As-tu réfléchi à ta vocation ? Saint François de Sales pourrait t’aider (1/10)

« Ce n’est pas par la grandeur de nos œuvres que nous plairons à Dieu, mais par l’amour avec lequel nous les faisons », Saint François de Sales.
Un itinéraire en dix parties dans lequel saint François de Sales pourrait aussi accompagner les jeunes d’aujourd’hui qui s’interrogent sur le sens de leur vie.

1. Si nous partions de l’ABC de la vie chrétienne

Chers jeunes,
Je sais que j’écris à ceux qui portent déjà dans leur cœur un petit désir de bien, une recherche de lumière. Vous avez déjà cheminé dans l’amitié avec le Seigneur, mais permettez-moi de vous résumer ici l’ABC de la vie de croyant, c’est-à-dire une vie intérieure et spirituelle riche et profonde. Avec cette base, vous serez équipé pour faire des choix fructueux dans votre existence. Ce travail n’est pas nouveau pour moi : lorsque j’étais évêque, j’ai visité toutes les paroisses de mon diocèse, et beaucoup d’entre elles étaient situées dans les montagnes. Pour les atteindre, il n’y avait pas de routes et je devais marcher de longues distances, même en hiver, mais j’étais heureux de rencontrer ces gens simples, de les encourager à vivre comme Dieu l’aime.
Pour marcher avec fruit, le travail de l’accompagnateur spirituel qui remarque ce qui se passe dans votre cœur, vous encourage, vous suit, vous fait des propositions claires, graduelles et stimulantes est décisif. J’ai écrit dans la Philothée : « Voulez-vous vous engager avec confiance sur les chemins de l’Esprit? Trouvez quelqu’un de compétent, qui sera votre guide et vous accompagnera ; c’est la recommandation des recommandations ». Il y a quatre siècles, comme aujourd’hui : c’est le point crucial, décisif.
Le but à atteindre est la sainteté, qui consiste en une vie chrétienne consciente, c’est-à-dire une amitié profonde avec Dieu, une vie spirituelle fervente, marquée par l’amour de Dieu et du prochain. C’est un chemin simple, sachant que les grandes occasions de servir Dieu se présentent rarement, alors que les petites se présentent toujours. Cela nous stimule à une charité prompte, active et diligente.
Si, en pensant à un tel objectif, vous êtes tentés par le découragement, je répète ce que j’ai écrit il y a des siècles : « Nous ne devons pas attendre de tous qu’ils commencent par la perfection : peu importe comment nous commençons. Il suffit d’être déterminé à continuer et à bien finir ».
Pour commencer du bon pied, je vous invite à la purification du cœur par la confession. Le péché est un manque d’amour, un vol de votre humanité, une obscurité et un froid : dans la confession, vous remettez à Jésus tout ce qui peut vous alourdir et obscurcir votre chemin. C’est retrouver la joie du cœur.
Pour aller de l’avant, les outils de la marche sont aussi anciens et précieux que l’Église, et ils ont soutenu des générations de chrétiens de tous âges, pendant 20 siècles ! Vous aussi, vous en avez certainement fait l’expérience.
La prière, c’est-à-dire le dialogue avec un Père amoureux de vous et de votre vie. N’oubliez pas que l’on apprend à prier en priant : il en va de même pour la fidélité et la persévérance.
La Parole de Dieu, c’est-à-dire la « lettre de Dieu » qui s’adresse précisément à vous en tant qu’individus. Elle est comme une sorte de boussole qui oriente votre marche, surtout quand il y a du brouillard, de l’obscurité et que vous risquez de vous perdre ! N’oubliez pas qu’en la lisant, vous avez le Trésor entre les mains.
Le sacrement de l’Eucharistie est le thermomètre de votre vie croyante : si votre cœur n’a pas mûri un vif désir de recevoir le Pain de Vie, votre rencontre avec Lui aura des résultats modestes. J’écrivais à mes contemporains : « Si le monde vous demande pourquoi vous communiez si souvent, répondez que c’est pour apprendre à aimer Dieu, pour vous purifier de vos imperfections, pour vous libérer de vos misères, pour trouver de la force dans vos faiblesses et de la consolation dans vos afflictions. Deux sortes de personnes doivent communiquer souvent entre elles : les parfaites, parce qu’étant bien disposées, elles auraient tort de ne pas s’approcher de la fontaine et de la source de la perfection ; et les imparfaites pour tendre à la perfection. Les forts pour ne pas s’affaiblir et les faibles pour se renforcer. Les malades pour guérir et les bien-portants pour ne pas tomber malades ». Assister à la Sainte Messe avec une grande fréquence : autant que possible !
J’insiste ensuite sur les vertus, car si la rencontre avec Dieu est vraie et profonde, elle change aussi les rapports avec les personnes, le travail, les choses. Elles permettent d’avoir un caractère humainement riche, capable d’amitiés vraies et profondes, d’être joyeusement engagé à bien faire son devoir (travail-études), patient et cordial dans ses manières, bon.
Tout cela ne se passe pas dans votre cœur solitaire, pour vous améliorer et vous faire plaisir. La vie avec les autres est un stimulant pour mieux marcher (combien sont meilleurs que nous !), pour aider davantage (combien ont besoin de nous !), pour être aidé (combien avons-nous à apprendre !), pour nous rappeler que nous ne sommes pas autosuffisants (nous ne sommes pas auto-créés et auto-éduqués !). Sans dimension communautaire, nous nous perdons vite.
J’espère que vous avez déjà goûté les fruits d’un accompagnement stable, de confessions authentiques, d’une prière fidèle et ferme, de la richesse de la Parole, de l’Eucharistie vécue avec fécondité, des vertus pratiquées dans la joie de la vie quotidienne, des amitiés enrichissantes, du caractère indispensable du service. C’est dans cet humus que l’on s’épanouit : ce n’est que dans cet écosystème que l’on peut percevoir le vrai visage du Dieu chrétien, à la main duquel il est beau et joyeux de confier sa vie.

Office de l’Animation Vocationnelle

(suite)




Don Bosco et la collecte des déchets en porte-à-porte

Qui l’eût cru ? Don Bosco, un écologiste avant l’heure ? Don Bosco pionnier de la collecte des déchets en porte-à-porte il y a 140 ans ?

C’est ce que l’on pourrait croire, du moins si l’on en croit l’une des lettres que nous avons retrouvées ces dernières années et qui se trouve dans le 9e volume de l’épistolaire (n° 4144). Il s’agit d’une circulaire imprimée de 1885 qui en petit  – la ville de Turin de l’époque – anticipe et, évidemment à sa manière, « résout » les grands problèmes de notre société, la société dite « de consommation » et « du jetable ».

Le destinataire
Comme il s’agit d’une lettre circulaire, le destinataire est générique, une personne connue ou non. Don Bosco s’ingénie à « capter » immédiatement son attention en la qualifiant de « méritante et charitable ». Cela dit, Don Bosco signale à son correspondant un fait bien visible :

« Votre Excellence sait que les os, restes de la table et généralement jetés par les familles à la poubelle comme objet d’encombrement, rassemblés en grande quantité sont dans ce lieu utiles à l’industrie humaine, et donc recherchés par les hommes de l’art [= industrie] payés quelques sous par myriagramme. Une entreprise de Turin, avec laquelle je suis en contact, les achèterait en n’importe quelle quantité ». Ainsi, ce qui serait une nuisance, à la fois à la maison et hors de la maison, peut-être dans les rues de la ville, est judicieusement utilisé à l’avantage de beaucoup.

Un objectif élevé
C’est ici que Don Bosco lance sa proposition : « Dans cette perspective et conformément à ce qui se pratique déjà dans certains pays en faveur d’autres Instituts charitables, j’ai eu l’idée de faire appel aux familles aisées et bienveillantes de cette illustre cité, et de les prier, au lieu de laisser ces déchets de leur table se perdre et devenir inutiles, de les donner gratuitement pour le bien de tous les habitants de la ville, qu’elles veuillent bien le donner gratuitement au profit des pauvres orphelins recueillis dans mes Instituts, et surtout au profit des Missions de Patagonie, où les Salésiens, à grands frais et au péril de leur vie, enseignent et civilisent les tribus sauvages, afin qu’elles puissent jouir des fruits de la Rédemption et du vrai progrès. C’est donc un tel recours et une telle prière que j’adresse à Votre Altesse, persuadé que vous les prendrez en considération et que vous les exaucerez ».

Le projet semblait séduire plusieurs parties : les familles se débarrassaient d’une partie des déchets de table, l’entreprise serait intéressée à les récupérer pour les réutiliser autrement (nourriture pour les animaux, engrais pour la campagne, etc.); Don Bosco en tirerait de l’argent pour les missions… et la ville resterait plus propre.

Une organisation parfaite
La situation était claire, l’objectif était élevé, les bénéfices étaient là pour tous, mais cela ne pouvait pas suffire. Il fallait collecter les os au porte-à-porte dans toute la ville. Don Bosco ne bronche pas. A soixante-dix ans, il a désormais une vision profonde, une longue expérience, mais aussi de grandes compétences en matière de gestion. Il organisa donc cette « entreprise », en prenant soin d’éviter les abus toujours possibles dans les différentes phases de l’opération-collecte : « Les familles qui auront la bonté d’adhérer à cette humble requête de ma part, recevront un sac spécial, où elles mettront les os mentionnés, qui seront souvent ramassés et pesés par une personne désignée par l’entreprise acheteuse, délivrant un reçu qui, en cas de contrôle auprès de l’entreprise elle-même, sera encaissé de temps en temps en mon nom. De cette façon, Votre Excellence n’aura d’autre choix que de donner les ordres appropriés pour que ces restes inutiles de votre table, qui seraient dispersés, soient placés dans le même sac, pour être remis au collecteur et ensuite vendus et utilisés par des œuvres de bienfaisance. Le sac portera les initiales O. S. (Oratoire salésien), et la personne qui viendra le vider présentera également un signe, pour se faire connaître de Votre Excellence ou de sa famille ».
Que dire ? Si ce n’est que le projet semble valable dans toutes ses parties, mieux encore que certains projets similaires dans nos villes du troisième millénaire !

Les incitations
Il est évident que la proposition devait être soutenue par une incitation, certainement pas économique ou promotionnelle, mais morale et spirituelle. Laquelle ? La voici : « Votre Excellence méritera les œuvres susmentionnées, vous aurez la gratitude de milliers de jeunes pauvres et, ce qui est plus important, vous recevrez la récompense promise par Dieu à tous ceux qui s’efforcent d’assurer le bien-être moral et matériel de leurs semblables ».

Une forme précise
En homme concret, il a imaginé un moyen, que nous dirions très moderne, pour réussir dans son entreprise : il demande à ses destinataires de lui renvoyer le coupon, placé au bas de la lettre, portant son adresse : « Je vous demande encore de bien vouloir m’en donner l’assurance, dans mon intérêt et pour l’accomplissement des démarches à effectuer, en détachant et en me renvoyant la partie de cet imprimé qui porte mon adresse. Dès que j’aurai reçu votre acceptation, je donnerai l’ordre de vous remettre le sac susmentionné ».
Don Bosco termine sa lettre par la formule habituelle de remerciements et de vœux, si appréciée par ses correspondants.
Don Bosco, en plus d’être un grand éducateur, un fondateur clairvoyant, un homme de Dieu, fut aussi un génie de la charité chrétienne.




Vénérable Dorothée de Chopitea

Qui était Dorothée de Chopitea ? Coopératrice salésienne, véritable mère des pauvres de la ville de Barcelone, créatrice de nombreuses institutions au service de la charité et de la mission apostolique de l’Église. Sa figure revêt aujourd’hui une importance particulière et nous encourage à imiter son exemple d’être « miséricordieux comme le Père ».

Un biscaïen au Chili
En 1790, sous le règne de Charles IV, un Biscayen, Pedro Nicolás de Chopitea, originaire de Lequeitio, émigre au Chili, qui fait alors partie de l’Empire espagnol. Le jeune émigrant prospère et épouse une jeune créole, Isabel de Villota.

Don Pedro Nolasco Chopitea et Isabel Villota s’installèrent à Santiago du Chili. Dieu leur accorda une nombreuse famille de 18 enfants, mais seuls 12 survécurent, cinq garçons et sept filles. La plus jeune d’entre elles naquit, fut baptisée et confirmée le même jour, le 5 août 1816, et reçut les noms d’Antonia, Dorotea et Dolores, bien qu’elle ait toujours été connue sous le nom de Dorotea, qui signifie en grec « don de Dieu ». La famille de Pierre et d’Élisabeth était riche, chrétienne et soucieuse d’utiliser ses richesses au profit des pauvres qui l’entouraient.

En 1816, année de la naissance de Dorothée, les Chiliens ont commencé à réclamer ouvertement leur indépendance vis-à-vis de l’Espagne, qu’ils ont obtenue en 1818. L’année suivante, Don Pedro, qui s’était rangé du côté des royalistes, c’est-à-dire en faveur de l’Espagne, et avait été emprisonné pour cela, transféra sa famille de l’autre côté de l’Atlantique, à Barcelone, afin que l’agitation politique ne compromette pas ses enfants plus âgés, tout en continuant à entretenir un réseau dense de relations avec les milieux politiques et économiques du Chili.

Dans la grande maison de Barcelone, Dorothée, âgée de trois ans, est confiée à sa sœur Joséphine, âgée de douze ans. Ainsi, Joséphine, qui deviendra plus tard « Sœur Joséphine », est pour la petite Dorothée la « petite jeune maman ». Elle se confie à elle avec une totale affection, se laissant guider avec docilité.

À treize ans, sur les conseils de Joséphine, elle prit comme directeur spirituel le prêtre Pedro Nardó, de la paroisse de Santa María del Mar. Pendant 50 ans, Pedro fut son confesseur et son conseiller dans les moments délicats et difficiles. Le prêtre lui a appris avec gentillesse et force à « séparer son cœur des richesses ».

Tout au long de sa vie, Dorothée a considéré les richesses de sa famille non pas comme une source d’amusement et de dissipation, mais comme un grand moyen mis dans sa main par Dieu pour faire du bien aux pauvres. Don Pedro Nardó lui a fait lire plusieurs fois la parabole évangélique de l’homme riche et du pauvre Lazare. Comme signe chrétien distinctif, il conseilla à Joséphine et à Dorothée de toujours s’habiller modestement et simplement, sans la cascade de rubans et de gaze de soie légère que la mode de l’époque imposait aux jeunes femmes aristocratiques.

Dorothée a reçu dans sa famille la solide éducation que l’on donnait à l’époque aux jeunes filles des familles aisées. D’ailleurs, elle aidera plus tard son mari à maintes reprises dans sa profession de commerçant.

Épouse à l’âge de seize ans
Les Chopitea avaient retrouvé à Barcelone des amis chiliens, les Serra, qui étaient revenus en Espagne pour la même raison, l’indépendance. Le père, Mariano Serra i Soler, originaire de Palafrugell, s’était lui aussi taillé une brillante situation économique. Marié à une jeune créole, Mariana Muñoz, il eut quatre enfants, dont l’aîné, José María, naquit au Chili le 4 novembre 1810.

À l’âge de seize ans, Dorothée vit le moment le plus délicat de sa vie. Elle est fiancée à José María Serra, bien que le mariage soit considéré comme un événement futur. Mais Don Pedro Chopitea doit retourner en Amérique latine pour défendre ses intérêts et, peu après, sa femme Isabel s’apprête à traverser l’Atlantique pour le rejoindre en Uruguay avec leurs plus jeunes enfants. Soudain, Dorothée est confrontée à une décision fondamentale pour sa vie : rompre l’affection profonde qui la lie à José María Serra et partir avec sa mère, ou se marier à l’âge de seize ans. Dorothée, sur les conseils de Don Pedro Nardó, décida de se marier. Le mariage a lieu à Santa Maria del Mar le 31 octobre 1832.

Le jeune couple s’installe dans la rue Montcada, dans le palais des parents de son mari. L’entente entre eux est parfaite et source de bonheur et de bien-être.

Dorothée était une petite personne mince et élancée, au caractère fort et déterminé. Le « je t’aimerai toujours » juré par les deux époux devant Dieu se transforma en une vie conjugale affectueuse et solide, qui donna naissance à six filles : toutes reçurent le nom de Maria avec différents compléments : Maria Dolores, Maria Ana, Maria Isabel, Maria Luisa, Maria Jesus et Maria del Carmen. La première est venue au monde en 1834, la dernière en 1845.

Cinquante ans après le « oui » prononcé dans l’église de Santa Maria del Mar, José Maria Serra dira que pendant toutes ces années, « notre amour a grandi jour après jour ».

Dorothée, mère des pauvres
Dorothée est la maîtresse de maison, dans laquelle travaillent plusieurs familles d’employés. C’est la collaboratrice intelligente de José María, qui devient rapidement célèbre dans le monde des affaires. Elle est à ses côtés dans les moments de succès comme dans les moments d’incertitude et d’échec. Dorothée était aux côtés de son mari lorsqu’il voyageait à l’étranger. Elle l’accompagnait dans la Russie du tsar Alexandre II, dans l’Italie des Savoie et dans la Rome du pape Léon XIII.

Lors de sa visite à Rome, à l’âge de 62 ans, elle était accompagnée de sa nièce Isidora Pons, qui a témoigné lors du procès apostolique : « Elle a été reçue par le pape. La déférence avec laquelle Léon XIII a traité ma tante, à qui il a offert son maillot de bain blanc, m’est restée en mémoire ».

Affectueuse et forte
Les employés de la maison Serra se sentaient comme des membres de la famille. Marie Arnenos a déclaré sous serment : « Elle avait une affection maternelle pour nous, ses employés. Elle s’occupait de notre bien-être matériel et spirituel avec un amour concret. Lorsque quelqu’un était malade, elle veillait à ce qu’il ne manque de rien, elle s’occupait des moindres détails. Son salaire était plus élevé que celui des employés des autres familles.

Une personne délicate, un caractère fort et déterminé. Tel est le champ de bataille sur lequel Dorothée a lutté toute sa vie pour acquérir l’humilité et le calme que la nature ne lui avait pas donnés. Si son élan était grand, sa force de vivre toujours en présence de Dieu l’était encore plus. C’est ainsi qu’elle écrivait dans ses notes spirituelles :
Je ferai tous mes efforts pour que, dès le matin, toutes mes actions soient dirigées vers Dieu », « Je n’abandonnerai pas la méditation et la lecture spirituelle sans raison sérieuse », « Je ferai chaque jour vingt actes de mortification et autant d’actes d’amour de Dieu », « Faire toutes les actions à partir de Dieu et pour Dieu, en renouvelant fréquemment la pureté de l’intention…. », Je promets à Dieu de purifier mon intention dans toutes mes actions ».

Coopératrice salésienne
Dans les dernières décennies du XIXe siècle, Barcelone est une ville en pleine « révolution industrielle ». Les faubourgs de la ville sont remplis de gens très pauvres. Les asiles, les hôpitaux et les écoles manquaient. Dans les exercices spirituels qu’elle fait en 1867, Doña Dorothée écrit parmi ses résolutions :
« Ma vertu préférée sera la charité envers les pauvres, même si elle me coûte de grands sacrifices ». Adrián de Gispert, deuxième neveu de Dorothée, témoigne : « Je sais que tante Dorothée a fondé des hôpitaux, des asiles, des écoles, des ateliers d’art et d’artisanat et bien d’autres œuvres. Je me souviens avoir visité certains d’entre eux en sa compagnie. Lorsque son mari était en vie, il l’a aidée dans ces œuvres caritatives et sociales. Après sa mort, elle a d’abord sauvegardé le patrimoine de ses cinq filles ; ensuite, ses biens « personnels » (sa très riche dot, le patrimoine reçu personnellement en héritage, les biens que son mari voulait enregistrer à son nom), elle les a utilisés pour les pauvres avec une administration attentive et prudente. Un témoin a déclaré sous serment : « Après avoir pourvu aux besoins de sa famille, elle a consacré le reste aux pauvres comme un acte de justice ».

Ayant reçu des nouvelles de Don Bosco, elle lui écrit le 20 septembre 1882 (il a 66 ans, Don Bosco 67). Elle lui dit que Barcelone est une ville « éminemment industrielle et mercantile » et que sa jeune et dynamique congrégation trouvera beaucoup de travail parmi les garçons des faubourgs. Elle propose une école pour les apprentis ouvriers.

Don Felipe Rinaldi arrive à Barcelone en 1889, il écrit : « Nous sommes allés à Barcelone à son appel, car elle voulait s’occuper spécialement des jeunes ouvriers et des orphelins abandonnés. Elle a acheté un terrain avec une maison, dont elle s’est occupée de l’agrandissement. Je suis arrivé à Barcelone alors que la construction était déjà achevée…. J’ai vu de mes propres yeux de nombreux cas d’assistance aux enfants, aux veuves, aux personnes âgées, aux chômeurs et aux malades. J’ai souvent entendu dire qu’elle rendait personnellement les plus humbles services aux malades ».

En 1884, elle pensa à confier une école maternelle aux Filles de Marie Auxiliatrice : il fallait penser aux enfants de cette périphérie.

Don Bosco ne put se rendre à Barcelone qu’au printemps 1886, et les chroniques rapportent amplement l’accueil triomphal qui lui fut réservé dans la métropole catalane, et les attentions affectueuses et respectueuses dont Doña Dorothée, ses filles, ses petits-enfants et ses proches entourèrent le saint.

Le 5 février 1888, lorsqu’elle fut informée de la mort de Don Bosco, le bienheureux Miguel Rúa lui écrivit : « Notre très cher père Don Bosco s’est envolé vers le ciel, laissant ses enfants pleins de tristesse ». Il a toujours manifesté une vive estime et une affection reconnaissante pour notre mère de Barcelone, comme il l’appelait, la mère des Salésiens et des Filles de Marie Auxiliatrice.

D’ailleurs, avant de mourir, il l’assura qu’il allait lui préparer une bonne place au ciel ». La même année, Doña Dorothée remit aux Salésiens l’oratoire et les écoles populaires de la rue Rocafort, au cœur de Barcelone.

La dernière œuvre remise à la Famille salésienne fut l’école « Santa Dorotea » confiée aux Filles de Marie Auxiliatrice. Pour son achat, il fallait 60 000 pesetas qu’elle a remises en disant : « Dieu me veut pauvre ». Cette somme est sa dernière provision pour ses vieux jours, ce qu’elle garde pour vivre modestement avec Marie, sa fidèle compagne.

Le vendredi saint 1891, dans la froide église de Marie Réparatrice, alors qu’elle faisait la quête, elle contracta une pneumonie. Elle avait soixante-quinze ans et il fut immédiatement évident qu’elle ne surmonterait pas la crise. Don Rinaldi vint le voir et resta longtemps à son chevet. Il écrit : « Pendant les quelques jours où elle était encore en vie, elle ne pensait pas à sa maladie, mais aux pauvres et à son âme. Elle voulait dire quelque chose en particulier à chacune de ses filles et les bénissait toutes au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, comme un ancien patriarche. Alors que nous nous tenions autour de son lit pour la recommander au Seigneur, à un moment donné, elle a levé les yeux. Le confesseur lui a présenté le crucifix pour qu’elle l’embrasse. Ceux d’entre nous qui étaient présents se sont agenouillés. Dona Dorothée se retira, ferma les yeux et rendit doucement le dernier soupir ».

C’était le 3 avril 1891, cinq jours après Pâques.

Le 9 juin 1983, le pape Jean-Paul II l’a déclarée « vénérable », c’est-à-dire « une chrétienne qui a pratiqué à un degré héroïque l’amour de Dieu et du prochain ».

P. Echave-Sustaeta del Villar Nicolás, sdb
Vice-Postulateur de la Cause du Vénérable




Don Bosco. Un Ave Maria à la fin de la Sainte Messe

La dévotion de saint Jean Bosco à l’égard de la Sainte Vierge est bien connue. Les grâces reçues de Marie Auxiliatrice, même les grâces extraordinaires et miraculeuses, sont peut-être aussi partiellement connues. Ce qui est probablement moins connu, c’est la promesse faite à la Vierge d’emmener au Paradis ceux qui, pendant toute leur vie, ont associé un Ave Maria à la Sainte Messe.

Le fait que le saint ait eu une porte ouverte au Paradis pour ses prières est bien connu. Même lorsqu’il était clerc au séminaire, ses prières étaient exaucées et, pour déguiser cette intervention auprès du Ciel, il a utilisé pendant un certain temps l’astuce des pilules de pain au lieu de médicaments miraculeux, jusqu’à ce qu’il ait été découvert par un vrai pharmacien. Les nombreuses demandes d’intercession et les nombreux miracles qui se sont produits dans sa vie, abondamment relatés par ses biographes, confirment cette puissante intercession.

La promesse d’avoir plusieurs milliers de jeunes avec lui au paradis, qu’il a reçue de la Sainte Vierge, est confirmée par deux séminaristes qui l’ont entendu raconter dans une mutuelle d’exercices spirituels aux clercs du séminaire épiscopal de Bergame. L’un d’eux, Angelo Cattaneo, futur Vicaire apostolique du Sud Honan en Chine, a témoigné dans un document adressé au Père Michael Rua, et l’autre, Stefano Scaini, devenu ensuite jésuite, a lui aussi laissé un témoignage dans un document adressé aux Salésiens. Voici le premier témoignage.

D. Bosco a parlé des pièges que le démon tendait aux jeunes pour les détourner de la confession et leur a dit qu’il aurait aimé révéler aux personnes qui le lui demandaient l’état spirituel de leur âme.
[…]
Quand, après un sermon aux séminaristes [de Bergame], l’un d’eux [Angelo Cattaneo] se présenta à Don Bosco avec une liste de péchés à la main, le saint la jeta au feu et énuméra ensuite tous ces péchés comme s’il les lisait. Puis il dit à ses auditeurs attentifs qu’il avait obtenu de la Vierge la promesse d’avoir plusieurs milliers de jeunes avec lui au paradis, à condition qu’ils récitent un Ave Maria tous les jours pendant la messe, tout au long de leur vie terrestre. (Pilla Eugenio, I sogni di Don Bosco, p. 207)

Et aussi le second.

Très Révérend Monsieur

Heureux de pouvoir apporter mon petit tribut d’estime et d’affection reconnaissante à la sainte mémoire de Don Bosco, je vous raconte quelque chose qui ne sera peut-être pas inutile à ceux qui auront le bonheur d’écrire sa vie.
En 1861, c’est le très vénéré Don Bosco qui dicta les Exercices spirituels aux clercs du Séminaire épiscopal de Bergame, dont je faisais partie.
Or, dans l’un de ses sermons, il nous a dit quelque chose comme ceci :  » En une certaine occasion, j’ai pu demander à Marie Très Sainte la grâce d’avoir avec moi au Paradis plusieurs milliers de jeunes (je crois qu’il a aussi dit le nombre de milliers, mais je ne me souviens plus), et Notre Dame Très Sainte me l’a promis. Si les autres souhaitent également faire partie de ce nombre, je suis très heureux de les inscrire, à condition qu’ils récitent un Ave Maria tous les jours jusqu’à la fin de leur vie, et si possible au moment où ils entendent la Sainte Messe, ou plutôt au moment de la Consécration.
Je ne sais pas ce que les autres ont fait de cette proposition, mais pour ma part je l’ai accueillie avec joie, étant donné la haute estime dans laquelle Don Bosco me tenait à l’époque, et je n’ai jamais manqué un seul jour dont je me souvienne en récitant l’Ave Maria selon cette intention. Mais au fil des années, un doute s’est installé en moi, que j’ai fait résoudre par Don Bosco lui-même ; et voici comment.
Le soir du 3 janvier 1882, me trouvant à Turin et me rendant à Chieri pour entrer au noviciat de la Compagnie de Jésus, je demandai et obtins la permission de parler à Don Bosco. Il me reçut avec beaucoup de gentillesse et, lui ayant dit que j’étais sur le point d’entrer au noviciat de la Compagnie, il me dit : – Oh ! comme j’aime cela ! Quand j’apprends que quelqu’un entre dans la Compagnie de Jésus, j’éprouve autant de plaisir que s’il entrait parmi mes salésiens.
Je lui ai donc dit :  » Si vous me le permettez, je voudrais vous demander d’éclaircir quelque chose qui me tient à cœur. Vous rappelez-vous quand vous êtes venu au séminaire de Bergame pour nous donner les Exercices spirituels ? – Oui, je m’en souviens. – Vous souvenez-vous de nous avoir parlé d’une grâce demandée à la Vierge, etc. – et je lui ai rappelé ses paroles, le pacte, etc. – Oui, je me souviens – eh bien, j’ai toujours récité cet Ave Maria, je le réciterai toujours… mais… Votre Seigneurie nous a parlé de milliers de jeunes, je ne suis déjà plus dans cette catégorie… et donc je crains de ne pas faire partie du nombre de chanceux…
Et Don Bosco avec une grande confiance : – Continuez à réciter cet Ave Maria et nous serons ensemble au Paradis. – Ainsi, après avoir reçu la Sainte Bénédiction et lui avoir baisé la main avec affection, je suis reparti plein de consolation et de la douce espérance de me retrouver un jour au Paradis avec lui.
Si votre Seigneurie croit que cela peut être une source de gloire pour Dieu et d’honneur pour la sainte mémoire de Don Bosco, sachez que je suis tout à fait disposé à en confirmer la teneur, même par mon serment.
Lomello, le 4 mars 1891.

Très humble serviteur dévoué
V. Stefano Scaini S.I. [MB VI,846].

Ces témoignages montrent à quel point le salut éternel était au cœur de Don Bosco. Dans toutes ses initiatives éducatives et sociales, très nécessaires d’ailleurs, il ne perdait pas de vue le but ultime de la vie humaine, le Paradis. Il voulait préparer tout le monde à ce dernier examen de la vie, et c’est pourquoi il insistait pour que les jeunes soient habitués à faire l’exercice de la bonne mort chaque fin de mois, en se rappelant les dernières choses, appelées aussi les novissimi : la mort, le jugement, le Ciel et l’enfer. Et pour cela, il avait demandé et obtenu cette grâce spéciale de Marie Auxiliatrice.

Bien sûr, il nous semble étrange aujourd’hui que cette prière ait été faite au cours de la Sainte Messe et au moment même de la Consécration. Mais pour comprendre cela, il faut se rappeler qu’à l’époque de Don Bosco, la Messe était célébrée entièrement en latin, et comme la grande majorité des fidèles ne connaissait pas cette langue, il était facile de se laisser distraire au lieu de prier. Pour trouver un remède à ce penchant humain, il recommandait diverses prières au cours de la célébration.

Peut-on aujourd’hui réciter cet Ave Maria à la fin de la célébration ? Don Bosco lui-même nous le fait comprendre : «  Si possible pendant que vous écoutez la Sainte Messe… « . De plus, les normes liturgiques actuelles ne recommandent pas d’insérer d’autres prières en dehors de celles du Missel.
Pouvons-nous espérer que cet Ave Maria nous ajoutera au nombre des bénéficiaires de la promesse ? En vivant dans la grâce de Dieu, en la pratiquant toute notre vie, et en nous inspirant de la réponse de Don Bosco à Stefano Scaini : « Continuez à réciter cet Ave Maria et nous serons ensemble au Paradis », nous pouvons répondre par l’affirmative.




Lettre du Recteur Majeur après sa nomination comme cardinal

À l’attention de mes confrères salésiens (sdb) À l’attention de la Famille Salésienne

Mes chers frères et sœurs : recevez mes fraternelles salutations avec ma cordiale et sincère affection.
Après la nouvelle inattendue (surtout pour moi), dans laquelle le Saint-Père, Pape François, annonçait mon nom parmi les 21 personnes choisies par lui pour être « créés » Cardinaux de l’Église lors du prochain Consistoire du 30 septembre, de nombreuses personnes se sont posé la question de savoir : et maintenant, que va-t-il se passer ? Comment va-t-on faire dans la Congrégation pour son avenir immédiat ? Ce sont des questions que moi-même, je me suis posé à mon tour, et dans le même temps, j’ai présenté au Seigneur, dans la foi, ce don que Pape François nous a fait comme Congrégation Salésienne et comme Famille de Don Bosco. Nous n’avons aucun doute au sujet de l’amour que Pape François manifeste à notre endroit, tout comme Pape François sait combien nous l’aimons et comment nous cherchons de le soutenir, dans la mesure de nos possibilités, par notre prière et affection.
Une demi-heure après l’annonce faite lors de l’Angelus du dimanche, 9 juillet dernier, le Saint-Père m’avait envoyé une lettre en main propre, me demandant d’aller lui parler le plus tôt possible, afin de convenir à propos des échéances relatives à mon service comme Recteur Majeur pour le bien de la Congrégation. Lui-même me parlait, dans ladite lettre, de la préparation du prochain Chapitre Général.
Hier après-midi, j’ai été reçu par Pape François pour un moment de dialogue fraternel et de mutuelle affection. Maintenant, je suis en mesure de partager avec toute la Congrégation et notre Famille dans le monde, les dispositions concrètes selon le projet du Saint-Père.

Ces dispositions sont les suivantes :
– nous pouvons anticiper d’un an le Chapitre Général 29 ; c’est-à-dire, qu’il aurait lieu à partir du mois de février 2025 ;
– pape François a considéré la pertinence, pour le bien de notre Congrégation, qu’après le Consistoire du 30 septembre, je puisse continuer mon service comme Recteur Majeur, jusqu’au 31 juillet 2024, jour de la conclusion de la session plénière du Conseil Général, du temps d’été en Europe ;
– après cette date, je pourrais présenter ma renonciation comme Recteur Majeur, par le fait d’avoir été appelé par le Saint-Père pour le service qu’il me confiera. Voilà ce qu’il m’a communiqué ;
– conformément à l’article 143 de nos Constitutions, à cause de la « cessation de la charge de Recteur Majeur », ayant été appelé par Pape François pour un autre service, le Vicaire, P. Stefano Martoglio, assumera par intérim le gouvernement de la Congrégation, jusqu’à la célébration du CG29 ;
– moi-même, je vais convoquer le Chapitre Général 29, un an avant sa célébration, conformément à nos Constitutions et Règlements (R 111), et le Vicaire, P. Stefano, en assurera la présidence ;
– pendant tout ce temps, nous irons de l’avant selon le programme établi pour l’animation et le gouvernement de la Congrégation, tout en ajoutant l’effort de tous les membres du Conseil Général et de quelque Visiteur Extraordinaire nommé par le Recteur Majeur, pour réaliser toutes les visites extraordinaires (y compris celles de l’année 2025). Ainsi donc, nous arriverons au CG29 avec une vision complète du moment présent de toute la Congrégation ;
– concernant les autres informations relatives au Chapitre Général, je ne manquerai pas de vous en informer en détail au moment de sa convocation officielle.
Je voudrais mentionner, pour conclure, ce que probablement beaucoup des personnes se demandent : Quelle mission va me confier le Saint-Père ? Il ne me l’a pas encore dit, et nous pouvons comprendre qu’avec le temps qui reste encore disponible, c’est mieux que ce soit comme ça. Cela dit, je demande à mes confrères salésiens et à notre chère Famille Salésienne d’intensifier la prière. Tout d’abord, pour Pape François. C’était, en effet, sa propre demande au moment de la salutation finale. Il nous demande de prier pour lui ! Je vous demande aussi la prière pour ce que nous aurons à vivre cette année, en tant que Congrégation et Famille Salésienne. Certainement, je vous demande aussi de prier pour moi dans cette conjoncture du nouveau service dans l’Église que, en tant que fils de Don Bosco, j’accepte dans l’obéissance, sans l’avoir cherché ni souhaité. Notre bien-aimé Père Don Bosco en est témoin devant le Seigneur Jésus.
D’ici, la Basilique de Marie Auxiliatrice, Elle, la Mère, ne manquera pas de continuer à nous accompagner. Je crois, comme Don Bosco dans son rêve des neuf ans, dont nous allons célébrer l’année prochaine son deuxième centenaire, que « à son temps nous comprendrons tout ! ». Pour Don Bosco, notre Père, cela était arrivé à la fin de sa vie, devant l’autel de Marie Auxiliatrice de la Basilique du « Sacré-Cœur de Jésus », qui venait d’être consacrée la veille, ce jour du 16 mai 1887. Nous mettons tout entre les mains du Seigneur et de sa Mère.
Je vous salue avec une immense affection,

Prot. 23/0319
Turin, le 12 juillet 2023




Basilique du Sacré-Cœur à Rome

Au crépuscule de sa vie, obéissant à un souhait du Pape Léon XIII, Don Bosco entreprit la tâche difficile de construire le temple du Sacré-Cœur de Jésus au Castro Pretorio à Rome. Pour mener à bien cette entreprise gigantesque, il n’épargna aucun voyage fatigant, aucune humiliation, aucun sacrifice, ce qui écourta sa précieuse vie d’apôtre de la jeunesse.

La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus remonte aux origines de l’Église. Dans les premiers siècles, les saints Pères invitaient à regarder le côté transpercé du Christ, symbole d’amour, même s’ils ne faisaient pas explicitement référence au Cœur du Rédempteur.
Les références les plus anciennes sont celles des mystiques Mathilde de Magdebourg (1207-1282), Sainte Mathilde de Hackeborn (1241-1299), Sainte Gertrude de Helfta (vers 1256-1302) et le bienheureux Henri Suso (1295-1366).
Un développement important a eu lieu avec les œuvres de saint Jean Eudes (1601-1680), puis avec les révélations privées de la Visitandine sainte Marguerite-Marie Alacoque, diffusées par saint Claude de la Colombière (1641-1682) et ses frères jésuites.
À la fin du XIXe siècle, les églises consacrées au Sacré-Cœur de Jésus se sont répandues, principalement comme temples expiatoires.
Avec la consécration de l’humanité au Sacré-Cœur de Jésus, par l’encyclique Annum Sacrum (1899) de Léon XIII, le culte a été considérablement étendu et renforcé par deux autres encycliques ultérieures : Miserentissimus Redemptor (1928) de Pie XI et surtout Haurietis Aquas (1956) de Pie XII.

À l’époque de Don Bosco, après la construction de la gare de Termini par le pape Pie IX en 1863, le quartier commença à se peupler et les églises environnantes ne purent servir convenablement les fidèles. C’est ainsi qu’est né le désir de construire un temple dans le quartier, qu’il était initialement prévu de dédier à saint Joseph, nommé patron de l’Église universelle le 8 décembre 1870. Après une série d’événements, le pape changea en 1871 le patronage de l’église souhaitée, la dédiant au Sacré-Cœur de Jésus, et elle resta à l’état de projet jusqu’en 1879. Entre-temps, le culte du Sacré-Cœur a continué à se répandre et, en 1875, à Paris, sur la plus haute colline de la ville, Montmartre (Mont des Martyrs), a été posée la première pierre de l’église du même nom, le Sacré-Cœur, qui a été achevée en 1914 et consacrée en 1919.

Après la mort du pape Pie IX, le nouveau pape Léon XIII (qui, en tant qu’archevêque de Pérouse, avait consacré son diocèse au Sacré Cœur) décida de reprendre le projet et la première pierre fut posée le 16 août 1879. Les travaux s’arrêtent peu après, faute de soutien financier. L’un des cardinaux, Gaetano Alimonda (futur archevêque de Turin) conseille au pape de confier l’entreprise à Don Bosco et, bien que le pontife hésite au début, connaissant les engagements des missions salésiennes à l’intérieur et à l’extérieur de l’Italie, il fait la proposition au saint en avril 1880. Don Bosco ne réfléchit pas et répond : « Le désir du Pape est pour moi un commandement : j’accepte l’engagement que Votre Sainteté a la bonté de me confier ». Lorsque le Pape l’avertit qu’il ne peut pas le soutenir financièrement, le Saint demande seulement la bénédiction apostolique et les faveurs spirituelles nécessaires à la tâche qui lui a été confiée.

Pose de la première pierre de l’église du Sacré-Cœur de Jésus à Rome

De retour à Turin, il sollicite l’approbation du Chapitre pour cette entreprise. Sur les sept votes, un seul est positif : le sien… Le saint ne se décourage pas et argumente : « Vous m’avez tous donné un « non » rond et c’est bien, parce que vous avez agi selon la prudence requise dans des cas graves et de grande importance comme celui-ci. Mais si au lieu d’un « non » vous me donnez un « oui », je vous assure que le Sacré-Cœur de Jésus enverra les moyens de construire son église, de payer nos dettes et de nous donner un bon pourboire » (MB XIV,580). Après ce discours, le vote fut répété et les résultats furent tous positifs, avec comme principal bienfait l’Hospice du Sacré-Cœur qui fut construit à côté de l’église pour les garçons pauvres et abandonnés. Ce deuxième projet d’hospice fut inclus dans la convention du 11 décembre 1880, qui garantissait l’usage perpétuel de l’église à la congrégation salésienne.
L’acceptation lui causa de graves soucis et lui coûta la santé, mais Don Bosco, qui avait enseigné à ses fils le travail et la tempérance et qui disait que ce serait un jour de triomphe quand on dirait qu’un salésien était mort sur le champ de bataille, épuisé par la fatigue, les précéda par l’exemple.

La construction du temple du Sacré-Cœur au Castro Pretorio à Rome s’est faite non seulement par obéissance au Pape mais aussi par dévotion.
Reprenons l’un de ses discours sur cette dévotion, prononcé dans une allocution nocturne à ses élèves et confrères un mois seulement après sa nomination, le 3 juin 1880, la veille de la fête du Sacré-Cœur.
« Demain, mes chers enfants, l’Église célèbre la fête du Sacré-Cœur de Jésus. Il est nécessaire que nous aussi, avec un grand effort, nous essayions de l’honorer. Il est vrai que nous reporterons la solennité extérieure au dimanche ; mais dès demain, commençons à célébrer dans nos cœurs, à prier de manière particulière, à communier avec ferveur. Puis, dimanche, il y aura la musique et les autres cérémonies du culte extérieur, qui rendent les fêtes chrétiennes si belles et si majestueuses.
Certains d’entre vous voudront savoir ce qu’est cette fête et pourquoi le Sacré-Cœur de Jésus est particulièrement honoré. Je vous dirai que cette fête n’est rien d’autre que d’honorer d’un souvenir spécial l’amour que Jésus a apporté à l’humanité. Oh, l’amour grand et infini que Jésus nous a apporté dans son incarnation et sa naissance, dans sa vie et sa prédication, et en particulier dans sa passion et sa mort ! Le siège de l’amour étant le cœur, le Sacré-Cœur est vénéré comme l’objet qui a servi de fourneau à cet amour infini. Cette vénération du Très Sacré Cœur de Jésus, c’est-à-dire de l’amour que Jésus nous a témoigné, a été de tous les temps et de tous les temps ; mais il n’y a pas toujours eu de fête spécialement instituée pour le vénérer. Le sermon de dimanche soir vous apprendra comment Jésus est apparu à la bienheureuse Marguerite et lui a manifesté le grand bien qu’il y aurait pour l’humanité à honorer son cœur très aimant par un culte particulier, et comment la fête a été instituée en conséquence.
Prenons maintenant courage et faisons chacun de notre mieux pour correspondre à tant d’amour que Jésus nous a apporté ». (
MB XI,249)

Sept ans plus tard, en 1887, l’église fut achevée pour le culte. Le 14 mai de cette année-là, Don Bosco assista avec émotion à la consécration du temple, présidée solennellement par le cardinal vicaire Lucido Maria Parocchi. Deux jours plus tard, le 16 mai, il célébra l’unique messe dans cette église, à l’autel de Marie Auxiliatrice, interrompu plus de quinze fois par des larmes. Des larmes de gratitude pour la lumière divine qu’il avait reçue : il avait compris les paroles de son rêve de neuf ans : « Le moment venu, tu comprendras tout ! Une tâche accomplie au milieu de nombreux malentendus, difficultés et épreuves, mais couronnant une vie passée pour Dieu et les jeunes, récompensée par la même Divinité.

Une vidéo a été récemment réalisée sur la Basilique du Sacré-Cœur. Nous vous la proposons ci-dessous.






Présence salésienne dans les Caraïbes

Sous le soleil des Caraïbes, dans des villages pleins de vie et de joie, Don Bosco continue d’être une réponse significative pour les jeunes de ces terres.

Depuis plus de cent ans, la présence salésienne a trouvé à la fois un environnement et un climat fertiles dans certains pays des Caraïbes qui, aujourd’hui comme hier, confirment leur importance dans la présence de leurs jeunes, dans leur peuple joyeux, affectueux et simple, dans leur sensibilité religieuse et dans leur capacité d’accueil : Cuba, Haïti, la République dominicaine et Porto Rico ont offert et continuent d’offrir un environnement propice à la mission salésienne et une terre fertile pour le charisme de Don Bosco.

Les salésiens, organisés en deux provinces, celle des Antilles et celle d’Haïti, ainsi que de nombreux autres membres de la famille salésienne, concrétisent aujourd’hui cette présence. Ils sont le fruit de la générosité et de la passion de grands missionnaires, avec de la bonne volonté, de grands rêves, la confiance en la Providence et l’engagement pour l’éducation et l’évangélisation des jeunes ; c’est ainsi que la présence de Don Bosco s’est consolidée. Il y a également eu des événements historiques naturels ou sociaux qui ont motivé les décisions qui ont conduit à sa conformation actuelle.

Un peu d’histoire

Bien que la première demande de salésiens aux Antilles remonte à 1896, le premier pays à recevoir une présence salésienne fut Cuba en 1916, suivi de la République dominicaine en 1933, puis d’Haïti en 1936 et enfin de Porto Rico en 1947.

Dolores Betancourt, originaire de Camagüey, avait signé un accord privé à Turin avec le père Pablo Albera concernant une fondation dans sa ville natale. Les premiers salésiens sont arrivés à Cuba le 4 avril 1917 pour ouvrir une œuvre à Camagüey.

Le père José Calasanz (1872-1936), originaire d’Azanuy, en Espagne, salésien depuis 1890, est envoyé comme missionnaire pour promouvoir des fondations à Cuba, au Pérou et en Bolivie. En 1917, les premiers salésiens sont entrés à Cuba, avec le prêtre Fr Esteban Capra et deux coadjuteurs (MM. Ullivarri et Celaya). En 1917, les salésiens se voient confier l’église dédiée à Notre-Dame de la Charité dans une zone rurale de Camagüey, d’où ils coordonnent la première école d’art et d’artisanat.

Haïti, Cap-Haïtien

Les communautés salésiennes ont commencé à croître et à se consolider à Cuba, partageant d’abord la propriété canonique avec la province salésienne de Tarragone, en Espagne. En 1924, elle passe à la province du Mexique et trois ans plus tard, en raison des persécutions religieuses subies au Mexique, le siège de la province est transféré à La Havane, à Cuba.

Le père Pittini remplit les fonctions de provincial dans l’est des États-Unis et y reçoit des instructions du supérieur général, le père Pierre Ricaldone, pour se rendre à Saint-Domingue, afin d’examiner la possibilité pour la congrégation de s’établir en République dominicaine.

Le 16 août 1933, le père Pittini est arrivé au port de San Pedro de Macorís. En février 1934, le père Pittini assume le rôle de supérieur des salésiens qui viennent d’arriver en République dominicaine ; il supervise les travaux de l’école en construction et fait connaissance avec les dominicains. Le 11 octobre 1935, le pape Pie XI le nomme archevêque de Saint-Domingue.

Haïti, Pétion-Ville

Les salésiens arrivent en Haïti en 1936. Le recteur majeur délègue le père Pierre Gimbert, ancien provincial de Lyon, pour implanter le charisme salésien en Haïti. Il arrive le 27 mai 1936, accompagné d’un vicaire salésien, M. Adriano Massa. Plus tard, d’autres confrères sont arrivés pour compléter la communauté.

Depuis sa fondation, Haïti a successivement fait partie de la Province salésienne du Mexique-Antilles, dont le siège se trouvait à La Havane, puis de la Province des Antilles – avec Cuba, la République dominicaine et Porto Rico – dont le siège se trouvait à Saint-Domingue.

Haïti, Gressier

La fondation à Porto Rico est devenue une réalité le 24 avril 1947, lorsque le père Pedro M. Savani, ancien provincial du Mexique-Antilles, est arrivé pour prendre en charge la paroisse de San Juan Bosco à Santurce, rue Lutz. De là, il entreprend la gestion d’un oratoire sur ce qui est aujourd’hui le terrain Cantera, où, en 1949, il commence la construction de la chapelle qui deviendra plus tard l’imposante Église-Sanctuaire de Marie Auxiliatrice.

L’érection canonique de la province des Antilles a eu lieu le 15 septembre 1953 pendant le rectorat du père René Ziggiotti, sous le patronage de saint Jean Bosco, avec son siège à La Víbora (La Havane, Cuba). Il a ensuite été transféré à Compostela (Vieille Havane). Après la révolution cubaine, le siège provincial a été transféré à Saint-Domingue, en République dominicaine, au « Collegio Don Bosco », où il est resté jusqu’en 1993, date à laquelle il a été transféré à son emplacement actuel, Calle 30 de Marzo #52, dans la ville de Saint-Domingue.

Depuis janvier 1992, Haïti est une quasi-province, basée à Port-au-Prince.

Don Bosco dans les Caraïbes aujourd’hui
La province salésienne des Antilles est composée de trois pays de la région des Caraïbes : Cuba, la République dominicaine et Porto Rico. Haïti forme une circonscription distincte. Au total, 169 salésiens de Don Bosco sont présents dans les quatre pays : 15 à Cuba, 74 à Haïti, 67 en République dominicaine et 13 à Porto Rico.

Les œuvres qui animent les deux provinces dans 32 communautés sont : 41 centres éducatifs (dont au moins 20 centres de formation technique), 33 oratoires, 23 œuvres sociales, 8 maisons de retraite-rencontre, 1 centre de formation à l’environnement, 3 maisons de formation, 4 centres de communication sociale-studios d’enregistrement, 2 stations de radio et 18 paroisses avec 80 chapelles et 44 maisons de mission.

La famille salésienne dans les Caraïbes a une grande vitalité et est composée de différents groupes : Salésiens de Don Bosco, Filles de Marie Auxiliatrice, Coopérateurs salésiens, Association des Dévots de Marie Auxiliatrice, Anciens élèves (SDB-FMA), Filles des Sacrés-Cœurs, Volontaires de Don Bosco, Dames salésiennes et Missionnaires paroissiales de Marie Auxiliatrice (cette dernière, une union pieuse, approuvée par l’archevêque de Saint-Domingue, Monseigneur Octavio A. Beras, a été fondée par le père Andrés Nemeth, sdb, le 16 juin 1961 ; bien qu’elle ne fasse pas partie de la Famille salésienne, elle assiste à ses réunions en raison de sa proximité). Les relations sont cordiales, certains projets pastoraux sont partagés et ils se rencontrent fréquemment.

Dans un climat social et politique très particulier, les quatre pays connaissent une migration massive de leurs jeunes et de familles entières, motivée par la faim, le manque de nourriture et de travail, la violence et la recherche d’opportunités mieux rémunérées. Dans ces circonstances, la présence salésienne continue d’être très engagée dans les processus d’éducation, de formation professionnelle, de citoyenneté et de vie de foi. Il existe un engagement sérieux dans la défense des droits à l’éducation, à l’alimentation et à une vie digne pour les enfants, les adolescents et les jeunes ; les aires de jeux sont utilisées pour accompagner et encourager les activités ludiques et les rencontres qui permettent de se faire des amis. La musique et la danse sont des expressions naturelles qui trouvent dans les oratoires salésiens le stimulus et l’espace pour s’exprimer au mieux. Leurs cours ont toujours été des lieux de rencontre et de refuge, même face aux événements naturels qui les ont touchés.

Cette présence aujourd’hui est prophétique en partageant avec les gens les réalités sociales que chaque pays vit, en décidant de rester proche des plus nécessiteux, en encourageant la foi quotidienne, une amitié simple qui parle de Dieu, pleine d’espérance et de réconfort, avec des gestes fraternels de solidarité et d’amour pour les plus vulnérables, en particulier les enfants et les jeunes.

Saint-Domingue, La Plaza

Père Hugo OROZCO SÁNCHEZ, sdb
Conseiller régional pour l’Interamérique




Le Recteur Majeur, le Père Angel FERNANDEZ ARTIME, nommé cardinal

A l’issue de la prière mariale du dimanche 9 juillet 2023, le Pape François a annoncé la création de 21 nouveaux cardinaux, dont le Recteur Majeur des Salésiens, le Père Angel FERNANDEZ ARTIME.

Nous souhaitons à notre Recteur Majeur beaucoup de grâces du Seigneur pour le guider dans la nouvelle mission que lui confie l’Église universelle !La nouvelle officielle se trouve ICI.




Deuxième Congrès des Coadjuteurs d’Afrique

Le deuxième Congrès régional des Coadjuteurs salésiens de la Région Afrique-Madagascar s’est tenu du 24 au 29 mai 2023 à Yaoundé, au Cameroun, dans la Visitation  » Notre-Dame d’Afrique  » de l’Afrique tropicale équatoriale (ATE). La devise du Congrès :  » Marcher avec Raphaël et Tobie, pédaler avec Artémis  » a guidé les journées d’approfondissement du charisme, visant à promouvoir l’identité vocationnelle du coadjuteur salésien et à offrir une vision qui aide à la formation permanente. Nous vous présentons l’intervention du Conseiller régional, le Père Alphonse Owoudou.

Introduction
Le Chapitre Général 28e nous a lancé un défi identitaire, sous la forme interrogative : « Quels Salésiens pour les jeunes d’aujourd’hui ? » Cette question peut nous revenir pendant ce Congrès des Salésiens coadjuteurs : Quels Coadjuteurs pour les jeunes d’Afrique et Madagascar aujourd’hui ? Les différentes réflexions qui alimentent ces jours, nous offrent des raisons de redessiner sans cesse le portrait de chacun de nos Confrères consacrés laïcs, et c’est ce à quoi nous allons contribuer en contemplant un livre de la Bible, le livre de Tobie, une légende extrêmement prophétique, pédagogique et pastorale. Nous verrons, à travers un regard analogique et légèrement herméneutique comment et combien, comme Don Bosco et particulièrement comme Saint Artémide Zatti, le Coadjuteur est appelé à devenir pour les jeunes, un parent spirituel et un accompagnateur compétent, pour ne pas dire un véritable « sacrement de la présence salésienne ».

1. Marcher avec Raphaël et le jeune Tobie
La légende de Raphaël et Tobie est une histoire biblique fascinante qui raconte l’histoire d’un jeune homme nommé Tobie et de son ange gardien, Raphaël. Je voudrais résumer la vie de Tobith en lui donnant ici la parole : «Moi, Tobith, j’ai marché dans la vérité et fait ce qui est juste. Je faisais des aumônes à ma famille et aux captifs assyriens à Ninive et je rendais souvent visite à Jérusalem pour les fêtes, apportant offrandes et dîmes. Quand j’eus grandi, je me mariai et eus un fils appelé Tobie. Déportés par Sennakérib, je m’abstins de manger leurs aliments et Dieu m’accorda grâce devant lui. Par mon neveu Ahikar, j’obtins retour à Ninive où je aidais orphelins, veuves et étrangers selon la loi de Moïse.»

Accusé par un des citoyens, Tobith est malheureusement ruiné, et même rendu aveugle par les excréments d’un oiseau qui lui tombent sur le visage. Et nous nous souvenons de la dispute avec sa femme (chap 2), qui avait ramené un mouton, et le mari aveugle avait cru qu’elle l’avait volé, chose qui a mis sa femme en colère et l’a fait insulter son mari aveugle. Tobith avait un fils, à qui il avait donné son propre nom. L’archange Raphaël apparaît à ce jeune garçon sous la forme humaine et lui offre son aide. Raphaël accompagne Tobie dans une mission difficile, dans un voyage périlleux afin de collecter de l’argent pour sa famille (chap 4). Au cours du voyage, Raphaël aide Tobie à vaincre un démon qui a tué les maris de ses futures épouses et guérit la cécité de Tobie. À la fin du voyage, Tobie épouse Sarra, la fille d’un parent éloigné, et Raphaël révèle sa véritable identité d’ange de Dieu.
Le laïc salésien Artemide Zatti était un religieux et un homme proche de ses frères et sœurs, en particulier de ceux qui souffraient. Il a consacré sa vie à aider les malades et les pauvres en Argentine. Zatti était un jeune homme issu d’une famille pauvre qui a commencé à travailler à l’âge de quatre ans pour aider sa famille. Plus tard, il a émigré en Argentine avec sa famille à la recherche d’une vie meilleure. Atteint de tuberculose, il s’est rétabli et a rejoint l’ordre des Salésiens.
Zatti a travaillé comme pharmacien et a également dirigé un hôpital, où il a été décrit comme très dévoué aux malades et aux pauvres. Il était également impliqué dans des activités religieuses et était considéré comme un candidat potentiel à la canonisation. Zatti était connu pour sa compassion et son dévouement envers les patients, son expertise médicale, son travail d’expansion de l’hôpital et son héritage durable. Sa bicyclette est devenue le symbole de sa vie consacrée aux autres, qu’il utilisait pour parcourir la ville et rendre visite aux malades pauvres. Zatti refusait les cadeaux pour lui-même, préférant continuer à utiliser sa bicyclette, qu’il considérait comme un moyen de transport suffisant pour remplir sa mission de soigner les malades et de servir les autres.

2. Les deux tweets du Pape François et une bicyclette
1. Le frère salésien Artemide Zatti, plein de gratitude pour ce qu’il avait reçu, a voulu dire son « merci » en assumant les blessures des autres : guéri de la tuberculose, il a consacré toute sa vie à soigner les malades avec amour et tendresse.
2. La foi chrétienne nous demande toujours de marcher ensemble avec les autres, de sortir de nous-mêmes vers Dieu et vers nos frères. Et savoir rendre grâce, en surmontant l’insatisfaction et l’indifférence qui enlaidissent le cœur.

Le Pape François, en parlant de Zatti, insiste sur le fait de « marcher ensemble», c’est-à-dire partager et s’unir à travers l’amour pour aider ceux qui souffrent. Zatti a consacré sa vie entière au service des plus démunis, et utilisait sa bicyclette comme moyen de transport pour se rendre dans les pauvres quartiers de la ville et venir en aide aux malades. Sa bicyclette est donc devenue un symbole fort représentatif des valeurs qu’il partageait : l’humilité, la générosité et la simplicité.
En effet, Zatti ne montrait pas d’intérêt particulier à se doter d’une voiture ou même pour un vélomoteur quand ses amis voulaient leur offrir. La bicyclette était tout ce dont il avait besoin pour atteindre son but noble : venir en aide aux personnes qui avaient le plus grand besoin d’un soutien. Son choix concernant le mode de transport qu’il allait emprunter reflétait également une autre caractéristique intrinsèque à sa personnalité ; l’amour inconditionnel qu’il distribuait sans restriction ni condition à celles et ceux qui n’avaient pas la chance d’en recevoir autant simplement parce que leurs conditions sociales ou financières ne leur permettaient pas.
Chaque geste accompli par Zatti résonne profondément chez chacun, invitant alors tous les individus à suivre son exemple. Marcher ensemble signifie être disponible psychologiquement et physiquement afin que chaque personne puisse se sentir appuyée par son entourage, mais surtout servir les autres avec bonté et compassion comme lui-même en prenait soin depuis tant d’années. Ces actes sont le reflet concret du message esquissé par le Pape François concernant « marcher ensemble » : tendre la main à ceux qui souffrent pour envisager collectivement une amélioration globale du bien être communautaire grâce à une attitude générale plus solidaire et chaleureuse vis-à-vis des autres durant notre quotidien.

3. Notre mission d’accompagnement et de synodalité?

Cette histoire tirée du Livre de Tobie est un excellent exemple de l’importance et du rôle crucial que l’accompagnement, la synodalité et la solidarité jouent dans notre mission commune de service aux autres.
Raphaël a accompagné Tobie tout au long de son voyage, accidents compris, s’adaptant à chaque situation et prenant le temps de répondre à ses questions, d’assister ses compagnons et d’aider ceux qui souffraient. Son rôle était d’encourager, d’inciter et de pousser Tobie à relever les défis qui se présentaient à lui pour qu’il puisse arriver à destination. Mais il a fait plus que cela : il lui a aussi apporté une aide concrète dans les situations où il était impuissant face aux forces invisibles qui le contrôlaient.

De plus, Raphaël n’a pas travaillé seul pendant le voyage, il a travaillé main dans la main avec Tobie pour trouver des solutions adaptées aux circonstances. Il a compris que pour être efficace, il devait écouter les demandes du jeune homme, respecter son style de leadership personnel et créer un système de coopération entre eux pour atteindre le but ultime qui leur était commun : vaincre Asmodée et guérir son père.
Raphaël et Tobie nous apprennent que pour fournir un coaching réel, utile, rentable et satisfaisant, nous devons être attentifs aux besoins des autres, sortir de notre zone de confort si nécessaire, écouter activement ce qu’ils ont à dire, faire preuve d’empathie, mais surtout travailler ensemble afin que chacun d’entre nous puisse contribuer, selon ses capacités spécifiques, à la réalisation des objectifs communs que nous partageons tous. Cet apprentissage est plus que jamais d’actualité, car sans collaboration entre des personnes ayant des objectifs communs, leur mission sera compromise.

4. Une vocation « médicale » et pastorale
Raphaël, qui signifie « Dieu guérit », est connu comme l’un des archanges de la Bible, souvent associé à la guérison et à la protection. De même, Zatti était considéré comme un guérisseur et un protecteur des malades et des pauvres de sa communauté. Mais cette thérapie se situait à plusieurs niveaux. L’amour de la pauvreté de Zatti, son détachement des choses matérielles et sa disponibilité d’accepter et même de mendier ce qu’il pensait être nécessaire au bien-être de ses patients, sont quelques-uns des traits qui le font ressembler à Jésus – qui était en réalité un rabbin laïc et un guérisseur. Il était toujours disponible à toute heure du jour et de la nuit et par tous les temps, et se déplaçait dans les vieilles charrettes en bois des paysans s’ils le rencontraient sur son chemin vers le domicile d’un patient. Il était également humble et gardait une piètre opinion de lui-même, malgré les efforts de ses bienfaiteurs pour l’élever à ses propres yeux et aux yeux du monde. La forte vie intérieure du saint Coadjuteur, remplie d’amour pour Dieu et de confiance totale dans la bonté de la providence divine, sa confession régulière et son amour pour le Très Saint Sacrement le faisaient ressembler à Don Bosco. Il lisait souvent aux malades des passages de la vie des saints et, à la fin de la journée, leur donnait un petit mot du soir. La bonne humeur de Zatti reposait également sur les bases solides de sa vie spirituelle et consacrée, et il faisait toujours preuve d’allégresse et de bonne volonté dans l’accomplissement de ses devoirs envers les malades et les malheureux. Il était également un pacificateur et aidait à résoudre les conflits entre les membres de son personnel et les médecins de Viedma et de Patagonie. Ces caractéristiques de notre saint Coadjuteur sont soulignées ici parce qu’elles sont également un puissant antidote contre les ennemis de nos trois vœux, contre l’indifférence et la paresse pastorale, contre la distanciation actuelle entre les destinataires et nous, et la voie royale qui nous éloigne du carriérisme qui se déguise en cléricalisme dans le monde religieux.
A l’école de l’ange Raphaël et de Zatti, nous découvrons que pour nous, Salésiens de Don Bosco, nous aussi nous sommes porteurs de la Bonne nouvelle qui consiste souvent, comme Jésus l’annonçait dans la synagogue (Luc 4) à guérir et restaurer. Cette fonction « médicale » est une partie importante de notre mission au service des jeunes et des pauvres. Et si la « maladie », comme la pauvreté peut emprunter différents visages, nous, Salésiens en général, et les Salésiens coadjuteurs en particulier, sommes connus pour les différents combats contre les maux et formes diverses de précarité, d’où notre immense travail dans les écoles, les orphelinats, les hôpitaux, les oratoires et les ateliers et laboratoires de nos centres de formation professionnelle et de nos lycées techniques. Et dans notre Région comme dans la Congrégation, plusieurs provinces, œuvres et membres de la Famille salésienne sont également impliqués dans les activités directement relatives à la santé, y compris les hôpitaux, les cliniques et les centres de soins pour les personnes âgées. La santé est considérée comme un aspect important du bien-être des jeunes et des pauvres, et nous tentons, avec Don Variara, avec Zatti et d’autres, de répondre à leurs besoins de manière totale, holistique.
Aujourd’hui, nous avons besoin d’une génération de Salésiens suffisamment enracinés au ciel comme Raphaël, et profondément attachés aux défis de la terre comme Azarias, pour se préoccuper de réconcilier le bien temporel et celui de l’éternité, lutter en faveur de toutes les formes de maladie et de santé, en particulier celles qui touchent les plus vulnérables de notre société. Il nous faut des anges et des compagnons à même de soulager nos maladies physiques, mentales et émotionnelles, ainsi que de problèmes de santé liés à la pauvreté, tels que la malnutrition et l’accès limité aux soins de santé. Nous continuons à travailler pour répondre à ces besoins de manière efficace et holistique, en fournissant des soins de santé de qualité et en travaillant à l’amélioration de la vie des plus vulnérables.

5. Métaphore de la relation éducative et pastorale
Azarias, surnom de l’ange Raphaël, illustre la parfaite la relation éducative entre le coadjuteur salésien et les Tobie ou jeunes d’aujourd’hui. Surtout quand on sait que le surnom Azarias veut dire en fait assistant, auxiliaire, coadjuteur. Donc, de la même manière qu’un ange accompagnait le jeune garçon vers sa maturité, le Coadjuteur peut et doit encourager les jeunes à grandir et mûrir dans leurs relations soit avec leurs pairs, donc dans les relations dites paritaires, mais aussi dans la relation et les devoirs envers la famille et les parents, le monde adulte en général, donc les relations asymétriques. Je nous encourage à relire ce récit formidable du livre de Tobie, et de faire nôtres les sages conseils du vieux Tobith à son fils, et la leçon de vie et religion qu’Azarias donne à la famille réconciliée, avant de remonter vers Dieu – vers celui qui l’avait envoyé. Ce détail est important : aller et retour vers Dieu, celui qui nous envoie, comme ces va-et-vient de l’échelle de Jacob, où les anges font la navette entre ciel et terre, comme pour enseigner aux anges d’aujourd’hui l’union à Dieu et la prédilection pour les démunis de la terre.
Saint Artémide Zatti nous montre comment et combien nous pouvons assimiler parfaitement ce rôle dans notre quotidien : dédiant son existence à aider les plus jeunes et plus pauvres, il faisait bien plus que simplement dispenser des enseignements moraux. Il guidait les jeunes vers une croissance personnelle, reconnaissant leurs capacités intérieures et leur montrant comment les exprimer. En outre, il servait d’exemple en manifestant sa compassion pour les malades et les pauvres ; montrant à travers ses actes qu’il est possible de changer le monde autour de nous grâce à l’amour, au don de soi et au sacrifice.
Le Salésien coadjuteur est peut-être minoritaire du point de vue statistique (en Afrique 9% dans les provinces les plus riches). Et pourtant il se trouve dans une position charnière privilégiée pour appréhender ce modèle admirable en s’envolant vers les périphéries de la mission avec et comme l’ange gardien, marcher sur les chemins des dimensions terriennes et laïques de la vie, et « pédaler » avec Zatti pour se rendre au chevet des nécessiteux, en toute humilité et sans l’arrogance des gros moyens et de l’arsenal de certains pasteurs d’aujourd’hui. Ainsi peuvent-ils imiter le Guide céleste mis à disposition par Dieu dans l’histoire de Tobie : motiver une obéissance douce envers son père vieillard et aveugle, l’initier face aux adversités du voyage, ainsi qu’à prendre avec courage une décision importante pour son avenir, la confiance en Dieu dans les moments décisifs, en un  mot un courage impressionnant et une empathie profonde qui permettra au garçon une croissance harmonieuse conduisant vers une autonomie réfléchie, bien que ses parents, qui anticipent dans leur inquiétude la parabole de l’enfant prodigue, l’attendaient chaque jour en se préoccupant. Mais le texte dit que le jeune Tobie connaissait le cœur de son père et l’inquiète tendresse de sa mère.

Conclusion
« Je suis Raphaël, l’un des sept anges présents devant la gloire du Seigneur. Ne craignez pas! La paix soit avec vous et bénissez Dieu à jamais. N’ayez pas peur de ce que vous avez vu, car c’était une apparence. Bénissez le Seigneur, célébrez-le et écrivez ce qui vous est arrivé. »

Raphaël se définit à la fin de l’histoire comme un sacrement de la présence de Dieu auprès de Tobie. Exactement ce que Jésus a fait et a été, ce que notre fondateur Don Bosco a illustré, et que le Recteur majeur nous recommande dans la troisième priorité de ce sexennat. Être signe de l’ailleurs, « comme si nous voyons l’invisible » nous aussi. L’invisible dans les milieux pourtant très visibles, dans l’école, à la catéchèse, dans les ateliers, ou comme disait Don Rinaldi, dans l’agriculture où certains coadjuteurs savent cultiver et fructifier la terre et la création. Le coadjuteur salésien, quant à lui, est l’une des deux formes de la vocation consacrée salésienne, l’autre étant le prêtre salésien. Selon le CG21, ce ne sont pas de simples individus qui diffusent le message de Don Bosco, mais ses communautés composées de prêtres et de laïcs, fraternellement et profondément unis entre eux, appelés à « vivre et travailler ensemble » (C 49).

La présence significative et complémentaire de clercs et de laïcs salésiens dans la communauté est un élément essentiel de sa physionomie et de sa plénitude apostolique. Nous sommes bien placés cette année, à la lumière de l’Etrenne du Recteur majeur, pour redire que le coadjuteur salésien n’est pas un laïc comme les autres fidèles laïcs de l’Église. Car il est religieux et consacré. Bien évidemment, sa vocation conserve heureusement un rapport réel avec le concept de sécularité et ne fait que l’exalter dans ses plus belles expressions. En ce sens, ce deuxième Congrès régional peut légitimement considérer chacun de nos Salésiens Coadjuteurs comme cet ange, cet archange décrit dans le livre Tobie, qui se tient sans cesse devant la face de Dieu, et qui parcourt les routes du monde, volant au secours de ceux et celles qui sont dans le besoin ou en chemin, et les conduisant jusqu’à la louange et à l’action de grâce. Chaque coadjuteur est ainsi invité à contempler Raphaël qui, dans une kénose admirable, renonce à son rang angélique, et descend fouler les routes poussiéreuses pour accompagner Tobie sur le chemin de l’initiation à l’âge adulte. Cette métaphore invite le Salésien coadjuteur a accompagner les jeunes d’aujourd’hui vers la citoyenneté intégrale de citoyen et de croyant, comme l’a voulu notre fondateur : l’amour des parents (Raphaël exhorte Tobie à obéir à son père), l’engagement social (Raphaël aide Tobie et supervise des opérations miraculeuses pour les malades, la chasteté et l’amour pour épouser Sarra, et la loyauté pour devenir héritier et de son père et de son beau-père Raguel) et le service divin (Raphaël se proclame envoyé directement par Dieu et prodigue des conseils pour honorer et louer Dieu, et pour aimer son prochain).
Comme les messagers (anges) bibliques et les apôtres de l’histoire de l’Eglise, les Salésiens coadjuteurs sont appelés à la disponibilité, pour servir l’unité et l’identité salésienne et la plénitude apostolique en participant activement à la vie et au gouvernement de la Congrégation. Aux cotés de leurs confrères diacres et prêtres, ils accompagnant les jeunes – et d’autres confrères – dans leur consécration et dans leurs engagements éducatifs, en intégrant et en célébrant la diversité au sein de la communauté salésienne. Les coadjuteurs, bien doués, formés et identifiés, sont des piliers pour les jeunes dans leurs parcours de vie souvent compliqués et difficiles, comme l’Archange Raphaël, alias Azarias, a été un pilier, une référence sociale et spirituelle pour Tobie, qui a pu ainsi accomplir sa mission de fils et de futur père. Le long voyage d’initiation de nos jeunes d’Afrique à l’âge adulte est déjà fructueux et le sera davantage s’ils sont accompagnés par des figures significatives et des personnes de confiance comme Azarias, de véritables anges gardiens, des compagnons d’Emmaüs, capables – comme dans nos maisons de formation et dans nos institutions – d’éduquer, de former et d’accompagner. En plus de servir l’unité, l’identité salésienne et la plénitude apostolique au sein de la congrégation salésienne avec tous leurs talents, les coadjuteurs salésiens jouent un rôle très important en tant que guides et mentors pour les jeunes qui cherchent encore leur place dans le monde – une figure semblable à Zatti ou Raphaël qui peut être considérée comme un parent spirituel.




Saint François de Sales. La présence de Marie (8/8)

(suite de l’article précédent)

LA PRESENCE DE MARIE A SAINT FRANÇOIS DE SALES (8/8)

Les premières informations dont nous disposons sur la dévotion à Marie dans la famille de Sales font référence à sa mère, la jeune Françoise de Sionnaz, dévote de la Vierge, fidèle à la prière du Rosaire. L’amour de cette pieuse pratique se transmet à son fils qui, jeune garçon à Annecy, s’inscrit à la Confrérie du Rosaire, s’engageant à en réciter tout ou partie chaque jour. La fidélité au chapelet l’accompagnera toute sa vie.

La dévotion à la Vierge se poursuit pendant ses années parisiennes. « Il entre dans la Congrégation de Marie, qui regroupe l’élite spirituelle des étudiants de leur collège ».

Puis il y a la crise spirituelle qui éclate à la fin de l’année 1586 : pendant plusieurs semaines, il ne mange pas, ne dort pas, se désespère. Il a en tête l’idée d’être abandonné par l’amour de Dieu et de « ne plus jamais pouvoir revoir ton plus beau visage ». Jusqu’à ce qu’un jour de janvier 1587, au retour du pensionnat, il entre dans l’église de Saint-Etienne-des-Grès et accomplit devant la Vierge un acte d’abandon : il récite le Salve Regina et se libère de la tentation et retrouve sa sérénité.

Sa prière et sa dévotion à la Mère de Dieu se sont certainement poursuivies pendant ses années à Padoue : il aura confié à Elle sa vocation au sacerdoce.

Le 18 décembre 1593, il est ordonné prêtre et aura certainement célébré quelques messes dans l’église d’Annecy, dédiée à Notre Dame de Liesse, pour remercier Celle qui l’avait pris et conduit par la main durant ces longues années d’études.

Les années passent et nous arrivons en août 1603, lorsque François reçoit la lettre-invitation de l’archevêque de Bourges pour prêcher le prochain carême à Dijon.
« Notre Congrégation est le fruit du voyage à Dijon », écrit-il à son ami le père Pollien.

C’est pendant ce carême, qui commence le 5 mars 1604, que François rencontre la baronne Jeanne Frémyot de Chantal. Il entame un voyage vers Dieu à la recherche de sa volonté, un voyage qui durera six ans et se terminera le 6 juin 1610, jour de la naissance de la Visitation avec Jeanne et deux autres femmes entrant au noviciat.
« Notre petite Congrégation est vraiment une œuvre du Cœur de Jésus et de Marie » et après un court moment, il a ajouté avec confiance : « Dieu prend soin de ses serviteurs et la Vierge leur fournit ce dont ils ont besoin ».

Ses filles seraient appelées Religieuses de la Visitation de Sainte Marie.
Quatre cents ans après sa fondation, le monastère de la Visitation à Paris écrit que l’Ordre n’a jamais cessé de puiser dans cette scène de l’Évangile tout le meilleur de sa spiritualité.
« La contemplation et la louange du Seigneur, unies au service du prochain ; l’esprit d’action de grâce et l’humilité du Magnificat ; la vraie pauvreté qui se jette avec une confiance infinie dans la bonté du Père ; la disponibilité à l’Esprit ; l’ardeur missionnaire pour révéler la présence du Christ ; la joie dans le Seigneur ; Marie qui garde fidèlement toutes ces choses dans son cœur ».

Jeanne de Chantal résume ainsi l’esprit salésien :  » un esprit de profonde humilité envers Dieu et de grande douceur envers le prochain « , qui sont précisément les vertus qui découlent immédiatement de la contemplation vécue du mystère de la Visitation.
Dans le Traité sur l’esprit de simplicité, François dit à ses Visitandines :
« Nous devons avoir une confiance toute simple, qui nous fait rester tranquilles dans les bras de notre Père et de notre chère Mère, confiants que Notre Seigneur et Notre Dame, notre chère Mère, nous protégeront toujours avec leur soin et leur tendresse maternelle ».
La Visitation est le monument vivant de l’amour de François pour la Mère de Jésus.

Son ami Monseigneur J.P. Camus résume ainsi l’amour de François pour la Vierge : « Sa dévotion à la Mère de l’amour splendide, de la science, de l’amour chaste et de la sainte espérance était vraiment grande. Dès son plus jeune âge, il s’est consacré à l’honorer ».

Dans les lettres, la présence de Marie est comme le levain dans la pâte : discret, silencieux, actif et efficace. Les prières composées par François lui-même ne manquent pas.

Le 8 décembre (!) 1621, il en envoie une à une visitandine :
« La très glorieuse Vierge, qu’elle nous comble de son amour, afin qu’ensemble, vous et moi, qui avons eu la chance d’être appelés et embarqués sous sa protection et en son nom, nous accomplissions saintement notre navigation dans l’humble pureté et simplicité, pour nous retrouver un jour dans le port du salut, qui est le Paradis ».

Lorsqu’il écrit des lettres autour d’une fête mariale, il ne manque pas une occasion de la mentionner ou de prendre un temps de réflexion. Ainsi,
– pour l’Assomption de Marie au ciel : « Que cette sainte Vierge, par ses prières, nous fasse vivre dans ce saint amour ! Qu’elle soit toujours l’unique objet de notre cœur.
– pour l’Annonciation : c’est le jour « de la salutation la plus bénie jamais donnée à une personne ». Je supplie cette glorieuse Vierge de vous accorder un peu de la consolation qu’elle a reçue ».

Qui est Marie pour François ?

a. Elle est la Mère de Dieu
Pas seulement mère, mais aussi… grand-mère ! « Honorez, révérez et respectez avec un amour particulier la sainte et glorieuse Vierge Marie : elle est la Mère de notre Père souverain et donc aussi notre chère grand-mère. Ayons recours à elle comme à des petits-enfants, jetons-nous à ses genoux avec une confiance absolue ; à tout moment, en toutes circonstances, faisons appel à cette douce Mère, invoquons son amour maternel et, nous efforçant d’imiter ses vertus, ayons pour elle un sincère cœur d’enfants ».

Elle nous conduit à Jésus : « Faites tout ce qu’il vous dit ! »
« Si nous voulons que la Vierge demande à son Fils de changer l’eau de notre tiédeur en vin de son amour, nous devons faire tout ce qu’il nous dira. Faisons bien ce que le Sauveur nous dira, remplissons bien nos cœurs de l’eau de la pénitence, et cette eau tiède sera changée pour nous en vin d’amour fervent. « 

b. Elle est le modèle que nous devons imiter
En écoutant la Parole de Dieu. « Recevez-la dans votre cœur comme un onguent précieux, à l’exemple de la Sainte Vierge, qui gardait soigneusement en elle toutes les louanges prononcées en l’honneur de son Fils ».

Modèle de vie dans l’humilité.
 » La Très Sainte Vierge, Notre-Dame, nous a donné un exemple d’humilité des plus remarquables lorsqu’elle a prononcé ces mots : Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole ; en disant qu’elle est la servante du Seigneur, elle exprime le plus grand acte d’humilité qui puisse être fait et accomplit immédiatement un acte de générosité des plus excellents, en disant : Qu’il me soit fait selon ta parole « .

Donner l’exemple en vivant une sainteté commune.
« Si l’on veut être un saint de la vraie sainteté, elle doit être commune, quotidienne, journalière comme celle de Notre Seigneur et de Notre Dame ».

Modèle de vie dans la sérénité.
« Si vous vous sentez excessivement inquiet, apaisez votre âme et essayez de lui rendre sa tranquillité. Imaginez comment la Vierge travaillait calmement d’une main, tandis que de l’autre elle tenait Notre Seigneur, pendant son enfance : elle le tenait sur un bras, sans jamais détacher son regard de Lui ».

Modèle en se donnant à Dieu dans le temps.
 « Oh combien sont heureuses les âmes qui, à l’imitation de cette sainte Vierge, se consacrent comme prémices, dès leur jeunesse, au service de Notre Seigneur ».

c. La force dans la souffrance
Le mari de la Dame de Granieu souffre de crises de goutte très douloureuses.
François partage la souffrance de ce monsieur et ajoute :
« Une douleur que notre très sainte Dame et Abbesse (c’est la Vierge Marie) peut grandement soulager en vous conduisant au Mont Calvaire, où elle tient le noviciat de son monastère, vous apprenant non seulement à bien souffrir, mais à souffrir avec amour tout ce qui arrive tant pour nous que pour nos proches ».
Je termine par ce beau passage qui souligne le lien qui unit Marie et le croyant chaque fois qu’il s’approche de l’Eucharistie :

« Voulez-vous devenir des parents de la Vierge Marie ? Communiez ! En effet, en recevant le Saint Sacrement, vous recevez la chair de sa chair et le sang de son sang, puisque le précieux corps du Sauveur, qui est dans la divine Eucharistie, a été fait et formé avec son sang très pur et avec la collaboration de l’Esprit Saint. Puisque vous ne pouvez pas être apparenté à la Vierge de la même manière qu’Elisabeth, soyez-le en imitant ses vertus et sa sainte vie ».