. Ces deux grands Saints sont désignés par l’Église comme les colonnes et les fondements de la Foi, princes des Apôtres, qui, par leurs efforts, leurs écrits et leur sang, nous ont enseigné la loi du Seigneur ; Ipsi nos docuerunt legem tuam, Domine. Pour cette raison, à la vie de Saint Pierre succède celle de Saint Paul.
            Il est vrai que cet apôtre ne fait pas partie de la série des Papes ; mais les efforts extraordinaires qu’il a déployés pour aider Saint Pierre à propager l’Évangile, son zèle, sa charité, la doctrine qu’il nous a laissée dans les livres sacrés, le rendent digne d’être placé aux côtés de la vie du premier Pape, comme une forte colonne sur laquelle repose l’Église de Jésus-Christ.

CHAPITRE I. Patrie, éducation de Saint Paul, sa haine contre les Chrétiens

            Saint Paul était Juif de la tribu de Benjamin. Huit jours après sa naissance, il fut circoncis, et on lui donna le nom de Saul, qui fut ensuite changé en celui de Paul. Son père habitait à Tarse, ville de Cilicie, province de l’Asie Mineure. L’empereur César Auguste accorda de nombreux privilèges à cette ville, parmi lesquels le droit de citoyenneté romaine. Ainsi, Saint Paul, étant né à Tarse, était citoyen romain, qualité qui lui conférait de nombreux avantages, car il pouvait bénéficier de l’immunité des lois particulières de tous les pays soumis ou alliés à l’empire romain, et dans n’importe quel endroit, un citoyen romain pouvait faire appel au sénat ou à l’empereur pour être jugé.
            Ses parents, étant aisés, l’envoyèrent à Jérusalem pour lui donner une éducation convenable à leur statut. Son maître fut un docteur nommé Gamaliel, homme de grande vertu, dont nous avons déjà parlé dans la vie de Saint Pierre. Dans cette ville, il eut la chance de trouver un bon compagnon de Chypre, appelé Barnabé, jeune homme de grande vertu, dont la bonté de cœur contribua beaucoup à tempérer l’ardeur de son condisciple. Ces deux jeunes hommes restèrent toujours de loyaux amis, et nous les verrons devenir collègues dans la prédication de l’Évangile.
            Le père de Saul était Pharisien, c’est-à-dire qu’il professait la secte la plus stricte parmi les Juifs, qui considérait la vertu comme une grande apparence extérieure de rigueur, maxime totalement contraire à l’esprit d’humilité de l’Évangile. Saul suivit les préceptes de son père, et comme son maître était aussi Pharisien, il devint plein d’enthousiasme pour en augmenter le nombre et éliminer tout obstacle qui s’opposerait à cet objectif.
            Il était d’usage chez les Juifs de faire apprendre à leurs enfants un métier tout en s’occupant de l’étude de la Bible. Cela se faisait afin de les préserver des dangers que l’oisiveté entraîne ; et aussi pour occuper le corps et l’esprit dans quelque chose qui puisse leur permettre de gagner leur pain dans les circonstances difficiles de la vie. Saul apprit le métier de tanneur de peaux et surtout à coudre des tentes. Il se distinguait parmi tous ceux de son âge par son zèle envers la loi de Moïse et les traditions des Juifs. Ce zèle peu éclairé le rendit blasphémateur, persécuteur et féroce ennemi de Jésus-Christ.
            Il incita les Juifs à condamner Saint Étienne, et il fut présent à sa mort. Et comme son âge ne lui permettait pas de prendre part à l’exécution de la sentence, il gardait les vêtements de ses compagnons et les incitait avec fureur à lancer des pierres contre lui lorsque Étienne était sur le point d’être lapidé. Mais Étienne, véritable disciple du Sauveur, fit la vengeance des saints, c’est-à-dire qu’il se mit à prier pour ceux qui le lapidaient. Cette prière fut le début de la conversion de Saul ; et Saint Augustin dit précisément que l’Église n’aurait pas eu en Paul un apôtre, si le diacre Étienne n’avait pas prié.
            À cette époque, une violente persécution fut suscitée contre l’Église de Jérusalem, et Saul était celui qui montrait une féroce envie de disperser et de faire mourir les disciples de Jésus-Christ. Afin de mieux fomenter la persécution en public et en privé, il se fit autoriser à cet effet par le prince des prêtres. Alors il devint comme un loup affamé qui ne se rassasie pas de déchirer et de dévorer. Il entrait dans les maisons des Chrétiens, les insultait, les malmenait, les liait ou les faisait charger de chaînes pour être ensuite traînés en prison, les faisait battre avec des verges ; en somme, il employait tous les moyens pour les contraindre à blasphémer le saint nom de Jésus-Christ. La nouvelle des violences de Saul se répandit même dans des pays lointains, de sorte que son seul nom inspirait la terreur parmi les fidèles.
            Les persécuteurs ne se contentaient pas de tourmenter les personnes des Chrétiens ; mais, comme cela a toujours été le cas avec les persécuteurs, ils les dépouillaient aussi de leurs biens et de tout ce qu’ils possédaient en commun. Ce qui faisait que beaucoup étaient contraints de vivre de l’aumône que les fidèles des Églises lointaines leur envoyaient. Mais il y a un Dieu qui assiste et gouverne son Église, et quand nous y pensons le moins, il vient en aide à ceux qui se confient en lui.

CHAPITRE II. Conversion et Baptême de Saul — An 34 ap. J.-C.

            La fureur de Saul ne pouvait se rassasier ; il ne respirait que menaces et massacres contre les disciples du Seigneur. Ayant entendu que, à Damas, ville distante d’environ cinquante miles de Jérusalem, de nombreux Juifs avaient embrassé la foi, il ressentit un ardent désir de s’y rendre pour y faire un carnage. Pour agir librement selon ce que lui suggérait sa haine contre les Chrétiens, il alla voir le prince des prêtres et le sénat, qui lui donnèrent des lettres l’autorisant à se rendre à Damas, à enchaîner tous les Juifs qui se déclaraient Chrétiens et à les conduire à Jérusalem pour y être punis avec une sévérité capable d’arrêter ceux qui auraient été tentés de les imiter.
            Mais les projets des hommes sont vains lorsqu’ils sont contraires à ceux du Ciel ! Dieu, ému par les prières de Saint Étienne et des autres fidèles persécutés, voulut manifester en Saul sa puissance et sa miséricorde. Saul, avec ses lettres de recommandation, plein d’ardeur, dévorant la route, était proche de la ville de Damas, et il lui semblait déjà avoir les Chrétiens entre ses mains. Mais c’était le lieu de la divine miséricorde.
            Dans l’élan de sa fureur aveugle, vers midi, une grande lumière, plus éclatante que celle du soleil, l’entoure avec tous ceux qui l’accompagnaient. Éblouis par cette splendeur céleste, ils tombèrent tous à terre comme morts ; en même temps, ils entendirent le bruit d’une voix, comprise seulement par Saul. “Saul, Saul”, dit la voix, “pourquoi me persécutes-tu ?” Alors Saul, encore plus effrayé, répondit : “Qui êtes-vous, vous qui parlez ?” “Je suis, continua la voix, ce Jésus que tu persécutes. Souviens-toi qu’il est trop dur de donner des coups de pied contre le fer, ce que tu fais en résistant à un plus puissant que toi. En persécutant mon Église, tu me persécutes moi-même ; mais celle-ci deviendra plus florissante, et tu ne feras de mal qu’à toi-même.”
            Ce doux reproche du Sauveur, accompagné de l’onction intérieure de sa grâce, adoucit la dureté du cœur de Saul et le transforma en un homme complètement nouveau. Par conséquent, tout humilié, il s’exclama : “Seigneur, que voulez-vous que je fasse ?” Comme s’il disait : Quel est le moyen de procurer votre gloire ? Je me mets à votre disposition pour faire votre très sainte volonté.
            Jésus-Christ ordonna à Saul de se lever et d’aller dans la ville où un disciple l’instruirait sur ce qu’il devait faire. Dieu, dit Saint Augustin, en remettant à ses ministres l’instruction d’un apôtre appelé de manière si extraordinaire, nous enseigne qu’il faut chercher sa sainte volonté dans l’enseignement des Pasteurs, qu’il a revêtus de son autorité pour être nos guides spirituels sur terre.
            S’étant levé, Saul ne voyait plus rien, bien qu’il gardât les yeux ouverts. Il fut donc nécessaire de lui donner la main et de le conduire à Damas, comme si Jésus-Christ voulait le conduire en triomphe. Il prit logement chez un marchand nommé Judas ; il y demeura trois jours sans voir, sans boire et sans manger, ignorant encore ce que Dieu voulait de lui.
            Il y avait à Damas un disciple nommé Ananie, très estimé des Juifs pour sa vertu et sa sainteté. Jésus-Christ lui apparut et lui dit : “Ananie !” Il répondit : “Me voici, ô Seigneur.” Le Seigneur ajouta : “Lève-toi et va dans la rue appelée Droite, et cherche un certain Saul natif de Tarse ; tu le trouveras en train de prier.” Ananie, ayant entendu le nom de Saul, trembla et dit : “Ô Seigneur, où m’envoyez-vous ? Vous savez bien le grand mal qu’il a fait aux fidèles à Jérusalem ; maintenant, tout le monde sait qu’il est venu ici avec plein pouvoir de lier tous ceux qui croient en votre Nom.” Le Seigneur répondit : “Va en paix, n’aie pas peur, car cet homme est un instrument choisi par moi pour porter mon nom aux nations païennes, devant les rois et devant les fils d’Israël ; car je lui ferai voir combien il doit souffrir pour mon nom.” Pendant que Jésus-Christ parlait à Ananie, il envoya à Saul une autre vision, dans laquelle lui apparut un homme nommé Ananie qui, s’approchant de lui, lui imposait les mains pour lui redonner la vue. C’est ce que fit le Seigneur pour assurer Saul qu’Ananie était celui qu’il envoyait pour lui manifester ses volontés.
            Ananie obéit, alla trouver Saul, lui imposa les mains et lui dit : “Saul, frère, le Seigneur Jésus qui t’est apparu sur le chemin par lequel tu venais à Damas, m’a envoyé à toi afin que tu recouvres la vue et sois rempli de l’Esprit Saint.” En disant cela, Ananie, tenant les mains sur la tête de Saul, ajouta : “Ouvre les yeux.” À ce moment, des écailles tombèrent des yeux de Saul comme des écailles, et il recouvra parfaitement la vue.
            Alors Ananie ajouta : “Maintenant, lève-toi et reçois le Baptême, et lave tes péchés en invoquant le nom du Seigneur.” Saul se leva immédiatement pour recevoir le Baptême ; puis, tout plein de joie, il réconforta sa fatigue avec un peu de nourriture. Après avoir passé à peine quelques jours avec les disciples de Damas, il se mit à prêcher l’Évangile dans les synagogues, démontrant par les Écritures Saintes que Jésus était le Fils de Dieu. Tous ceux qui l’écoutaient étaient pleins d’étonnement, et ils disaient : “N’est-ce pas celui qui persécutait à Jérusalem ceux qui invoquaient le nom de Jésus et qui est venu ici spécialement pour les conduire là en prison ?”
            Mais Saul avait déjà dépassé tout respect humain ; il ne désirait plus rien d’autre que de promouvoir la gloire de Dieu et de réparer le scandale donné ; par conséquent, laissant chacun dire de lui ce qu’il voulait, il confondait les Juifs et prêchait avec intrépidité Jésus Crucifié.

CHAPITRE III. Premier voyage de Saul — Retour à Damas; des pièges lui sont tendus — Il va à Jérusalem et se présente aux Apôtres — Jésus-Christ lui apparaît — Années 35, 36 et 37 ap. J.-C.

            Saul, à la vue des graves oppositions qui lui étaient faites par les Juifs, jugea opportun de s’éloigner de Damas pour passer quelque temps avec les hommes simples de la campagne et aussi pour se rendre en Arabie à la recherche d’autres peuples mieux disposés à recevoir la foi.
            Après trois ans, croyant que la tempête était passée, il retourna à Damas, où avec zèle et force il se mit à prêcher Jésus-Christ, mais les Juifs, ne pouvant résister aux paroles de Dieu qui leur étaient prêchées par son ministre, décidèrent de le faire mourir. Pour mieux réussir dans leur dessein, ils le dénoncèrent à Arétas, roi de Damas, le présentant comme un perturbateur de la tranquillité publique. Ce roi, trop crédule, écouta la calomnie et ordonna que Saul fût conduit en prison, et pour qu’il ne s’échappe pas, il mit des gardes à toutes les portes de la ville. Cependant, ces pièges ne purent rester si cachés qu’ils n’en vinssent à la connaissance des disciples et de Saul lui-même. Mais comment le libérer? Ces bons disciples le conduisirent dans une maison donnant sur les murs de la ville et, l’ayant mis dans une corbeille, le firent descendre du rempart. Ainsi, tandis que les gardes veillaient à toutes les portes et qu’une recherche rigoureuse était faite dans chaque coin de Damas, Saul est libéré de leurs mains et prend le chemin de Jérusalem, sain et sauf.
            Bien que la Judée ne fût pas le champ confié à son zèle, le motif de ce voyage était cependant saint. Il considérait comme son devoir indispensable de se présenter à Pierre, qu’il n’avait pas encore connu, et de rendre compte de sa mission au Vicaire de Jésus-Christ. Le nom de Saul avait imprimé une si grande terreur aux fidèles de Jérusalem qu’ils ne pouvaient croire à sa conversion. Quand il cherchait à s’approcher tantôt des uns, tantôt des autres, ils le fuyaient tous par peur, sans lui laisser le temps de s’expliquer. C’est dans cette conjoncture que Barnabé se montra un véritable ami. À peine eut-il entendu raconter la prodigieuse conversion de ce condisciple, qu’il se rendit immédiatement auprès de lui pour le consoler; puis il alla chez les Apôtres, leur raconta la prodigieuse apparition de Jésus-Christ à Saul et comment lui, instruit directement par le Seigneur, ne désirait rien d’autre que de publier le saint nom de Dieu à tous les peuples de la terre. En entendant toutes ces bonnes nouvelles, les disciples l’accueillirent avec joie et Saint Pierre le garda plusieurs jours chez lui, où il ne manqua pas de le faire connaître aux fidèles les plus zélés. Saul ne laissait échapper aucune occasion de rendre témoignage à Jésus-Christ dans ces lieux mêmes où il avait blasphémé et fait blasphémer.
            Et comme il pressait trop vivement les Juifs et les confondait en public et en privé, ceux-ci se levèrent contre lui, résolus à lui ôter la vie. C’est pourquoi les fidèles lui conseillèrent de quitter cette ville. La même chose lui fut révélée par Dieu au cours d’une vision. Un jour, tandis que Saul priait dans le temple, Jésus-Christ lui apparut et lui dit: “Pars immédiatement de Jérusalem, car ce peuple ne croira pas à ce que tu vas leur dire de moi.” Paul répondit: “Seigneur, ils savent comment j’ai été persécuteur de votre saint nom; s’ils savent que je me suis converti, ils suivront certainement mon exemple et se convertiront eux aussi.” Jésus ajouta: “Ce n’est pas vrai ; ils ne prêteront aucune foi à tes paroles. Va, je t’ai choisi pour porter mon Évangile dans des pays lointains parmi les nations païennes” (Actes des Apôtres, chap. 22).
            Ainsi fut décidé le départ de Paul. Les disciples l’accompagnèrent à Césarée et de là l’envoyèrent à Tarse, sa patrie, avec l’espoir qu’il pourrait vivre avec moins de danger parmi ses parents et amis et commencer aussi dans cette ville à faire connaître le nom du Seigneur.

CHAPITRE IV. Prophéties d’Agabus — Saul et Barnabé ordonnés évêques — Ils vont sur l’île de Chypre — Conversion du proconsul Sergius — Châtiment du magicien Élymas — Jean-Marc retourne à Jérusalem — Années 40-43 ap. J.-C.

            Pendant que Saul prêchait la parole divine à Tarse, Barnabé se mit à la prêcher avec grand fruit à Antioche. À la vue du grand nombre de ceux qui chaque jour venaient à la foi, Barnabé jugea opportun de se rendre à Tarse pour inviter Saul à venir l’aider. En effet, tous deux vinrent à Antioche, où ils gagnèrent un grand nombre de fidèles par la prédication et les miracles.
            En ces jours-là, des prophètes, c’est-à-dire des chrétiens fervents illuminés par Dieu qui prédisaient l’avenir, vinrent de Jérusalem à Antioche. L’un d’eux, nommé Agabus, inspiré par le Saint-Esprit, prédit une grande famine qui devait désoler toute la terre, comme cela arriva au temps de l’empereur Claude. Pour prévenir les maux que cette famine allait provoquer, les fidèles décidèrent de faire une collecte en demandant à chacun, selon ses possibilités, d’envoyer quelque secours aux frères de Judée. Les résultats de cette action furent excellents. Et pour avoir une personne de bonne réputation auprès de tous, ils choisirent Saul et Barnabé et les envoyèrent porter cette aumône aux prêtres de Jérusalem, afin qu’ils en fassent la distribution selon les besoins. Après avoir accompli leur mission, Saul et Barnabé retournèrent à Antioche.
            Il y avait aussi dans cette ville d’autres prophètes et docteurs, parmi lesquels un certain Simon surnommé le Noir, Lucius de Cyrène et Manaën, frère de lait d’Hérode. Un jour, tandis qu’ils offraient les Saints Mystères et jeûnaient, l’Esprit Saint apparut de manière extraordinaire et leur dit: “Séparez-moi Saul et Barnabé pour l’œuvre du saint ministère à laquelle je les ai élus.” Alors on ordonna un jeûne avec des prières publiques, ils leur imposèrent les mains et les consacrèrent évêques. Cette ordination fut le modèle de celles que l’Église Catholique a l’habitude de faire à ses ministres ; de là vinrent les jeûnes des Quatre-Temps, les prières et d’autres cérémonies qui ont lieu lors des ordinations sacrées.
            Saul était à Antioche lorsqu’il eut une merveilleuse vision, au cours de laquelle il fut enlevé au troisième ciel, c’est-à-dire qu’il fut élevé par Dieu à contempler les choses du Ciel les plus sublimes dont un homme mortel puisse être capable. Lui-même a écrit qu’il avait vu des choses qui ne peuvent être exprimées par des mots, des choses jamais vues, jamais entendues, et que le cœur de l’homme ne peut même pas imaginer. Réconforté par cette vision céleste, Saul partit avec Barnabé et se rendit directement à Séleucie de Syrie, ainsi nommée pour la distinguer d’une autre ville du même nom située près du Tigre du côté de la Perse. Ils avaient aussi avec eux un certain Jean-Marc, non pas Marc l’Évangéliste. Il était le fils de cette pieuse veuve dans la maison de laquelle Saint Pierre s’était réfugié lorsqu’il fut miraculeusement libéré de prison par un ange. Il était cousin de Barnabé et avait été conduit de Jérusalem à Antioche lors de leur voyage pour porter les aumônes.
            Séleucie avait un port sur la Méditerranée et c’est de là que nos ouvriers évangéliques s’embarquèrent pour aller sur l’île de Chypre, patrie de Saint Barnabé. Arrivés à Salamine, ville et port important de cette île, ils commencèrent à annoncer l’Évangile aux Juifs et ensuite aux Gentils, qui étaient plus simples et mieux disposés à recevoir la foi. Les deux Apôtres, prêchant sur toute cette île, arrivèrent à Paphos, capitale du pays, où résidait le proconsul, c’est-à-dire le gouverneur romain nommé Sergius Paulus. Là, le zèle de Saul eut l’occasion de s’exercer à cause d’un magicien appelé Bar-Jésus ou Élymas. Celui-ci, soit pour gagner la faveur du proconsul, soit pour tirer de l’argent de ses escroqueries, séduisait le peuple et empêchait Sergius de suivre les bons sentiments de son cœur. Quand le proconsul entendit parler des prédicateurs qui étaient venus dans le pays qu’il gouvernait, il les fit appeler afin qu’ils viennent lui faire connaître leur doctrine. Saul et Barnabé allèrent immédiatement lui exposer les vérités de l’Évangile. Mais Élymas, voyant qu’on lui retirait la matière de ses gains, et craignant peut-être pire, se mit à entraver les desseins de Dieu ; il contredisait la doctrine de Saul et le discréditait auprès du proconsul pour le tenir éloigné de la vérité. Alors Saul, tout enflammé de zèle et de Saint-Esprit, lui jeta un regard sévère. “Scélérat, lui dit-il, réceptacle d’impiété et de fraude, fils du diable, ennemi de toute justice, ne cesseras-tu pas de pervertir les voies droites du Seigneur? Voici que la main de Dieu va peser sur toi ; à partir de maintenant tu seras aveugle, et pendant tout le temps que Dieu voudra, tu ne verras pas la lumière du soleil.” À l’instant, une obscurité tomba sur ses yeux et lui enleva la possibilité de voir ; il allait de-ci de-là en tâtonnant, cherchant qui lui donnerait la main.
            Devant ce fait terrible, Sergius reconnut la main de Dieu ; ému par les prêches de Saul et par ce miracle, il crut en Jésus-Christ et embrassa la foi avec toute sa famille. Même le magicien Élymas, terrifié par cette cécité soudaine, reconnut la puissance divine dans les paroles de Paul et, renonçant à l’art magique, se convertit, fit pénitence et embrassa la foi. En cette occasion, Saul prit le nom de Paul, tant en mémoire de la conversion de ce gouverneur, que pour être mieux accueilli parmi les Gentils, car Saul était un nom juif, tandis que Paul était un nom romain.
            Ayant récolté à Paphos de grands fruits de leur prédication, Paul et Barnabé s’embarquèrent avec d’autres compagnons en direction de Pergé, ville de la Pamphylie. Là, ils renvoyèrent chez eux Jean-Marc, qui jusqu’alors s’était employé à les aider. Barnabé aurait volontiers voulu le garder encore; mais Paul, voyant en lui une certaine pusillanimité et instabilité, pensa à le renvoyer chez sa mère à Jérusalem. Nous verrons bientôt ce disciple réparer la faiblesse qu’il avait montrée et devenir un prédicateur fervent.

CHAPITRE V. Saint Paul prêche à Antioche de Pisidie — An 44 ap. J.-C.

            De Pergé, Saint Paul alla avec Saint Barnabé à Antioche de Pisidie, ainsi nommée pour la distinguer d’Antioche de Syrie, qui était la grande capitale de l’Orient. Là, les Juifs, comme dans de nombreuses autres villes d’Asie, avaient leur synagogue où ils se réunissaient les jours de sabbat pour écouter l’explication de la Loi de Moïse et des Prophètes. Les deux apôtres participèrent également et avec eux de nombreux Juifs et des Gentils qui adoraient déjà le vrai Dieu. Selon l’usage des Juifs, les docteurs de la loi lurent un passage de la Bible qu’ils donnèrent ensuite à Paul en le priant de leur dire quelque chose d’édifiant. Paul, qui n’attendait que l’occasion de parler, se leva, indiqua de la main qu’ils fassent tous silence, et commença à parler ainsi: « Fils d’Israël, et vous tous qui craignez le Seigneur, puisque vous m’invitez à parler, je vous prie de m’écouter avec l’attention que mérite la dignité de ce que je vais vous dire.
            « Ce Dieu qui a choisi nos pères lorsqu’ils étaient en Égypte et, par une longue série de prodiges, en a fait une nation privilégiée, a particulièrement honoré la lignée de David en promettant qu’il en ferait naître le Sauveur du monde. Cette grande promesse, confirmée par tant de prophéties, s’est enfin accomplie dans la personne de Jésus de Nazareth. Jean, auquel vous croyez certainement, ce Jean dont les sublimes vertus firent croire qu’il était le Messie, lui a rendu le témoignage le plus autorisé en disant qu’il ne se jugeait pas digne de délier même les lacets de ses sandales. Vous aujourd’hui, frères, vous, dignes fils d’Abraham, et vous tous, adorateurs du vrai Dieu, de quelque nation ou lignée que vous soyez, vous êtes ceux à qui s’adresse particulièrement la parole de salut. Les habitants de Jérusalem, trompés par leurs chefs, n’ont pas voulu reconnaître le Rédempteur que nous vous prêchons. Au contraire, ils lui ont donné la mort; mais Dieu tout-puissant n’a pas permis, comme il l’avait prédit, que le corps de son Christ subisse la corruption dans le sépulcre. C’est pourquoi, le troisième jour après sa mort, il le fit ressusciter glorieux et triomphant.
            « Jusqu’ici, vous n’avez aucune faute, car la lumière de la vérité n’était pas encore parvenue jusqu’à vous. Mais tremblez à partir de maintenant si jamais vous décidez de fermer les yeux ; tremblez de provoquer sur vous la malédiction fulminée par les prophètes contre quiconque ne veut pas reconnaître la grande œuvre du Seigneur, dont l’accomplissement doit avoir lieu en ces jours. »
            Une fois le discours terminé, tous les auditeurs se retirèrent en silence, méditant sur les choses entendues de Saint Paul.
            Cependant, des pensées différentes occupaient leurs esprits. Les bons étaient pleins de joie en entendant les paroles du salut qui leur étaient annoncées, mais une grande partie des Juifs, toujours persuadés que le Messie devait rétablir la puissance temporelle de leur nation et ayant honte de reconnaître comme Messie celui que leurs princes avaient condamné à une mort ignominieuse, accueillirent avec dédain la prédication de Paul. Malgré tout, ils se montrèrent satisfaits et invitèrent l’Apôtre à revenir le sabbat suivant, mais avec un esprit bien différent : les malveillants pour se préparer à le contredire, et ceux qui craignaient le Seigneur, Israélites et Gentils, pour mieux s’instruire et être confirmés dans la foi. Le jour convenu, une immense foule se rassembla pour entendre cette nouvelle doctrine. À peine Saint Paul se mit à prêcher, les docteurs de la synagogue se levèrent contre lui. Ils opposèrent d’abord des difficultés ; puis, lorsqu’ils se rendirent compte qu’ils ne pouvaient résister à la force des raisons avec lesquelles Saint Paul prouvait les vérités de la foi, ils se laissèrent aller à des cris, des injures, des blasphèmes. Les deux apôtres, voyant qu’on leur étouffait la parole dans la bouche, s’écrièrent à haute voix avec grand courage : « C’est à vous qu’il fallait d’abord annoncer la divine parole ; mais puisque vous vous bouchez volontairement les oreilles et la repoussez avec fureur, vous vous rendez indignes de la vie éternelle. Nous nous tournons donc vers les Gentils pour accomplir la promesse faite par Dieu par la bouche de son prophète lorsqu’il a dit : Je t’ai destiné à être la lumière des Gentils et leur salut jusqu’aux extrémités de la terre. »
            Alors les Juifs, pris encore plus par l’envie et la colère, excitèrent contre les Apôtres une persécution féroce.
            Ils se servirent de quelques femmes, qui avaient la réputation d’être pieuses et honnêtes, pour influencer les magistrats de la ville. Tous ensemble, criant et faisant du bruit, forcèrent les Apôtres à sortir de leur ville. Sous la contrainte, Paul et Barnabé partirent de cette malheureuse cité et, au moment de leur départ, selon le commandement de Jésus-Christ, ils secouèrent la poussière de leurs pieds pour signifier qu’ils renonçaient dorénavant à toute relation avec des hommes réprouvés par Dieu et frappés de la malédiction divine.

CHAPITRE VI. Saint Paul prêche dans d’autres villes — Opère un miracle à Lystres, où il est ensuite lapidé et laissé pour mort — An 45 ap. J.-C.

            Chassés de Pisidie, Paul et Barnabé se rendirent en Lycaonie, une autre province de l’Asie Mineure, et se dirigèrent vers Iconium, la capitale. Les saints Apôtres, cherchant uniquement la gloire de Dieu et oubliant les mauvais traitements qu’ils avaient reçus à Antioche de la part des Juifs, se mirent immédiatement à prêcher l’Évangile dans la synagogue. Là, Dieu bénit leurs efforts, et une multitude de Juifs et de Gentils embrassa la foi. Mais ceux parmi les Juifs qui restèrent incrédules et s’obstinèrent dans l’impiété, déclenchèrent une nouvelle persécution contre les Apôtres. Certains les accueillaient comme des hommes envoyés par Dieu, d’autres les traitaient d’imposteurs. Ayant été avertis que beaucoup d’entre eux, protégés par les chefs de la synagogue et les magistrats, voulaient les lapider, ils allèrent à Lystres puis à Derbé, une ville non loin d’Iconium. Ces villes et leurs alentours furent le champ où nos zélés ouvriers se mirent à semer la parole du Seigneur. Parmi les nombreux miracles que Dieu opéra par la main de Saint Paul lors de cette mission, celui que nous allons rapporter fut particulièrement éclatant.
            À Lystres, il y avait un homme infirme de naissance, qui n’avait jamais pu faire un pas avec ses pieds. Ayant entendu que Saint Paul opérait des miracles extraordinaires, il sentit naître dans son cœur une vive confiance de pouvoir lui aussi, par ce moyen, obtenir la santé comme tant d’autres l’avaient déjà obtenue. Il écoutait les prédications de l’Apôtre, lorsque celui-ci, le regardant fixement et percevant les bonnes dispositions de son âme, lui dit à haute voix : “Lève-toi et tiens-toi droit sur tes pieds”. À un tel commandement, l’infirme se leva et commença à marcher sans aucune difficulté. La multitude qui avait été témoin de ce miracle se sentit transportée d’enthousiasme et d’émerveillement. “Ces hommes ne sont pas des hommes, s’exclamait-on de toutes parts, mais ce sont des dieux revêtus d’apparences humaines, descendus du ciel parmi nous”. Et selon cette supposition erronée, ils appelaient Barnabé Jupiter, parce qu’ils le voyaient d’apparence plus majestueuse, et Paul, qui parlait avec une merveilleuse éloquence, ils l’appelaient Mercure, qui chez les Gentils était l’interprète et le messager de Jupiter et le dieu de l’éloquence. Lorsque la nouvelle de cet événement parvint au prêtre du temple de Jupiter, qui était en dehors de la ville, il jugea de son devoir d’offrir aux grands hôtes un sacrifice solennel et d’inviter tout le peuple à y participer. On prépara les victimes, les couronnes et tout ce qui était nécessaire pour la fonction, et on apporta tout devant la maison où logeaient Paul et Barnabé, auxquels on voulait de toutes les manières offrir un sacrifice. Les deux Apôtres, enflammés d’un saint zèle, se jetèrent dans la foule et, en signe de douleur, déchirant leurs vêtements, se mirent à crier : “Oh, que faites-vous, misérables ? Nous sommes des hommes mortels comme vous ; nous vous exhortons de tout notre cœur à vous convertir du culte des dieux au culte du Seigneur, qui a créé le ciel et la terre, et qui, bien qu’il ait toléré par le passé que les Gentils suivent leurs folies, a cependant fourni des arguments clairs de son existence et de sa bonté infinie par les œuvres qui le font connaître comme le maître suprême de toutes choses”.
            En entendant ce discours si franc, les esprits se calmèrent et abandonnèrent l’idée de faire le sacrifice. Les prêtres n’avaient pas encore totalement cédé et restaient perplexes quant à savoir s’ils devaient y renoncer lorsque survinrent d’Antioche et d’Iconium quelques Juifs, envoyés par les synagogues pour troubler les saintes entreprises des Apôtres. Ces malveillants firent et dirent si bien qu’ils réussirent à retourner tout le peuple contre les deux Apôtres. C’est ainsi que ceux qui quelques jours auparavant les vénéraient comme des dieux, les traitaient maintenant de malfaiteurs ; et comme Saint Paul était celui qui avait particulièrement parlé, la colère se tourna entièrement contre lui.
            Ils déchargèrent sur lui une telle tempête de pierres qu’ils le traînèrent hors de la ville en le croyant mort. Par là tu vois, mon cher lecteur, combien tu dois compter sur la gloire du monde ! Ceux qui aujourd’hui voudraient t’élever au-dessus des étoiles, demain peut-être te voudront dans le plus profond des abîmes ! Bienheureux ceux qui mettent leur confiance en Dieu.

CHAPITRE VII. Paul miraculeusement guéri — Autres travaux apostoliques — Conversion de Sainte Thècle

            Les disciples avec d’autres fidèles, ayant su ou peut-être vu ce qui était arrivé à Paul, se rassemblèrent autour de son corps en le pleurant comme mort. Mais ils furent bientôt consolés ; car, que Paul fût réellement mort ou seulement tout meurtri, Dieu en un instant le fit revenir sain et vigoureux comme auparavant, à tel point qu’il put se lever par lui-même et, entouré des disciples, retourner à la ville de Lystres parmi ceux qui peu avant l’avaient lapidé.
            Mais le lendemain, sortant de cette ville, il passa à Derbé, une autre ville de Lycaonie. Là, il prêcha Jésus-Christ et fit beaucoup de conversions. Paul et Barnabé visitèrent de nombreuses villes où ils avaient déjà prêché. En voyant les graves dangers auxquels étaient exposés ceux qui venaient à peine de croire, ils ordonnèrent des Évêques et des Prêtres pour prendre soin de ces églises.
            Parmi les conversions opérées lors de cette troisième mission de Paul, celle de Sainte Thècle est très célèbre. Alors qu’il prêchait à Iconium, cette jeune fille vint l’écouter. Auparavant, elle s’était consacrée aux belles lettres et à l’étude de la philosophie profane. Déjà ses parents l’avaient promise à un jeune noble, riche et très puissant. Se trouvant un jour à écouter Saint Paul prêcher sur le mérite de la virginité, elle se sentit tomber amoureuse de cette précieuse vertu. En entendant ensuite la grande estime que le Sauveur en avait faite et le grand prix qui était réservé au ciel à ceux qui ont la belle chance de la conserver, elle se sentit brûler du désir de se consacrer à Jésus-Christ et de renoncer à tous les avantages des noces terrestres. Au refus de ces noces, qui aux yeux du monde étaient avantageuses, ses parents s’indignèrent fortement et, d’accord avec le fiancé, tentèrent toutes les voies, toutes les séductions pour la faire changer d’avis. Tout fut inutile : quand une âme est blessée par l’amour de Dieu, tout effort humain ne parvient plus à l’éloigner de l’objet qu’elle aime. En effet, les parents, le fiancé et les amis changèrent leur amour en colère ; ils excitèrent les juges et les magistrats d’Iconium contre la sainte vierge et des menaces passèrent aux actes.
            Elle fut jetée dans un enclos de bêtes affamées et féroces. Armée uniquement de confiance en Dieu, Thècle fait le signe de la Sainte Croix. Alors les animaux abandonnent leur férocité et respectent l’épouse de Jésus-Christ. On allume un bûcher où on la précipite ; mais à peine a-t-elle fait le signe de la Croix que les flammes s’éteignent et elle reste intacte. En somme, elle fut exposée à tous les genres de tourments et de tous fut miraculeusement délivrée. Pour cette raison, elle reçut le nom de protomartyre, c’est-à-dire première martyre parmi les femmes, comme Saint Étienne fut le premier martyr parmi les hommes. Elle vécut encore de nombreuses années dans l’exercice des plus héroïques vertus, et mourut en paix à un âge très avancé.

CHAPITRE VIII. Saint Paul va conférer avec Saint Pierre — Il assiste au Concile de Jérusalem — An 50 ap. J.-C.

            Après les travaux et les souffrances endurés par Paul et Barnabé lors de leur troisième mission, heureux à cause des âmes qu’ils avaient réussi à conduire au bercail de Jésus-Christ, ils retournèrent à Antioche de Syrie. Là, ils racontèrent aux fidèles de cette ville les merveilles opérées par Dieu dans la conversion des Gentils. Le Saint Apôtre y fut consolé par une révélation, dans laquelle Dieu lui ordonna de se rendre à Jérusalem pour conférer avec Saint Pierre au sujet de l’Évangile qu’il avait prêché. Dieu avait ordonné cela afin que Saint Paul reconnaisse en Saint Pierre le Chef de l’Église, et que tous les fidèles comprennent que les deux princes des Apôtres prêchaient une même foi, un seul Dieu, un seul baptême, un seul Sauveur Jésus-Christ.
            Paul partit en compagnie de Barnabé, avec un disciple nommé Tite, gagné à la foi au cours de cette troisième mission. Celui-ci est ce fameux Tite, qui devint modèle de vertu, fidèle disciple et collaborateur de notre saint Apôtre et dont nous aurons souvent l’occasion de parler. Arrivés à Jérusalem, ils se présentèrent aux Apôtres Pierre, Jacques et Jean, qui étaient considérés comme les principales colonnes de l’Église. Entre autres choses, il fut convenu que Pierre avec Jacques et Jean s’appliquerait de manière spéciale à conduire les Juifs à la foi ; Paul et Barnabé, quant à eux, se consacreraient principalement à la conversion des Gentils.
            Paul demeura quinze jours dans cette ville, après quoi il retourna avec ses compagnons à Antioche. Là, ils trouvèrent les fidèles très agités par le fait que les Juifs voulaient obliger les Gentils à se soumettre à la circoncision et aux autres cérémonies de la loi de Moïse, ce qui voulait dire qu’il était nécessaire de devenir un bon Juif pour devenir ensuite un bon Chrétien. Les disputes allèrent si loin que, ne pouvant les apaiser, ils décidèrent d’envoyer Paul et Barnabé à Jérusalem pour consulter le Chef de l’Église afin qu’il tranche la question.
            Nous avons déjà raconté dans la vie de Saint Pierre comment Dieu, par une merveilleuse révélation, avait fait connaître à ce prince des Apôtres que les Gentils venus à la foi n’étaient pas obligés à la circoncision ni aux autres cérémonies de la loi de Moïse. Cependant, afin que la volonté de Dieu soit connue de tous et que soit solennellement résolue toute difficulté, Pierre convoqua un concile universel, qui fut le modèle de tous les conciles qui seront célébrés dans les temps futurs. Là, Paul et Barnabé exposèrent l’état de la question, qui fut définie par Saint Pierre et confirmée par les autres Apôtres de la manière suivante :
            « Les Apôtres et les anciens aux frères convertis du paganisme, qui demeurent à Antioche et dans les autres parties de la Syrie et de la Cilicie. Ayant entendu que certains venus d’ici ont troublé et angoissé vos consciences avec des idées arbitraires, il nous a semblé bon, à nous ici rassemblés, de choisir et d’envoyer vers vous Paul et Barnabé, deux hommes qui nous sont très cher, qui ont sacrifié leur vie pour le nom de notre Seigneur Jésus-Christ. Avec eux, nous envoyons Silas et Jude, qui vous remettront nos lettres et vous confirmeront de vive voix les mêmes vérités. En effet, l’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de vous imposer aucune autre loi, excepté celles que vous devez observer, c’est-à-dire de vous abstenir des choses sacrifiées aux idoles, des viandes étouffées, du sang et de la fornication, dont vous ferez bien de vous abstenir. Restez en paix. »
            La dernière chose, c’est-à-dire la fornication, n’avait pas besoin d’être interdite, étant totalement contraire aux préceptes de la raison et prohibée par le sixième précepte du Décalogue. Cependant, cette prohibition fut renouvelée concernant les Gentils, qui dans le culte de leurs faux dieux pensaient qu’elle était permise, voire agréable à ces divinités immondes.
            Quand Paul et Barnabé arrivèrent à Antioche avec Silas et Jude, ils publièrent la lettre avec le décret du concile. Non seulement ils apaisèrent le tumulte, mais remplirent les frères de joie, chacun reconnaissant la voix de Dieu dans celle de Saint Pierre et du concile. Silas et Jude contribuèrent beaucoup à cette joie commune, car étant des prophètes, c’est-à-dire remplis de l’Esprit Saint et dotés du don de la parole divine et d’une grâce particulière pour interpréter les Saintes Écritures, ils eurent beaucoup d’efficacité pour confirmer les fidèles dans la foi, dans la concorde et dans les bonnes résolutions.
            Quand Saint Pierre fut informé des progrès extraordinaires que l’Évangile faisait à Antioche, il voulut lui aussi venir visiter ces fidèles, à qui il avait déjà prêché pendant plusieurs années et parmi lesquels il avait établi le Siège Pontifical pendant sept ans. Durant le séjour des deux princes des Apôtres à Antioche, il arriva que Pierre, pour plaire aux Juifs, pratiquait certaines cérémonies de la loi mosaïque, ce qui provoqua une certaine aversion chez les Gentils, sans que Saint Pierre en fût conscient. Quand Saint Paul prit connaissance de ce fait, il avertit publiquement Saint Pierre. Avec une admirable humilité celui-ci reçut l’avertissement sans prononcer de mots d’excuse ; au contraire, il devint dès lors très ami de Saint Paul, et dans ses lettres ne l’appelait que par le nom de frère très cher. Exemple digne d’être imité par ceux qui d’une manière ou d’une autre sont avertis de leurs défauts.

CHAPITRE IX. Paul se sépare de Barnabé — Il parcourt plusieurs villes d’Asie — Dieu l’envoie en Macédoine — À Philippes, il convertit la famille de Lydie — An 51 ap. J.-C.

            Paul et Barnabé prêchèrent pendant quelque temps l’Évangile dans la ville d’Antioche, s’efforçant même de le diffuser dans les alentours. Peu après, Paul eut l’idée de visiter les Églises auxquelles il avait prêché. Il dit à Barnabé : « Il me semble qu’il serait bon d’aller revoir les fidèles des villes et des régions où nous avons prêché, pour voir comment vont les choses de la religion parmi eux. » Comme ce projet lui tenait vraiment à cœur, Barnabé fut immédiatement d’accord avec le Saint Apôtre, mais il proposa d’emmener avec eux ce Jean-Marc qui les avait suivis lors de la mission précédente et qui les avait ensuite laissés à Pergé. Souhaitant peut-être effacer la tache qu’il avait faite à cette occasion, celui-ci voulait à nouveau être en leur compagnie. Saint Paul ne voyait pas les choses de cette manière : « Tu vois, disait-il à Barnabé, que cet homme n’est pas digne de confiance ; tu te souviens certainement qu’en arrivant à Pergé de Pamphylie, il nous a abandonnés. » Barnabé insistait en disant qu’il pouvait être accueilli, et il avançait de bonnes raisons. Ne pouvant s’accorder, les deux Apôtres décidèrent de se séparer et d’aller chacun de son côté.
            C’est ainsi que Dieu fit servir cette diversité d’opinions à sa plus grande gloire car, en se séparant, ils apportaient la lumière de l’Évangile dans de nouveaux espaces, ce qu’ils n’auraient pas fait en allant tous les deux ensemble.
            Barnabé partit avec Jean-Marc pour l’île de Chypre et visita ces Églises où il avait prêché avec Saint Paul lors de la mission précédente. Cet Apôtre travailla beaucoup pour répandre la foi en Jésus-Christ et fut finalement couronné comme martyr à Chypre, sa patrie. Jean-Marc, cette fois, fut constant, et nous le verrons ensuite fidèle compagnon de Saint Paul, qui eut à louer beaucoup son zèle et sa charité.
            Saint Paul prit avec lui Silas, celui qui lui avait été assigné comme compagnon pour porter les actes du concile de Jérusalem à Antioche, entreprit son quatrième voyage et alla visiter diverses Églises qu’il avait fondées. Il se rendit d’abord à Derbé, puis à Lystres, où quelque temps auparavant le Saint Apôtre avait été laissé pour mort. Mais Dieu voulut cette fois le récompenser de ce qu’il avait souffert auparavant.
            Il trouva là un jeune qu’il avait converti lors d’une mission précédente, nommé Timothée. Paul avait déjà connu les belles qualités de ce disciple et dans son âme avait décidé de faire de lui un collaborateur de l’Évangile, c’est-à-dire de le consacrer prêtre et de le prendre comme compagnon dans ses travaux apostoliques. Avant de lui conférer l’ordination sacrée, Paul demanda des informations aux fidèles de Lystres et trouva que tous louaient ce bon jeune homme en louant sa vertu, sa modestie, son esprit de prière. Le disaient non seulement ceux de Lystres, mais même ceux d’Iconium et des autres villes voisines, et tous pressentaient en Timothée un prêtre zélé et un saint évêque.
            En entendant ces témoignages lumineux, Paul n’eut plus aucune difficulté à le consacrer prêtre. Alors Paul prit avec lui Timothée et Silas, continua la visite des Églises, recommandant à tous d’observer et de se tenir fermes aux décisions du concile de Jérusalem. Ainsi avaient fait ceux d’Antioche, et ainsi firent en tout temps les prédicateurs de l’Évangile pour assurer les fidèles de ne pas tomber dans l’erreur : se conformer aux décrets, aux ordres des conciles et du Pontife romain, successeur de Saint Pierre.
            Paul traversa la Galatie et la Phrygie avec ses compagnons pour porter l’Évangile en Asie, mais l’Esprit Saint le lui interdit.
            Pour faciliter la compréhension des choses que nous allons raconter, il est bon de noter en passant que par le mot Asie au sens large, on entend une des trois parties du monde. On appelle Asie Majeure toute l’étendue de l’Asie, à l’exception de cette partie qui s’appelle Asie Mineure, aujourd’hui Anatolie, qui est la péninsule comprise entre la mer de Chypre, l’Égée et la mer Noire. On appelait aussi Asie proconsulaire une partie de l’Asie Mineure, plus ou moins étendue selon le nombre des provinces confiées au gouvernement du proconsul romain. Ici, par Asie, où Saint Paul projetait d’aller, on entend une portion de l’Asie Proconsulaire, située autour d’Éphèse et comprise entre le mont Taurus, la mer Noire et la Phrygie.
            Saint Paul pensa ensuite aller en Bithynie, qui est une autre province de l’Asie Mineure un peu plus vers la mer Noire, mais cela non plus ne lui fut pas permis par Dieu. Il retourna donc en arrière et se rendit à Troas, qui est une ville et province où se trouvait autrefois une célèbre ville appelée Troie. Dieu avait réservé à plus tard la prédication de l’Évangile à ces peuples ; pour l’instant, il voulait l’envoyer dans d’autres pays.
            Alors que Saint Paul était à Troas, un ange lui apparut vêtu comme un homme selon l’usage des Macédoniens, qui se tenait debout devant lui pour lui dire : « Ah ! aie pitié de nous ; passe en Macédoine et viens à notre secours. » Cette vision fit connaître à Saint Paul la volonté du Seigneur et sans délai il se prépara à traverser la mer pour se rendre en Macédoine.
            À Troas, se joignit à Saint Paul un de ses cousins nommé Luc, qui lui fut d’un grand secours dans ses travaux apostoliques. Il était médecin d’Antioche, un grand esprit, qui écrivait un grec très pur et élégant. Il fut pour Paul ce que Saint Marc était pour Saint Pierre, et comme lui, il écrivit l’Évangile que nous lisons sous le nom d’Évangile selon Saint Luc. Le livre intitulé Actes des Apôtres, d’où nous tirons presque toutes les informations concernant Saint Paul, est également l’œuvre de Saint Luc. Depuis le moment où il devint le compagnon de notre Apôtre, aucun danger, aucune fatigue, aucune souffrance n’ont pu ébranler sa constance.
            Suivant l’avis de l’ange, Paul s’embarqua alors à Troas avec Silas, Timothée et Luc, traversa la mer Égée (qui sépare l’Europe de l’Asie) et après une bonne navigation arriva à l’île de Samothrace, puis à Néapolis (non la capitale du Royaume de Naples mais une petite ville à la frontière de la Thrace et de la Macédoine). Sans s’arrêter, l’Apôtre se rendit directement à Philippes, ville principale, ainsi nommée parce qu’elle fut édifiée par un roi de ce pays appelé Philippe. Là, ils s’arrêtèrent quelque temps.
            Dans cette ville, les Juifs n’avaient pas de synagogue, parce que cela leur était interdit ou parce qu’ils étaient trop peu nombreux. Ils n’avaient qu’une proseuchè, c’est-à-dire un lieu de prière, que nous appelons oratoire. Le jour du sabbat, Paul et ses compagnons sortirent de la ville sur la rive d’une rivière où ils trouvèrent une proseuchè avec quelques femmes à l’intérieur. Ils se mirent immédiatement à prêcher le royaume de Dieu à cette petite assemblée. Une marchande nommée Lydie fut la première à être appelée par Dieu ; elle reçut le baptême ainsi que sa famille.
            En reconnaissance pour les bienfaits reçus, cette femme pieuse pria les maîtres et pères de son âme en leur disant : « Si vous me jugez fidèle à Dieu, ne me refusez pas une grâce après celle du Baptême que j’ai reçue de vous. Venez dans ma maison, demeurez-y autant que vous le souhaitez et considérez-la comme la vôtre. » Paul ne voulait pas consentir ; mais elle insista tellement qu’il dut accepter. Voici le fruit que produit la parole de Dieu, lorsqu’elle est bien écoutée. Elle engendre la foi ; mais elle doit être entendue et expliquée par les ministres sacrés, comme le disait lui-même Saint Paul : « Fides ex auditu, auditus autem per verbum Christi » (La foi vient de l’écoute, et l’écoute concerne la parole du Christ).

CHAPITRE X. Saint Paul libère une jeune fille du démon — Il est battu de verges — Il est mis en prison — Conversion du geôlier et de sa famille — An 51 ap. J.-C.

            Saint Paul et ses compagnons allaient ici et là semant la parole de Dieu dans la ville de Philippes. Un jour, en se rendant à la proseuchè, ils rencontrèrent une pythonisse, que nous appellerions magicienne ou sorcière. Elle avait en elle un démon qui parlait par sa bouche et devinait beaucoup de choses extraordinaires. Elle rapportait beaucoup à ses maîtres, car le peuple ignorant allait la consulter et pour se faire prédire l’avenir, il fallait bien payer les consultations. Elle se mit donc à suivre Saint Paul et ses compagnons en criant : « Ces hommes sont des serviteurs du Dieu Très-Haut ; ils vous montrent le chemin du salut. » Saint Paul la laissa parler sans rien dire, jusqu’à ce qu’ennuyé et indigné, il se tourna vers l’esprit malin qui parlait par sa bouche et dit d’un ton menaçant : « Au nom de Jésus-Christ, je te commande de sortir immédiatement de cette jeune fille. » Sitôt dit, sitôt fait ! Contraint par la puissante vertu du nom de Jésus-Christ, il dut sortir de ce corps, et son départ fit que la magicienne resta sans magie.
            Vous comprendrez, chers lecteurs, pour quelle raison le démon louait Saint Paul, et pourquoi ce saint Apôtre a refusé ses louanges. L’esprit malin voulait que Saint Paul le laisse en paix, et que les gens croient que la doctrine de Saint Paul était la même que les divinations de cette possédée. Le saint Apôtre voulut démontrer qu’il n’y avait aucun accord entre le Christ et le démon, et en refusant ses flatteries, il montra combien la puissance du nom de Jésus-Christ était grande sur tous les esprits de l’enfer.
            Quand les maîtres de cette jeune fille virent que toute espérance de gain était partie avec le démon, ils s’indignèrent fortement contre Saint Paul et, sans attendre aucun jugement, prirent lui et ses compagnons et les conduisirent au Palais de Justice. Arrivés devant les juges, ils dirent : « Ces hommes de race juive bouleversent notre ville pour introduire une nouvelle religion, qui est certainement un sacrilège. » En entendant que leur religion était offensée, le peuple se mit en fureur et se jeta contre eux de toutes parts.
            Les juges se montrèrent pleins d’indignation et, se déchirant les vêtements, sans faire aucun procès, sans examiner s’il y avait délit ou non, les firent battre sévèrement de verges. Quand ils furent satisfaits ou fatigués de les battre, ils ordonnèrent que Paul et Silas soient conduits en prison, en imposant au geôlier de les garder très attentivement. Celui-ci ne se contenta pas de les enfermer dans la prison, mais pour plus de sécurité, il leur mit les pieds dans les fers. Ces saints hommes, dans l’horreur de la prison, couverts de plaies, loin de se lamenter, jubilaient de joie et durant la nuit chantaient des louanges à Dieu. Les autres prisonniers en étaient émerveillés.
            Il était minuit et ils chantaient encore et bénissaient Dieu, quand tout à coup on entend un grand tremblement de terre, qui dans un horrible fracas fait trembler jusqu’aux fondations de ce bâtiment. Sous ce choc, les chaînes tombent aux prisonniers, leurs fers se brisent, les portes des prisons s’ouvrent et tous les détenus se trouvent en liberté. Le geôlier se réveilla et, courant pour savoir ce qui était arrivé, trouva les portes ouvertes. Convaincu que les prisonniers s’étaient échappés, et pensant donc qu’il devrait peut-être le payer de sa tête, dans un excès de désespoir, il court, sort une épée, la pointe contre sa poitrine et est déjà sur le point de se tuer. En voyant cet homme, à la clarté de la lune ou à la lumière d’une lampe, dans un tel état de désespoir, Paul lui cria : « Arrête, ne te fais aucun mal, nous sommes tous ici. » Rassuré par ces paroles, il se tranquillise un peu et, se faisant apporter une lumière, entra dans la prison et trouva les prisonniers chacun à sa place. Pris d’émerveillement et poussé par une lumière intérieure de la grâce de Dieu, il se jette tout tremblant aux pieds de Paul et de Silas en disant : « Seigneurs, que dois-je faire pour être sauvé ? »
            Chacun peut imaginer la joie que Paul éprouva dans son cœur à de telles paroles. Il se tourna vers lui et répondit : « Crois au Fils de Dieu Jésus-Christ, et tu seras sauvé, toi et toute ta famille. »
            Ce brave homme, sans délai, conduisit chez lui les saints prisonniers, leur lava les plaies avec l’amour et le respect qu’il aurait eus pour son père. Puis, lui et toute sa famille rassemblée furent instruits dans la vérité de la foi. Écoutant avec humilité de cœur la parole de Dieu, ils apprirent en peu de temps ce qui était nécessaire pour devenir chrétiens. Ainsi Saint Paul, les voyant pleins de foi et de la grâce de l’Esprit Saint, les baptisa tous. Ensuite, ils se mirent à remercier Dieu pour les bienfaits reçus. En voyant Paul et Silas épuisés et titubant à cause des coups reçus et du long jeûne, ces nouveaux fidèles coururent immédiatement préparer un repas pour les restaurer. Le meilleur réconfort pour les deux Apôtres fut d’avoir gagné des âmes à Jésus-Christ. C’est pourquoi, pleins de gratitude envers Dieu, ils retournèrent en prison en attendant les dispositions que la divine Providence ferait connaître à leur égard.
            Entre-temps, les magistrats se repentirent d’avoir fait battre et enfermer ceux en qui ils n’avaient pu trouver aucune faute, et envoyèrent quelques huissiers dire au geôlier de laisser en liberté les deux prisonniers. Très heureux de cette nouvelle, le geôlier courut immédiatement l’annoncer aux Apôtres. « Vous, leur dit-il, vous pouvez en toute sécurité partir en paix. » Mais Paul jugea qu’il fallait faire autrement. S’ils s’échappaient en cachette, on croira qu’ils étaient coupables d’un grave méfait, ce qui aurait été préjudiciable à l’Évangile. Il appela donc les huissiers et leur dit : « Vos magistrats, sans avoir connaissance de cette affaire, sans aucune forme de jugement, nous ont fait battre publiquement, nous qui sommes citoyens romains ; et maintenant ils veulent nous faire partir en cachette. Cela ne se fera certainement pas ainsi ; qu’ils viennent eux-mêmes et nous conduisent hors de la prison. » Les messagers apportèrent cette réponse aux magistrats. En entendant qu’ils étaient citoyens romains, ils furent pris d’une grande peur, car battre un citoyen romain était un délit capital. Pour cette raison, ils vinrent immédiatement à la prison et avec des paroles bienveillantes s’excusèrent de ce qu’ils avaient fait et, les tirant honorablement de là, ils les prièrent de bien vouloir sortir de la ville. Les Apôtres se rendirent immédiatement chez Lydie, où ils trouvèrent leurs compagnons plongés dans la consternation à cause d’eux, mais grandement consolés de les voir en liberté. Après cela, ils quittèrent la ville de Philippes. C’est ainsi que les citoyens de cette ville rejetèrent les grâces du Seigneur pour les grâces des hommes.

CHAPITRE XI. Saint Paul prêche à Thessalonique — L’affaire de Jason — Il va à Bérée où il est de nouveau contrecarré par les Juifs — An 52 ap. J.-C.

            Paul partit de Philippes avec ses compagnons, laissant là les deux familles de Lydia et du geôlier gagnées à Jésus-Christ. En passant par les villes d’Amphipolis et d’Apollonie, il arriva à Thessalonique, ville principale de la Macédoine, très célèbre pour son commerce et son port sur la mer Égée. Aujourd’hui, on l’appelle Salonique.
            Là, Dieu avait préparé pour le saint Apôtre de nombreuses souffrances et de nombreuses âmes à gagner au Christ. Il se mit à prêcher et pendant trois sabbats, il continua à prouver par les Saintes Écritures que Jésus-Christ était le Messie, le Fils de Dieu, que les événements qui lui étaient arrivés avaient été annoncés par les Prophètes, et qu’on devait par conséquent soit renoncer aux prophéties, soit croire à la venue du Messie. À cette prédication, certains crurent et embrassèrent la foi ; mais d’autres, en particulier des Juifs, se montrèrent obstinés et, pris d’une grande haine, se levèrent contre Saint Paul. Prenant la tête d’une troupe de malfaiteurs de la lie du peuple, ils se rassemblèrent et, par groupes, ameutèrent toute la ville. Et comme Silas et Paul avaient pris logement chez un certain Jason, ils coururent furieusement à sa maison pour les tirer dehors et les conduire devant le peuple. Les fidèles s’en aperçurent à temps et réussirent à les faire fuir. Ne pouvant plus les trouver, ils prirent Jason avec quelques fidèles et les traînèrent devant les magistrats de la ville, criant à haute voix : “Ces perturbateurs de l’humanité sont venus même ici de Philippes, et Jason les a accueillis chez lui ; mais ces gens-là transgressent les décrets et violent la majesté de César en affirmant qu’il y a un autre Roi, c’est-à-dire Jésus de Nazareth.” Ces paroles enflammèrent les Thessaloniciens et mirent en fureur les magistrats eux-mêmes. Mais quand Jason les assura qu’on ne voulait pas de troubles et que, s’ils demandaient ces étrangers, il les leur présenterait, ils se montrèrent satisfaits et le tumulte se calma. Voyant que tout effort était inutile dans cette ville, Silas et Paul suivirent les conseils des frères et se rendirent à Bérée, une autre ville de cette province.
            À Bérée, Paul se mit à prêcher dans la synagogue des Juifs, c’est-à-dire qu’il se mit dans le même danger dont il avait été presque miraculeusement libéré peu auparavant. Mais cette fois, son courage fut largement récompensé. Les gens de Bérée écoutèrent la parole de Dieu avec une grande avidité. Paul citait toujours les passages de la Bible qui concernaient Jésus-Christ, et les auditeurs couraient immédiatement les vérifier et confronter les textes qu’il citait. En trouvant qu’ils correspondaient avec exactitude, ils se pliaient à la vérité et croyaient à l’Évangile. Ainsi agissait le Sauveur avec les Juifs de Palestine lorsqu’il les invitait à lire attentivement les Saintes Écritures : Scrutamini Scripturas, et ipsae testimonium perhibent de me.
            Cependant, la nouvelle des conversions survenues à Bérée ne put rester cachée au point de ne pas parvenir à ceux de Thessalonique. Les Juifs obstinés de cette ville coururent en grand nombre à Bérée pour gâcher l’œuvre de Dieu et empêcher la conversion des Gentils. Saint Paul était principalement recherché comme celui qui soutenait le plus la prédication. En le voyant en danger, les frères le firent accompagner secrètement hors de la ville par des personnes de confiance et, par des voies sûres, le conduisirent à Athènes. Pendant ce temps, Silas et Timothée restèrent à Bérée. Paul congédia ceux qui l’avaient accompagné, en leur recommandant avec insistance de dire à Silas et à Timothée de le rejoindre le plus tôt possible. Dans l’obstination des Juifs de Thessalonique les saints Pères ont reconnu les Chrétiens qui, non contents de ne pas profiter eux-mêmes des bienfaits de la religion, cherchent à en éloigner les autres, ce qu’ils font soit en calomniant les ministres sacrés, soit en méprisant les choses de la religion. À eux le Sauveur dit : “Ma vigne (c’est-à-dire ma religion) vous sera ôtée, et sera donnée à d’autres peuples qui la cultiveront mieux que vous et porteront des fruits en son temps.” Menace terrible, mais qui malheureusement s’est déjà réalisée et se réalise dans de nombreux pays, où autrefois fleurissait la religion chrétienne, et que nous voyons actuellement plongés dans les épaisses ténèbres de l’erreur, du vice et du désordre. — Que Dieu nous préserve de ce fléau !

CHAPITRE XII. État religieux des Athéniens — Saint Paul à l’Aréopage — Conversion de Saint Denys — Année 52 ap. J.-C.

            Athènes était l’une des villes les plus anciennes, les plus riches, les plus commerçantes du monde. Là, la science, la valeur militaire, les philosophes, les orateurs, les poètes furent toujours les maîtres de l’humanité. Les Romains eux-mêmes avaient recueilli à Athènes des lois qu’ils apportèrent à Rome comme des oracles de sagesse. Il y avait en outre un sénat d’hommes considérés comme un miroir de vertu, de justice et de prudence ; on les appelait Aréopagites, du nom de l’Aréopage, lieu où ils avaient leur tribunal. Mais avec toute leur science, ils étaient plongés dans une honteuse ignorance des choses de la religion. Les sectes dominantes étaient celles des Épicuriens et des Stoïciens. Les Épicuriens niaient à Dieu la création du monde et la providence, et n’admettaient pas de récompense ou de punition dans l’autre vie, mettant le bonheur dans les plaisirs de la terre. Les Stoïciens mettaient le bien suprême dans la vertu et faisaient de l’homme en certaines choses un être supérieur à Dieu lui-même, car ils croyaient avoir la vertu et la sagesse par eux-mêmes. Tous adoraient plusieurs dieux, et il n’y avait pas de délit qui ne fût favorisé par quelque divinité insensée.
            C’est à eux que Saint Paul, homme obscur, tenu en mépris parce que Juif, devait prêcher Jésus-Christ, également Juif, mort sur la croix, et les amener à l’adorer comme vrai Dieu. C’est pourquoi seul Dieu pouvait faire que les paroles de Saint Paul puissent changer des cœurs si enracinés dans le vice et étrangers à la vraie vertu, et les amener à embrasser et à professer la sainte religion chrétienne.
            Pendant que Paul attendait Silas et Timothée, il éprouvait dans son cœur de la compassion pour ces pauvres victimes de l’erreur et, comme à son habitude, il se mettait à discuter avec les Juifs et avec tous ceux qu’ils rencontraient dans les synagogues ou sur les places. Les Épicuriens et les Stoïciens vinrent aussi à lui pour discuter et, ne pouvant résister aux raisons, ils disaient : “Que veut dire ce charlatan ?” D’autres disaient : “Il semble que celui-ci veuille nous montrer quelque nouveau Dieu.” Ils disaient cela parce qu’ils entendaient mentionner Jésus-Christ et la résurrection. D’autres, voulant agir avec plus de prudence, invitèrent Paul à se rendre à l’Aréopage. Lorsqu’il arriva dans ce magnifique sénat, ils lui dirent : “Pourrait-on savoir quelque chose de cette nouvelle doctrine ? Car tu mets dans nos oreilles des choses que nous n’avons jamais entendues. Nous désirons savoir la réalité de ce que tu enseignes.”
            À la nouvelle qu’un étranger devait parler à l’Aréopage, une grande foule de gens accourut.
            Il convient de noter ici qu’il était strictement interdit chez les Athéniens de dire la moindre parole contre leurs innombrables et stupides divinités, et on considérait comme un crime capital de recevoir ou d’ajouter parmi eux quelque dieu étranger, qui n’eût pas été soigneusement examiné et proposé par le sénat. Deux philosophes, l’un nommé Anaxagore, l’autre Socrate, perdirent la vie seulement pour avoir laissé entendre qu’ils ne pouvaient admettre tant de divinités ridicules. Ainsi, on comprend facilement le danger dans lequel se trouvait Saint Paul en prêchant le vrai Dieu à cette terrible assemblée et en cherchant à abattre tous leurs dieux.
            Quand donc il se vit dans cet auguste sénat pour parler aux plus sages des hommes, le saint Apôtre jugea bon d’adopter un style et un mode de raisonnement bien plus élégants que ceux dont il avait l’habitude. Et comme ces sénateurs n’admettaient pas l’argument des Écritures, il pensa se frayer un chemin en parlant avec la force de la raison. S’étant levé, tous firent silence autour de lui, et il commença :
            « Athéniens, je vois en vous des hommes religieux jusqu’au scrupule. Car, en passant par cette ville et en regardant vos simulacres, j’ai trouvé aussi un autel avec cette inscription : Au Dieu Inconnu. Je viens donc vous annoncer ce Dieu que vous adorez sans le connaître. Il est ce Dieu qui a fait le monde et toutes les choses qui existent en lui. Il est le maître du ciel et de la terre, c’est pourquoi il n’habite pas dans des temples faits par les hommes. Il n’est pas servi par les mains des mortels comme s’il avait besoin d’eux ; car c’est lui qui donne à tous la vie, le souffle et toutes les choses. Il fit en sorte que d’un seul homme descendent tous les autres, et sa descendance s’étendit pour habiter toute la terre ; Il fixa les temps et les limites de leur habitation, afin qu’ils cherchent Dieu, si jamais ils pouvaient le trouver, bien qu’il ne soit pas loin de nous.
            « Car en lui nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes, comme l’a dit aussi l’un de vos poètes (Aratos, poète célèbre de Cilicie) : “Car nous sommes nous aussi de sa descendance”. Étant donc descendance de Dieu, nous ne devons pas penser qu’il soit semblable à l’or ou à l’argent ou à la pierre sculptée par l’art ou par l’invention des hommes. Cependant, dans sa miséricorde Dieu ferma les yeux dans le passé sur cette ignorance ; mais maintenant il ordonne que nous fassions pénitence. Car il a fixé un jour où il jugera avec justice le monde entier par un homme établi par Lui, comme il l’a prouvé à tous en le ressuscitant des morts. »
            Jusqu’à ce moment, ces auditeurs légers, dont les vices et les erreurs avaient été attaqués avec beaucoup de finesse, avaient gardé une bonne contenance. Mais à la première annonce du dogme extraordinaire de la résurrection, les Épicuriens se levèrent et en grande partie sortirent en se moquant de cette doctrine qui leur inspirait certainement la terreur. D’autres plus discrets lui dirent que pour ce jour, cela suffisait, et qu’ils l’écouteraient une autre fois sur le même sujet. C’est ainsi que fut accueilli le plus éloquent des Apôtres par cette assemblée superbe. Ils ne profitèrent pas du moment pour accueillir la grâce de Dieu ; et cette grâce, nous ne lisons pas qu’elle leur ait été accordée par Dieu une autre fois.
            Cependant, Dieu ne laissa pas de consoler son serviteur par la conversion de quelques âmes privilégiées. Il y eut parmi d’autres Denys, l’un des juges de l’Aréopage, et une femme nommée Damaris, que l’on croit être sa femme. On raconte qu’à la mort du Sauveur, ce Denys s’écria en contemplant l’éclipse qui répandaient les ténèbres sur toute la terre : “Ou le monde se brise, ou l’auteur de la nature subit une violence.” Dès qu’il put connaître la cause de cet événement, il se rendit immédiatement aux arguments de Saint Paul. On raconte aussi que, étant allé visiter la Mère de Dieu, il fut tellement pris par sa beauté et sa majesté, qu’il se prosterna à terre pour la vénérer, affirmant qu’il l’aurait adorée comme une divinité si la foi ne l’avait pas assuré qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Il fut par la suite consacré évêque d’Athènes par Saint Paul et mourut avec la couronne du martyre.

CHAPITRE XIII. Saint Paul à Corinthe — Son séjour chez Aquilas — Baptême de Crispus et de Sosthène — Il écrit aux Thessaloniciens — Retour à Antioche — Années 53-54 ap. J.-C.

            Si Athènes était la ville la plus célèbre pour la science, Corinthe était considérée comme la première pour le commerce. Là convergeaient des marchands de toutes parts. Elle avait deux ports sur l’isthme du Péloponnèse : l’un appelé Cenchrées, qui faisait face à l’Égée, l’autre nommé Léchée, qui donnait sur l’Adriatique. Le désordre et l’immoralité y triomphaient. Malgré ces obstacles, Saint Paul, à peine arrivé dans cette ville, se mit à prêcher en public et en privé.
            Il prit logement chez un Juif nommé Aquilas. Celui-ci était un fervent chrétien qui, pour éviter la persécution décrétée par l’empereur Claude contre les chrétiens, avait fui d’Italie avec sa femme Priscille et était venu à Corinthe. Ils exerçaient le même métier que Paul avait appris jeune, c’est-à-dire qu’ils fabriquaient des tentes pour l’usage des soldats. Pour ne pas être à nouveau un poids pour ses hôtes, le saint Apôtre s’adonnait également au travail et passait dans l’atelier tout le temps qu’il pouvait dégager de son ministère sacré. Chaque samedi, cependant, il se rendait à la synagogue et s’efforçait de faire connaître aux Juifs que les prophéties concernant le Messie s’étaient accomplies en la personne de Jésus-Christ.
            Entre-temps, Silas et Timothée arrivèrent de Bérée. Ils étaient partis pour Athènes, où ils avaient appris que Paul était déjà parti, et ils le rejoignirent à Corinthe. À leur arrivée, Paul se mit avec plus de courage à prêcher aux Juifs ; mais comme leur obstination croissait chaque jour, et que Paul ne pouvait plus supporter tant de blasphèmes et un tel abus de grâces, il leur annonça de la part de Dieu des fléaux imminents en leur disant : « Que votre sang retombe sur vous ; je suis innocent. Voici que je m’adresse aux Gentils, et à l’avenir je serai tout pour eux ».
            Parmi les Juifs qui blasphémaient Jésus-Christ, il y en avait peut-être quelques-uns qui travaillaient dans l’atelier d’Aquilas ; c’est pourquoi l’Apôtre, afin d’éviter la compagnie des méchants, quitta sa maison et se rendit chez un certain Titius Justus, récemment converti du paganisme à la foi. Près de Titius demeurait un certain Crispus, chef de la synagogue. Celui-ci, instruit par l’Apôtre, embrassa la foi avec toute sa famille.
            Les grandes occupations de Paul à Corinthe ne lui firent pas oublier ses chers fidèles de Thessalonique. Lorsque Timothée arriva de là, il lui raconta de grandes choses sur le zèle de ces chrétiens, leur grande charité, le bon souvenir qu’ils avaient gardé de lui et le désir ardent de le revoir. Ne pouvant se rendre sur place, comme il le souhaitait, il leur écrivit une lettre, que l’on croit être la première lettre écrite par Saint Paul.
            Dans cette lettre, il félicite les Thessaloniciens pour leur foi et leur charité, puis les exhorte à se garder des désordres sensuels et de toute fraude. Et comme l’oisiveté est la source de tous les vices, il les encourage à se consacrer sérieusement au travail, considérant comme indigne de manger celui qui ne veut pas travailler : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus ». Il conclut en leur rappelant la grande récompense que Dieu a préparée au ciel pour le moindre effort supporté dans la vie présente pour son amour.
            Peu après cette lettre, il eut d’autres nouvelles des fidèles de Thessalonique. Ils étaient très inquiets à cause de certains imposteurs qui prêchaient l’imminence du jugement universel. L’Apôtre leur écrivit une seconde lettre, les avertissant de ne pas se laisser tromper par leurs discours fallacieux. Il note que le jour du jugement universel est certain, mais qu’auparavant doivent apparaître de nombreux signes, parmi lesquels la prédication de l’Évangile sur toute la terre. Il les exhorte à rester fermement attachés aux traditions qu’il leur avait communiquées par lettre et de vive voix. Enfin, il se recommande à leurs prières et insiste beaucoup sur le fait de fuir les curieux et les oisifs, qui sont considérés comme la peste de la religion et de la société.
            Pendant que Saint Paul réconfortait les fidèles de Thessalonique, des persécutions si violentes éclatèrent contre lui qu’il aurait été amené à fuir cette ville s’il n’avait été réconforté par Dieu au cours d’une vision. Jésus-Christ lui apparut et lui dit : « N’aie pas peur, je suis avec toi, personne ne pourra te faire de mal ; dans cette ville, le nombre de ceux qui se convertiront à la foi par ton intermédiaire est grand ». Encouragé par de telles paroles, l’Apôtre demeura à Corinthe dix-huit mois.
            La conversion de Sosthène fut parmi celles qui apportèrent une grande consolation à l’âme de Paul. Il avait succédé à Crispus dans la charge de chef de la synagogue. La conversion de ces deux principaux représentants de leur secte irrita fortement les Juifs, et dans leur fureur, ils prirent l’Apôtre et le conduisirent devant le proconsul, l’accusant d’enseigner une religion contraire à celle des Juifs. Mais Gallion – c’était le nom de ce gouverneur – ne voulut pas s’en mêler en tant que juge parce qu’il s’agissait de choses concernant la religion. Il se contenta de répondre ceci : « S’il s’agissait d’une injustice ou d’un délit public, je vous écouterais volontiers ; mais s’agissant de questions appartenant à la religion, pensez-y vous autres, je n’entends pas juger en ces matières ». Ce proconsul considérait que les questions et les différends concernant la religion devaient être discutés par les prêtres et non par les autorités civiles, et c’est pourquoi sa réponse fut sage.
            Indignés par un tel rejet, les Juifs se retournèrent contre Sosthène, excitèrent même les ministres du tribunal à s’unir à eux pour le frapper sous les yeux de ce Gallion, sans qu’il les en empêchât. Sosthène supporta avec une patience invincible cet affront et, à peine libéré, se joignit à Paul et devint son fidèle compagnon dans ses voyages.
            Quand il se vit comme par miracle libéré d’une si grave tempête, Paul fit à Dieu un vœu en signe de gratitude. Ce vœu était semblable à celui des Naziréens. Il consistait notamment à s’abstenir pendant un certain temps de vin et de toute autre boisson enivrante, et à laisser pousser les cheveux, ce qui chez les anciens était un signe de deuil et de pénitence. Lorsque le temps du vœu était sur le point de se terminer, il fallait faire un sacrifice au temple avec diverses cérémonies prescrites par la loi de Moïse.
            Ayant accompli une partie de son vœu, Saint Paul s’embarqua en compagnie d’Aquilas et de Priscille en direction d’Éphèse, ville d’Asie Mineure. Selon son habitude, Paul alla visiter la synagogue et discuta plusieurs fois avec les Juifs. Ces discussions furent pacifiques, et les Juifs l’invitèrent même à rester plus longtemps, mais Paul voulait poursuivre son voyage pour se trouver à Jérusalem et accomplir son vœu. Il promit cependant à ces fidèles de revenir, et presque comme garantie de son retour, il laissa chez eux Aquilas et Priscille. D’Éphèse, Saint Paul s’embarqua pour la Palestine et arriva à Césarée, où il débarqua et se mit en route à pied vers Jérusalem. Il alla visiter les fidèles de cette Église et, ayant accompli ce pourquoi il avait entrepris le voyage, il vint à Antioche, où il demeura quelque temps.
            Tout est digne d’admiration en ce grand Apôtre. Notons ici seulement une chose qu’il recommande chaleureusement aux fidèles de Corinthe. Pour leur donner un avis important sur la manière de se maintenir fermes dans la foi, il écrit : « Frères, pour ne pas tomber dans l’erreur, tenez-vous-en aux traditions apprises de mon discours et de ma lettre ». Par ces mots, Saint Paul commandait d’avoir la même révérence pour la parole de Dieu écrite et pour la parole de Dieu transmise par tradition, comme l’enseigne l’Église Catholique.

CHAPITRE XIV. Apollos à Éphèse — Le sacrement de la Confirmation — Saint Paul opère de nombreux miracles — Le fait de deux exorcistes juifs — An 55 ap. J.-C.

            Saint Paul demeura quelque temps à Antioche, mais voyant que ces fidèles étaient assez pourvus de pasteurs sacrés, il décida de partir pour visiter à nouveau les pays où il avait déjà prêché. C’est le cinquième voyage de notre saint Apôtre. Il alla en Galatie, en Pont, en Phrygie et en Bithynie ; puis, selon la promesse faite, il retourna à Éphèse où Aquilas et Priscille l’attendaient. Partout il fut accueilli, comme il l’écrit lui-même, comme un ange de paix.
            Entre le départ et le retour de Paul à Éphèse, un Juif nommé Apollos se rendit dans cette ville. C’était un homme éloquent et profondément instruit dans les Saintes Écritures. Il adorait le Sauveur et le prêchait aussi avec zèle, mais il ne connaissait pas d’autre baptême que celui prêché par Saint Jean-Baptiste. Aquilas et Priscille s’aperçurent qu’il avait une idée très confuse des Mystères de la Foi et, l’appelant à eux, l’instruisirent mieux sur la doctrine, la vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ.
            Désireux d’apporter la parole du salut à d’autres peuples, il décida de passer en Achaïe, c’est-à-dire en Grèce. Les Éphésiens, qui depuis quelque temps admiraient ses vertus et commençaient à l’aimer comme un père, voulurent l’accompagner avec une lettre dans laquelle ils louaient beaucoup son zèle et le recommandaient aux Corinthiens. En effet, il fit beaucoup de bien à ces chrétiens. Lorsque l’Apôtre arriva à Éphèse, il trouva un bon nombre de fidèles instruits par Apollos et, voulant connaître l’état de ces âmes, demanda s’ils avaient reçu l’Esprit Saint ; c’est-à-dire s’ils avaient reçu le sacrement de la Confirmation, qui se faisait à cette époque après le baptême, et dans lequel on conférait la plénitude des dons de l’Esprit Saint. Mais ces bonnes gens répondirent : « Nous ne savons même pas qu’il y ait un Esprit Saint ». Étonné de cette réponse, l’Apôtre comprit qu’ils n’avaient reçu que le baptême de Saint Jean-Baptiste et ordonna qu’ils soient à nouveau baptisés par le baptême de Jésus-Christ, c’est-à-dire au nom du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Après cela, Paul, leur imposant les mains, leur administra le sacrement de la Confirmation, et ces nouveaux fidèles reçurent non seulement les effets invisibles de la grâce, mais aussi des signes particuliers et manifestes de l’omnipotence divine, ce qui les rendait capables de parler couramment des langues qu’ils ne comprenaient pas auparavant, de prédire des choses futures et d’interpréter les Saintes Écritures.
            Saint Paul prêcha pendant trois mois dans la synagogue, exhortant les Juifs à croire en Jésus-Christ. Beaucoup crurent, mais plusieurs, se montrant obstinés, blasphémaient même le saint nom de Jésus-Christ. Paul, pour l’honneur de l’Évangile ridiculisé par ces impies et pour fuir la compagnie des méchants, cessa de prêcher dans la synagogue, rompit toute communication avec eux et se retira chez un chrétien hospitalier nommé Tyrannus, qui était maître d’école. Saint Paul fit de cette école une Église de Jésus-Christ, où, prêchant et expliquant les vérités de la foi, il attirait des Gentils et des Juifs de toutes les parties de l’Asie.
            Dieu aidait son œuvre en confirmant par des prodiges inouïs la doctrine prêchée par son serviteur. Les linges, les mouchoirs et les bandes qui avaient touché le corps de Paul étaient portés ici et là et posés sur les malades et les possédés, et cela suffisait pour que les maladies et les esprits impurs s’enfuient immédiatement. Jamais on n’avait entendu une telle merveille, et Dieu voulut certainement que ce fait soit enregistré dans la Bible pour confondre ceux qui ont tant déclamé et déclament encore contre la vénération que les Catholiques portent aux saintes reliques. Peut-être veulent-ils accuser ces premiers chrétiens, qui appliquaient sur les malades les mouchoirs qui avaient touché le corps de Paul ? Jamais Saint Paul n’avait interdit de tels gestes et Dieu montrait qu’il les approuvait par des miracles. À propos de l’invocation du nom de Jésus-Christ pour faire des miracles, il se produisit un fait très curieux. Parmi les Éphésiens, il y en avait beaucoup qui prétendaient chasser les démons des corps avec certaines paroles magiques ou en utilisant des racines d’herbes ou des parfums. Mais leurs résultats étaient toujours peu favorables. Même certains exorcistes juifs, voyant que même les vêtements de Paul chassaient les démons, furent pris d’envie et essayèrent, comme le faisait Saint Paul, d’utiliser le nom de Jésus-Christ pour chasser le démon d’un homme. « Je te conjure, disaient-ils, et je te commande de sortir de ce corps par ce Jésus qui est prêché par Paul ». Le démon, qui savait les choses mieux qu’eux, répondit par la bouche du possédé : « Je connais Jésus et je sais aussi qui est Paul ; mais vous êtes des imposteurs. Quel droit avez-vous sur moi ? » Cela dit, il se jeta sur eux, les malmena et les frappa de telle manière que deux d’entre eux purent à peine fuir, blessés et avec les vêtements déchirés. Ce fait retentissant, s’étant répandu dans toute la ville, causa une grande peur, et plus personne n’osait nommer le saint nom de Jésus-Christ autrement qu’avec respect et vénération.

CHAPITRE XV. Sacrement de la Confession — Livres pervers brûlés — Lettre aux Corinthiens — Soulèvement pour la déesse Diane — Lettre aux Galates — Années 56-57 ap. J.-C.

            Dieu, toujours miséricordieux, sait tirer le bien même des péchés. Le fait des deux exorcistes si malmenés par ce possédé causa une grande peur parmi tous les Éphésiens, et tant les Juifs que les Gentils s’empressèrent de renoncer au démon et d’embrasser la foi. C’est alors que beaucoup de ceux qui avaient cru venaient en grand nombre pour confesser et déclarer le mal commis dans leur vie afin d’obtenir le pardon : « Ils venaient confessant et déclarant leurs actes ». C’est un témoignage clair du sacrement de la confession commandé par le Sauveur et pratiqué depuis les temps apostoliques.
            Le premier fruit de la confession et du repentir de ces fidèles fut d’éloigner de soi les occasions de péché. C’est pourquoi tous ceux qui possédaient des livres pervers, c’est-à-dire contraires aux bonnes mœurs ou à la religion, les remettaient pour qu’ils soient brûlés. Tant d’entre eux en apportèrent qu’ils en firent un tas sur la place et en firent un bûcher devant tout le peuple, considérant qu’il valait mieux brûler ces livres dans cette vie pour éviter le feu éternel de l’enfer. La valeur de ces livres formait une somme qui correspondait presque à cent mille francs. Personne cependant ne chercha à les vendre, car cela aurait été donner à d’autres l’occasion de mal faire, ce qui n’est jamais permis. Pendant que ces choses se passaient, Apollos arriva de Corinthe à Éphèse avec d’autres, annonçant qu’il y avait des discordes parmi ces fidèles. Le saint Apôtre s’efforça d’y remédier par une lettre, dans laquelle il leur recommande l’unité de foi, l’obéissance à leurs pasteurs, la charité réciproque et spécialement envers les pauvres ; il inculque aux riches de ne pas dresser de somptueux banquets et d’abandonner les pauvres dans la misère. Il insiste ensuite pour que chacun purifie sa conscience avant de s’approcher du Corps et du Sang de Jésus-Christ, disant : « Celui qui mange ce Corps et boit ce Sang indignement, mange son propre jugement et sa propre condamnation ». Il était également arrivé qu’un jeune homme avait commis un grave péché avec sa belle-mère. Le saint, pour faire comprendre l’horreur qui s’imposait, ordonna qu’il soit séparé des autres fidèles pendant quelque temps afin qu’il revienne à lui-même. C’est un véritable exemple d’excommunication, comme la pratique encore l’Église catholique, lorsque pour de graves délits elle excommunie, c’est-à-dire déclare séparés des autres les chrétiens qui en sont coupables. Paul envoya son disciple Tite porter cette lettre à Corinthe. Le fruit semble en avoir été très abondant.
            Il était à Éphèse lorsque se déchaîna contre lui une terrible persécution à l’instigation d’un orfèvre nommé Démétrius. Celui-ci fabriquait de petits temples en argent dans lesquels était placée une statuette de la déesse Diane, divinité vénérée à Éphèse et dans toute l’Asie. Cela lui rapportait du commerce et de grands bénéfices, car la plupart des étrangers qui venaient aux fêtes de Diane emportaient avec eux ces signes de dévotion. Démétrius en était le principal artisan et cela fournissait du travail et un soutien aux familles de nombreux ouvriers.
            Au fur et à mesure que le nombre de chrétiens augmentait, celui des acheteurs de statuettes de Diane diminuait. Un jour, Démétrius rassembla un grand nombre de citoyens et leur montra que lorsqu’ils n’auront plus d’autres moyens de vivre, Paul les ferait tous mourir de faim. « Si au moins, ajoutait-il, il ne s’agissait que de notre intérêt privé, mais c’est le temple de notre grande déesse, si célèbre dans le monde entier, qui est sur le point d’être abandonné ». À ces mots, il fut interrompu par mille voix différentes qui criaient dans la plus furieuse confusion : « La grande Diane des Éphésiens ! La grande Diane des Éphésiens ! » Toute la ville se mit sens dessus dessous ; ils coururent en criant à la recherche de Paul et, ne pouvant le trouver immédiatement, ils entraînèrent avec eux deux de ses compagnons nommés Gaïus et Aristarque. Un Juif nommé Alexandre voulut parler. Mais à peine put-il ouvrir la bouche, que de toutes parts on se mit à crier d’une voix encore plus forte : « La grande Diane des Éphésiens ! Comme elle est grande, la Diane des Éphésiens ! » Ce cri fut répété pendant deux heures entières.
            Paul voulait s’avancer au milieu du tumulte pour parler, mais certains frères, sachant qu’il s’exposerait à une mort certaine, l’en empêchèrent. Dieu cependant, qui a entre ses mains le cœur des hommes, rétablit un grand calme parmi ce peuple d’une manière inattendue. Un homme sage, un simple secrétaire et, à ce qu’il semble, ami de Paul, réussit à calmer cette fureur. Dès qu’il put parler, il dit : « Et qui ne sait pas que la ville d’Éphèse a une dévotion et un culte particulier envers la grande Diane, fille de Jupiter ? Comme c’est un fait cru par tous, vous ne devez pas vous troubler ni vous accrocher à un remède si téméraire, comme si cette dévotion établie depuis tous les siècles pouvait tomber en doute. Quant à Gaïus et à Aristarque, je vous dirai qu’ils ne sont convaincus d’aucun blasphème contre Diane. Si Démétrius et ses compagnons ont quelque chose contre eux, qu’ils portent la cause devant le tribunal. Si nous continuons ces démonstrations publiques, nous serons accusés de sédition ». À ces mots, le tumulte se calma et chacun retourna à ses occupations.
            Après cette émeute, Paul voulait immédiatement partir pour la Macédoine, mais il dut encore suspendre son départ à cause de certains désordres survenus parmi les fidèles de Galatie. Certains faux prédicateurs se mirent à discréditer Saint Paul et ses prédications, affirmant que sa doctrine était différente de celle des autres Apôtres et que la circoncision et les cérémonies de la loi de Moïse étaient absolument nécessaires.
            Le saint Apôtre écrivit une lettre dans laquelle il démontre la conformité de doctrine entre lui et les Apôtres ; il prouve que beaucoup de choses de la loi de Moïse n’étaient plus nécessaires pour se sauver ; il recommande de se garder des faux prédicateurs et de se glorifier seulement en Jésus, et en son nom il souhaite paix et bénédictions.
            Ayant expédié la lettre aux fidèles de Galatie, il partit pour la Macédoine après avoir passé trois ans à Éphèse, c’est-à-dire de l’an 54 à l’an 57 après Jésus-Christ. Pendant le séjour de Saint Paul à Éphèse, Dieu lui fit connaître en esprit qu’il l’appelait en Macédoine, en Grèce, à Jérusalem et à Rome.

CHAPITRE XVI. Saint Paul retourne à Philippes — Deuxième Lettre aux fidèles de Corinthe — Il va dans cette ville — Lettre aux Romains — Son sermon prolongé à Troas — Il ressuscite un mort — An 58 ap. J.-C.

            Avant de partir d’Éphèse, Paul convoqua les disciples et, leur faisant une exhortation paternelle, les embrassa tendrement ; puis il se mit en route vers la Macédoine. Il désirait s’arrêter quelque temps à Troas, où il espérait rencontrer son disciple Tite ; mais, ne l’ayant pas trouvé et désirant savoir rapidement l’état de l’Église de Corinthe, il partit de Troas, traversa l’Hellespont, qui s’appelle aujourd’hui le détroit des Dardanelles, et passa en Macédoine, où il dut beaucoup souffrir pour la foi.
            Mais Dieu lui prépara une grande consolation avec l’arrivée de Tite, qui le rejoignit dans la ville de Philippes. Ce disciple exposa au saint Apôtre comment sa lettre avait produit des effets salutaires parmi les chrétiens de Corinthe, que le nom de Paul était très cher à tous et que chacun brûlait du désir de le revoir bientôt.
            Pour donner libre cours aux sentiments paternels de son cœur, l’Apôtre écrivit de Philippes une deuxième lettre dans laquelle il se montre tout en tendresse envers ceux qui demeuraient fidèles et reprend certains qui cherchaient à pervertir la doctrine de Jésus-Christ. Ayant ensuite entendu que ce jeune homme, excommunié dans sa première lettre, s’était sincèrement converti, en entendant même de Tite que la douleur l’avait presque poussé au désespoir, le saint Apôtre recommanda de faire attention à lui, l’absout de l’excommunication et le restitue à la communion des fidèles. Avec la lettre, il recommanda beaucoup de choses à dire de vive voix par l’intermédiaire de Tite, qui en était le porteur. D’autres disciples accompagnèrent Tite dans ce voyage, parmi lesquels Saint Luc, depuis quelques années évêque de Philippes. Saint Paul consacra Saint Épaphrodite évêque pour cette ville et ainsi Saint Luc devint à nouveau compagnon du saint maître dans les labeurs de l’apostolat.
            De la Macédoine, Paul se rendit à Corinthe, où il ordonna tout ce qui concernait la célébration des saints mystères, comme il l’avait promis dans sa première lettre, ce qui doit être entendu des rites qui sont communément observés dans toutes les Églises, comme le jeûne avant la Sainte Communion et d’autres choses similaires qui concernent l’administration des Sacrements.
            L’Apôtre passa l’hiver dans cette ville, s’efforçant de consoler ses enfants en Jésus-Christ, qui ne se lassaient pas de l’écouter et d’admirer en lui un pasteur zélé et un père tendre.
            De Corinthe, il étendit également ses sollicitudes à d’autres peuples et spécialement aux Romains, déjà convertis à la foi par Saint Pierre après des années de labeurs et de souffrances. Aquilas, avec d’autres de ses amis, ayant entendu que la persécution avait cessé, était de nouveau allé à Rome. Paul apprit d’eux que dans cette métropole de l’empire, des dissensions étaient survenues entre Gentils et Juifs. Les Gentils reprochaient aux Juifs de ne pas avoir répondu aux bienfaits reçus de Dieu, ayant ingratement crucifié le Sauveur ; les Juifs, de leur côté, faisaient des reproches aux Gentils parce qu’ils avaient suivi l’idolâtrie et vénéré les divinités les plus infâmes. Le saint Apôtre écrivit sa célèbre Lettre aux Romains, pleine de sujets sublimes, qu’il traite avec cette acuité d’esprit propre à un homme savant et saint, qui écrit inspiré par Dieu. Il n’est pas possible de l’abréger sans risque de varier son sens. C’est la plus longue, la plus élégante de toutes les autres et la plus pleine d’érudition. Je t’exhorte, ô lecteur, à la lire attentivement, mais avec les interprétations appropriées conformes à la Vulgate. C’est la sixième lettre de Saint Paul et elle fut écrite dans la ville de Corinthe en l’année 58 après Jésus-Christ. Mais, par le grand respect qu’on a toujours eu pour la dignité de l’Église de Rome, elle est considérée comme la première parmi les quatorze lettres de ce saint Apôtre. Dans cette lettre, Saint Paul ne parle pas de Saint Pierre, car il était occupé à fonder d’autres Églises. Elle fut portée par une diaconesse, ou plutôt moniale, nommée Phébée, que l’Apôtre recommande beaucoup auprès des frères de Rome.
            Comme Saint Paul souhaitait partir de Corinthe pour se rendre à Jérusalem, il apprit que les Juifs cherchaient à lui tendre des embûches en chemin ; c’est pourquoi, au lieu de s’embarquer au port de Cenchrées pour Jérusalem, Paul fit demi-tour et continua son voyage par la Macédoine. L’accompagnèrent Sosipatros, fils de Pyrrhus de Bérée, Aristarque et Secundus de Thessalonique, Gaïus de Derbé et Timothée de Lystres, Tychique et Trophime d’Asie. Ceux-ci l’accompagnèrent jusqu’à Philippes ; puis, à l’exception de Luc, ils passèrent à Troas avec ordre de l’y attendre, tant qu’il resterait dans cette ville jusqu’après les fêtes pascales. Passée cette solennité, Paul et Luc en cinq jours de navigation arrivèrent à Troas et y restèrent sept jours.
            Il arriva qu’à la veille du départ de Paul, c’était le premier jour de la semaine, c’est-à-dire le jour du dimanche, où les fidèles avaient l’habitude de se rassembler pour écouter la parole de Dieu et assister aux sacrifices divins. Parmi d’autres choses, ils faisaient la fraction du pain, c’est-à-dire célébraient la Sainte Messe, à laquelle participaient les fidèles, recevant le Corps du Seigneur sous l’espèce du pain. Déjà à cette époque, la Messe était considérée comme l’acte le plus sacré et le plus solennel pour la sanctification du jour de fête.
            Paul, qui était sur le point de partir le lendemain, prolongea son discours jusqu’à tard dans la nuit et, pour éclairer le cénacle, de nombreuses lampes avaient été allumées. Le jour du dimanche, l’heure nocturne, le cénacle au troisième étage de la maison, les nombreuses lampes allumées attirèrent une grande foule. Pendant que tous étaient attentifs au discours de Paul, un jeune garçon nommé Eutyque, soit par désir de voir l’Apôtre, soit pour mieux l’écouter, était monté sur une fenêtre et s’était assis sur le rebord. Or, à cause de la chaleur qu’il faisait, ou à cause de l’heure tardive ou peut-être à cause de la fatigue, il arriva que ce garçon s’endormit ; et dans son sommeil, se laissant aller au poids de son propre corps, il tomba sur le pavé de la rue. On entend un gémissement résonner dans l’assemblée ; on court et on trouve le jeune sans vie.
            Paul descend immédiatement en bas, et, se plaçant avec son corps sur le cadavre, le bénit, l’embrasse et, par son souffle ou plutôt par sa vive foi en Dieu, le restitue à la nouvelle vie. Après ce miracle, sans prêter attention aux applaudissements qui venaient de toutes parts, il remonta de nouveau dans le cénacle et continua à prêcher jusqu’au matin.
            La grande sollicitude des fidèles de Troas pour assister aux fonctions sacrées doit servir de stimulant à tous les chrétiens pour sanctifier les jours de fête par des œuvres de piété, spécialement en participant dévotement à la Sainte Messe et en écoutant la parole de Dieu même avec quelque inconvénient.

CHAPITRE XVII. Prédication de Saint Paul à Milet — Son voyage jusqu’à Césarée — Prophétie d’Agabus — Année 58 ap. J.-C.

            À la fin de ce rassemblement, qui avait duré environ vingt-quatre heures, l’infatigable Apôtre partit avec ses compagnons pour Mytilène, noble ville de l’île de Lesbos. De là, poursuivant son voyage, il arriva en quelques jours à Milet, ville de Carie, province d’Asie Mineure. L’Apôtre ne voulait pas s’arrêter à Éphèse pour ne pas être contraint par ces chrétiens qui l’aimaient tendrement à retarder trop son voyage. Il avait hâte d’arriver à Jérusalem pour la fête de la Pentecôte. De Milet, Paul envoya quelqu’un à Éphèse pour annoncer son arrivée aux évêques et aux prêtres de cette ville et des provinces voisines, les invitant à venir le voir et aussi à discuter avec lui des choses de la foi, si jamais cela était nécessaire. Ils vinrent en grand nombre.
            Lorsque Saint Paul se vit entouré de ces vénérables prédicateurs de l’Évangile, il commença à leur exposer les tribulations endurées jour et nuit à cause des pièges des Juifs. « Maintenant je vais à Jérusalem, disait-il, guidé par l’Esprit Saint, qui, dans tous les lieux où je passe, me fait connaître les chaînes et les tribulations qui m’attendent dans cette ville. Mais rien de cela ne m’effraie, et je ne considère pas ma vie comme plus précieuse que mon devoir. Il m’importe peu de vivre ou de mourir, pourvu que je termine ma course en rendant un témoignage glorieux à l’Évangile que Jésus-Christ m’a confié. Vous ne verrez plus mon visage, mais prenez garde à vous-mêmes et à tout le troupeau, sur lequel l’Esprit Saint vous a établis évêques pour gouverner l’Église de Dieu, qu’il a acquise par son précieux sang ». Puis il voulut les avertir qu’après son départ, des loups rapaces et des hommes pervers surgiraient pour corrompre la doctrine de Jésus-Christ. Ayant dit ces mots, ils se mirent tous à genoux et firent ensemble une prière. Personne ne pouvait retenir ses larmes, et tous se jetaient au cou de Paul, lui imprimant mille baisers. Ils étaient particulièrement inconsolables parce qu’il leur avait dit qu’ils ne verraient plus son visage. Pour profiter encore de quelques instants de sa douce compagnie, ils l’accompagnèrent jusqu’au navire et non sans une sorte de violence se séparèrent de leur cher maître.
            Paul, avec ses compagnons, de Milet passa à l’île de Cos, très renommée pour un temple des Gentils dédié à Junon et à Esculape. Le lendemain, ils arrivèrent à Rhodes, île très célèbre surtout pour son Colosse, qui était une statue d’une hauteur et d’une grandeur extraordinaires. De là, ils vinrent à Patara, capitale de la Lycie, très renommée pour un grand temple dédié au dieu Apollon. De là, ils naviguèrent jusqu’à Tyr, où le navire devait décharger sa cargaison.
            Tyr est la ville principale de la Phénicie, maintenant appelée Sour, sur les rives de la Méditerranée. À peine débarqués, ils trouvèrent quelques prophètes qui annonçaient les maux qui menaçaient le saint Apôtre à Jérusalem, et ils voulaient le détourner de ce voyage. Mais lui, après sept jours, voulut partir. Ces bons chrétiens, avec leurs femmes et leurs enfants, l’accompagnèrent hors de la ville, où, ployant les genoux sur la plage, ils firent avec lui une prière. Puis, après avoir échangé les salutations les plus cordiales, ils s’embarquèrent et furent accompagnés des regards des Sidoniens jusqu’à ce que l’éloignement du navire les ôte de leur vue. Arrivés à Césarée, ils s’arrêtèrent un jour pour saluer et réconforter ces chrétiens dans la foi ; continuant ensuite leur chemin, ils arrivèrent à Césarée.
            Là, Paul fut accueilli avec joie par le diacre Philippe. Ce saint disciple, après avoir prêché aux Samaritains, à l’eunuque de la reine Candace et dans de nombreuses villes de Palestine, avait fixé sa résidence à Césarée pour s’occuper des âmes qu’il avait régénérées en Jésus-Christ.
            À cette époque, le prophète Agabus vint à Césarée et, étant allé rendre visite au saint Apôtre, lui ôta sa ceinture et dit après s’en être lié les pieds et les mains : « Voici ce que l’Esprit Saint me dit ouvertement : l’homme à qui appartient cette ceinture sera ainsi lié par les Juifs à Jérusalem ».
            La prophétie d’Agabus émut tous les présents, car les maux qui étaient préparés pour le saint Apôtre à Jérusalem devenaient de plus en plus manifestes ; c’est pourquoi les compagnons de Paul le priaient en pleurant de ne pas y aller. Mais Paul répondait courageusement : « Oh ! Je vous en prie, ne pleurez pas. Avec vos larmes, vous n’augmentez que l’affliction de mon cœur. Sachez que je suis prêt non seulement à souffrir les chaînes, mais à affronter aussi la mort pour le nom de Jésus-Christ ».
            Alors tous, reconnaissant la volonté de Dieu dans la fermeté du saint Apôtre, dirent d’une seule voix : « Que la volonté du Seigneur soit faite ». Cela dit, ils partirent en direction de Jérusalem avec un certain Mnason, qui avait été disciple et adepte de Jésus-Christ. Il avait une résidence fixe à Jérusalem et allait avec eux pour les accueillir chez lui.

CHAPITRE XVIII. Saint Paul se présente à Saint Jacques — Les Juifs lui tendent des pièges — Il parle au peuple — Il réprimande le grand prêtre — An 59 ap. J.-C.

            Nous nous apprêtons maintenant à raconter une longue série de souffrances et de persécutions que le saint Apôtre endura durant quatre ans de prison. Dieu voulut préparer son serviteur à ces combats en les lui faisant connaître bien à l’avance ; en effet, les maux prévus causent moins de frayeur, et l’homme est plus disposé à les supporter. À l’arrivée de Paul et de ses compagnons à Jérusalem, ils furent accueillis par les chrétiens de cette ville avec les signes de la plus grande bienveillance. Le lendemain, ils allèrent rendre visite à l’évêque de la ville, qui était Saint Jacques le Mineur, auprès de qui s’étaient également réunis les principaux prêtres du diocèse. Paul raconta les merveilles que Dieu avait opérées par son ministère auprès des Gentils, ce dont tous remercièrent de tout cœur le Seigneur.
            Ils se hâtèrent cependant d’avertir Paul du danger qui le menaçait. « Beaucoup de Juifs, lui dirent-ils, se sont convertis à la foi et plusieurs d’entre eux sont très attachés à la circoncision et aux cérémonies légales. Or, sachant que tu dispenses les Gentils de ces observances, il y a une terrible animosité contre toi. Il est donc nécessaire que tu montres que tu n’es pas ennemi des Juifs. Fais ceci : à l’occasion où quatre Juifs doivent accomplir un vœu ces jours-ci, tu participeras à la fonction et tu feras pour eux les dépenses nécessaires pour cette solennité ».
            Paul adhéra promptement au sage conseil et participa à cette œuvre de piété. Il se rendit au temple et la fonction était sur le point de se terminer, lorsque quelques Juifs venus d’Asie excitèrent le peuple contre lui en criant : « Au secours, Israélites, au secours ! Cet homme est celui qui va par tout le monde prêchant contre le peuple, contre la loi et contre ce temple. Il n’a pas hésité à violer sa sainteté en y introduisant des Gentils ».
            Bien que ces accusations fussent des calomnies, toute la ville se mit en émoi et, un grand concours de peuple s’étant formé, ils prirent Saint Paul, le traînèrent hors du temple pour le mettre à mort comme blasphémateur. Mais le bruit du tumulte étant parvenu au tribun romain, celui-ci accourut immédiatement avec les gardes. Les séditieux, voyant les gardes, cessèrent de frapper Paul et le remirent au tribun, qui, l’ayant fait lier, ordonna qu’il fût conduit à la tour Antonia, qui était une forteresse et un quartier de soldats près du temple. Lysis, tel était le nom du tribun, désirait savoir la cause de ce tumulte mais ne put rien savoir, car les cris et les clameurs du peuple étouffaient toute voix. Alors que Paul montait les marches de la forteresse, les soldats durent le porter sur leurs bras pour le retirer des mains des Juifs, qui, ne pouvant l’avoir en leur pouvoir, criaient : « Tue-le, ôte-le du monde ».
            Lorsqu’il fut sur le point d’entrer dans la tour, il parla en grec au tribun : « Puis-je te dire un mot ? » Le tribun s’étonna qu’il parlât grec et lui dit : « Sais-tu le grec ? N’es-tu pas cet Égyptien qui provoqua il y a peu de temps une rébellion et conduisit avec lui dans le désert quatre mille assassins ? » « Non certainement, répondit Paul, je suis Juif, citoyen de Tarse, ville de Cilicie. Mais, je te prie, me permets-tu de parler au peuple ? » Cela lui fut accordé, et Paul, depuis les marches de la tour, leva un peu la main alourdie par le poids des chaînes, fit signe au peuple de se taire et se mit à exposer ce qui concernait sa patrie, sa conversion et sa prédication, et comment Dieu l’avait destiné à porter la foi parmi les Gentils.
            Le peuple l’écoutait dans un profond silence jusqu’à ces dernières paroles ; mais lorsqu’il entendit parler des Gentils, comme agité de mille fureurs, il éclata en cris fous, et certains, avec colère, jetaient à terre leurs vêtements, d’autres jetaient de la poussière en l’air, et tous criaient : « Cet homme est indigne de vivre, qu’il soit ôté du monde ! »
            Le tribun, qui n’avait rien compris au discours de Saint Paul, parce qu’il avait parlé en langue hébraïque, craignant que le peuple ne commette de graves excès, ordonna à ses hommes de conduire Paul dans la forteresse, puis de le flageller et de le soumettre à la torture pour le contraindre ainsi à révéler la cause de la sédition. Mais Paul, sachant que l’heure n’était pas encore venue où il devait souffrir de tels maux pour Jésus-Christ, se tourna vers le centurion chargé d’exécuter cet ordre injuste et lui dit : « Crois-tu qu’il soit permis de flageller un citoyen romain, sans qu’il soit condamné ? » En entendant cela, le centurion courut vers le tribun en lui disant : « Que vas-tu faire ? Ne sais-tu pas que cet homme est citoyen romain ? »
            Le tribun eut peur, car il avait fait ligoter Paul, ce qui entraînait la peine de mort. Il se rendit lui-même auprès de Paul et lui dit : « Es-tu vraiment citoyen romain ? » Il répondit : « Je le suis vraiment ». « Moi, ajouta le tribun, j’ai acquis à grand prix ce droit de citoyenneté romaine ». « Et moi, répliqua Paul, j’en jouis depuis ma naissance ». Ayant appris cela, il fit suspendre l’ordre de soumettre Paul à la torture, et le tribun lui-même en fut inquiet, et chercha un autre moyen de savoir les accusations que les Juifs portaient contre lui. Il ordonna que le lendemain se réunissent le Sanhédrin et tous les prêtres juifs ; puis, ayant fait enlever les chaînes à Paul, il le fit venir au milieu du conseil.
            L’Apôtre, fixant les yeux sur cette assemblée, dit : « Moi, frères, jusqu’à ce jour j’ai marché devant Dieu avec une bonne conscience ». À peine ces mots furent-ils entendus, que le grand prêtre, nommé Ananie, ordonna à l’un des assistants de donner à Paul un grand coup. L’Apôtre ne jugea pas bon de tolérer une si grave injure et, avec la liberté et le zèle dont usaient les anciens prophètes, dit : « Muraille blanchie, Dieu te frappera, comme tu m’as fait frapper, parce qu’en feignant de juger selon la loi, tu me fais frapper contre la loi elle-même ». En entendant ces paroles, tous s’indignèrent : « Oh ! lui dirent-ils, tu as l’audace d’insulter le grand prêtre ? » « Pardonnez-moi, frères, répondit Paul, je ne savais pas que celui-ci fût le prince des prêtres, car je connais bien la loi qui interdit de maudire le prince du peuple ».
            Paul n’avait pas reconnu le grand prêtre, soit parce qu’il n’avait pas les insignes de son rang, soit parce qu’il ne parlait et n’agissait pas avec la dignité qui convenait à sa personne. Saint Paul ne maudissait pas Ananie, mais il prédisait les maux qui allaient s’abattre sur lui, comme cela arriva effectivement. Pour se tirer d’une manière ou d’une autre des mains de ses ennemis, Paul allia la simplicité de la colombe à la prudence du serpent et, sachant que l’assemblée était composée de Sadducéens et de Pharisiens, pensa à semer la division entre eux en s’écriant : « Moi, frères, je suis Pharisien, fils et élève de Pharisiens. La raison pour laquelle je suis appelé en jugement est mon espérance dans la résurrection des morts ». Ces paroles firent naître de graves dissensions parmi les auditeurs ; certains étaient contre Paul, d’autres en sa faveur.
            Entre-temps, un tumulte s’éleva qui faisait craindre de graves désordres. Le tribun, craignant que les plus furieux ne s’attaquent à Paul et ne le mettent en pièces, ordonna aux soldats de le retirer de leurs mains et de le ramener à la tour. Dieu cependant voulut consoler son serviteur pour ce qu’il avait souffert en ce jour. Dans la nuit, il lui apparut et lui dit : « Prends courage : après m’avoir rendu témoignage à Jérusalem, tu feras de même à Rome ».

CHAPITRE XIX. Quarante Juifs s’engagent par vœu à tuer Saint Paul — Un de ses neveux découvre le complot — Il est transféré à Césarée — An 59 ap. J.-C.

            Les Juifs, voyant leur plan échouer, passèrent la nuit suivante à élaborer divers projets. Quarante d’entre eux prirent la désespérée résolution de s’engager par vœu à ne manger ni boire avant d’avoir tué Paul. Ayant ourdi cette conspiration, ils se rendirent auprès des princes des prêtres et des anciens, leur racontant leur projet. « Pour avoir ce scélérat entre nos mains, ajoutèrent-ils, nous avons trouvé un moyen sûr ; il ne vous reste plus qu’à nous donner un coup de main. Faites savoir au tribun, au nom du Sanhédrin, que vous souhaitez examiner plus en profondeur certains points de la doctrine de Paul et qu’il vous le présente à nouveau demain. Il consentira certainement à la demande. Mais soyez certains que, avant que Paul ne soit conduit devant vous, nous le mettrons en pièces de nos propres mains ». Les anciens louèrent le projet et promirent de collaborer.
            Or, soit parce qu’un des conjurés n’a pas gardé le secret, soit parce qu’ils n’ont pas pris soin de fermer la porte lorsqu’ils ont ourdi leur plan, il est certain qu’ils furent découverts. Un fils de la sœur de Paul apprit tout et, courant à la tour, réussit à passer entre les gardes, se présenta à son oncle et lui raconta l’ensemble du complot. Paul instruisit bien son neveu sur la manière d’agir. Puis, ayant appelé un officier qui était de garde, il lui dit : « Je te prie de conduire ce jeune homme au capitaine ; il a quelque chose à lui communiquer ».
            Le centurion le conduisit au capitaine et lui dit : « Ce Paul qui est en prison m’a prié de te conduire ce jeune homme, car il a quelque chose à te dire ». Le capitaine prit le jeune par la main et, l’amenant à l’écart, lui demanda ce qu’il avait à rapporter. « Les Juifs, répondit-il, se sont accordés pour te demander demain de faire conduire Paul devant le Sanhédrin, sous prétexte de vouloir examiner plus à fond sa cause. Mais ne les écoute pas : sache qu’ils lui tendent un guet-apens et que quarante d’entre eux se sont engagés par un terrible vœu à ne manger ni boire tant qu’ils ne l’auront pas tué. Ils sont maintenant prêts à agir, attendant seulement ton consentement ». « Bravo, dit le capitaine, tu as bien fait de me dire ces choses. Maintenant, va, mais ne dis à personne que tu me les as révélées ».
            Face à cette désespérée résolution, Lysias comprit que retenir plus longtemps Paul à Jérusalem équivalait à le laisser en danger, dont il ne pourrait peut-être pas le sauver. Aussi, sans tarder, il appela deux centurions et leur dit : « Donnez ordre à deux cents soldats d’infanterie, à autant d’hommes armés de lances, et à soixante-dix hommes à cheval, d’accompagner Paul jusqu’à Césarée. Préparez aussi une monture pour lui afin qu’il soit conduit là sain et sauf et se présente au gouverneur Félix ». Le tribun accompagna Paul avec une lettre au gouverneur, qui disait :
            « Claudius Lysias à l’excellent gouverneur Félix, salut. Je t’envoie cet homme qui, pris par les Juifs, était sur le point d’être tué par eux. Arrivé avec mes soldats, je l’ai retiré de leurs mains, ayant appris qu’il est citoyen romain. Souhaitant ensuite m’informer du crime dont il était accusé, je l’ai conduit devant le Sanhédrin et j’ai trouvé qu’il était accusé pour des questions concernant leur loi, mais sans aucune faute qui mérite la mort ou la prison. Mais comme on m’a rapporté qu’un complot de mort lui est tendu, j’ai décidé de te l’envoyer, invitant en même temps ses accusateurs à se présenter devant ton tribunal pour exposer leurs accusations contre lui. Salut ».
            En exécution des ordres reçus, cette même nuit, les soldats partirent avec Paul et le conduisirent à Antipatris, ville située à mi-chemin entre Jérusalem et Césarée. À ce point du parcours, ne craignant plus d’être attaqués par les Juifs, ils renvoyèrent les quatre cents soldats à Jérusalem, et Paul, accompagné seulement de soixante-dix cavaliers, arriva le lendemain à Césarée.
            Ainsi Dieu, de la manière la plus simple, délivrait son Apôtre d’un grave danger et faisait connaître que les projets des hommes deviennent toujours vains lorsqu’ils sont contraires à la volonté divine.

CHAPITRE XX. Paul devant le gouverneur — Ses accusateurs et sa défense — An 59 ap. J.-C.

            Le lendemain, Paul arriva à Césarée et fut présenté au gouverneur avec la lettre du capitaine Lysias. Après avoir lu la lettre, le gouverneur appela Paul à part et, ayant appris qu’il était de Tarse, lui dit : « Je t’écouterai lorsque tes accusateurs seront arrivés ». En attendant, il le fit garder dans la prison de son palais.
            Les quarante conjurés, lorsqu’ils se virent échouer leur complot, restèrent stupéfaits. On peut croire que, sans tenir compte du vœu fait, ils se mirent à manger et à boire pour continuer leur complot. D’accord avec le grand prêtre, avec les anciens et avec un certain Tertullus, célèbre orateur, ils partirent pour Césarée, où ils arrivèrent cinq jours après l’arrivée de Paul. Venus tous devant le gouverneur, Tertullus commença à parler ainsi contre Paul : « Nous avons trouvé cet homme pestilentiel, qui suscite des révoltes parmi tous les Juifs du monde. Il est chef de la secte des Nazaréens. Il a même tenté de profaner notre temple, et nous l’avons arrêté. Nous voulions le juger selon notre loi, mais le capitaine Lysias intervint et nous l’enleva de force. Il a ordonné que ses accusateurs se présentent devant toi. Maintenant nous sommes ici. En l’examinant, tu pourras toi-même vérifier les fautes dont nous l’accusons ». Ce que Tertullus avait affirmé fut confirmé par les Juifs présents.
            Paul, ayant eu du gouverneur la possibilité de répondre, commença à se défendre ainsi : « Puisque tu gouvernes ce pays depuis de nombreuses années, excellent Félix, tu es certainement en mesure de connaître les choses qui s’y sont passées. Je me défends de bon gré devant toi. Comme tu peux le vérifier, cela ne fait pas plus de douze jours que je suis monté à Jérusalem pour adorer. En ce court laps de temps, personne ne peut dire m’avoir trouvé dans le temple ou dans les synagogues ou dans un autre lieu public ou privé à discuter avec quelqu’un, ni à rassembler des foules ou à fomenter des désordres. Ils ne peuvent prouver aucune des accusations portées contre moi. Mais je t’avoue que je suis la Voie qu’ils appellent secte, servant ainsi le Dieu de nos pères, croyant en tout ce qui est conforme à la Loi et écrit dans les Prophètes. J’ai en Dieu la même espérance qu’eux, qu’il y aura une résurrection des justes et des injustes. Pour cela, moi aussi je m’efforce d’avoir toujours une conscience irréprochable devant Dieu et devant les hommes. Après de nombreuses années, je suis venu apporter des aumônes à ma nation et à présenter des offrandes. Alors que j’étais occupé à ces rites de purification, sans foule ni tumulte, certains Juifs d’Asie m’ont trouvé dans le temple. Ils auraient dû comparaître devant toi pour m’accuser, s’ils avaient quelque chose contre moi. Ou bien que ces mêmes personnes disent si elles ont trouvé quelque faute en moi, lorsque j’ai comparu devant le Sanhédrin, à part cette seule déclaration que j’ai faite à haute voix au milieu d’eux : C’est à cause de la résurrection des morts que je suis jugé aujourd’hui devant vous ».
            Ses accusateurs restèrent confus et, se regardant les uns les autres, ne trouvaient pas de mots à prononcer. Quant au gouverneur, déjà enclin en faveur des chrétiens, il savait que, loin d’être séditieux, ils étaient les plus dociles et les plus fidèles parmi ses sujets. Mais il ne voulut pas prononcer de jugement et se réserva de l’entendre à nouveau lorsque le capitaine Lysias serait venu de Jérusalem à Césarée. En attendant, il ordonna que Paul soit gardé, mais en lui accordant une certaine liberté et en permettant à ses amis de le servir.
            Quelque temps après, le gouverneur, peut-être pour faire plaisir à sa femme, qui était Juive, fit venir Paul en sa présence pour l’entendre parler de religion. L’Apôtre exposa avec vivacité les vérités de la foi, la rigueur des jugements que Dieu réservera aux impies dans l’autre vie, au point que Félix, effrayé et troublé, dit : « Pour l’instant, cela suffit ; je t’écouterai de nouveau lorsque j’en aurai l’occasion ». En réalité, il le fit appeler plusieurs fois, mais non pour s’instruire dans la foi, mais en espérant que Paul lui offrirait de l’argent en échange de sa liberté. C’est pourquoi, tout en reconnaissant l’innocence de Paul, il le garda en prison à Césarée pendant deux ans. Ainsi font certains chrétiens : pour un gain temporel ou pour plaire aux hommes ils vendent la justice et violent les devoirs les plus sacrés de la conscience et de la religion.

CHAPITRE XXI. Paul devant Festus — Ses paroles au roi Agrippa — An 60 ap. J.-C.

            Cela faisait maintenant deux ans que le saint Apôtre était retenu prisonnier, lorsque Festus succéda à Félix en tant que gouverneur. Trois jours après avoir pris ses fonctions, le nouveau gouverneur se rendit à Jérusalem et immédiatement les chefs des prêtres et les principaux Juifs se présentèrent à lui pour renouveler les accusations contre le saint Apôtre. Ils lui demandèrent comme faveur particulière de faire conduire Paul à Jérusalem, pour être jugé par le Sanhédrin ; mais en réalité, ils avaient l’intention de l’assassiner en chemin. Festus, peut-être déjà averti de ne pas leur faire confiance, répondit qu’il retournerait bientôt à Césarée ; « Que ceux d’entre vous, dit-il, qui ont quelque chose contre Paul, viennent avec moi et j’écouterai leurs accusations ».
            Après quelques jours, Festus retourna à Césarée avec les Juifs accusateurs de Paul. Le lendemain, il fit venir le saint Apôtre devant son tribunal, et les Juifs lui firent de nombreuses accusations graves, sans toutefois pouvoir les prouver. Paul leur répondit par quelques mots, et ses accusateurs se turent. Cependant, Festus, désireux d’acquérir la bienveillance des Juifs, lui demanda s’il voulait aller à Jérusalem pour être jugé par le Sanhédrin, en sa présence. Se rendant compte que Festus avait l’intention de le remettre entre les mains des Juifs, Paul répondit : « Je suis devant le tribunal de César, où je dois être jugé. Je n’ai fait aucun tort aux Juifs, comme tu le sais bien. Si donc je suis coupable et que j’ai commis quelque chose qui mérite la mort, je ne refuse pas de mourir ; mais s’il n’y a rien de vrai dans les accusations que ceux-ci portent contre moi, personne n’a le droit de me livrer à eux. Je fais appel à César ». Cet appel de notre Apôtre était juste et conforme aux lois romaines, car le gouverneur se montrait disposé à livrer un citoyen romain, reconnu innocent, au pouvoir des Juifs qui voulaient sa mort à tout prix. Les saints Pères ont pensé que ce n’était pas le désir de la vie, mais le bien de l’Église qui le poussa à faire appel à Rome, où, par révélation divine, il savait combien il devrait travailler pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.
            Festus, après avoir consulté son conseil, répondit : « Tu as fait appel à César, à César tu iras ».
            Peu de jours après, le roi Agrippa, fils de cet Agrippa qui avait fait mourir Saint Jacques le Majeur et emprisonner Saint Pierre, vint à Césarée. Il était venu avec sa sœur Bérénice pour rendre les hommages dus au nouveau gouverneur de la Judée. Après s’être retenus plusieurs jours, Festus leur parla du procès de Paul. Agrippa manifesta le désir de l’entendre. Pour le satisfaire, Festus fit préparer une salle avec grande pompe et, invitant à l’audience les tribuns et les autres magistrats, fit conduire Paul en présence d’Agrippa et de Bérénice. « Voici l’homme, dit Festus, contre qui toute la multitude des Juifs s’est tournée vers moi, protestant avec de grands cris qu’il ne devait plus vivre. Or je n’ai trouvé en lui rien qui mérite la mort. Cependant, comme il a fait appel au tribunal de l’empereur, je dois l’envoyer à Rome. Mais comme je n’ai rien de certain à écrire à notre souverain, j’ai jugé opportun de le présenter devant vous et spécialement devant toi, ô roi Agrippa, afin qu’après l’avoir interrogé, vous me disiez ce que je dois écrire, car il ne me semble pas convenable d’envoyer un prisonnier sans spécifier les accusations contre lui ».
            Agrippa, s’adressant à Paul, dit : « Il t’est permis de parler en ta défense ». Paul commença à parler ainsi : « Je me considère heureux, ô roi Agrippa, de pouvoir aujourd’hui me défendre devant toi contre toutes les accusations des Juifs, surtout parce que tu es expert en toutes les coutumes et les questions qui les concernent. Je te prie donc de m’écouter avec patience. Tous les Juifs connaissent ma vie depuis ma jeunesse, passée parmi mon peuple et à Jérusalem. Ils savent que j’ai vécu selon la secte la plus stricte de notre religion, celle des Pharisiens. Et maintenant je suis appelé en jugement à cause de l’espérance dans la promesse faite par Dieu à nos pères, celle que nos douze tribus espèrent voir accomplie en servant Dieu nuit et jour. C’est pour cette espérance, ô roi, que je suis accusé par les Juifs. Pourquoi juge-t-on inconcevable parmi vous que Dieu ressuscite les morts ?
            Moi aussi, je pensais qu’il était de mon devoir de faire beaucoup de choses contre le nom de Jésus de Nazareth. C’est ce que je fis à Jérusalem : j’obtins des chefs des prêtres l’autorisation d’emprisonner de nombreux saints et, quand ils étaient mis à mort, j’exprimais mon accord. Souvent, allant de synagogue en synagogue, je cherchais à les contraindre à blasphémer ; et dans ma fureur acharnée, je les persécutais jusqu’aux villes étrangères.
            Dans de telles circonstances, alors que j’allais à Damas avec l’autorisation et le mandat des chefs des prêtres, à midi, ô roi, je vis sur le chemin une lumière venant du ciel, plus éclatante que le soleil, qui enveloppa moi et ceux qui étaient avec moi. Tous tombèrent à terre et j’entendis une voix qui me disait en langue hébraïque : “Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Il est dur pour toi de regimber contre l’aiguillon”. Je dis : “Qui es-tu, Seigneur ?” Et le Seigneur répondit : “Je suis Jésus, que tu persécutes. Mais lève-toi et tiens-toi debout ; car je t’ai apparu pour te constituer ministre et témoin de ce que tu as vu de moi et de ce que je te montrerai. Je te délivrerai du peuple et des païens, auxquels je t’envoie pour ouvrir leurs yeux, afin qu’ils se convertissent des ténèbres à la lumière et du pouvoir de Satan à Dieu, et qu’ils obtiennent, par la foi en moi, la rémission des péchés et leur part parmi les sanctifiés”.
            C’est pourquoi, ô roi Agrippa, je n’ai pas désobéi à la vision céleste ; mais d’abord à ceux de Damas, puis à Jérusalem et dans toute la Judée, et enfin aux païens, j’ai annoncé le devoir de se repentir et de se convertir à Dieu, en faisant des œuvres dignes de repentance. Pour cela, les Juifs, m’ayant saisi dans le temple, ont tenté de me tuer. Mais, grâce à l’aide de Dieu, jusqu’à ce jour je suis ici à témoigner devant les petits et les grands, ne disant rien d’autre que ce que les prophètes et Moïse ont déclaré devoir arriver : que le Christ souffrirait et que, comme premier parmi les ressuscités d’entre les morts, il annoncerait la lumière au peuple et aux païens ».
            Festus interrompit le discours de l’Apôtre et s’écria à haute voix : « Tu es fou, Paul ; ta trop grande science t’a tourné la tête ». À quoi Paul répondit : « Je ne suis pas fou, excellent Festus, mais je dis des paroles de vérité et de bon sens. Le roi, à qui je parle avec franchise, connaît ces choses ; je crois en effet que rien de cela ne lui est inconnu, car ce ne sont pas des faits qui se sont produits en secret. Crois-tu aux prophètes, ô roi Agrippa ? Je sais que tu y crois ». Agrippa dit à Paul : « Encore un peu et tu me convaincs de devenir chrétien ». Et Paul répliqua : « Qu’il plaise à Dieu que, tôt ou tard, non seulement toi, mais aussi tous ceux qui m’écoutent aujourd’hui deviennent tels que je suis, sauf ces chaînes ».
            Alors le roi, le gouverneur, Bérénice et les autres se levèrent et, s’étant retirés à l’écart, se dirent l’un à l’autre : « Cet homme n’a fait rien qui mérite la mort ou la prison ». Et Agrippa dit à Festus : « Cet homme aurait pu être libéré, s’il n’avait pas fait appel à César ».
            Mais le discours de Paul, qui aurait dû convertir tous ces juges, ne servit à rien, car ils fermèrent leur cœur aux grâces que Dieu voulait leur accorder. C’est une image de ces chrétiens qui écoutent la parole de Dieu, mais ne se résolvent pas à mettre en pratique les bonnes inspirations qu’ils sentent parfois naître dans leur cœur.

CHAPITRE XXII. Saint Paul est embarqué pour Rome — Il subit une terrible tempête, dont il est sauvé avec ses compagnons — An 60 ap. J.-C.

            Lorsque Festus décida que Paul serait conduit à Rome par mer, on le confia lui, avec de nombreux autres prisonniers, à un centurion nommé Julius. Avec lui se trouvaient ses deux fidèles disciples Aristarque et Luc. Ils s’embarquèrent sur un navire venant d’Adramyttium, ville maritime d’Afrique. Longeant la Palestine, ils arrivèrent à Sidon le jour suivant. Le centurion, qui les accompagnait, se rendit vite compte que Paul n’était pas un homme ordinaire et, admirant ses vertus, commença à le traiter avec égard. Débarqués à Sidon, il lui donna pleine liberté de visiter ses amis, de s’attarder avec eux et de recevoir quelque réconfort.
            De Sidon, ils naviguèrent le long des côtes de l’île de Chypre et, le vent étant plutôt contraire, traversèrent la mer de Cilicie et de Pamphylie, qui est une partie de la Méditerranée, et arrivèrent à Myre, ville de Lycie. Là, le centurion, ayant trouvé un navire qui allait d’Alexandrie en Italie avec un chargement de blé, transféra ses passagers à bord. Mais naviguant très lentement, ils peinèrent beaucoup pour atteindre l’île de Crète, aujourd’hui appelée Candie. Ils s’arrêtèrent dans un endroit appelé Bons-Ports, près de Salmoné, ville de cette île.
            La saison étant très avancée, Paul, certainement inspiré par Dieu, exhortait les marins à ne pas risquer de continuer la navigation en un temps si dangereux. Mais le pilote et le maître du navire, ne tenant pas compte des paroles de Paul, affirmaient qu’il n’y avait rien à craindre. Ils partirent donc avec l’intention d’atteindre un autre port de cette île appelé Phénix, espérant pouvoir y passer l’hiver en toute sécurité. Mais après un court trajet, le navire fut secoué par un fort vent, et ne pouvant y résister, les navigateurs se virent contraints d’abandonner eux-mêmes et le navire à la merci des vagues. Arrivés à Cauda, une petite île proche de Crète, ils se rendirent compte qu’ils étaient proches d’un banc de sable et, craignant de briser le navire contre celui-ci, ils s’efforcèrent de prendre une autre direction. Mais la tempête s’intensifiant et le navire s’agitant de plus en plus, ils se trouvèrent tous en grand danger. Ils jetèrent à la mer les marchandises, puis les meubles et les armements du navire pour l’alléger. Cependant, après plusieurs jours, ne voyant plus ni soleil ni étoiles et avec la tempête qui faisait rage de plus en plus, tout espoir de salut semblait perdu. À ces maux s’ajoutait que, soit à cause du mal de mer en tempête, soit par peur de la mort, personne ne pensait à manger, ce qui était nuisible à la santé car les marins manquaient de forces pour gouverner le navire. Ils se repentirent alors de ne pas avoir suivi le conseil de Paul, mais il était trop tard.
            Paul, voyant le découragement parmi les marins et les passagers, animé par la confiance en Dieu, les consola en disant : « Frères, vous auriez dû me croire et ne pas partir de Crète ; ainsi nous aurions évité ces pertes et ces malheurs. Cependant, ayez du courage ; croyez-moi, au nom de Dieu je vous assure que personne d’entre nous ne se perdra ; seul le navire sera détruit. Cette nuit, l’ange du Seigneur m’est apparu et m’a dit : “N’aie pas peur, Paul, tu dois comparaître devant César ; et voici, Dieu t’accorde la vie de tous ceux qui naviguent avec toi”. Par conséquent, ayez du courage, frères, tout se passera comme il m’a été dit ».
            Entre-temps, quatorze jours s’étaient déjà écoulés depuis qu’ils souffraient cette tempête, et chacun pensait être englouti par les vagues d’un moment à l’autre. Il était minuit lorsque, dans l’obscurité des ténèbres, il parut aux marins qu’ils s’approchaient de la terre. Pour s’en assurer, ils jetèrent l’ancre et trouvèrent l’eau profonde de vingt coudées, puis quinze. Craignant alors de finir contre un rocher, ils jetèrent quatre ancres pour arrêter le navire, attendant la lumière du jour qui leur montrerait où ils se trouvaient.
            À ce moment-là, les marins eurent l’idée de fuir le navire et d’essayer de se sauver sur cette terre qui semblait proche. Paul, toujours guidé par la lumière divine, s’adressa au centurion et aux soldats en disant : « Si ceux-ci ne restent pas à bord, vous ne pourrez être sauvés, car Dieu ne veut pas être tenté en lui demandant de faire des miracles ». À ces paroles, tous se turent et suivirent le conseil de Paul. À l’aube, le saint Apôtre jeta un coup d’œil à ceux qui étaient sur le navire et, les voyant tous épuisés par les fatigues et affamés par le jeûne, leur dit : « Frères, cela fait quatorze jours que, attendant une amélioration, vous n’avez rien mangé. Maintenant je vous prie de ne pas vous laisser mourir de faim. Je vous ai déjà assuré, et je vous assure encore, qu’aucun de vos cheveux ne périra. Courage donc ». Cela dit, Paul prit du pain, rendit grâce à Dieu, le rompit et, en présence de tous, se mit à manger. Alors tous reprirent des forces et mangèrent avec lui ; ils étaient au nombre de 276 personnes.
            Mais, comme les vents et les vagues continuaient à faire fureur, ils furent contraints de jeter à la mer aussi le blé qu’ils avaient conservé pour leur usage. Le jour se leva, et il leur sembla voir une anse ; ils s’efforcèrent de diriger le navire pour y chercher un refuge. Mais, poussé par la force des vents, le navire s’échoua sur un banc de sable, commençant à se briser et à se détruire. Voyant l’eau pénétrer par diverses fissures, les soldats voulurent prendre le cruel parti de tuer tous les prisonniers, tant pour alléger le navire que parce qu’ils craignaient qu’ils ne s’échappent après s’être sauvés à la nage.
            Mais le centurion, qui aimait Paul et voulait le sauver, n’approuva pas ce conseil, mais ordonna que ceux qui savaient nager se jettent à la mer pour atteindre la terre ; aux autres, il fut dit de s’agripper à des planches ou à des débris du navire ; et ainsi tous arrivèrent sains et saufs au rivage.

CHAPITRE XXIII. Saint Paul sur l’île de Malte — Il est libéré de la morsure d’une vipère — Il est accueilli chez Publius, dont il guérit le père — An 60 ap. J.-C.

            Ni Paul ni ses compagnons ne connaissaient la terre sur laquelle ils avaient accosté après être sortis des flots. Informés par les premiers habitants qu’ils rencontrèrent, ils apprirent que cet endroit s’appelait Mélita, aujourd’hui Malte, une île de la Méditerranée située entre l’Afrique et la Sicile. À la nouvelle de ce grand nombre de naufragés qui étaient sortis des flots comme autant de poissons, les insulaires accoururent et, bien qu’ils fussent des barbares, ils s’émurent de les voir si fatigués, épuisés et tremblants de froid. Pour les réchauffer, ils allumèrent un grand feu.
            Paul, toujours attentif à exercer des œuvres de charité, alla ramasser un faisceau de branches sèches. Alors qu’il les mettait sur le feu, une vipère qui était dedans, engourdie par le froid, réveillée par la chaleur, sauta et s’accrocha à la main de Paul. Les barbares, voyant le serpent pendu à sa main, pensèrent mal de lui et disaient les uns aux autres : « Cet homme doit être un assassin ou un grand scélérat ; il a échappé à la mer, mais la vengeance divine le frappe sur terre ». Comme nous devons nous garder de juger témérairement notre prochain !
            Paul, ravivant la foi en Jésus-Christ, qui avait assuré à ses Apôtres que ni serpents ni poisons ne leur feraient de mal, secoua la main, jeta la vipère dans le feu et ne subit aucun mal. Ces bonnes gens s’attendaient à ce que le poison entre dans le sang de Paul, le fasse enfler et tomber mort après quelques instants, comme cela arrivait à quiconque avait le malheur d’être mordu par ces serpents. Ils attendirent longtemps et, voyant qu’il ne lui arrivait rien, changèrent d’avis et disaient que Paul était un grand dieu descendu du ciel. Peut-être croyaient-ils qu’il était Hercule, considéré comme dieu et protecteur de Malte. Selon les légendes, Hercule, étant encore enfant, aurait tué un serpent, d’où son nom d’ophitocole, c’est-à-dire tueur de serpents.
            Dieu confirma ce premier prodige par un autre encore plus stupéfiant et permanent. En effet, toute force vénéneuse fut ôtée aux serpents de cette île, de sorte qu’à partir de cette époque, on n’eut plus à craindre la morsure des vipères. Que veut-on de plus ? On dit que la terre même de l’île de Malte, emportée ailleurs, est un remède sûr contre les morsures des vipères et des serpents.
            Quand le gouverneur de l’île, un prince nommé Publius, homme très riche, apprit la manière miraculeuse dont ces naufragés avaient été sauvés des eaux et fut informé, ou témoin, du miracle de la vipère, il envoya inviter Paul et ses compagnons, qui étaient arrivés au nombre de 276. Il les accueillit chez lui et les honora pendant trois jours, leur offrant logement et nourriture à ses frais. Dieu ne laissa pas sans récompense la générosité et la courtoisie de Publius. Il avait son père alité, affligé de fièvre et d’une grave dysenterie qui l’avaient conduit à l’agonie. Paul alla voir le malade et, après lui avoir adressé des paroles de charité et de consolation, se mit à prier. Puis, s’étant levé, il s’approcha du lit, imposa les mains sur l’infirme qui guérit immédiatement. Ainsi, le bon vieux, libre de tout mal et pleinement rétabli, courut embrasser son fils, bénissant Paul et le Dieu qu’il prêchait. Publius, son père et sa famille (au dire de saint Jean Chrysostome), pleins de gratitude envers le grand Apôtre, se firent instruire dans la foi et reçurent par la main de Paul le baptême.
            La nouvelle de la guérison miraculeuse du père de Publius se répandit, et tous ceux qui étaient malades ou avaient des maladies de toute sorte allaient ou se faisaient porter aux pieds de Paul. Il les bénissait au nom de Jésus-Christ, les renvoyait tous guéris, bénissant Dieu et croyant à l’Évangile. En peu de temps, toute cette île reçut le baptême. On abattit les temples des idoles et on en éleva d’autres consacrés au culte du vrai Dieu.

CHAPITRE XXIV. Voyage de Saint Paul de Malte à Syracuse — Il prêche à Rhegium — Son arrivée à Rome — An 60 ap. J.-C.

            Les Maltais étaient pleins d’enthousiasme pour Paul et pour la doctrine qu’il prêchait, au point qu’en plus d’embrasser massivement la foi, ils rivalisaient à lui fournir tout ce dont il avait besoin pour le temps qu’il demeura à Malte et pour le voyage jusqu’à Rome. Paul resta à Malte trois mois à cause de l’hiver où la mer n’est pas navigable. On croit communément que pendant ce temps, il a conduit Publius à la perfection chrétienne et que, avant de partir, il l’a ordonné évêque de cette île ; ce qui fut certainement une grande consolation pour ces fidèles.
            Quand vint le printemps, on décida de partir pour Rome. Le centurion Julius s’accorda avec un navire qui de la ville d’Alexandrie se dirigeait vers l’Italie et qui avait pour enseigne deux dieux appelés Castor et Pollux, que les idolâtres croyaient protecteurs de la navigation. Au grand chagrin des Maltais, ils s’embarquèrent vers la Sicile, une île très proche de l’Italie, et favorisés par le vent, arrivèrent rapidement à Syracuse, ville principale de cette île. Ici, l’Évangile avait déjà été prêché par Saint Pierre, qui y avait ordonné évêque Saint Marcien. Ce digne pasteur voulut accueillir chez lui le saint Apôtre et lui fit célébrer les saints mystères dans une grotte, ce qui causa une grande joie à lui et à ces fidèles. Une très ancienne église, qui subsiste encore aujourd’hui dans cette ville, est dédiée à notre saint Apôtre, et l’on croit qu’elle a été édifiée sur la grotte même où Saint Paul avait prêché la parole de Dieu et célébré les divins mystères.
            Partant de Syracuse, ils longèrent l’île de Sicile, passèrent le port de Messine et arrivèrent avec ses compagnons à Rhegium, ville et port de Calabre, très proche de la Sicile. Ils s’y arrêtèrent un jour.
            Des historiens accrédités de cette ville racontent les grandes merveilles opérées par Saint Paul lors de ce bref séjour ; parmi celles-ci, nous choisissons le fait suivant. Les habitants de Rhegium, qui étaient idolâtres, en apprenant qu’un navire portant l’enseigne de Castor et Pollux, très honorés par eux, avait accosté dans leur port, accoururent en masse pour le voir. Paul voulut profiter de cette affluence pour prêcher Jésus-Christ, mais ils ne voulaient pas l’écouter. Alors, poussé par la foi en ce Jésus qui par sa main avait opéré tant de merveilles, il tira un morceau de bougie et dit : « Je vous prie de me laisser parler au moins le temps que ce petit morceau de bougie mettra à se consumer ». Ils acceptèrent la condition en riant et se calmèrent.
            Paul posa cette mèche sur une colonne de pierre située sur le rivage. Immédiatement, toute la colonne prit feu et une grande flamme apparut, qui lui servit de torche ardente. Il eut amplement le temps de les instruire, car ces barbares, stupéfaits par un tel miracle, restèrent à écouter Paul docilement aussi longtemps qu’il voulut parler ; et personne n’osa le déranger. La foi fut accueillie, et sur le lieu du miracle fut érigée une magnifique église au vrai Dieu. Sur l’autel majeur fut placée cette colonne et, pour conserver la mémoire de ce prodige, une solennité avec office propre fut établie. Dans la messe, on lit une prière qui se traduit ainsi : « Ô Dieu, qui à la prédication de l’Apôtre Paul, faisant briller miraculeusement une colonne de pierre, avez daigné instruire les peuples de Rhegium par la lumière de la foi, accordez-nous, nous vous en prions, de mériter d’avoir au ciel comme intercesseur celui que nous avons eu comme prédicateur de l’Évangile sur terre » (Cesari, Actes des Apôtres, vol. 2).
            Après ce jour, invités par un temps favorable, Paul et ses compagnons s’embarquèrent pour Puteoli, ville de Campanie distante de neuf miles de Naples. Là, il fut grandement consolé par la rencontre de plusieurs qui avaient déjà embrassé la foi, que leur avait prêchée Saint Pierre quelques années auparavant.
            Ces bons chrétiens éprouvèrent également une grande consolation et prièrent Paul de rester avec eux sept jours. Paul, ayant obtenu la permission du centurion, s’attarda chez eux pendant ce temps et, un jour de fête, parla à une nombreuse assemblée de fidèles.
            Les nouvelles de l’arrivée du grand Apôtre en Italie étaient déjà parvenues à Rome, et les fidèles de cette ville, désireux de connaître en personne l’auteur de la célèbre lettre envoyée de Corinthe, vinrent à sa rencontre au Forum d’Appius, aujourd’hui appelé Fossa Nuova, qui est une ville distante d’environ 50 miles de Rome. Continuant le chemin, ils arrivèrent aux Trois-Tavernes, lieu distant d’environ 30 miles de Rome, où il trouva beaucoup d’autres qui étaient venus jusque-là pour lui faire un accueil festif.
            Accompagné de ce grand nombre de fidèles, qui ne se lassaient pas d’admirer ce grand ministre de Jésus-Christ, il arriva à Rome comme conduit en triomphe. Ici, la foi chrétienne, comme on l’a dit, avait déjà été prêchée par Saint Pierre, qui y tenait le siège pontifical depuis dix-huit ans.

CHAPITRE XXV. Paul parle aux Juifs et leur prêche Jésus-Christ — Progrès de l’Évangile à Rome — An 61 ap. J.-C.

            Arrivé à Rome, Paul fut remis au préfet du prétoire, c’est-à-dire au général des gardes prétoriennes, ainsi appelées parce qu’elles avaient la charge spéciale de garder la personne de l’empereur. Le nom de cet illustre romain était Afranius Burrus, dont l’histoire fait une mention très honorable.
            Le centurion Julius se préoccupa de recommander Paul à ce préfet, qui le traita avec une bienveillance singulière. Les lettres des gouverneurs Félix et Festus, qui devaient certainement avoir fait connaître l’innocence de Paul, et le bon témoignage rendu par le centurion Julius, le mirent en bonne lumière et en révérence auprès de Burrus, qui lui donna pleine liberté de vivre seul où bon lui semblait, à condition qu’il fût surveillé par un soldat lorsqu’il sortait de chez lui. Paul avait cependant toujours au bras une chaîne lorsqu’il était chez lui ; s’il sortait, la chaîne qui lui liait le bras passait derrière pour le tenir lié au soldat qui l’accompagnait, de sorte que ce soldat était toujours attaché à Paul par la chaîne. Le saint Apôtre loua une maison, dans laquelle il prit logement avec ses compagnons, parmi lesquels sont spécialement nommés Luc, Aristarque et Timothée, ce fidèle disciple de Lystres.
            Trois jours après son arrivée, il invita les principaux Juifs qui demeuraient à Rome, les priant de venir le voir dans son logement. Rassemblés en bon nombre, il leur parla ainsi : « Je ne voudrais pas que l’état dans lequel vous me voyez et les chaînes dont je suis lié vous donnent une mauvaise opinion de moi. Dieu sait que je n’ai rien fait contre mon peuple, ni contre les coutumes et les lois de ma patrie. J’ai été enchaîné à Jérusalem et ensuite remis aux Romains. Ceux-ci m’examinèrent et, n’ayant trouvé en moi rien qui mérite punition, voulaient me renvoyer libre ; mais comme les Juifs s’y opposaient fortement, j’ai été contraint d’en appeler à César.
           
             « C’est la seule raison pour laquelle j’ai été conduit à Rome. Je ne veux pas ici accuser mes frères, mais je désire vous faire savoir le motif de ma venue et, en même temps, vous parler du Messie et de la résurrection, qui est justement le motif de ces chaînes. Sur ce sujet, je désire beaucoup pouvoir vous ouvrir mon cœur ».
            À ces paroles, les Juifs répondirent : « En vérité, nous n’avons reçu aucune lettre de Judée, ni personne n’est venu nous rapporter quelque chose contre toi. Nous sommes aussi dans le vif désir de connaître tes sentiments, car nous savons que la secte des chrétiens est contestée dans le monde entier ».
            Paul accepta volontiers l’invitation et, leur assignant un jour, un grand nombre de Juifs se rassemblèrent chez lui. Il commença alors à exposer la doctrine de Jésus-Christ, la divinité de sa personne, la nécessité de la foi en lui, confirmant chaque chose par les paroles des Prophètes et de Moïse. Tel était le désir d’écouter et telle l’angoisse de prêcher, que le discours de Paul se prolongea du matin jusqu’au soir. Parmi les Juifs qui l’écoutaient, beaucoup crurent et embrassèrent la foi, mais plusieurs s’opposèrent fortement à lui.
            Le saint Apôtre, voyant tant d’acharnement de la part de ceux qui auraient dû être les premiers à croire, leur dit ces dures paroles : « De cette inflexible obstination que je vois ici parmi vous à Rome, comme je l’ai trouvée dans toutes les parties du monde, la faute est la vôtre. Cette dureté a déjà été prédite par le prophète Isaïe, lorsqu’il a dit : “Va vers ce peuple et dis : Vous entendrez avec vos oreilles, mais vous ne comprendrez pas ; vous verrez avec vos yeux, mais vous ne saisirez rien ; car le cœur de ce peuple s’est endurci, ils ont bouché leurs oreilles et fermé leurs yeux”.
            « Soyez bien certains, poursuivait Paul, que le salut que vous ne voulez pas, Dieu ne vous le donnera pas ; au contraire, il l’apportera aux Gentils, qui l’accueilleront ».
            Les paroles de Paul furent presque inutiles pour les Juifs. Ils partirent de chez lui en continuant les disputes et les vaines discussions sur ce qu’ils avaient entendu, sans ouvrir leur cœur à la grâce qui leur était offerte. C’est pourquoi, profondément affligé, Paul s’adressa aux Gentils, qui avec humilité de cœur venaient l’écouter et en grand nombre embrassaient la foi.
            Le saint Apôtre exprime lui-même la grande consolation pour le progrès que faisait l’Évangile durant sa prison, en écrivant aux fidèles de Philippes : « Lorsque vous avez su, mes frères, que j’étais retenu prisonnier à Rome, vous en avez éprouvé de la peine, non pas tant pour ma personne, que pour la prédication de l’Évangile. Sachez donc que c’est tout le contraire. Mes chaînes sont devenues un honneur pour Jésus-Christ et ont servi à le faire mieux connaître non seulement à ceux de la ville qui venaient à moi pour se faire instruire dans la foi, mais aussi dans la cour et au palais de l’empereur. De cela, vous devez vous réjouir avec moi et remercier Dieu ».

CHAPITRE XXVI. Saint Luc — Les Philippiens envoient de l’aide à Saint Paul — Maladie et guérison d’Épaphrodite — Lettre aux Philippiens — Conversion d’Onésime — An 61 ap. J.-C.

            Tout ce que nous avons dit jusqu’à présent des actions de Saint Paul a été presque littéralement tiré du livre des Actes des Apôtres, écrit par Saint Luc. Ce prédicateur de l’Évangile continua d’être le fidèle compagnon de Saint Paul ; il prêcha l’Évangile en Italie, en Dalmatie, en Macédoine et termina sa vie par le martyre à Patras, ville d’Achaïe. Il était médecin, peintre et sculpteur. Il existe de nombreuses statues et peintures de la Bienheureuse Vierge vénérées dans différents pays et attribuées à Saint Luc. Revenons à Saint Paul.
            Deux faits sont particulièrement mémorables dans la vie de ce saint Apôtre alors qu’il était emprisonné à Rome. L’un concerne les fidèles de Philippes, l’autre la conversion d’Onésime.
            Parmi les nombreux peuples auxquels le saint Apôtre prêcha l’Évangile, aucun ne lui témoigna plus d’affection que les Philippiens. Ils lui avaient déjà fourni de nombreuses aumônes lorsqu’il prêchait dans leur ville, à Thessalonique et à Corinthe.
            Lorsqu’ils apprirent que Paul était retenu prisonnier à Rome, ils imaginèrent qu’il était dans le besoin ; c’est pourquoi ils firent une collecte considérable et, afin qu’elle soit plus précieuse et honorable, ils l’envoyèrent par l’intermédiaire de Saint Épaphrodite, leur évêque.
            Ce saint prélat, arrivé à Rome, trouva Paul qui avait non seulement besoin d’aide financière, mais aussi d’assistance personnelle, car il était affligé par une grave maladie causée par la prison. Épaphrodite se mit à le servir avec tant de sollicitude, de charité et de ferveur, qu’il tomba lui-même malade et se trouva au bord de la mort. Mais Dieu voulut récompenser la charité du saint et faire en sorte qu’aucune affliction ne s’ajoute à celle de Paul, et lui rendit la santé.
            Les Philippiens, lorsqu’ils apprirent qu’Épaphrodite était mortellement malade, furent plongés dans la plus profonde consternation. C’est pourquoi Paul jugea bon de le renvoyer à Philippes avec une lettre, dans laquelle il explique la raison qui l’a poussé à leur renvoyer Épaphrodite, qu’il appelle son frère, son collaborateur, son collègue et leur apôtre. Il les exhorte donc à l’accueillir avec toute joie et à honorer toute personne de mérite similaire, qui, à son imitation, soit prête à donner sa vie pour le service du Christ. Il dit aussi aux Philippiens qu’il enverrait bientôt Timothée, afin qu’il leur apporte des nouvelles précises de cette communauté ; il affirme également qu’il espérait être libéré et pouvoir les voir encore une fois.
            Épaphrodite fut accueilli par les Philippiens comme un ange envoyé par le Seigneur, et la lettre de Paul remplit le cœur de ces fidèles de la plus grande consolation.
            L’autre fait qui rend célèbre l’emprisonnement de Saint Paul fut la conversion d’Onésime, serviteur de Philémon, riche citoyen de Colosses, ville de Phrygie. Ce Philémon avait été gagné à la foi par Saint Paul et avait si bien répondu à la grâce du Seigneur qu’il était considéré comme un modèle pour les chrétiens, et sa maison était appelée église car elle était toujours ouverte pour les pratiques de piété et pour l’exercice de la charité envers les pauvres. Il avait de nombreux esclaves qui le servaient, et parmi eux un nommé Onésime. Celui-ci, s’étant malheureusement adonné aux vices, attendit l’occasion de fuir, et en volant une grosse somme d’argent à son maître, s’enfuit à Rome. Là, se livrant à la débauche et à d’autres excès, il consuma l’argent volé et se trouva bientôt dans la plus grande misère. Par hasard, il entendit parler de Saint Paul, qu’il avait peut-être vu et servi chez son maître. La charité et la bienveillance du saint Apôtre lui inspirèrent confiance, et il décida de se présenter à lui. Il alla et se jeta à genoux à ses pieds, lui manifesta son erreur et l’état malheureux de son âme, et se confia complètement à lui. Paul reconnut en cet esclave un véritable fils prodigue. Il l’accueillit avec bonté, comme il le faisait avec tous, et après lui avoir fait connaître la gravité de sa faute et l’état malheureux de son âme, il se consacra à l’instruire dans la foi. Lorsqu’il vit en lui les dispositions nécessaires pour devenir un bon chrétien, il le baptisa dans la prison. Le bon Onésime, après avoir reçu la grâce du baptême, resta plein de gratitude et d’affection envers son père et maître, et commença à lui en donner la preuve en le servant loyalement dans les nécessités de sa prison. Paul désirait le garder près de lui, mais ne voulait pas le faire sans la permission de Philémon. Il pensa donc à envoyer Onésime lui-même chez son maître. Et comme il n’osait se présenter à lui, Paul voulut l’accompagner d’une lettre, lui disant : « Prends cette lettre et va chez ton maître, et sois sûr que tu obtiendras plus que ce que tu désires ».

CHAPITRE XXVII. Lettre de Saint Paul à Philémon — An 62 ap. J.-C.

            La lettre de Saint Paul à Philémon est la plus facile et la plus courte de ses lettres, et comme par la beauté des sentiments elle peut servir de modèle à tout chrétien, nous l’offrons en entier au bienveillant lecteur. Elle est de la teneur suivante :
            « Paul, prisonnier pour la foi de Jésus-Christ, et le frère Timothée à notre cher Philémon, notre collaborateur, à Apphia notre très chère sœur, à Archippe compagnon de nos labeurs et à tous les fidèles qui se rassemblent dans ta maison. Que Dieu le Père et Jésus-Christ notre Seigneur vous accordent grâce et paix.
            « Me souvenant continuellement de toi dans mes prières, ô Philémon, je rends grâce à mon Dieu en entendant parler de ta foi et de ta grande charité envers tous les fidèles. Je rends aussi grâce à Dieu en entendant la générosité provenant de ta foi, si manifeste aux yeux de tous, pour les bonnes œuvres qui se pratiquent dans ta maison par amour de Jésus-Christ. Nous avons été comblés de joie et de consolation, ô cher frère, en sachant que les fidèles ont trouvé tant de soulagement grâce à ta bonté. Aussi, bien que je puisse me prévaloir en Christ d’une pleine liberté de t’ordonner une chose qui est ton devoir, je veux plutôt, au nom de l’amour que je te porte, te présenter une requête, même si je suis ce que je suis à ton égard, c’est-à-dire, même si je suis Paul déjà vieux et actuellement prisonnier pour la foi de Jésus-Christ.
            « La prière que je te fais est pour Onésime, mon fils, que j’ai engendré dans mes chaînes, qui autrefois t’a été inutile, mais qui maintenant sera très utile aussi bien à toi qu’à moi. Je te le renvoie et je te prie de l’accueillir comme mes entrailles. J’aurais voulu le garder près de moi, afin qu’il me rende service à ta place, étant dans les chaînes que je porte par amour de l’Évangile ; mais je n’ai pas voulu faire quoi que ce soit sans ton consentement, car je désire que le bien que je te propose soit pleinement volontaire, non forcé. Peut-être a-t-il été séparé de toi pour un certain temps, afin que tu le retrouves pour toujours, non plus comme esclave, mais comme quelqu’un qui, d’esclave, est devenu l’un de nos frères bien-aimés. Si donc il m’est cher, combien plus le sera-t-il à toi, tant comme homme que comme frère dans le Seigneur.
            « Si donc tu me considères comme uni à toi, accueille-le comme tu m’accueillerais moi-même. S’il t’a causé quelque dommage ou te doit quelque chose, impute-le à moi. Moi, Paul, je l’écris de ma propre main : je te restituerai tout, pour ne pas te dire que tu me dois de toi-même. Oui, ô frère, je m’attends à recevoir de toi cette joie dans le Seigneur. Donne-moi cette consolation en Christ ! Je t’écris en ayant confiance en ton obéissance, sachant que tu feras même plus que ce que je te demande. Je te prie aussi de me préparer un logement, car j’espère que, grâce à vos prières, Dieu me permettra de revenir vers vous.
            « Épaphras, qui est prisonnier avec moi pour Christ Jésus, te salue ainsi que Marc, Aristarque, Démas et Luc, mes collaborateurs. Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit. Amen ».
            Épaphras, dont parle ici Saint Paul, avait été converti à la foi par lui lorsqu’il prêchait en Phrygie. Devenu ensuite apôtre de sa patrie, il fut créé évêque de Colosses. Il alla à Rome pour visiter Saint Paul et fut emprisonné avec lui. Ayant ensuite été libéré, il retourna gouverner son Église de Colosses, où il termina sa vie avec la couronne du martyre.
            Marc, dont il est question ici, est Jean-Marc, qui, après avoir beaucoup peiné avec Saint Barnabé dans la prédication de l’Évangile, s’était ensuite joint à Saint Paul, réparant ainsi la faiblesse qu’il avait montrée en abandonnant Saint Paul et Saint Barnabé pour retourner chez lui.
            À l’arrivée d’Onésime à Colosses, il se présenta avec la lettre à son maître, qui l’accueillit avec le plus grand amour, content de retrouver non pas un esclave, mais un chrétien. Il lui donna son plein pardon et, ayant compris par la lettre du saint Apôtre qu’Onésime pourrait rendre quelque service, il le renvoya à lui avec mille salutations et bénédictions.
            Ce serviteur se montra vraiment fidèle à sa vocation de chrétien. Saint Paul, le voyant orné des vertus et de la science nécessaires pour être un prédicateur de l’Évangile, l’ordonna prêtre et plus tard le consacra évêque d’Éphèse. Il reçut la couronne du martyre, et l’Église catholique fait mémoire de lui le 16 février.

CHAPITRE XXVIII. Saint Paul écrit aux Colossiens, aux Éphésiens et aux Hébreux — An 62 ap. J.-C.

            Le zèle de notre Apôtre était infatigable et, puisque ses chaînes le retenaient à Rome, il s’efforçait d’envoyer ses disciples ou d’écrire des lettres partout où il en avait connu le besoin. Parmi d’autres choses, il lui fut rapporté qu’à Colosses, où habitait Philémon, des questions étaient survenues à cause de certains faux prédicateurs qui voulaient obliger à la circoncision et aux cérémonies légales tous les Gentils qui venaient à la foi. De plus, ils étaient parvenus à introduire un culte superstitieux des anges. Paul, en tant qu’Apôtre des Gentils, informé de ces nouveautés dangereuses, écrivit une lettre qu’il faudrait lire intégralement pour en goûter la beauté et la sublimité des sentiments. Cependant, les mots concernant la tradition méritent d’être notés : « Les choses, dit-il, qui me tiennent le plus à cœur, vous seront dites verbalement par Tychique et par Onésime, qui vous sont envoyés dans ce but ». Ces mots montrent que l’Apôtre avait des choses de grande importance non écrites, mais qu’il communiquait verbalement sous forme de tradition.
            Une chose qui causa une vive inquiétude à notre Apôtre furent les nouvelles d’Éphèse. Lorsqu’il se trouvait à Milet et convoqua les principaux pasteurs, il leur avait dit qu’à cause des maux qu’il devait supporter, il croyait qu’ils ne verraient plus son visage. Cela laissa ces fidèles si attachants dans la plus grande consternation. Le saint Apôtre, conscient de la tristesse qui tourmentait les Éphésiens, écrivit une lettre pour les consoler.
            Parmi d’autres choses, il recommande de considérer Jésus-Christ comme le chef de l’Église et de rester unis à lui par la personne de ses Apôtres. Il recommande chaudement de s’éloigner de certains péchés qui ne doivent même pas être nommés parmi les chrétiens : « La fornication, dit-il, l’impureté et l’avarice ne doivent pas même être nommées parmi vous » (chapitre 5, verset 5).
            S’adressant ensuite aux jeunes, il dit ces mots affectueux : « Enfants, je vous le recommande dans le Seigneur, soyez obéissants à vos parents, car c’est juste. Honore ton père et ta mère, dit le Seigneur. Si tu observes ce commandement, tu seras heureux et vivras longtemps sur la terre ».
            Puis il parle ainsi aux parents : « Et vous, pères, n’irritez pas vos enfants, mais élevez-les dans la discipline et l’instruction du Seigneur. Vous, serviteurs, obéissez à vos maîtres comme au Christ, non pour être vus des hommes, mais comme serviteurs du Christ, faisant la volonté de Dieu de tout cœur. Vous, maîtres, faites de même envers eux, évitant les menaces, sachant que le Seigneur, le leur et le vôtre, est dans les cieux, et qu’auprès de lui il n’y a pas de préférence de personnes ».
            Cette lettre fut portée à Éphèse par Tychique, le fidèle disciple qui, avec Onésime, avait apporté la lettre écrite aux Colossiens.
            De Rome, il écrivit aussi sa lettre aux Hébreux, c’est-à-dire aux Juifs de Palestine convertis à la foi. Son but était de les consoler et de les prémunir contre les séductions de certains autres Juifs. Il démontre comment les sacrifices, les prophéties et la loi ancienne se sont réalisés en Jésus-Christ et que c’est à lui seul qu’il faut rendre honneur et gloire pour tous les siècles. Il insiste pour qu’ils restent constamment unis au Sauveur par la foi, sans laquelle personne ne peut plaire à Dieu ; mais il souligne que cette foi ne justifie pas sans les œuvres.

CHAPITRE XXIX. Saint Paul est libéré — Martyre de Saint Jacques le Mineur — An 63 ap. J.-C.

            Quatre ans s’étaient déjà écoulés depuis que le saint Apôtre était retenu prisonnier : deux ans à Césarée et deux à Rome. Néron l’avait fait comparaître devant son tribunal et avait reconnu son innocence ; mais, par haine envers la religion chrétienne ou par l’indifférence de cet empereur cruel, il avait continué à renvoyer Paul en prison. Enfin, il se résolut à lui accorder la pleine liberté. On attribue généralement cette décision aux grands remords que ce tyran éprouvait pour les atrocités commises. Il était même allé jusqu’à faire assassiner sa mère. Après de tels méfaits, il ressentait les remords les plus aigus, car les hommes, aussi scélérats soient-ils, ne peuvent s’empêcher de sentir en eux les tourments de la conscience.
            Donc, pour apaiser d’une certaine manière son âme, Néron pensa à accomplir quelques bonnes œuvres et, entre autres, à donner la liberté à Paul. Devenu maître de lui-même, le grand Apôtre se servit de la liberté pour porter avec plus d’ardeur la lumière de l’Évangile à d’autres nations plus lointaines.
            Peut-être que quelqu’un se demandera ce que les Juifs de Jérusalem ont fait en voyant Paul soustrait à leurs mains. Je le dirai brièvement. Ils tournèrent toute leur fureur contre Saint Jacques, dit le Mineur, évêque de cette ville. Le gouverneur Festus était mort ; son successeur n’était pas encore entré en fonction. Les Juifs profitèrent de cette occasion pour se présenter en masse au grand prêtre, appelé Anan, fils de cet Anne et beau-frère de Caïphe, qui avaient fait condamner le Sauveur.
            Décidés à le faire condamner, ils craignaient grandement le peuple qui l’aimait comme un tendre père et se reflétait dans ses vertus ; il était appelé par tous le Juste. L’histoire nous dit qu’il priait avec une telle assiduité que la peau de ses genoux était devenue comme celle du chameau. Il ne buvait ni vin ni autres liquides enivrantes ; il était très strict dans le jeûne, sobre dans la nourriture, dans la boisson et dans l’habillement. Tout ce qui était superflu, il le donnait aux pauvres.
            Malgré ces belles qualités, ces obstinés trouvèrent moyen de donner à la sentence au moins une apparence de justice avec une ruse digne d’eux. D’accord avec le grand prêtre, les Sadducéens, les Pharisiens et les Scribes organisèrent un tumulte et coururent vers Jacques, disant parmi mille cris : « Tu dois immédiatement retirer de l’erreur ce peuple innombrable, qui croit que Jésus est le Messie promis. Puisque tu es appelé le Juste, tous croient en toi ; monte donc au sommet de ce temple, afin que chacun puisse te voir et t’entendre, et rends témoignage à la vérité ».
            Ils le conduisirent donc sur une haute loggia à l’extérieur du temple et, quand ils le virent là-haut, ils s’écrièrent avec ironie : « Ô homme juste, dis-nous ce que l’on doit croire de Jésus crucifié ». Le lieu ne pouvait être plus solennel. Il s’agissait soit de renier la foi, soit, en prononçant un mot en faveur de Jésus-Christ, être immédiatement mis à mort. Mais le zèle du saint Apôtre sut tirer tout profit de cette occasion.
            « Et pourquoi, s’écria-t-il à haute voix, pourquoi m’interrogez-vous sur Jésus, Fils de l’homme et en même temps Fils de Dieu ? En vain vous feignez de mettre en doute ma foi en ce véritable Rédempteur. Je déclare devant vous qu’il est au ciel, assis à la droite de Dieu Tout-Puissant, d’où il viendra juger le monde entier ». Beaucoup crurent en Jésus-Christ et, dans la simplicité de leur âme, commencèrent à s’écrier : « Gloire au Fils de David ! ».
            Les Juifs, déçus dans leurs attentes, se mirent à crier furieusement : « Il a blasphémé ! Qu’il soit immédiatement précipité et qu’on lui ôte la vie ». Ils coururent tout de suite et le poussèrent en bas sur les dalles de la place.
            Il ne mourut pas sur le coup mais, réussissant à se relever, il se mit à genoux et, à l’exemple du Sauveur, invoquait la divine miséricorde sur ses ennemis, en disant : « Pardonne-leur, Seigneur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ».
            Alors les ennemis furieux, incités par le pontife, lui lancèrent une pluie de pierres jusqu’à ce qu’un d’eux, lui assénant un coup de masse sur la tête, le mit à terre mort. Beaucoup de fidèles furent massacrés avec cet Apôtre, toujours pour la même cause, c’est-à-dire par haine du christianisme (cf. Eusèbe, Histoire Ecclésiastique).

CHAPITRE XXX. Autres voyages de Saint Paul — Il écrit à Timothée et à Tite — Son retour à Rome — An 68 ap. J.-C.

            Libéré des chaînes de la prison, Saint Paul se dirigea vers les lieux où il avait l’intention d’aller. Il se rendit donc en Judée pour visiter les Juifs, mais il s’y arrêta peu, car ces obstinés commençaient déjà à raviver la persécution primitive. Il alla à Colosses, selon la promesse faite à Philémon. Il se rendit en Crète, où il prêcha l’Évangile et où il ordonna Tite évêque de cette île. Il retourna en Asie pour visiter les Églises de Troas, Iconium, Lystres, Milet, Corinthe, Nicopolis et Philippes. De cette ville, il écrivit une lettre à son Timothée, qu’il avait ordonné évêque d’Éphèse.
            Dans cette lettre, l’Apôtre lui donne diverses règles pour la consécration des évêques et des prêtres et pour l’exercice de la discipline ecclésiastique. Presque en même temps, il écrivit une lettre à Tite, évêque de Crète, lui donnant presque les mêmes conseils que ceux donnés à Timothée et l’invitant à venir bientôt le voir.
            On croit communément qu’il est allé prêcher en Espagne et dans de nombreux autres lieux. Il passa cinq ans en missions et en travaux apostoliques. Mais les faits particuliers de ces voyages, les conversions opérées par ses soins dans les différents pays, ne nous sont pas connus. Disons seulement avec Saint Anselme que « le saint Apôtre courut de la Mer Rouge jusqu’à l’Océan, portant partout la lumière de la vérité. Il fut comme le soleil qui éclaire tout le monde d’Orient en Occident, si bien que ce fut plus le monde et les peuples qui manquèrent à Paul, que Paul à manquer à quelqu’un des hommes. Voilà la mesure de son zèle et de sa charité ».
            Alors que Paul était occupé dans les travaux de l’apostolat, il apprit qu’à Rome une persécution féroce avait éclaté sous l’empire de Néron. Paul imagina immédiatement le grave besoin de soutenir la foi en de telles occasions et prit immédiatement le chemin de Rome.
            Arrivé en Italie, il trouva partout publiés les édits de Néron contre les fidèles. Il entendait des crimes et des calomnies qui leur étaient imputés ; partout il voyait des croix, des bûchers et d’autres genres de supplices préparés pour les confesseurs de la foi, et cela doublait chez Paul le désir de se trouver bientôt parmi ces fidèles. À peine arrivé, comme celui qui s’offrait lui-même à Dieu, il se mit à prêcher dans les places publiques, dans les synagogues, tant aux Gentils qu’aux Juifs. À ces derniers, qui s’étaient presque toujours montrés obstinés, il prêchait l’imminente réalisation des prophéties du Sauveur, qui annonçaient la destruction de la ville et du temple de Jérusalem avec la dispersion de toute cette nation. Il suggérait cependant un moyen d’éviter les fléaux divins : se convertir de cœur et reconnaître leur Sauveur en ce Jésus qu’ils avaient crucifié.
            Aux Gentils, il prêchait la bonté et la miséricorde de Dieu, qui les invitait à la pénitence ; c’est pourquoi, il les exhortait à abandonner le péché, à mortifier les passions et à embrasser l’Évangile. À cette prédication, confirmée par des miracles continus, les auditeurs venaient en foule demander le baptême. Ainsi, l’Église, persécutée par le fer, le feu et mille terreurs, apparaissait plus belle et florissante et augmentait chaque jour le nombre de ses élus.
            Que dire de plus ? Saint Paul poussa tellement son zèle et sa charité qu’il réussit à gagner un certain Proclus, intendant du palais impérial, et même l’épouse de l’empereur. Ceux-ci embrassèrent avec ardeur la foi et moururent martyrs.

CHAPITRE XXXI. Saint Paul est de nouveau emprisonné — Il écrit la deuxième lettre à Timothée — Son martyre — Années 69-70 ap. J.-C.

            Avec Saint Paul était venu à Rome également Saint Pierre, qui y tenait depuis 25 ans le siège de la chrétienté. Il était également allé ailleurs prêcher la foi et, lorsqu’il fut informé de la persécution suscitée contre les chrétiens, il retourna immédiatement à Rome. Les deux princes des Apôtres travaillèrent de concert jusqu’à ce que Néron, irrité par les conversions qui s’étaient faites dans sa cour et plus encore par la mort ignominieuse du magicien Simon (comme c’est raconté dans la vie de Saint Pierre), ordonna qu’on recherchât avec le plus grand rigueur Saint Pierre et Saint Paul et qu’on les conduisît dans la prison Mamertine, au pied de la colline du Capitole. Néron avait l’intention de faire conduire les deux Apôtres au supplice immédiatement, mais il en fut détourné par des affaires politiques et par une conspiration tramée contre lui. De plus, il avait délibéré de rendre son nom glorieux en coupant l’isthme de Corinthe, une langue de terre large d’environ neuf miles. Cette entreprise ne put se réaliser, mais laissa un an à Paul pour gagner encore des âmes à Jésus-Christ.
            Il réussit à convertir de nombreux prisonniers, quelques gardes et d’autres personnages éminents, qui, par désir de s’instruire ou par curiosité, venaient l’écouter, car Saint Paul, pendant sa prison, pouvait être librement visité et écrivait des lettres où il en avait connu le besoin. C’est de la prison de Rome qu’il écrivit la deuxième lettre à Timothée.
            Dans cette lettre, l’Apôtre annonce que sa mort est proche, montre un vif désir que Timothée vienne le voir pour l’assister, étant presque abandonné de tous. Cette lettre peut être appelée le testament de Saint Paul ; et, entre autres choses, elle fournit aussi l’une des plus grandes preuves en faveur de la tradition. « Ce que tu as entendu de moi, lui dit-il, veille à le transmettre à des hommes fidèles et capables de l’enseigner à d’autres après toi ». Dans ces mots, nous apprenons que, outre la doctrine écrite, il existe d’autres vérités non moins utiles et certaines qui doivent être transmises oralement, sous forme de tradition, en une succession ininterrompue pour tous les temps futurs.
            Il donne ensuite de nombreux conseils utiles à Timothée pour la discipline de l’Église, pour reconnaître diverses hérésies qui se répandaient parmi les chrétiens. Et, pour atténuer la blessure que la nouvelle de sa mort imminente lui causerait, il l’encourage ainsi : « Ne t’attriste pas pour moi, au contraire, si tu m’aimes, réjouis-toi dans le Seigneur. J’ai combattu le bon combat, j’ai terminé ma course, j’ai gardé la foi. Maintenant, il ne me reste plus qu’à recevoir la couronne de justice que le Seigneur, juste juge, me remettra en ce jour, lorsque, ayant offert en sacrifice ma vie, je me présenterai à lui. Cette couronne, il ne la rendra pas seulement à moi, mais à tous ceux qui, par leurs bonnes œuvres, se préparent à la recevoir lors de sa venue ».
            Paul eut dans sa prison un réconfort d’un certain Onésiphore. Celui-ci, étant venu à Rome et ayant su que Paul, son ancien maître et père en Jésus-Christ, était en prison, alla le trouver et se proposa de le servir. L’Apôtre éprouva une grande consolation pour cette tendre charité et, en écrivant à Timothée, il lui fait de nombreux éloges et prie Dieu pour lui.
            « Que Dieu, lui écrit-il, fasse miséricorde à la famille d’Onésiphore, qui m’a souvent réconforté et n’a pas eu honte de mes chaînes ; au contraire, étant venu à Rome, il m’a cherché avec sollicitude et m’a trouvé. Que le Seigneur lui accorde de trouver miséricorde auprès de lui en ce jour. Et tu sais bien combien de services il m’a rendus à Éphèse ».
            Entre-temps, Néron était revenu de Corinthe tout irrité parce que l’entreprise de l’isthme n’avait pas réussi. Il se mit avec une plus grande colère à persécuter les chrétiens ; et son premier acte fut de faire exécuter la sentence de mort contre Saint Paul. D’abord, il fut battu avec des verges, et l’on montre encore à Rome la colonne à laquelle il était lié lorsqu’il subit cette flagellation. Il est vrai qu’avec cela il perdait le privilège de citoyen romain, mais il acquérait le droit de citoyen du ciel ; c’est pourquoi il éprouvait la plus grande joie de se voir assimilé à son divin Maître. Cette flagellation était le prélude à son décapitation.
            Paul était condamné à mort parce qu’il avait outragé les dieux ; pour ce seul titre, il était permis de couper la tête à un citoyen romain. Belle faute ! Être considéré comme impie parce que, au lieu d’adorer des pierres et des démons, on veut adorer le seul vrai Dieu et son Fils Jésus-Christ. Dieu lui avait déjà révélé le jour et l’heure de sa mort ; c’est pourquoi il éprouvait une joie déjà toute céleste. « Je désire, s’écriait-il, être délivré de ce corps pour être avec Christ ». Enfin, par une bande de sbires, il fut tiré de prison et conduit hors de Rome par la porte appelée porte d’Ostie ; le faisant marcher vers un marais le long du Tibre, ils arrivèrent à un endroit appelé Eaux Salviennes, à environ trois miles de Rome.
            On raconte qu’une matrone, appelée Plautilla, épouse d’un sénateur romain, voyant le saint Apôtre mal en point et conduit à la mort, se mit à pleurer de manière désespérée. Saint Paul la consola en lui disant : « Ne pleure pas, je te laisserai un souvenir de moi qui te sera très cher. Donne-moi ton voile ». Elle le lui donna. Avec ce voile, les yeux du saint furent bandés avant d’être décapités. Et, par ordre du saint, il fut restitué ensanglanté à Plautilla, qui le conserva comme relique.
            Arrivé au lieu du supplice, Paul plia les genoux et, le visage tourné vers le ciel, recommanda à Dieu son âme et l’Église ; puis il inclina la tête et reçut le coup de l’épée qui lui trancha la tête du tronc. Son âme s’envola pour rencontrer ce Jésus qu’il désirait tant voir.
            Les anges l’accueillirent et l’introduisirent dans une immense joie pour participer au bonheur du ciel. Il est certain que le premier à qui il dut rendre grâce fut Saint Étienne, à qui, après Jésus, il était redevable de sa conversion et de son salut.

CHAPITRE XXXII. Enterrement de Saint Paul — Merveilles opérées près de sa tombe — Basilique qui lui est dédiée

            Le jour où Saint Paul fut mis à mort hors de Rome, aux Eaux Salviennes, fut le jour où Saint Pierre obtint la palme du martyre au pied du mont Vatican, le 29 juin. Saint Paul avait 65 ans. L’historien Baronius, qui est appelé le père de l’histoire ecclésiastique, raconte comment la tête de Saint Paul, à peine coupée du corps, laissa couler du lait au lieu de sang. À la vue de ce miracle, deux soldats se convertirent à Jésus-Christ. Sa tête, tombant ensuite à terre, fit trois sauts, et là où elle toucha le sol jaillirent trois sources d’eau vive. Pour conserver la mémoire de cet événement glorieux, une église fut élevée dont les murs renferment ces fontaines, qui s’appellent encore aujourd’hui Fontaines de Saint Paul (cf. F. Baronius, année 69-70).
            De nombreux voyageurs (cf. Cesari et Tillemont) se rendirent sur les lieux pour être témoins de ce fait et nous assurent que ces trois sources qu’ils ont vues et goûtées ont un goût semblable à celui du lait. À cette époque, la sollicitude des chrétiens pour recueillir et enterrer les corps de ceux qui donnaient leur vie pour la foi était immense. Deux femmes, l’une appelée Basilissa et l’autre Anastasia, étudièrent le moyen et le moment de récupérer le cadavre du saint Apôtre et, de nuit, lui donnèrent sépulture à deux miles du lieu où il avait subi le martyre, à un mile de Rome. Néron, par l’intermédiaire de ses espions, apprit l’œuvre de ces pieuses femmes et cela suffit à les faire mourir, leur tranchant les mains, les pieds et ensuite la tête.
            Sachant que le corps de Paul avait été enterré par les fidèles, les Gentils ne purent jamais connaître le lieu exact. Cela n’était connu que des chrétiens, qui le gardaient secret comme le trésor le plus précieux et lui rendaient l’honneur le plus grand possible. Mais l’estime que les fidèles avaient pour ces reliques atteignit un tel point que certains marchands d’Orient, venus à Rome, tentèrent de les voler et de les emporter dans leur pays. Ils les déterrèrent secrètement dans les catacombes, à deux miles de Rome, attendant le moment propice pour les transporter. Mais au moment d’exécuter leur projet, un horrible orage se leva avec des éclairs et des tonnerres terribles, si bien qu’ils furent contraints d’abandonner l’entreprise. Apprenant cela, les chrétiens de Rome allèrent chercher le corps de Paul et le ramenèrent à son premier lieu le long de la voie d’Ostie.
            À l’époque de Constantin le Grand, une superbe basilique fut édifiée en l’honneur et au-dessus du sépulcre de notre Apôtre. En tout temps, rois et empereurs, oubliant leur grandeur, pleins de crainte et de vénération, se rendirent à ce sépulcre pour embrasser le cercueil qui renferme les os du saint Apôtre.
            Même les Pontifes Romains ne s’approchaient, ni ne s’approchent, du lieu de son enterrement que pleins de vénération, et n’ont jamais permis à quiconque de prélever une particule de ces os vénérables. Divers princes et rois en firent de vives demandes, mais aucun Pape ne jugea pouvoir les satisfaire. Cette grande révérence était beaucoup accrue par les miracles continus qui s’opéraient près de ce sépulcre. Saint Grégoire le Grand en rapporte beaucoup et assure que personne n’entrait dans ce temple pour prier sans trembler. Ceux qui auraient osé le profaner ou tenté d’en emporter même une petite parcelle étaient punis par Dieu avec une vengeance manifeste.
            Grégoire XI fut le premier qui, en cas de calamité publique, presque contraint par les prières et les instances du peuple de Rome, prit la tête du Saint, la leva haut, la montra à la multitude qui pleurait de tendresse et de dévotion et, immédiatement, la reposa là d’où il l’avait prélevée.
            Maintenant, la tête de ce grand Apôtre est dans l’église Saint-Jean de Latran ; le reste du corps a toujours été conservé dans la basilique Saint-Paul hors les murs, le long de la voie d’Ostie, à un mile de Rome.
            Ses chaînes furent également l’objet de dévotion auprès des fidèles chrétiens. Par le contact avec ces fers glorieux, de nombreux miracles furent opérés, et les plus grands personnages du monde considérèrent toujours comme une précieuse relique de pouvoir avoir un peu de limaille de celles-ci.

CHAPITRE XXXIII. Portrait de Saint Paul — Image de son esprit — Conclusion

            Pour que la dévotion envers ce prince des Apôtres reste mieux gravée dans l’esprit, il est utile de donner une idée de son apparence physique et de son esprit.
            Paul n’avait pas une apparence très avenante, comme il le dit lui-même. Il était de petite stature, de constitution forte et robuste, et il en donna des preuves par les longues et lourdes fatigues qu’il soutint dans sa carrière, sans jamais être malade, sauf pour les maux causés par les chaînes et la prison. Ce n’est qu’à la fin de ses jours qu’il marchait un peu courbé. Il avait le visage clair, la tête petite et presque entièrement chauve, ce qui dénotait un caractère sanguin et ardent. Il avait le front large, des sourcils noirs et bas, un nez aquilin, une barbe longue et fournie. Mais ses yeux étaient extrêmement vifs et brillants, avec une douceur qui tempérait l’impétuosité de ses regards. Voilà le portrait de son apparence physique.
            Mais que dire de son esprit ? Nous le connaissons par ses propres écrits. Il avait un esprit aigu et sublime, une âme noble, un cœur généreux. Tels étaient son courage et sa fermeté qu’il tirait force et vigueur même des difficultés et des dangers. Il était très expérimenté dans la science de la religion juive. Il était profondément érudit dans les Saintes Écritures et cette science, aidée par les lumières de l’Esprit Saint et par la charité de Jésus-Christ, fit de lui ce grand Apôtre qui fut surnommé le Docteur des Gentils. Saint Jean Chrysostome, dévot de notre saint, désirait ardemment pouvoir voir Saint Paul en chaire, car, disait-il, les plus grands orateurs de l’antiquité auraient paru languissants et froids par comparaison. Il n’est pas nécessaire de dire davantage sur ses vertus, car ce que nous avons exposé jusqu’à présent n’est autre qu’une trame des vertus héroïques qu’il fit briller en tout lieu, en tout temps et avec tout genre de personnes.
            Pour conclure ce qui a été dit sur ce grand saint, il convient de noter une vertu qu’il fit briller au-dessus de toutes les autres : la charité envers le prochain et l’amour envers Dieu. Il défiait toutes les créatures de le séparer de l’amour de son divin Maître. « Qui me séparera, s’exclamait-il, de l’amour de Jésus-Christ ? Les tribulations ou les angoisses, ou la faim, ou la nudité, ou les dangers, ou les persécutions ? Non, certainement. Je suis persuadé que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les principautés, ni les puissances, ni les choses présentes ni futures, ni aucune créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu, qui est en Christ Jésus notre Seigneur ». Voilà le caractère du vrai chrétien : être prêt à tout perdre, à tout souffrir, plutôt que de dire ou de faire la moindre chose contraire à l’amour de Dieu.
            Saint Paul passa plus de trente ans de sa vie comme ennemi de Jésus-Christ ; mais à peine fut-il éclairé par sa grâce céleste, il se donna entièrement à lui, et ne se sépara plus jamais de lui. Il passa ensuite plus de trente-six ans dans les plus austères pénitences, dans les plus dures fatigues, et cela pour glorifier ce Jésus qu’il avait persécuté.
            Cher lecteur chrétien, toi qui lis et moi qui écris avons passé peut-être une partie de notre vie à offenser le Seigneur ! Mais ne perdons pas courage : il y a encore du temps pour nous ; la miséricorde de Dieu nous attend.
            Mais ne remettons pas la conversion, car si nous attendons demain pour régler les choses de l’âme, nous courons le grave risque de ne plus avoir de temps. Saint Paul travailla trente-six ans au service du Seigneur ; maintenant depuis 1800 ans, il jouit de l’immense gloire du ciel et en jouira pour tous les siècles. Le même bonheur est préparé aussi pour nous, à condition que nous nous donnions à Dieu tant que nous avons le temps et que nous persévérions dans le saint service jusqu’à la fin. Ce que l’on souffre dans ce monde n’est rien, mais ce que nous goûterons dans l’autre est éternel. Saint Paul lui-même nous en assure.

Troisième édition
Librairie Salésienne Éditrice
1899
Propriété de l’éditeur
S. Pier d’Arena, École Typographique Salésienne
Hospice S. Vincent de Paul
(N. 1267 — M)




Le Jubilé de 2025 et les basiliques jubilaires

Le 24 décembre 2024, Veille de Noël, le Pape a ouvert la Porte de Bronze dans la Basilique Saint-Pierre, marquant ainsi le début du Jubilé de 2025. Ce geste a été répété par la suite dans d’autres basiliques : le 27 décembre, à l’occasion de la fête de Saint Jean Apôtre et Évangéliste, dans la Basilique du Latran (dont il est co-patron) ; le 1er janvier 2025, solennité de Sainte Marie Mère de Dieu, dans la Basilique Sainte-Marie-Majeure ; enfin, le 5 janvier, Veille de l’Épiphanie, dans la Basilique Saint-Paul hors les Murs.
Ci-dessous, nous expliquons brièvement ce qu’est le Jubilé et quelles sont les basiliques jubilaires où il est possible d’obtenir l’Indulgence plénière.

Origine
Parfois, on confond le premier Jubilé et la première Bulle qui en établit la cadence, mais le Jubilé trouve ses racines dans la législation biblique. C’est Dieu lui-même qui a ordonné à Moïse de célébrer une année « jubilaire » tous les cinquante ans (Lévitique 25). Au fil des siècles, cette pratique a été transmise à la communauté chrétienne, s’adaptant progressivement aux besoins et aux traditions de l’Église.

En 1300, face à l’afflux massif de pèlerins à Rome, le pape Boniface VIII a publié la bulle Antiquorum habet fida relatio, qui n’instituait pas le Jubilé ex novo, mais reconnaissait la tradition séculaire déjà existante. Il mena plusieurs enquêtes, interrogeant même des personnes très âgées, comme un Savoyard de 107 ans qui se souvenait d’avoir été porté à Rome par son père cent ans auparavant, pour obtenir « de grandes Indulgences ». Cette conviction diffuse poussa Boniface VIII à déclarer par un acte solennel ce qui était transmis oralement, à savoir la possibilité d’obtenir l’Indulgence plénière en visitant la Basilique Saint-Pierre durant l’année « séculaire ».

À l’origine, selon la bulle de Boniface VIII, le Jubilé devait être célébré tous les cent ans. Cependant, les échéances changèrent au fil du temps :
– Le pape Clément VI le réduisit à tous les cinquante ans (reprenant ainsi la cadence de l’Ancien Testament) ;
– Le pape Grégoire XI le fixa tous les trente-trois ans, en mémoire des années de vie de Jésus ;
– Le pape Paul II établit finalement la cadence de vingt-cinq ans, afin que le plus de fidèles possible, y compris les jeunes, puissent bénéficier de cette grâce au moins une fois dans leur vie (compte tenu de la faible espérance de vie de l’époque).

En plus des Jubilés « ordinaires » (tous les 25 ans), des Jubilés « extraordinaires » sont parfois proclamés pour des circonstances particulières ou des nécessités de l’Église. Les trois derniers Jubilés extraordinaires ont été :
– 1933-1934 : Jubilé extraordinaire de la Rédemption (1900e anniversaire de la Rédemption du Christ, traditionnellement datée de l’an 33 après J.-C.) ;
– 1983-1984 : Jubilé extraordinaire de la Rédemption (1950e anniversaire de la Rédemption du Christ) ;
– 2015-2016 : Jubilé extraordinaire de la Miséricorde (pour mettre au centre le thème de la Miséricorde).
Comme tous ne pouvaient se rendre à Rome, les Papes ont accordé la possibilité d’obtenir l’Indulgence plénière également à ceux qui, pour des raisons économiques ou d’autre nature, ne pouvaient pas voyager. À la place du pèlerinage, d’autres œuvres de piété, de pénitence et de charité pouvaient être accomplies, comme cela se fait encore aujourd’hui.

Signification et esprit du Jubilé
Le Jubilé est un temps fort de pénitence et de conversion, visant à la rémission des péchés et à la croissance dans la grâce de Dieu. En particulier, l’Église nous invite à :

1. Renouveler la mémoire de notre Rédemption et susciter une vive gratitude envers le Divin Sauveur.
2. Raviver en nous la foi, l’espérance et la charité.
3. Nous prémunir, grâce aux lumières particulières que le Seigneur accorde en cette période de grâce, contre les erreurs, l’impiété, la corruption et les scandales qui nous entourent.
4. Réveiller et accroître l’esprit de prière, arme fondamentale du chrétien.
5. Cultiver la pénitence du cœur, corriger les comportements et réparer par les bonnes œuvres les péchés qui attirent sur nous la colère de Dieu.
6. Obtenir, par la conversion des pécheurs et le perfectionnement des justes, que Dieu anticipe dans sa miséricorde le triomphe de la vérité enseignée par l’Église.

Un des moments culminants pour le fidèle durant le Jubilé est le passage par la Porte Sainte, geste qui doit être précédé d’un parcours de préparation lointaine (prière, pénitence et charité) et d’une préparation proche (l’accomplissement des conditions pour recevoir l’Indulgence plénière). Il est important de rappeler qu’on ne peut pas recevoir l’Indulgence plénière si l’on se trouve en état de péché grave.

Les conditions pour recevoir l’Indulgence plénière sont :
1. Confession sacramentelle.
2. Communion eucharistique.
3. Prière aux intentions du Saint-Père (un Notre Père et un Je vous salue).
4. Disposition intérieure de total détachement du péché, même véniel (c’est-à-dire la ferme volonté de ne plus vouloir offenser Dieu).
Si la pleine disposition fait défaut ou si toutes les conditions ne sont pas respectées, l’indulgence est seulement partielle.

Informations sur le Jubilé de 2025
Comme d’habitude, ce Jubilé a également été convoqué par une Bulle d’Indiction, intitulée Spes non confundit, consultable ICI. Des Normes sur la Concession de l’Indulgence durant le Jubilé Ordinaire de 2025 sont également disponibles et lisibles ICI. Le site web officiel du Jubilé de 2025, avec des informations sur l’organisation, les événements, le calendrier et plus encore, se trouve ICI.

Dans la tradition jubilaire de l’Église Catholique, les pèlerins, arrivés à Rome, effectuent un « pieux pèlerinage » dans les églises enrichies d’indulgence. Cette coutume remonte à l’époque des premiers chrétiens, qui aimaient prier sur les tombes des apôtres et des martyrs, certains de recevoir des grâces particulières par l’intercession de Saint Pierre, de Saint Paul et des nombreux martyrs qui ont imprégné la terre de Rome de leur sang.

En 2025, plusieurs parcours de pèlerinage ont été proposés, et dans chacune des églises signalées il est possible d’obtenir l’Indulgence plénière. Toutes les basiliques et églises mentionnées ci-après ont été enrichies de cette grâce jubilaire.

1. Itinéraire des quatre Basiliques Papales
Les quatre Basiliques Papales de Rome sont :
1.1 Saint-Pierre au Vatican
1.2 Saint-Jean de Latran
1.3 Sainte-Marie-Majeure
1.4 Saint-Paul hors les Murs

2. Pèlerinage des 7 églises
Le pèlerinage des Sept Églises, initié par Saint Philippe Néri au XVIe siècle, est l’une des traditions romaines les plus anciennes. L’itinéraire, long d’environ 25 km, traverse toute la ville, comprenant également la campagne romaine et les catacombes. En plus des quatre Basiliques Papales, il inclut :
2.5 Basilique Saint-Laurent hors les Murs
2.6 Basilique Sainte-Croix de Jérusalem
2.7 Basilique Saint-Sébastien hors les Murs

3. « Iter Europaeum »
L’Iter Europaeum est un pèlerinage à travers 28 églises et basiliques de Rome, chacune associée à un des États membres de l’Union Européenne pour sa valeur artistique, culturelle ou pour la tradition d’accueil des pèlerins venant de ce pays spécifique.

4. Femmes Patronnes d’Europe et Docteurs de l’Église
Ce parcours offre l’opportunité de mieux connaître les saintes européennes, en particulier celles reconnues comme Patronnes de l’Europe ou Docteurs de l’Église. L’itinéraire conduit les pèlerins à travers les ruelles du Rione Monti, la Piazza della Minerva et d’autres lieux emblématiques de Rome, à la découverte de figures féminines de grande importance dans l’histoire du catholicisme.

5. Catacombes chrétiennes
Lieux à la fois historiques et sacrés, où sont conservés les restes mortels de nombreux saints et martyrs.

6. Autres Églises Jubilaires
Dans ces églises, des catéchèses en différentes langues permettent de redécouvrir le sens de l’Année Sainte. Il sera également possible de s’approcher du sacrement de la Réconciliation et d’enrichir son expérience de foi par la prière.

Basiliques ou églises enrichies d’Indulgence plénière
Pour faciliter la visite et la dévotion, nous présentons ici la liste de toutes les basiliques et églises enrichies d’Indulgence plénière pour le Jubilé de 2025, accompagnée de liens vers les sites du Jubilé, Google Maps, les pages web officielles des lieux de culte et d’autres informations utiles. Trois d’entre elles ont été répétées car elles sont incluses dans deux catégories (Basilique Sainte-Marie sopra Minerva, Saint-Paul alla Regola et Sainte-Brigitte au Campo de Fiori).





Basiliques
papales (4)

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1

Basilique
Saint-Pierre au Vatican

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2

Archibasilique
Saint-Jean du Latran

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3

Basilique
Saint-Paul hors les Murs

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4

Basilique
Sainte-Marie-Majeure

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Pèlerinage
des sept Églises (4 papales+3)

5

Basilique
Saint-Laurent hors les Murs

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6

Basilique
Sainte-Croix de Jérusalem

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7

Basilique
Saint-Sébastien hors les Murs

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Catacombes
chrétiennes visitables (7)

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8

Catacombes Saint-Pancrace (Via Vitellia)

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9

Catacombes Domitilla (Via Ardeatina)

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10

Catacombes Saint-Calixte (Via Appia)

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11

Catacombes Saint-Sébastien (Via Appia)

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12

Catacombes Saints Marcellin et Pierre (Via
Labicana)

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13

Catacombes Sainte-Agnès (Via Nomentana)

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14

Catacombes Priscille (Via Salaria nova)

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Iter
Europaeum (28)

15

Basilique
Sainte-Marie in Aracoeli

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16

Saint-Nom-de-Marie
au Forum de Trajan

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17

Saint-Julien
des Flamands

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18

Saint-Paul
alla Regola

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19

Basilique
Sainte-Marie in via Lata

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20

Saint-Jérôme
des Croates

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21

Sainte-Marie
in Traspontina

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22

Basilique
Sainte-Sabine sur l’Aventin

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23

Basilique
Sainte-Marie sopra Minerva

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24

Saint-Louis
des Français

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25

Sainte-Marie
dell’Anima (Institut Pontifical Teutonique)

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26

Saint-Théodore
au Palatin

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27

Saint-Isidore
a Capo le Case

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28

Basilique
Sainte-Marie des Anges et des Martyrs

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de la Croix, Edith Stein)

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Saint-Paul
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Santo
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Saint François de Sales fondateur d’une nouvelle école de perfection

            Pour François de Sales, la vie religieuse est « une école de la perfection », où l’on est plus totalement et plus facilement à Notre-Seigneur. La vie religieuse, disait encore le fondateur de la Visitation, est « une école où l’on apprend sa leçon : le maître ne requiert pas toujours que l’écolier sache sa leçon sans faillir, il suffit qu’il ait attention de faire son possible pour l’apprendre ». Parlant un jour de la congrégation de la Visitation qu’il avait fondée, il emploiera le même langage : « La congrégation est une école » ; on y entre « pour y vaquer à la perfection du divin amour ».
            Il revenait au fondateur de former ses filles spirituelles, faisant office d’« instituteur » et de maître des novices. Il y a excellé. On a pu dire que dans l’histoire de la vie religieuse féminine, saint François de Sales occupe la place que saint Ignace tient dans l’histoire de la vie religieuse pour hommes.

Jeanne de Chantal aux origines de la Visitation
            En 1604, François de Sales rencontra à Dijon, où il prêchait le carême, celle qui allait devenir la « pierre fondamentale » d’un nouvel institut. À cette date, Jeanne-Françoise Frémyot était une jeune veuve de trente-deux ans. À vingt ans elle avait épousé Christophe Rabutin, baron de Chantal et devint la mère de quatre enfants, à commencer par l’aîné Celse Bénigne, suivi de trois filles : Marie Aimée, Françoise et Charlotte. Quinze jours après la naissance de la dernière, son mari fut blessé mortellement au cours d’une partie de chasse. Restée veuve, madame de Chantal continua courageusement à s’occuper de l’éducation de ses enfants et à aider les pauvres.
            À partir de sa rencontre avec l’évêque de Genève naquit une véritable amitié spirituelle qui débouchera sur une nouvelle forme de vie religieuse : une « petite congrégation », sans clôture stricte, pour veuves et jeunes filles que leur âge ou leur condition empêchaient d’entrer dans un ordre réformé plus austère. Six années seront nécessaires pour atteindre ce but.
            Tout d’abord François de Sales l’encourage dans ses épreuves et ses tentations contre la foi et contre l’Église. En 1605, la baronne vint à Sales pour revoir son directeur et traiter à fond avec lui les sujets qui la préoccupaient. Celui-ci répondit évasivement à son désir d’être religieuse, mais il ajouta : « Un jour vous quitterez toutes choses, vous viendrez à moi, et je vous mettrai dans un total dépouillement et nudité de tout pour Dieu ». Pour la préparer à cet objectif lointain, il lui recommande « ces trois petites vertus : la douceur de cœur, la pauvreté d’esprit et la simplicité de vie ; et ces exercices grossiers : visiter les malades, servir aux pauvres, consoler les affligés et semblables ».
            Au début de 1606, alors que le père de la baronne la pressait de se remarier, la question de la vie religieuse devenait urgente. Que faire, se demandait l’évêque de Genève ? Une chose était claire mais l’autre restait en suspens :

J’ai appris que je vous dois un jour conseiller de tout quitter. Je dis tout ; mais que ce soit pour entrer en religion, c’est grand cas, il ne m’est encore point arrivé d’en être d’avis ; j’en suis encore en doute, et ne vois rien devant mes yeux qui me convie à le désirer. Entendez bien, pour l’amour de Dieu ; je ne dis pas que non, mais je dis que mon esprit n’a encore su trouver de quoi dire oui.

            La prudence et la lenteur de François de Sales s’expliquent facilement, car la baronne songeait peut-être à se faire carmélite et lui-même, d’autre part, n’avait pas encore mûri son projet de fondation. Mais l’obstacle principal était que les enfants de madame de Chantal étaient encore en bas âge.

La fondation de la Visitation
            Au cours d’une nouvelle entrevue qui eut lieu à Annecy en 1607 au lendemain de la Pentecôte, il lui déclara cette fois : « Eh bien ! ma fille, je suis résolu de ce que je veux faire de vous », lui dévoilant son projet de fonder avec elle et par elle un nouvel institut. Restaient deux obstacles majeurs à la réalisation : les obligations familiales et maternelles de madame de Chantal et sa « retraite » à Annecy car, disait-il, « il faut planter dans notre petit Annecy le germe de notre congrégation ». Et alors qu’elle rêvait probablement d’une vie purement contemplative, il lui citait en exemple sainte Marthe, mais une Marthe « corrigée » par l’exemple de sa sœur Marie, qui partagerait les heures de ses journées en deux, « donnant une bonne partie aux œuvres extérieures de charité, et la meilleure partie à l’intérieur de la contemplation ».
            Au cours des trois années qui suivirent, les principaux obstacles tombèrent l’un après l’autre : son père et sa parenté se laissèrent peu à peu convaincre de la laisser suivre sa voie ; son père accepta de parfaire l’éducation de Celse-Bénigne ; l’aînée des filles, Marie-Aimée, allait épouser Bernard de Sales, le frère de François, qu’elle rejoindrait en Savoie ; la deuxième fille, Françoise, viendrait avec sa mère à Annecy ; quant à la dernière, Charlotte, elle mourait fin janvier 1610 à l’âge de neuf ans.
            Le 6 juin 1610, Jeanne de Chantal s’installa dans une maison particulière avec Charlotte de Bréchard, une amie de Bourgogne, Jacqueline Favre, fille du président Antoine Favre, et une servante d’auberge, Jacqueline Coste. L’évêque leur donna à cette occasion une esquisse de règlement. Leur but était de « consacrer tous les moments de leur vie à l’amour et service de Dieu », sans oublier le service des pauvres et des malades. La Visitation serait une petite congrégation, unissant la vie intérieure et une forme de vie active. Les trois premières visitandines firent profession exactement un an plus tard, le 6 juin 1611. Le 1er janvier 1612, elles commencèrent la visite des pauvres et des malades. Le 30 octobre de la même année, la communauté quitta la maison devenue trop exiguë et se transporta dans une nouvelle maison, avant d’ériger le premier monastère de la Visitation à Annecy.
            Durant les premières années on ne songea à aucune autre fondation, jusqu’à ce que vînt une demande insistante de quelques personnes de Lyon en 1615. L’archevêque de cette ville ne voulait pas que les sœurs sortent de leur monastère pour les visites aux malades ; d’après lui, il fallait transformer la congrégation en un véritable ordre religieux, avec les vœux solennels et la clôture. Le fondateur dut accepter la majeure partie de ces conditions : la visite des malades fut supprimée et la Visitation devint un ordre quasi monastique, sous la règle de saint Augustin, tout en gardant la possibilité d’accueillir des personnes du dehors. Son développement fut rapide : on comptera treize monastères à la mort du fondateur en 1622 et quatre-vingt-sept à la mort de la mère de Chantal en 1641.

La formation sous forme d’entretiens
            Georges Rolland a bien décrit la tâche de formation des « filles » de la Visitation à laquelle François de Sales s’est astreint au début du nouvel institut : « Il les assistait à leur commencement avec beaucoup de peine et il employait beaucoup de temps pour les éduquer et les styler au chemin de la perfection, toutes en général, et puis chacune en particulier. Pour cela, il y allait souvent deux ou trois fois le jour, et toutes les fois qu’elles lui donnaient avis de quelques affaires qui leur survenaient, soit pour le spirituel, soit pour le temporel. […] Il était leur confesseur, aumônier, père spirituel et directeur ».
            Ce rôle du fondateur était encouragé par la mère de Chantal. En 1615 elle écrivait de Lyon, où elle travaillait à la fondation du second monastère de la Visitation, pour demander à son assistante d’Annecy de le faire parler à toutes les sœurs réunies après qu’il les aura rencontrées une par une en particulier : « Je vous prie, quand il vous viendra voir avec un peu de loisir, que vous le fassiez parler en commun, si toutefois il l’a agréable ». En réalité, ses filles avaient un grand désir d’entendre le fondateur, dont le rôle était en quelque sorte celui d’un maître des novices.
            Le ton de ces « entretiens » était fort simple et familier. Un entretien est une agréable conversation, un dialogue ou colloque familier, non un sermon mais une « simple conférence en laquelle chacun dit son opinion ». Nous possédons une relation qui ne manque pas de pittoresque sur une de ces rencontres : « Le jour de Saint Laurent de l’année 1612, notre bienheureux Père vint voir notre vénérable fondatrice, toujours accompagné de M. Michel Favre son aumônier, car jamais il n’entrait sans lui. Toutes les sœurs descendirent au verger de la fontaine, on lui apporta une chaire, les sœurs se mirent à terre autour de lui ». Au bout d’un moment « il fut interrompu du tonnerre et de la pluie qui le contraignit de monter en une galerie, où les sœurs le suivirent ». À une des sœurs qui lui dit : Monseigneur, j’ai grand peur, il répondit : Ma fille, ne craignez point, le tonnerre ne tue que les saints et les pécheurs, vous n’êtes ni sainte, ni pécheresse ». Avec l’augmentation du nombre des sœurs, on passera du jardin ou de la chambre de la fondatrice au parloir.
            Normalement, les questions étaient posées par les sœurs elles-mêmes, comme cela se voit clairement dans le troisième Entretien traitant De la confiance et abandonnement. La première question était celle de savoir « si une âme peut, ayant le sentiment de sa misère, aller à Dieu avec une grande confiance ». Un peu plus loin, le fondateur semble reprendre au bond une nouvelle question : « Mais vous dites que vous ne sentez point cette confiance ». Un peu plus loin il dit : « Maintenant passons à l’autre question, qui est de l’abandonnement de soi-même ». Plus loin encore on trouve des enchaînements de questions tels que : « Or maintenant vous demandez en quoi s’occupe intérieurement cette âme qui est tout abandonnée entre les mains de Dieu » ; « vous me dites à cette heure » ; « vous dites maintenant » ; « pour répondre à ce que vous demandez » ; « vous voulez encore savoir ». Il est très possible, voire probable, que les secrétaires ont supprimé les questions des interlocutrices pour les mettre dans la bouche de l’évêque. Les questions pouvaient aussi être formulées par écrit puisqu’on lit au début du onzième Entretien : « Je commence notre discours par la réponse à la question qui m’a été donnée en ce billet ».

Instructions et exhortations
            L’autre méthode de formation excluait les questions et le dialogue : c’étaient les sermons que le fondateur faisait dans la chapelle du monastère. Le ton familier qui les caractérise ne permet pas de les ranger parmi les grands sermons pour le peuple, tels qu’on les entendait à l’époque ; c’étaient plutôt des exhortations. « Le discours que je m’en vais vous faire », disait-il au moment de commencer. Il lui arrivait de parler de son « petit discours », ce qui ne s’appliquait guère à la durée qui était ordinairement d’une heure. Une fois il dira : « Si j’ai du temps, je traiterai de… »
            Même à la chapelle, le ton restait familier, comme pour une causerie. « Il nous faut passer outre, car je n’ai pas le temps de m’arrêter beaucoup sur ce sujet », disait-il ; ou encore : « avant de finir, disons encore ce mot ». « Mais je passe ce premier point sans en dire davantage, disait-il une autre fois, parce que ce n’est pas là où je me veux arrêter ». Quand il parle du mystère de la Visitation, il a besoin d’un temps supplémentaire : « Je finirai par deux exemples, et bien que le temps soit déjà passé, néanmoins un petit quart d’heure en fera la raison ». Parfois il parle de ses sentiments, disant qu’il a trouvé du « plaisir » à traiter de l’amour mutuel. Il ne craint pas de faire quelques digressions : « Je vous raconterai deux petites histoires que je ne dirais pas si j’étais en une autre chaire ; mais en ce lieu il n’y a point de danger ». Pour soutenir l’attention, il interpelle l’auditoire par un « dites-moi », ou par un « remarquez donc, je vous prie ». Il y avait souvent un lien avec le sujet qu’il avait développé précédemment puisqu’il dit : « J’ai désir d’ajouter encore un mot au discours que je fis l’autre jour ». « Mais je vois que l’heure s’en va passer, s’exclame-t-il, ce qui me fera finir et parachever le peu de temps qui reste sur l’histoire de cet évangile ». Au moment de conclure, il dit : « J’achève ».
            Il faut croire que le prédicateur était désiré et écouté avec attention, ce qui l’autorisait à raconter parfois la même histoire : « Encore que l’aie jà dite, je ne laisserai pas de la répéter, parce que je ne suis pas devant des personnes si dégoûtées qu’elles ne puissent entendre deux fois une même chose ; car ceux qui ont bon appétit mangent bien d’une même viande deux fois ».
            Les Sermons se présentent comme une instruction plus structurée que les Entretiens, où les sujets se suivent parfois rapidement au hasard des questions. Ici l’enchaînement est plus logique, les diverses articulations du discours sont mieux indiquées. Le prédicateur explique l’Écriture ; il la commente avec les Pères et les théologiens, mais c’est plutôt une explication méditée qui pourra alimenter l’oraison mentale des religieuses. Comme toute méditation, elle comporte des considérations, des « affections » et des résolutions. Tout son discours aboutissait en fait à une question essentielle : « Voulez-vous devenir une bonne fille de la Visitation ? »

L’accompagnement personnel
            Il y avait enfin le contact personnel du fondateur avec chacune des sœurs. Lui-même avait une longue expérience de confesseur et de directeur spirituel individuel. De toute évidence, il fallait tenir compte de la « variété des esprits », des tempéraments, des situations particulières et des progrès dans la perfection.
            Dans les souvenirs de Marie-Adrienne Fichet on trouve un épisode qui montre sa manière de faire. Un jour la mère de Chantal lui demanda : « Monseigneur, Votre Grandeur voudrait-elle bien nous donner à chacune une vertu pour notre application particulière » ? Peut-être s’agissait-il là d’un pieux stratagème inventé par la supérieure. Il répondit : « Ma Mère, je le veux bien, il faut commencer par vous ». Les sœurs se retirèrent et l’évêque les appela l’une après l’autre, et en se promenant il donna à chacune un « défi » en secret. Au cours de la récréation qui suivit, tout le monde sut ce qu’il avait dit à chacune en particulier. À la mère de Chantal il avait recommandé l’indifférence et l’amour de la volonté de Dieu ; à Jacqueline Favre, la présence de Dieu ; à Charlotte de Bréchard, la résignation à la volonté de Dieu. Les « défis » destinés aux autres religieuses à tour de rôle concernaient la modestie et tranquillité, l’amour de l’abjection, la mortification des sens, l’affabilité, l’humilité intérieure, l’humilité extérieure, l’oubli des parents et du monde, la mortification des passions. Avant de partir, l’évêque leur adressa des paroles d’encouragement à toutes ensemble.
            La formation devait forcément s’adapter à la diversité des personnes sans pour autant cacher le fait que la vie religieuse est un combat dans lequel la victoire sur les passions et les inclinations exige un dur entraînement. Aux sœurs de la Visitation tentées de considérer la perfection comme un vêtement à enfiler, il rappelait avec une pointe d’humour leur responsabilité personnelle :

Vous voudriez que je vous enseignasse une voie de perfection toute faite, ou une méthode de perfection tellement faite qu’il n’y eût que la mettre sur votre tête comme vous jetteriez votre robe, et que par ce moyen vous vous trouvassiez toute parfaite sans peine, c’est-à-dire que je vous donnasse la perfection toute faite […]. Oh certes ! s’il était à mon pouvoir, je serais le plus parfait homme du monde, si je la pouvais donner aux autres sans qu’il fallût rien faire, car je la prendrais premièrement pour moi.

            L’accompagnement était destiné surtout à soutenir les responsables. Jacqueline Favre, supérieure de la Visitation de Lyon, était préoccupée et accablée par plusieurs sœurs malades de sa communauté. Il la console dans une de ses lettres :

Je vous vois, ma très chère fille, toute malade et dolente sur les maladies et douleurs de vos filles. On ne peut être mère sans peine. Qui est celui qui est malade, dit l’Apôtre, que je ne le sois avec lui ? Et nos anciens Pères ont dit là-dessus, que les poules sont toujours affligées de travail* tandis qu’elles conduisent leurs poussins et que c’est ce qui les fait glousser continuellement, et que l’Apôtre était comme cela.

            La mère de Blonay avait le zèle « un peu amer, un peu pressant, un peu inquiet, un peu pointilleux » ; il fallait lui inspirer un zèle « doux, bénin, gracieux, paisible, supportant ».
            Comment concilier dans une communauté la nécessaire unité, voire uniformité, avec la diversité des personnes et des tempéraments qui la composent ? Il écrivait à ce propos à la supérieure de la Visitation de Lyon : « S’il se trouve quelque âme, voire même au noviciat, qui craigne trop d’assujettir son esprit aux exercices marqués, pourvu que cette crainte ne procède pas de caprice, outrecuidance, dédain ou chagrin, c’est à la prudente maîtresse de les conduire par une autre voie, bien que pour l’ordinaire celle-ci soit utile, ainsi que l’expérience le fait voir ». Comme toujours, obéissance et liberté ne doivent pas être opposées l’une à l’autre.
            Force et douceur doivent en outre caractériser la manière dont les supérieures de la Visitation devaient façonner les âmes « ou par le marteau, ou par le ciseau, ou par le pinceau, pour les former toutes selon son bon plaisir ». C’est pour cela qu’il faut leur donner « des cœurs de pères, solides, fermes et constants, sans omettre les tendresses de mères qui font désirer les douceurs aux enfants, suivant l’ordre divin qui gouverne tout avec une force toute suave et une suavité toute forte ».
            Les directrices des novices avaient droit à des attentions spéciales de sa part car « la conservation et le bonheur de la congrégation » dépend de la bonne formation des nouvelles recrues. Comment former les futures visitandines, alors que l’on est loin des fondateurs ? se demandait la maîtresse des novices de Lyon. Il lui répond : « Dites ce que vous avez vu, enseignez ce que vous avez ouï à Annecy. Hélas ! cette racine est petite, basse et profonde ; mais la branche qui s’en séparera périra sans doute, séchera et ne sera bonne que pour être coupée et jetée au feu ».

Un manuel de la perfection
            En publiant en 1616 le Traité de l’amour de Dieu, un livre « fait pour aider l’âme déjà dévote à ce qu’elle se puisse avancer en son dessein », François de Sales reconnaissait tout ce qu’il devait à cette « bénite assemblée » de la Visitation et en particulier à la mère qui « y préside » et qui « n’a pas eu peu de pouvoir pour animer [mon âme] en cette occasion ».
            Comme on le devine, le Traité propose une doctrine sublime de l’amour de Dieu, qui valut à son auteur le titre de « docteur de la charité ». L’auteur se propose, sur l’exemple de Marie et de Joseph, d’accompagner sur le chemin du plus haut amour une personne appelée Théotime, nom symbolique qui désigne « l’esprit humain, qui désire faire progrès en la dilection sainte ». Le but de l’auteur est de montrer « l’histoire de la naissance, du progrès, de la décadence, des opérations, propriétés, avantages et excellences de l’amour divin ».
            Le Traité de l’amour de Dieu se révèle comme le manuel de l’école de la perfection que François de Sales a voulu créer. On y trouve même l’idée implicite de la nécessité d’une formation continue, qu’il illustrera au moyen de cette image végétale :

Ne voyons-nous pas par expérience que les plantes et fruits n’ont pas leur juste croissance et maturité que quand elles portent leurs graines et pépins, qui leur servent de géniture pour la production de plantes et d’arbres de pareille sorte ? Jamais nos vertus n’ont leur juste stature et suffisance qu’elles ne produisent en nous des désirs de faire progrès.

            Il faut en somme imiter ce curieux animal qu’est le crocodile, « qui étant extrêmement petit en son commencement ne cesse jamais de croître tandis qu’il est en vie ». Face à la décadence et parfois à la conduite scandaleuse de nombreux monastères et abbayes de son temps, saint François de Sales traçait un chemin exigeant mais aimable. Par rapport aux ordres réformés, où régnaient une sévérité et une austérité telles qu’elles éloignaient un bon nombre de personnes de la vie religieuse, l’intuition profonde du fondateur de la Visitation fut de concentrer l’essence de la vie religieuse simplement dans la recherche de la perfection de la charité. Avec les adaptations nécessaires, cette « pédagogie des sommets » débordera largement les murs de son premier monastère et tentera d’autres « apprentis » de la perfection.




La dévotion mariale dans la perspective de Don Bosco

Saint Jean Bosco avait une profonde dévotion envers Marie Auxiliatrice, une dévotion qui prend racine dans les nombreuses expériences de son intervention maternelle, dont la première alors qu’il n’avait que 9 ans. Cette véritable dévotion ne pouvait rester seulement personnelle, et ainsi Don Bosco ressentit le besoin de la partager avec les autres. En 1869, il fonda l’Association de Marie Auxiliatrice (ADMA), qui continue encore aujourd’hui d’être une réalité spirituelle vivante. Tous les 5-6 ans, l’association organise des congrès internationaux en l’honneur de Marie Auxiliatrice. Le dernier, le IXe Congrès, s’est tenu à Fatima, au Portugal, du 29 août au 1er septembre 2024. Nous présentons l’intervention finale du Vicaire du Recteur Majeur, Don Stefano Martoglio.

Je prends la parole avec plaisir lors de ce Congrès Marial, après ce que nous avons écouté et vécu pour réaffirmer un acte de confiance personnelle et institutionnelle, selon le cœur de Don Bosco et la foi de l’Église. Nous clôturons ces journées en soulignant l’un des aspects spirituels que Don Bosco perçoit et vit comme important à un niveau personnel et qualifiant pour son œuvre : la dévotion mariale. Nous nous confions aux mains maternelles de Marie, ici et maintenant, en ce lieu Saint de la présence de Marie. C’est à elle que nous demandons de donner fécondité dans notre vie à tout ce que nous avons vécu, prié et écouté ici.
Après ce que nous avons écouté et vécu, mon but est de faire mémoire, en commençant par le début. Faire mémoire est important : cela signifie reconnaître qu’il y a quelque chose qui ne nous appartient pas, quelque chose qui nous a été confiée et que nous devrions transmettre aux autres générations.
Avec beaucoup de simplicité, je veux dire à moi-même et à chacun de nous quelques aspects centraux de la Présence de Marie chez Don Bosco, de sa dévotion et de notre dévotion.

1. Marie dans les écrits de Don Bosco, en commençant par le début
La femme « d’aspect majestueux, vêtue d’un manteau qui brillait de tous côtés », décrite dans le rêve des neuf ans que nous avons tant médité et approfondi en ce Bicentenaire du Rêve, est la Madone chère à la tradition populaire et à la dévotion commune. En elle, Don Bosco souligne surtout l’amabilité maternelle. Cette représentation est celle qui correspond le mieux à son âme, et qui l’accompagnera jusqu’à son dernier souffle.

Dans les Mémoires de l’Oratoire, de nombreux aspects et dévotions typiques de la religion populaire sont évoqués : le rosaire en famille, l’Angélus, les neuvaines et les triduums, les invocations et les oraisons jaculatoires, les consécrations, les visites aux autels et aux sanctuaires, les fêtes mariales (Maternité, Nom de Marie, Notre-Dame du Rosaire, Notre-Dame des Douleurs, la Consolata, l’Immaculée, la Vierge des grâces…). Attention ! Lorsque nous disons que ce sont des aspects typiques de la religion populaire, nous ne parlons pas d’une chose facile ou « automatique ». La religion populaire est la quintessence, le distillat de l’expérience de siècles qui nous est offerte comme un don que nous devons nous approprier.

Pendant la période de ses études à Chieri, plusieurs éléments relient la dévotion mariale aux choix spirituels du jeune Bosco, surtout la maturation vocationnelle et le renforcement des vertus qui font le bon séminariste. La Vierge du séminaire est l’Immaculée (dans tous les séminaires piémontais, et dans ceux influencés par la tradition lazariste, la chapelle est dédiée à l’Immaculée depuis le XVIIe siècle).
C’est précisément cet aspect qui caractérise la piété mariale du jeune Don Bosco (formé à l’école de Saint Alphonse) : la véritable dévotion, qui s’exprime surtout dans une vie vertueuse, nous assure le patronage le plus puissant que l’on puisse avoir durant la vie et à l’heure de mort.

Il écrira cette conviction également dans le Giovane provveduto en 1847 : « Si vous devenez ses dévots, elle vous comblera de bénédictions dans ce monde et vous aurez le paradis dans l’autre vie ».

Mais c’est surtout dans son livre Le mois de mai consacré à Marie Immaculée à l’usage du peuple (1858), que le saint situe explicitement et instamment la dévotion mariale du peuple et de la jeunesse dans un engagement concret et sérieux de vie chrétienne, vécue avec ferveur et amour.

« Trois choses à pratiquer tout au long du mois : 1. Faire tout ce que nous pouvons pour ne commettre aucun péché au cours de ce mois ; qu’il soit entièrement consacré à Marie. 2. Accomplir avec grand soin les devoirs spirituels et temporels de notre état… 3. Inviter nos parents et amis et tous ceux qui dépendent de nous à participer aux pratiques de piété qui se font en l’honneur de Marie au cours du mois ».

L’autre thème, hérité d’une longue tradition dévote, est le lien entre la dévotion mariale et le salut éternel : « Puisque le plus bel ornement du christianisme est la Mère du Sauveur, la Vierge Marie, je m’adresse à Vous, ô Vierge Marie très clémente, sûr d’acquérir la grâce de Dieu, le droit au Paradis, et de retrouver ainsi ma dignité perdue, si Vous priez pour moi. Auxilium christianorum, ora pro nobis ». Don Bosco est convaincu que Marie intervient comme avocate très efficace et médiatrice puissante auprès de Dieu.
Dix ans plus tard (1868), pour l’inauguration de l’église Marie-Auxiliatrice, le saint écrit et diffuse un fascicule intitulé Merveilles de la Mère de Dieu invoquée sous le titre de Marie Auxiliatrice. Dans cette brochure, il souligne la dimension ecclésiale, qui attire de plus en plus le regard de Don Bosco et oriente ses préoccupations missionnaires et éducatives.

Dans le contexte ecclésial de l’époque, les titres d’Immaculée et d’Auxiliatrice évoquent des luttes et des triomphes, le « grand affrontement » entre l’Église et la société libérale. On fait une lecture religieuse des événements politiques et sociaux, dans la ligne de la réaction catholique à l’incroyance, au libéralisme, à la déchristianisation.
En pensant à ses garçons et aux salésiens, Don Bosco continue cependant à souligner principalement la dimension ascétique, spirituelle et apostolique de la piété mariale. Dans cette perspective, les pratiques du mois de Marie et des diverses dévotions vise à susciter chez les jeunes un effort plus grand dans leur devoir, la pratique des vertus, l’ardeur ascétique (mortifications en l’honneur de Marie), une charité active et une généreuse action apostolique parmi leurs camarades.
C’est dire que Don Bosco tend à assigner à l’Immaculée et à l’Auxiliatrice un rôle déterminant dans l’œuvre éducative et formatrice. Dans le climat de ferveur mariale de l’époque, il valorise les exercices vertueux et les pratiques dévotes en vue de la purification du péché et de l’affection au péché et pour une croissance dans le don de soi à Dieu.

C’est dans ce sens que vont la lutte contre le péché et l’orientation vers Dieu, la sanctification de soi et du prochain, le service de la charité, la force pour porter la croix et l’engagement missionnaire. Tels sont les traits saillants d’une dévotion mariale qui a peu de dévotionnel et de sentimental (malgré le climat de l’époque et les goûts populaires que Don Bosco valorise de toute façon).
Quel chemin en Don Bosco et de l’homme de foi Don Bosco ! Sur tout ce que vous avez dans le cœur, je voudrais mettre un accent : moi aussi, nous aussi, nous devons marcher dans la dévotion. On ne peut pas rester immobile, si on n’avance pas on recule… et personne ne peut le faire à ma place !

2. Marie dans la vie de Don Bosco, expressions quotidiennes de la dévotion de Don Bosco et de notre dévotion

2.1. Le sens d’une présence
Dans la vie de Don Bosco Marie est une présence perçue, aimée, active et stimulante, orientée vers le grand enjeu du salut éternel et de la sainteté. Il la sent proche et se confie à elle, se laissant guider et conduire sur les chemins de sa vocation (il la rêve, il la « voit »).

À Nizza Monferrato en juin 1885, Don Bosco s’entretenait dans le parloir avec les mères capitulaires des Filles de Marie Auxiliatrice. Il parlait d’une voix faible, avec une grande fatigue. Elles lui demandèrent de leur laisser un dernier souvenir. « Oh ! vous voulez que je vous dise quelque chose. Si je pouvais parler, combien de choses je voudrais vous dire ! Mais je suis vieux, vieux et chancelant, comme vous le voyez ; j’ai même du mal à parler. Je veux juste vous dire que la Vierge vous veut du bien, beaucoup, beaucoup de bien. Et, savez-vous, elle se trouve ici parmi vous. Alors Don Bonetti, le voyant ému, l’interrompit et commença à dire, uniquement pour le distraire :
– Oui, c’est cela, c’est cela ! Don Bosco veut dire que la Vierge est votre Mère et qu’elle vous garde et vous protège.
– Non, non, reprit le Saint, je veux dire que la Vierge est vraiment ici, dans cette maison et qu’elle est contente de vous, et que si vous continuez avec l’esprit d’aujourd’hui, qui est celui désiré par la Vierge… Le bon Père s’émouvait encore plus et Don Bonetti reprit la parole :
– Oui, c’est cela, c’est cela ! Don Bosco veut vous dire que, si vous êtes toujours bonnes, la Madone sera contente de vous.
– Mais non, mais non, s’efforçait d’expliquer Don Bosco, cherchant à dominer sa propre émotion. Je veux dire que la Vierge est vraiment ici, ici parmi vous ! La Vierge se promène dans cette maison et la couvre de son manteau. – En disant cela, il étendait les bras, levait les yeux en larmes vers le ciel et semblait vouloir persuader les sœurs qu’il voyait la Madone aller ici et là comme chez elle ».

Elle est une présence active, qui accompagne, soutient, guide, encourage ; c’est celle qui lui a été donnée : « Je te donnerai la Maîtresse qui t’enseignera à devenir sage, car sans elle toute sagesse devient folie ». Une présence qui stimule à vivre consciemment en présence de Dieu dans une recherche de totalité : « En pensant à la présence de Dieu / fais que les lèvres, le cœur, l’esprit / suivent le chemin de la vertu / ô grande Vierge Marie. / Jean Bosco, prêtre » (prière écrite par le saint au bas d’une de ses photographies).

Splendide et essentiel. Ce qui n’est pas présence vivante dans ma vie est absence ! Le sens de la Présence, de la Providence de Dieu, de l’action de Marie. Un chemin continuel pour chacun de nous et pour nous tous ensemble, Famille Salésienne.

2.2. L’énergie de la mission
Don Bosco lie étroitement Marie à sa vocation et à son ministère. Il est bon ici de reprendre la présentation que Don Bosco fait du rêve des neuf ans : « Me prenant avec bonté par la main, regarde, me dit-elle, voici ton champ, voici où tu dois travailler. Rends-toi humble, fort, robuste ; et ce que tu vois en ce moment se réaliser avec ces animaux, tu devras le faire pour mes fils ». C’est la mission de salut/transformation/formation des jeunes, à travers la prévention, l’éducation, l’instruction, l’évangélisation, et un solide bagage de vertus chez l’éducateur.
Le Fils de Marie nous enseigne la méthode et l’objectif : « Non pas avec des coups, mais avec la douceur et la charité, tu devras gagner ces amis. Mets-toi donc immédiatement à leur faire une instruction sur la laideur du péché et sur la beauté de la vertu ».
Le récit fait en 1873-1874 du vieux rêve inspirateur, se relie à tant d’autres récits interventions et inspirations intérieures (les rêves) dans lesquels notre saint a attribué à Marie un rôle d’animation, de guide et de soutien de ses aspirations et de son zèle pour la mission de salut de la jeunesse.
C’est dans ce contexte qu’il faut placer et interpréter les faits que Don Bosco reconnaît comme des interventions prodigieuses de Marie : les « grâces » accordées aux personnes (spirituelles et corporelles), sa puissante protection sur l’Oratoire et sur la naissante Famille salésienne et sur leur développement prodigieux au profit des âmes.
Les grâces personnelles, la prise de conscience de la présence particulière de Dieu, par l’intercession de Marie, qui guide providentiellement l’existence personnelle et institutionnelle. Si tu ne perçois pas la Présence, tu es à la merci du hasard.

2.3. Un stimulant pour la sainteté
Don Bosco a vécu la dévotion mariale comme un stimulant et un soutien sur le chemin vers la perfection chrétienne. Dans la même perspective, il l’inculque habilement aux jeunes pour promouvoir en eux la vie chrétienne et stimuler en eux le désir de la sainteté.
Valorisant la sensibilité de ses garçons et les goûts populaires de leur piété, Don Bosco sut transformer une tendance dévotionnelle, teintée de sentiment romantique, en un puissant instrument de formation spirituelle qui encourage, corrige et oriente.
Marie ne nous laisse jamais là où elle nous trouve. Comme au début des Signes de l’Évangile de Jean, elle sait que nous devons être guidés, accompagnés… pour un itinéraire précis : faites ce qu’elle vous dira et vous arriverez là où JE vous attends, nous dit Don Bosco. Voir l’invisible.

3. Identité salésienne et dévotion mariale 
Pour conclure, je vous partage, avec simplicité, ce dont nous vivons en tant que confrères, et qui est au centre de notre vocation. J’aime conclure avec ce partage, car c’est l’ossature de ma vie et de notre vie. Si cela me fait tant de bien, à moi et à nous, cela fera sûrement du bien à tous.

Tout d’abord, les Constitutions, qui dessinent les traits caractéristiques de notre dévotion mariale. L’article 8 (situé dans le premier chapitre, relatif aux éléments qui assurent l’identité de la Congrégation Salésienne) synthétise le sens de la présence de Marie dans notre Société : elle a indiqué à Don Bosco son champ d’action, l’a constamment guidé et soutenu, elle continue parmi nous sa mission de Mère et d’Auxiliatrice : « nous nous confions à elle, humble servante en qui le Seigneur a fait de grandes choses, pour devenir parmi les jeunes témoins de l’amour inépuisable de son Fils ».

L’article 92 présente le rôle de Marie dans la vie et la piété du salésien : modèle de prière et de charité pastorale ; maîtresse de sagesse et guide de notre famille ; exemple de foi, de sollicitude pour les nécessiteux, de fidélité à l’heure de la croix, de joie spirituelle ; notre éducatrice qui nous apprend à nous donner entièrement au Seigneur et à servir courageusement nos frères. De là découle une dévotion filiale et forte, qui s’exprime dans la prière (chapelet quotidien et célébration de ses fêtes) et dans l’imitation convaincue et personnelle.

Mais la meilleure synthèse se trouve, à mon avis, dans la Prière à Marie Auxiliatrice récitée quotidiennement dans chacune de nos communautés après la méditation. C’est Don Rua qui l’a composée en 1894, comme expression de consécration quotidienne dans l’engagement de fidélité et de générosité. Aujourd’hui, elle a été révisée, mais en conservant la même structure que celle d’autrefois et les mêmes contenus. Voici le texte primitif :

« Très Sainte et immaculée Vierge Auxiliatrice, nous nous consacrons entièrement à vous et nous vous promettons de travailler toujours pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes.

Nous vous prions de tourner votre regard miséricordieux sur l’Église et son auguste Chef, sur les Prêtres et les Missionnaires, sur la Famille Salésienne, nos parents et bienfaiteurs et sur la jeunesse qui nous est confiée, sur les pauvres pécheurs, les mourants et les âmes du purgatoire.

Enseignez-nous, ô Mère très tendre, à reproduire en nous les vertus de notre Fondateur, en particulier son angélique modestie, sa profonde humilité et son ardente charité.

Faites, ô Marie Auxiliatrice, que votre puissante intercession nous rende victorieux contre les ennemis de notre âme en cette vie et au moment de notre mort, afin que nous puissions venir vous rendre hommage avec Don Bosco au Paradis. Ainsi soit-il. »

Comme on peut le voir, la version actuelle ne fait que reprendre, avec quelques développements, le texte de Don Rua. Je crois qu’il est bon, de temps en temps, de le reprendre et de le méditer. Elle est structurée en quatre parties : promesse, intercession, docilité et confiance.

Dans la première partie (Ô très sainte), on rappelle le but ultime de notre consécration en promettant d’orienter chaque action uniquement au service de Dieu et au salut du prochain, dans la fidélité à l’essence de la vocation salésienne.

La deuxième partie (Nous te prions) réunit le sens ecclésial, salésien et missionnaire de notre consécration, en confiant à l’intercession de Marie l’Église, la Congrégation et la Famille Salésienne, les jeunes, surtout les plus pauvres, tous les hommes rachetés par le Christ. Ici, la passion qui doit alimenter et caractériser la prière salésienne est bien décrite : son caractère universel, ecclésial et missionnaire au service des jeunes.

Dans la troisième partie (Apprends-nous), sont concentrées les vertus qui caractérisent la physionomie typique du salésien disciple de Don Bosco : on se met à l’école de Marie pour grandir dans l’union à Dieu, dans la chasteté, dans l’humilité et dans la pauvreté, dans l’amour du travail et de la tempérance, dans la charité ardente et aimante (bonté et don illimité à nos frères), dans la fidélité à l’Église et à son magistère.

Dans la dernière partie (Fais, ô Marie Auxiliatrice), on se confie à l’intercession de la Vierge Auxiliatrice pour obtenir la fidélité et la générosité dans le service de Dieu jusqu’à la mort et à l’admission dans la communion éternelle des saints.

Cette excellente synthèse, qui contient un programme complet de vie spirituelle et dessine la physionomie de notre identité, peut nous servir aujourd’hui de référence et de schéma concret pour la vérification et la programmation spirituelles. Qu’il en soit ainsi pour chacun de nous !