Joyeuses Pâques 2024!

Christ est RESSUSCITÉ !

Souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts… (cf. 2 Tm 2,8)

Joyeuses Pâques à tous nos lecteurs !




Je suis un salésien et je suis un Bororo

Journal d’une journée missionnaire heureuse et bénie.

            Chers amis du Bulletin salésien, je vous écris de Meruri, dans l’État du Mato Grosso du Sud. Je vous envoie mes salutations comme s’il s’agissait d’une chronique journalistique, car 24 heures se sont écoulées depuis mon arrivée au milieu de cette ville.
            Mais mes confrères salésiens sont arrivés ici il y a 122 ans et depuis lors, nous avons toujours été dans cette mission au milieu des forêts et des champs, accompagnant la vie de ce peuple indigène.
            En 1976, un salésien et un Indien ont été privés de vie par deux coups de feu (tirés par des facendeiros ou grands propriétaires terriens), parce qu’ils pensaient que les salésiens de la mission étaient un problème pour pouvoir s’approprier d’autres propriétés sur ces terres qui appartiennent au peuple Boi-Bororo. Il s’agit du serviteur de Dieu Rodolfo Lunkenbein, un salésien, et de l’Indien Simao, Bororo.
            Hier, nous avons pu vivre ici de nombreux moments sympathiques. Nous avons été accueillis par la communauté indigène à notre arrivée, nous les avons salués – sans hâte – car ici tout est calme. Nous avons célébré l’Eucharistie dominicale, partagé le riz et la feijoada (ragoût de haricots), et profité d’une conversation aimable et chaleureuse.
            Dans l’après-midi, ils m’avaient préparé une réunion avec les chefs des différentes communautés ; quelques femmes chefs étaient présentes (dans plusieurs villages, c’est la femme qui détient l’autorité suprême). Nous avons eu un dialogue sincère et profond. Ils m’ont fait part de leurs réflexions et m’ont présenté certains de leurs besoins.
            Au cours d’un de ces moments, un jeune salésien Boi Bororo a pris la parole. Il est le premier Bororo à devenir salésien après 122 ans de présence salésienne. Cela nous invite à réfléchir sur la nécessité de donner du temps à tout ; les choses ne sont pas comme nous pensons et voulons qu’elles soient dans l’efficacité et l’impatience d’aujourd’hui. Et voici comment ce jeune salésien a parlé devant son peuple, à son peuple et à ses chefs ou autorités :
            « Je suis salésien mais je suis aussi Bororo ; je suis Bororo mais je suis aussi salésien, et la chose la plus importante pour moi est que je suis né ici même, là où j’ai rencontré les missionnaires, où j’ai entendu parler des deux martyrs, le père Rodolfo et Simao, et où j’ai vu mon peuple et mes gens grandir, grâce au fait que mon peuple a marché ensemble avec la mission salésienne et que la mission a marché ensemble avec mon peuple. C’est toujours la chose la plus importante pour nous : marcher ensemble. »
            J’ai pensé un instant combien Don Bosco aurait été fier et heureux d’apprendre qu’un de ses fils salésiens appartenait à ce peuple (comme d’autres salésiens qui viennent du peuple Xavante ou Yanomani).
            En même temps, dans mon discours, je les ai assurés que nous voulons continuer à marcher à leurs côtés, que nous voulons qu’ils fassent tout leur possible pour continuer à protéger et à sauver leur culture – et leur langue – avec
toute notre aide. Je leur ai dit que je suis convaincu que notre présence les a aidés, mais que je suis aussi convaincu combien il est bon pour nous d’être avec eux.

« En avant! » a dit la Bergère
            J’ai pensé au dernier rêve missionnaire de Don Bosco, et à cette petite Bergère, qui s’est arrêtée à côté de Don Bosco et lui a dit : « Tu te souviens du rêve que tu as fait quand tu avais neuf ans ?… Regarde maintenant, que vois-tu ? » – « Je vois des montagnes, puis des mers, puis des collines, puis à nouveau des montagnes et des mers ».
            « Bien, dit la Bergère, maintenant trace une ligne d’un bout à l’autre, de Santiago à Pékin, avec le centre au milieu de l’Afrique, et tu auras une idée exacte de ce que les salésiens doivent faire ». – « Mais comment faire tout cela ? s’exclama Don Bosco, les distances sont immenses, les lieux difficiles et les salésiens peu nombreux ». – « Ne t’inquiète pas. Ce sont tes fils, les fils de tes fils et leurs fils qui le feront ». C’est ce qu’ils sont en train de faire.
            Dès le début de notre parcours en tant que congrégation, guidé (et affectueusement « poussé ») par Marie Auxiliatrice, Don Bosco a envoyé les premiers missionnaires en Argentine. Nous sommes une congrégation reconnue par son charisme de l’éducation et de l’évangélisation des jeunes, mais nous sommes aussi une congrégation et une famille très missionnaires. Depuis le début jusqu’à aujourd’hui, il y a eu plus de onze mille missionnaires salésiens sdb et plusieurs milliers de Filles de Marie Auxiliatrice. Et aujourd’hui, notre présence auprès de ce peuple indigène, qui compte 1940 membres et continue de grandir petit à petit, prend tout son sens après 122 ans, parce qu’ils sont à la périphérie du monde, dans un monde qui parfois ne comprend pas qu’il doit respecter ce qu’ils sont.
            J’ai aussi parlé avec la matriarche, la plus âgée de toutes, qui est venue me saluer et me parler de son peuple. Et après une pluie torrentielle, sur le lieu du martyre, dans une grande sérénité, nous nous sommes assis et avons prié le chapelet par un beau dimanche soir (il faisait déjà nuit). Nous étions nombreux à représenter la réalité de cette mission : grands-mères, grands-pères, adultes, jeunes mamans, bébés, petits enfants, religieux consacrés, laïcs… Une richesse dans la simplicité de cette petite partie du monde, qui n’a pas de pouvoir, mais qui est aussi choisie et favorisée par le Seigneur, comme il nous le dit dans l’Évangile.
            Et je sais que nous continuerons ainsi, s’il plaît à Dieu, pendant de nombreuses années à venir, parce qu’on peut être un Bororo et un fils de Don Bosco, et être un fils de Don Bosco et un Bororo qui aime et prend soin de son peuple et de ses gens.
            Dans la simplicité de cette rencontre, aujourd’hui a été une grande journée de vie partagée avec les peuples indigènes. Une grande journée missionnaire.




Le Père José Luis Carreño Etxeandía. Un salésien avec le Cœur de Jésus

            Le Père José Luis Carreño a été défini par l’historien Joseph Thekkedath comme « le salésien le plus aimé de l’Inde du Sud » au début du XXe siècle. Partout où il a vécu – que ce soit en Inde, aux Philippines ou en Espagne – nous trouvons des salésiens qui conservent son souvenir. Curieusement, nous ne disposons pas encore d’une bonne biographie de ce grand salésien. Nous espérons y remédier bientôt. Le Père Carreño a été l’un des architectes de la région de l’Asie du Sud et nous ne pouvons pas nous permettre de l’oublier.
            José Luis Carreño Etxeandía est né à Bilbao, en Espagne, le 23 octobre 1905. À la veille de son ordination en 1932, il s’est porté volontaire pour les missions étrangères et a été envoyé en Inde, débarquant à Mumbai en 1933. À peine un an plus tard, lors de la création de la province de l’Inde du Sud, il est nommé maître des novices à Tirupattur ; il n’avait que 28 ans. Avec ses extraordinaires qualités d’esprit et de cœur, il devient rapidement l’âme de la maison et marque profondément ses novices. « Nous avons été conquis par son cœur paternel », écrit l’un de ses novices, l’archevêque Hubert D’Rosario. Le Père Joseph Vaz, un autre novice, racontait souvent comment Carreño avait remarqué qu’il tremblait de froid pendant un cours. « Attends un peu, hombre« , dit le maître des novices et il sortit. Peu de temps après, il revint avec un pull bleu qu’il tendit à Joe. Joe remarqua que le pull était étrangement chaud. Il se souvint alors que le maître des novices portait quelque chose de bleu sous sa soutane, qui avait maintenant disparu. Carreño lui avait donné son pull.
            En 1942, lorsque le gouvernement britannique en Inde interna tous les étrangers qui appartenaient à des pays en guerre avec la Grande-Bretagne, Carreño, qui appartenait à un pays neutre, resta sur place. En 1943, il reçut un message de Radio Vatican annonçant qu’il prendra la place d’Eligio Cinato, le provincial de la province du sud, lui aussi interné. Au même moment, l’évêque Louis Mathias de Madras l’invita à devenir son vicaire général. En 1945, il fut officiellement nommé provincial, poste qu’il occupa de 1945 à 1951. L’un de ses premiers actes fut de consacrer la province au Sacré-Cœur de Jésus. De nombreux salésiens étaient convaincus que la croissance extraordinaire de la province du Sud était due à cette consécration. Le nombre des maisons salésiennes doubla sous la direction du Père Carreño. L’un de ses actes les plus importants fut la création d’un collège universitaire dans le village isolé et pauvre de Tirupattur. Le collège du Sacré-Cœur transformera tout le district.
            Carreño fut également le principal responsable de l’ »indianisation » du visage des salésiens en Inde en recherchant immédiatement des vocations locales au lieu de s’appuyer uniquement sur les missionnaires. Une politique merveilleusement providentielle : lorsque l’Inde indépendante décida de ne pas accorder de visas aux nouveaux missionnaires étrangers, les salésiens ne furent pas pris au dépourvu. « Si aujourd’hui il y a plus de deux mille salésiens en Inde, le mérite de cette croissance revient aux politiques initiées par le Père Carreño », affirme le Père Thekkedath dans son histoire des salésiens en Inde.
            Don Carreño, comme nous l’avons dit, a été non seulement provincial mais aussi vicaire de l’évêque Mathias. Ces deux grands hommes, qui s’admiraient mutuellement, avaient aussi des caractères très différents. L’archevêque était en faveur de mesures disciplinaires fortes contre les manquements des confrères, tandis que le Père Carreño préconisait des procédures plus douces. Il semble que le visiteur extraordinaire, Don Fedrigotti, se rangea du côté de l’archevêque, qualifiant le Père Carreño d’ »excellent religieux, homme au grand cœur » mais « un peu trop poète ». D’autres ont également affirmé que le Père Carreño était un mauvais administrateur, mais il est intéressant de noter qu’un homme comme le Père Aurelio Maschio a fermement démenti cette affirmation. Le fait est que Don Carreño était un innovateur et un visionnaire. Certaines de ses idées – comme le fait de faire appel à des volontaires non salésiens pour quelques années de service, par exemple – étaient mal vues à l’époque, mais sont activement encouragées aujourd’hui.
            En 1952, après avoir terminé son mandat de provincial, Don Carreño fut affecté à Goa, où il resta jusqu’en 1960. « Pour Goa ce fut un véritable coup de foudre », écrit-il dans Warp in the Loom. Goa, à son tour, l’accueillit dans son cœur. À l’époque, les salésiens servaient comme directeurs spirituels et confesseurs au séminaire diocésain et auprès du clergé, et le Père Carreño était même le patron de l’association locale des écrivains konkani. Les premiers salésiens de Goa, comme Thomas Fernandes, Elias Diaz et feu Romulo Noronha, ont raconté, les larmes aux yeux, comment le Père Carreño et d’autres se rendaient à l’hôpital du Goa Medical College, situé à proximité, pour donner du sang et acheter de la nourriture et d’autres choses pour les jeunes.
            En 1962, le Père Carreño est à nouveau transféré, cette fois aux Philippines, en tant que directeur du noviciat à Canlubang. En 1967, en raison de divergences entre les missionnaires provenant de Chine et ceux provenant de l’Inde, il est renvoyé en Espagne. Mais aux Philippines comme en Inde, ses novices ne peuvent s’empêcher de se souvenir de cet homme extraordinaire et de l’impression qu’il leur a laissée. En Espagne, il fonda une « Maison des missionnaires » et poursuivit son apostolat de la plume. Il a laissé plus de 30 livres, ainsi que des hymnes comme le magnifique Cor Iesu sacratissimum et des chants plus populaires comme « Kotagiri sur la montagne ».
            Le Père José Luis Carreño est décédé en 1986 à Pampelune, en Espagne, à l’âge de 81 ans. Malgré les hauts et les bas de sa vie, ce grand amoureux du Sacré-Cœur de Jésus a pu dire lors du jubilé d’or de son ordination sacerdotale : « Si ma devise de jeune prêtre, il y a cinquante ans, était ‘Le Christ est tout’, aujourd’hui, vieux et comblé de son amour, je l’écrirais en or massif, parce qu’en réalité LE CHRIST EST TOUT ».

Don Ivo Coelho, sdb
Conseiller pour la formation




Merveilles de la Mère de Dieu invoquée sous le titre de Marie Auxiliatrice (4/13)

(suite de l’article précédent)

Chapitre V. Dévotion des premiers chrétiens à la Bienheureuse Vierge Marie.
            Les fidèles de l’Église primitive eux-mêmes recouraient constamment à Marie comme à une aide puissante en faveur des chrétiens. En témoigne notamment l’émoi général suscité par la nouvelle de son départ imminent de ce monde.
            Non seulement ceux qui se trouvaient à Jérusalem, mais aussi les fidèles qui se trouvaient encore dans les environs de la ville se pressaient autour de la pauvre maison de Marie, désireux de contempler encore une fois ce visage béni. Émue de se voir entourée de tant de fils qui lui témoignaient avec larmes l’amour qu’ils lui portaient et le chagrin qu’ils éprouvaient de devoir se séparer d’elle, elle leur fit la plus chaleureuse des promesses, à savoir qu’elle les assisterait du haut du ciel ; qu’au ciel, à la droite de son divin Fils, elle aurait plus de pouvoir et d’autorité et ferait tout pour le bien de l’humanité. Voici comment saint Jean Damascène raconte ce merveilleux événement :
            Au moment de la glorieuse Dormition de la Sainte Vierge, tous les saints Apôtres, qui avaient parcouru le globe terrestre pour le salut des nations, furent en un instant transportés à Jérusalem. Là, une vision d’anges leur apparut et une douce harmonie des puissances célestes se fit entendre, et c’est ainsi que Marie, entourée de la gloire divine, remit son âme sainte entre les mains de Dieu. Son corps, accompagné du chant des anges et des apôtres, fut ensuite placé dans un cercueil et transporté à Gethsémani, où le chant des anges se fit entendre pendant trois jours ininterrompus. Au bout de trois jours, le chant des anges cessa. Saint Thomas, qui n’était pas avec les autres Apôtres lors de la mort de Marie, arriva le troisième jour et, ayant manifesté le désir le plus ardent de vénérer ce corps qui avait été la demeure d’un Dieu, les Apôtres qui étaient encore là ouvrirent le tombeau, mais ils ne trouvèrent en aucun endroit le corps sacré de Marie. Mais ayant trouvé les linges dans lesquels elle avait été enveloppée, et qui exhalaient un agréable parfum, ils refermèrent le tombeau. Ils furent très étonnés de ce miracle et ne purent qu’en conclure que Celui qui avait voulu prendre chair de la Vierge Marie, se faire homme et naître, bien qu’il fût Dieu, le Verbe et le Seigneur de gloire, et qui, après sa naissance, avait conservé intacte la virginité de sa mère, avait voulu aussi que son corps immaculé, sans aucune trace de corruption après la mort, fût honoré en étant transporté au ciel avant la résurrection commune et universelle (fin de citation).
            Une expérience de dix-huit siècles nous montre de façon très lumineuse que Marie a poursuivi du haut du ciel et avec le plus grand succès sa mission de mère de l’Église et de secours des chrétiens qu’elle avait commencée sur la terre. Les innombrables grâces obtenues après sa mort ont fait que son culte s’est répandu avec la plus grande rapidité, de sorte que, même aux premiers temps de la persécution, partout où apparaissait le signe de la religion catholique, on voyait aussi l’image de Marie. En effet, à l’époque où Marie vivait encore, on trouvait déjà de nombreux fidèles qui se réunissaient sur le mont Carmel en communauté et se consacraient entièrement à Marie.
            Il ne déplaira pas au lecteur fidèle que nous rapportions ce fait tel qu’il est raconté dans l’Office de la Sainte Église du 16 juillet, en la fête de Notre-Dame du Mont Carmel.
            À la Pentecôte, le jour saint où les Apôtres furent remplis de l’Esprit Saint, de nombreux croyants fervents (viri plurimi) s’étaient engagés à suivre l’exemple des saints prophètes Élie et Élisée, et, par la prédication de Jean-Baptiste, s’étaient préparés à la venue du Messie. Ayant vu que les prédictions qu’ils avaient entendues de la bouche du grand Précurseur s’accomplissaient, ils embrassèrent immédiatement la foi évangélique. Puis, alors que la Sainte Vierge vivait encore, ils lui vouèrent une affection particulière et l’honorèrent à tel point que sur le mont Carmel, où Élie avait vu monter le petit nuage qui était une figure insigne de Marie, ils construisirent un sanctuaire en son honneur. Ils s’y réunissaient chaque jour pour des célébrations, des prières et des louanges et la vénéraient comme la singulière protectrice de l’Ordre. Ici et là, ils commencèrent à s’appeler « frères de Notre-Dame du Mont Carmel ». Au fil du temps, les souverains pontifes ont non seulement confirmé ce titre, mais ont également accordé des indulgences spéciales. C’est Marie elle-même qui leur donna ce nom, qui accorda son assistance à leur institut, et qui leur prescrivit le port du scapulaire, qu’elle donna au bienheureux Simon Stock comme signe distinctif de leur ordre et afin que ceux qui le porteraient soient protégés de tout mal.
            Dès que les Apôtres arrivèrent dans nos régions pour y apporter la lumière de l’Évangile, la dévotion à Marie ne tarda pas à germer en Occident. Ceux qui visitent les catacombes de Rome, et nous en sommes les témoins oculaires, trouvent encore dans ces souterrains d’anciennes images représentant soit le mariage de Marie avec saint Joseph, soit l’assomption de Marie au ciel, et d’autres représentant la Mère de Dieu avec l’enfant dans les bras.
            Un écrivain renommé affirme que « dans les premiers temps de l’Église, les chrétiens ont produit un type de Vierge de la manière la plus satisfaisante que l’état de l’art à cette époque pouvait permettre. Le sentiment de pudeur qui brillait, selon saint Ambroise, dans ces images de la Vierge, prouve qu’à défaut d’une effigie réelle de la Mère de Dieu, l’art chrétien a su reproduire les traits de son âme, cette beauté physique étant le symbole de la perfection morale que l’on ne pouvait s’empêcher d’attribuer à la Sainte Vierge. Ce caractère se retrouve également dans certaines peintures des catacombes, où la Vierge est représentée assise avec l’Enfant Jésus sur les genoux, tantôt debout, tantôt à mi-corps, toujours d’une manière qui semble conforme au type hiératique. »
            « Dans les catacombes de Sainte-Agnès, écrit Ventura, à l’extérieur de Porta Pia, on peut voir non seulement des tombes, mais aussi des oratoires des chrétiens du IIe siècle, remplis d’immenses richesses archéologiques chrétiennes et de précieux souvenirs de la chrétienté primitive. On y trouve en abondance des images de la Vierge avec l’Enfant divin dans ses bras, qui témoignent de la foi de l’Église antique sur la nécessité de la médiation de Marie pour obtenir les grâces de Jésus-Christ, et sur le culte des images sacrées que l’hérésie a tenté de détruire en les qualifiant de nouveautés superstitieuses. »

Chapitre VI. La Vierge Marie explique à saint Grégoire [le Thaumaturge] les mystères de la foi. – Châtiment de Nestorius.

            Bien que la sainte Vierge Marie se soit toujours montrée le secours des chrétiens dans toutes les nécessités de la vie, elle semble avoir voulu d’une manière particulière manifester sa puissance lorsque l’Église était attaquée dans les vérités de la foi, soit par l’hérésie, soit par les armes de l’ennemi. Nous rassemblons ici quelques-uns des événements les plus glorieux qui concourent tous à confirmer ce qui est écrit dans la Bible : Tu es comme la tour de David, dont l’édifice est entouré de remparts ; mille boucliers sont suspendus tout autour, et toutes sortes de cuirasses des plus vaillants (Cant. IV, 4). Voyons maintenant comment ces paroles se sont vérifiées dans les faits dans l’histoire de l’Église.
            Vers le milieu du IIIe siècle vivait saint Grégoire, connu comme le Thaumaturge en raison de la multitude de miracles qu’il accomplissait. L’évêque de Néocésarée, sa patrie, étant mort, saint Phaedimus, archevêque d’Amasée, dont il dépendait, pensa à élever saint Grégoire à cet évêché. Mais celui-ci, s’estimant indigne de cette sublime dignité, se cacha dans le désert ; et pour ne pas être découvert, il allait de solitude en solitude ; mais saint Phaedimus, éclairé par le Seigneur, l’élut évêque de Néocésarée malgré lui, bien qu’il fût absent.
            Ce diocèse adorait encore de fausses divinités, et lorsque saint Grégoire fut élu, il ne comptait que 17 chrétiens en tout. Grégoire fut fort consterné d’être contraint d’accepter une dignité aussi haute et aussi dangereuse, d’autant plus qu’il y avait dans cette ville des gens qui mêlaient monstrueusement les mystères de la foi aux fables ridicules des païens. Grégoire pria donc Phaedimus de lui accorder un peu de temps pour mieux s’instruire dans les mystères sacrés, et il passa des nuits entières dans l’étude et la méditation, se recommandant à la Sainte Vierge qui est la mère de la sagesse, et à laquelle il vouait une grande dévotion. Or, une nuit, après une longue méditation sur les mystères sacrés, un vénérable vieillard, d’une beauté et d’une majesté célestes, lui apparut. Émerveillé par ce spectacle, il lui demanda qui il était et ce qu’il voulait. Le vieillard le rassura aimablement et lui dit qu’il était envoyé par Dieu pour lui expliquer les mystères qu’il méditait. En entendant cela, il se mit à le regarder avec une grande joie et lui indiqua de la main une autre apparition sous la forme d’une femme qui brillait comme l’éclair et dépassait en beauté toutes les créatures humaines. Effrayé, il se prosterna sur le sol en signe de vénération. Entre-temps, il entendit la femme, qui était la Sainte Vierge, appeler ce vieillard du nom de Jean l’Évangéliste, et l’inviter à lui expliquer les mystères de la vraie religion. Saint Jean répondit qu’il était tout disposé à le faire, puisque cela plaisait à la Mère du Seigneur. Et en effet, il entreprit de lui expliquer de nombreux points de la doctrine catholique, alors non encore élucidés par l’Église et donc très obscurs.
            Il lui expliqua qu’il n’y avait qu’un seul Dieu en trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, que tous trois sont parfaits, invisibles, incorruptibles, immortels et éternels ; que la puissance et la création de toutes choses sont attribuées en particulier au Père ; qu’au Fils est attribuée spécialement la sagesse, et qu’il s’est fait vraiment homme, et qu’il est égal au Père quoique engendré de lui ; que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils et est la source de toute sainteté ; Trinité parfaite, sans division ni inégalité, qui a toujours été et sera toujours immuable et invariable.
            Après avoir expliqué ces doctrines et d’autres très élevées, la vision disparut et Grégoire écrivit immédiatement les choses qu’il avait apprises et les enseigna constamment dans son Église, sans jamais cesser de remercier la Sainte Vierge qui l’avait instruit d’une manière si prodigieuse.
            Si Marie s’est révélée une aide prodigieuse pour les chrétiens en faveur de la foi catholique, Dieu montre combien sont terribles les châtiments infligés à ceux qui blasphèment contre la foi. Nous en voyons la preuve dans la fin fatale de Nestorius, évêque de Constantinople. Il avait nié que la Vierge Marie était la mère de Dieu.
            Les graves scandales provoqués par sa prédication incitèrent le souverain pontife, appelé Célestin Ier, à examiner la doctrine de l’hérésiarque, qu’il trouva erronée et pleine d’impiété. Le pontife commença par l’admonester avec patience, puis le menaça de le séparer de l’Église s’il n’abjurait pas ses erreurs.
            L’obstination de Nestorius obligea le pape à convoquer un concile de plus de 200 évêques dans la ville d’Éphèse, présidé par saint Cyrille en tant que légat du pape. Ce concile, qui était le troisième concile œcuménique, s’est réuni en l’an de grâce 431.
            Les erreurs de Nestorius furent frappées d’anathèmes, mais l’auteur ne se convertit pas, mais devint plus obstiné. Il fut donc déposé de son siège, exilé en Égypte où, après de nombreuses tribulations, il tomba entre les mains d’une bande de brigands. En raison de son exil, de sa pauvreté, de son abandon, d’une chute de cheval et de son âge avancé, il souffrit de douleurs atroces. Enfin, son corps vivant se décomposa et sa langue, organe de tant de blasphèmes, se décomposa et fut rongé par les vers.
            Ainsi mourut celui qui avait osé proférer tant de blasphèmes contre l’auguste Mère du Sauveur.

(suite)




Missionnaire en Patagonie

La Patagonie, région méridionale de l’Amérique du Sud, partagée entre l’Argentine et le Chili, est un territoire présent dans les premiers rêves missionnaires de Don Bosco. Ce « rêve » s’est également concrétisé dans une mission qui porte encore aujourd’hui ses fruits.

            Le nom vient des indigènes de ces terres, les Patagons, terme utilisé par Ferdinand Magellan, indigènes qui correspondent aujourd’hui aux tribus Tehuelche et Aonikenk. Don Bosco a rêvé de ces indigènes en 1872, comme le raconte Don Lemoyne dans ses Mémoires biographiques (MB X,54-55).

            « Il me semblait que je me trouvais dans une région sauvage et totalement inconnue. C’était une immense plaine, entièrement inculte, dans laquelle on ne voyait ni collines ni montagnes. À ses extrémités, cependant, de rudes montagnes s’élevaient. Je vis des foules d’hommes qui la traversaient. Ils étaient presque nus, d’une taille et d’une stature extraordinaires, d’un aspect farouche, avec des cheveux longs et hirsutes, d’une couleur tannée et noirâtre, et seulement vêtus de larges manteaux de peaux de bêtes qui leur descendaient des épaules. Ils avaient pour armes une sorte de longue lance et la fronde (le lasso).
            Ces foules d’hommes, dispersées çà et là, offraient au spectateur des scènes différentes : les uns couraient en chassant des bêtes ; d’autres allaient, portant des morceaux de chair sanglante fichés à la pointe de leurs lances. D’un côté, certains se battaient entre eux ; d’autres en venaient aux mains avec des soldats habillés à l’européenne, et le sol était jonché de cadavres. Je tremblais devant ce spectacle, et c’est alors qu’apparurent, à l’extrémité de la plaine, plusieurs personnages que je reconnus, d’après leurs vêtements et leurs manières, pour être des missionnaires de divers ordres. Ils s’approchaient pour prêcher la religion de Jésus-Christ à ces barbares. Je les regardais bien, mais je n’en connaissais aucun. Ils s’avancèrent au milieu de ces sauvages ; mais les barbares, dès qu’ils les virent, avec une fureur diabolique, avec une joie infernale, s’élancèrent sur eux, et les tuèrent tous ; avec un supplice féroce ils les écartelaient, les coupaient en morceaux, et enfonçaient les morceaux de cette chair à la pointe de leurs longues piques. Puis on voyait se répéter de temps en temps les scènes des escarmouches précédentes entre eux et avec les peuples voisins.
            Après avoir regardé ces gens qui faisaient horreur, je me suis dit : – Comment pouvons-nous convertir des gens aussi brutaux ? – C’est alors que je vois au loin un groupe d’autres missionnaires s’approcher des sauvages d’un air joyeux, précédés d’une foule de jeunes.
Je tremblais en pensant : – Ils viennent pour se faire tuer. – Je m’approchai d’eux : c’étaient des abbés et des prêtres. Je les regardai attentivement et je les reconnus : c’étaient nos salésiens. Je connaissais les premiers, et bien que je n’aie pas pu connaître personnellement beaucoup d’autres qui suivaient les premiers, j’ai compris qu’ils étaient eux aussi des missionnaires salésiens, les nôtres. 
             – Qu’est-ce que cela ? – m’écriai-je. Je ne voulais pas les laisser aller et j’étais là pour les arrêter. Je m’attendais à ce qu’ils subissent à tout moment le même sort que les anciens missionnaires. Je voulais leur faire rebrousser chemin, quand je vis que leur apparition mettait en joie toutes ces foules barbares qui abaissaient leurs armes, déposaient leur férocité et accueillaient nos missionnaires avec toutes les marques de la courtoisie. Stupéfait, je me suis dit : « Voyons comment cela va se terminer ! – Et je vis que nos Missionnaires avançaient vers ces hordes de sauvages ; ils les instruisaient et eux écoutaient volontiers leur voix ; ils les enseignaient et eux apprenaient avec empressement ; ils donnaient des avertissements et eux les acceptaient et les mettaient en pratique.
            J’observais et je remarquais que les missionnaires récitaient le chapelet, tandis que les sauvages, qui couraient de tous côtés, s’écartaient sur leur passage et répondaient de bon cœur à cette prière.
            Au bout d’un moment, les salésiens allèrent se placer au centre de la foule qui les entourait, et ils s’agenouillèrent. Les sauvages, ayant déposé leurs armes à terre aux pieds des missionnaires, fléchirent aussi les genoux.
            Et voici que l’un des salésiens entonna le cantique « Louez Marie, ô langues fidèles », et ces foules, d’une seule voix, continuèrent le chant de louange à l’unisson et avec une telle force dans la voix que, presque effrayé, je me réveillai.
            J’ai fait ce rêve il y a quatre ou cinq ans et il a fait une grande impression sur mon âme, croyant qu’il s’agissait d’un avertissement céleste. Cependant, je n’ai pas vraiment compris sa signification particulière. Je compris cependant qu’il s’agissait de missions à l’étranger, ce qui était auparavant mon souhait le plus ardent. »

            Le rêve s’est donc produit vers 1872. Don Bosco crut d’abord qu’il s’agissait des peuples de l’Éthiopie, puis il pensa aux habitants de Hong Kong, puis à ceux de l’Australie et des Indes. Ce n’est qu’en 1874, lorsqu’il reçut, comme nous le verrons, les invitations les plus pressantes à envoyer les salésiens en Argentine, qu’il sut clairement que les sauvages qu’il avait vus en rêve étaient les indigènes de cette immense région de la Patagonie, alors presque inconnue.

            La mission, qui a commencé il y a près de 150 ans, se poursuit aujourd’hui.
            Un salésien, le père Ding, a entendu l’appel de la mission à l’occasion de son 50e anniversaire. C’est un appel dans l’appel : à l’intérieur de la vocation à suivre Dieu comme personne consacrée dans la Congrégation salésienne, il arrive qu’on entende l’appel à faire un pas de plus, à tout quitter et à partir pour porter l’Évangile dans de nouveaux lieux : la missio ad gentes pour toute la vie. Après avoir terminé sa mission comme délégué provincial pour les missions au cours de ses dernières années aux Philippines, il s’est rendu disponible pour faire partie de la 152ème expédition missionnaire, et en 2021, il a été assigné à la Patagonie, dans la Province Argentine-Sud (ARS).
            Après un temps de formation pour les nouveaux missionnaires salésiens, écourté à cause du COVID, et la remise de la croix missionnaire le 21 novembre 2021, son premier travail a été d’étudier l’espagnol, avec son compagnon du Bénin, le Père Barnabé, à Salamanque, en Espagne. Mais une fois arrivés en Argentine, le Père Ding s’est rendu compte qu’il ne comprenait pas grand-chose à cause de la vitesse d’élocution et des différences d’accent. Il continue son inculturation à Buenos Aires, avant de rejoindre sa destination, la Patagonie, terre des premiers missionnaires salésiens. L’accueil et la gentillesse des habitants de Buenos Aires lui ont permis de se sentir chez lui et l’ont aidé à surmonter les « chocs » culturels.

Il nous raconte :
Comment se confirme la vocation missionnaire ? Dans la vie de tous les jours, à travers les activités quotidiennes de l’école, de la paroisse et de l’oratoire. L’esprit de Don Bosco est vivant dans le pays qui a accueilli les premiers missionnaires salésiens, précisément à La Boca où a commencé la première œuvre paroissiale salésienne. L’un des secrets qui permet à cette vitalité de perdurer aujourd’hui est l’engagement de laïcs coresponsables, qui se rendent disponibles avec fidélité et créativité, en travaillant aux côtés des salésiens. Un véritable exemple d’esprit de famille et de dévouement à la mission, qui concrétise les réflexions du Chapitre général 24 sur la collaboration entre salésiens et laïcs.
            Un autre aspect frappant est le travail inlassable en faveur des pauvres et des marginaux. À La Boca, un repas dominical est préparé pour les pauvres de la ville, et l’on peut voir le personnel de l’école, les paroissiens et les membres de la Famille salésienne cuisiner et aider les nécessiteux, tous ensemble, à commencer par le directeur de la communauté et directeur de l’école. L’oratoire est très actif, avec des animateurs fervents et un groupe de scouts, semblables aux scouts qui suivent les valeurs de l’Évangile et de Don Bosco.

            Malgré le défi de la barrière de la langue, le père Ding nous dit : Ce que j’ai appris ici, c’est que l’on comprend tous et tout, seulement si l’on se donne de tout cœur à la mission qui nous est confiée, aux personnes avec lesquelles et pour lesquelles nous vivons.
            Dans les prochains mois, Villa Regina (Río Negro) sera sa nouvelle maison, en Patagonie. Nous lui souhaitons une sainte mission.

Marco Fulgaro




Vie de saint Joseph, époux de Marie, père adoptif de Jésus-Christ (3/3)

(suite de l’article précédent)

Chap. XX. Mort de saint Joseph. – Son enterrement.
Nunc dimittis servum tuum Domine, secundum verbum tuum in pace, quia viderunt oculi mei salutare tuum. (Laisse maintenant ton serviteur s’en aller en paix, Seigneur, selon ta parole, car mes yeux ont vu le Sauveur donné par toi. – Lc 2,29)

            Le dernier moment étant venu, Joseph fit un effort suprême pour se lever et adorer celui que les hommes considéraient comme son fils, mais que Joseph savait être son Seigneur et son Dieu. Il voulait se jeter à ses pieds et demander la rémission de ses péchés. Mais Jésus ne lui permit pas de s’agenouiller et le reçut dans ses bras. C’est ainsi qu’appuyant sa tête vénérable sur la divine poitrine de Jésus, et ses lèvres près de ce cœur adorable, Joseph expira, donnant aux hommes un dernier exemple de foi et d’humilité. C’était le dix-neuvième jour du mois de mars de l’an de Rome 777, le vingt-cinquième depuis la naissance du Sauveur.
            Jésus et Marie versèrent des pleurs sur le corps froid de Joseph, et firent à ses côtés la veillée de deuil des morts. Jésus lui-même lava ce corps virginal, lui ferma les yeux et croisa les mains sur sa poitrine ; puis il le bénit pour le préserver de la corruption du tombeau, et plaça les anges du Paradis à sa garde.
            Les funérailles du pauvre ouvrier furent aussi modestes que l’avait été toute sa vie. Mais si elles semblaient telles à la face de la terre, elles lui rendirent plus d’honneur que celui qu’ont eu les plus glorieux empereurs du monde, puisque le Roi et la Reine du Ciel, Jésus et Marie, y étaient présents. Le corps de Joseph fut déposé dans le tombeau de ses pères, dans la vallée de Josaphat, entre la montagne de Sion et le mont des Oliviers.

Chap. XXI. Le pouvoir de saint Joseph au ciel. Raisons de notre confiance.
Ite ad Joseph. (Allez à Joseph et faites tout ce qu’il vous dira. – Gn 41,55)

            La gloire et la puissance des justes sur la terre ne sont pas toujours à la mesure de leur sainteté ; mais il n’en est pas de même de la gloire et de la puissance dont ils sont revêtus au ciel, où chacun est récompensé selon ses œuvres. Plus ils ont été saints aux yeux de Dieu, plus ils sont élevés à un degré sublime de pouvoir et d’autorité.
Une fois ce principe établi, ne devons-nous pas croire que, parmi les bienheureux qui font l’objet de notre culte religieux, saint Joseph est, après Marie, le plus puissant de tous auprès de Dieu, et celui qui mérite le plus notre confiance et nos hommages ? En effet, combien de glorieux privilèges le distinguent des autres saints, et doivent nous inspirer une profonde et tendre vénération à son égard !
            Le fils de Dieu qui a choisi Joseph pour père, pour récompenser tous ses services et lui donner en retour les démonstrations de l’amour le plus tendre au temps de sa vie mortelle, ne l’aime pas moins au ciel qu’il ne l’a aimé sur la terre. Heureux d’avoir toute l’éternité pour dédommager son père bien-aimé de tout ce qu’il a fait pour lui dans la vie présente, avec un zèle si ardent, une fidélité si inviolable et une humilité si profonde. C’est pourquoi le divin Sauveur est toujours disposé à écouter favorablement toutes ses prières et à exaucer tous ses souhaits.
            Nous trouvons dans les privilèges et les faveurs de l’ancien Joseph, qui n’était qu’une ombre de notre vrai Joseph, une figure du crédit exceptionnel dont jouit au ciel le saint époux de Marie.
            Quand Pharaon voulut récompenser les services qu’il avait reçus de Joseph, fils de Jacob, il l’établit comme intendant général de sa maison, maître de tous ses biens, désirant que tout soit fait selon ses ordres. Après l’avoir établi vice-roi d’Égypte, il lui donna le sceau de son autorité royale et lui conféra le plein pouvoir d’accorder toutes les grâces qu’il souhaitait. Il ordonna qu’on l’appelle le sauveur du monde, afin que ses sujets puissent reconnaître qu’ils lui devaient leur salut. En bref, il envoya à Joseph tous ceux qui venaient chercher une faveur quelconque, afin qu’ils l’obtiennent de son autorité et lui témoignent leur gratitude : Ite ad Ioseph, et quidquid dixerit vobis, facite – Gn 41,55 ; Allez à Joseph, faites tout ce qu’il vous dira et recevez de lui tout ce qu’il voudra vous donner.
            Mais combien plus merveilleux et plus capables de nous inspirer une confiance sans bornes sont les privilèges du chaste époux de Marie, le père nourricier du Sauveur ! Ce n’est pas un roi de la terre comme Pharaon, mais c’est Dieu tout-puissant qui a voulu combler de ses faveurs ce nouveau Joseph. Il commence par l’établir comme maître et vénérable chef de la Sainte Famille ; il veut que tout lui obéisse et lui soit soumis, même son propre fils égal à lui en toutes choses. Il fait de lui son vice-roi, voulant qu’il représente son adorable personne au point de lui donner le privilège de porter son nom et d’être appelé le père de son unique enfant. Il remet ce fils entre ses mains, pour nous faire savoir qu’il lui donne un pouvoir illimité d’accorder toute grâce. Observez comment il fait savoir dans l’Évangile, pour toute la terre et dans tous les âges, que saint Joseph est le père du roi des rois : Erant pater et mater eius mirantes – Lc 2,33. Il souhaite qu’il soit appelé le Sauveur du monde, puisqu’il a nourri et préservé celui qui est le salut de tous les hommes. Enfin, il nous avertit que si nous désirons des grâces et des faveurs, c’est vers Joseph que nous devons nous tourner : Ite ad Ioseph, car c’est lui qui a tout pouvoir auprès du Roi des rois pour obtenir tout ce qu’il demande.
            La sainte Église reconnaît ce pouvoir souverain de Joseph puisqu’elle demande par son intercession ce qu’elle ne pourrait obtenir par elle-même : Ut quod possibilitas nostra non obtinet, eius nobis intercessione donetur.
            Certains saints, dit le docteur angélique, ont reçu de Dieu le pouvoir de nous assister dans certains besoins particuliers ; mais le crédit dont jouit saint Joseph n’a pas de limite ; il s’étend à toutes les nécessités, et tous ceux qui recourent à lui avec confiance sont certains d’être promptement exaucés. Sainte Thérèse nous déclare qu’elle n’a jamais rien demandé à Dieu par l’intercession de saint Joseph qu’elle ne l’ait obtenu rapidement : et le témoignage de cette sainte en vaut mille autres, puisqu’il est fondé sur l’expérience quotidienne de ses faveurs. Les autres saints jouissent, il est vrai, d’un grand crédit au ciel ; mais ils intercèdent en serviteurs et ne commandent pas en maîtres. Joseph, qui a vu Jésus et Marie lui être soumis, peut sans doute obtenir tout ce qu’il veut du roi, son fils, et de la reine, son épouse. Il a un crédit illimité auprès de l’un et de l’autre, et, comme le dit Gerson, il commande plutôt qu’il ne supplie : Non impetrat, sed imperat. Jésus, dit saint Bernardin de Sienne, veut continuer au ciel à donner à saint Joseph la preuve de son respect filial en obéissant à toutes ses volontés : Dum pater orat natum, velut imperium reputatur.
            En effet, qu’est-ce que Jésus-Christ pourrait refuser à Joseph, lui qui ne lui a jamais rien refusé au temps de sa vie ? Moïse n’était par vocation que le chef et le conducteur du peuple d’Israël, et cependant il se comportait avec Dieu avec une telle autorité, que lorsqu’il le priait en faveur de ce peuple rebelle et incorrigible, sa prière semblait devenir un ordre, qui liait en quelque sorte les mains de la majesté divine, et la réduisait à être presque incapable de châtier les coupables, tant qu’il ne lui en avait rendu la liberté : Dimitte me, ut irascatur furor meus contra eos et deleam eos. (Ex 32).
            Mais quelle ne sera pas la puissance de la prière que Joseph adresse pour nous au souverain juge, dont il fut le guide et le père adoptif ? Car s’il est vrai, comme le dit saint Bernard, que Jésus-Christ, qui est notre avocat auprès du Père, lui présente ses plaies sacrées et le sang adorable qu’il a versé pour notre salut, si Marie, de son côté, présente à son Fils unique le sein qui l’a porté et nourri, ne pouvons-nous pas ajouter que saint Joseph montre au Fils et à la Mère les mains qui ont travaillé pour eux et les sueurs qu’il a répandues pour assurer leur subsistance sur la terre ? Et si Dieu le Père ne peut rien refuser à son Fils bien-aimé quand il le prie par ses plaies sacrées, ni le Fils rien refuser à sa très sainte Mère quand elle le supplie par les entrailles qui l’ont porté, ne devons-nous pas croire que ni le Fils ni la Mère, devenue la dispensatrice des grâces que Jésus-Christ méritait, ne peut rien refuser à saint Joseph quand il les prie pour tout ce qu’il a fait pour eux pendant les trente années de sa vie ?
            Imaginons que notre saint protecteur adresse pour nous cette émouvante prière à Jésus-Christ, son Fils adoptif : « Ô mon divin Fils, daigne répandre tes grâces les plus abondantes sur mes fidèles serviteurs ; je te le demande par le doux nom de Père dont tu m’as si souvent honoré, par ces bras qui t’ont reçu et réchauffé à ta naissance, qui t’ont porté en Égypte pour te sauver de la colère d’Hérode. Je te le demande par ces yeux dont j’ai essuyé les larmes, par ce sang précieux que j’ai recueilli à ta circoncision ; par les peines et les travaux que j’ai supportés avec tant de contentement pour nourrir ton enfance, pour t’élever durant ta jeunesse… » Comment Jésus, si plein de charité, pourrait-il résister à une telle prière ? Et s’il est écrit, dit saint Bernard, qu’il fait la volonté de ceux qui le craignent, comment pourrait-il refuser de faire celle de celui qui l’a servi et nourri avec tant de fidélité, avec tant d’amour ? Si voluntatem timentium se faciet, quomodo voluntatem nutrientis se non faciet?  » (Un pieux écrivain dans ses commentaires sur le Psaume 144,19).
            Mais ce qui doit redoubler notre confiance en saint Joseph, c’est son ineffable charité à notre égard. En devenant son fils, Jésus a mis dans son cœur un amour plus tendre que celui du meilleur des pères.
            Ne sommes-nous pas devenus ses fils, alors que Jésus-Christ est notre frère et que Marie, sa chaste épouse, est notre mère pleine de miséricorde ?
            Tournons-nous donc vers saint Joseph avec une vive et pleine confiance. Sa prière, unie à celle de Marie et présentée à Dieu au nom de l’adorable enfance de Jésus-Christ, ne peut essuyer un refus, mais doit obtenir tout ce qu’elle demande.
            La puissance de saint Joseph est illimitée, elle s’étend à tous les besoins de notre âme et de notre corps.
            Après trois ans d’une maladie violente et continue, qui ne lui laissait ni repos ni espoir de guérison, sainte Thérèse eut recours à saint Joseph, qui lui rendit bientôt la santé.
            C’est principalement à notre dernière heure, quand la vie est sur le point de nous quitter comme un faux ami, quand l’enfer va redoubler d’efforts pour enlever nos âmes pendant le passage vers l’éternité, c’est à ce moment décisif pour notre salut que saint Joseph nous assistera d’une manière toute particulière, si nous sommes fidèles à l’honorer et à le prier pendant la vie. Pour le récompenser d’avoir sauvé de la mort en le délivrant de la colère d’Hérode, le divin Sauveur lui a donné le privilège spécial de sauver des pièges du diable et de la mort éternelle les mourants qui se sont mis sous sa protection.
            C’est pourquoi il est invoqué avec Marie dans tout le monde catholique comme le saint patron de la bonne mort. Oh ! comme nous serions heureux, si nous pouvions mourir comme tant de fidèles serviteurs de Dieu, en prononçant les noms tout-puissants de Jésus, de Marie, et de Joseph. Le Fils de Dieu, dit le vénérable Bernard de Bustis, ayant les clefs du paradis, donna l’une à Marie, l’autre à Joseph, afin qu’ils introduisent tous leurs fidèles serviteurs dans le lieu du rafraîchissement, de la lumière et de la paix.

Chap. XXII. Propagation du culte et institution de la fête du 19 mars et du patronage de saint Joseph.
Qui custos est domini sui glorificabitur. (Celui qui garde son maître sera honoré – Pr 27,18).

            De même que la Providence divine a décrété que saint Joseph devait mourir avant que Jésus ne se manifeste publiquement comme le Sauveur de l’humanité, de même elle a décrété que le culte de ce saint ne devait pas se répandre avant que la foi catholique ne se soit universellement répandue dans le monde. En effet, l’exaltation de ce saint dans les premiers temps du christianisme semblait dangereuse pour la foi encore faible du peuple. Il convenait tout à fait à la dignité de Jésus-Christ d’inculquer qu’il était né d’une vierge par la puissance du Saint-Esprit. Or, mettre en avant la mémoire de saint Joseph, l’époux de Marie, aurait éclipsé cette croyance dogmatique dans certains esprits faibles, pas encore éclairés sur les miracles de la puissance divine. De plus, il était important, dans ces siècles de bataille, de vénérer avant tout les héros qui avaient versé leur sang par le martyre pour maintenir la foi.
            Mais quand la foi fut bien établie au sein du peuple et que de nombreux saints avaient édifié l’Église par la splendeur de leurs vertus sans passer par les tourments et furent élevés à l’honneur des autels, on jugea bon de ne plus laisser dans le silence un saint dont l’Évangile lui-même faisait si amplement l’éloge. C’est pourquoi les Grecs célébrèrent la fête des ancêtres du Christ (qui étaient justes) le dimanche précédant Noël, et consacrèrent le dimanche dans l’octave au culte de saint Joseph, l’époux de Marie, du saint prophète David et de saint Jacques, le cousin du Seigneur.
            Dans le calendrier copte, on fait mention de saint Joseph le 20 juillet, et certains pensent que le 4 juillet était le jour de la mort de notre saint.
            Dans l’Église latine, le culte de saint Joseph remonte aux origines des premiers siècles, comme le montrent le très ancien martyrologe du monastère de Saint-Maximin de Trèves et celui d’Eusèbe. L’ordre des frères mendiants fut le premier à célébrer l’office propre, comme en témoignent leurs bréviaires. Leur exemple a été suivi au XIVe siècle par les franciscains et les dominicains grâce à l’œuvre d’Albert le Grand, qui fut le maître de saint Thomas d’Aquin.
            Vers la fin du XVe siècle, les églises de Milan et de Tolède l’ont également introduite dans leur liturgie, jusqu’à ce que le Siège apostolique étende son culte à l’ensemble du monde catholique en 1522. Les papes Pie V, Urbain VIII et Sixte IV en ont perfectionné la célébration.
            La princesse Isabelle Clara Eugénie d’Espagne, héritière de l’esprit de sainte Thérèse, très dévote de saint Joseph, se rendit en Belgique et obtint qu’une fête soit célébrée le 19 mars dans la ville de Bruxelles en l’honneur de ce saint. Le culte se répandit dans les provinces voisines, où il fut proclamé et vénéré sous le titre de sauveur de la paix et protecteur de la Bohême. Cette fête a commencé en Bohême en 1655.
            Une partie du manteau avec lequel saint Joseph a enveloppé le saint enfant Jésus est conservée à Rome dans l’église Sainte-Cécile au Transtévère, où se trouve également le bâton que ce saint portait lors de ses déplacements. L’autre partie est conservée dans l’église Sainte-Anastasie dans la même ville.
            D’après ce que des témoins oculaires nous ont transmis, ce manteau est de couleur jaunâtre. Un petit morceau de celui-ci a été offert par le cardinal Ginetti aux carmes déchaux d’Anvers, et est conservé dans un magnifique reliquaire, sous trois clés, et exposé à la vénération du public chaque année durant les fêtes de Noël.
            Parmi les souverains pontifes qui ont contribué par leur autorité à promouvoir le culte de ce saint, on peut citer Sixte IV, qui fut le premier à instituer cette fête vers la fin du XVe siècle. Saint Pie V a introduit l’office dans le bréviaire romain. Grégoire XV et Urbain VIII se sont efforcés, par des décrets spéciaux, de raviver la ferveur envers ce saint qui semblait s’être émoussée chez certains peuples. Enfin, le souverain pontife Innocent X, cédant aux demandes de nombreuses églises de la chrétienté, également désireux de promouvoir la gloire du très saint époux de Marie et de rendre ainsi son patronage plus efficace pour la religion, étendit la solennité à l’ensemble du monde catholique.
            La fête de saint Joseph a donc été fixée au 19e jour du mois de mars, dont on croit pieusement qu’il s’agit du jour de sa mort glorieuse (contre l’avis de certains qui pensent que cela s’est produit le 4e jour de juillet).
            Comme cette fête tombe toujours dans le temps du carême, elle ne pouvait être célébrée un dimanche, puisque tous les dimanches du carême sont privilégiés. Elle serait donc souvent passée inaperçue si l’ingénieuse piété des fidèles n’avait trouvé le moyen d’y suppléer autrement.
            Depuis 1621, l’Ordre des Carmes Déchaux reconnaît solennellement saint Joseph comme patron et père universel de leur Institut et a consacré l’un des dimanches après Pâques à la célébration de sa solennité sous le titre de Patronage de S. Joseph. À la demande fervente de l’Ordre lui-même et de nombreuses Églises de la chrétienté, la Sacrée Congrégation des Rites, par décret de l’an 1680, fixa cette solennité au troisième dimanche après Pâques. De nombreuses Églises du monde catholique ont bientôt adopté spontanément cette fête. La Compagnie de Jésus, les Rédemptoristes, les Passionistes et la Société de Marie la célèbrent avec leur propre octave et office sous le rite double de première classe.
            La Sacrée Congrégation des Rites a finalement étendu cette fête à toute l’Église universelle afin d’encourager et d’animer de plus en plus la piété des fidèles envers ce grand saint par un décret du 10 septembre 1847 à la demande du cardinal Patrizi.
            En ces temps difficiles pour l’Église de Jésus-Christ, la foi catholique tourne ses prières vers le Ciel pour implorer un protecteur. Notre sainte religion, attaquée dans ses principes les plus sacrés, voit de nombreux enfants arrachés à son sein maternel au milieu d’une cruelle indifférence pour se donner follement à l’incrédulité et à l’impiété, et en devenant de scandaleux apôtres de l’impiété, capables d’égarer tant de leurs frères et de déchirer le cœur de cette mère aimante qui les a nourris. Or, la dévotion à saint Joseph pourrait attirer de copieuses bénédictions sur les familles de ses dévots, et procurer à l’épouse désolée de Jésus-Christ un patronage très efficace. De même que ce saint a su préserver la vie de Jésus au temps de la persécution d’Hérode, il saura préserver la foi de ses enfants de la persécution de l’enfer. Comme le premier Joseph, fils de Jacob, a su garantir une abondance de biens au peuple d’Égypte pendant sept années de famine, le vrai Joseph, le plus heureux intendant des trésors célestes, saura maintenir dans le peuple chrétien cette foi très sainte pour laquelle est descendu sur la terre ce Dieu, dont il fut pendant trente ans le précepteur et le gardien.

Les sept joies et les sept douleurs de saint Joseph.

Indulgence accordée par Pie IX aux fidèles qui réciteront cette prière pour la neuvaine du saint.

            Le pape Pie IX, voulant étendre les concessions de ses prédécesseurs, notamment celles de Grégoire XVI, accorde l’indulgence plénière aux fidèles des deux sexes qui, après avoir récité les prières communément appelées Les sept joies et lessept douleurs de saint Joseph, visiteront pendant sept dimanches consécutifs, en n’importe quelle époque de l’année, moyennant la confession et la communion, une église ou un oratoire public, et y prieront selon son intention. Cette indulgence plénière est applicable également aux âmes du Purgatoire, en chacun desdits dimanches.
            À ceux qui ne savent pas lire, ou qui ne peuvent se rendre dans aucune église où ces prières sont dites publiquement, le Pontife a accordé la même indulgence plénière à condition qu’en visitant ladite église et en priant comme ci-dessus, ils récitent, au lieu des prières indiquées, sept Pater, Ave et Gloria en l’honneur du saint Patriarche.

Prière des sept douleurs et joies de saint Joseph.

            1. Glorieux saint Joseph, chaste époux de Marie, tu as éprouvé dans ton cœur la douleur et l’angoisse à l’idée d’abandonner ton épouse immaculée, mais tu as connu aussi une joie inexplicable lorsque l’ange te révéla le souverain mystère de l’Incarnation.
            Pour cette douleur et pour cette joie, nous te prions de consoler notre âme maintenant et dans nos douleurs finales par la joie d’une bonne vie et d’une sainte mort semblable à la tienne, en compagnie de Jésus et de Marie.
Pater, Ave et Gloria.

            2. Glorieux saint Joseph, heureux patriarche, choisi pour être le Père adoptif du Verbe humain, quelle douleur tu as dû ressentir en voyant l’enfant Jésus naître dans une telle pauvreté ! Mais celle-ci s’est immédiatement transformée en jubilation céleste quand tu entendis l’harmonie angélique et les gloires de cette heureuse nuit.
            Pour cette douleur et pour cette joie, fais, nous t’en supplions, qu’après le voyage de cette vie, nous puissions passer à l’écoute des louanges angéliques, et jouir des splendeurs de la gloire céleste.
Pater, Ave et Gloria.

            3. Glorieux saint Joseph, exécuteur des lois divines, le sang très précieux que l’Enfant Rédempteur a versé à la circoncision a transpercé ton cœur, mais le nom de Jésus l’a ravivé, le remplissant de joie.
            Pour cette douleur et pour cette joie, obtiens-nous d’éloigner tout vice de notre vie, afin que nous puissions en jubilant rendre le dernier soupir avec le saint nom de Jésus dans notre cœur et dans notre bouche.
Pater, Ave et Gloria.

            4. Glorieux saint Joseph, saint très fidèle, compagnon des Mystères de notre Rédemption, la prophétie de Siméon sur les souffrances de Jésus et de Marie t’a causé les affres de la mort, mais sa prédiction concernant le salut et la glorieuse résurrection d’âmes innombrables t’a aussi rempli d’une joie ineffable.
            Pour cette douleur et pour cette joie, obtiens-nous de faire partie du nombre de ceux qui, par les mérites de Jésus et l’intercession de la Vierge sa Mère, seront appelés à ressusciter dans la gloire.
Pater, Ave et Gloria.

            5. Glorieux saint Joseph, gardien vigilant, membre de la famille du Fils de Dieu incarné, combien tu as souffert en soutenant et en servant le Fils du Très-Haut, surtout lors de la fuite en Égypte ! Mais combien plus tu t’es réjoui en ayant toujours ce Dieu avec toi, et en voyant tomber à terre les idoles égyptiennes.
            Pour cette douleur et cette joie, fais qu’en éloignant de nous le tyran infernal, surtout par la fuite des occasions dangereuses, nous renversions toutes les idoles des affections terrestres de notre cœur, et nous mettant au service de Jésus et de Marie, nous vivions et mourions heureux pour leur seul amour.
Pater, Ave et Gloria.

            6. Glorieux saint Joseph, ange de la terre, toi qui admiras l’obéissance du roi du ciel à tes commandements, je sais qu’au retour de l’Égypte ta consolation fut troublée par la crainte d’Archélaüs. Mais je sais aussi que, rassuré par l’Ange et heureux d’être avec Jésus et Marie, tu demeuras à Nazareth.
            Pour cette douleur et pour cette joie, fais que les craintes néfastes de notre cœur soient dissipées, afin que nous puissions jouir de la paix de la conscience et vivre en toute sécurité avec Jésus et Marie et mourir en leur compagnie.
Pater, Ave et Gloria.

            7. Glorieux saint Joseph, modèle de toute sainteté, quand tu perdis l’enfant Jésus sans faute de ta part, tu l’as cherché pendant trois jours dans la plus grande tristesse, jusqu’à ce que tu retrouves avec une immense joie, au temple au milieu des docteurs, celui qui était toute ta Vie.
            Pour cette douleur et pour cette joie, nous te supplions, le cœur sur les lèvres, d’intercéder afin qu’il ne nous arrive jamais de perdre Jésus par négligence grave. Que si par un grand malheur nous le perdions, fais que nous le cherchions inlassablement, jusqu’à ce que nous le trouvions, en particulier au moment de la mort, pour nous réjouir avec lui au Ciel, et chanter là avec toi et pour toujours ses divines miséricordes.
Pater, Ave et Gloria.

Antienne. Jésus allait avoir trente ans et on croyait qu’il était le fils de Joseph.
            V. Prie pour nous, saint Joseph.
            R. Et nous serons dignes des promesses du Christ.

Oremus.

            Ô Dieu, qui dans ton ineffable providence as voulu choisir le bienheureux Joseph comme époux de ta très sainte Mère, accorde-nous, à nous qui le vénérons comme protecteur sur la terre, de mériter de l’avoir comme intercesseur dans le Ciel. Par le Christ notre Seigneur.
            R. Amen.

Autre prière à saint Joseph.
            Je te salue, Joseph, plein de grâce, Jésus et Marie sont avec toi. Tu es béni entre tous les hommes, et béni est le fruit des entrailles de ton épouse, Marie. Saint Joseph, père adoptif de Jésus, chaste époux de Marie, prie pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. Ainsi soit-il.

Recueillie auprès des auteurs les plus accrédités, avec neuvaine préparatoire à la fête du Saint.
Typographie de l’Oratoire Saint François de Sales, Turin 1867.
BOSCO GIOVANNI, prêtre.

Avec permission ecclésiastique.

***

Aujourd’hui, l’Église accorde des indulgences (Enchiridion Indulgentiarum n.19) pour les prières en l’honneur de saint Joseph :
« Une indulgence partielle est accordée aux fidèles qui invoquent saint Joseph, Époux de la Bienheureuse Vierge Marie, selon une prière légitimement approuvée (par exemple : C’est à vous, bienheureux Joseph).

C’est à vous, bienheureux Joseph, que nous recourons dans notre tribulation et, après avoir imploré le secours de votre très sainte Épouse, nous sollicitons aussi avec confiance votre patronage.
Par l’affection qui vous a uni à la Vierge immaculée Mère de Dieu, par l’amour paternel dont vous avez entouré l’Enfant Jésus, nous vous supplions de regarder d’un œil propice l’héritage que Jésus-Christ a conquis au prix de son sang, et de nous assister de votre puissance et de votre secours dans nos besoins.
Protégez, ô très sage gardien de la divine Famille, la race élue de Jésus-Christ. Préservez-nous, ô Père très aimant, de toute souillure d’erreur et de corruption ; soyez-nous propice, ô notre très puissant libérateur, du haut du ciel assistez-nous dans le combat que nous livrons à la puissance des ténèbres ; et de même que vous avez arraché autrefois l’Enfant Jésus au péril de la mort, défendez aujourd’hui la Sainte Église de Dieu contre les embûches de l’ennemi et contre toute adversité.
Gardez toujours chacun de nous sous votre protection, afin que, à votre exemple et soutenus par votre secours, nous puissions vivre saintement, pieusement mourir et obtenir la béatitude éternelle dans les cieux.
Amen.

(Pape Léon XIII, Oraison à Saint Joseph, encyclique Quamquam pluries)




Vie de saint Joseph, époux de Marie, père adoptif de Jésus-Christ (2/3)

(suite de l’article précédent)

Chap. IX. La circoncision.
Et vocavit nomen eius Iesum. (Et il lui donna le nom de Jésus. – Mt 1,25)

            Le huitième jour après la naissance, les enfants d’Israël devaient être circoncis selon le commandement de Dieu donné à Abraham, afin qu’il y ait un signe pour rappeler au peuple l’alliance que Dieu avait conclue avec lui.
            Marie et Joseph comprenaient très bien qu’un tel signe n’était pas du tout nécessaire pour Jésus. Cette opération douloureuse était une peine qui convenait aux pécheurs, et son but était d’effacer le péché originel. Jésus, étant le saint par excellence et la source de toute sainteté, ne portait avec lui aucun péché et n’avait besoin d’aucune rémission. En outre, il était venu au monde à la suite d’une conception miraculeuse et n’avait à se soumettre à aucune des lois qui s’appliquaient aux hommes. Cependant, Marie et Joseph n’hésitèrent pas à accomplir la douloureuse cérémonie sur l’enfant divin, sachant que Jésus n’était pas venu pour enfreindre la loi, mais pour l’accomplir, et pour donner aux hommes l’exemple d’une obéissance parfaite, prêt à souffrir tout ce que la gloire du Père céleste et le salut de l’humanité exigeraient de lui.
            Joseph, le saint patriarche, fut le ministre et le prêtre de ce rite sacré. Le voici qui, les yeux pleins de larmes, dit à Marie : « Marie, le moment est venu où nous allons accomplir sur ton fils béni le signe de notre père Abraham. Je sens que je perds cœur en y pensant. Moi, mettre le fer dans cette chair immaculée ! Tirer le premier sang de cet agneau de Dieu ! Oh si tu ouvrais la bouche, mon enfant, pour me dire que tu ne veux pas cette blessure, oh comme je jetterais ce couteau loin de moi, et je me réjouirais que tu ne la veuilles pas ! Mais je vois que tu me demandes ce sacrifice ; que tu veux souffrir. Oui, mon cher enfant, nous souffrirons : toi dans ta chair très pure ; Marie et moi dans notre cœur. »
            Joseph accomplit l’office douloureux en offrant à Dieu ce premier sang en expiation des péchés des hommes. Puis, avec Marie en larmes et pleine d’angoisse devant l’affliction de son Fils, il répéta : « Jésus est son nom, car il doit sauver son peuple de ses péchés : Vocabis nomen eius Iesum; ipse enim salvum faciet populum suum a peccatis eorum« . – Mt 1,25 » « Ô nom très saint, ô nom au-dessus de tout nom, comme il est juste qu’en ce moment tu sois prononcé pour la première fois ! Dieu a voulu que l’enfant soit appelé Jésus à partir du moment où il commença à verser du sang. Car s’il était et devait être le Sauveur, c’était précisément en vertu et à cause de son sang, par lequel il entra une seule fois dans le saint des saints et accomplit par le sacrifice de tout son être la Rédemption d’Israël et du monde entier.
            Joseph fut le grand et noble ministre de la Circoncision par laquelle le Fils de Dieu reçut son nom. Joseph l’avait reçu de l’ange, Joseph le prononça le premier parmi les hommes, et en le prononçant, il fit que tous les anges se prosternèrent, et que les démons saisis d’une frayeur extraordinaire, même sans comprendre pourquoi, tombèrent en adoration et se cachèrent dans les profondeurs de l’enfer. Grande dignité de Joseph ! Grande obligation de révérence envers lui ! C’est lui en effet qui fut le premier à avoir donné au Fils de Dieu le nom de Rédempteur, et le premier à avoir coopéré pour faire de lui notre Rédempteur grâce au saint ministère de la circoncision.

Chap. X. Jésus adoré par les mages. La Purification.
Reges Tharsis et insulae munera offerent, Reges Arabum et Saba dona adducent (Les rois de Tharsis et des îles lui feront leurs offrandes, les rois des Arabes et de Saba lui apporteront leurs présents. – Ps 71,10)

            Ce Dieu, qui était descendu sur terre pour faire de la maison d’Israël et des peuples dispersés une seule famille, voulait autour de son berceau les représentants des uns et des autres. Les simples et les humbles avaient la préférence pour être autour de Jésus, mais les grands et les sages de la terre ne devaient pas être exclus. Après les bergers tout proches, au fond de sa grotte silencieuse de Bethléem, Jésus mit en marche une étoile du Ciel pour y amener des adorateurs lointains.
            Une tradition, très populaire dans tout l’Orient et consignée dans la Bible, annonçait qu’un enfant naîtrait en Occident, qui changerait la face du monde, et qu’une nouvelle étoile devrait au même moment apparaître et signaler cet événement. Or, à l’époque de la naissance du Sauveur, il y avait en Orient des princes, communément appelés les trois Rois Mages, dotés d’une science extraordinaire.
            Très versés dans les sciences astronomiques, ces trois mages attendaient avec impatience l’apparition de la nouvelle étoile qui devait leur annoncer la naissance de l’enfant merveilleux.
            Une nuit, alors qu’ils observaient attentivement le ciel, une étoile d’une grandeur inhabituelle sembla se détacher de la voûte céleste, comme si elle voulait descendre sur la terre.
            Reconnaissant à ce signal que le moment était venu, ils partirent en hâte et, toujours guidés par l’étoile, ils arrivèrent à Jérusalem. La renommée de leur arrivée et surtout le but de leur voyage troublèrent le cœur de l’envieux Hérode. Ce prince cruel fit venir les mages auprès de lui et leur dit : « Prenez des renseignements exacts sur cet enfant, et dès que vous l’aurez trouvé, revenez me prévenir pour que j’aille aussi l’adorer. » Les docteurs de la loi ayant indiqué que le Christ devait naître à Bethléem, les mages partirent de Jérusalem toujours précédés par l’étoile mystérieuse et ne tardèrent pas à arriver à Bethléem. L’étoile s’arrêta au-dessus de la grotte où était le Messie. Les mages entrèrent, se prosternèrent aux pieds de l’enfant et l’adorèrent.
            Puis, ouvrant les coffrets de bois précieux qu’ils avaient apportés avec eux, ils lui offrirent de l’or comme pour le reconnaître en tant que roi, de l’encens en tant que Dieu et de la myrrhe en tant qu’homme mortel.
            Avertis alors par un ange des véritables desseins d’Hérode, ils ne passèrent pas par Jérusalem, mais retournèrent directement dans leurs pays.
            Voici qu’approchait le quarantième jour de la naissance du Saint Enfant. La loi de Moïse prescrivait que tout premier-né soit porté au temple pour être offert à Dieu et consacré, et que la mère soit purifiée. Joseph se dirigea vers Jérusalem en compagnie de Jésus et de Marie pour accomplir la cérémonie prescrite. Il offrit deux tourterelles en sacrifice et paya cinq sicles d’argent. Puis ayant fait inscrire leur fils sur les tables de recensement et payé le tribut, le saint couple retourna en Galilée, à Nazareth, leur ville.

Chap. XI. La triste annonce. – Le massacre des innocents. – La sainte famille part pour l’Égypte.
Surge, accipe puerum et matrem eius et fuge in Aegyptum et esto ibi usque dum dicam tibi. (L’ange du Seigneur dit à Joseph : Lève-toi, prends l’enfant et sa mère et fuis en Égypte et restes-y jusqu’à ce que je te le dise. – Mt 2,13)

Vox in excelso audita est lamentationis, luctus, et fletus Rachel plorantis filios suos, et nolentis consolari super eis quia non sunt. (On entend des cris de lamentation et de deuil et des gémissements : c’est Rachel qui pleure ses enfants, et pour eux elle ne veut aucune consolation parce qu’ils ne sont plus. – Jr 31,15)

            La tranquillité de la sainte famille ne devait pas durer longtemps. À peine Joseph était-il retourné à la pauvre maison de Nazareth qu’un ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, fuis en Égypte, et restes-y jusqu’à ce que je t’ordonne de revenir. Car Hérode cherchera l’enfant pour le faire mourir. »
            Ce n’était que trop vrai. Le cruel Hérode, trompé par les mages et furieux d’avoir manqué une si belle occasion de se débarrasser de celui qu’il considérait comme un concurrent au trône, avait conçu le projet infernal de faire massacrer tous les enfants mâles de moins de deux ans. Cet ordre abominable fut exécuté.
            Un grand fleuve de sang coula à travers la Galilée. C’est alors que se réalisa ce que Jérémie avait prédit : « Une voix se fit entendre à Rama, une voix mêlée de larmes et de lamentations. C’est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée, car ils ne sont plus. » Ces pauvres innocents, si cruellement tués, furent les premiers martyrs de la divinité de Jésus-Christ.
            Joseph avait reconnu la voix de l’Ange ; il ne se permit aucune réflexion sur le départ précipité auquel ils devaient se résoudre ; sur les difficultés d’un voyage si long et si dangereux. Il devait regretter d’avoir quitté son pauvre foyer pour aller à travers les déserts demander asile à un pays qu’il ne connaissait pas. Sans même attendre le lendemain, à l’instant où l’ange disparut, il se leva et courut réveiller Marie. Marie prépara à la hâte une petite provision de vêtements et de vivres qu’ils emportèrent avec eux. Pendant ce temps, Joseph prépara la jument, et ils partirent sans regret de leur ville pour obéir à l’ordre de Dieu. Voici donc un pauvre vieillard qui rend vains les horribles complots du tyran de Galilée ; c’est à lui que Dieu confie la garde de Jésus et de Marie.

Chap. XII. Un voyage désastreux – Une tradition.
Si persequentur vos in civitate ista, fugite in aliam. (Quand on vous persécutera dans cette ville, fuyez dans une autre. – Mt 10,23).

            Deux routes se présentaient au voyageur qui voulait se rendre en Égypte par voie terrestre. L’une traversait des déserts peuplés de bêtes sauvages, où les chemins étaient rudes, longs et peu fréquentés. L’autre traversait un pays peu visité, mais les habitants du district étaient très hostiles aux Juifs. Joseph, qui avait surtout à craindre les hommes dans cette fuite précipitée, choisit le premier de ces deux chemins comme étant le plus caché.
            Partis de Nazareth à la faveur de la nuit, les voyageurs prudents empruntèrent pendant quelque temps les chemins les plus difficiles et les plus tortueux, quand l’itinéraire les obligeait à passer près de Jérusalem. Lorsqu’il fallait traverser une grande route, Joseph laissait Jésus et sa Mère à l’abri d’un rocher et partait en éclaireur, pour s’assurer que la sortie n’était pas gardée par les soldats d’Hérode. Rassuré par cette précaution, il revenait chercher son précieux trésor, et la sainte famille poursuivait sa route, entre ravins et collines. De temps en temps, ils faisaient une brève halte au bord d’un ruisseau limpide, et après un repas frugal, ils se reposaient un peu des fatigues du voyage. Le soir venu, il était temps de se résigner à dormir à la belle étoile. Joseph se dépouillait de son manteau et en couvrait Jésus et Marie pour les préserver de l’humidité de la nuit. Le lendemain, au lever du jour, on reprenait le pénible voyage. Après la petite ville d’Anata, les saints voyageurs se dirigèrent du côté de Ramla pour descendre dans les plaines de Syrie, où ils allaient désormais être libérés des pièges de leurs féroces persécuteurs. Contre leur habitude, ils avaient continué à marcher alors que la nuit était déjà tombée, afin de se mettre plus vite à l’abri. Joseph tâtait le terrain devant les autres. Marie, toute tremblante en cette course nocturne, tournait son regard inquiet vers les profondeurs des vallées et les sinuosités des rochers. Soudain, à un tournant, une nuée d’hommes armés apparut pour leur couper la route. C’était une bande de scélérats qui ravageait la contrée, et dont l’effroyable renommée s’étendait au loin. Joseph arrêta la monture de Marie et priait le Seigneur en silence, car toute résistance était impossible. Tout au plus pouvait-on espérer sauver sa vie. Le chef des brigands se détacha de ses compagnons et s’avança vers Joseph pour voir à qui il avait affaire. À la vue de ce vieillard sans armes, de ce petit enfant endormi sur le sein de sa mère, le cœur sanguinaire du bandit fut touché. Loin de leur vouloir du mal, il tendit la main à Joseph, lui offrant l’hospitalité ainsi qu’à sa famille. Ce chef s’appelait Disma. La tradition raconte que trente ans plus tard, il fut emmené par des soldats et condamné à être crucifié. Mis en croix sur le Calvaire aux côtés de Jésus, c’est celui-là même que nous connaissons comme étant le bon larron.

Chap. XIII. Arrivée en Égypte – Prodiges survenus lors de leur entrée dans ce pays – Village de Matarié – Habitation de la Sainte Famille.
Ecce ascendet Dominus super nubem levem et commovebuntur simulacra Aegypti (Voici que le Seigneur montera au-dessus d’une nuée légère et entrera en Égypte, et en sa présence les idoles de l’Égypte seront ébranlées. – Is 19,1)

             Dès que le jour parut, les fugitifs remercièrent les brigands qui étaient devenus leurs hôtes, et reprirent leur voyage plein de dangers. On raconte que Marie, en se mettant en route, dit ces mots au chef de ces bandits : « Ce que tu as fait pour cet enfant, tu en seras un jour amplement récompensé. » Après avoir traversé Bethléem et Gaza, Joseph et Marie descendirent en Syrie. Ayant rencontré une caravane en partance pour l’Égypte, ils se joignirent à elle. À partir de ce moment et jusqu’à la fin de leur voyage, ils ne virent plus devant eux qu’un immense désert de sable, dont l’aridité n’était interrompue qu’à de rares intervalles par quelques oasis, c’est-à-dire quelques étendues de terre fertile et verdoyante. Leurs fatigues redoublèrent pendant cette course à travers ces plaines brûlées par le soleil. La nourriture était rare, et l’eau manquait souvent. Que de fois Joseph, qui était âgé et pauvre, se trouva repoussé, lorsqu’il essayait pendant la nuit de s’approcher de la source, auprès de laquelle la caravane s’était arrêtée pour se désaltérer !
            Finalement, après deux mois d’un voyage très pénible, les voyageurs entrèrent en Égypte. Selon Sozomène, dès que la Sainte Famille toucha cette terre antique, les arbres abaissèrent leurs branches pour adorer le Fils de Dieu, les bêtes sauvages accoururent en oubliant leurs instincts, et les oiseaux chantèrent en chœur les louanges du Messie. En effet, si l’on en croit ce que nous racontent des auteurs dignes de foi, toutes les idoles de la province, reconnaissant le vainqueur du paganisme, tombèrent en pièces. C’est ainsi que s’accomplirent littéralement les paroles du prophète Isaïe : « Voici que le Seigneur montera sur une nuée légère et entrera en Égypte, et en sa présence, les idoles de l’Égypte seront ébranlées. »
            Joseph et Marie, désireux d’arriver rapidement au terme de leur voyage, ne firent que passer par Héliopolis, consacrée au culte du soleil, pour se rendre à Matarié où ils comptaient se reposer de leurs fatigues.
            Matarié est un beau village ombragé par des sycomores, à environ deux lieues du Caire, la capitale de l’Égypte. C’est là que Joseph avait l’intention de s’installer. Mais ce n’était pas encore la fin de ses ennuis. Il devait chercher à se loger. Les Égyptiens n’étant pas du tout hospitaliers, la sainte famille fut obligée de s’abriter pendant quelques jours dans le tronc d’un grand vieil arbre. Finalement, après de longues recherches, Joseph trouva une modeste et petite pièce, dans laquelle il plaça Jésus et Marie.
            Cette maison, que l’on peut encore voir en Égypte, était une sorte de grotte de vingt pieds de long sur quinze pieds de large. Elle n’avait pas de fenêtres ; la lumière devait pénétrer par la porte. Les murs étaient faits d’une sorte d’argile noire et crasseuse ; sa vétusté portait l’empreinte de la misère. À droite se trouvait une petite citerne, dans laquelle Joseph puisait de l’eau pour la famille.

Chap. XIV. Souffrances. – Consolation et fin de l’exil.
Cum ipso sum in tribulatione. (Avec lui je suis dans la tribulation. – Ps 90,15).

            À peine entré dans cette nouvelle demeure, Joseph reprit son travail ordinaire. Il commença à meubler sa maison : une petite table, quelques chaises, un banc, le tout fait de ses mains. Puis il alla de porte en porte à la recherche d’un travail pour gagner la vie de sa petite famille. Il essuya sans doute de nombreux refus et endura bien des mépris humiliants ! Il était pauvre et inconnu, et cela suffisait pour que son travail soit refusé. Quant à Marie, qui avait mille soins pour son Fils, elle se mit courageusement au travail, y occupant une partie de la nuit pour compenser les faibles et insuffisants revenus de son époux. Pourtant, au milieu de ses peines, que de consolations pour Joseph ! C’était pour Jésus qu’il travaillait, et le pain que le divin enfant mangeait, c’était lui qui l’avait gagné à la sueur de son front. Et puis quand il rentrait le soir épuisé et oppressé par la chaleur, Jésus souriait à son arrivée, et le caressait de ses petites mains. Souvent, quand Joseph réussissait à faire quelques économies au prix de privations qu’il s’imposait, quelle joie il ressentait de pouvoir les utiliser pour adoucir la condition du divin enfant ! C’étaient tantôt quelques dattes, tantôt quelques jouets adaptés à son âge que le pieux charpentier apportait au Sauveur des hommes. Oh, comme les émotions du bon vieillard étaient douces quand il contemplait le visage radieux de Jésus ! Quand arrivait le sabbat, jour de repos consacré au Seigneur, Joseph prenait l’enfant par la main et guidait ses premiers pas avec une sollicitude vraiment paternelle.
            Arriva le moment où le tyran qui régnait sur Israël mourut. Dieu, dont le bras tout-puissant punit toujours les coupables, lui avait envoyé une cruelle maladie qui le conduisit rapidement au tombeau. Trahi par son propre fils, dévoré vivant par les vers, Hérode était mort, emportant dans sa tombe la haine des Juifs et la malédiction de la postérité.

Chap. XV. La nouvelle annonce. – Retour en Judée. – Une tradition rapportée par saint Bonaventure.
Ex Aegypto vocavi filium meum. (D’Égypte j’ai appelé mon fils. – Os 11,1)

            Cela faisait sept ans que Joseph était en Égypte, lorsque l’Ange du Seigneur, messager ordinaire de la volonté du Ciel, lui apparut à nouveau pendant son sommeil et lui dit : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et retourne au pays d’Israël, car ceux qui cherchaient l’enfant pour le mettre à mort ne sont plus. » Toujours prêt à répondre à la voix de Dieu, Joseph vendit sa maison et ses meubles, et ordonna tout pour le départ. En vain les Égyptiens, gagnés par la bonté de Joseph et la douceur de Marie, s’efforcèrent de le retenir. En vain ils lui promirent une abondance de biens nécessaires à la vie. Joseph resta inébranlable. Les souvenirs de son enfance, les amis qu’il avait en Judée, l’atmosphère pure de sa patrie, parlaient beaucoup plus à son cœur que la beauté de l’Égypte. D’ailleurs, Dieu avait parlé, et il ne fallait rien d’autre pour décider Joseph à retourner dans la terre de ses ancêtres.
            Certains historiens pensent que la Sainte Famille a fait une partie du voyage par la mer, parce que cela prenait moins de temps et qu’ils avaient un grand désir de revoir bientôt leur patrie. À peine débarqués à Ascalon, Joseph apprit qu’Archélaüs avait succédé à son père Hérode sur le trône. Pour Joseph ce fut une nouvelle source d’inquiétude. L’ange ne lui avait pas dit dans quelle partie de la Judée il devait s’installer. Devait-il s’établir à Jérusalem, en Galilée ou en Samarie ? Plein d’incertitude, Joseph pria le Seigneur de lui envoyer son messager céleste pendant la nuit. L’ange lui ordonna de fuir Archélaüs et de se retirer en Galilée. N’ayant alors plus rien à craindre, Joseph prit tranquillement le chemin de Nazareth, qu’il avait abandonnée sept ans auparavant.
            Que nos bons lecteurs veuillent bien entendre sur ce point d’histoire saint Bonaventure, le docteur séraphique : « Ils étaient sur le point de partir. Joseph partit le premier avec les hommes, et la mère vint avec les femmes (hommes et femmes qui étaient venus en tant qu’amis de la sainte famille pour les accompagner un peu). Lorsqu’ils furent sortis de la porte, Joseph retint les hommes et ne se laissa plus accompagner. Alors l’un de ces hommes, plein de compassion devant la pauvreté de cette famille, appela l’Enfant et lui donna un peu d’argent pour les dépenses. L’Enfant eut honte de l’accepter ; mais, par amour de la pauvreté, il tendit la main et reçut l’argent honteusement et remercia. Et d’autres personnes firent de même. Les dames honorables l’appelèrent aussi et firent de même ; la mère n’était pas moins honteuse que l’enfant, mais elle les remercia toutefois bien humblement. »
            Après avoir pris congé de cette cordiale compagnie et renouvelé ses remerciements et ses salutations, la sainte famille se mit en route en direction de la Judée.

Chap. XVI. Arrivée de Joseph à Nazareth. – La vie de famille avec Jésus et Marie.
Constituit eum dominum domus suae. (Il le constitua maître de sa maison. – Ps 104,20)

            Les jours d’exil étaient enfin terminés. Joseph pouvait à nouveau voir sa terre natale tant désirée, qui lui rappelait les plus beaux souvenirs. Il faudrait aimer son pays comme les Juifs l’aimaient alors, pour comprendre les douces impressions qui remplissaient l’âme de Joseph lorsque Nazareth lui apparut au loin. L’humble patriarche accéléra le pas de la monture de Marie, et ils arrivèrent bientôt dans les rues étroites de leur cher village.
            Les Nazaréens, qui ignoraient la cause du départ du pieux ouvrier, virent son retour avec joie. Les chefs de famille vinrent accueillir Joseph et serrer la main du vieillard, dont la tête avait blanchi loin de sa patrie. Les jeunes filles saluèrent l’humble Vierge, dont la grâce était encore augmentée par les soins dont elle entourait son divin enfant. Le bien-aimé Jésus vit affluer vers lui les garçons de son âge et, pour la première fois, il entendit la langue de ses ancêtres au lieu de celle, amère, de l’exil.
            Mais le temps et l’abandon avaient réduit la pauvre demeure de Joseph dans un mauvais état. Des herbes sauvages avaient poussé sur les murs, et les mites avaient pris possession des vieux meubles de la sainte famille.
            On vendit une partie du terrain entourant la maison, et avec son prix on acheta les articles ménagers les plus nécessaires. Les maigres ressources du couple furent employées aux achats les plus indispensables. Joseph n’avait plus que son atelier et ses bras. Mais l’estime que tout le monde ressentait pour le saint homme, la confiance que l’on avait dans sa bonne foi comme dans son habileté, firent que peu à peu le travail et les clients lui revinrent ; et le courageux charpentier reprit bientôt son travail habituel. Il avait vieilli dans son labeur, mais son bras était encore fort, et son ardeur augmentait encore avec la charge de nourrir le Sauveur de l’humanité.
            Jésus grandissait en âge et en sagesse. De même que Joseph avait guidé ses premiers pas quand il n’était encore qu’un petit enfant, il donna aussi à Jésus les premières notions concernant son travail. Il tenait sa petite main et la guidait en lui apprenant à tracer des lignes et à manier le rabot. Il enseignait à Jésus les difficultés et la pratique du métier. Et le Créateur du monde se laissait guider par son fidèle serviteur, qu’il avait choisi pour père !
            Joseph, qui était assidu aux offices religieux aussi bien qu’aux devoirs de son travail, observait strictement la loi de Moïse et la religion de ses ancêtres. On ne le voyait jamais travailler un jour férié, il avait compris combien un jour par semaine n’est pas de trop pour prier le Seigneur et le remercier de ses faveurs. Chaque année, lors des trois grandes fêtes juives (Pâque, Pentecôte et les Tabernacles), il se rendait au temple de Jérusalem en compagnie de Marie. D’ordinaire, il laissait Jésus à Nazareth, car le long voyage l’aurait excessivement fatigué, et il priait toujours l’un de ses voisins de prendre en charge l’enfant en l’absence de ses parents.

Chap. XVII. Jésus part avec Marie, sa mère, et saint Joseph pour fêter Pâque à Jérusalem. – Il est perdu et retrouvé au bout de trois jours.
Fili, quid fecisti nobis sic? Ecce pater tuus et ego dolentes quaerebamus te. Quid est quod me quaerebatis? Nesciebatis quia in his quae Patris mei sunt oportet me esse? (Fils, pourquoi nous as-tu fait cela ? Voici que votre père et moi nous sommes affligés et sommes allés à ta recherche ; [et il leur dit] : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pasque je dois m’occuper des affaires de mon Père ? – (Lc 2,48-49)

            Lorsque Jésus eut atteint l’âge de douze ans et que la fête de la Pâque approchait, Joseph et Marie le jugèrent assez fort pour supporter le voyage et l’emmenèrent avec eux à Jérusalem. Ils restèrent environ sept jours dans la ville sainte pour célébrer la Pâque et accomplir les sacrifices prescrits par la loi.
            Lorsque les fêtes de la Pâque furent terminées, ils prirent le chemin du retour vers Nazareth au milieu de leurs parents et amis. La caravane était très nombreuse. Dans la simplicité de leurs coutumes, les familles d’une même ville ou d’un même village retournaient chez elles en joyeuses compagnies, dans lesquelles les vieillards parlaient sérieusement avec les vieillards, les femmes avec les femmes, tandis que les garçons couraient et jouaient ensemble en chemin. C’est ainsi que Joseph, ne voyant pas Jésus près de lui, le croyait, comme il était naturel, avec sa mère ou avec les garçons de son âge. Marie marchait également avec ses compagnes, tout aussi convaincue que l’enfant était avec les autres. Le soir venu, la caravane s’arrêta dans la petite ville de Machmas pour y passer la nuit. Joseph vint trouver Marie. Mais quelle ne fut pas leur surprise et leur chagrin lorsqu’ils se demandèrent l’un à l’autre où se trouvait Jésus. Ni l’un ni l’autre ne l’avait vu après avoir quitté le temple ; les garçons, eux, ne pouvaient donner aucune nouvelle de lui. Il n’était pas avec eux.
            Immédiatement, Joseph et Marie reprirent le chemin de Jérusalem malgré leur fatigue. Pâles et inquiets, ils refirent le chemin qu’ils avaient déjà parcouru le jour même. Les environs résonnaient de leurs cris de détresse ; Joseph appelait Jésus, mais celui-ci ne répondait pas. À l’aube, ils arrivèrent à Jérusalem où, selon l’Évangile, ils passèrent trois jours entiers à chercher leur fils bien-aimé. Quelle douleur pour le cœur de Joseph ! Et combien il devait se reprocher un seul instant de distraction ! Enfin, vers la fin du troisième jour, ces parents désolés entrèrent dans le temple, plutôt pour invoquer la lumière d’En-haut que dans l’espoir d’y trouver Jésus. Mais quelle ne fut pas leur surprise et leur admiration en voyant le divin enfant au milieu des docteurs émerveillés par la sagesse de ses discours, les questions et les réponses qu’il leur donnait ! Marie, pleine de joie parce qu’elle avait retrouvé son fils, ne put cependant s’empêcher de lui exprimer l’inquiétude qui l’avait affligée : « Mon fils, lui dit-elle, pourquoi nous as-tu fait cela ? Il y a trois jours que nous te cherchons avec angoisse. » Jésus répondit : « Pourquoi me cherchiez-vous ainsi ? Ne saviez-vous pas que je dois m’occuper des choses de mon père ? » L’Évangile ajoute que Joseph et Marie n’ont pas tout de suite compris cette réponse. Heureux d’avoir retrouvé Jésus, ils retournèrent tranquillement dans leur petite maison de Nazareth.

Chap. XVIII. Suite de la vie de la sainte famille.
Et erat subditus illis. (Et Jésus leur était soumis. – Lc 2,51)

            Le saint Évangile, après avoir raconté les principaux événements de la vie de Jésus jusqu’à l’âge de douze ans, conclut ici toute la vie privée de Jésus jusqu’à l’âge de trente ans par ces quelques mots : « Jésus était soumis à Marie et à Joseph, et erat subditus illis. » Ces mots cachent à nos yeux la gloire de Jésus, mais révèlent sous un aspect magnifique la grandeur de Joseph. Si l’éducateur d’un prince occupe une dignité honorable dans l’État, quelle doit être celle de Joseph, à qui fut confiée l’éducation du Fils de Dieu ! Jésus, dont la force avait grandi avec les années, devint l’élève de Joseph. Il le suivait dans ses journées de travail et apprenait sous sa direction le métier de charpentier. Saint Cyprien, évêque de Carthage, écrivait vers l’an 250 de l’ère chrétienne qu’on conservait encore avec vénération e les charrues fabriquées par la main du Sauveur. C’est sans aucun doute Joseph qui avait fourni le modèle et qui, dans son atelier, avait dirigé la main du Créateur de toutes choses.
            Jésus voulait donner aux hommes l’exemple de l’obéissance, même dans les plus petites circonstances de la vie. C’est ainsi qu’on peut encore voir un puits près de Nazareth, où Joseph envoyait le divin enfant puiser de l’eau pour les besoins de la famille.
            Nous manquons de détails sur ces années laborieuses que Joseph a passées à Nazareth avec Jésus et Marie. Ce que nous pouvons dire sans craindre de nous tromper, c’est que Joseph travaillait sans relâche pour gagner son pain. La seule distraction qu’il se permettait était de converser bien souvent avec le Sauveur, dont les paroles restaient profondément gravées dans son cœur.
            Aux yeux des hommes, Jésus passait pour le fils de Joseph. Et celui-ci, dont l’humilité était aussi grande que son obéissance, gardait en lui le mystère qu’il était chargé de protéger par sa présence. « Joseph, dit Bossuet, voyait Jésus et se taisait ; sa vue lui suffisait et il n’en parlait pas ; il se contentait de Dieu seul sans partager sa gloire avec les hommes. Il remplissait sa vocation, car comme les apôtres étaient les ministres de Jésus-Christ dans sa vie publique, Joseph était le ministre et le compagnon de sa vie cachée. »

Chap. XIX. Derniers jours de saint Joseph. Sa précieuse agonie.
O nimis felix, nimis o beatus Cuius extremam vigiles ad horam Christus et Virgo simul astiteruntOre sereno ! (Ô âme heureuse et trop heureuse, à ta dernière heure le Christ et Marie ensemble t’ont assisté et veillé, le visage serein. – La Sainte Église à l’office de saint Joseph).

            Joseph atteignait sa quatre-vingtième année, et Jésus ne devait pas tarder à quitter sa maison pour recevoir le baptême de Jean-Baptiste, lorsque Dieu appela à lui son fidèle serviteur. Les travaux et les fatigues de toutes sortes avaient usé la robuste fibre de Joseph, et il sentait lui-même que sa fin était proche. Après tout, sa mission sur terre était terminée et il était juste qu’il reçoive enfin la récompense que méritaient ses vertus.
            Par une faveur toute particulière, un ange vint l’avertir de l’approche de sa mort. Lui-même était prêt à comparaître devant Dieu. Toute sa vie avait été une série d’actes d’obéissance à la volonté divine et il se souciait peu de la vie, car il s’agissait d’obéir à Dieu qui l’appelait à la vie bienheureuse. Selon le témoignage unanime de la tradition, Joseph n’est pas mort dans les souffrances aiguës de la maladie. Il est mort doucement, comme une flamme qui n’est plus alimentée.
            Allongé sur son lit de mort, avec Jésus et Marie à ses côtés, Joseph fut ravi en extase pendant vingt-quatre heures. Ses yeux virent alors clairement les vérités que sa foi avait jusqu’alors cru sans comprendre. Il pénétra le mystère du Dieu fait homme et la grandeur de la mission que Dieu lui avait confiée, à lui, pauvre mortel. Il assista en esprit aux douleurs de la passion du Sauveur. Quand il se réveilla, son visage parut illuminé et comme transfiguré d’une beauté toute céleste. Un parfum délicieux emplissait la pièce dans laquelle il reposait et se répandait également à l’extérieur, annonçant aux voisins du saint homme que son âme pure et belle était sur le point de passer dans un monde meilleur.
            Dans une famille d’âmes pauvres et simples qui s’aiment de cet amour pur et cordial qu’on ne trouve guère au sein de la grandeur et de l’abondance, ces personnes vivent les années de leur pèlerinage sur la terre dans une sainte union. De même qu’elles ont partagé les joies familiales, de même elles partagent leurs peines sanctifiées par les consolations de la religion. Mais quand il arrive que cette belle paix est assombrie par la séparation d’un membre cher, oh combien le cœur sent l’angoisse de la séparation !
            Comme Dieu, Jésus avait dans les cieux un Père qui lui communiquait de toute éternité sa substance et sa nature divines, et donnait à sa personne sur terre la gloire céleste (bien que voilée par son humanité mortelle). Sur terre, Marie avait Jésus qui remplissait son cœur de paradis. Cependant, qui peut nier que Jésus et Marie, se trouvant maintenant près du patriarche mourant et donnant libre cours à leurs sentiments naturels, ont souffert d’avoir à se séparer temporairement de leur fidèle compagnon sur la terre ? Marie ne pouvait pas oublier les sacrifices, les douleurs, les épreuves, que Joseph avait dû subir pour elle lors des pénibles voyages à Bethléem et en Égypte. Il est vrai qu’en étant continuellement en sa compagnie, Joseph était dédommagé de ce qu’il avait souffert, mais si c’était une source de réconfort pour lui, ce n’était pas une raison qui dispensait le cœur tendre de Marie d’un sentiment de gratitude. Joseph l’avait servie non seulement avec toute l’affection d’un époux, mais aussi avec toute la fidélité d’un serviteur et l’humilité d’un disciple, vénérant en elle la Reine du ciel, la Mère de Dieu. Or Marie n’avait certainement pas oublié tant de signes de vénération, d’obéissance et d’estime, et elle ne pouvait manquer d’éprouver pour Joseph une profonde et exceptionnelle reconnaissance.
            Quant à Jésus, il n’était certainement inférieur en matière d’amour ni à Joseph ni à Marie, puisqu’il avait décidé dans les décrets de sa divine Providence que Joseph serait son tuteur et son protecteur sur terre. Si cette protection avait coûté à Joseph tant de souffrances et de labeurs, Jésus a dû garder lui aussi dans son cœur très aimant un extrême souvenir reconnaissant. En contemplant ces bras sans force disposés en croix sur sa poitrine fatiguée, il se rappelait combien de fois ils s’étaient ouverts pour le serrer contre sa poitrine lorsqu’il gémissait à Bethléem, combien ils avaient peiné pour le porter en Égypte, combien ils s’étaient épuisés au travail pour lui procurer le pain de la vie. Combien de fois ces lèvres s’étaient approchées avec respect pour lui imprimer des baisers affectueux ou pour réchauffer ses membres engourdis en hiver. Et ces yeux, qui étaient alors sur le point de se fermer à la lumière du jour, combien de fois ils s’étaient ouverts pour pleurer, pour partager ses souffrances et celles de Marie, lorsqu’elle avait dû contempler sa fuite en Égypte, mais surtout lorsqu’elle avait pleuré sa perte pendant trois jours à Jérusalem. Ces preuves d’amour indéfectible n’ont certainement pas été oubliées par Jésus durant ces derniers moments de la vie de Joseph. Alors j’imagine qu’en répandant un air de paradis sur les dernières heures de la vie de Joseph, Marie et Jésus auront aussi honoré de leurs larmes les plus pures ce dernier adieu solennel, comme le fit Jésus sur la tombe de son ami Lazare. Oui vraiment, Joseph avait le paradis devant les yeux ! Il tournait son regard d’un côté et voyait le visage de Marie ; il serrait ses mains très saintes dans les siennes, recevait ses derniers soins, et entendait ses paroles de consolation. Il tournait les yeux de l’autre côté et rencontrait le regard majestueux et tout-puissant de Jésus, et sentait ses mains divines lui soutenir la tête, essuyer ses sueurs, et il recueillait de ses lèvres réconfort, remerciements, bénédictions et promesses. Et il me semble que Marie disait : « Joseph, tu nous quittes ; tu as terminé le pèlerinage de l’exil, tu me précèderas dans ta paix, descendant le premier dans le sein de notre père Abraham. Oh ! Joseph, combien je te suis reconnaissante de la douce compagnie que tu m’as tenue, des bons exemples que tu m’as donnés, du soin que tu as pris de moi et de mes affaires, des douleurs les plus vives que tu as endurées pour moi ! Oh ! tu me quittes, mais tu vivras toujours dans ma mémoire et dans mon cœur ! Prends courage, Joseph, quoniam appropinquat redemptio nostra. » Et il me semble que Jésus disait : « Mon Joseph, tu meurs, mais moi aussi je mourrai, et si je meurs, tu dois estimer la mort et l’aimer comme une récompense. Il est court, Joseph, le temps des ténèbres et de l’attente. Va auprès d’Abraham et d’Isaac, qui désiraient ardemment me voir et n’en furent pas dignes ; dis-leur, à eux qui ont attendu si longtemps ma venue dans ces ténèbres, et annonce-leur la délivrance à venir ; dis-le à Noé, à Joseph, à David, à Judith, à Jérémie, à Ezéchiel, à tous ces Pères qui doivent attendre encore trois ans, jusqu’à ce que l’Hostie et le Sacrifice soient consommés et l’iniquité du monde anéantie. En attendant, après ce court laps de temps, tu seras ranimé, glorieux et beau, et avec moi, tu t’élèveras plus glorieux et plus beau dans l’ivresse du triomphe. Réjouis-toi, cher gardien de ma vie, tu as été bon et généreux avec moi, mais personne ne peut me vaincre en reconnaissance. » La sainte Église exprime les derniers soins affectueux de Jésus et de Marie envers saint Joseph en ces termes : « Cuius extremas vigiles ad horas Christus et Mater simul astiterunt ore sereno. » À la dernière heure de saint Joseph, le Christ et Marie l’ont assisté et veillé avec amour, le visage serein.

(suite)




Les Salésiens à Tarnowskie Góry

En Pologne, il existe un lieu, peut-être unique, où les salésiens s’occupent de jeunes issus de différents milieux sociaux. Des enfants et des jeunes des zones urbaines et rurales, riches et pauvres, handicapés, abandonnés par leurs parents, marginalisés se réunissent dans une même œuvre. Certains étudient à l’école, d’autres ont trouvé ici un foyer, une cour, un lieu de rencontre avec Dieu. Depuis vingt-cinq ans, l’Institut salésien de Tarnowskie Góry est une seconde maison non seulement pour les jeunes, mais aussi un lieu où se mêlent différentes réalités, soutenant l’homme, chaque homme.

Une brève histoire
Tarnowskie Góry est une ville de soixante mille habitants située en Haute-Silésie, une région très particulière sur la carte de la Pologne en raison de sa culture originale, de son dialecte et de ses nombreuses traditions. C’est une ville à l’histoire riche, dont les origines sont liées aux mines d’argent qui y étaient exploitées de la fin du XVe siècle jusqu’au début du XXe siècle. Le dévouement au travail et la fidélité aux traditions caractérisent encore aujourd’hui les habitants de cette région.

Les salésiens de la province de Wroclaw (PLO) sont arrivés à Tarnowskie Góry au tournant des années 1998-1999 pour reprendre les bâtiments de l’ancien institut de rééducation pour handicapés, situé dans un magnifique parc naturel connu sous le nom de Parc de Repty. Le parc appartenait à la riche famille Donnersmarck, qui y a construit un palais et un bâtiment pour les domestiques. Après la Seconde Guerre mondiale, le palais a été détruit et à sa place, un hôpital a été aménagé pour les ouvriers de la mine victimes d’accidents. Le bâtiment des domestiques a été agrandi et un établissement a été créé pour la réhabilitation et réadaptation des ouvriers et autres personnes handicapées. Avec le temps, cette institution s’est appelée l’Institut de rééducation pour les handicapés et a été confiée aux Salésiens. Une fois achevés les travaux les plus nécessaires, la présence salésienne dans la ville a été solennellement inaugurée le 30 septembre 1999. Il s’agit d’une présence particulière, car ce n’est pas seulement une école salésienne avec oratoire, mais toute une structure nécessaire à l’accueil et à l’intégration des personnes handicapées.

La structure de l’Institut
Aujourd’hui, la structure de l’Institut salésien comprend :
– une école primaire et secondaire avec 633 élèves pour l’année scolaire 2023-2024 ;
– une école d’environ 50 élèves pour personnes ayant des besoins spécifiques avec un internat, principalement pour handicapés, où vivent 30 élèves ;
– un centre de soins pour personnes handicapées, avec près de 40 personnes ;
– un centre de rééducation, qui fournit chaque année près de 870 services de rééducation à près de 530 jeunes mineurs ;
– un oratoire, où environ 70 jeunes reçoivent une formation ;
– un centre d’accueil, qui reçoit divers groupes pour des retraites ou des activités récréatives.
Plus de 150 personnes travaillent dans l’Institut, s’occupant quotidiennement des jeunes.

Les écoles
La contribution des écoles réside dans les élèves et dans les enseignants. Les écoles de l’Institut emploient des enseignants qui, en plus de leur formation spécialisée, possèdent des qualifications en pédagogie spécialisée et en thérapie. Les compétences de ces enseignants répondent aux besoins particuliers des élèves souffrant de handicaps physiques et de difficultés d’apprentissage spécifiques, qui ne manquent pas dans les écoles salésiennes de Tarnowskie Góry. Les enseignants sont créatifs, ils améliorent constamment leurs compétences et ont beaucoup d’expérience dans leur travail.

Le programme éducatif des écoles s’inspire des principes du système éducatif salésien. En même temps, le programme définit la spécificité de l’école catholique et salésienne, qui fonde ses activités éducatives sur les valeurs chrétiennes. En particulier, les jeunes sont formés à l’acceptation et à la formation d’eux-mêmes en fonction de leurs capacités et des limites liées au handicap ; à la bienveillance et à la tolérance à l’égard des visions du monde, de la religion et de la race ; à vivre et à agir conformément aux enseignements de l’Église catholique ; au patriotisme et au souci du bien commun ; à la sensibilité au sort d’autrui ; à la préparation à la vie professionnelle, familiale et personnelle ; à la vérité, à l’indépendance et à la responsabilité ; à la communion avec la nature et à l’utilisation de ses biens ; au développement de la culture personnelle.

École pour personnes à besoins spécifiques avec internat

L’école avec internat pour personnes ayant des besoins spécifiques accueille des élèves handicapés de toute la Pologne. L’objectif de l’école et de l’internat est de permettre aux élèves de recevoir une éducation adaptée à leurs capacités et d’assurer une prise en charge éducative globale, de permettre la participation à la réadaptation thérapeutique et sociale et de préparer les élèves à une participation autonome à la vie sociale. Cette partie de l’œuvre salésienne à Tarnowskie Góry actualise la dimension familiale de manière particulière selon les critères du système préventif de Don Bosco et sensibilise l’ensemble de la communauté aux jeunes en difficulté.

Centre d’assistance pour les personnes handicapées
Le centre d’assistance aux personnes handicapées est un établissement public de l’œuvre salésienne qui assure les tâches de réadaptation sociale et professionnelle. Il aide au développement général en améliorant la capacité des adultes à fonctionner de manière aussi autonome et active que possible dans leur environnement. Les activités de réadaptation sont adaptées aux capacités et compétences individuelles des participants. Ceux-ci ont accès à des ateliers thérapeutiques équipés de manière appropriée et dirigés par des thérapeutes et des instructeurs qualifiés.

Centre de réhabilitation
Il s’agit d’une institution créée pour offrir des activités thérapeutiques et de réadaptation permanentes et complètes aux élèves handicapés et aux élèves ayant des besoins particuliers. C’est un avantage incontestable de l’Institut salésien, car les jeunes qui ont besoin de rééducation peuvent en bénéficier sur leur lieu d’étude et de résidence et à des moments coordonnés avec les activités scolaires.

L’oratoire

L’oratoire est la concrétisation de l’idée fondamentale de Don Bosco : créer pour les jeunes un environnement qui soit à la fois maison, école, terrain de jeu et église. Il offre aux élèves et aux responsables du centre, ainsi qu’aux enfants et aux jeunes de l’extérieur, la possibilité de bien occuper leur temps libre, de développer leurs compétences sociales, artistiques et intellectuelles, de les éduquer à être actifs et à agir pour le bien des autres, et de leur donner la possibilité d’approfondir leur vie spirituelle. Les jeunes, en particulier les écoliers, sont formés pour être de « bons chrétiens et d’honnêtes citoyens » dans la vie adulte ; ils participent à la formation dans la communauté locale, mais aussi au niveau de la province de Wroclaw. Ils offrent un service aux plus jeunes à l’école et en dehors de l’école, y compris durant l’été.

L’hospitalité
Le Centre constitue un lieu d’accueil pour les hôtes qui souhaitent se reposer, se ressourcer spirituellement et profiter de la beauté de la campagne environnante. En effet, tout au long de l’année, l’Institut accueille divers groupes, notamment ceux qui souhaitent vivre des moments de formation ou de retraite.

La colline des Béatitudes, où se réalise le rêve de Don Bosco
Le cœur de l’œuvre salésienne de Tarnowskie Góry est une chapelle dédiée à Don Bosco. Sur l’autel, une statue de l’éducateur turinois indique à saint Dominique Savio le but à atteindre : le ciel. En effet, l’objectif de l’activité salésienne à Tarnowskie Góry est l’éducation par l’évangélisation et l’évangélisation par l’éducation. Il est intéressant de noter que l’institut est situé sur une colline. C’est en quelque sorte la « colline des Béatitudes » : c’est ici que Dieu bénit vraiment les jeunes, c’est ici qu’il leur enseigne le mode de vie selon les Béatitudes de l’Évangile, à travers les mains des enseignants et des éducateurs. Sur cette colline, chaque jour, le rêve de Don Bosco se réalise, même si parfois il doit se réaliser sur un chemin parsemé d’épines, comme il l’a lui-même rêvé : « Voici ton champ, voici où tu dois travailler. Rends-toi humble, fort et robuste (…). En temps voulu, tu comprendras tout ».

p. Krystian SUKIENNIK, sdb




Vie de saint Joseph, époux de Marie, père adoptif de Jésus-Christ (1/3)

Saint Joseph est le patron de l’Église et aussi le co-patron de la congrégation salésienne. Dès le début, Don Bosco a voulu l’associer comme protecteur de l’œuvre naissante en faveur des jeunes. Sûr de sa puissante intercession, il voulut répandre son culte et écrivit à cet effet une biographie destinée à l’enseignement plus qu’à la méditation. Nous voulons la présenter ici comme suit.

Préface

            À une époque où se répand partout la dévotion au glorieux père adoptif de Jésus, saint Joseph, nous pensons que nos lecteurs sauront apprécier un fascicule sur la vie de ce saint.
            Les difficultés rencontrées pour trouver les faits particuliers de la vie de ce saint dans les écrits anciens ne devraient pas diminuer le moins du monde notre estime et notre vénération pour lui. Au contraire, dans le silence plein de vénération qui entoure sa personne, nous trouvons quelque chose de mystérieux et de grand. Saint Joseph avait reçu de Dieu une mission tout à fait opposée à celle des apôtres (Bossuet). Ces derniers devaient faire connaître Jésus ; Joseph devait le tenir caché ; ils devaient être des flambeaux qui le montraient au monde, celui-ci un voile qui le recouvrait. Joseph n’existait pas pour lui-même, mais pour Jésus-Christ.
            Conformément aux plans de la divine Providence, saint Joseph se tint dans l’obscurité, ne se montrant que lorsqu’il était nécessaire d’authentifier la légitimité de son mariage avec Marie, et pour écarter tout soupçon sur celle de Jésus. Mais si nous ne pouvons pas pénétrer dans le sanctuaire du cœur de Joseph et admirer les merveilles que Dieu y a opérées, nous affirmons cependant que pour la gloire de son divin protégé, et pour la gloire de son épouse céleste, Joseph devait réunir dans sa personne une grande quantité de grâces et de dons célestes.
            Puisque la véritable perfection chrétienne consiste à paraître grand devant Dieu dans la mesure où on est le plus petit devant les hommes, saint Joseph, qui a passé sa vie dans l’obscurité la plus humble, est en mesure de fournir le modèle de ces vertus qui sont comme la fleur de la sainteté, la sainteté intérieure. Ce que David a écrit de l’épouse sacrée peut très bien s’appliquer à saint Joseph : Omnis gloria eius filiae Regis ab intus (Ps 44).
            Saint Joseph est universellement reconnu et invoqué comme le protecteur des mourants, et cela pour trois raisons : 1° à cause de la puissance de son amour sur le Cœur de Jésus, juge des vivants et des morts et son fils adoptif ; 2° à cause du pouvoir extraordinaire que Jésus-Christ lui a conféré pour vaincre les démons qui assaillent les mourants, et cela en récompense du fait que le saint l’avait autrefois sauvé des pièges d’Hérode ; 3° à cause de l’honneur sublime pour Joseph d’avoir été assisté à l’approche de la mort par Jésus et par Marie. Quelle autre raison importante aurons-nous pour être enflammés de dévotion envers lui ?
            Désireux de fournir à nos lecteurs les principaux traits de la vie de saint Joseph, nous avons cherché parmi les ouvrages déjà publiés ceux qui pouvaient servir à cette fin. Beaucoup d’entre eux ont été publiés il y a quelques années, mais ils ne convenaient pas à notre propos, soit parce que trop volumineux ou écrits dans un style sublime loin du style populaire, soit parce qu’ils manquaient de données historiques et étaient écrits dans le but de servir à la méditation plutôt qu’à l’instruction. Nous avons donc rassemblé ici les principales informations sur la vie de ce saint à partir de l’Évangile et de quelques-uns des auteurs les plus accrédités, en y ajoutant quelques réflexions des saints Pères.
            Nous espérons que la véracité du récit, la simplicité du style et l’authenticité des informations rendront profitables nos humbles efforts. Si la lecture de ce livret sert à procurer au chaste époux de Marie ne serait-ce qu’un dévot de plus, nous serons déjà abondamment satisfaits.

Chap. I. Naissance de saint Joseph. Son lieu d’origine.
Ioseph, autem, cum esset iustus. (S. Joseph était un homme juste – Mt. 1,19).

            À environ deux lieues [9,7 km] de Jérusalem, au sommet d’une colline dont le sol rougeâtre est parsemé d’oliviers, se trouve une petite ville célèbre à jamais à cause de la naissance de l’enfant Jésus : la ville de Bethléem, d’où la famille de David a tiré son origine. C’est dans cette petite ville que naquit, vers l’an 3950, celui qui, dans les nobles desseins de Dieu, devait devenir le gardien de la virginité de Marie et le père adoptif du Sauveur des hommes.
            Ses parents lui donnèrent le nom de Joseph, qui signifie augmentation, comme pour nous faire comprendre que Dieu avait augmenté en lui ses dons et l’avait abondamment rempli de toutes les vertus dès sa naissance.
            Deux évangélistes ont transmis la généalogie de Joseph. Son père s’appelait Jacob selon saint Matthieu (Mt 1,16), et selon saint Luc il s’appelait Éli (Lc 3,23). Mais l’opinion la plus courante et la plus ancienne est celle qui nous a été transmise par Jules l’Africain, qui écrivait à la fin du IIe siècle de l’ère chrétienne. Fidèle à ce que lui ont raconté les proches du Sauveur, il nous dit que Jacob et Éli étaient deux frères, et qu’Éli étant mort sans enfant, Jacob avait épousé sa veuve comme le prescrivait la loi de Moïse, et c’est de ce mariage que naquit Joseph.
            Étant de la lignée royale de David, et descendants de Zorobabel qui ramena le peuple de Dieu de la captivité de Babylone, les parents de Joseph avaient perdu l’ancienne splendeur de leurs ancêtres au plan temporel. Selon la tradition, son père était un pauvre ouvrier qui gagnait sa subsistance quotidienne à la sueur de son front. Mais Dieu, qui ne regarde pas la gloire qui reluit aux yeux des hommes, mais le mérite de la vertu à ses propres yeux, le choisit pour être le gardien du Verbe descendu sur la terre. D’ailleurs, le métier d’artisan, qui en soi n’a rien d’abject, était en grand honneur au sein du peuple d’Israël. En effet, tout Israélite était artisan, car tout père de famille, quelles que fussent sa fortune et la hauteur de son rang, était tenu de faire apprendre un métier à son fils, à moins, disait la loi, qu’il ne veuille en faire un voleur.
            Nous savons peu de choses sur l’enfance et la jeunesse de Joseph. De même que l’Indien, pour trouver l’or qui fera sa fortune, est obligé de laver le sable de la rivière pour en extraire le précieux métal qui ne se trouve qu’en très petites particules, de même nous sommes obligés de chercher dans l’Évangile les quelques mots que l’Esprit Saint a laissés épars ici et là à propos de Joseph. Mais de même que l’Indien en lavant son or lui donne toute sa splendeur, de même en réfléchissant aux paroles de l’Évangile, nous y trouvons le plus bel éloge que l’on puisse faire d’une créature. Le livre saint se contente de nous dire que Joseph était un homme juste. Ô mot admirable qui, à lui seul, exprime bien plus que de nombreux discours ! Joseph était un homme juste, et c’est grâce à cette justice qu’il devait être jugé digne du sublime ministère de père adoptif de Jésus.
            Ses pieux parents prirent soin de l’éduquer dans la pratique austère des devoirs de la religion juive. Sachant combien l’éducation première influe sur l’avenir des enfants, ils s’efforcèrent de lui faire aimer et pratiquer la vertu dès que sa jeune intelligence fut capable de l’apprécier. D’ailleurs, s’il est vrai que la beauté morale se reflète même extérieurement, il suffisait de jeter un coup d’œil sur la chère personne de Joseph pour lire sur ses traits la candeur de son âme. Selon des auteurs faisant autorité, son visage, son front, ses yeux, tout son corps respirait la plus gracieuse pureté et le faisait ressembler à un ange descendu sur la terre.

(« Il y avait en Joseph une modestie sublime, une pudeur, une prudence suprême, il excellait dans la piété envers Dieu et son corpsbrillait d’une merveilleuse beauté. » Eusèbe de Césarée, lib. 7 De praep. Evang. apud Engelgr. in Serm. s. Joseph).

Chap. II. La jeunesse de Joseph – Le déménagement à Jérusalem – Le vœu de chasteté.
Bonum est viro cum portaverit iugum ab adolescentia sua. (Il est bon pour un homme d’avoir porté le joug dès son adolescence. – Lam 3,27)

            Dès que ses forces le lui permirent, Joseph aida son père dans son travail. Il apprit le métier de menuisier, qui, selon la tradition, était aussi celui de son père. Que d’application, que de docilité il devait mettre en œuvre dans toutes les leçons qu’il recevait de son père !
            Son apprentissage se termina précisément au moment où Dieu permit que la mort lui enlève ses parents. Il pleura ceux qui avaient pris soin de son enfance ; mais il supporta cette dure épreuve avec la résignation d’un homme qui sait que tout ne finit pas avec cette vie mortelle et que les justes sont récompensés dans un monde meilleur. Maintenant qu’il n’était plus du tout retenu à Bethléem, il vendit sa petite propriété, et alla s’installer à Jérusalem. Il espérait y trouver plus de travail que dans sa ville natale. D’autre part, il se rapprochait du temple où sa piété l’attirait continuellement.
            C’est là que Joseph passa les meilleures années de sa vie entre le travail et la prière. Doué d’une parfaite probité, il ne cherchait pas à gagner plus que son travail ne le méritait, il fixait lui-même le prix avec une admirable bonne foi, et ses clients n’étaient jamais tentés de lui rabattre quelque prix que ce soit, car ils connaissaient son honnêteté. Bien que tout entier à son travail, il ne laissait jamais ses pensées s’éloigner de Dieu. Ah ! si l’on pouvait apprendre de Joseph cet art précieux de travailler et de prier en même temps, on ferait sans faute un double profit : on s’assurerait ainsi la vie éternelle en gagnant son pain quotidien avec beaucoup plus de satisfaction et de profit !
            Selon les traditions les plus respectables, Joseph appartenait à la secte des Esséniens, une secte religieuse qui existait en Judée à l’époque de sa conquête par les Romains. Les Esséniens professaient une austérité plus grande que celle des autres juifs. Leurs principales occupations étaient l’étude de la loi divine et la pratique du travail et de la charité, et en général, ils étaient admirés pour la sainteté de leur vie. Joseph, dont l’âme pure abhorrait la plus légère impureté, avait rejoint une classe du peuple dont les règles correspondaient si bien aux aspirations de son cœur ; il avait même, comme le dit le vénérable Bède, fait un vœu formel de chasteté perpétuelle. Et ce qui nous confirme dans cette croyance, c’est l’affirmation de saint Jérôme, qui nous dit que Joseph ne s’était jamais soucié du mariage avant de devenir l’époux de Marie.
            Par cette voie obscure et cachée, Joseph se préparait, à son insu, à la sublime mission que Dieu lui avait réservée. Sans autre ambition que d’accomplir fidèlement la volonté divine, il vivait loin des bruits du monde, partageant son temps entre le travail et la prière. Telle avait été sa jeunesse, tel aussi était son désir de passer sa vieillesse. Mais Dieu, qui aime les humbles, avait d’autres projets pour son fidèle serviteur.

Chap. III. Le mariage de saint Joseph.
Faciamus ei adiutorium simile sibi. (Faisons à l’homme une aide semblable à lui – Gen. 2,18).

            Joseph entrait dans sa cinquantième année lorsque Dieu l’arracha à l’existence paisible qu’il menait à Jérusalem. Il y avait dans le temple une jeune Vierge consacrée au Seigneur par ses parents depuis son enfance.
            De la lignée de David, elle était la fille des deux saints vieillards Joachim et Anne, et elle s’appelait Marie. Son père et sa mère étaient morts depuis de nombreuses années, et la charge de son éducation fut entièrement laissée aux prêtres d’Israël. Lorsqu’elle eut atteint l’âge de quatorze ans, âge fixé par la loi pour le mariage des jeunes filles, le grand-prêtre prit soin de procurer à Marie un époux digne de sa naissance et de sa haute vertu. Mais un obstacle se présentait : Marie avait fait au Seigneur le vœu de virginité.
            Elle répondit respectueusement que puisqu’elle avait fait le vœu de virginité, elle ne pouvait pas rompre ses promesses pour se marier. Cette réponse perturba fortement les plans du grand-prêtre.
            Ne sachant comment concilier le respect dû aux vœux faits à Dieu et la coutume mosaïque qui imposait le mariage à toutes les jeunes filles d’Israël, il réunit les anciens et consulta le Seigneur au pied du tabernacle de l’alliance. Ayant reçu les inspirations du Ciel et convaincu que quelque chose d’extraordinaire se cachait dans cette affaire, le grand-prêtre résolut de convoquer les nombreux parents de Marie, afin de choisir parmi eux celui qui devait être l’heureux époux de la Vierge bénie.
            Tous les membres non mariés de la famille de David furent donc convoqués au temple. Joseph, bien que plus âgé, était avec eux. Le grand-prêtre leur ayant annoncé qu’il s’agissait de tirer au sort un époux pour Marie, et que le choix serait fait par le Seigneur, ordonna que tous se présentent le lendemain au saint temple avec un rameau d’amandier. Le rameau serait déposé sur l’autel, et celui dont le rameau aurait fleuri serait le favori du Très-Haut pour être l’époux de la Vierge.
            Le lendemain, un grand groupe de jeunes gens se rendit au temple, chacun avec son rameau d’amandier, et Joseph avec eux. Mais celui-ci, par esprit d’humilité ou à cause du vœu de virginité qu’il avait fait, cacha son rameau sous son manteau au lieu de le présenter. Tous les autres rameaux furent placés sur la table, les jeunes gens sortirent le cœur plein d’espoir, et Joseph avec eux, silencieux et recueilli. Le temple fut fermé et le grand prêtre remit la rencontre au lendemain. Dès que le soleil fut levé, les jeunes étaient impatients de connaître leur sort.
            Lorsque l’heure fixée arriva, les portes sacrées s’ouvrirent et le pontife apparut. Tous se pressèrent pour voir le résultat. Aucun rameau n’avait fleuri.
            Le grand-prêtre se prosterna la face contre terre devant le Seigneur, et l’interrogea sur sa volonté, et si le signe promis n’était pas apparu dans les rameaux par manque de foi, ou parce qu’il n’avait pas compris sa voix. Et Dieu lui répondit que le signe promis ne s’était pas réalisé parce que parmi ces tendres rameaux, il manquait celui de l’élu du Ciel ; qu’il cherche et il verra le signe s’accomplir. Sans tarder on se mit à la recherche de celui qui avait soustrait son rameau.
            Le silence et la rougeur pudique apparue sur les joues de Joseph trahirent rapidement son secret. Conduit devant le saint pontife, il avoua la vérité : mais le prêtre entrevit le mystère et, prenant Joseph à part, lui demanda pourquoi il avait désobéi.
            Joseph répondit humblement qu’il avait depuis longtemps l’intention d’éloigner de lui ce danger, qu’il avait depuis longtemps résolu dans son cœur de n’épouser aucune jeune fille, qu’il lui semblait que Dieu lui-même l’avait conforté dans cette intention, et qu’il était lui-même trop indigne d’une jeune fille aussi sainte que Marie ; c’est pourquoi elle devait être accordée à un autre, plus saint et plus riche que lui.
            Le prêtre commença alors à admirer le projet divin, et il dit sans plus à Joseph : « Prends courage, mon fils, dépose ton rameau comme les autres et attends le jugement de Dieu. S’il te choisit, tu trouveras en Marie tant de sainteté et de perfection supérieure à celle de toutes les autres jeunes filles que tu n’auras pas besoin de la prier pour la persuader de ton dessein. Au contraire, elle te priera elle-même pour obtenir ce que tu veux, et t’appellera frère, gardien, témoin, époux, mais jamais mari.
            Rassuré sur la volonté du Seigneur par les paroles du souverain pontife, Joseph déposa son rameau avec les autres et se retira dans la prière.
            Le lendemain, l’assemblée se réunit à nouveau autour du Grand-Prêtre, et voici que sur le rameau de Joseph étaient écloses des fleurs blanches et épaisses, avec des feuilles douces et tendres.
            Le grand-prêtre montra le tout aux jeunes gens assemblés et leur annonça que Dieu avait choisi pour époux de Marie, fille de Joachim, Joseph, fils de Jacob, tous deux de la maison et de la famille de David. En même temps, on entendit une voix qui disait : « Joseph, mon fidèle serviteur, c’est à toi qu’est réservé l’honneur d’épouser Marie, la plus pure de toutes les créatures ; conforme-toi à tout ce qu’elle te dira. »
            Joseph et Marie, reconnaissant la voix du Saint-Esprit, acceptèrent cette décision et consentirent à un mariage qui ne devait pas porter atteinte à leur virginité.
            Selon saint Jérôme, le mariage fut célébré le jour même dans la plus grande simplicité.

Une tradition de l’Histoire du Carmel nous apprend que, parmi les jeunes rassemblés à cette occasion, se trouvait un beau jeune homme plein de vie qui aspirait ardemment à la main de Marie. Lorsqu’il vit le rameau de Joseph s’épanouir et ses espoirs s’évanouir, il resta stupéfait et sans parole. Mais dans ce tumulte de sentiments, le Saint-Esprit descendit en lui et changea soudain son cœur. Il leva le visage, secoua la branche inutile et avec un feu inhabituel :  » Moi, dit-il, je n’étais pas pour elle. Elle n’était pas pour moi. Et je ne serai jamais d’un autre. Je serai à Dieu. » Il cassa la branche et la jeta loin de lui, en disant : « Emporte avec toi toute pensée de mariage. Au Carmel, au Carmel avec les fils d’Élie ! Là, j’aurai la paix qui, à présent, me serait impossible dans la ville. Cela dit, il se rendit au Carmel et demanda à être accepté parmi les fils des prophètes. Il fut accepté, y progressa rapidement en esprit et en vertu, et devint prophète. Il est cet Agabus qui a prédit à l’apôtre saint Paul des chaînes et un emprisonnement. Le premier de tous, il fonda un sanctuaire en l’honneur de Marie sur le mont Carmel. La sainte Église célèbre avec joie sa mémoire et les fils du Carmel le considèrent comme leur frère.

            Joseph prit l’humble Vierge par la main et se présenta devant les prêtres, accompagné de quelques témoins. Le modeste artisan offrit à Marie un anneau d’or, orné d’une améthyste, symbole de fidélité virginale, et lui adressa en même temps ces paroles sacramentelles : « Si tu consens à devenir mon épouse, accepte ce gage. » En l’acceptant, Marie fut solennellement liée à Joseph, même si les cérémonies du mariage n’avaient pas encore été célébrées.
            Cet anneau offert par Joseph à Marie est conservé à Pérouse, en Italie. C’est à cette ville qu’après de nombreuses vicissitudes et controverses, la relique fut définitivement accordée   par le pape Innocent VIII en 1486.

Chap. IV. Joseph retourne à Nazareth avec son épouse.
Erant cor unum et anima una. (Ils n’avaient qu’un cœur et qu’une âme – Actes 4,32).

            Après avoir célébré le mariage, Marie retourna à Nazareth, sa ville natale, avec sept vierges que le grand prêtre lui avait accordées comme compagnes.
            Elle devait attendre dans la prière la cérémonie du mariage, et constituer son modeste trousseau de noces. Saint Joseph resta à Jérusalem pour préparer son habitation et tout organiser pour la célébration du mariage.
            Après quelques mois, les cérémonies qui devaient suivre les épousailles furent célébrées selon les coutumes de la nation juive. Bien qu’ils fussent tous deux pauvres, Joseph et Marie donnèrent à cette célébration autant de faste que leurs faibles moyens le leur permettaient. Marie quitta ensuite sa maison de Nazareth et vint vivre avec son époux à Jérusalem, où les célébrations devaient avoir lieu.
            Une ancienne tradition raconte que Marie arriva à Jérusalem par une froide soirée d’hiver et que la lune brillait de ses rayons argentés au-dessus de la ville.
            Joseph se rendit à la rencontre de sa jeune compagne aux portes de la ville sainte, suivi d’un long cortège de parents et amis, chacun tenant dans sa main une torche. Le cortège nuptial conduisit le couple jusqu’à la maison de Joseph, où le repas de noces avait été préparé par ses soins.
            En entrant dans la salle du banquet et pendant que les invités prenaient place à table, le patriarche s’approcha de la sainte Vierge : « Tu seras comme ma mère, lui dit-il, et je te respecterai comme l’autel même du Dieu vivant. » Désormais, dit un auteur érudit, ils n’étaient plus, aux yeux de la loi religieuse, que frère et sœur dans le mariage, bien que leur union ait été intégralement conservée. Joseph ne resta pas longtemps à Jérusalem après les cérémonies du mariage ; les deux saints époux quittèrent la ville sainte pour se rendre à Nazareth, dans la modeste maison que Marie avait héritée de ses parents.
            Nazareth, dont le nom hébreu signifie fleur des champs, est une belle petite ville, pittoresquement perchée sur le versant d’une colline au fond de la vallée d’Esdrelon. C’est donc dans cette agréable ville que Joseph et Marie sont venus élire domicile.
            La maison de la Vierge se composait de deux pièces principales, dont l’une servait d’atelier à Joseph, et l’autre était destinée à Marie. L’atelier, où travaillait Joseph, consistait en une pièce basse de dix ou douze pieds de large sur autant de pieds de long. On y voyait les outils nécessaires à sa profession soigneusement rangés. Quant au bois dont il avait besoin, une partie restait dans l’atelier et l’autre à l’extérieur, le climat permettant au saint ouvrier de travailler en plein air une grande partie de l’année.
            À l’avant de la maison se trouvait, conformément à la coutume orientale, un banc de pierre ombragé par des nattes de palmier, où le voyageur pouvait reposer ses membres fatigués et s’abriter des rayons brûlants du soleil.
            La vie que menaient ces époux privilégiés était très simple. Marie veillait à la propreté de sa pauvre demeure, confectionnait ses vêtements de ses propres mains et réparait ceux de son mari. Quant à Joseph, il fabriquait tantôt une table pour les besoins de la maison, ou des chariots, ou des jougs pour les voisins dont il avait reçu la commande ; parfois, il allait dans la montagne et de son bras encore vigoureux, il coupait les grands sycomores et les térébinthes noirs qui devaient servir à la construction des cabanes qu’il érigeait dans la vallée.
            Toujours assidu au travail, il rentrait à la maison souvent quand le soleil était couché pour prendre le petit repas du soir que sa jeune et vertueuse compagne lui préparait sans attendre. Elle lui essuyait elle-même son front trempé de sueur, lui présentait l’eau tiède qu’elle avait fait chauffer pour lui laver les pieds, et lui servait le frugal souper qui devait lui redonner des forces. Celui-ci se composait essentiellement de petits pains d’orge, de produits laitiers, de fruits et de quelques légumes secs. Puis, à la tombée de la nuit, un sommeil réparateur préparait notre saint patriarche à reprendre le lendemain ses occupations journalières. Cette vie, laborieuse et douce à la fois, durait depuis deux mois environ, quand arriva l’heure marquée par la Providence pour l’incarnation du Verbe de Dieu.

Chap. V. L’Annonciation à Marie
Ecce ancilla Domini; fiat mihi secundum verbum tuum. (Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole. – Lc 1,38)

            Un jour, Joseph était parti travailler dans un village voisin. Marie était seule dans la maison et, selon sa coutume, priait tout en s’occupant à filer du lin. Soudain, un ange du Seigneur, l’archange Gabriel, descendit dans la pauvre maison tout resplendissant des rayons de la gloire céleste, et salua l’humble Vierge en lui disant : « Je te salue, pleine de grâce ; le Seigneur est avec toi, tu es bénie entre toutes les femmes. » Cet éloge inattendu produisit un profond trouble dans l’âme de Marie. Pour la rassurer, l’Ange dit : « Ne crains pas, Marie, car tu as trouvé grâce aux yeux de Dieu. Voici que tu concevras et enfanteras un fils, dont le nom sera Jésus. Il sera grand et on l’appellera le Fils du Très-Haut. Le Seigneur lui donnera le trône de David, son père ; il régnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » « Comment cela sera-t-il possible, demanda l’humble Vierge, car je ne connais pas d’homme ? »
            Elle ne pouvait pas concilier sa promesse de virginité avec le titre de Mère de Dieu. Mais l’Ange lui répondit : « L’Esprit Saint descendra en toi, et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ; le fruit saint qui naîtra de toi sera appelé fils de Dieu. » Et pour donner une preuve de la toute-puissance de Dieu, l’archange Gabriel ajouta : « Voici qu’Élisabeth, ta cousine, a conçu un fils dans sa vieillesse, et celle qui était stérile est déjà au sixième mois de sa grossesse. Car rien n’est impossible à Dieu. »
            À ces paroles divines, l’humble Marie ne trouva plus rien à dire : « Voici la servante du Seigneur, répondit-elle à l’Ange, qu’il me soit fait selon ta parole. » L’Ange disparut ; le mystère des mystères était accompli. Le Verbe de Dieu s’était incarné pour le salut de l’humanité.
            Vers le soir, lorsque Joseph revint à l’heure habituelle, ayant terminé son travail, Marie ne lui dit rien du miracle dont elle avait été l’objet.
            Elle se contenta de lui annoncer la grossesse de sa cousine Élisabeth : et comme elle souhaitait lui rendre visite, en épouse soumise, elle demanda à Joseph la permission d’entreprendre le voyage, qui était effectivement long et fatigant. Il n’avait rien à lui refuser et elle partit en compagnie de quelques proches. Il faut croire que Joseph ne pouvait pas l’accompagner chez sa cousine, car il avait ses occupations à Nazareth.

Chap. VI. L’inquiétude de Joseph – Il est rassuré par un Ange.
Ioseph, fili David, noli timere accipere Mariam coniugem tuam, quod enim in ea natum est, de Spiritu Sancto est. (Joseph, fils de David, ne crains pas de recevoir Marie ton épouse, car ce qui est conçu en elle l’est par l’Esprit Saint. – Mt 1,20)

            Sainte Élisabeth vivait dans les montagnes de Judée, dans une petite ville appelée Hébron, à soixante-dix milles [113 km] de Nazareth. Nous ne suivrons pas Marie dans son voyage ; il nous suffit de savoir qu’elle est restée environ trois mois chez sa cousine.
            Mais le retour de Marie prépara à Joseph une épreuve qui devait être le prélude à beaucoup d’autres. Il ne tarda pas à se rendre compte que Marie était enceinte et il fut tourmenté par des angoisses mortelles. La loi l’autorisait à accuser son épouse devant les prêtres et à la couvrir d’un déshonneur éternel ; mais une telle démarche répugnait à la bonté de son cœur et à la haute estime dans laquelle il avait tenu Marie jusqu’alors. Dans cette incertitude, il résolut de l’abandonner et de s’expatrier afin de rejeter sur lui seul toute la honte d’une telle séparation. En effet, il avait déjà fait ses préparatifs de départ, lorsqu’un ange descendit du Ciel pour le rassurer :
            « Joseph, fils de David, lui dit le messager céleste, ne crains pas de recevoir Marie pour compagne, car ce qui est conçu en elle l’est par le Saint-Esprit. Elle enfantera un fils que tu nommeras Jésus, car il délivrera son peuple de ses péchés. »
            Désormais Joseph, complètement rassuré, conçut la plus haute vénération pour sa chaste épouse ; il voyait en elle le tabernacle vivant du Très-Haut, et ses soins n’en étaient que plus tendres et plus respectueux.

Chap. VII. Édit de César Auguste. – Le recensement. – Voyage de Marie et Joseph à Bethléem.
Tamquam aurum in fornace probavit electos Dominus. (Dieu a éprouvé les élus comme l’or dans le creuset. – Sag. 3,6)

            Le temps approchait où le Messie promis aux nations devait enfin apparaître dans le monde. L’Empire romain avait alors atteint l’apogée de sa grandeur.
            En s’emparant du pouvoir suprême, César Auguste réalisa cette unité qui devait servir dans les desseins de la Providence à la propagation de l’Évangile. Sous son règne, toutes les guerres avaient cessé et le temple de Janus était fermé (il était d’usage à Rome à cette époque de garder le temple de Janus ouvert en temps de guerre et de le fermer en temps de paix). Dans son orgueil, l’empereur romain voulait connaître le nombre de ses sujets, et pour cela, il ordonna un recensement général dans tout l’empire.
            Chaque citoyen devait se faire inscrire avec toute sa famille dans sa ville natale. Joseph dut donc quitter sa pauvre maison pour obéir aux ordres de l’empereur ; et comme il était de la lignée de David, et que cette illustre famille venait de Bethléem, il dut s’y rendre pour se faire inscrire.
            C’est par un matin triste et brumeux du mois de décembre de l’an 752 de Rome que Joseph et Marie quittèrent leur pauvre habitation de Nazareth pour se rendre à Bethléem, où les appelait l’obéissance due aux ordres du souverain. Leurs préparatifs de départ ne furent pas longs. Joseph mit quelques vêtements dans un sac, prépara la bonne bête qui devait porter Marie, qui en était déjà au neuvième mois de sa grossesse, et s’enveloppa dans son grand manteau. Puis les deux saints voyageurs quittèrent Nazareth accompagnés des bons vœux de leurs parents et amis. Le saint patriarche, tenant d’une main son bâton de voyage, tenait de l’autre la bride de la jument sur laquelle son épouse était assise.
            Après quatre ou cinq jours de marche, ils aperçurent Bethléem de loin. Le jour commençait à se lever lorsqu’ils entrèrent dans la ville. La monture de Marie était fatiguée ; Marie, en outre, avait grand besoin de se reposer. Joseph se mit donc rapidement en quête d’un gîte. Il parcourut toutes les auberges de Bethléem, mais ses démarches furent inutiles. Le recensement général y avait attiré une foule extraordinaire et toutes les auberges débordaient d’étrangers. C’est en vain que Joseph alla de porte en porte demander un abri pour son épouse épuisée, mais les portes restèrent fermées.

Chap. VIII. Marie et Joseph se réfugient dans une pauvre grotte. – Naissance du Sauveur du monde. – Jésus adoré par les bergers.
Et Verbum caro factum est. (Et le Verbe s’est fait chair. – Jn 1,14)

            Quelque peu découragés par l’absence de toute hospitalité, Joseph et Marie quittèrent Bethléem dans l’espoir de trouver à la campagne l’asile que la ville leur avait refusé. Ils arrivèrent à une grotte abandonnée, qui offrait un abri aux bergers et à leurs troupeaux pendant la nuit et les jours de mauvais temps. Un peu de paille jonchait le sol, et un creux dans la roche servait également de banc pour se reposer et de mangeoire pour les animaux. Les deux voyageurs entrèrent dans la grotte afin de se reposer des fatigues du voyage et de réchauffer leurs membres engourdis par le froid de l’hiver. Dans cet abri misérable, loin du regard des hommes, Marie donnait au monde le Messie promis à nos premiers parents. Il était minuit. Joseph adora le divin enfant, l’enveloppa de langes et le déposa dans la mangeoire. Il était le premier des hommes à qui revenait l’honneur incomparable d’offrir l’hommage à ce Dieu qui était descendu sur terre pour racheter les péchés de l’humanité.
            Des bergers surveillaient leurs troupeaux dans la campagne voisine. Un ange du Seigneur leur apparut et leur annonça la bonne nouvelle de la naissance du Sauveur. Au même moment, on entendit des chœurs célestes répéter : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. » Ces hommes simples n’hésitèrent pas à suivre la voix de l’ange : « Allons à Bethléem, se dirent-ils, et voyons ce qui s’est passé. » Et sans plus attendre, ils entrèrent dans la grotte et adorèrent le divin enfant.

(suite)




L’eau bénite, les bénédictions et les autres sacramentaux ont-ils encore une valeur ?

Nous assistons aujourd’hui à une indifférence ou à un mépris pour les sacramentaux. Les bénédictions sur les personnes, l’eau, les images religieuses et leur utilisation, comme les autres sacramentaux, n’ont plus de valeur aux yeux de nombreux chrétiens d’aujourd’hui. Cette attitude a sûrement quelque chose à voir avec les abus ou les superstitions qui ont déformé leur signification véritable. Mais on ne peut nier qu’il existe aussi une grande ignorance à leur sujet. Essayons d’y voir un peu plus clair.

À l’origine, les sacramentaux (appelés aussi petits sacrements) étaient de simples cérémonies qui accompagnaient la célébration des sept sacrements, mais aussi les œuvres pieuses et toute la prière canonique de l’Église. Aujourd’hui, la notion de sacramentaux est réservée à certains rites, institués par l’Église, qui ne font pas partie en eux-mêmes de la célébration des sept sacrements, mais dont la structure est semblable à celle des sacrements, et que l’Église utilise pour obtenir, à leur demande, des effets essentiellement spirituels.

Les sacramentaux sont des signes sacrés par lesquels, selon une certaine imitation des sacrements, des effets surtout spirituels sont signifiés et sont obtenus par la prière de l’Église. Par eux, les personnes sont disposées à recevoir l’effet principal des sacrements, et les diverses circonstances de la vie sont sanctifiées (Catéchisme de l’Église catholique – CEC 1667).
Ils sont institués par l’Église en vue de la sanctification de certains ministères de l’Église, de certains états de vie, de circonstances très variées de la vie chrétienne, ainsi que de l’usage des choses utiles à l’homme. Ils comportent toujours une prière, souvent accompagnée d’un signe déterminé, comme l’imposition de la main, le signe de la Croix, l’aspersion d’eau bénite (CEC 1668).
Les sacramentaux ne confèrent pas la grâce de l’Esprit Saint à la manière des sacrements, mais par la prière de l’Église ils préparent à recevoir la grâce et disposent à y coopérer (CEC 1670).

Ce sont avant tout des bénédictions de personnes, d’objets, de lieux.
Ils ont pour effet de consacrer des personnes à Dieu et de réserver à l’usage liturgique des objets et des lieux, comme la bénédiction de l’abbé ou de l’abbesse d’un monastère, la consécration des vierges, le rite de la profession religieuse et les bénédictions pour certains ministères d’Église (lecteurs, acolytes, catéchistes, etc.), ou comme la dédicace ou la bénédiction d’une église ou d’un autel, la bénédiction des saintes huiles, des vases et des vêtements sacrés, des cloches, etc.
Et ce sont aussi des exorcismes, c’est-à-dire une demande que l’Église fait publiquement et avec autorité, au nom de Jésus-Christ, pour qu’une personne ou un objet soit protégé contre l’emprise du Malin et soustrait à son empire (CEC 1671-1673).

Ils sont établis par l’Église, et seul le Siège Apostolique peut constituer de nouveaux sacramentaux ou interpréter authentiquement ceux qui sont en usage, abolir ou changer certains d’entre eux (Code de droit canonique, CDC, can. 1167, §1).
Les sacramentaux sont présentés dans le Rituel romain (en particulier dans le Rituel des bénédictions et le Rituel des exorcismes), qui contiennent les formes et les modalités pour les donner, l’observance attentive des rites et des formules approuvés par l’Église étant requise (CDC, can. 1167, §2).

Leur valeur réside avant tout dans la prière de l’Église (opus operantis Ecclesiae), mais pour qu’ils produisent leur effet, il faut une foi vivante, car les sacramentaux n’agissent pas comme les sacrements ex opere operato, mais ex opere operantis, c’est-à-dire qu’ils sont conditionnés par la foi du bénéficiaire. Et c’est ici qu’apparaît le peu d’estime des sacramentaux : lorsqu’ils ne sont pas reçus avec foi, ils ne produisent aucun effet et cela conduit à la fausse opinion qu’ils n’ont aucune vertu.

Dans leur utilisation, il faut éviter à la fois un manque de révérence et de respect (ils sont une intercession de l’Église) et un usage de type superstitieux ou magique. Les sacramentaux ne changent pas la nature de la réalité sur laquelle ils agissent, mais sont l’expression de l’appartenance à Dieu.
Les objets bénis ne sont pas des amulettes (objets de nature et de forme diverses auxquels la superstition attribue une vertu protectrice contre la maladie ou le malheur, vertu qui réside dans l’objet lui-même), mais sont des signes sacrés qui nous rappellent que Dieu est toujours proche de nous avec sa grâce.

En résumé, les sacramentaux consistent immédiatement et premièrement en une prière de demande que l’Église adresse à Dieu, et seulement en second lieu et médiatement, c’est-à-dire à travers cette prière d’intercession de l’Église, en une sanctification, dans la mesure où l’Église, par le biais de ces rites, implore auprès de Dieu la sanctification des personnes ou des choses.

Les personnes et les choses ne deviennent pas de véritables causes instrumentales de la grâce, elles ne sont pas perfectionnées et élevées dans leurs qualités naturelles, mais en considération de la prière d’intercession de l’Église, elles sont prises sous la protection ou l’acceptation divine spéciale pour le bien spirituel de ceux qui les possèdent ou les utiliseront avec les dispositions qui s’imposent, offrant ainsi la possibilité de mieux réaliser leur salut.

Puisqu’il s’agit de choses consacrées, leur acceptation par Dieu entraîne aussi des grâces spéciales pour ceux qui les utiliseront avec les dispositions requises ; et, s’il s’agit de personnes consacrées, ils confèrent à ces personnes un titre moral devant Dieu pour obtenir en temps voulu les grâces d’état nécessaires pour remplir les devoirs que comporte cette consécration permanente.

On estime que dans les sacramentaux, l’Église demande et obtient immédiatement des grâces actuelles pour la personne pour laquelle elle les demande, telles que la contrition des péchés, les actes de foi, d’espérance, de charité, qui sont des dispositions favorables au bon usage des sacrements ou aux actes de charité parfaite. Dans les sacrements et dans les actes de charité parfaite, on peut penser que Dieu accorde immédiatement la grâce sanctifiante ou son augmentation (C. Vagaggini, Le sens théologique de la liturgie).

Telles sont les explications qui tentent de jeter un peu de lumière sur les sacramentaux. Cependant, la confirmation de leur valeur vient, comme toujours, des saints.

Saint Jean Bosco les a beaucoup utilisés, et il suffit ici d’en mentionner un seul, l’eau bénite, dont il recommandait l’usage à ses garçons.

Dans son Règlement de l’Oratoire, on lit ceci : « … en entrant dans l’église, chacun prend de l’eau bénite, fait bien le signe de la Croix et la génuflexion à l’autel du Saint-Sacrement » (MB III, 100-101).

Et ce n’est pas seulement dans l’église qu’il demandait l’utilisation de l’eau bénite, mais aussi dans les dortoirs et les salles d’étude :
« Le dortoir était considéré comme un sanctuaire. Dans chaque dortoir, puis dans les salles d’étude, Don Bosco prescrivit le bénitier et l’utilisation de l’eau bénite » (MB IV, 339).

Il inculquait l’efficacité de l’eau bénite chaque fois qu’il le pouvait. Au cours d’un petit mot du soir, voici ce qu’il a raconté à ses jeunes :
« À Saint-Pierre, au Vatican, il y a une pile d’eau lustrale vraiment magnifique. Le bassin est soutenu par un groupe représentant la tentation. Il y a un diable effrayant, avec des cornes et une queue, qui court après un jeune garçon pour l’attraper. Le pauvre garçon s’enfuit, mais il est à deux doigts de tomber dans les griffes de cette vilaine bête. Au moment de pousser un cri de frayeur, il lève les bras, mettant ses mains dans l’eau bénite et le diable effrayé à son tour n’ose pas s’approcher de lui.
            L’eau bénite, mes chers jeunes, sert à chasser les tentations, et le proverbe le dit en parlant de celui qui fuit avec précipitation : – Fuire comme le diable devant l’eau bénite.
            Dans les tentations, et surtout en entrant dans l’église, faites bien le signe de la croix, car c’est là que le diable vous attend pour vous faire perdre le fruit de la prière. Le signe de croix repousse le diable un instant ; mais le signe de croix avec l’eau bénite le repousse longtemps. Un jour, sainte Thérèse fut tentée. À chaque assaut, elle faisait le signe de croix, et la tentation cessait, mais l’assaut revenait quelques minutes plus tard. Finalement, fatiguée de lutter, sainte Thérèse s’aspergea d’eau bénite et le diable dut s’en aller la queue entre les jambes »
(MB VIII, 723-724).

Saint Jean Bosco a toujours tenu les sacramentaux en grande estime. Sa simple bénédiction était très recherchée par les gens, parce qu’elle produisait des effets vraiment miraculeux. Il faudrait dresser ici une longue liste pour rappeler combien de guérisons spirituelles et corporelles ont été opérées par ses bénédictions reçues avec foi. Il suffit de lire sa vie pour s’en convaincre.